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SJCA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 25 mai 1998

• 0734

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Nous allons ouvrir les audiences de la journée. Nous nous excusons du retard. Cela se produit souvent quand nous commençons une semaine à un nouvel endroit.

Nous sommes heureux d'être à St. John's pour cette 29e rencontre du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.

Chers collègues, nous entendrons ce matin des représentants de la Unified Family Court of St. John's (tribunal unifié de la famille de St. John's). Je vais seulement énoncer les noms. La liste des témoins pour le microphone no 9 est impressionnante; je suis sûr qu'il y a eu une erreur.

• 0735

Nous entendrons Cathy Foster, conseillère, de même que Sandra Hefford, une autre conseillère du tribunal. Au microphone 10, nous entendrons Emily Friel, administratrice du tribunal, ainsi que Berkley Reynolds, de la division Child Support Guidelines et anciennement administratrice du tribunal. Enfin, au microphone 12, nous entendrons Nancy Paul, conseillère du tribunal.

Je ne sais pas si vous avez déterminé une façon de procéder. Nous n'en avons pas discuté. Allez-vous parler chacune votre tour?

Mme Emily Friel (administratrice du tribunal, Unified Family Court of St. John's): Je vais présenter le témoignage de cinq minutes.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): OK. Merci. Allez-y.

Mme Emily Friel: Merci. Membres du Sénat et de la Chambre des communes, mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter ce témoignage relativement à la garde et au droit de visite.

Mon nom est Emily Friel. Mes collègues pourront répondre à vos questions, et j'en ferai autant. J'ai été désignée pour présenter une introduction de cinq minutes en leur nom.

Notre document a été rédigé à la suite d'une consultation auprès de représentants de tous les paliers du Unified Family Court, y compris les avocats, qui ont gracieusement accepté de s'entretenir avec nous. Nous avons essayé de rendre compte de points de vue collectifs, fondés sur nos expériences de travail, ce qui ne signifie pas nécessairement que nos collègues étaient d'accord avec tous les détails du document. Il s'agit de questions extrêmement complexes, comme vous le savez, et nous avons eu des discussions très musclées. Nous avons dû travailler très fort pour présenter des vues équilibrées dans le document.

• 0740

Nous avons choisi d'axer le document sur les moyens à prendre pour axer la procédure judiciaire sur les besoins des enfants, parce qu'il s'agit du problème le plus aigu que nous rencontrons actuellement. Nous avons donc choisi de privilégier la présomption de rôle parental partagé, parce que nous croyons que c'est le point commun auquel nous sommes arrivés. J'aimerais répéter que les tribunaux doivent trouver par tous les moyens un équilibre, et nous avons travaillé avec acharnement pour y parvenir.

J'aimerais tout d'abord faire remarquer que nous avons actuellement de la difficulté avec la définition des termes garde et droit de visite. L'application de ces définitions est difficile devant les tribunaux parce qu'elles ne mettent pas les parents sur le même pied. Nous sommes d'accord avec la clause portant sur les «meilleurs intérêts des enfants», bien qu'elle souffre actuellement de certains défauts quant aux définitions.

J'expose ces considérations dans le document que je vous ai remis. J'utiliserai les quelques minutes qui me restent pour vous faire part de certaines réflexions empiriques sur les points qui nous préoccupent actuellement.

Supposons qu'une personne envisage une séparation ou un divorce. Cette personne est aussi un parent. Elle consulte un avocat afin de se préparer à cet important changement de vie. La loi actuelle lui dit que les biens matrimoniaux seront divisés en deux. Quelques ajustements sont possibles mais, que vous soyez d'accord ou non, que ce soit juste ou non, ou que vous pensiez que ce soit juste ou non, les biens seront séparés 50-50. La personne peut donc s'appuyer sur un cadre pour envisager la division. La loi indique aussi à cette même personne, en ce qui a trait à son rôle parental, les possibilités quant à la garde des enfants. On lui conseille donc d'établir un avantage quant à cette garde. C'est peut-être un cas extrême, mais on lui dit réellement de prendre les enfants pendant trois jours afin d'établir la garde de fait; d'aller à la maison et de tout prendre, y compris les ampoules électriques—parce que vous en aurez besoin si vous avez les enfants.

C'est quand cette personne se présente devant le tribunal que la confusion commence. En ce qui concerne les biens matrimoniaux, on suit en général les règles qu'on leur a indiquées dès le début, soit la division 50-50. Mais quand on en vient aux enfants, nous leur disons quand ils arrivent au tribunal: «Vous continuez d'être des parents ensemble, et vous devez continuer d'assumer la responsabilité de vos enfants. Nous vous encourageons à collaborer au moyen des mécanismes de médiation, ou d'en arriver à une entente sur un plan parental partagé. Vous minimiserez ainsi les dommages subis par vos enfants et, bien qu'ils ne fassent plus partie d'une famille traditionnelle, ils pourront au moins avoir un sentiment de sécurité en entretenant des liens stables avec les deux parents.» Le tribunal leur livre donc le message suivant: «Nous vous encourageons fortement à collaborer en tant que parents, et de ne pas vous acharner sur les questions relatives à la garde.»

• 0745

Les parties, après être passées au travers de tous les méandres du processus, ne savent plus qui croire ou à qui faire confiance parce qu'elles sont confuses. Elles se retrouvent dans un tel état émotif qu'elles en arrivent à croire qu'il faut se battre pour les enfants, ou pour avoir le droit d'être le parent unique de ces enfants. Elles reçoivent les instructions d'un conseiller juridique. Elles désirent obtenir la garde et, en vertu de la loi sur la garde et le droit de visite, le conseiller a tout à fait raison de leur recommander de prendre l'avantage.

À notre avis, c'est de là que proviennent tous les problèmes au tribunal. On leur a conseillé à juste titre aux termes de la loi existante de prendre l'avantage et, quand les personnes arrivent devant nous, nous leur disons que cet avantage ne nous intéresse pas, que ce sont les besoins des enfants qu'il faut considérer avant tout.

C'est là que le bât blesse. Nous croyons que la loi doit nous permettre à tous—les parents et nous—de donner et recevoir comme premier conseil le fait que le rôle de parent dure toute la vie, et que ce rôle leur est incombe sauf si un jugement restrictif est émis par la cour. L'autre parent est considéré de la même façon à moins d'une ordonnance de la cour.

Nous voulons aussi que les conseillers juridiques disent à leurs clients que le tribunal verra d'un bon «il une attitude de coopération, ou du moins s'il consulte l'autre parent en vue d'établir un plan parental. C'est le genre de changement qui assurerait un point de départ plus équilibré. Certains déséquilibres inhérents à la procédure actuelle de divorce pourraient peut-être être évités, et cela créerait des conditions beaucoup plus favorables à l'adaptation de tous les membres de la famille à la nouvelle situation.

Nous croyons au tribunal que ce changement serait un appui inestimable pour nous aider à amener les parents à se centrer sur leurs enfants. C'est pour ces raisons que nous recommandons que la loi soit amendée afin de reconnaître la continuité du rôle parental après un divorce, et qu'elle constitue un outil et donne des directives aux tribunaux en ce sens.

Merci. Nous serons heureux de répondre à vos questions sur le document qui vous a été remis.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Il y aura certainement des questions. Nous commencerons par le Dr Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup. Votre témoignage est très complet.

Nous sommes contents de vous entendre dire que vous trouvez le sujet très complexe vous aussi. Il est très intéressant de constater que ceux qui travaillent à ces dossiers chaque jour ont des points de vue différents.

Je vous remercie aussi pour votre petite histoire, parce que c'est justement l'aspect empirique que nous tentons de cerner. Nous aimerions savoir si vous pensez que les avocats peuvent être complètement mis de côté ou comment, à partir du moment où des gens décident de se séparer, vous pouvez vous assurer qu'ils comprennent tous les tenants et les aboutissants de l'affaire.

• 0750

J'apprécie le terme «prendre l'avantage». C'est une autre façon de voir les choses, qui est très éloquente. Nous avons entendu maintes fois que les enfants ont des droits et que les responsabilités des parents ne s'arrêtent jamais. Votre idée relative au maintien de la qualité de parent est particulièrement utile.

J'aimerais que vous apportiez des éclaircissements sur deux sujets.

L'éducation de la population est un aspect important. Pourriez-vous me parler de ce qui est fait en ce sens? Certains tribunaux montrent un film vidéo. Comment informez-vous les personnes qui se présentent devant votre tribunal quant aux choix dont elles disposent?

J'aimerais aussi aborder la section de votre document qui traite de la violence, des abus et de l'aliénation parentale. Je crois que les tribunaux doivent avant tout se préoccuper des allégations de violence, et que les autres types d'allégations peuvent être traités par un autre mécanisme tels que la médiation ou d'autres mécanismes extrajudiciaires de résolution des litiges.

Mme Emily Friel: Je vais laisser Cathy Foster, responsable du programme d'éducation parentale, répondre à la première question. Je répondrai à la suivante.

Mme Cathy Foster (conseillère du tribunal, Unified Family Court of St. John's): Tout récemment, nous avons eu la chance de mettre en oeuvre le programme d'éducation parentale. Il a pour thème «Laissez vos enfants en dehors de vos disputes».

Nous espérons que les gens pourront recevoir l'information assez tôt dans le processus de séparation, avant qu'ils ne soient emprisonnés dans leurs positions... et de préférence, avant qu'ils ne mettent le pied dans l'engrenage de l'appareil judiciaire qui, par nature, repose sur l'accusation. Nous avons semé les premières graines.

Auparavant, nous avons fait de l'éducation individuelle auprès des clients qui viennent en médiation. Mais cette méthode est très restreinte, et jamais assez précoce.

Nous espérons que le programme deviendra obligatoire pour tous les parents.

Mme Carolyn Bennett: S'agit-il d'un groupe qui tient des rencontres régulières? Comment les gens sont-ils informés de l'existence du programme? Peuvent-ils entamer une procédure sans suivre le programme?

Mme Cathy Foster: Actuellement, nous en sommes aux essais pilote. Nous en sommes tout juste au troisième séminaire. Le programme comporte trois séminaires, de deux heures chacun, à raison de un par semaine pendant trois semaines, soit six heures au total. Nous en sommes encore aux balbutiements. Aucune publicité n'a été faite; c'est le tribunal qui nous réfère les participants. Les gens viennent en médiation, au service d'inscription, etc. Si la population connaissait le programme, elle nous enverrait certainement des participants. Nous souhaitons que le programme devienne obligatoire avant toute poursuite en justice.

Mme Emily Friel: Vous traitez les questions les plus difficiles pour le tribunal, et pour lesquelles il est le plus difficile d'écrire quoi que ce soit. Comme je l'ai déjà dit, nous avons eu des débats très épiques sur la violence familiale, une situation extrêmement difficile pour ceux qui la vivent, et extrêmement difficile à traiter en cour.

Certaines de ces discussions ont eu lieu avec des membres du corps judiciaire, qui ne sont pas nécessairement représentatifs de l'ensemble de la profession. Tout un chacun entretient de sérieuses inquiétudes au sujet de la violence familiale, et chacun veut protéger les parties impliquées. C'est clair.

La confusion naît quand vient le temps d'élaborer des modalités parentales après le divorce. Les opinions que vous avez probablement entendues partout au pays sont aussi émises lors de nos discussions mais, en tant que tribunal, nous devons chercher un équilibre. À la suite de ses travaux, notre groupe en a déduit que cet équilibre est plus facile à atteindre si on examine chaque situation et que l'on accorde à chacun le mérite individuel après le divorce.

• 0755

Ainsi—et bien que l'on puisse avoir peur de simplement faire la remarque—«dans les cas de violence familiale, faut-il automatiquement considérer que le parent perd sa qualité de parent, sauf en ce qui concerne le versement d'une pension?». Le tribunal n'a pas le choix de chercher l'équilibre dans les points de vue. Après le divorce, il n'est jamais question de justifier la violence familiale. Par contre, les circonstances de la vie sont telles qu'il devient important de ne pas porter de nouveau préjudice aux enfants en leur faisant subir des pertes.

Si, après un divorce, il y violence ou menaces ou quoi que ce soit du même acabit, il faut tenir compte de ces circonstances. Mais c'est beaucoup plus facile, parce que c'est évident. On peut s'appuyer sur des faits. Le tribunal peut rendre restreindre la qualité de parent en vertu de ces faits.

Une autre difficulté se pose lors de la transition, après qu'une des parties a quitté la situation de violence familiale. Dans de nombreux cas, il n'y a pas récidive. L'état émotif des parties est lamentable, elles endurent beaucoup de stress et de souffrance, ce qui rend la décision très difficile pour le tribunal.

À notre avis—cet avis n'est pas partagé par tous ceux qui ont participé aux discussions—, du point de vue du tribunal, il n'est pas possible d'inférer qu'une personne ne peut pas jouer son rôle de parent dans ces circonstances.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Merci.

Ma collègue a très bien exprimé notre appréciation de votre témoignage, et je me garderai de m'étendre indûment là-dessus. Je voudrais simplement vous faire part de notre remerciement collectif.

J'ai remarqué que la plupart de vos recommandations—toutes sauf une, je crois—font aussi partie des recommandations énoncées par la Division du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien.

J'ai plusieurs questions. Premièrement, j'aimerais que vous m'expliquiez l'expression «meilleur intérêt des enfants». C'est le sujet central de ce Comité, et ce dont nous entendons parler par tous les témoins, quelle que soit leur expérience. Mais la Loi sur le divorce actuelle ne définit pas clairement cette notion.

Croyez-vous que la loi doit fournir aux juges une liste des facteurs définissant clairement ce que sont les meilleurs intérêts de l'enfant quand vient le moment d'appliquer la loi et, le cas échéant, avez-vous des recommandations précises quant aux critères à inclure?

Mme Emily Friel: Je céderai volontiers la parole si quelqu'un d'autre voulait bien répondre à cette question.

C'est une question difficile, pour vous autant que pour nous. Vous parlez des «meilleurs intérêts», un terme très large. Il laisse la latitude suffisante pour prendre des décisions qui influeront sur la vie personnelle des gens, qui varie beaucoup d'un cas à l'autre. Toutefois, il semble que les tribunaux souhaitent que l'on définisse mieux cette expression; peut-être cherchent-ils une plus grande cohérence et une certaine uniformité, ou veulent-ils s'appuyer sur des principes établis.

Une autre façon de voir le problème—c'est une simple suggestion—est que, au lieu d'établir la liste des meilleurs intérêts des enfants en détail, il faudrait tout d'abord faire un énoncé de principes. C'est cet énoncé qui manque aux tribunaux.

Toute loi est fondée sur un énoncé de principes. Celui-ci a une portée philosophique, et décrit la façon juste dont les choses doivent se dérouler. Je ne sais pas ce qui est le mieux, à vrai dire. Je ne suis pas juge; ce sont les juges qui doivent trouver le juste milieu.

C'est l'une des suggestions que je peux faire. Si une liste des meilleurs intérêts est trop spécifique et exclut des éléments essentiels, un énoncé de principes pourrait suggérer ou établir ce que signifie la notion meilleurs intérêts.

Je serai heureuse de laisser la parole à ce sujet à une autre personne.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Quelqu'un d'autre veut-il commenter sur ce sujet?

• 0800

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Pourrais-je ajouter une question, pour clarifier?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.

Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup.

En ce qui a trait aux principes et aux énoncés de principes, comment voyez-vous la Convention relative aux droits de l'enfant? La connaissez-vous? Savez-vous si elle énonce des principes et des déclarations, ainsi que des prescriptions sur lesquels on pourrait s'appuyer? Ou au contraire, croyez-vous qu'elle est trop vague, ou qu'elle ne s'applique pas vraiment au contexte canadien? Elle a une portée universelle, mais elle n'a pas été élaborée précisément pour le Canada. Le mot divorce n'y apparaît même pas.

Mme Emily Friel: Il faudrait que je l'aie sous les yeux pour bien répondre à votre question. Mais je crois qu'elle pourrait donner des orientations quant aux difficultés générales auxquelles vous êtes confrontés—selon ce que j'ai lu dans le Globe and Mail.

Vous connaissez la direction du vent actuellement au pays? Il souffle, c'est sûr, parce que nous voulons des changements, et les tribunaux veulent des changements quant aux directives qu'ils reçoivent. Si le courant souffle vers une plus grande ouverture, oui, je crois que la convention comporte beaucoup de données qui pourraient nous être utiles. Mais si on va dans un sens, on doit faire des compromis dans l'autre. C'est le centre du débat actuellement.

Je crois donc que beaucoup d'information pourrait être utile.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

Voici l'autre partie de ma question. Je veux être bien au clair à ce sujet. Certains témoins nous ont parlé du domicile conjugal, et des préjudices subis par un enfant quand deux parents qui sont à couteaux tirés vivent dans le même foyer pour des raisons de tactiques judiciaires.

Je me demandais ce que vous en pensiez. Est-ce juste pour l'enfant? Nous parlons de leurs meilleurs intérêts, mais nous les plaçons au coeur de la zone des hostilités. Je crois qu'il faut se poser des questions à ce sujet.

Pour ma part, j'ai vu des amis dans cette situation, et j'ai entendu des témoins en parler.

Quelqu'un voudrait-il élaborer sur ce sujet?

Mme Cathy Foster: C'est un très bon exemple qui découle des conseils concernant la prise de l'avantage. Nous avons aussi vu de telles situations. Non seulement l'enfant subit-il un stress énorme, mais les adultes aussi sont sur la corde raide. Cela contribue à augmenter le potentiel de violence entre les adultes.

La sénatrice Erminie Cohen: Faut-il exposer ce sujet aux juges qui viendront témoigner? Que recommandez-vous? Comment peut-on changer cette situation?

Mme Emily Friel: On a réussi à changer les choses pour les biens matrimoniaux en établissant une entente. C'est vraiment tout ce que l'on peut faire à ce sujet je crois. On ne peut changer les circonstances de vie des personnes en cause, parce qu'elles sont au coeur d'un terrible combat à ce moment. Le fardeau émotionnel est trop important.

Pour changer la situation, à notre avis, il faut les informer que, s'ils quittent pour alléger la situation... Comme je l'ai mentionné dans l'exemple cité, le principe demeure le même: la qualité de parent perdure. Leur qualité de parent n'a fait l'objet d'aucune restriction. Cependant, si un parent quitte la maison afin d'améliorer les conditions de vie de l'enfant—ils ne peuvent le faire actuellement. Ils ne peuvent prendre ce risque. À partir du moment où ils quittent le foyer, ils perdent l'avantage.

La sénatrice Erminie Cohen: Voilà pourquoi le plan d'éducation parentale est si important dès le début.

Mme Emily Friel: Et c'est pourquoi la présomption de garde partagée est encore plus importante parce que, quand ils commencent à suivre le plan d'éducation parentale, c'est perdu. Où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Si une personne a quitté le foyer pour alléger le contexte familial, et fait donc preuve d'amour envers les enfants, elle a perdu l'avantage. Elle subit par sa faute la perte de l'avantage. Faites-lui suivre tous les programmes d'éducation parentale que vous voudrez, c'est inutile. Elle n'a plus l'avantage. C'est la personne B qui a l'avantage, et celle-ci n'a pas à suivre de programme d'éducation parentale.

C'est là le problème, à notre avis—la personne qui quitte la maison doit garder les mêmes responsabilités et continuer d'entretenir les mêmes liens avec ses enfants. Nous en avons la profonde conviction.

• 0805

Si ce principe était stipulé dans la loi, les personnes pourraient obtenir des conseils juridiques appropriés. Aux termes de la loi, elles conserveraient leur qualité de parent, au même titre que l'autre parent. Même si elles ont décidé de changer leur façon de vivre afin d'alléger le contexte de vie de leurs enfants, on attend d'elles qu'elles restent centrées sur les enfants durant tout le processus de règlement. Au tribunal, le juge ne dérogera jamais à ce principe.

Voilà pourquoi nous continuons de promouvoir la présomption de garde partagée. Le problème ne survient pas soudainement à la porte du tribunal. Il commence bien avant. Quand les parties arrivent devant le tribunal, le déséquilibre est déjà important.

La sénatrice Erminie Cohen: C'est vrai. Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

Voilà un excellent document. J'imagine que cette qualité découle du fait qu'il a été rédigé par des personnes qui travaillent au front et qui ont dû se pencher depuis longtemps sur ces problèmes. Votre document est sans contredit le résultat de votre expérience. J'ai été très impressionné.

J'aimerais poursuivre sur le concept de la garde partagée. Je lis dans un petit extrait de votre document qu'un concept, appliqué dans un tribunal de la famille, détruit la plupart du temps la confiance qui pouvait exister, ou qui du moins pourrait être développée, entre deux parents quand il y a amorce d'une réelle garde partagée. C'est le concept de l'avantage, comme vous l'appelez. Ce thème a été discuté ici auparavant, ainsi que le scénario perdant-gagnant qui s'installe souvent quand des gens vont en cour et remettent leur cas entre les mains des avocats.

Votre première recommandation sur la garde partagée énonce le fait que, dans notre société occidentale—du moins, auparavant—, le père était chargé d'assurer le soutien financier de la famille. Vous continuez en disant que, actuellement, les deux parents apportent leur contribution financière et les deux prodiguent des soins aux enfants, et la loi sur le divorce devrait tenir compte de ces changements. Il faut promouvoir la présomption de garde partagée après une séparation ou un divorce, qui englobe le soutien financier et émotionnel.

Nous avons entendu peu de propos, ou du moins, j'ai entendu peu de choses, à ce sujet. Je crois que l'idée d'imbriquer l'aspect financier dans le rôle parental partagé est excellente, en règle générale. Pour en revenir à ma question, il y avait un seul foyer auparavant et le revenu servait à entretenir un seul foyer. Après une séparation, il y a vraisemblablement deux foyers, et il semble qu'on s'attende à conserver le même style de vie et le même niveau de vie. Il faut entretenir deux foyers, peut-être deux chambres, deux séries de jouets, etc., mais il n'y a pas plus d'argent. Si on voit les choses sous cet angle, je ne vois pas comment on peut continuer à vivre comme avant.

J'essaie de formuler une question claire; en fait, je réfléchis tout haut. En raison des conditions de notre monde moderne, nous pourrions adopter la voie de la garde partagée, comme vous nous le recommandez mais, si on fait fi de l'aspect financier, peut-on vraiment s'attendre à une réussite? Si on recommande la garde partagée, mais qu'on ne fait rien au sujet de la partie financière, ne va-t-on pas une fois de plus se trouver dans une situation accusatoire où il faut déterminer un gagnant et un perdant, et forcer les parties à prendre l'avantage? Je ne vois pas comment on peut encourager un aspect sans tenir compte de l'autre et parler de garde partagée.

Mme Emily Friel: Berk, vous êtes le représentant de la division des directives relatives aux pensions alimentaires à Terre-Neuve. Vous pourrez certainement répondre à cette question.

M. Berkley Reynolds (anciennement administrateur du tribunal; directives en matière de pensions alimentaires, Unified Family Court of St. John's): J'imagine que cette question touche dans une certaine mesure les directives relatives aux pensions alimentaires. Il est exact que, dans de nombreux cas, il manquait d'argent pour subvenir aux besoins du foyer, et il faut donc se poser la question suivante: quand il y a séparation, comment peut-on séparer le budget aussi?

• 0810

On peut trouver une réponse en se fondant sur les directives en matière de pensions alimentaires et sur le principe de la division 50-50 et de la garde partagée, mais on ne réglera pas le problème du manque d'argent. Nous avons eu connaissance de problèmes liés à la division 40-60, recommandée dans les directives relatives aux pensions alimentaires. La division 50-50 crée le même problème, mais à un autre degré. Nous n'avons pas de réponses définitives, mais nous savons qu'il y a des problèmes. Si le ménage manquait d'argent avant, le problème reste entier après.

Mme Emily Friel: Je pourrais ajouter à ce sujet que nous avons suivi une formation la semaine dernière sur les directives en matière de pensions alimentaires. Les intervenants de toute la province ont fait part de leurs commentaires. Bien entendu, ils avaient reçu le mandat de revenir avec des méthodes pour établir le montant des pensions. Techniquement, ils peuvent exiger seulement la déclaration du payeur.

Mais, à l'examen, on s'est rendu compte qu'il fallait établir l'état de compte des deux parties. Ainsi, on peut établir la participation de chacun et on déclare clairement que les deux parties sont responsables du bien-être des enfants. Si vous avez choisi d'élever vos enfants dans deux foyers distincts, le tribunal doit s'assurer tout d'abord—du moins le tribunal unifié de la famille—que les enfants ont des conditions de vie acceptables dans les deux foyers. Comment peut-on y arriver ensemble?

Bien que les montants soient établis de la façon la plus équitable possible, ce qui constitue un élément positif et très utile aux yeux du tribunal, il reste que une seule personne doit produire de l'information financière. Il faudrait établir des principes selon lesquels la responsabilité des enfants incombe aux deux parties, y compris l'obligation alimentaire et le soutien financier, entre autres.

M. Eric Lowther: C'est un point clé, je crois. Quand on déclare que les deux parties partagent les responsabilités, on ne parle pas uniquement des soins donnés; on parle aussi du soutien financier.

Mme Emily Friel: Oui, bien entendu. À Terre-Neuve, on a vu défiler devant les tribunaux un nombre assez important de femmes qui versent des pensions alimentaires parce qu'elles occupent un emploi professionnel et que leur conjoint exerce un travail saisonnier. Il faut à mon avis établir un principe de base en vertu duquel les deux parties sont responsables des enfants.

M. Eric Lowther: Je m'excuse, je ne connais pas les lois particulières à cette province, mais quelqu'un m'a dit que, s'il y a entente de garde partagée moitié-moitié, les deux parties ne sont pas tenues de verser la même pension si la division 50-50...

Mme Emily Friel: J'ai poussé cette situation à l'extrême dans le document. C'est l'un des aspects des directives en matière de pensions alimentaires qui doit être revu. Si vous poussez à l'extrême les modalités 40-60, ce que j'ai fait à la p. 7, vous constaterez que l'écart de versement pour une différence de 3 nuits, ce qui détermine la garde à 40 p. 100 au lieu de 50 p. 100, pour un père de 4 enfants, peut s'élever à 154 $ par jour. Ces pères ne peuvent se concentrer sur les besoins de leurs enfants parce qu'ils sont trop en colère contre le système.

M. Eric Lowther: La lutte financière est donc...

Mme Emily Friel: Elle prend toute la place.

M. Eric Lowther: ...elle prévaut sur le soin des enfants en raison de ce système tordu.

Mme Emily Friel: Il y a tordu et tordu—il était vraiment tordu auparavant. Je crois que le gouvernement a fait beaucoup d'efforts parce qu'il y a actuellement une certaine justice dans tout le pays.

Je ne renie pas ces améliorations. Tout ce que je dis, c'est qu'il faut faire quelques ajustements, à la lumière des expériences de chacun. Un aspect dont il faut vraiment se préoccuper est la division 40-60, parce que seulement 10 p. 100 séparent 40 p. 100 et 50 p. 100. Mais cet écart équivaut à des grandes différences dans la réalité.

M. Eric Lowther: Vous recommandez donc d'abroger cette mesure et d'appliquer des mesures visant le soutien financier partagé par les parents. Je vous ai bien compris?

Mme Emily Friel: Oui, et de se préoccuper avant tout des besoins des enfants.

M. Eric Lowther: Il faut pour cela examiner les états financiers des deux parties, et s'appuyer sur ces faits au lieu d'établir des montants en vertu de principes arbitraires 60-40 ou 50-50. Ces mesures semblent contribuer uniquement à éloigner les parties.

• 0815

Mme Emily Friel: C'est bel et bien ce qui arrive.

Je crois que vous aurez besoin d'un cadre de travail. Je ne vous propose pas d'éliminer les directives comptables. Je crois simplement qu'il faudrait exiger de l'information financière des deux parties. Cette mesure aurait au moins le mérite de suggérer aux deux parties qu'elles sont responsables de leurs enfants sur le plan financier, et qu'il leur incombe d'en prendre soin.

M. Eric Lowther: J'aimerais aborder en dernier lieu la médiation obligatoire. Êtes-vous en faveur de cette mesure? Vous avez parlé de la médiation en termes positifs.

Mme Emily Friel: La médiation est une bonne mesure. Elle est très utile dans la plupart des cas, des situations moyennes.

Mais dans les cas dont nous avons parlé ici—violence familiale et aliénation parentale—l'obligation s'applique malheureusement à tout le monde. Pourquoi ne pas «suggérer fortement»? Je n'ai pas d'opinion arrêtée à ce sujet, mais je ne suis pas en faveur de la médiation obligatoire. Cela me semble une antithèse.

La sénatrice Erminie Cohen: J'ai une autre question.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui, je sais. Mais Mme Finestone en a une aussi.

Mme Sheila Finestone: L'information que nous recevons est très utile.

Premièrement, j'aborderai la question de la révision du projet de loi C-41 sur les mécanismes de soutien et les directives données aux juges. Chaque province, selon ce que j'ai compris du projet de loi, pourra décider des modalités relatives aux refuges ruraux ou urbains. Et chaque province impose probablement des modalités de versement de pension à la famille et pour le payeur.

Premièrement, le barème n'a-t-il pas été établi pour la province de Terre-Neuve? Deuxièmement, les juges n'ont-ils pas le droit de revoir la décision relative aux payeurs et aux bénéficiaires et de modifier l'ordonnance du tribunal? Enfin, devrait-on avoir à retourner en cour ou devrait-il y avoir une structure administrative associée à la médiation, qui permettrait de modifier les décisions concernant le soutien financier et physique, si une famille déménage, ou dans le cas d'une reconstitution de famille?

Mme Emily Friel: Je crois que Berkley pourra répondre aux deux premières questions, parce qu'il s'occupe des demandes de pensions.

M. Berkley Reynolds: Terre-Neuve s'est en effet dotée de directives en matière de pensions alimentaires depuis le 1er avril dernier. Les barèmes sont restés les mêmes, mais nous nous sommes penchés sur la divulgation d'information financière. Il y a maintenant obligation pour les deux parties de produire cette information, dès le début.

Mme Sheila Finestone: C'est donc une loi provinciale. Voici l'aspect qui intéresse ce Comité: les responsabilités aux termes de la Loi sur le divorce sont partagées entre le fédéral, les provinces et les territoires. Il y a la loi, et il y a le domaine d'application de la loi. Ce dernier aspect relève de vos compétences. Avez-vous le droit de modifier ce barème de versements obligatoires? Devez-vous vous présenter devant un juge?

M. Berkley Reynolds: Non. Cela relève de la compétence judiciaire. Je parlerai du paragraphe 25(1). Je crois que c'est ce que vous entendez par mécanisme administratif.

Mme Sheila Finestone: Oui.

M. Berkley Reynolds: Je traiterai tout d'abord des barèmes et des interactions des deux lois, soit la Family Law Act, la loi provinciale qui s'applique en matière de pensions alimentaires, et la Loi sur le divorce, la loi fédérale, bien entendu. Les directives que nous avons énoncées sont assujetties à la loi provinciale. J'ai déjà mentionné la production mutuelle de l'information financière. La prochaine étape est d'obtenir une désignation d'Ottawa relativement à l'application des directives en vertu des deux lois.

Mme Sheila Finestone: Vous devez obtenir une désignation d'Ottawa?

M. Berkley Reynolds: Oui, il faut obtenir une désignation d'Ottawa.

Nous rencontrerons les responsables. Je fais partie du groupe de travail fédéral-provincial-territorial. C'est l'un des dossiers que nous traiterons la semaine prochaine.

Actuellement, nous pouvons faire appliquer les directives en vertu de la Family Law Act, pour les cas où il n'y a pas divorce. Dans dix jours, j'espère, j'aurai obtenu une réponse quant au processus de désignation. Nous travaillons à ce processus parce qu'il est différent.

Mme Sheila Finestone: Parlez-vous de la famille du conjoint?

[en français]. Comment dit-on la famille du conjoint

[français] en anglais? Quand un couple n'est pas marié?

Une voix: Common law.

• 0820

Mme Sheila Finestone: Merci. Je ne m'en souvenais plus.

Quel est le pourcentage de conjoints de fait par rapport aux couples mariés qui se présentent en cour?

M. Berkley Reynolds: Il faut faire une autre nuance, parce que des personnes peuvent se séparer sans divorcer. La loi s'applique donc non seulement aux unions de fait, mais aussi aux couples mariés qui décident de ne pas divorcer. Puis il y a les secondes unions de fait.

Je parle donc des personnes qui divorcent en vertu de la Loi sur le divorce; des personnes qui, en vertu de la Family Law Act, peuvent être mariées mais choisissent de ne pas divorcer; de personnes vivant en union de fait; ou de personnes qui ont un enfant après une relation brève.

Mme Sheila Finestone: Ce mot compose t'il d'un trait d'union?

Qu'en est-il de l'autre partie?

M. Berkley Reynolds: J'ai des questions concernant le paragraphe 25(1), traitant de la compétence nécessaire pour modifier les versements de pension advenant des changements de situation. À mon avis, il revient au juge de décider si les parents ont la responsabilité de verser une pension alimentaire, et le calcul vient ensuite. Quand il est décidé qu'une personne a une responsabilité, je crois que le paragraphe 25(1) s'applique. La question est ensuite de ressort administratif, non judiciaire.

L'une des plus grandes questions concernait la contradiction entre l'article 96, je crois, qui dit que le juge peut seulement émettre une ordonnance relative à une pension, et le paragraphe 25(1). Je crois que, si le juge dit: «Cette personne est responsable de la pension», les calculs qui s'ensuivent sont d'ordre administratif et, de ce fait, le paragraphe s'applique.

Mme Sheila Finestone: Cela entraîne-t-il des changements au jugement de divorce, aux termes du projet de loi C-41?

M. Berkley Reynolds: Cela dépend de la façon dont on interprète le paragraphe 25(1) et si une charte...

Mme Sheila Finestone: Étant donné vos cinq années d'expérience, vous êtes une perle pour nous parler de l'efficacité de la loi. Aucune loi n'est coulée dans le béton, surtout si elle a subi l'épreuve de l'application. Vous êtes donc des témoins très importants actuellement.

L'une des tâches qui importent pour le Comité est de recommander—ou de ne pas recommander—des amendements au projet de loi C-41. Si vous trouvez que ce qui concerne le tribunal administratif ou l'aspect administratif en général de la Loi sur le divorce entrave le rôle que votre province pourrait jouer sur le plan administratif, nous aimerions beaucoup le savoir.

Si j'ai bien compris, vous ne pouvez pas actuellement dire s'il faut éclaircir le paragraphe 25(1), pour qu'il traite des changements de situation. En fait, ne serait-il pas mieux de ne pas se limiter à l'aspect financier, et de faire en sorte que le projet de loi subséquent comporte des changements sur les rôles parentaux quand il y a changement de domicile? Je crois que, à Terre-Neuve, cela doit être important, parce que je sais que la population y est très mobile.

M. Berkley Reynolds: J'ai fait référence à l'article sur l'aspect financier seulement...

Mme Sheila Finestone: Oui, je sais. Je ne savais pas à qui adresser ma question.

M. Berkley Reynolds: Premièrement, le paragraphe 25(1) est un peu contraignant dans la mesure où, une fois que la décision est arrêtée, nous pouvons faire les calculs.

Emily pourra probablement vous répondre pour ce qui est de la légalité d'une décision concernant les modalités de vie et les rôles parentaux qui ne viendrait pas d'un juge.

Mme Sheila Finestone: J'avais...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé, mais nous sommes très en retard.

Mme Sheila Finestone: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): La sénatrice Cohen posera la dernière question.

La sénatrice Erminie Cohen: Ma question est en rapport avec ce que vous disiez. Je fais partie du comité sénatorial qui étudie les directives relatives au projet de loi C-41, et j'aimerais que ce dernier collabore avec le Comité mixte spécial pour connaître les recommandations qui lui ont été faites par les divers témoins. Ces recommandations répondent à beaucoup de questions de mes collègues.

Mon collègue, M. Lowther, a parlé de la médiation obligatoire. On ne peut pas vraiment imposer la médiation, mais on pourrait adopter le modèle en vigueur en Alberta. Là-bas, les couples doivent assister à une séance de consultation obligatoire, ordonnée par le tribunal, durant laquelle on leur explique les avantages de la médiation.

• 0825

Je crois que ce procédé est beaucoup plus réaliste. Si les deux parents sont vraiment intéressés, ils doivent assister à cette consultation ordonnée par la cour.

Merci.

Mme Emily Friel: Je suis du même avis. Je sais qu'en Alberta, il existe aussi des programmes obligatoires d'éducation parentale. Après un certain nombre de séances, on remet un feuillet qui autorise le couple à se présenter en cour.

Je suis d'accord avec ce procédé. Je suis en faveur de toute modalité visant à éduquer le plus tôt possible les parents, pour leur montrer que la route sur laquelle ils se sont engagés sera longue.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Vos témoignages entament très bien la matinée. À l'instar de plusieurs de mes collègues, j'aimerais souligner la qualité de votre présentation. C'était très intéressant. En fait, je suis d'accord avec la majorité de vos propos.

Des voix: Oh, oh!

Mme Emily Friel: Merci de nous avoir donné la chance de témoigner. Nous l'apprécions beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous avons été très heureux de vous accueillir. Merci.

Nous devons maintenant passer au prochain groupe de témoins—deux groupes en fait. Helen Murphy, Elaine Wychreschuk et Kirsten Schmidt représentent la Provincial Association Against Family Violence. Par après, du Provincial Advisory Council on the Status of Women, nous entendrons Joyce Hancock et Joyce Aylward.

Bienvenue. Je crois que vous allez partager les cinq minutes qui vous sont allouées. C'est libre à vous.

La parole est à vous.

Mme Joyce Hancock (présidente, Provincial Advisory Council on the Status of Women): Bienvenue dans la partie urbaine de la belle province de Terre-Neuve et du Labrador.

Avant de commencer, je sais que vous avez en main des exemplaires de notre exposé, mais nous avons mettrons en relief certains éléments qui, nous croyons, vous permettront de mieux comprendre l'itinéraire qui nous a conduit à notre position actuelle.

Nous ne sommes pas un groupe de recherche. Ce que nous savons, nous l'avons appris de notre expérience dans des centres de femmes, des maisons de transition, des coalitions anti-violence, et à partir de l'expérience de personnes telles que ma collègue Joyce Aylward.

Deux groupes de réflexion ont participé à la préparation du document. Nous avons invité des femmes de différentes parties du Labrador et de Terre-Neuve à nous parler de leur expérience avec la garde et le droit de visite, et à nous livrer leurs commentaires quant à votre mandat. Ce sont les fondements du document.

Nous voulons partager la période qui nous est allouée pour vous expliquer nos antécédents, puis nous répondrons à vos questions. C'est pourquoi nous sommes réunies à cette table.

Mme Helen Murphy (coordinatrice, Provincial Association Against Family Violence): Le travail en groupe sur ce document nous a fait réaliser à quel point il était important de définir, pour notre propre bénéfice et pour celui des autres, nos valeurs et nos croyances dans ce domaine. Nous vous expliquerons donc les bases et l'orientation de nos réflexions.

• 0830

Ce document est articulé autour des valeurs et des croyances que nous partageons en tant que féministes. Nous croyons que le déséquilibre du pouvoir dans les relations résulte du patriarcat institutionnalisé, et tout ce qui s'ensuit. Nous savons que le fait de grandir dans une société patriarcale n'a pas les mêmes incidences pour les femmes et pour les hommes. Nous mesurons perpétuellement, de la façon la plus consciente possible, cette vision du monde dans l'exercice de notre travail et les structures auxquelles nous avons affaire, soit les Églises, les gouvernements et les familles.

Nous croyons aussi que la recherche de l'égalité contribue à la création d'un monde plus équilibré. C'est ce que nous espérons; c'est notre vision. Dans un monde équilibré, les hommes et les femmes sont égaux et collaborent pour protéger l'environnement, donner des soins aux plus jeunes et aux plus vieux, aux handicapés et aux démunis.

Les femmes détiennent des connaissances différentes de celles des hommes, et il est important de reconnaître leur sagesse en matière de soins aux enfants, à la famille ou à la communauté. Nous croyons—c'est vraiment le fondement de notre philosophie—que les enfants ont le droit de vivre et de grandir dans un milieu sûr, sans subir de violence ou craindre les actes violents. Il y a des déséquilibres dans l'exercice du pouvoir, non seulement entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les adultes et les enfants, et le système judiciaire ne tient pas compte de ces déséquilibres; on ne reconnaît pas le rôle primordial des femmes en tant que fournisseuses de soins; on le sous-évalue en fait.

Mais nous ajoutons aussi que les femmes autochtones, handicapées, homosexuelles, de couleur ou immigrées subissent une discrimination encore plus grande.

Voilà pour nos valeurs. Avant d'aborder un autre point crucial, je voulais vous exposer notre historique parce que je vous ai entendu dire que c'était important. Toutefois, nous venons de deux milieux différents, et nous avons des visées différentes quant à une approche «centrée sur l'enfant». Nous parlons aussi du contexte provincial.

La province comporte beaucoup de communautés rurales et isolées. Au cours des dernières années, avec la débâcle dans l'industrie de la pêche à la morue et les changements aux politiques du gouvernement fédéral, l'émigration et la dépendance croissante de la population envers le gouvernement, nous assistons à l'appauvrissement des structures qui viennent en aide à la population.

Je pense surtout aux services judiciaires, de santé, sociaux. Ce sont les structures vers lesquelles les femmes se tournent pour obtenir du soutien. Les ressources ne sont plus suffisantes, et il faut tenir compte de cette nouvelle réalité dans nos décisions, et vous devrez en faire de même lorsque vous ferez des recommandations au nom des citoyens de ce pays. La violence, comme partout ailleurs au pays, est très présente à Terre-Neuve et au Labrador.

Voilà quelques semaines, des femmes autochtones des régions côtières du Labrador ont rencontré le ministre de la Justice. Elles ont été très claires: on accepte dorénavant la violence comme étant un phénomène normal parce qu'il n'y a pas de corps policier en place. Alors, quand on parle des luttes pour la garde, alors que l'on sait qu'aucune autorité judiciaire ne fait appliquer les lois, vous pouvez imaginer ce qui se passe.

J'ai travaillé durant une douzaine d'années dans un centre de femmes dans ma région d'origine. Voilà une année environ, une femme y a été tuée, et les facteurs qui ont conduit à ce crime avaient à voir en grande partie avec des questions de garde et de droit de visite, et à sa disponibilité afin d'assurer que le conjoint voit les enfants. Le procès est en cours. Nous entendons beaucoup parler de ces problèmes.

Nous avons mis de l'avant de plus en plus de mesures pour faire face à la violence, comme vous avez pu le constater à Mount Cashel. Beaucoup de coalitions ont été créées, la province a adopté une stratégie sur la violence. Nous sommes très fiers du travail accompli pour contrer la violence. Mais il reste toujours la pauvreté vécue au quotidien et la survie de la communauté. Les femmes nous répètent, très souvent, qu'elles ne font plus confiance aux structures qui devraient leur donner du soutien.

Nous avons donc senti l'importance, pour ce qui est de la stratégie axée sur l'enfant, de définir très clairement de quoi il en retourne vraiment. Cette notion fait partie de votre mandat et les groupes de réflexion en ont beaucoup discuté. Les femmes en ont beaucoup à dire à ce sujet.

Voilà ce que nous entendons par «une approche axée sur les besoins des enfants»: il s'agit d'une approche holistique qui englobe tous les besoins des enfants, autant physiques, émotionnels, sociaux que spirituels. Quand on parle des besoins physiques, on parle bien entendu de l'aspect matériel. Cela comprend aussi le besoin de maintenir une relation saine et de confiance entre le fournisseur de soins primaires et les enfants.

• 0835

Une approche axée sur les besoins des enfants détermine aussi les conditions de vie. Si on donne la priorité à l'enfant, on doit lui assurer un milieu de vie sûr et sécurisant, libre de toute violence émotionnelle, sexuelle ou physique et—cela est très important—, libre de la crainte de tels gestes.

Une telle approche tient compte de toute la personne, comme nous l'avons déjà dit, qu'il faut reconnaître, soutenir et nourrir. Si on promulgue cette approche, il faut reconnaître que l'enfant vit dans une famille et dans une communauté. Si l'environnement social reçoit la place qui lui revient, on sait que la communauté comprend l'école et les pairs. C'est très important si on veut mettre de l'avant une approche axée sur l'enfant.

Ainsi, on ne tient pas toujours compte du fait qu'un enfant doit prendre des décisions par rapport à son milieu social quand il visite le parent qui n'a pas la garde. Peut-être aurait-il aimé participer à une réunion des scouts ce jour-là. Si on se préoccupe vraiment de l'ensemble des besoins de l'enfant, il faut aussi tenir compte des ces petites choses de la vie.

Et il est important de reconnaître que nous ne parlons pas d'une famille idéale, parce qu'elles n'existent pas quand un divorce survient, surtout si on aborde les questions de garde. Quand la cellule familiale subit des modifications en raison d'une séparation, la famille doit passer au travers d'une période de souffrance et d'un sentiment de perte. Les parents et les enfants souffrent.

L'un des points qui nous tient vraiment à coeur est la division du temps de l'enfant en fonction des besoins des adultes. Nous sommes totalement en désaccord avec cette pratique. À notre point de vue, cette pratique va à l'encontre d'une approche axée sur les besoins de l'enfant. Bien sûr, l'adulte souffre. Mais ce n'est pas de lui dont il faut se préoccuper le plus: c'est de l'enfant.

Nous croyons aussi que les enfants se sentent beaucoup mieux dans un milieu où le fournisseur de soins primaires lui donne un sentiment de sécurité, peut combler ses besoins et prend les décisions importantes. Il est très clair pour nous que l'enfant ne doit pas avoir à prendre les grandes décisions et se sentir responsable de la satisfaction des besoins de chacun.

Mme Joyce Hancock: Quand nous avons demandé aux femmes de nous faire part de leur expérience, nous avons divisé les sujets. Nous leur avons posé des questions dans les domaines de la garde et du droit de visite, des déplacements et de la mobilité, de la violence contre les femmes et les enfants, et du système judiciaire.

Pour ce qui est de la garde et du droit de visite, nous vous citerons les paroles d'une femme, et nous vous ferons notre recommandation à cet effet. Quand nous avons demandé aux femmes de nous parler de la garde et du droit de visite...

    Quand il y a garde partagée, c'est la femme qui est entièrement responsable de l'enfant, mais c'est l'homme qui prend les décisions et qui a donc le contrôle. Par exemple, si elle veut quitter la localité pour un certain temps, il doit donner son accord. Mais il n'a pas à assumer la responsabilité de l'enfant. Tout ce qu'il a à faire, c'est dire son mot sur tout.

    [C'est] une question de contrôle. Ce n'est pas l'enfant qui subit le contrôle, c'est l'autre parent.

Après nos discussions, nous avons élaboré deux recommandations. Nous voulons que soit incorporée dans la loi une disposition quant à la présomption d'un fournisseur de soins primaires, qui serait le parent qui est le plus engagé, qui a le plus d'expérience, et qui connaît le mieux les meilleurs intérêts des enfants.

Les femmes étaient très loquaces par rapport à la «règle des parents amicaux». Elle est coercitive. Les femmes ont peur d'être perçues comme étant peu amicales, même si elles savent qu'elles agissent dans le meilleur intérêt des enfants. Une femme nous a dit:

    «J'ai obtenu la garde exclusive avec droit de visite... La seule raison pour laquelle j'ai permis à leur père de les voir est que j'aurais été perçue comme étant le parent «inamical» autrement.

Nous recommandons que cette règle soit totalement éliminée de la Loi sur le divorce.

Pour ce qui est de la pension alimentaire, les femmes nous ont dit que la pension ne devrait pas être fonction du droit de visite. Les hommes doivent payer une pension. C'est leur responsabilité, et cela n'a rien à voir avec le fait de voir ou non les enfants. Ils ne rachètent pas le temps perdu en payant la pension. Nous recommandons de préserver la distinction entre la pension alimentaire et le droit de visite. Le droit de visite ne devrait pas être lié à la pension alimentaire.

Mme Helen Murphy: Les déplacements et la mobilité maintenant. Nous l'avons déjà souligné, ce sont deux domaines très importants en raison de la débâcle de l'industrie de la pêche à la morue et le taux de chômage faramineux qui en a découlé. Une femme nous a dit à ce sujet:

    «Mon ex-mari a vu les enfants pendant deux heures au cours des deux dernières années. Je veux déménager pour des raisons de travail, mais j'ai besoin de sa permission... Même quand les hommes choisissent de se retirer de la vie familiale, ils ont le droit de limiter nos déplacements.»

Si on veut aller plus loin, voici une expérience d'une femme qui vivait une relation de violence:

    [Lisa] avait si peur de quitter sa maison, même pour aller chercher le courrier. La famille de son ex-mari faisait du harcèlement verbal dans la rue et il n'était jamais loin, lui faisant des menaces. Il avait un comportement très violent, alors il ne faut pas s'étonner qu'elle ait quitté la ville avec ses enfants. Mais c'est elle qui est accusée de mauvais comportement. Il [le père] la cherche actuellement afin d'obtenir la garde. Elle voulait seulement se protéger, ainsi que les enfants.»

• 0840

Toutes les personnes à qui nous avons parlé dans les groupes de réflexion nous ont dit que la possibilité de vivre dans un milieu sûr, sans violence envers la femme ou les enfants, était plus importante que le droit de visite du père. Le système judiciaire ne devrait pas aider l'homme violent à continuer de contrôler sa femme. Quel que soit le dénouement de ces travaux, il faut garder cela à l'esprit.

Nous recommandons donc à cet effet que les décisions relatives aux déplacements doivent relever uniquement du fournisseur de soins primaires. C'est la personne qui est la plus à même de prendre la décision dans le meilleur intérêt de l'enfant. Pour ce qui est de la violence à l'endroit des femmes et des enfants—nous savons que cette question est la plus complexe. Une femme nous a dit—je vais essayer de vous reproduire fidèlement ses paroles:

    «Cet homme a été accusé d'agression sexuelle contre elle [la mère] et il n'en a même pas été question lors de l'audience sur la garde. Ayant été agressée et menacée par cet homme, elle a fait une dépression nerveuse et a dû faire un séjour à l'hôpital. Ce fait a été cité contre elle en cour. Elle avait demandé de l'aide pour se rétablir.»

Voici une citation qui concerne un cas que nous avons tous en mémoire, je crois:

    «Quand [Bev] a été assassinée, le litige tournait surtout autour des questions de garde et de droit de visite. Il utilisait son droit de visite pour la voir et lui répéter qu'il avait autant le droit qu'elle de voir les enfants. Il voulait l'anéantir.»

Les femmes ont répété à maintes reprises que les tribunaux doivent prendre en compte le fait que la violence subie par les femmes a des effets directs sur les enfants, qu'ils en soient témoins ou non. Voici ce que nous a dit à ce sujet une intervenante dans un refuge:

    «J'ai été appelée à témoigner de ce que les enfants m'avaient dit, j'ai dit à maintes reprises que les enfants avaient été profondément marqués par la façon dont leur père traitait leur mère. Mais l'avocat de la défense ou le juge, la plupart du temps, me dit qu'il veut entendre parler seulement des situations où l'homme a été violent directement à l'endroit des enfants. Je m'efforce de leur faire comprendre que de voir leur mère subir de la violence les affecte directement, mais ils n'en tiennent pas compte. Il est très difficile de convaincre les tribunaux de la violence faite aux enfants.»

Nous avons plusieurs recommandations sur la violence; je ne sais pas si j'ai le temps de les énoncer toutes. Je vais me limiter à...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): À vrai dire, je voulais vous demander si vous en aviez encore pour longtemps parce que vous avez dépassé le temps alloué.

Mme Helen Murphy: Oui, j'ai presque fini.

Mme Sheila Finestone: Monsieur le président, pourrait-on demander aux témoins de nous donner une copie de leur matériel?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.

Mme Sheila Finestone: Premièrement, il aurait été très utile de l'avoir en main avant votre venue et, deuxièmement, ce matériel nous sera fort utile en vue d'une décision finale.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous en faisons des copies...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): ... actuellement.

Mme Sheila Finestone: Ce n'est pas très utile quand nous écoutons...

Mme Joyce Hancock: Nous avons déposé quatre ou cinq copies et il y a en plus dans la salle.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Il n'y en avait pas suffisamment; c'est pourquoi nous en faisons d'autres.

Mme Joyce Hancock: Les personnes dans la salle pourraient vous céder leur copie.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Veuillez continuer.

Mme Sheila Finestone: Monsieur le président, si nous recevons des copies avant les témoignages—j'aimerais que le personnel s'en assure. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Elles les ont apportées avec elles.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Veuillez continuer. S'il vous était possible de conclure?

Mme Joyce Hancock: Comme vous aurez des exemplaires du document en main, je suis sûre que vous pourrez vous y reporter pour poser des questions.

Pour conclure, donc, je reviendrai aux fondements de nos connaissances. Bien qu'il arrive trop souvent que les femmes ne se sentent pas assez savantes, je crois que, durant les nombreuses années que nous avons passées à écouter, en tant que conseillères, les femmes nous parler de leur vie... Nous espérons que le Comité fera des recommandations qui seront axées sur les besoins des enfants et sur la nécessité de nommer un fournisseur de soins primaires, et ce qui en découle.

Nous sommes à votre disposition pour les questions.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Mme Finestone posera la première question.

Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis très contente d'avoir entendu votre témoignage. Merci d'être venues. J'ai aussi le sentiment que, quand je relirai votre exposé, j'aurai encore une douzaine de questions, mais pour l'instant, je m'en tiendrai à quelques-unes.

Premièrement, vous avez parlé de votre table ronde et de groupes de réflexion. Combien de groupes y a-t-il eu? Étaient-ils formé de personnes de toute la province? S'agissait-il de groupes différents?

• 0845

Mme Joyce Hancock: Des groupes de réflexion ont été rassemblés dans toute la province. Des centres de femmes invitaient des femmes concernées par cette question. Nous animions la rencontre, en les faisant parler des quatre domaines retenus et de votre mandat, et nous leur demandions de nous parler de leur expérience Nous avons tenu une rencontre dans la ville de St. John's, à laquelle nous avons invité des représentants des tribunaux, des avocates et des travailleuses sociales, et leur avons demandé de nous raconter leur expérience. Chapeautant le tout se trouvent les années durant lesquelles Helen et moi-même avons travaillé sur la question. C'est de là que provient notre analyse.

Mme Sheila Finestone: Combien de maisons de refuge pour femmes compte la province?

Mme Joyce Hancock: Il y a quatre maisons de refuge...

Mme Helen Murphy: On pourrait dire quatre et demi: quatre sont des établissements et l'autre répond aux appels. Il existe en plus deux maisons d'hébergement.

Mme Sheila Finestone: Quand vous suggérez de remplacer garde partagée par fournisseur de soins primaires, je me trompe ou vous souhaitez que le concept de soins primaires soit mis en évidence?

Mme Joyce Hancock: C'est ça.

Mme Sheila Finestone: Bien. En ce qui concerne le rôle du Unified Family Court... Nous avons été heureux de recevoir le rapport du Unified Family Court; c'est le premier, dont j'entends parler en tout cas. Pensez-vous que, s'il y a risque de menaces... Premièrement, il existe une loi fédérale sur les problèmes de menaces. Je veux savoir si elle est appliquée. Deuxièmement, est-ce vrai que vous ne pouvez retourner au Unified Family Court s'il y a apparence de violence, de menaces, qu'ils ne s'intéressent pas à la question de la violence en général, qu'ils tiennent compte seulement de l'aboutissement d'une situation, et non du développement? Dans ce cas, que fait Status of Women pour amener les femmes à comprendre qu'elles doivent présenter l'ensemble de la situation?

Ma dernière question a trait aux enfants. Je considère que vous êtes très sincères quand vous parlez d'une approche axée sur les besoins des enfants, que vous souhaitez la disparition de la peur. Pourtant, les travailleurs entendent les enfants leur parler de la peur. Quel est le rôle de l'enfant en face de la cour? Devraient-ils témoigner en cour? À quel âge? Devant les caméras? Devant le tribunal? Ou en présence des parents?

Mme Joyce Hancock: Premièrement, en ce qui concerne le Unified Family Court, je vous l'apprends peut-être, mais il est présent seulement à St. John's.

Mme Sheila Finestone: Les causes sont-elles traitées différemment dans les différentes régions de la province?

Mme Joyce Hancock: Oui.

Mme Sheila Finestone: Alors—ce sera ma dernière question—forme-t-on les juges sur l'obligation de traiter les causes de façon juste, uniforme et égalitaire dans toute la province?

Mme Joyce Hancock: C'est une question importante. Quand les femmes nous racontent comment on les traite au tribunal de la famille—d'une façon moraliste, par exemple—mais il reste que ces expériences... Si on parle de la violence en tant que telle, ou de la peur de la violence et de son incidence sur les enfants, ou de la violence indirecte—mais l'aspect de la peur... Cela signifie des représentations successives devant le tribunal, ce qui entraîne d'autres problèmes tels que l'accès à l'aide juridique et le fait d'être constamment replongées dans les événements, etc. Tout dépend de l'endroit où on vit. Des finances...

Mme Sheila Finestone: Oui, mais nous avons beaucoup entendu parler de fausses allégations. Nous avons beaucoup entendu parler du manque de soutien de la part des grands-parents et des autres membres de la famille. Pour ce qui est de la famille étendue et de la communauté...

Mme Joyce Hancock: Oui.

Mme Sheila Finestone: ...dont vous n'avez pas parlé, je crois que... En parlez-vous dans votre document? Sinon, comment vous situez-vous par rapport à cette question? Vous devez avoir un point de vue. Vous entendez beaucoup parler de situations de violence et de la peur. Je sais qu'il y a beaucoup de peur et de violence dans un petit pourcentage des couples qui divorcent. Mais si les enfants peuvent dire exactement ce qui en est, je crois que cela peut permettre de démasquer les fausses allégations et de discerner le vrai du faux. J'aimerais que vous me disiez pourquoi et quand on devrait faire témoigner les enfants.

Mme Helen Murphy: L'une des choses auxquelles nous nous opposons est que les enfants aient la responsabilité de ces décisions. Ils ne sont pas en mesure de la faire. Je ne sais pas comment les enfants...

Mme Sheila Finestone: Je parle de témoignages; je ne parle pas de prendre des décisions. Je parle de témoignages d'enfants afin d'apaiser la peur de... Et on a de plus en plus peur, au pays, des fausses allégations. Si c'est une situation réelle, nous voulons le savoir; si ce n'est pas vrai, je crois qu'il est temps de démythifier cette affaire.

• 0850

Mme Joyce Aylward (membre, Provincial Advisory Council on the Status of Women): Je peux répondre?

Je suis sûre que vous avez entendu beaucoup de plaintes concernant de fausses accusations de violence ou autres dans tout le pays, ne serait-ce qu'en raison de la structure de votre mandat.

Je peux seulement parler de mon histoire personnelle. J'ai connu une relation de violence. Dans mon cas, la violence n'a jamais été mentionnée en cour.

Mme Sheila Finestone: Pourquoi pas?

Mme Joyce Aylward: Parce qu'on m'avait conseillée en me disant que, comme la violence était dirigée contre moi et non contre mes trois enfants, ce n'était pas un motif valable. C'est ce que m'ont dit les conseillers juridiques et le médiateur. On m'a répété à plusieurs reprises de ne pas en parler parce que ce n'était pas pertinent: mes enfants n'avaient pas été directement victimes de violence. Et pour ce qui est de témoigner, ils avaient respectivement trois mois, deux ans et cinq ans.

J'ai demandé la garde exclusive. Quand j'ai demandé si je devais parler des actes de violence à mon endroit, on m'a répété et répété que, comme je ne pouvais pas dire qu'il avait posé des gestes violents à l'endroit des enfants, ce n'était pas un motif raisonnable.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): OK. Merci.

Mme Sheila Finestone: Monsieur le président, je crois qu'il est très important de démontrer que des recherches d'envergure ont été faites dans tout le pays par Statistique Canada sur l'incidence sur les enfants qui voient ou entendent des manifestations de violence dans leur foyer. Ces manifestations ont une réelle incidence et auront des répercussions sur la vie des jeunes adolescents et des jeunes hommes, ainsi que sur les femmes plus tard. Il faut absolument donner cette information aux tribunaux, et en faire mention dans notre rapport.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. On en a parlé dans d'autres séances.

Docteur Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

L'une des difficultés pour le Comité—en tout cas, pour moi—est que les groupes de femmes que nous entendons accordent beaucoup d'importance à la violence, mais il faut mettre les choses en perspective. Les groupes qui nous parlent de notions comme celles de «fournisseur de soins primaires», souvent, sont témoins de beaucoup de luttes de pouvoir et. En règle générale, elles viennent de contextes où la médiation, ou tout autre mécanisme, ne sont pas exempts de ces luttes de pouvoir.

J'aimerais que vous nous aidiez un peu pour les cas où cette situation n'a pas cours. Peut-être n'êtes-vous pas expertes en ce domaine, mais nous essayons de nous éloigner du modèle «perdant- gagnant», et même que des termes garde et droit de visite, afin de proposer un cadre d'élaboration d'un plan parental. Idéalement, un tel plan permettrait de traiter, séparément, des modalités de résidence, de loisirs—à savoir qui accompagne l'enfant à la joute de hockey, qui va aux leçons de ballet—, financières, de décision (la façon de prendre les décisions)... Le plan parental serait une espèce de matrice où tous ces aspects seraient traités, en vertu d'une entente.

Pensez-vous que nous nous trompons si nous recommandons la présomption de responsabilité des deux parents, pour les foyers où il n'y a pas de violence du moins?

Vous m'avez réellement inquiétée, parce que je crois que le secret entourant la violence et ce genre de phénomènes doit réellement être mis au jour. Mais nous avons entendu parler des moyens, et nous avons posé des questions à ce sujet, utilisés dans des cliniques de santé familiale ou dans les urgences pour dépister l'existence de la violence—sous tous ses aspects—dans une relation.

Si on pouvait mettre ces cas dans une case à part, et leur donner un traitement différent, pensez-vous que l'on pourrait écarter les termes garde et droit d'accès et parler plutôt de plans parentaux, de preneurs de décision, quand il n'y a pas de violence familiale? Nous avons en effet un vrai problème parce que tout ce dont les femmes nous parlent, c'est de relations de violence. Je ne crois pas que nous ayons entendu de témoignages de groupes de femmes qui ne travaillent pas avec des femmes victimes de violence.

• 0855

Mme Joyce Hancock: Je crois que, par nature, les groupes de femmes considèrent qu'il faut toujours regarder l'ensemble des situations, et que la violence est seulement l'un des aspects dont tiennent compte les centres de femmes quand elles analysent les questions d'égalité.

Nous sommes tout à fait d'accord pour qu'on examine l'angle de la responsabilité parentale mais, même dans les situations les plus idéales, c'est toujours le même parent qui prendra les décisions quant aux limites à donner à un enfant. J'ai pour ma part, je crois, réussi à passer au travers du système. J'ai appris beaucoup tout au long du processus et j'ai réussi à élever mes enfants malgré tout ce que j'ai vécu. Mais il reste qu'il y a des connaissances de base. Il y aura toujours quelqu'un qui sera le premier responsable, qui tiendra compte des besoins des enfants et qui fera en sorte de trouver les ressources, le soutien financier, pour les satisfaire, tout au long de sa croissance.

Même s'il n'y a pas de violence, il y a toujours des disputes ou ne serions pas ici aujourd'hui. On se bat pour la garde et pour le droit de visite, alors il faut en conclure qu'il y a conflit et que les choses ne vont pas bien. Autrement, on ne s'en remettrait pas au jugement des juges ni à vos recommandations, parce que nous n'avons pas besoin, pour la plupart d'entre nous, de tout cela.

Mme Carolyn Bennett: Mais j'ai encore de la difficulté à comprendre que, alors qu'on recherche l'égalité, on parle encore de primaire et de secondaire.

Mme Joyce Hancock: Mais il en est toujours ainsi, quoi que l'on dise. Et, voyez-vous, quand on parle de fournisseur de soins primaires, on ne dit pas qu'il doit s'agir d'une femme. Le fournisseur de soins prend les décisions...

Mme Carolyn Bennett: On ne voudrait pas que le témoin présume que le Comité n'a pas compris que vous vouliez dire que c'est en général la femme.

Mme Joyce Hancock: Nous n'avons rien dit de tel.

Mme Carolyn Bennett: Je sais que vous ne l'avez pas dit. Je dis simplement que...

Mme Sheila Finestone: Nous sommes contentes que vous ne l'ayez pas dit.

Mme Carolyn Bennett: Nous sommes contents que vous ne l'ayez pas dit. Mais vous en revenez encore au perdant et au gagnant, et qu'il faut bien admettre que c'est elle qui fait tout le travail. Nous savons tout ça. Statistique Canada nous a dit: sur le plan du travail non rémunéré, il est très clair que c'est elles qui le fait, qui amène l'enfant aux fêtes d'anniversaire avec le cadeau emballé. Nous comprenons tout ça.

Je me demandais juste, en vue du prochain millénaire, si nous pouvions utiliser des termes plus égalitaires. Pourrions-nous laisser de côté les notions de perdant et de gagnant, de primaire- secondaire et de garde-droit de visite? Nous pensions, au début, que nous pourrions éviter de parler de perdants et de gagnants, et que le gagnant n'aurait pas à prouver qu'il est réellement le gagnant, et que le perdant n'aurait pas à faire en sorte de devenir le gagnant. Les conflits perdurent, parce qu'on a décrété un gagnant et un perdant, qui doivent continuer à se battre.

Mme Joyce Hancock: Mais justement, il faut mettre en place un système qui va bien au-delà des mots. Si on veut établi une démarche axée sur les besoins de l'enfant, dans le contexte actuel, il faut déterminer quelle personne en sera responsable au premier chef. Dans les familles où il y deux ou trois parents, il obtient plus que ça. Mais les ressources que doit consacrer l'autre parent, le droit de visite s'il n'y a pas de violence, tous ces facteurs sont déterminés autour de la première réalité.

Je n'ai pas de réponse à votre question. J'adorerais réfléchir à la façon dont on pourrait déterminer pourquoi les fausses allégations viennent des groupes de pères et pourquoi, par exemple, ce sont les groupes de femmes qui parlent d'approche axée sur l'enfant, et de responsabilités parentales autour des besoins des enfants. Je maintiens que c'est parce que nous voulons élaborer un système dans lequel le fournisseur de soins primaires, que ce soit l'homme ou la femme, pense tout d'abord à l'enfant.

Mme Carolyn Bennett: Mais dans notre société, qu'en est-il si c'est la grand-mère ou la gardienne?

Mme Joyce Hancock: Très bien. Si cette personne, au sens où nous entendons fournisseur de soins primaires, fait ceci et cela... Beaucoup de jeunes femmes ont donné la responsabilité à la grand- mère et, après trois années, ont mis de l'ordre dans leur vie. C'est ainsi. Beaucoup de femmes de mon âge ou plus vieilles considèrent que cela fait partie de leur responsabilité envers leur jeune fille. Pour ce qui est du fournisseur de soins primaires et de la décision quant aux droits de visite, beaucoup de femmes accordent le droit de visite à la mère du père parce qu'elles les considèrent responsables. Cela vaut pour les situations où il n'y a pas de violence. C'est très fréquent.

Mme Carolyn Bennett: Je crois... OK, d'accord.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vais tenter d'obtenir une certaine égalité. Sénatrice Cohen.

• 0900

La sénatrice Erminie Cohen: Je ferai deux commentaires, puis je poserai une question ou je ferai une observation.

En ce qui a trait à l'importance des fausses allégations, un témoin, le professeur Nicholas Bala, nous a dit qu'elles constituaient 2 p. 100 seulement des cas. Si on considère tous les cas de divorce qui ont été réglés, à l'amiable dans 80 p. 100 des cas, ce 2 p. 100 de 20 p. 100 n'est pas aussi menaçant qu'on veut bien l'imaginer.

Quant aux menaces, chers collègues, le projet de loi part d'un bon principe, mais il n'est pas applicable en cour. Le Sénat veut proposer un projet de loi qui englobe tout ce qui a trait aux menaces et qui soit suffisamment étoffé pour être applicable.

Mme Sheila Finestone: Ces considérations devraient faire partie de notre rapport, non?

La sénatrice Erminie Cohen: Oui, en effet. La première lecture aura lieu la semaine prochaine, je crois.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est que, en raison du contexte économique difficile et des réductions de 75 p. 100 de l'aide juridique, comment les personnes démunies obtiendront-elles les ressources, le soutien et les services dont elles ont besoin? J'aimerais faire un commentaire à ce sujet, mais je pose la question parce que ce sujet me préoccupe au plus haut point.

Mme Joyce Hancock: C'est un problème très grave. Les femmes se confient à nous. Durant les années où j'ai travaillé dans un centre de femmes, j'ai eu connaissance des énormes difficultés à obtenir un rendez-vous avec des avocats, même pour la pension. Les femmes se résignent et vont en cour sans avocat. Elles s'en remettent à la providence pour le dénouement... Beaucoup de personnes renoncent dans cette province.

Une femme m'a parlé du fait qu'elle avait besoin des services d'un avocat de l'aide juridique, mais un seul était disponible dans sa région. Je crois qu'elle venait de Goose Bay. Le mari a pu obtenir les services de cet avocat et elle a dû attendre qu'il en vienne un par avion. Elle l'a rencontré quelques minutes avant l'audience au tribunal, puis a demandé que sa cause soit représentée. C'est très grave.

La sénatrice Erminie Cohen: Vous serez peut-être un peu réconfortée de savoir que les groupes de travail sur la garde et le droit de visite de l'Association du Barreau canadien ont recommandé que tout l'argent recueilli à la suite de l'imposition des pensions alimentaires devrait servir au développement de tribunaux de la famille, ainsi qu'aux services d'aide juridique, aux groupes de médiation, d'aide psychologique... Je crois que ce Comité pourrait faire une recommandation à cet effet. Tout cet argent recueilli devrait être utilisé pour aider les femmes, les familles, les pères et les enfants.

Mme Joyce Hancock: Oui, et il faut s'interroger sur le type de médiation. Nous entendons des histoires où les gens ont été placés dans une pièce, avec des personnes qui leur disent ce qui va leur arriver s'ils refusent la médiation. Cette expérience est loin d'être positive, et on ne sort pas de là en se disant: «La médiation va m'apprendre comment partager les responsabilités parentales.»

Mme Joyce Aylward: J'aimerais émettre un commentaire sur vos propos.

C'est une initiative extraordinaire. J'en suis actuellement à ma quatrième année en travail social. J'ai décidé de retourner à l'université parce que je ne reçois pas beaucoup d'aide, ni physique ni financière, de la part de mon ex-mari. Je suis membre de l'organisme Students After a Better Tomorrow et de plusieurs organisations de chefs de familles monoparentales qui vont à l'université et qui essaient de survivre au travers des études à plein temps, de la charge des enfants, avec très peu de soutien. Je suis sûre que vous avez beaucoup entendu parler de ces faits.

L'une de mes plus grandes préoccupations quant à la Loi sur le divorce est l'utilisation du terme garde partagée. Je préfère votre proposition de responsabilité partagée. Je ne suis pas sûre toutefois du poids de cette responsabilité, parce que je connais beaucoup de femmes qui, même si elles vivent la garde partagée, assument en réalité 90 p. 100 de la responsabilité. L'autre parent a le droit de prendre des décisions, qui aboutissent en règle générale à un contrôle de l'autre.

Une fois de plus, je vais citer ma situation personnelle. Le père de mes enfants les a vus deux heures au cours des deux dernières années. J'ai actuellement l'opportunité de me rendre en Angleterre pour terminer mon travail—en travail social. Mais, bien que j'aie obtenu la garde exclusive, je dois obtenir sa permission.

Vous devez comprendre que, si je déménage, je dois le lui faire savoir, ou le faire savoir aux tribunaux. Le parent qui n'a pas la garde n'a aucunement l'obligation de me faire savoir son adresse. Ma situation est très courante parmi les chefs de famille monoparentale. S'ils veulent que la pension alimentaire soit augmentée, avec le nouveau crédit d'impôt, en vigueur depuis le 1er avril—beaucoup de femmes adoreraient retourner en cour afin d'obtenir ce merveilleux avantage. Mais nous n'avons pas leur adresse, et le système judiciaire ne fera rien pour nous aider à trouver l'ex-conjoint. Pour ma part, je sais dans quelle ville il habite. On m'a dit que, aux termes de la Loi sur le divorce, je dois lui signifier un document si je veux l'amener en cour pour obtenir un changement au jugement sur le droit de visite ou la pension alimentaire. Mais c'est moi qui dois trouver son adresse. J'ai appelé le shérif et les tribunaux. Rien à faire.

• 0905

Mme Sheila Finestone: Si je comprends bien, la règle FCT stipule que vous pouvez faire une demande au système de santé ou à l'assurance-chômage pour qu'on le retrace. J'aimerais savoir si c'est vrai ou non. Peut-être pourrait-on poser la question aux témoins entendus parce que cette personne devrait être accessible et au moins retraçable, à moins que...

Mme Joyce Hancock: Il est vrai que l'on peut procéder ainsi, mais il manque de personnel au bureau d'exécution des ordonnances alimentaires. On dit aux femmes de retrouver le mari et de leur faire part de son adresse. C'est à elles de le retracer.

Mme Sheila Finestone: Je pensais que le premier témoin nous avait dit qu'elle n'avait pas le droit de chercher cette personne. Cela n'est pas juste. Vous pouvez le retracer en vertu de la loi. La loi est fondée sur des principes mais, s'ils ne peuvent être appliqués de façon appropriée, la justice est déboutée, même si des lois existent. Je comprends ce principe, mais je crois que vous devez au moins invoquer la loi.

Mme Joyce Aylward: En fait, comment puis-je invoquer la loi si les autorités auxquelles j'ai fait appel—de même que mes collègues—m'ont répété d'une fois à l'autre que je devais leur donner son adresse pour qu'elles puissent entrer en contact avec lui?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons analyser ce dossier. Il peut s'agir tout simplement de règles bureaucratiques.

Mme Elaine Wychreschuk (membre, Provincial Association Against Family Violence): La dernière fois que j'ai consulté cette loi fédérale, elle stipulait que tous les pouvoirs et tous les droits relatifs au dépistage sont mis en branle si vous faites une demande. Et pour faire une demande, vous devez donner une adresse. Peut-être la loi a-t-elle été modifiée au cours des deux dernières années, mais il demeure que, dans la situation de Mme Aylward par exemple, la loi n'est pas applicable tant que vous n'avez pas trouvé la personne. Il faut donc connaître l'adresse pour retracer une personne.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

J'aimerais clarifier quelques points. On m'a demandé de poser cette question à l'un d'entre vous, mais je ne sais plus qui.

Au sujet de l'une de vos citations concernant le meurtre d'une certaine Bev, votre document écrit indique-t-il l'endroit où le procès a eu lieu?

Mme Joyce Hancock: Le procès est en cours.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est un procès en cours. Très bien. Merci.

Mme Joyce Hancock: Il a lieu sur la côte ouest de Terre-Neuve.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez soulevé la question du langage inclusif. Je voudrais clarifier un point qui a aussi été mentionné dans d'autres témoignages. Si on doit en effet avoir recours à un langage inclusif, ne serait-il pas mieux d'utiliser le terme violence familiale plutôt que violence à l'endroit des femmes?

Mme Joyce Hancock: Je sais que les mouvements féministes ont utilisé ce dernier terme un certain temps. Il est souvent plus facile à avaler pour nos frères, parce qu'il suppose que tous les membres de la famille sont occupés à se battre entre eux. Nous savons qu'en réalité, selon notre expérience dans le mouvement contre la violence, ce sont les femmes et les enfants qui sont le plus souvent victimes. Mais de nombreuses coalitions, afin de rendre le tout plus facile à entendre et d'amener les hommes dans leurs rangs, utilisent en effet violence familiale.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): OK. Merci.

Merci beaucoup d'être venues.

Sénatrice Cook.

La sénatrice Joan Cook (Terre-Neuve, Lib.): Merci de nous avoir remis ce précieux document, Joyce. Je viens juste d'en faire le survol. Dans la recommandation 10 à la p. 29, vous parlez de formation éducative, puis de médiation. Pouvez-vous résumer la situation réelle en une ou deux phrases, selon une perspective qui peut dépasser les frontières de cette province, et qui permet le droit de visite aux deux...

Mme Joyce Hancock: Le droit de visite est un point clé. Certains médiateurs ne comprennent pas la dynamique du pouvoir dans les relations. Ils ne comprennent pas ce qu'est une médiation qui donnerait le choix. Les femmes qui se battent pour la garde et le droit de visite verraient la médiation d'un bon «il à cause du choix. Mais actuellement, personne ne fait plus confiance à ce mécanisme parce que nous en savons peu sur la formation et les enjeux de la médiation. Toute notion d'obligation fait dresser les cheveux sur la tête.

La sénatrice Joan Cook: Croyez-vous qu'il vaut la peine de lier les deux? Pourriez-vous...?

• 0910

Mme Joyce Hancock: La préparation est importante. J'ai assisté à des médiations et j'en ai animé moi-même sur des sujets non litigieux, pour tenter de faire émerger une certaine compréhension de la notion du meilleur intérêt de l'enfant. Les femmes et les hommes étaient satisfaits, parce qu'ils étaient venus en médiation de leur gré et avec la volonté qu'elle réussisse. Quand il y a des litiges, le pouvoir est toujours déséquilibré.

Merci.

La sénatrice Joan Cook: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup. Merci d'être venues ce matin. Nous sommes désolés du retard, et nous sommes conscients que nous empiétons sur votre précieux temps. Merci.

J'aimerais commenter les documents reçus. Comme vous le savez, nous sommes assujettis à des règles. L'une d'elles est que tout document reçu dans une langue doit être traduit dans l'autre langue officielle. C'est pourquoi le secrétaire ne les a pas distribués ce matin. Mais, avec votre accord, si nous recevons d'autres documents cette semaine, nous pourrions les distribuer tels qu'ils sont reçus.

Mme Carolyn Bennett: Mais nous ne l'avons pas encore...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non. On fait des photocopies actuellement.

Puis-je avoir votre accord sur ce point?

Certains membres: D'accord.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): OK, merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'aimerais maintenant appeler les prochains témoins. Mme Donna Andrews fera un témoignage individuel sur le droit familial et la médiation, et Eve Roberts parlera du droit familial. Mme Andrews étant la première sur la liste, vous pouvez commencer.

Mme Donna Andrews (témoigne à titre personnel): Bonjour. Bienvenue à Terre-Neuve.

Mon nom est Donna Andrews. Je pratique actuellement le droit à Deer Lake, Terre-Neuve. J'ai été infirmière pendant une dizaine d'années avant de retourner à l'école pour obtenir un diplôme en droit. J'ai commencé une pratique générale en 1993. La plupart des cas relevaient du droit familial, et j'ai vite perdu mes illusions sur l'appareil judiciaire. J'ai entendu parler de médiation. J'ai décidé d'en apprendre plus sur le sujet et de suivre une formation.

En 1995, j'ai suivi un cours offert par l'Université de Windsor. En fait, Eve et moi avons suivi le même cours. Il ne portait pas seulement sur le droit familial, mais sur la médiation en général. Le cours était très intéressant. À ce moment, j'ai décidé de prendre cette avenue plutôt que de continuer dans un système auquel je ne croyais plus vraiment—je parle du système judiciaire. J'essayais d'encourager les gens à aller en médiation. J'ai donc mis sur pied un service de médiation. Je travaillais à Gander. Puis j'ai déménagé à Deer Lake.

Depuis ce temps, j'ai animé au plus huit médiations. On ne peut pas dire que les affaires sont florissantes. C'est en grande partie parce que notre système ne favorise pas la médiation. Au Unified Family Court of St. John's, c'est le tribunal qui assure la médiation. Mais cela vaut seulement pour le territoire de compétence du Unified Family Court, soit la région de St. John's, en gros. Au-delà, la médiation n'est pas offerte.

Les gens doivent payer eux-mêmes les frais. J'ai parlé à des juges à ce sujet. Ils ne peuvent ordonner des mesures qui ne sont pas gratuites. Notre droit familial contient des dispositions qui encouragent la médiation. Mais rien dans la Loi sur le divorce ne l'exige.

Pour quelles raisons est-ce que je recommande la médiation? Selon mon expérience, en m'appuyant sur les cas de droit familial que j'ai traités avant de me diriger vers la médiation, j'ai constaté que le problème numéro un était la communication. C'est souvent ce qui a mené à la dissolution du mariage. On peut sauver des unions, je crois, si les couples peuvent bénéficier de conseils ou de médiation. Mais ces services n'existent pas à Terre-Neuve, surtout à l'extérieur de St. John's.

J'ai toujours travaillé dans les régions rurales de Terre- Neuve, et cru en leur potentiel. Je continue de croire en elles, malgré le fait que l'information circule un peu trop vite parfois. Je crois qu'on devrait bénéficier de plus de services, parce que les coûts sont le facteur clé dans ce cas. Je ne sais pas ce que vous pouvez faire sur ce plan parce que vous faites partie du fédéral, et ce sont les provinces qui affectent les fonds dans certains domaines.

Nous parlons de cas de divorce, mais 50 p. 100 des unions actuellement sont des unions de fait, qui ne sont donc pas assujetties à la Loi sur le divorce. IL y a beaucoup de chefs de familles monoparentales qui n'ont jamais été dans une union, et la Loi sur le divorce ne s'applique pas à eux non plus. C'est donc la loi provinciale qui s'applique dans beaucoup de cas, mais je crois que vous pourriez faire des recommandations sur le financement.

• 0915

Pour que les parents communiquent efficacement, il est nécessaire qu'ils soient mis en face l'un de l'autre. Si on fait en sorte qu'ils aillent devant les tribunaux, ils doivent tout d'abord voir un avocat. Le système judiciaire est accusatoire. D'emblée, il met en place une dichotomie. Les gens ne se parlent pas. Les avocats ne leur recommandent même pas de se parler. Comment voulez- vous qu'ils communiquent efficacement?

C'est complètement fou. Les enfants sont les premières victimes de ce système, parce qu'ils essaient tout le temps de ramener leurs parents ensemble.

Je crois qu'il faut faire participer les enfants, mais c'est très difficile dans le système judiciaire actuel parce qu'il crée un environnement artificiel. Il ne les encourage pas à parler ouvertement, comme le feraient des séances de médiation. Elles sont plus informelles et, avec de l'aide psychologique, les enfants pourraient participer au processus de décision. Je crois qu'il faut les inclure. Il faut tenir compte de ce qu'ils ont à dire.

S'ils peuvent prendre un fusil et tuer, je crois que les enfants doivent avoir le droit de dire ce qui se passe dans leur vie. On voit de plus en plus des enfants prendre des décisions avec le fusil à la main. Pourquoi ne pas leur permettre de prendre ces décisions en paroles?

Je crois que la médiation serait très bénéfique. Quand je parle de «médiation», j'entends toute une gamme d'instruments. C'est un mot, rien de plus. Je pourrais dire négociation, médiation, conciliation, ou utiliser tout autre terme semblable. J'ai la conviction qu'il faut encourager les parents, si on ne le leur impose pas, à discuter de ce qui est important.

S'ils prennent des décisions, ils doivent pouvoir vivre avec elles après. Sinon, c'est le juge qui prend la décision à leur place, et je ne crois pas qu'il est aussi facile de vivre avec une décision prise par un juge qu'avec une décision personnelle.

Voilà ce que j'avais à vous dire. C'est un sujet qui me tient très à coeur. Je crois que c'est la meilleure avenue. La médiation ne permettra pas de résoudre tous les problèmes, surtout pas s'il y a violence, parce que la médiation est impossible à mon sens si l'une des parties est en position de pouvoir. Mais dans la plupart des cas, je crois que la médiation peut être très utile.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Roberts.

Mme Eve Roberts (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup. Je suis une avocate retraitée depuis peu. J'ai fait du droit de la famille, entre autres, pendant 32 ans.

J'aimerais remercier le Comité mixte de m'avoir demandé de témoigner. J'ai été appelée tard la semaine dernière, et je n'ai donc pu vous soumettre un document écrit. On m'a demandé d'utiliser une partie de mes cinq minutes pour faire des recommandations précises quant aux amendements à apporter à la Loi sur le divorce, dans les domaines de la garde et du droit de visite. C'est ce que je vais faire.

Ma première suggestion est que, quel que soit l'amendement apporté à la Loi sur le divorce, il est très important que le gouvernement fédéral cherche le plus possible l'uniformité avec les lois provinciales. Nous savons tous que les unions de fait sont très nombreuses et que beaucoup de gens se séparent sans divorcer, et je ne vois pas pourquoi on entretiendrait des normes différentes dans les différentes provinces.

Les médias nous inondent d'articles écrits par des journalistes du continent. Souvent, des clients me disaient qu'ils avaient lu dans un tel article que leur mari obtiendrait telle et telle chose, ou qu'ils n'obtiendraient pas ceci. Ces articles provenaient toujours de l'Ontario, où la loi est différente quand à la répartition des biens. Les gens sont très confus. Le pays doit donc faire un grand effort pour uniformiser les lois. C'est mon premier point.

Deuxièmement, j'aimerais que les lois amènent les juges à accorder la garde et le droit de visite en vertu du statut avant la séparation. Durant le processus de séparation et après, les gens ne sont plus les mêmes. Les parents ont peur. Les émotions sont à leur comble, et beaucoup d'accusations sont portées qui sont le fait de blessures causées par la séparation.

• 0920

Je pense que les tribunaux seraient beaucoup plus à même de décider lequel des parents doit prendre soin des enfants s'ils ignoraient, dans une large mesure, ce qui s'est passé après la séparation et s'ils examinaient le régime parental que les parties en cause avaient avant la séparation.

C'est ce à quoi l'enfant sert. Il s'agit habituellement d'une répartition du travail parental que les parents avaient établie pour eux-mêmes. Le rôle parental et les perceptions des parents l'un de l'autre sont mieux jugés, je pense, en utilisant cette norme qui existait avant la séparation, car c'en est une que les parents eux-mêmes ont établie et acceptée. Je crois que c'en est une par laquelle les tribunaux devraient commencer, et permettent ensuite que les nouvelles dispositions parentales découlant de la séparation et du divorce s'appuient sur celles dont ils avaient déjà convenues.

Mon troisième point est que j'aimerais que la loi soit modifiée de façon qu'un juge se concentre sur la violence familiale. J'aimerais que soit ajoutée au paragraphe 16(9) de la Loi sur le divorce la phrase suivante «La violence familiale doit être considérée comme un comportement mettant en doute la capacité d'agir comme parent d'un enfant».

Je ne pense pas qu'il me faut élaborer sur ce point parce que je suis certaine que vous l'avez entendu d'une centaine de groupes de femmes. Je suis l'une des vice-présidentes nationales de la YWCA du Canada. Je sais que dans notre exposé, nous avons beaucoup parlé de violence familiale. Je ne crois pas que cette violence soit nécessairement le fait des hommes ou des femmes, mais je pense que le juge doit prendre en compte les effets de la violence familiale lorsqu'il rend une décision.

Quatrièmement, je vous inciterais à recommander que les termes «garde» et «droit de visite» à l'article 16 de la Loi sur le divorce soient remplacés par «responsabilités parentales». Quel heureux changement ce serait de voir des parents se déchirer pour savoir lequel des deux va prendre la responsabilité plutôt que de les voir se battre pour savoir lequel des deux va obtenir les soins, le contrôle et la garde.

La perte de la garde d'un parent exige une explication de la part du parent non gardien, même pour un parent qui, comme expression d'amour pour son enfant, réalise qu'il n'est pas la meilleure personne pour obtenir la garde et qui est perçu comme ayant «renoncé» à la garde. Le grand-parent non gardien dit «Mon Dieu, tu abandonnes la garde de mon petit-fils!» Il y a énormément d'émotivité entourant les termes «gagner», «perdre» et «céder» la garde.

Il arrive très souvent, dans le cadre de mon travail, de négocier une entente de garde partagée sur papier, mais ce n'est que de la frime. Tout le monde savait qu'une personne allait réellement obtenir la garde. Mais cette entente empêchait l'autre parent de perdre la face.

Si nous enlevions ce mot «garde» et le remplacions par «responsabilités parentales», je crois que nous nous sentirions tous beaucoup plus à l'aise pour négocier un type de règlement à cet égard.

Ainsi donc, l'article 16 pourrait se lire ainsi: «Un tribunal peut...rendre une ordonnance en ce qui concerne les responsabilités parentales des parties». Le tribunal pourrait alors s'occuper de choses comme le lieu de résidence de l'enfant, l'éducation scolaire, les soins médicaux et les traitements, ou la religion de l'enfant, les congés, les activités parascolaires et la relocalisation.

Selon mon expérience, la majorité des couples qui se séparent peuvent très bien régler cela eux-mêmes, ou encore ils peuvent simplement convenir d'une entente qui fonctionnera pour eux, les parents, mais lorsqu'il y a constatation, je crois qu'il faudrait beaucoup d'explications si nous examinions le problème sous l'angle des responsabilités parentales.

• 0925

Mon cinquième point est que je suis convaincue que les conseils en cas de séparation devraient être obligatoires pour les conjoints qui se séparent et pour leurs enfants, afin qu'ils sachent tous comment minimiser les effets sur les enfants, et que chacun apprenne comment traiter avec l'autre. Le counselling obligatoire ne fonctionne pas si les parents sont toujours obligés de se trouver dans la même pièce. Nous savons tous que les gens qui fonctionnent bien dans leur mariage sont très souvent d'avis contraire lors d'une séance de consultation. Mais je pense que la chose est très bénéfique si chaque parent est conseillé, même séparément, sur la façon de traiter avec l'autre personne à présent qu'ils sont séparés, et sur la façon de composer avec leurs sentiments et émotions.

Il arrive très souvent qu'il y ait un bon décalage après une séparation. Habituellement, l'un des parents décide qu'il veut divorcer d'abord. Ils attendent des semaines, des mois, parfois même des années avant de prendre la décision de partir. L'autre parent a besoin d'une période presque équivalente pour s'habituer à l'idée de prendre le problème en main. Outre le déséquilibre du pouvoir, il y a un énorme déséquilibre émotif entre les parties. Le parent qui est quitté, plus particulièrement, a besoin de beaucoup de conseils et de soutien pour reprendre son élan afin de pouvoir s'occuper de toutes les questions d'ordre légal.

Je pense que le résultat de cette éducation hâtive des parents en ce qui concerne la séparation peut déboucher sur une bonne médiation, parce que lorsque les parties possèdent les outils et l'information voulus et que ce déséquilibre émotionnel ou de puissance n'existe pas, la médiation peut commencer et les deux parties peuvent traiter de ces questions parentales d'une façon beaucoup plus efficace.

Mon dernier point est que nous devons beaucoup mieux former et appuyer de bien meilleure façon nos juges du tribunal de la famille. Dans les zones rurales, les juges doivent composer avec toute une gamme de problèmes, et je pense que, souvent, ils n'ont pas la formation ni le soutien pour le faire. Dans les zones urbaines, les juges du tribunal de la famille siègent parfois dans un tribunal unifié de la famille ou dans un tribunal de la famille qui se trouve très isolé des autres juges, et je pense que c'est une vie bien seule pour eux. Dans leur cas, l'épuisement professionnel arrive terriblement vite. Les juges ne sont que des humains et ils ont besoin d'un énorme soutien dans le cadre de leur travail. Les avocats en droit de la famille sont en quelque sorte regardés de haut par leurs confrères avocats—le droit de la famille n'est pas du vrai droit, ce n'est pas du droit des sociétés, ce n'est pas rentable. Je pense que les juges du tribunal de la famille ressentent la même chose.

Merci beaucoup.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci.

Je viens de l'Ouest du pays. Je ne suis jamais venu ici dans cette partie du pays, et je suis vraiment encouragé. Ça fait du bien d'entendre peu de mots et beaucoup de bon sens ici sur le rocher. C'est ce que je constate chez tous les témoins.

Mme Andrews, votre point de vue est intéressant. Vous avez été infirmière, puis avocate, et maintenant vous êtes en droit de la famille et vous vous occupez de médiation. Il est évident que les gens vous tiennent à coeur et que vous essayez de les aider. Vous avez été avocate, le système n'est pas ce que vous espériez et vous faites maintenant de la médiation. Nous avons entendu parler de certains avocats qui ont tâté de la médiation dans le cadre de leur pratique. Ils essaient de couvrir cette base quelque peu, mais ils ne se sont pas voués vraiment corps et âme à la médiation.

Vous avez eu l'expérience du droit et, maintenant, vous avez de l'expérience dans la médiation. Quelle est la différence? Que faites-vous dans la médiation que vous ne pouviez pas faire ou que vous ne faisiez pas en tant qu'avocate? Que faites-vous maintenant de différent pour ces gens lorsqu'ils viennent vous consulter?

Mme Donna Andrews: Nous n'empruntons pas le cheminement du tribunal.

M. Eric Lowther: Bien. Donc, lorsque qu'ils viennent vous consulter et qu'ils sont...

Mme Donna Andrews: Je leur parle individuellement ou je m'entretiens avec les deux à la fois, selon que je juge de la méthode qui fonctionne le mieux. Souvent, nous avons des entrevues individuelles et, ensuite, nous nous réunissons pour une dernière entrevue. Il arrive parfois que les gens aiment consulter ensemble. Je pense qu'il est préférable qu'ils déballent leur linge sale, pour ainsi dire, avec quelqu'un qui se trouve sur place et qui comprend ce qu'ils ressentent, leur peine, et se disent mutuellement tout ce qu'ils pensent en présence d'une autre partie présente. Parfois, c'est tout ce dont ils ont besoin. Ils veulent que quelqu'un d'autre entende comment ils se sentent. Vous entendrez des gens dire «Je veux qu'un juge sache ce que tu m'as fait et comment tu es parti avec cette jeunesse» ou «Je veux qu'un juge sache comment tu te conduis en tant que parent», ou quoi que ce soit d'autre. Parfois, ils ont besoin de s'exprimer. Ainsi donc, prodiguer des conseils fait partie de ce que je fais.

• 0930

M. Eric Lowther: Quel est votre but en tant que médiatrice par comparaison avec celui que vous aviez en tant qu'avocate? En quoi vos objectifs diffèrent-ils?

Mme Donna Andrews: Je ressentais la même chose comme avocate. Je voulais le meilleur résultat, c'est-à-dire je voulais que les gens communiquent du mieux qu'ils le pouvaient et que les enfants ne se sentent pas déchirés tout le temps lorsque la famille éclate. Ils sont déchirés entre les deux parents, ils essaient de rendre un parent heureux et de ne pas dénigrer l'autre. Même si je n'ai jamais eu d'enfants durant une séance de médiation, ils croient qu'il est bénéfique pour les parents d'être capables, au moins, de traiter les uns avec les autres pour l'amour des enfants, même s'ils se détestent.

M. Eric Lowther: Mais, en tant qu'avocate, quelque chose ne fonctionnait pas pour vous et c'est pourquoi vous êtes passée à la médiation.

Mme Donna Andrews: C'est le système judiciaire.

M. Eric Lowther: C'est ce que j'essaie de savoir. Qu'est-ce qui vous a fait passer de ce côté-ci? Quelle était la frustration qui a fait en sorte que vous suiviez cette route différente?

Mme Donna Andrews: Le système judiciaire.

M. Eric Lowther: Le système judiciaire. Plus précisément quoi?

Mme Donna Andrews: Ses juges rendent des décisions, et la plupart n'ont pas la formation requise pour rendre ces décisions. Ils sont biaisés par leurs propres expériences personnelles.

Ce sont des avocats qui sont à la cour criminelle pendant une minute et qui passent au tribunal de la famille dans la minute suivante, donc ils sont contradictoires, de toute évidence. Ils ne veulent pas faire de droit familial; la majorité des avocats ne veulent pas faire de droit de la famille. Il y a très peu d'avocats spécialisés en droit familial.

M. Eric Lowther: Contradictoire... Ils veulent surtout gagner ou...

Mme Donna Andrews: Oh, oui, absolument.

M. Eric Lowther: ...d'un côté ou de l'autre, tandis que vous comme médiatrice, vous vous concentrez sur...

Mme Donna Andrews: Je me concentre sur le résultat final, c'est-à-dire établir la meilleure situation possible pour élever un enfant, fondamentalement...

M. Eric Lowther: Cette différence, voilà ce que je cherchais.

Mme Donna Andrews: ...et je ne pense pas que c'est ce que font les tribunaux.

M. Eric Lowther: Enfin, je poserai une brève question à Mme Roberts.

Vous avez cette idée d'accorder la garde et le droit de visite avant la séparation ou de décider de quelle façon cela devrait se faire. Je veux m'assurer de bien comprendre ceci. Est-ce que vous dites que si nous regardions le milieu de vie avant qu'ils ne se séparent, par exemple le père était présent les soirs et la mère ne l'était pas, ou encore le pourcentage de temps qu'ils passaient avec les enfants ou autre chose, qui devrait être le guide qui détermine ce qui devrait se passer par après, ou au moins sur quoi faudrait-il se baser au départ?

Mme Eve Roberts: Oui.

M. Eric Lowther: Avez-vous une idée de quelle façon vous pourriez déterminer cela concrètement?

Si vous avez deux groupes qui viennent ici et qui sont en quelque sorte contradictoires, ils vont dire qu'ils n'y étaient pas... ils vont commencer par débattre du nombre de fois qu'ils l'ont amené à la partie de baseball ou encore du nombre de fois qu'ils ont établi un contact par téléphone. Ce serait difficile de déterminer cela, n'est-ce pas?

Mme Eve Roberts: Très souvent, c'est ce qui se passe au moment où vous arrivez devant le tribunal dans un cas de garde contestée. Vous avez quantité de ce genre de preuves et très souvent vous pouvez dire à votre client: «Je vous en prie, dites maintenant au juge à quoi ressemblait une journée normale, et combien de temps durant cette journée passiez-vous avez vos enfants»?

Donc, ce n'est pas une preuve difficile à présenter. Mais, si nous savions tous que si vous alliez devant un tribunal pour savoir qui va s'occuper des enfants, la règle empirique générale veut que le juge va maintenir le statu quo de vous séparer, non après votre séparation, lorsque vous vous posez des questions comme «Puis-je quitter la maison, ou est-ce que je concède certains avantages»? Bon nombre d'accusations se produisent miraculeusement après la séparation de personnes qui pensaient que leur conjoint était un parent parfaitement convenable avant qu'ils n'aient la mauvaise nouvelle qu'il existait, à leur insu, une troisième partie. Toutes ces blessures et toute cette colère se manifestent habituellement après la séparation.

Donc, comme ligne directrice générale, je dis trouvez qui exerçait le rôle parental avant la séparation et utilisez cela comme point de départ. Si les gens savaient que c'est ce que le juge ordonnerait, ils en arriveraient probablement à cet accord sans gaspiller leur argent.

Mme Eric Lowther: Selon vous, est-ce que cette question au sujet des responsabilités parentales par opposition à la garde et au droit de visite inclut le soutien financier aussi, en décidant de cet aspect pour les deux parents lorsque vous le mentionnez, ou s'agit-il d'un sujet distinct...? Les responsabilités parentales comprennent-elles les aspects financiers du soutien?

Mme Eve Roberts: Oui, définitivement.

M. Eric Lowther: Bien. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

Je m'adresse à Donna Andrews. Vous avez mentionné que 50 p. 100 des familles ne sont pas des couples mariés, ce sont des unions de fait.

M. Donna Andrews: J'utilisais cela simplement en général.

La sénatrice Erminie Cohen: En général... mais il y en a énormément.

Mme Donna Andrews: Oui, j'en vois beaucoup.

• 0935

La sénatrice Erminie Cohen: Je veux simplement vous dire qu'en Allemagne après le 1er juillet, les familles de fait seront traitées exactement de la même manière dans la loi que les familles intactes. Donc, il s'agit de quelque chose que nous pourrions examiner après l'an 2000.

Vous avez parlé des droits de l'enfant parce que la Loi sur le divorce ne tient pas compte des droits de l'enfant. Au Canada, un enfant n'a pas de droits reconnus. Dans le cadre de votre médiation, avez-vous déjà perçu l'impact qu'un enfant a lorsqu'on l'autorise à participer aux négociations? Ce n'est pas pour les amener à dire «J'aimerais plutôt rester avec maman» et les mettre dans cette situation parce que ce serait cruel. Mais, avez-vous déjà connu une telle situation?

Mme Donna Andrews: Non, aucune.

La sénatrice Erminie Cohen: Vous n'en avez jamais eu.

N'est-ce pas?

Mme Eve Roberts: Je n'ai jamais eu de cas où des enfants ont pris part à la médiation, mais j'ai eu de nombreux cas où les voix des enfants ont été entendues. Ici dans notre tribunal de la famille, dans nos lois provinciales, un travailleur social peut devoir faire un rapport au tribunal. Avant que les restrictions budgétaires ne mettent pour ainsi dire fin à cela, c'était très courant. Un rapport était fait et la voix de l'enfant était entendue par l'intermédiaire d'un travailleur social. J'ai eu des cas où le juge recevait l'enfant dans son bureau. Je n'ai qu'un ou deux cas où l'enfant a été réellement appelé à témoigner, et alors l'enfant est habituellement beaucoup plus âgé.

La sénatrice Erminie Cohen: À Terre-Neuve, avez-vous des intercesseurs pour les enfants, des gens qui parlent uniquement pour l'enfant et qui représentent l'enfant?

Mme Eve Roberts: Nous n'en avons pas à proprement parler, mais le juge peut toujours désigner un avocat distinct pour un enfant. Lorsque la garde est très chaudement contestée et que la situation s'envenime, le tribunal désignera parfois un avocat pour représenter les intérêts de l'enfant s'ils diffèrent parfois de ceux du parent.

La sénatrice Erminie Cohen: Il y a deux autres commentaires. Je suis vraiment d'accord avec votre recommandation à l'effet que l'article 69 de la Loi sur le divorce soit beaucoup plus clair. Nous avons entendu de presque chacun des groupes que la définition de l'abus ou de la violence devrait être dans la Loi sur le divorce à l'intention des juges qui, peut-être, n'ont pas eu l'expérience ou la formation, comme vous l'avez dit, et qui sont tellement occupés. Il s'agit de paternalisme, mais parfois il faut que nous le fassions.

Relativement à la norme pré-éducation dont vous avez parlé, c'est une idée qui a été lancée par l'un des témoins, et j'ai pensé «Oh, non», mais plus j'y songe... Lorsque j'ai entendu parler de contrats de mariage pour la première fois—je suis d'une autre génération—, j'ai pensé pourquoi se marier s'il faut signer un contrat disant qu'il obtient ceci et qu'elle obtient cela? Je pense qu'il y a eu 71 000 divorces en 1996, donc peut-être que lorsque deux personnes se marient, elles devraient signer un contrat de responsabilités parentales avant le mariage. En d'autres termes, si le mariage ne devait pas tenir, parce que c'est ce dont il s'agit dans le contrat de mariage, il devrait y avoir une sorte de plan parental en matière de responsabilité disant qu'advenant une telle... c'est quelque chose à laquelle il faut penser, parce que les contrats de mariage étaient bien loin à une certaine époque.

Mme Eve Roberts: Dans nos lois provinciales, lesquelles prévoient des contrats prénuptiaux, la seule chose sur laquelle vous pouvez être en désaccord, si le mariage prend fin, c'est de savoir qui obtient la garde et le droit de visite des enfants. Je pense que c'est en partie à cause de nos lois que cela est toujours sous le contrôle des tribunaux, donc cela serait exécutoire à l'heure actuelle. Ce n'est pas quelque chose que je pourrais vraiment défendre parce que lorsque vous convolez pour la première fois, je ne pense pas que vous sachiez quelle sorte de parent vous serez.

La sénatrice Erminie Cohen: C'est vrai.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

Madame Finestone.

Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup.

J'aimerais qu'on inscrive au registre que je pense que nous avons été très chanceux et très privilégiés d'entendre d'excellents témoins de tous les côtés.

J'aimerais simplement poser une question en ce qui concerne le nombre de cas. À ce moment-ci, je crois que j'adresse ma question à Eve Roberts. Sur une période de 32 ans, c'est une histoire tout à fait merveilleuse, ce qui serait peut-être révélateur de cette province et des moeurs qui évoluent.

• 0940

Quel est le pourcentage des cas—je me demande si vous pouvez simplement l'estimer pour nous—qui seraient réglés hors cour? De quoi parlons-nous? Il s'agit de déterminer l'ensemble du problème consistant à écarter la violence familiale, la responsabilité parentale et les normes précédant la séparation. Ce sont toutes ces choses avec lesquelles il faut jongler. Quel est le pourcentage des cas que vous avez connus qui auraient été des cas difficiles, de confrontation, et quel pourcentage de ces cas a été réglé dans vos bureaux?

Mme Eve Roberts: Une partie de mes premières expériences se sont passées en Alberta, je ne pense pas que ce soit différent. Je dirais que bien au-delà de 90 p. 100 des cas sont réglés sans trop de problèmes. Beaucoup de parents sont très jeunes lorsqu'ils se séparent. Beaucoup de parents ne souhaitent aucune responsabilité parentale et disparaissent simplement. Beaucoup de gens sont très sensibles. Ils prennent leur séparation à coeur et s'occupent de ces choses.

Parmi les 10 p. 100 qui restent et qui ont vraiment besoin d'aide, seul un très faible pourcentage a recours à la justice, peut-être 1 p. 100 ou 2 p. 100.

Mme Sheila Finestone: Approximativement, c'est ce que nous avons entendu. Nous savons aussi qu'il y a beaucoup d'appréhension de la part des grands-parents et nous avons entendu parler de leur droit de visite. Nous avons beaucoup entendu parler d'allégations non fondées d'agressions sexuelles, de violence, etc. Nous savons aussi qu'il y a un pourcentage substantiel de violence au sein de la famille, peut-être à l'intérieur de ce 10 p. 100.

Je me demandais quelle était l'importance des dysfonctions sexuelles que vous avez relevées dans le cadre de votre travail auprès des familles qui allaient connaître une situation de divorce. Ce pourrait être à la base des difficultés relevées chez les couples qui divorcent. Pourriez-vous même nous donner une simple approximation à ce sujet?

Mme Donna Andrews: Ce serait impossible à dire. Quant à moi, je l'ai constaté, et c'est beaucoup trop. Cependant, je ne pourrais l'exprimer en pourcentage.

Mme Sheila Finestone: Je me demandais simplement si Viagra pourrait être une réponse.

Des voix: Bravo, bravo!

Mme Sheila Finestone: Pour revenir à la question de normes communes à la grandeur du pays, je pense que ce serait un voeu pieux, je ne pense pas que ce comité mixte ne s'intéresse aux voeux pieux.

Il existe une nette distinction entre la Loi sur le divorce, qui est pancanadienne, et les responsabilités au niveau provincial. Je crois que nous pourrions apprendre de chacune des provinces et voir peut-être qu'il nous serait possible de recommander au comité fédéral-provincial-territorial relativement à ce qu'il doit rechercher, à ce qu'il doit faire pour aider et à être un facilitateur disposant de modèles, que chacune des provinces pourrait examiner. Je veux simplement que cela soit inscrit, dans un sens, parce que je me souviens de toutes les frustrations qu'on éprouve lorsqu'on traite de ce sujet en tant que députée fédérale.

Concernant l'article 69, je vous en remercie. J'aimerais vous demander...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est le paragraphe 16(9).

Mme Sheila Finestone: C'est le paragraphe 16(9), excusez-moi. Merci.

Concernant le paragraphe 16, vous voulez changer les termes «garde» et «droit de visite».

Je pense que j'en arrive à une conclusion en ce qui concerne les termes. Même si, au début, je ne pensais pas que les mots avaient le même sens que «gagnant» et «perdant», je suis vraiment de plus en plus convaincue que la nomenclature doit disparaître.

Beaucoup de termes différents nous ont été soumis, mais en fin de compte, il s'agit de responsabilités parentales et également du fait que les parents appartiennent à l'enfant, et non pas l'enfant aux parents. Je pense que nous voyons poindre une philosophie fondamentale, sauf lorsqu'il y a violence aiguë, méfiance, ou des choses de cette nature.

Dans la dernière partie de la question sur laquelle je voudrais m'informer, counselling obligatoire, médiation obligatoire et consultation obligatoire, quels que soient les termes utilisés, que cela commence par un ami de la famille, puis passe à un professionnel et enfin se termine devant les tribunaux, serait-ce là les étapes que vous verriez? Croyez-vous que les avocats comme tels sont les premières personnes qui devraient tenter cette démarche de médiation, ou croyez-vous que les avocats—et je n'essaie pas d'attaquer vos responsabilités—comme nous l'avons si souvent entendu, sont la cause du problème?

Mme Eve Roberts: Je comprends que ce soit ainsi ailleurs, mais je ne pense pas que c'est le cas dans cette province. Selon mon expérience, la majorité des avocats qui exercent le droit familial consacrent vraiment tous leurs efforts à tenter de faire de leur mieux pour la famille séparée.

• 0945

Vous êtes en quelque sorte en situation de conflit en tant qu'avocate, lorsque vous êtes payée pour représenter les intérêts d'une partie. Vous êtes embauchée pour aider, et ce que vous voulez réellement faire, c'est de prendre cette famille séparée et essayez de les sortir de ce pétrin comme...

Mme Sheila Finestone: Donc, pensez-vous que ce serait une bonne idée si vous pouviez les référer immédiatement à quelqu'un d'autres que vous-mêmes, comme un ami de la famille, d'abord?

Mme Eve Roberts: Je crois que la première chose à faire, c'est de leur donner les outils éducatifs qui consistent à leur dire ce que sont leurs droits et responsabilités, comme partie séparée, en vertu de la loi, afin qu'ils aient cette base de connaissance au chapitre de ce qu'ils ont droit et de ce que sont leurs responsabilités. Et puis, s'il y a l'épouse qui vient tout juste d'être laissée à elle-même et s'il y a désordre émotif, je lui dirais d'aller demander conseils pour elle-même, de consulter pour ses enfants. Quant à moi, je vais tenter d'écarter l'autre avocat aussi longtemps que possible afin de permettre à cette femme de revenir à un niveau émotif où elle sera en mesure de composer avec sa situation.

Ensuite, une fois qu'ils ont ces outils émotifs et légaux, ils peuvent passer à la médiation et à la négociation. Vous ne pouvez pas le faire si vous ne possédez pas l'information et la force affective pour le faire.

Mme Sheila Finestone: Je veux dire que je suis très heureuse que le groupe sur la Condition de la femme soit ici et écoute, parce que je pense franchement... si vous prenez le Québec, vous verrez qu'on a préparé un manuel sur le divorce sans avocat, et ce qui est bon au sujet de ce manuel, c'est qu'il comprend une liste de ce qui est admissible en vertu de la loi et de ce qui est divisible en vertu de la loi. Puisque chaque province a différentes sortes de lois, ce serait très utile si chacune de ces provinces élaborait une telle trousse qu'on pourrait obtenir sur demande. Et ce document n'a pas besoin de coûter cher, mais il s'agit d'un outil éducatif.

Mme Donna Andrews: Nous en avons un.

Mme Sheila Finestone: Oh, vraiment?

Mme Donna Andrews: Il est ici dans la trousse.

Mme Sheila Finestone: Si vous en avez un, beaucoup de problèmes au chapitre de ce que vous appelez l'éducation... il s'agit de connaissances, de connaissances fondamentales.

J'aime l'idée d'une norme préalable à la séparation à l'intention du juge. Je pense que c'est une idée formidable parce que vous pouvez aussi, de cette façon, faire participer les grands-parents ou les amis de la famille—pour ce qui est des amis, un oncle ou une autre personne—parce qu'ils peuvent aider à déterminer ce qu'est la réalité. La réalité est très différente pour chaque personne qui la vit.

Je crois que cela répondrait à quantité d'allégations comme quoi les enfants sont laissés à la mère, comme si c'était un fait. La réalité est que, dans la majorité des cas, c'est bon pour l'enfant et que, par conséquent, vous n'avez pas à le faire selon un pourcentage. Vous devez le faire en vous fondant sur ce qui est le mieux pour l'enfant.

J'aime cette idée de la norme préalable à la séparation et de s'assurer qu'on n'en abuse pas. J'aimerais l'idée de compenser le temps perdu. S'il y a une raison pour laquelle vous ne pouvez pas voir cet enfant, vous pouvez vous reprendre une autre fois. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait autant de confrontation.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci, monsieur Gallaway.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'ai une très courte question, madame la présidente.

Dans notre société, nous aimons quantifier les choses et j'ai entendu qu'environ 10 p. 100 des cas sont très conflictuels ou problématiques. La semaine dernière, je pense que c'était à Edmonton, on nous a dit que c'était 17 p. 100, et on peut reconnaître ou prétendre qu'il pourrait y avoir des différences régionales ou provinciales.

Cependant, une chose dont nous n'avons pas beaucoup entendu parler, c'est que dans cet exemple de 10 p. 100, nous parlons de cas qui surviennent dans la période de temps qui commence à partir de l'envoi d'une demande de divorce jusqu'au moment de l'accord du divorce, mais nous savons que la Loi sur le divorce couvre également cette période de temps après le divorce jusqu'à ce que les enfants atteignent leur majorité. Pourriez-vous nous dire si cette période de temps englobe aussi un autre groupe de clients, peut-être nouveaux, pour les tribunaux? Si c'est le cas, pouvez-vous nous dire approximativement l'importance de cette base?

Mme Eve Roberts: Vous parlez de personnes qui se sont séparées et ont divorcé sans qu'il y ait vraiment eu de confrontation, mais les problèmes se sont produits par la suite?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui. Je le demande, parce que la semaine dernière, nous avons entendu des témoins qui ont eu des problèmes deux ans après le divorce.

Mme Eve Roberts: Ce serait difficile. Mon bureau était à St. John's, et à St. John's, comme vous l'avez entendu plus tôt ce matin, nous sommes très chanceux d'avoir le Tribunal unifié de la famille et des conseillers très compétents. Si quelqu'un arrivait avec un problème, la première chose que je ferais serait de lui faire rencontrer l'un des conseillers du Tribunal unifié de la famille pour voir s'il est possible de trouver une solution. Le conseiller s'entretiendrait avec le parent puis, habituellement, demanderait à l'autre parent s'il aimerait venir parler du problème.

• 0950

Bon nombre de ces problèmes peuvent être résolus, mais quelques-uns ne le sont certainement pas, et vous voyez de nouvelles demandes concernant la garde. En règle générale, les personnes qui ne s'accordaient pas dès le début continuent de différer d'opinion. Parfois, il est difficile d'expliquer à des gens qui se séparent qu'ils vont avoir des rapports à tout jamais. Ce ne sera pas la relation du mariage, mais ils vont continuer d'être des grands-parents ensemble en bout de ligne.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Mme Sheila Finestone: Vous devez aller aux cérémonies de mariage.

Mme Eve Roberts: Oui, et tout ce qui s'ensuit. Et une fois que les enfants sont adolescents, ils veulent presque inévitablement changer de résidence.

Mme Sheila Finestone: Et manipuler maman et papa.

Mme Eve Roberts: Vous devez le voir comme quelque chose de courant jusqu'à ce que les enfants volent de leurs propres ailes.

Mme Sheila Finestone: M. Gallaway a fait un très bon commentaire. Il dit que vous n'avez pas besoin d'être divorcé pour que cela arrive à vos adolescents.

Des voix: Oh, oh!

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Lewis.

Sénateur P. Derek Lewis (St. John's, Lib.): Merci, madame la présidente.

Le comité traite de la garde et du droit de visite des enfants, et les deux témoins ont parlé de leur longe expérience concernant ces problèmes matrimoniaux, d'un point de vue professionnel, et du nombre de cas qui entraînent des procédures.

En donnant les pourcentages et tout le machin, seriez-vous—je ne dis pas que vous êtes en train de tout mélanger, mais compteriez-vous les cas n'ayant pas trait à la garde selon ce que vous avez vécu? Vous avez parlé d'actions en divorce où il se peut qu'il n'y ait pas de problème de garde, et il peut y avoir des questions en vertu de la loi provinciale en ce qui concerne le partage des biens, mais je me demandais simplement si, peut-être, lorsque vous nous avez donné des chiffres, vous n'auriez pas pu inclure des cas où il n'est pas question de garde.

En d'autres termes, je sais que cela est difficile à faire, mais disons que sur une période de 30 ans, quel est le pourcentage des cas qui touchaient la garde des enfants? Pourriez-vous nous en donner une idée?

Mme Eve Roberts: Sénateur Lewis, il est très difficile de vous répondre. Je dirais que la majorité des conflits ne se rapportent pas à la garde, mais plutôt à l'argent.

Sénateur Derek Lewis: Oui, exactement.

Mme Eve Roberts: Mais la garde entre dans le tableau.

Sénateur Derek Lewis: Oui, et elle peut le modifier.

Mme Eve Roberts: Elle le modifie dans une large mesure. Très souvent, nous verrons des gens négocier: «Bien, si j'exige un peu moins d'argent, il laissera tomber l'action portant sur la garde». Cela se produit tout le temps. C'est très difficile de séparer ces questions lorsqu'il s'agit de manipuler l'autre conjoint, de contrôler l'autre conjoint, pour découvrir s'ils ont vraiment, authentiquement, la garde de cet enfant. Ou veulent-ils tout simplement payer moins?

Sénateur Derek Lewis: Il s'agit de relations humaines.

Mme Eve Roberts: C'est vraiment difficile de séparer ces questions, parce qu'ils disent: «Bien, si je dois payer tant d'argent pour cet enfant, je devrais sûrement pouvoir le voir beaucoup plus souvent».

Sénateur Derek Lewis: C'est exact.

Mme Eve Roberts: C'est vraiment difficile de les séparer.

Sénateur Derek Lewis: Et il pourrait y avoir une certaine influence également si un parent pensait «Bien, je peux m'épargner de l'argent si je n'ai pas droit de visite ou si je réduis le nombre des visites». Cela pourrait influer grandement sur la façon dont ils perçoivent les choses. Lorsqu'on en arrive aux dollars et aux cents, vous ne savez pas jusqu'à quel point un individu peut se débattre.

Mme Eve Roberts: Je pense, sénateur, que pour chaque conjoint qui éprouve des problèmes relativement au droit de visite de l'enfant, il y a des centaines d'autres conjoints qui aimeraient énormément que l'autre parent fasse ses visites et prenne ses responsabilités. Pour moi, le grand problème, c'est de faire en sorte que le conjoint non gardien prenne certaines responsabilités.

Sénateur Derek Lewis: Oui, et c'est très...

Mme Eve Roberts: Je ne crois pas que vous puissiez légiférer sur cela.

Sénateur Derek Lewis: Oui, c'est ce que j'allais dire. Ce n'est pas quelque chose qui puisse faire l'objet d'une loi. Il s'agit de relations humaines.

Mme Eve Roberts: Oui.

Sénateur Derek Lewis: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Quelqu'un d'autre a-t-il une question?

M. Eric Lowther: J'ai simplement une autre brève question si vous me le permettez.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui.

• 0955

M. Eric Lowther: Je suis décontenancé. En réponse à la question du sénateur Lewis au sujet des compromis relatifs au plan financier concernant le droit de visite, vous avez dit que cela se produit tout le temps et, cependant, vous avez dit que dans 90 p. 100 des cas il n'y a pas de problème, donc nous ne parlons que d'environ 10 p. 100 des cas. Pour moi, le message n'est pas clair. Est-ce tout le temps ou est-ce seulement 10 p. 100 du temps?

Mme Eve Roberts: Bien, ce serait à l'intérieur du 10 p. 100.

M. Eric Lowther: Oh, OK.

Mme Eve Roberts: Ce sont 10 p. 100 des couples qui ne vont pas prendre leurs propres ententes et se séparer de façon amicale.

M. Eric Lowther: OK, mais...

Mme Eve Roberts: Certains de ces cas peuvent être résolus en échangeant de l'argent contre un droit de visite.

M. Eric Lowther: Donc, est-ce que cet échange d'argent contre le droit de visite se produit dans les 90 p. 100?

Mme Eve Roberts: Non, dans les 10 p. 100 qui sont difficiles.

M. Eric Lowther: OK, merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'ai une question.

C'est inhabituel d'avoir devant nous deux personnes qui viennent de différentes régions de la province. L'une a le Tribunal unifié de la famille ici à St. John's et l'autre n'a pas accès à ce tribunal. Il y a nettement une grande différence. Est-il possible d'avoir des tribunaux unifiés de la famille dans d'autres régions de Terre-Neuve?

Mme Donna Andrews: Est-ce que nous disons qu'il n'y a pas d'argent, que ce n'est pas totalement possible d'avoir des tribunaux...?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Non, non. Tout d'abord, est-il techniquement...

Mme Donna Andrews: Je sais qu'on peut en créer, et j'ai entendu dire qu'ils ont parlé d'en établir dans la région du centre de Terre-Neuve, mais je ne sais pas ce qui va se produire.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Naturellement, cela nécessite la nomination de juges nommés par le fédéral, n'est-ce pas?

Mme Donna Andrews: Oui.

Sénateur Derek Lewis: L'établissement du Tribunal de la famille était censé être une chose provisoire.

Mme Eve Roberts: Sénateur, il s'agissait à l'origine d'un projet pilote. Il était unifié en ce sens qu'il était censé entendre des actions criminelles mineures impliquant des parents, et quelques-unes de ces autres questions. En réalité, là où notre Tribunal de la famille en est pratiquement rendu, c'est que nous avons des juges qui exercent leurs attributions de la Cour supérieure avec un volet social.

Sénateur Derek Lewis: Je dirais que les tribunaux voulaient probablement se débarrasser d'un bon nombre de problèmes liés au droit familial.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je crois que l'une des choses qui ressort de vos remarques, madame Roberts, est le fait que pouviez envoyer vos gens chez des conseillers.

Mme Eve Roberts: Le counselling, oui.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous n'avez pas cette occasion.

Mme Donna Andrews: Ce n'est pas seulement que nous n'en avons pas l'occasion, ce n'est tout simplement pas disponible.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Ce n'est tout simplement pas disponible.

Mme Donna Andrews: Surtout sans frais. C'est le problème ici avec le Tribunal unifié de la famille.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Non, je peux voir la différence.

Mme Donna Andrews: Nous avons deux paliers, fondamentalement, à Terre-Neuve, et nous n'avons pas les ressources.

Mme Eve Roberts: Et vous devez vous rappeler alors que dans bon nombre de régions rurales de la Nouvelle-Écosse, il n'y a pas de maintien de l'ordre. Donc, dans tout ce problème de harcèlement avec menace, si vous demeurez dans une communauté rurale sur la côte du Labrador et que, pour communiquer avec l'agent de la GRC le plus proche, vous devez prendre l'avion, que vous devez attendre que les conditions météorologiques soient favorables...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui, ce sont vraiment—

Mme Sheila Finestone: Ils viennent tout juste de découvrir cette grosse cache de drogue à Gros Morne, je pense. Est-ce parce qu'il n'y a pas de policiers là-bas et que les enfants doivent aller...

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Avez-vous une question?

Mme Sheila Finestone: Oui, j'en ai une, s'il vous plaît.

Pour faire suite à la question du sénateur Lewis, traitez-vous vos cas de protection de la jeunesse dans le système du Tribunal unifié?

Mme Eve Roberts: Non.

Mme Sheila Finestone: Parce que cela relève du droit criminel.

Mme Eve Roberts: Oui. Rien de cela ne se fait devant le Tribunal unifié.

Mme Sheila Finestone: Pour faire suite à la question de la sénatrice Pearson, dans l'un ou l'autre des systèmes judiciaires, qu'il s'agisse des juges itinérants dont la vie n'est pas facile j'en suis sûr, ou de ceux qui sont ici à St. John's, on nous a dit que les juges aiment à croire qu'ils n'ont pas besoin de formation obligatoire—il s'agit-là d'une imposition ou d'une atteinte à leur compétence. Je suis de ceux qui pensent qu'avant qu'ils ne soient nommés, qu'avant même que leur candidature ne soit examinée, ils devraient suivre une séance de formation.

Croyez-vous, à mesure que la société change de façon tellement marquée décade après décade—et certains de ces juges servent plusieurs dizaines d'années—qu'ils devraient certainement être obligés de suivre une formation chaque année ou à tous les deux ans, un programme de recyclage, une nouvelle orientation, un renouveau, un certain genre d'orientation pour ces juges?

Mme Eve Roberts: Je serais très certainement d'accord avec cela, et j'aimerais voir de très bonnes lignes directrices écrites en ce qui concerne ceux qui devraient être nommés sur le banc, les qualifications que les juges devraient avoir. Je dois dire que je ne crois pas que ceux qui nomment les juges ont jamais lu leurs propres lignes directrices.

• 1000

Mme Sheila Finestone: C'est un point très intéressant sur lequel j'aimerais élaborer en posant une autre question.

Comme je le comprends, avant que vous ne puissiez faire une demande d'examen de votre dossier pour devenir juge, vous devez avoir dix ans de pratique, vous devez être acceptable par votre propre barreau de la province, la liste fait l'objet d'un examen approfondi de l'exécutif de la province, puis elle est envoyée au gouvernement fédéral pour examen. S'agit-il d'un processus acceptable ou suffisamment rigoureux? Et sinon, pourquoi et comment peut-y remédier? Quel autre processus...?

Mme Eve Roberts: Je ne crois pas que vous ayez décrit le processus d'une façon suffisamment précise.

Mme Sheila Finestone: Pourriez-vous nous décrire comment vous le percevez?

Mme Eve Roberts: Je ne suis pas une candidate, donc je ne suis pas tout à fait sûre.

Mme Sheila Finestone: Très bien.

Mme Eve Roberts: Vous devez faire partie du barreau depuis au moins dix ans, et puis quelque part, à Ottawa, il y a un Commissaire à la magistrature fédérale, et vous posez votre candidature. Ensuite, chaque province a un comité formé de juges, d'avocats et de profanes qui examinent votre demande. Ils n'interviewent pas les gens, mais ils les classent par rang, soit fortement recommandé, recommandé ou non recommandé.

Mme Sheila Finestone: Donc, il s'agit de la troisième étape jusqu'ici.

Mme Eve Roberts: Avant que vous ne soyez nommé, je pense alors que c'est au niveau du gouvernement qu'ils sont supposés examiner vos références. Le comité ne s'en occupe pas. Je ne sais pas pourquoi ils ne le font pas à l'étape du comité, mais vos références ne sont pas examinées avant qu'elles ne soient devant le ministre de la Justice.

La sénatrice Erminie Cohen: Me permettez-vous une question supplémentaire à ce sujet?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui.

La sénatrice Erminie Cohen: Simplement pour donner de la crédibilité à votre affirmation concernant l'absence d'examen des curriculum vitae, au cours des quelques dernières années, deux juges ont été nommés dans la province du Nouveau-Brunswick, un à la Cour d'appel et un autre au Tribunal de la famille. Aujourd'hui, tous les avocats disent que la personne à la Cour d'appel aurait dû être au Tribunal de la famille et la personne qui se trouve au Tribunal de la famille aurait dû être à la Cour d'appel.

Donc, il y a définitivement des faiblesses là. Dans le meilleur intérêt de la famille et des femmes et des hommes, c'est un très bon point que vous avancez. Merci.

Mme Sheila Finestone: Bien, merci. C'est quelque chose qui me tient vraiment à coeur, mais je me suis laissée dire que mon inquiétude est mal fondée parce qu'ils ont déjà un processus à quatre étapes. Bien, peut-être devrions-nous examiner les quatre étapes et voir ce qu'il y a là à réviser et faire les recommandations qui s'imposent dans le cadre de nos travaux, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Cela nous a fait plaisir que vous soyez ici. Nous sommes heureux que vous ayez pu venir.

Le comité reprendra ses travaux à 13 heures.

• 1003




• 1146

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons reprendre nos travaux, quel que soit notre retard cet après-midi.

Nous désirons souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je m'abstiendrai de faire quelque remarque que ce soit sur notre rapidité, ou sur notre manque de promptitude cet après-midi. J'essayais d'expliquer plus tôt à un témoin que c'était la faute du restaurant.

Nous avons avec nous Glenda Best, du bureau d'avocats Williams, Roebothan; Gillian Butler, un médiateur et un avocat du bureau de White, Ottenheimer; et David Day du bureau d'avocats Lewis, Day.

Je pense que vous connaissez la procédure ici. Nous vous demandons de prendre la parole pendant environ cinq minutes, et nous allons commencer par monsieur Day.

M. David Day (Lewis, Day, Barristers, Solicitors, Notaries): Merci monsieur le député. J'ai un énoncé de cinq minutes portant sur sept points.

Dans l'accomplissement de votre mandat qui consiste à évaluer la nécessité d'une démarche plus centrée sur l'enfant au chapitre des politiques et des pratiques en matière de droit de la famille, je vous demande de tenir compte de ce qui suit dans votre rapport au Parlement:

Premièrement, récrire les termes relatifs à la garde des enfants des familles éclatées en vertu de la Loi sur le divorce et inviter les provinces et les territoires à s'y conformer.

Les termes actuels relatifs à la garde et au droit de visite en vertu de la Loi sur le divorce, articles 2, 6, 9, 11, 16, 17, et 34, et ses règlements sont les termes des droits de propriété civils et d'incarcération de criminels et renforcent le système judiciaire d'opposition des gagnants et des perdants. Dans quelque 3 500 litiges relevant du droit de la famille depuis 1968, dans lesquels j'ai fait office de conseiller, où 81 p. 100 étaient des divorces, ces termes ont compté parmi la préoccupation la plus souvent mentionnée par les clients.

L'alternative consiste en des ordonnances de rôle parental qui définissent les responsabilités parentales en termes de soin, de responsabilité et de contact. Je remarque que le mot «soin» est actuellement utilisé dans l'article 15(2) de la Loi sur le divorce, quoique dans le contexte du soutien financier des enfants.

Deuxièmement, l'alinéa 11(1)(b) de la Loi sur le divorce autorise un tribunal à suspendre l'accord d'un divorce jusqu'à ce que des «dispositions raisonnables aient été prises pour le soutien de tous les enfants». Une disposition devrait être ajoutée autorisant le tribunal à retarder un divorce jusqu'à ce que des dispositions raisonnables aient été prises et appliquées au rôle des parents des enfants. Ce qui constitue des «dispositions raisonnables» pourrait être défini de façon à inclure dans les termes de votre mandat des dispositions axées sur l'enfant, et lorsque les meilleurs intérêts impliquent des responsabilités parentales conjointes.

• 1150

Troisièmement, le concept du paragraphe 16(4) de la Loi sur le divorce, décrit en marge comme garde conjointe ou droit de visite, ne devrait pas être modifié.

Des dispositions raisonnables mises en oeuvre pour les enfants de mariages éclatés ne devraient pas procéder d'une présomption de rôle parental conjoint. Une telle présomption nécessiterait un tribunal dans toute procédure selon lequel l'une ou l'autre des parties s'opposerait à un rôle parental conjoint, à moins que le problème ne soit résolu par prise en charge du cas, par conférence préalable à l'instruction, par médiation ou autres procédures préalables à l'instruction.

L'objection au rôle parental conjoint présumé aurait été la règle plutôt que l'exception dans les cas des familles où j'ai fait office de conseiller. La principale raison: incapacité de communiquer et de collaborer sont habituellement les principales raisons des mariages qui ont échoué. Avec le temps, selon mon expérience, plusieurs couples en instance de divorce qui ont recours à de l'aide professionnelle ou par initiative personnelle en arrivent à des ententes qui correspondent à un rôle parental conjoint. Cependant, dans le sillage immédiat de la séparation et du divorce, plusieurs parents qui ne sont pas alors consentants à exercer un rôle parental conjoint ne seront pas obligés par la loi ou les tribunaux, ou encore par d'autres processus d'entente, comme la médiation, de faire une demande de rôle parental conjoint.

Quatrièmement, même si je reconnais que les Cours supérieurs du Canada peuvent ordonner des mesures liées au rôle parental qui ne sont pas spécifiquement autorisées par la Loi sur le divorce, en vertu de l'ancienne théorie parens patriae, le paragraphe 16(4) de la Loi sur le divorce devrait être amendé afin d'autoriser les tribunaux spécifiquement à ordonner que le parent non résidentiel d'un enfant soit autorisé à recevoir et à obtenir des informations concernant la santé, l'éducation et le bien-être des enfants.

Plusieurs médecins d'hôpitaux, professeurs d'école et chefs d'entreprise sont réticents à donner des renseignements sur un enfant à un parent non résidentiel sans le consentement du parent résidentiel. Ces renseignements ne sont pas faciles à obtenir ou sont souvent donnés en échange de concessions sur des questions non liées aux enfants. Pour de nombreux parents dont la santé, les moyens financiers ou l'emploi les empêchent d'avoir des contacts personnels réguliers et fréquents avec leurs enfants, ce sont parmi les seuls autres moyens de communiquer et de se tenir informés.

Cinquièmement, alors qu'aucun effort ne devrait être fait pour articuler de façon exhaustive la norme des meilleurs intérêts au paragraphe 16(8) de la Loi sur le divorce, la loi devrait être amendée de façon à s'assurer que le mauvais traitement entre conjoints est un des facteurs pertinents servant à déterminer les meilleurs intérêts.

Au Canada, seul la province de Terre-Neuve a des dispositions spécifiques concernant cet aspect du rôle parental en vertu du paragraphe 31(3) de la Children's Law Act. Cependant, l'expression utilisée est «manière violente». Un terme plus large, moins émotif et par conséquent plus approprié serait «mauvais traitement». Ceci pourrait inclure non seulement le mauvais traitement physique, mais de plus, le mauvais traitement au plan émotionnel et économique.

Sixièmement, toute la sagesse judiciaire du Canada, toutes les lois, toutes les procédures et tous les services de soutien, pour ne pas mentionner les parlementaires, seront incapables de résoudre le faible pourcentage—selon mon expérience, moins de un demi de 1 p. 100—des conflits parentaux insolubles. Cependant, la médiation a le potentiel de résoudre la plupart des litiges parentaux plus rapidement que les tribunaux ne peuvent s'y attendre, ou au moins réduire le nombre de conflits parentaux qui peuvent autrement devenir insolubles. Néanmoins, la Loi sur le divorce ne devrait pas être amendée pour y inclure l'obligation incontestablement utile de la médiation dans les procédures de divorce à moins et jusqu'à ce que des services de médiation qualifiés ne soient disponibles à travers le pays.

Enfin, d'autres recherches peuvent être nécessaires afin de déterminer les besoins parentaux des enfants de rapports autres que ceux qui se terminent par un divorce, ce qui n'est pas versé au dossier public des tribunaux. De plus en plus, les parents qui se présentent à mon bureau ne sont pas mariés ou sont légalement inéligibles au mariage en raison de leur état civil ou de leur orientation sexuelle, et ils ne peuvent pas se prévaloir des dispositions du droit familial.

Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup, monsieur Day.

Je cède maintenant la parole à madame Butler.

• 1155

Mme Gillian Butler (avocate, médiatrice, White, Ottenheimer): Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de m'adresser à vous aujourd'hui. Mon exposé est peut-être un peu plus personnel.

Durant les 16 premières années de ma carrière, j'ai exercé le droit de la famille en tant qu'avocate. En 1996, j'ai changé d'orientation et je me consacre maintenant uniquement à la médiation. Je suppose que les raisons pour lesquelles je me consacre à la médiation sont en partie liées à mon âge et à la sagesse qui doit l'accompagner. C'est peut-être en raison de l'épuisement professionnel qui augmente et qui doit être reconnu dans le cas de l'exercice du droit de la famille, ou c'est peut-être du fait que j'ai vu, peut-être comme un résultat de l'âge moyen, quelques-uns de mes amis très proches traverser les conséquences d'éclatements familiaux, et d'avoir vu, de mes yeux, exactement ce que le processus leur impose.

Pour ce qui est de souligner de quelle façon le système terre-neuvien peut, de fait, différer de celui d'autres provinces où vous avez déjà entendu des exposés, permettez-moi d'abord de vous dire que le système du Tribunal unifié de la famille était, bien entendu, unifié au niveau de la Cour suprême par opposition au niveau du Tribunal provincial, et que le Tribunal unifié de la famille de Terre-Neuve est géographiquement restreint à une province seulement, c'est-à-dire dans un rayon de quelques milles de la ville de St. John's. Donc, nous avons un système qu'on a accusé d'élitisme à Terre-Neuve dans la mesure où des gens éprouvant des problèmes identiques n'ont pas égalité d'accès aux programmes.

Actuellement, étant donné que j'exerce en tant que médiatrice en droit familial et non pas comme avocate, je ne participe pas aux réunions régulières de la sous-section de droit familial de l'Association du Barreau canadien. Cependant, j'ai lu leur rapport. J'appuie énormément certaines de ses recommandations, d'autres non.

Mon très bref exposé portera sur le plus grand nombre de domaines possible, principalement la médiation, le financement des programmes et, chose plus importante selon moi—et c'est à ce point-là que mon exposé différera quelque peu—l'accès au système.

En ce qui concerne la médiation, afin de pouvoir travailler de façon optimale, je crois que les services de médiation doivent fonctionner de concert avec le processus judiciaire et, bien entendu, ce n'est pas le cas dans un système de tribunal unifié de la famille. Lorsqu'ils font partie du système, par exemple, lorsque les travailleurs sociaux sont logés dans le même immeuble que le juge et le palais de justice, les plaideurs ne perçoivent pas que ces services sont tout près. Je ne recommande pas la disparition de quelque poste que ce soit. Je dis tous simplement que ce service doit être indépendant. Les mêmes personnes bien qualifiées et compétentes peuvent assurer le service, peut-être sur une base contractuelle, mais financé par la même source habituelle.

Deuxièmement, la médiation ne devrait jamais être obligatoire. Je pense que nous devrions examiner la possibilité—et peut-être que ce comité pourrait en faire la recommandation—de renforcer l'alinéa 9(2) de la Loi, qui impose actuellement aux avocats non seulement de parler avec leurs clients de la pertinence de la négociation. J'appuierais une obligation imposée aux procureurs d'expliquer aux clients tous les processus possibles, potentiels et optionnels de résolution de conflits, et un certificat confirmant ces processus lorsque la demande de divorce est déposée.

Enfin, dans tous les cas, la médiation devrait se faire sans divulgation, je pense que la loi devrait l'indiquer. Le médiateur ne devrait jamais, sauf dans les cas de violence à l'égard des enfants ou de protection de la jeunesse, être contraint de témoigner.

Deuxièmement, la sous-section du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien a recommandé que des ressources concrètes - de tout évidence le financement—soient consacrées à ce domaine, nommément l'éducation parentale, les visites supervisées et autres programmes. Bien trop souvent, lorsqu'il s'agit de connaître la raison de l'existence d'une mauvaise relation parentale, on nous répond que les parents n'ont pas certaines compétences. Si ces aptitudes peuvent être acquises dans le cadre d'un cours sur le rôle parental ou par un counselling privé, ces services devraient pouvoir être disponibles. Trop souvent, bien entendu, ce problème se manifeste au sein de groupes qui sont faibles aux plans social et économique. Dans de tels cas, je serais d'accord pour qu'il y ait des programmes financés d'éducation parentale et de visites surveillées.

Cependant, je n'appuie pas la recommandation 3 de l'ABC, soit que les conjoints séparés devraient être «requis» de suivre un programme d'éducation parentale financé par le gouvernement avant d'entreprendre le procès. J'en suis arrivée à cette conclusion pour les raisons suivantes. En premier lieu, je pense qu'il y aurait abus. Deuxièmement, je pense que cela retarderait un procès qui aurait lieu autrement, et puisqu'il est obligatoire, on n'y participerait pas en faisant preuve de toute la bonne foi nécessaire à la réussite de tels programmes.

Mon troisième point se rapporte à l'accès au système. Les recommandations 1 et 2 de l'ABC proposaient d'inclure des facteurs spécifiques lorsqu'il s'agit de déterminer les meilleurs intérêts, et même s'ils ne sont pas inclus dans la loi à l'heure actuelle, ces facteurs ont été pris en compte depuis de nombreuses années dans la jurisprudence de Terre-Neuve, en tout cas certainement depuis mon admission au Barreau en 1980.

• 1200

La recommandation à l'effet d'établir les responsabilités parentales dans la loi est également saine mais, chose plus importante encore cependant, je crois que le critère des meilleurs intérêts de l'enfant nécessite une intervention opportune, l'accès au système judiciaire et des recours qui ont des dents.

Je suis certaine que nous pouvons tous nous en référer à des cas où il y a eu des délais inexplicables et démesurés relativement à l'accès au système, ce qui m'amène à poser deux questions. Premièrement, comment le système peut-il être plus accessible? Et comment le système peut-il tenir les parents gardiens responsables du non-respect des ordonnances de visite, même si ces cas sont la vaste minorité. Les travailleurs sociaux et autres professionnels qualifiés ont alors un rôle très important à jouer pour ce qui est d'en avertir le tribunal et, je crois, plus particulièrement dès les toutes premières étapes du cas, en ce qui concerne la pertinence des dispositions relatives au rôle parental lorsque nous attendons de connaître la date prévue pour l'audience.

Cependant, ces professionnels ne peuvent pas remplacer le juge. Il ne convient pas, dans une ordonnance définitive, de laisser simplement l'exécution de l'ordonnance de visite entre les mains d'un travailleur social sans plus. À Terre-Neuve, nous attendons depuis quelque temps la nomination d'un deuxième juge du Tribunal unifié de la famille. La loi existe. Elle n'a simplement pas été promulguée, et il n'y a personne ici, j'en suis certaine, qui connaisse vraiment la raison de cet état de chose. Lorsque nous aurons notre deuxième juge à plein temps du Tribunal unifié de la famille, le système sera plus accessible.

Dans l'intervalle, j'ai quelques propositions à faire en ce qui concerne les mesures correctives, c'est-à-dire que dans toute la mesure du possible, que ce comité fasse des propositions de mesures potentielles lorsqu'il y a non-respect d'une entente de visite comprise soit dans une ordonnance de la Cour ou dans le cas d'une séparation consensuelle. D'après mon expérience, ces mesures correctives devraient comprendre, en tout premier lieu, un avertissement de sanctions possibles; deuxièmement, un procès pour outrage, par exemple amende; troisièmement, le cas échéant, et évidemment uniquement dans les cas graves, la suspension de la pension alimentaire pour enfants ou, enfin, une modification des dispositions relatives à la garde.

D'après mon expérience, il répugne au système judiciaire d'imposer des sanctions. Par conséquent, les plaideurs aux prises avec ce genre de problèmes pensent que les mesures correctives actuelles sont vides ou qu'elles sont des menaces voilées. Je pense que la réponse est dans le maintien de l'ordre, mais je ne crois pas que le maintien de l'ordre doit incomber à la police comme le recommande la sous-section de l'ABC.

Par exemple, si une ordonnance du tribunal fait état d'une obligation d'avoir recours au counselling, la question devrait être réexaminée dans les 30 jours afin que les parties se présentent pour une simple entrevue de cinq minutes et disent si le counselling a eu lieu ou non et, le cas échéant, s'il a porté fruit, et dans la négative, pourquoi. Si le droit de visite a fait l'objet d'une ordonnance, également la question doit être réexaminée en ordonnant aux parties de se présenter de nouveau dans un mois, avec un avis du type de visite ordonnée, les résultats obtenus et toute autre chose qui peut être requise. Ceci nécessite un soutien supplémentaire au niveau judiciaire et non pas au niveau social du tribunal.

En faisant ces recommandations, je suis bien consciente que la documentation et l'expérience indiquent qu'il ne convient pas de s'écarter de la règle bien établie voulant que la pension alimentaire pour enfants et les droits de visite ne doivent pas être liés. Cependant, je crois que le système est allé très loin et qu'il a très bien réussi à faire exécuter la première, et je ne partage pas le même bon message en ce qui concerne l'exécution de l'ordonnance de visite lorsqu'un parent légitime exprime son besoin légitime de rendre visite à son ou à ses enfants.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Butler, vous...

Mme Gillian Butler: Ai-je dépassé mon temps?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.

Mme Gillian Butler: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.

Enfin, madame Best.

Mme Glenda Best (coprésidente, Sous-section du Tribunal de la famille, Association du Barreau canadien): Merci beaucoup.

Tout comme Mme Butler, je participe à une certaine médiation familiale. Je suis actuellement coprésidente de la sous-section du droit familial de l'Association du Barreau canadien à Terre-Neuve et j'occupe ce poste depuis deux ans.

J'ai eu l'occasion de participer à l'élaboration et à l'examen du rapport et à l'exposé donné devant ce comité à Ottawa il y a quelques semaines par l'Association du Barreau canadien, et je précise, à l'intention du comité, que le rapport a été adopté dans sa totalité par la sous-section du droit de la famille dans la province de Terre-Neuve.

Le droit familial et la dissolution du mariage sont des sujets très émotifs non seulement pour les parents et pour les enfants. En tant qu'avocate et juge en matière de droit de la famille, lorsque nous voyons le système dans lequel nous devons fonctionner, vous avez entendu grâce à ce comité que nous sommes sans cesse plus cyniques en ce qui concerne le système et la façon dont il fonctionne, et que nous nous préoccupons vraiment de savoir si le système s'occupe ou non efficacement des meilleurs intérêts des enfants.

• 1205

Avec le temps, je suis devenue la cible de divers groupes d'intérêts sexistes ou spéciaux pour ce qui est de savoir s'il convient ou non de traiter avec un avocat en particulier dans un domaine donné du droit de la famille. J'ai vu des groupes d'hommes laisser à entendre que j'ai un penchant pour les femmes et des groupes de femmes laisser à entendre que j'ai un penchant pour les hommes—j'ai un problème. J'ai vu des groupes de personnes alléguer faussement, dans des cas de divorce, qu'il ne convient pas de traiter avec moi à cause de la position particulière que je prends durant un procès—pour finalement m'envoyer leurs amis à une date ultérieure.

Il me répugne de croire que ces groupes d'intérêts spéciaux recherchent vraiment ce qui correspond aux meilleurs intérêts des enfants. Ils semblent plus se concentrer, du moins selon moi, sur ce qui leur convient.

Souvent dans la pratique, surtout depuis la modification des lignes directrices concernant la pension alimentaire des enfants et la mise en oeuvre de ces lignes directrices, je vois des personnes qui cherchent à obtenir 40 p. 100 du temps avec les enfants dans le but... Le tribunal a plus de pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'accord de pensions alimentaires pour enfants. Cela me pose un énorme problème parce que je crois que ces gens, lorsqu'ils s'instruisent et sont capables d'exprimer les termes «les meilleurs intérêts des enfants»... Souvent toutefois, c'est exactement ce qu'ils font: Ils ne font qu'exprimer ces mots, et cela ressemble plutôt à «Combien de pension alimentaire vais-je payer si cette mesure est appliquée» et «Ma femme ou mon mari a eu une aventure galante et, par conséquent, il a fallu que je me justifie en devenant difficile sur certains autres plans».

À cet égard, la proposition voulant que nous mettions en place une présomption de garde partagée me préoccupe. Dans des situations familiales, je pense que chaque personne et que chaque unité familiale sont différentes, et que ce qui fonctionne dans une unité familiale ne convient pas nécessairement à une autre unité. Je crois que nous traversons actuellement la première génération d'enfants sur lesquelles le divorce a vraiment eu un impact.

Quand j'étais étudiante, il était extrêmement rare de constater l'éclatement d'une famille; au cours de mes 13 années d'étude, il y a eu peut-être une famille lorsque j'étais au niveau secondaire.

Ma fille est en deuxième année. Dans sa classe, sept familles sur 30 ont éclaté depuis qu'elle a commencé la maternelle. Il y a un impact énorme. J'ai regardé ces enfants—et j'espère que mon expérience a fait de moi un meilleur parent—et j'ai constaté l'effet que les conflits de leurs parents ont sur eux.

La garde partagée ne fonctionne pas toujours. La garde seule ne fonctionne pas toujours. La garde exclusive ne fonctionne pas toujours. Les derniers cas de garde exclusive auxquels j'ai participé, de fait, étaient des cas où les pères ont obtenu la garde totale des enfants. Ce n'est pas nécessairement toujours la femme qui obtiendra la garde exclusive si la garde exclusive est en fait appropriée dans les circonstances.

Je pense que nous devons continuer de nous concentrer sur les meilleurs intérêts des enfants. À partir d'une époque où les familles éclataient et où le père recevait la garde, nous avons réfléchi et nous avons dit qu'il convenait que la mère ait la garde. C'était à l'époque où nous prenions en compte la «doctrine du bas âge». Finalement, nous sommes passés aux «meilleurs intérêts des enfants». Et je ne veux pas que quiconque s'en éloigne. Ce que nous devons faire, c'est d'élaborer sur cela afin de rendre le tout plus approprié. Il nous faut réfléchir sur ce que nous avons appris et dire, «OK, concentrons-nous sur ces enfants et ce qui convient pour eux».

À cet égard, je n'appuie pas la modification des termes actuels. Je crois que cela entraînera de la confusion. Je ne vois aucun problème si les tribunaux déterminent de quelle façon le rôle parental doit être partagé, mais je pense que ce que nous faisons en modifiant les termes «garde exclusive» et «garde partagée» sur un plan législatif, c'est de donner prise à plus de litiges, ce qu'ont fait quelques-unes des règles du 40 p. 100 énoncées dans les lignes directrices concernant la pension alimentaire des enfants. Les conflits se multiplieront par suite de la modification de ces termes.

• 1210

Il me semble que nous devons élargir les cadres de cette notion de l'intérêt de l'enfant. Plutôt que de la laisser relever uniquement de la loi, il me semble que nous devrions l'intégrer dans les lignes directrices et les critères de sorte que les juges puissent s'y référer et l'appliquer uniformément. Ce que nous observons, à titre d'intervenants, c'est que tout le monde, même si le système juridique est censé être impartial, entache néanmoins, le processus de ses propres préjugés. Si vous intégrez des critères précis qui doivent fonctionner comme des lignes directrices, dans ce cas, il me semble que vous faites beaucoup plus pour faire progresser les droits des enfants que si vous vous contentez de les intégrer dans une présomption de garde partagée.

De la même façon, je pense que la Loi sur le divorce doit définir ou mettre en place des lignes directrices concernant les responsabilités d'un parent après la dissolution du mariage. Ces responsabilités incluent celles du parent ayant le droit de visite et celles du parent ayant obtenu la garde de l'enfant.

Au cours de mes dernières années de pratique, j'ai dû appliquer des ordonnances relatives au rôle parental—et je continue de les appeler «ordonnances relatives au rôle parental», malgré le fait qu'il existe une terminologie de garde conjointe et de garde exclusive—qui avaient jusqu'à 24 ou 25 pages de long et qui définissaient les responsabilités de chaque parent. Nous ne pouvons légiférer en ce qui concerne ces responsabilités; nous pouvons donner des directives aux parents et espérer qu'ils les appliqueront correctement.

En même temps, j'ai de la difficulté avec l'inclusion des droits des grands-parents. Je facilite les contacts de mes enfants avec leurs grands-parents, et je pense que c'est une chose merveilleuse. J'ai beaucoup de chance. Je suis peut-être une exception. Les grands-parents ne sont pas toujours de charmantes vieilles personnes qui sont merveilleuses avec les enfants. Il me semble qu'un parent doit avoir le droit de prendre les décisions concernant ses enfants. Actuellement, les grands-parents ont le droit de présenter une demande d'autorisation. Je crois que c'est approprié, et que cela devrait continuer de cette façon.

Je sais, par expérience, qu'un grand nombre de causes sont réglées avant d'en arriver au tribunal, mais je suis convaincu que le besoin existe pour de l'éducation au rôle parental, c'est-à-dire sur la façon dont les responsabilités peuvent changer après la dissolution du mariage.

J'appuie le concept de la médiation. Comme Mme Butler, cependant, je suis d'accord avec le fait qu'il doit y avoir une certaine dissociation d'avec le système judiciaire. En logeant les deux instances dans le même bâtiment, il est difficile pour les clients individuels de considérer qu'il s'agit d'un processus distinct qui n'est pas associé avec le tribunal.

La dernière chose que j'aimerais indiquer concerne l'éducation des parents. Je pense que les juges et les particuliers qui traitent avec eux devraient aussi recevoir une certaine éducation. Cela comprend les travailleurs sociaux, les médiateurs de même que les avocats spécialisés dans le droit de la famille.

Nous ne comprenons pas, et nous ne comprendrons jamais, tant que nous n'aurons pas eu à subir le processus nous-mêmes.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci.

J'apprécie beaucoup les présentations, mais il me semble recevoir des messages contradictoires. J'aimerais obtenir certains éclaircissements de votre part. Vous exercez tous les trois le droit et vous devez être en faveur de la médiation, je suppose.

Ce que j'entends, c'est que l'éducation est une bonne chose et même qu'elle devrait être obligatoire ou du moins nécessaire. J'entends aussi que la médiation devrait être facultative. Je suis curieux de savoir ce que vous voulez dire à ce sujet. Certains témoins sont venus nous dire dans le passé que si la médiation était facultative, les personnes qui en avaient le moins besoin s'en prévaudraient tandis que celles qui en avaient le plus besoin n'iraient pas. C'était l'une des raisons invoquées pour faire en sorte que les gens qui en ont le plus besoin s'en servent.

Vous avez aussi souligné que peut-être le mot «médiation» devrait être remplacé par «counselling obligatoire». Par la suite vous pourriez décider de procéder à une certaine forme de médiation et offrir l'option.

Aucun d'entre vous ne semble en faveur d'une médiation obligatoire plutôt que d'un counselling. Dans les commentaires que j'ai entendus, il m'a semblé comprendre que l'on reconnaissait que les tribunaux reproduisaient une situation de gagnant-perdant qui n'est pas souhaitable et qui n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. Mais vous voulez aussi faciliter l'accès aux tribunaux, et vous ne voulez pas que l'on modifie la terminologie.

• 1215

Donc d'un côté, c'est le statu quo—amenons-les devant les tribunaux et laissons tomber la médiation—et de l'autre côté c'est oui, la médiation est une bonne chose et l'éducation est aussi une très bonne chose.

Je suis un peu confus. J'aimerais savoir de quel côté de la clôture vous vous situez exactement.

M. David Day: Je n'ai pas abordé directement la question du rôle de la médiation mis à part le fait que j'appuie le concept.

En rapport avec votre préoccupation, à mon avis, il devrait y avoir un processus minimal au cours duquel les parties à un litige relatif au droit parental devraient se soumettre à un processus de médiation. Qu'on l'appelle un processus de counselling ou un processus de médiation. J'aimerais ajouter que la condition, toutefois, serait que le processus de médiation ne serait pas amorcé avec l'exigence que les deux parties s'y rendent ensemble dès le départ.

Il serait préférable en effet qu'au tout début les parties s'y rendent séparément. Il est arrivé assez souvent, lorsque l'un de mes clients a fait appel à la médiation, que ce client ait précisé qu'il voulait rencontrer le médiateur séparément pour la première séance et par la suite qu'il se rendrait aux autres séances conjointes avec le médiateur si on voyait l'utilité de poursuivre le processus.

M. Eric Lowther: Je vous remercie de vos commentaires.

Mme Gillian Butler: Pour ce qui est des questions de terminologie, tous les processus de résolution de conflit sont assez souvent confus. Par exemple, l'arbitrage est une situation au cours de laquelle la personne qui agit à titre d'animateur a la possibilité d'imposer un résultat. Avec la médiation, le médiateur n'a pas cette possibilité. Il ne faut pas oublier que par définition, la médiation est volontaire. Le counselling est quelque chose qui à mon sens pourrait être obligatoire.

Donc voici ma position, la médiation ne peut pas être obligatoire.

En Ontario, d'après ce que je sais, pour avoir discuté lors d'une conférence qui portait sur ce sujet et pour avoir entendu des commentaires très négatifs de la part de personnes qui vivent dans cette province, lorsque le programme de médiation a été introduit, on a décidé que tous les dossiers dont le numéro se terminait par un zéro seraient acheminés en médiation. Je ne sais pas si vous êtes déjà allés en Ontario, mais il me semble qu'il y a eu des protestations très sérieuses concernant le processus de médiation parce que celui-ci avait été imposé aux détenteurs de ces numéros de dossier et pas aux autres. Ici encore, pour revenir à l'essentiel, il me semble que cela offense la nature même de la médiation.

J'aimerais ajouter que je suis d'accord avec vous que les personnes qui pourraient le plus profiter de la médiation seront celles qui refuseront d'y aller, mais cela ne signifie pas pour autant que le processus de médiation fonctionnerait avec ces gens. À titre de médiateur, je puis vous affirmer que la médiation fonctionne très bien lorsque les deux parties viennent s'asseoir à la table et sont désireuses d'en arriver à une solution. Lorsque les gens n'ont pas envie d'y venir, vous ne faites que perdre le temps de tout le monde. Vous ne faites que reporter une conclusion inévitable.

Maintenant, le problème consiste à identifier quels dossiers et quelles personnes se prêtent à la médiation. C'est un défi important. Je n'ai malheureusement pas la réponse.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Best.

Mme Glenda Best: La médiation est en fait un processus volontaire. Je vois la médiation comme étant très utile dans certaines causes particulières, mais il me semble que la médiation ne peut être obligatoire. C'est un processus qui doit être volontaire et désiré par les particuliers.

Le juge doit avoir un certain pouvoir discrétionnaire, discrétion à savoir s'il pense ou non, dans les circonstances, que les parties pourraient ou devraient faire appel à la médiation. Il est certain que le juge peut faire une recommandation, mais je suis convaincu que la partie counselling de la médiation ou encore la partie éducation parentale devrait être obligatoire et que tous les parents devraient avoir à examiner leur rôle vis-à-vis de leurs enfants après un divorce. Cela ne signifie pas nécessairement qu'ils doivent le faire ensemble. C'est tout simplement qu'ils doivent participer tous les deux d'une certaine manière au type d'éducation à donner aux enfants. Je n'ai aucune objection à ce que cela devienne un processus obligatoire.

• 1220

En ce qui concerne la terminologie, je m'inquiète du fait que l'on passe de garde partagée à garde exclusive, puisque ce changement entraînera des litiges inutiles. Il suffit de préciser ce que ce langage veut dire dans le cadre de la loi. Il ne faut pas changer la terminologie de sorte que nous devions encore une fois retourner devant les tribunaux pour régler des litiges. Il suffit de considérer la convention de La Haye de même que les éducateurs spécialisés. Tout le monde comprend ce que signifie la garde partagée et la garde exclusive. Il suffit de définir les termes. Fournissez des lignes directrices et des critères à appliquer, mais ne changez pas les termes de sorte que nous devions encore une fois entreprendre trois années de règlement de litige.

En ce qui concerne l'accès aux tribunaux, nous désirons tous accélérer ce processus. Je ne voudrais pas voir une autre étape s'ajouter au processus qui viendra encore retarder l'accès aux tribunaux. Mais si, comme cela arrive souvent à Terre-Neuve, il faut attendre un mois ou deux avant de pouvoir obtenir une requête provisoire, dans ce cas, avec le financement approprié durant la période intérimaire, ces parents pourraient recevoir une certaine forme d'éducation et lorsque le moment viendrait de présenter la requête, nous espérons qu'ils n'auraient pas à se rendre devant les tribunaux. Il est à espérer que les choses se résoudraient simplement par cette intervention.

C'est donc à ce moment que l'intervention en question est appropriée. Je ne voudrais qu'elle se fasse alors que nous sommes à deux mois de nous rendre devant les tribunaux. Cette intervention devrait avoir lieu auparavant.

M. David Day: J'aurais un autre point à souligner concernant la question de M. Lowther. Les commentaires que j'ai reçus d'un certain nombre de mes clients qui s'étaient rendus en médiation avec réticence étaient tout simplement: «je ne savais pas ce que je manquais».

M. Eric Lowther: Je n'ai pas d'autres questions mais j'aimerais simplement reformuler ce que j'ai entendu des autres témoins, c'est-à-dire que c'est un débat sur les mots que nous tenons ici. Ils ne sont pas en faveur de la médiation obligatoire, mais ils sont par contre favorables à... appelons cela du counselling, ou une certaine forme d'éducation ou même de médiation s'il s'agit d'une seule partie et non des deux et si elle n'est pas forcée. Donc, vous êtes en faveur d'une certaine forme de réunion obligatoire précédant l'instruction de la cause devant le tribunal, «une réunion au cours de laquelle les gens s'assoiraient et recevraient certaines informations sur l'incidence de ce qu'ils s'apprêtent à faire sur leurs enfants, sur chacun d'eux et sur tous ceux qui les entourent»... et que cette réunion serait bien sûr obligatoire. Il est inutile de forcer une personne à se raccommoder mais il faut néanmoins présenter un processus obligatoire longtemps à l'avance.

C'est une bonne explication, je pense. Merci

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Finestone.

Mme Sheila Finestone: Je vous remercie beaucoup.

Tout d'abord, Monsieur Day, voudriez-vous nous rappeler les chiffres que vous avez donnés lors de vos premières remarques?

M. David Day: Il s'agissait de 3 500 causes dont 81 p. 100 étaient des causes de divorce.

Mme Sheila Finestone: Des causes de divorce?

M. David Day: Oui des causes de divorce. Je vous ai déjà fourni, Madame le sénateur, des chiffres un peu plus bas il y a quelques années lorsque j'ai eu le privilège de témoigner devant vous à un comité d'Ottawa.

Mme Sheila Finestone: Lorsque vous dites «causes de divorce», dans combien de ces causes de divorce est-ce que les fonctions et les responsabilités parentales avaient déjà été établies et il suffisait simplement d'obtenir une décision finale, et combien d'entre elles... ? Nous avons appris qu'environ 10 p. 100 des causes réellement difficiles allaient devant les tribunaux, mais avec les chiffres que vous venez de nous donner, il s'agit plutôt de 19 p. 100 de causes pouvant aller devant les tribunaux, au moins.

M. David Day: Sur les 3 500 causes, un certain nombre étaient bien sûr des causes de séparation sans divorce. Parmi les causes de divorce, certaines étaient des disputes parentales, et le nombre de ces causes qui sont allées devant les tribunaux pour obtenir un jugement final étaient inférieures à une demie de 1 p. 100.

Mme Sheila Finestone: C'est le point que je voulais éclaircir. Je vous remercie beaucoup.

Vous avez aussi parlé, dans votre point numéro 7, de ceux qui n'allaient pas devant les tribunaux, parce qu'au point 6 vous disiez qu'entre 1,5 p. 100 et 1 p. 100 des récalcitrants désiraient obtenir une décision des tribunaux. En ce qui a trait à ceux qui ne vont pas devant les tribunaux, ne sont pas mariés, sont inadmissibles ou ne le font pas pour des raisons de croyance religieuse ou d'orientation sexuelle, qu'aviez-vous à dire à ce sujet? Je ne l'ai pas entendu.

M. David Day: J'ai dit que ceux qui ne taisaient pas partie des dossiers du tribunal et qui ne se prévalaient pas des procédures légales officielles étaient souvent des personnes ayant vécu les unions de fait ou en unions de même sexe et pour diverses raisons, ces personnes n'ont pas jugé bon de porter leurs préoccupations à l'attention du tribunal. Elles représentent un groupe important ayant des problèmes de relations familiales. Une partie de mon argumentation tournait autour du fait qu'on n'a pas effectué beaucoup de recherche en ce qui concerne la nature et la portée des problèmes parentaux qu'elles expérimentent.

• 1225

Par exemple, et très brièvement, sénateur, un grand nombre de ces personnes ne sont pas au courant, probablement par manque d'éducation, qu'elles ont des droits qu'elles pourraient défendre devant les tribunaux. Par exemple, certains couples pensent que la loi n'a aucune disposition de compensation pour ceux qui ne sont pas mariés légalement; par conséquent, ils ne font pas appel aux tribunaux avec la même fréquence que ceux qui sont mariés légalement.

Mme Sheila Finestone: Par conséquent, cette information fait partie des renseignements importants qui sont nécessaires et qui devraient être mis à disposition.

J'ai demandé aux représentants de Status of Women of Newfoundland lorsqu'elles sont passées ici si elles disposaient d'un document de ce genre. Je dois faire des recherches concernant la diffusion de leur documentation. Je me demande en quoi elle consiste et je pense que je vais revenir à la charge pour essayer d'obtenir cette information.

Madame Butler, vous avez déclaré que le droit familial, essentiellement, est un mauvais processus à votre sens et je pense que vous n'êtes pas la seule à penser ainsi. Avec tout le respect qui est dû aux avocats qui sont ici, on a dit que les avocats rendaient les choses encore plus difficiles. J'aimerais savoir exactement quelle est la différence entre le fait de donner le mandat à la Cour suprême de mettre sur pied des tribunaux unifiés, qui se limiteraient à une géographie restreinte et si cela a déjà été fait par le tribunal de la province... et pourquoi est-ce que ce ne pourrait pas être fait par le tribunal de la province si la province est d'accord?

Mme Gillian Butler: Oui, je suis désolée si je vous ai induite en erreur. Ma seule référence à l'unification avec l'instance de la Cour suprême tient au fait que je sais que cela existe dans une autre province. Lorsque les deux instances se sont unifiées, elles l'ont fait au niveau de la Cour provinciale. Je voulais simplement faire ressortir qu'en unifiant au niveau de la Cour suprême, un juge pouvait aussi entendre les questions liées à la propriété. De sorte que lorsque nous allons devant les tribunaux, si nous avons des litiges concernant les droits non seulement à l'égard des enfants mais aussi de la maison, de son contenu et de tout le reste, le même juge peut s'occuper de tous les aspects à la fois. Donc, nous obtenons un niveau unifié, c'est tout.

Mon argument en ce qui concerne le problème géographique tient au fait que lorsque nous avons obtenu le tribunal initié de la famille en 1977, à titre de projet-pilote, il me semble que c'était en même temps que la Saskatchewan, on l'a accordé à St. John's et, bien sûr jusqu'à tout récemment—avec l'amendement de la loi, nous allons pouvoir étendre la région géographique—nous n'avons pu fournir de services qu'aux familles se situant dans la limite de 60 milles, mais cela n'a rien à voir avec le fait que le tribunal était unifié au niveau provincial ou de la Cour suprême.

Mme Sheila Finestone: Très bien, vous pourriez élaborer sur le sujet. Il n'y aucune restriction à l'expansion parce que nous nous trouvons au niveau de la Cour supérieure?

Mme Gillian Butler: Non—

Mme Sheila Finestone: C'est ce que je n'avais pas compris.

Mme Gillian Butler: ...et la loi qui, nous l'espérons, sera proclamée bientôt permettra cela, mais il s'agit seulement d'élargir un tout petit peu, Madame Finestone.

Mme Sheila Finestone: Avec l'expérience que vous avez acquise au sein du tribunal unifié de la famille, voyez-vous, dans le cadre de cette expérience, l'utilité d'intégrer aussi les jeunes contrevenants? Les jeunes contrevenants sont très souvent issus de familles dysfonctionnelles. Ces jeunes ont souvent été placés dans des familles d'accueil. En ce qui concerne la question de savoir si oui ou non il aurait été préférable de laisser ces enfants dans leur famille et de leur accorder plutôt un soutien, ce qui aurait empêché le placement en famille d'accueil, et qui aurait aussi évité une mauvaise évolution vers la vie adulte au sein d'une famille, est-ce que ce ne serait pas une bonne idée que la Loi sur les jeunes contrevenants ou la Loi sur la protection de la jeunesse soient appliquées dans un tribunal unifié?

Mme Gillian Butler: C'est une idée intéressante mais je n'y avais jamais réfléchi. Je sais que lorsque le système a vu le jour, nous ne faisions pas de demande de cautionnement au tribunal unifié de la famille et maintenant cela se fait, donc cela devient de plus en plus un tribunal de la famille offrant toute la gamme des services allant jusqu'au cautionnement et ce dont vous parlez actuellement c'est-à-dire les jeunes contrevenants, les criminels ou quasi-criminels. Je pense que j'en déferrerais à—

Mme Sheila Finestone: Je pense que c'est protection de la jeunesse que je voulais dire plutôt que—

Mme Gillian Butler: Ah oui, la protection de la jeunesse, je suis désolée. Mais j'aimerais en déférer à d'autres personnes ayant témoigné devant vous qui ont plus d'expérience dans ce domaine, parce que la médiation ne porte pas du tout sur ces questions.

Mme Sheila Finestone: Je vous remercie beaucoup.

Pour ce qui est des recours en matière de non-conformité, vous avez mentionné le fait que ces recours n'étaient pas très musclés et que, par conséquent, il y avait très peu de dispositions relatives à des pénalités et à des amendes. Que pensez-vous que nous devions apporter au niveau d'un amendement? Quel type de recours suggérez-vous? Nous avons parlé de retirer le permis de conduire, de confisquer les bateaux et d'éliminer tous les genres d'autres mécanismes qui permettraient à une personne de gagner sa vie.

• 1230

Mme Gillian Butler: Oui, vous avez mentionné ces choses au niveau de la pension.

Mme Sheila Finestone: C'est exact.

Mme Gillian Butler: Très bien.

Mme Sheila Finestone: Maintenant vous parlez des recours au sujet de ceux ayant des problèmes avec le droit de visite?

Mme Gillian Butler: Oui.

Mme Sheila Finestone: Ne pensez-vous pas que le droit de visite devrait être considéré en ce qui a trait au remplacement du temps plutôt qu'à des pénalités imposées par un système judiciaire?

Mme Gillian Butler: Que voulez-vous dire par remplacement du temps?

Mme Sheila Finestone: Et bien s'ils n'obtiennent pas une visite à un certain moment, ils retournent en arrière et ils obtiennent du temps additionnel et une autre modalité d'attribution.

Mme Gillian Butler: Oui, et bien je pense que cela pourrait fonctionner, sauf que vous revenez à ma question de l'accès au système.

Si nous obtenons une ordonnance et si nous devons la mettre en application de notre propre chef sans disposer d'une exigence ou d'une aptitude à revenir en arrière et à dire ceci n'a pas fonctionné et pourquoi est-ce que ça n'a pas fonctionné—soit il y a eu manque de coopération soit de bonne volonté—dans ce cas le système ne peut vraiment pas nous aider.

Je mentionnais les autres recours comme étant des recours vides de sens. Vous entendez parfois un juge dire qu'il aimerait vous transmettre un message. Ces juges disent que si vous n'accordez pas le droit de visite, ils peuvent modifier la garde.

C'est vraiment une menace vide de sens parce que cela n'arrivera jamais. Si on a déterminé qu'il était dans l'intérêt de l'enfant de confier celui-ci à l'un des parents plutôt qu'à l'autre, et si l'autre n'a qu'un droit de visite, et bien ils ne le modifieront pas. C'est bien joli de le dire, mais ils ne le feront pas en réalité. Je n'ai jamais vu cela en 16 ans de pratique.

Pour ce qui est des recours relatifs au mépris, et bien si vous ne respectez pas le droit de visite, si vous ne facilitez pas l'accès comme cela a été ordonné, les pénalités d'outrage existent. Mais on n'emprisonne pas les mères ayant la garde des enfants. C'est tout simplement impossible. C'est pourquoi je dis que ces recours sont vides.

Nous avons besoin d'un système qui nous permettrait de revenir en arrière rapidement et de dire le processus ne fonctionne pas et qu'est-ce que vous avez l'intention de faire à ce sujet? Peut-être qu'alors il y aurait une obligation imposée au parent qui ne facilite pas l'accès de prendre un cours ou de rencontrer un travailleur social qui travaillera à faciliter le droit de visite. C'est de ce genre de chose que je voulais parler.

Nous revenons toujours au fait que nous voulons être en mesure d'accéder rapidement au système. Si les parties à un litige ne peuvent revenir rapidement en arrière et s'ils doivent attendre encore six à neuf mois avant d'avoir accès à un juge pour exposer leur problème, ce n'est pas vraiment une réponse.

Mme Sheila Finestone: Ma dernière question est pour vous, Madame Best.

Vous avez parlé des lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants. Nous entendons beaucoup parler de ces lignes directrices. Aujourd'hui, particulièrement, on semble se concentrer sur le fait que si on ne reçoit pas les deux formulaires de déclaration sur le revenu, comment peut-on répartir la pension équitablement. Vous avez mentionné la règle du 40 p. 100. Quels changements recommandez-vous en ce qui concerne les lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants?

Mme Glenda Best: Quels changements je recommande?

Mme Sheila Finestone: La question s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous, selon votre expérience. Quel est le problème avec les lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants qui se trouvent actuellement dans le projet de loi C-41?

Mme Glenda Best: Je pense que le problème tient au fait que—je pratique toujours dans le domaine du droit familial et je me présente devant les juges—les lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants ne sont pas en place depuis suffisamment de temps. Nous avons constaté qu'elles ne sont pas appliquées de façon uniforme.

Certains juges traitent les lignes directrices relatives aux pensions alimentaires pour enfants comme si elles étaient obligatoires. D'autres juges, par contre, usent de leur pouvoir discrétionnaire dans l'application de ces lignes. Ayant examiné ces lignes directrices et les intentions des divers comités lorsque celles-ci ont été rédigées, c'est très frustrant de voir comment elles sont appliquées maintenant et comment l'interprétation varie selon les individus.

Cela peut peut-être se corriger avec le—

Mme Sheila Finestone: Pensez-vous que le juge fait une mauvaise lecture ou alors une interprétation différente?

Mme Glenda Best: Oui, c'est ce que je pense, en effet. Il y a différentes interprétations des lignes directrices.

Mais il y a aussi un autre problème en ce qui a trait au 40 p. 100. Certains juges affirment que si on s'est entendu sur 33 p. 100, c'est très près de 40 p. 100. Peut-être a-t-il l'intention de considérer les revenus des deux parents. Mais, s'il s'agit de 40 p. 100, et si on dit qu'il s'agit bien de 40 p. 100, dans ce cas comment est-il possible d'appliquer 33 p. 100?

Et puis, ils repassent par tout le même processus. Si le parent qui a la garde de l'enfant 60 p. 100 ou 65 p. 100 du temps le place en garderie, devons-nous inclure le temps passé à la garderie? Qu'en est-il des heures des repas? Devons-nous les inclure? Faut-il aussi inclure les périodes pendant lesquelles les enfants dorment? C'est devenu tellement compliqué.

Si cela ne contribue pas à améliorer ou à éclaircir la situation, les cellules familiales... J'ai passé deux ou trois jours en cour avec des personnes qui n'avaient pas les moyens de rester là à entendre des arguments visant à établir s'ils devaient obtenir 31,2 p. 100 du temps ou 38,9 p. 100. C'est tout simplement aberrant.

• 1235

Mme Sheila Finestone: Je me demande si vous voudriez faire des commentaires, Madame Butler et puis Monsieur Day.

Mme Gillian Butler: Merci. J'aimerais recommander au comité la lecture d'un article qui a été rédigé par le juge David Aston, que les personnes de l'Ontario connaissent peut-être. Il a présenté, en février, à Toronto, une communication lors d'un séminaire sur le droit familial au cours duquel il tentait de résumer toutes les causes ayant été préparées en vertu des lignes directrices sur le droit familial depuis qu'elles sont entrées en vigueur. Il parle de ce problème de la règle du 40 p. 100 à la page 25. J'ai un exemplaire et je peux vous le laisser si vous le désirez.

Mme Sheila Finestone: Oui.

Mme Gillian Butler: Tout d'abord, il souligne le fait que les directives sont mal formulées. Mais à part cela, il demande en quoi consiste réellement ce 40 p. 100. Personne n'a fourni aux membres du système judiciaire ou aux parties en litige une directive quelconque leur permettant de déterminer en quoi consiste ce 40 p. 100, qui est un point établi de façon arbitraire. Il parle de compter le nombre de repas. Cela ne constitue pas vraiment une réponse, mais pour ce qu'elle vaut, je vous la donne. Je n'ai certainement pas d'autre réponse moi non plus.

M. David Day: Sénateur, en ce qui concerne les trois points que vous avez soulevés dans les questions que vous nous avez posées il y a cinq minutes, j'aimerais parler tout d'abord de la troisième.

En ce qui concerne les lignes directrices relatives à la pension alimentaire des enfants, à mon sens, les tribunaux seraient mieux équipés pour régler ces questions qui ont été commentées par Mme Best et par Gillian Butler, C.R., si elles étaient simplement fournies à titre discrétionnaire plutôt qu'avec l'impression qu'elles sont assujetties au chiffre arbitraire de 40 p. 100. Pour ce qui est des questions liées à la pension alimentaire pour enfants, et des liens avec les dispositions relatives aux visites, il n'y a pas deux causes identiques, et les facteurs pertinents pour certaines ne le sont pas pour d'autres. J'ai vu des causes où les tribunaux avaient l'impression de ne pas bien faire leur travail en appliquant la règle du 40 p. 100.

Pour ce qui est de la question de la mise en application, en plus de 30 années de pratique, la seule situation au cours de laquelle j'ai pu observer un tribunal présenter une ordonnance relative au mépris et entraînant un emprisonnement s'est produite lorsqu'il y a une allégation selon laquelle une ordonnance de droit familial n'avait pas été respectée et où le sujet de l'application avait déclaré être en infraction.

À part cela, ce type d'audiences a tendance à être prolongée indéfiniment. Les questions qui surviennent sont très subtiles, et les tribunaux ont très souvent de la difficulté à déterminer précisément qui est responsable de l'infraction, est-ce qu'il s'agit de la personne qui le revendique ou encore de la personne contre laquelle l'allégation est faite. C'est mon expérience sur le terrain.

Troisièmement, nous savons tous que les questions du Tribunal de la jeunesse sont habituellement, sauf dans le cas d'ordonnance de transfert, instruites au niveau des cours provinciales. Je pense que l'expertise nécessaire, les rouages de même que la procédure en cause et les services de soutien qui sont essentiels militent tous contre l'unification du système du Tribunal de la famille, qu'il s'agisse d'une instance fédérale ou provinciale, de tout le secteur de la Loi des jeunes contrevenants.

Mme Sheila Finestone: Merci. Il y a une question sur laquelle j'aimerais obtenir des précisions. Nous avons entendu à deux reprises ce matin que le parent n'ayant pas obtenu la garde des enfants doit produire sa déclaration de revenu, mais que celui qui en a la garde n'est pas tenu de le faire. Dans de nombreux cas, il y a très peu de différence dans leurs revenus, mais ils devraient être pris en considération. Il arrive parfois que le parent ayant la garde possède un revenu de beaucoup supérieur à celui qui n'en a pas la garde.

Je me demande ce que vous en pensez et comment les tribunaux ont pu statuer sur les directives relatives à la pension alimentaire des enfants sans que l'on ait en main le revenu des deux parents. Si le revenu est le même, et que la responsabilité est égale, dans ce cas il y a une obligation équivalente de fournir l'information nécessaire au juge pour qu'il prenne une décision éclairée. Je me demande si cela pose un problème?

• 1240

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Après cette question nous passerons aux autres intervenants.

La sénatrice Erminie Cohen: Puis-je poser une autre question sur ce sujet pendant une minute?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord. Posez votre question supplémentaire.

La sénatrice Erminie Cohen: C'est une question au sujet des lignes directrices. Le gouvernement avait de bonnes intentions lorsqu'il a rédigé ces lignes directrices, mais on a mis la charrue devant les boeufs et les lignes directrices nous ont été imposées. Maintenant, tout le monde est en processus d'apprentissage. Nous aurions dû faire l'inverse, c'est-à-dire que nous aurions dû d'abord avoir la formation et puis rédiger les lignes directrices. Donc, il s'agit bien d'un processus d'apprentissage et nous le subissons tous ensemble.

J'ai une autre question, mais j'attendrai mon tour

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lowther, avez-vous une question supplémentaire concernant les lignes directrices?

M. Eric Lowther: Non.

M. David Day: Ma réponse à la question du sénateur est la suivante: non.

Mme Sheila Finestone: Je pense qu'il vaut mieux que je vous dise que je ne suis pas sénatrice; je suis une députée et c.p. Vous avez dit C.R., et je suis une c.p.

M. David Day: Je vous fais toutes mes excuses.

Mme Sheila Finestone: Et cela ne signifie pas membre du Parti progressiste-conservateur.

M. David Day: Je suis tout à fait au courant de votre affiliation et maintenant que je vous situe dans la bonne instance politique, je vais répondre à votre question. La réponse est non, pour deux raisons.

Premièrement, même si vous avez défini l'exigence précisément, dans un grand nombre de causes, le parent en résidence ou encore le parent ayant la garde, si vous préférez, a besoin d'une allocation spéciale et lorsqu'il a une dépense particulière, comme le décrivent certains intervenants, il est nécessaire, dans ce cas, que le parent fournisse les renseignements nécessaires.

À tout événement, mon deuxième argument est le suivant: s'il s'agit d'une cause où seulement le parent qui n'est pas en résidence est tenu par la réglementation de divulguer ces renseignements, la plupart sinon tous les tribunaux unifiés de la famille du Canada, de même que les autres tribunaux qui entendent ce type de procédures, disposent de règles leur permettant d'exiger la divulgation du revenu par l'autre partie. Je n'ai jamais vu une cause au cours de laquelle une telle requête avait été refusée. Il est parfois difficile d'obtenir de la part des parties en litige qu'elles divulguent les documents à l'appui concernant la déclaration d'impôt sur le revenu, ce qui très souvent vous en dit davantage que la déclaration elle-même. Mais en ce qui a trait aux règles de procédure visant à permettre ou à exiger la divulgation, elles sont disponibles et on peut y avoir recours.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Je pense que la guerre de sémantique est de retour. Il serait intéressant de faire la distinction entre l'information parentale et l'éducation parentale, c'est-à-dire que nous avons éprouvé certaines difficultés à expliquer l'éventail complet des choix qui s'offrent aux personnes avant qu'elles n'engagent un avocat.

J'aimerais demander à Mme Butler en quoi il peut être négatif de fournir au moins une information parentale ou le genre de bande vidéo qui est disponible au tribunal unifié de la famille ou qui le sera bientôt en Ontario. Est-ce que l'information n'est pas toujours une bonne chose? J'aimerais connaître votre opinion en ce qui concerne les aspects négatifs de l'éducation parentale ou alors expliquez-nous quelles sont vos préoccupations à ce sujet.

Mme Gillian Butler: L'information et l'éducation sont toujours de bonnes choses. Je ne voudrais certainement pas dire quoi que ce soit de négatif contre l'une ou l'autre. C'est simplement qu'il me semble que nous devons utiliser les termes appropriés. Si nous nous référons à la médiation, dans ce cas la médiation est de par sa nature même une opportunité d'en arriver à un règlement. On ne saurait faire boire un âne qui n'a pas soif.

Je n'aimerais pas voir le système devenir tellement encombré par des méthodes ou des solutions de rechange qui doivent être satisfaites avant d'en arriver au tribunal de sorte que les causes légitimes n'y arriveraient jamais. Je suis sûre que nous pouvons tous penser à des exemples—mais l'endroit est mal choisi pour les exposer—où des causes ont été retardées tellement longtemps que lorsqu'elles sont arrivées devant les tribunaux le mal était fait.

Récemment, je me suis occupée d'une cause où l'on a effectué trois enquêtes séparées. Lorsque je parle d'enquêtes, je veux dire des évaluations du foyer d'accueil ou des interviews avec le même enfant. Vous n'avez pas besoin d'être un avocat ou un médiateur pour comprendre le message de ces évaluations progressives du foyer d'accueil. La première mettait en garde contre ce qui pouvait survenir, la deuxième ne pouvait que constater ce qui était arrivé et dans la troisième on disait simplement qu'il était trop tard—et pourtant la date du procès n'est pas encore fixée.

Je ne parle pas d'un système où l'on peut obtenir une date de procès en l'espace de deux mois. Je parle plutôt d'un système au sein duquel j'ai travaillé où parfois il faut attendre jusqu'à un an pour obtenir une date de procès. Ne retardez pas ce qui va déjà être suffisamment retardé. Voilà l'essentiel de mon message.

• 1245

Mme Carolyn Bennett: En ce qui concerne les séances d'information obligatoires ou les processus d'éducation obligatoires, ne pensez-vous pas que si l'une des parties est prête à accepter le fait que le mariage est un échec mais que l'autre partie refuse ou retarde la séance obligatoire que le processus complet pourrait être bloqué?

Mme Gillian Butler: Oui, vous avez raison. Je suis très préoccupée à ce sujet.

Mme Carolyn Bennett: Par conséquent, ce processus accorde un certain pouvoir à la personne qui n'est pas désireuse de voir les choses avancer en ne se présentant pas lors d'une séance d'information obligatoire et par conséquent en n'obtenant pas le document qui est nécessaire pour présenter la demande de divorce...

Mme Gillian Butler: Pour faire avancer les choses. Oui.

Vous voyez, certaines parties en litige sont tellement agressives dans cet aspect très chargé d'affectivité de la loi, qu'elles feront n'importe quoi du moment que c'est le contraire de ce que l'autre partie veut. Nous devons le reconnaître. C'est dans la nature de certaines personnes. Nous ne voulons pas leur donner la possibilité de rendre les choses encore plus faciles.

L'autre préoccupation que j'ai en rapport avec ce type de personnes dans le cadre d'une médiation est, lorsque vous êtes formé à titre de médiateur, l'une des premières choses que l'on apprend est qu'il doit y avoir égalité dans la pièce. Une abondance de documentation suggère que les femmes qui sont victimes de violence ne devraient jamais participer à des séances de médiation, parce qu'elles n'obtiennent jamais l'équilibre des forces lorsque leur mari est dans la pièce.

L'autre exemple auquel je pense est celui où l'une des parties est un avocat et l'autre non. Beaucoup de mariages d'avocats sont des échecs. Comment puis-je participer à une séance de médiation dans une situation où une des parties est un avocat et l'autre n'en est pas un? L'un des deux connaît ses droits, tandis que l'autre non. Cette personne doit se faire accompagner par un avocat. Maintenant, si vous introduisez un autre avocat dans la pièce, vous vous retrouvez avec deux personnes d'un côté et une seule de l'autre. Et ce n'est pas juste non plus.

La médiation n'est pas un processus qui peut fonctionner pour tout le monde, et cela pour diverses raisons. Nous ne pouvons pas les forcer.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Lewis.

Sénateur Derek Lewis: J'ai quelques autres questions.

Monsieur Day, vous avez parlé de votre expérience sur le terrain comme l'ont fait tous les autres. Peut-être avez-vous déjà participé à quelques études ou avez-vous rédigé des communications sur ce sujet?

M. David Day: Ma participation dans le domaine de la recherche sur les sujets qui constituent le mandat du présent comité s'est effectuée dans le cadre des travaux de l'Institut canadien de recherche sur le droit et la famille dont le directeur est le Dr Joseph Hornick.

Je remarque d'après les audiences que ce comité a tenues en Ontario un peu plus tôt cette année que l'un des travaux qui a été présenté au comité est celui du professeur Nicholas Bala de la faculté de droit de l'université Queens.

Nous avons effectué un certain nombre d'études dans le domaine qui soulignent l'importance de la médiation à titre d'étape préalable au procès et dans le cadre de ces travaux—et j'ai été incité, sénateur, à souligner ce point additionnel un peu plus tôt lorsque Mme Bennett posait des questions aux membres du comité—à l'Institut canadien de recherche sur le droit et la famille, nous avons entretenu des relations suivies et satisfaisantes avec le Dr Janet Walker qui fait partie d'un organisme britannique connu simplement sous le nom de Relate. Au cours de l'année écoulée, cette organisation nous a fait part d'un grand nombre de préoccupations qui rejoignent celles du comité.

Le processus de recherche et de consultation de cet organisme de même que sa mise en oeuvre sont permanents si je peux dire, et je recommande à votre personnel de soutien de communiquer avec Janet Walker afin de déterminer quelle a été l'expérience des Britanniques, particulièrement en ce qui a trait à la médiation et tout spécifiquement dans le cadre de ce sujet, sur l'aspect qui a trait aux séances de médiation obligatoires à titre d'étapes préalables au procès. Ce problème particulier est étudié par l'organisation Relate à l'heure actuelle.

• 1250

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je suis heureuse de pouvoir vous dire que nous serons en mesure de parler avec le Dr Walker au début de la semaine prochaine, si nous obtenons la confirmation, soit par satellite soit par vidéoconférence.

M. David Day: Je peux vous affirmer que vous serez aux premières loges. J'ai eu l'avantage de travailler avec elle en plusieurs occasions au cours des cinq dernières années, et elle est superbe dans son travail professionnel.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.

Sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

Je n'ai qu'une brève question, en raison du temps qui nous reste.

Madame Best, vous avez mentionné que la garde partagée ne fonctionne pas toujours en raison de la nature de la famille ou des personnes en cause. J'aimerais entendre vos commentaires concernant la Loi sur la famille au Québec qui accorde l'autorité parentale conjointe sans la présomption de garde conjointe dans le cadre de laquelle vous divisez les aspects de l'autorité entre les deux parents.

J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

Mme Glenda Best: Je connais la législation québécoise en ce qui concerne l'autorité parentale conjointe. Dans la plupart des causes auxquelles j'ai participé, j'étais d'accord. Une fois que vous avez accepté le fait qu'il s'agit d'une garde exclusive ou d'une garde partagée ou peut-être sans même que vous ayez à le faire, il suffit que vous disiez «quelles responsabilités parentales ces deux personnes devront-elles assumer?», habituellement vous obtenez une consultation en matière d'autorité parentale concernant les principales questions que nous définissons comme ayant une incidence sur les enfants—leur santé, leur éducation, leur bien-être général.

La seule réserve que j'ai à ce sujet tient au fait qu'il existe certaines causes où il est approprié qu'une seule personne possède le pouvoir de décision en dernier recours, si vous envisagez la question dans un contexte de gagnant-perdant, c'est-à-dire comme celui que nous avons maintenant. Aussi, tant et aussi longtemps qu'il y aura une marge pour les exceptions à la règle...

J'ai vu des situations où d'importantes décisions devaient être prises pour l'enfant et que les parents, en raison de leur caractère agressif ou pour d'autres raisons, n'arrivaient pas à s'entendre. Dans ces circonstances, il faut accorder la responsabilité à l'un des parents. Il peut s'agir du parent en résidence ou de l'autre parent, dépendant de la nature des personnes.

Par conséquent je n'ai rien contre ce concept, du moment qu'il y a de la place pour certaines exceptions et que le juge possède un certain pouvoir discrétionnaire.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous avons le temps pour une autre question rapide, Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Oui. C'est une question pour M. Day.

Vous avez fait référence à toutes les causes que vous avez entendues, et il s'agit de 0,5 p. 100 qui vont devant les tribunaux.

M. David Day: Le pourcentage de 0,5 p. 100 représente ceux qui doivent aller devant les tribunaux, une fois que la cause est entendue, afin d'obtenir une décision en ce qui concerne le rôle parental. Dans toutes les autres causes qui sont instruites devant les tribunaux, la question du rôle parental est réglée à l'avance et soumise à la cour et si la cour est satisfaite de l'arrangement, elle se contente de l'approuver.

Je fais la distinction entre une cause où le tribunal approuve simplement ce que le couple a déterminé, pour le meilleur et pour le pire, et une autre cause où rien n'a été établi et où le tribunal doit prendre la décision.

M. Eric Lowther: C'est une statistique très intéressante, elle me laisse songeur sur l'utilité de tout ce processus, puisqu'il s'agit d'un si petit nombre.

Est-ce que cela montre à quel point le système fonctionne bien ou alors est-ce un signe que les gens n'ont pas d'argent pour passer à l'étape supérieure ou encore, bon sang, si je demande au tribunal de statuer, est-ce que ce sera aussi bien que si je le fais moi-même?

Que nous dit exactement cette statistique? En surface, elle semble nous dire que nous gaspillons passablement d'argent avec ce comité. Je veux dire, tout semble se dérouler passablement bien sauf pour un très petit pourcentage.

M. David Day: Je ne fais que vous donner les chiffres qui sont fondés sur mon expérience personnelle. Qu'est-ce qu'ils reflètent? Et bien tout ce qui précède.

M. Eric Lowther: Donc il y a des choses qui se passent avant la prise de ces décisions. Des tensions existent qui sont à l'origine de tout le processus. Le fait qu'il n'y ait qu'un petit pourcentage qui fait appel aux tribunaux ne signifie pas nécessairement que tout va bien.

M. David Day: Bien dit. Par exemple, dans certaines causes un couple s'entend sur un arrangement de rôle parental partagé. Ils peuvent le faire, comme la suite des événements le révélera, sans réellement comprendre ce qui sera mis en oeuvre. Ou encore ils peuvent s'être entendus pour une garde partagée parce que, comme les événements le prouveront plus tard, ils voulaient simplement éviter d'aller devant les tribunaux pour des raisons financières ou encore parce qu'un déséquilibre des forces dans la relation force celui des parents qui est le plus réticent à accepter la garde partagée à le faire étant donné qu'il se trouve dans la position la plus faible sur le plan émotif.

• 1255

Dans ces causes, le résultat n'est pas nécessairement dans l'intérêt des enfants, mais il reflète, à mon sens, ce qui est suggéré par votre question. Autrement dit, l'entente qui est conclue n'est pas nécessairement dans l'intérêt de l'enfant et, par conséquent, on évite d'aller devant les tribunaux.

M. Eric Lowther: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup. Vous nous avez été très utile. Nous sommes très heureux d'avoir entendu vos témoignages.

M. David Day: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nos derniers témoins de la journée sont M. Omah-Maharajh et le Dr Robert McKim.

Docteur McKim, aimeriez-vous commencer, s'il vous plaît pendant cinq minutes? Chacun d'entre vous disposera de cinq minutes puis nous passerons à la période de questions.

Dr Robert McKim (témoigne à titre personnel): Je me sens un petit peu déplacé ici. Je ne suis pas un avocat.

Des voix: Oh, oh!

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): La plupart d'entre nous n'en sommes pas.

Dr Robert McKim: Mais je me sens quelque peu qualifié, parce que je suis passé par l'ensemble du processus. Aussi j'ai vu le résultat final et comment il m'a affecté moi, mon ex-femme et mon enfant. C'est de cela que j'aimerais vous entretenir.

Pour vous mettre un peu en contexte, je me suis marié en 1981. En 1989, nous avons eu un enfant, une adorable petite fille. En 1991, le mariage pour des raisons très tristes mais très sérieuses, s'est rompu et nous avons déménagé dans des provinces différentes. Pendant les neuf mois ayant suivi la séparation, nous avons eu une garde partagée. Nos rapports étaient très amicaux. La résidence était partagée. Notre enfant n'avait que deux ans à l'époque et nous pouvions nous arranger avec ça. C'était une situation très stable.

En 1992, on m'a tendu un piège et les procédures ont commencé sans que j'en sois informé. Je n'ai pas pu me préparer avant d'aller devant le tribunal. On ne m'a pas laissé le temps d'obtenir les conseils d'un avocat. C'est seulement par la grâce de Dieu que j'ai découvert qu'une action en divorce était devant les tribunaux et qu'elle portait sur la garde de l'enfant. Donc, c'était très éprouvant. Comment en sommes-nous arrivé là?

Ce qui m'a le plus déstabilisé, c'est le fait que le système judiciaire endosse cette situation et lorsque j'ai porté ceci à l'attention du barreau, on m'a répondu que c'était légal, donc moral et, par conséquent, éthique et parfaitement correct de procéder comme ainsi. Je refuse de l'accepter à titre de parent. Ce n'est pas correct d'être en mesure d'amorcer une action devant les tribunaux sans que l'un des parents en soit informé.

Environ un an plus tard, après avoir dépensé 50 000 dollars et avoir passé une semaine devant les tribunaux, nous avons réétabli la garde partagée et nous avons remis en place ce que je considère comme un mode de vie relativement intelligent pour ma fille. Aussi je suis très à l'aise avec notre mode de vie final.

Après les poursuites en justice de 1993, nous avons établi des exigences fermes en matière de résidence et nous avons aussi établi la pension de façon définitive. Nous avions aussi de très bonnes clauses d'arbitrage. En d'autres mots, nous pouvions aller de l'avant avec nos vies, nous connaissions les règles et nous savions ce qui se passait. Entre 1993 et 1997, nous avons mené chacun notre vie. Nous considérions tous deux ce qui était dans l'intérêt de l'enfant et nous travaillions en conséquence.

En 1997, le projet de loi C-41 est entré en vigueur et il a pour ainsi dire tout démoli.

J'ai deux commentaires au sujet du projet de loi C-41. Il a réouvert d'anciennes plaies qui autrement seraient restées fermées et il nous force à revenir devant les tribunaux, sinon devant un avocat, année après année, jusqu'à ce que ma fille termine l'université, ce qui aura lieu probablement dans 15 ans. Aussi cela a définitivement déstabilisé la situation.

• 1300

J'aimerais faire quelques commentaires concernant le processus de garde que j'ai traversé. Je me suis engagé intimement dans ce processus. Un des commentaires porte sur le système juridique actuel—je veux parler des tribunaux, et de la loi—de même que du barreau dont la raison d'être est de protéger le public, y compris ma fille, et qui encouragent le système de première frappe. Ils encouragent et récompensent le système de celui qui frappe en premier. Si vous vous engagez dans ce processus et si vous avez suffisamment d'argent et que vous êtes le premier à frapper, et bien c'est vous qui obtenez la garde. Je pense que ce processus est tout à fait erroné. Il ne favorise pas une approche raisonnée.

Ce système traite aussi les enfants comme des biens meubles. Ma fille était âgée de deux ans et demi. Maintenant elle a neuf ans. Les tribunaux considèrent toujours qu'elle est une pièce d'ameublement. Elle pourrait être une vache, une voiture, une maison qui est en reprise de possession. C'est inhumain.

En dépit de tout ce que j'ai entendu, la loi qui est en place ne protège pas l'intérêt de l'enfant. Comment pourrait-il en être ainsi lorsque vous êtes dans le cadre d'une relation controversée? Un parent gagne ou bien c'est l'autre parent qui gagne. La question n'est pas de savoir qui gagne. Il faut que ce soit l'enfant qui gagne. Tout le système est fondé sur l'affrontement entre deux personnes. Un des parents gagne; et l'autre parent perd. Non. Ce n'est pas correct. Il devrait y avoir quelque chose de prévu pour l'enfant. À l'heure actuelle, je n'ai rien vu à cet égard. Ce système encourage—en réalité, le système accusatoire. Vous ne pouvez traverser le système juridique sans vous engager dans une procédure accusatoire. Le système juridique ne vous laissera pas procéder autrement.

Le projet de loi C-41 n'est qu'une solution symbolique à un problème de société très sérieux. Je dis bien de société; il ne s'agit pas d'un problème juridique. Lorsque je vois le nombre d'avocats mis en cause ici et dans ce contexte, ça me renverse. Il s'agit bien d'un problème social. C'est le pays dans lequel je vis. Ce n'est pas un problème d'ordre juridique. La façon dont on traite ma fille, ce que sera sa vie—tout cela relève de la société et non des tribunaux. Cette situation ne doit pas être traitée comme une forclusion sur une maison ou une prise de contrôle d'une entreprise. C'est une erreur.

C'est une solution symbolique que vous tentez de mettre en place. Vous essayez de colmater une brèche très sérieuse dans le système. Vous mettez votre doigt dans une fissure et une autre se crée juste à côté. C'est ce que nous faisons présentement. Nous essayons de corriger de tous petits aspects d'un énorme problème. Je ne pense pas que nous irons très loin en empruntant cette voie.

Selon moi, cette approche crée davantage de problèmes que de solutions. Plus particulièrement, l'interprétation de la loi a été laissée aux tribunaux. À titre de législateurs, vous avez mis de l'avant ce que vous pensiez raisonnable, une mesure législative pour corriger certains problèmes. Puis, soudainement, nous laissons aux tribunaux le soin d'interpréter tout cela. À titre de législateurs, vous devez me rendre compte. Si je ne suis pas d'accord avec ce que vous faites, je cesse de voter pour vous. Mais, je n'ai pas cette possibilité avec les tribunaux. Si je m'objecte vraiment, il me reste la possibilité de me présenter en politique et de me faire élire comme député. Mais, avec les tribunaux, c'est impossible. Aussi, si vous vouliez vraiment obtenir des résultats, pourquoi avez-vous laissé aux tribunaux le soin d'interpréter la loi? Vous représentez le Canada. Les tribunaux représentent la loi. Il s'agit de deux choses complètement différentes.

Ce sont ces mêmes tribunaux qui encouragent et exigent un processus accusatoire. La loi n'est vraiment pas claire—montants de base, ajouts. On ne peut se baser sur des définitions précises. D'où vient ce chiffre de 40 p. 100? Je n'en ai pas la moindre idée. Mon avocat non plus ne savait pas comment on en était arrivé à ce chiffre.

Simplement, pour résumer mes suggestions, après avoir participé à ce processus pendant sept ans...

Premièrement—c'est très radical et je vais certainement m'attirer des représailles—il faut éliminer du processus les personnes qui ont tout intérêt à entretenir les relations accusatoires entre les parents. C'est la situation qui existe à l'heure actuelle. Les premières personnes auxquelles on s'adresse sont les avocats. Ceux-ci font partie d'une industrie en plein essor. Une industrie très vaste et très lucrative qui a tout intérêt à encourager le processus accusatoire. C'est de cette façon qu'ils font leur argent. C'est une situation instable.

Deuxièmement, vous devez exiger des tribunaux qu'ils considèrent l'enfant, quel que soit sont âge, comme une personne à part entière et non comme un bien meuble. Les enfants sont de vraies personnes. Des personnes qui vont grandir un jour. Il faut le reconnaître. J'ai écouté deux avocats parler de «l'enfant né du mariage». Ce n'est pas comme cela qu'il faut l'appeler. Son nom est Jennifer.

Troisièmement, faites participer les spécialistes en sciences sociales. Ils ont accumulé tout un bagage de connaissances au sujet des répercussions du divorce, à propos de ce qui est bon pour les enfants, de la façon de tirer le meilleur parti d'une mauvaise situation comme l'échec d'un mariage. Voilà une somme immense de connaissances, de beaucoup supérieure à celle à laquelle les tribunaux ont accès aujourd'hui. Nous n'en tenons tout simplement pas compte. Tout est entre les mains des bureaucrates des services juridiques.

• 1305

Donc, il est important de faire participer les spécialistes des sciences sociales et de leur donner la possibilité d'intervenir de façon musclée. Il est important de dire que nous devons écouter les personnes qui savent réellement ce qui se passe et non de les museler, alors que c'est, dans une large mesure, ce que nous faisons actuellement.

Mon dernier point consiste à réaffirmer qu'il s'agit d'une question de société, et non d'ordre juridique. Je trouve extrêmement pénible de voir le nombre d'avocats qui participent à ce processus.

Je pense que cela résume bien ce que j'avais à dire. Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.

Monsieur Omah-Maharajh.

M. Dave Omah-Maharajh (témoigne à titre personnel): Merci. Je suppose que vous m'avez demandé de venir ici pour me permettre de présenter ma situation. J'ai présenté un mémoire. Je pense que vous l'avez devant vous.

Ma thèse porte sur les aspects économiques du projet de loi C-41, et comme on peut s'y attendre, sur mon cas personnel.

Voici, simplement pour vous mettre en contexte, la situation qui m'a conduit jusqu'en mai 1997. J'ai obtenu un jugement de divorce en 1990. J'ai consenti à un accord assez confortable dans l'intérêt des enfants dans le cadre duquel j'ai cédé une part de 70 000 $ de la maison familiale et 30 000 $ en certificats de placement garantis. Je dois en outre verser une pension alimentaire de 500 $ par mois pour les enfants et je devais, en contrepartie, obtenir un droit de visite raisonnable.

Comme vous pouvez le constater à la lecture de mon mémoire, je n'ai finalement eu le droit de visiter mes enfants qu'une fois depuis 1990, et uniquement en vertu d'une ordonnance de la cour. On m'a refusé de nombreuses tentatives de visite. On finit par ressentir de très grandes frustrations lorsqu'on offre des présents par l'entremise des parents, des grands-parents ou des frères et soeurs, et que ces cadeaux sont tout simplement rejetés. Je tentais simplement d'établir une relation entre moi et mes enfants.

Quoi qu'il en soit, le projet de loi C-41 a vu le jour, et à l'instar de mon collègue, je peux affirmer qu'il n'a jusqu'ici réussi qu'à rouvrir des plaies. Je me suis remarié et mon ex-femme s'est remariée aussi. La situation est telle que le beau-père a adopté les enfants verbalement, mais non légalement. Ces enfants sont élevés en portant son nom, sans que l'on m'ait demandé mon consentement. Je dois toujours subir le refus de mon droit de visite de la part des deux, je ne reçois aucun encouragement à entretenir une relation.

Je crois que le projet de loi C-41 est assorti de nouvelles lignes directrices. De toute évidence, elles sont avantageuses pour mon ex-femme qui a utilisé le projet de loi dans une tentative pour obtenir davantage d'argent par l'entremise des tribunaux. Je ne nie pas le fait que les enfants aient besoin d'un soutien. Je n'ai jamais failli à fournir ma pension alimentaire, chaque mois. Je suis à jour.

À mon sens, le problème tient au fait qu'après avoir pris connaissance de la décision rendue après l'instruction de ma cause de divorce... Dans une cause récente, qui date de février 1998, le parent ayant la garde des enfants ne s'est vu imposer aucune responsabilité financière à l'égard des enfants. Toutes les dépenses relatives aux soins des enfants ont été attribuées au parent n'ayant pas la garde, y compris l'analyse des tableaux du projet de loi C-41 et, essentiellement, la décision rendue par le juge.

Aucune responsabilité n'a été attribuée au beau-père dans cette cause. S'il est effectivement un beau-«parent» ou un parent local, ne devrait-il pas faire sa part ou souhaite-t-il tout simplement profiter des rapports qu'il a avec les enfants et du soutien financier du père qui n'a pas la garde?

Le projet de loi C-41 mentionne que les juges prendront *ucpeut- être*uf en considération des règlements de divorce antérieurs. Il n'en a pas été ainsi pour moi de toute évidence. Ce n'est pas une maigre somme d'argent que j'ai laissée pour le bénéfice des enfants. Si vous considérez la date d'échéance des placements dans le cadre de la bataille juridique et la part de la maison, ces sommes sont très certainement appréciables et disponibles pour le soin des enfants.

Dans beaucoup de cas, le parent qui n'a pas la garde a cédé de bonne foi et dans l'intérêt des enfants une grande partie des avoirs, lorsque ce n'est pas la totalité de ceux-ci. Il est très éprouvant pour le parent qui n'a pas la garde de constater que les juges «peuvent» considérer cet aspect, et non qu'ils le «feront» ou qu'ils «devront» le faire sur le plan légal.

Revenu Canada autorise le travailleur autonome à déduire de son revenu total les dépenses jugées nécessaires pour faire fonctionner son entreprise et pour gagner sa vie. Le projet de loi C-41 permet aux juges d'interdire la déduction de ces dépenses et d'imputer les dépenses de fonctionnement de l'entreprise aux revenus du parent qui paie la pension alimentaire.

J'estime que les juges ne peuvent être parfaitement au courant de la complexité du fonctionnement d'une entreprise et des dépenses qui doivent être engagées, surtout lorsqu'ils ne connaissent pas les exigences du type particulier d'entreprise et le contexte dans lequel le propriétaire exploite celle-ci.

• 1310

L'aspect le plus important dans mon cas, et dans bien d'autres sans doute, est que l'ordonnance relative à la garde des enfants n'a pas été respectée par le parent qui a la garde, bien que toutes les décisions rendues aient été fondées sur le projet de loi C-41. Je n'ai toujours aucun rapport avec mes enfants, aucun droit de visite et aucun recours. Malgré cette situation, je dois verser entre 500 $ et 2400 $ par mois pour deux enfants qui vivent dans une maison entièrement payée avec une mère biologique et un beau-père qui travaillent tous les deux à temps plein. De toute évidence, la situation a pour moi et pour ma famille et mon foyer des conséquences financières, mais c'est du côté affectif que vient la plus grande difficulté. Le projet de loi C-41 aura pour effet de rouvrir d'anciennes plaies, et cela uniquement pour des considérations financières.

Je recommande que l'on fasse respecter le droit de visite avec la même rigueur que pour le versement de la pension alimentaire, et appliquer les mêmes sanctions que lorsque le parent ne paie pas la pension. Je ne dis pas qu'il faille emprisonner une mère, mais il est certain qu'il faut faire de l'éducation afin que tous les autres parents qui n'ont pas la garde, en majorité des hommes, soient au courant de ces responsabilités.

On doit répartir équitablement la responsabilité financière entre le parent qui a la garde et celui qui ne l'a pas, en se fondant sur les avoirs et la capacité de payer. Le beau-parent devrait assumer une partie de la responsabilité financière lorsqu'il partage la garde des enfants et qu'il a des rapports avec ceux-ci. De plus, les ententes conclues lors du divorce doivent être prises en considération. Il ne doit pas revenir aux juges de déterminer si les dépenses d'entreprise d'un travailleur autonome sont légitimes ou non. Cette tâche appartient à Revenu Canada, et pourtant il est question d'exiger des déclarations d'impôt sur le revenu pour pouvoir prendre une décision concernant le montant de la pension que devra verser le parent n'ayant pas la garde.

En terminant, j'ai entendu souvent des discussions à la télévision et ailleurs concernant le projet de loi. Je le considère avec un certain recul, le recul d'une personne qui a traversé des moments difficiles et qui doit vivre avec des dispositions financières. Aujourd'hui, ce projet de loi favorise l'exploitation par certains parents ayant la garde qui voudront en profiter pour aller chercher des sommes d'argent supplémentaires. Et, malgré tout, on continue de ne pas respecter le droit de visite accordé au parent n'ayant pas la garde.

Je ne possède pas toutes les réponses et je reconnais que nos recommandations comportent autant d'aspects négatifs que d'aspects positifs. Toutefois, il me semble que la décision rendue dans chaque cause varie en fonction du juge. De plus, certains aspects du projet de loi doivent être entièrement reformulés et modifiés de manière à prendre en considération ces parties.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Finestone.

Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup. Nous venons d'entendre deux témoignages très émouvants et je vous remercie de les avoir portés à notre attention.

Je tiens à vous demander précisément, M. Omah-Maharajh, si on ne vous a pas accordé le droit de revenir devant la cour pour demander une révision de l'accord, à la lumière du fait que les deux parents travaillent? Je ne suis pas d'accord avec vous sur le fait qu'il s'agit d'un cas relevant de Revenu Canada et non des tribunaux parce qu'il me semble que les deux parents devraient produire leur déclaration d'impôt sur le revenu. Une révision devrait en toute justice être accordée, certainement s'il n'y a pas de droit de visite accordé.

Dois-je comprendre que l'on vous a refusé le droit de comparaître à nouveau devant le tribunal et le juge depuis le remariage et l'utilisation d'un autre nom que celui donné à la naissance aux enfants, sans qu'une décision soit rendue, et que l'on vous a refusé le droit de vous représenter devant le juge?

M. Dave Omah-Maharajh: Je l'ai obtenu aujourd'hui, mais seulement après une dure bataille en vue de faire produire ces documents devant le tribunal, jusqu'au point de la contestation, attendu que l'interprétation du juge, avant que la décision découlant du projet de loi C-41 ne soit rendue, était que je devais payer ma pension rétroactivement, d'après la mesure législative en vigueur au moment où le juge a rendu sa décision.

Mme Sheila Finestone: Vous dites que vous avez toujours payé à temps votre pension de 500 $ par mois?

M. Dave Omah-Maharajh: C'est exact.

Mme Sheila Finestone: En quoi consiste cette rétroactivité?

M. Dave Omah-Maharajh: La rétroactivité est fondée sur le fait que même si tous mes papiers étaient entre les mains de mon avocat, la décision rendue par le juge au tribunal était la suivante—

Mme Sheila Finestone: Vos dépenses d'entreprise n'étaient pas imputables ou quoi?

M. Dave Omah-Maharajh: Non, ce sont plutôt les documents que devait divulguer le parent ayant la garde qui manquaient. À cette époque, afin de retarder la procédure, il me semble que le juge avait statué que je devais payer rétroactivement jusqu'à la date à laquelle une décision avait été rendue après l'instruction de ma cause en fonction du projet de loi C-41.

• 1315

Mme Sheila Finestone: Je ne suis pas juge, mais laissez-moi vous dire que c'est une bien triste histoire.

M. Dave Omah-Maharajh: En effet, c'est une triste histoire.

Mme Sheila Finestone: J'espère que vous obtiendrez justice lors de la prochaine audience.

Quant à vous, Monsieur, je trouve regrettable que vous n'ayez pas le droit de visite auprès de vos enfants, si j'ai bien compris que vous n'avez pas vu votre fille durant—

Dr Robert McKim: Non, non. J'ai une garde partagée. Je suis constamment en contact avec elle. Elle passe une grande partie de l'année avec moi.

Mme Sheila Finestone: Vous avez dit quelque chose concernant le fait qu'il s'agissait d'un problème de société et non d'un problème d'ordre juridique. Je dirais plutôt que ce problème relève des deux, si vous voulez mon avis.

L'aspect social est celui qui me préoccupe le plus. Si vous arrivez à régler les questions d'ordre juridique, il est certain que les aspects sociaux doivent être sérieusement pris en considération, si nous voulons nous assurer que les intérêts de l'enfant sont respectés.

Vous avez fait référence à des études poussées qui auraient été faites. Nous disposons sans doute d'un certain nombre d'entre elles, mais ce qui m'a frappée c'est votre suggestion que l'on fasse l'éducation des avocats et des juges qui instruisent les causes. À quoi faisiez-vous référence exactement?

Dr Robert McKim: Il faut que je revienne un peu sur l'ensemble du processus, parce que le système juridique est fondé sur le processus accusatoire: une des parties gagne, et l'autre perd. C'est un jeu à somme nulle, d'un point de vue économique.

Si tout le monde s'entend pour que ce soit l'enfant qui soit le grand gagnant, c'est ce que j'entends par perspective sociale. Ce n'est pas parce que je gagne que ma fille gagne automatiquement ou que mon ex-femme gagne. Nous devons faire en sorte que ce soit elle la grande gagnante. À l'heure actuelle, le processus ne le permet pas. Elle n'était pas représentée à la cour.

Mme Sheila Finestone: Pour qu'elle en ressorte gagnante, pourriez-vous nous dire en quoi consisterait l'intérêt de cette enfant, prenez-le en considération, sérieusement et principalement?

Dr Robert McKim: Je pense que la situation dans laquelle elle vit maintenant est probablement la meilleure qui puisse lui arriver.

Mme Sheila Finestone: Que devrions-nous faire en ce qui a trait au processus dans le cadre duquel deux adultes consentants acceptent de dire qu'ils ne s'entendent plus et qu'ils doivent se séparer, soit en restant bons amis, soit en se disputant? Que faut- il faire pour déterminer en quoi consiste le meilleur intérêt de l'enfant et où il se situe dans le cadre de l'action en justice? Il me semble que l'action en justice est un élément de base.

Dr Robert McKim: Je ne prétends pas avoir la réponse à tout.

Mme Sheila Finestone: Non, mais vous êtes celui qui a soulevé la question.

Dr Robert McKim: J'ai en effet soulevé la question parce que l'on m'a invité ici à faire part de mon expérience, et c'est ce que j'ai fait, je vous ai fourni des éléments d'information.

Qu'est-ce que j'aurais préféré voir arriver? J'aurais voulu que nous nous asseyons tous les deux avec des gens compétents qui nous auraient aidés à prendre notre décision. Mais, c'était trop simple pour elle—ou pour moi, je ne cherche pas de coupable—de ne pas tenir compte des bons conseils, et c'est tellement facile de faire appel aux tribunaux.

Mme Sheila Finestone: Si la médiation ou la conciliation ou quelle que soit l'appellation que vous donniez à cet exercice permettant d'établir le dialogue, la conversation ou l'échange entre deux parties devenait obligatoire plutôt que facultatif, est- ce que cela aurait un effet?

Dr Robert McKim: Je dois me ranger du côté des avocats venus témoigner ici avant moi. J'ai certaines hésitations à faire de l'arbitrage ou de la médiation une partie du processus, parce qu'il est très facile d'abuser de ce processus s'il n'est pas appliqué correctement.

Je ne pensais pas que vous alliez me poser toutes ces questions et me demander de trouver une solution à tous les problèmes.

Mme Sheila Finestone: Étant donné que vous avez soulevé la question, nous pourrions tirer parti de votre expérience.

Dr Robert McKim: Lorsque j'affirme qu'il s'agit d'un problème de société, j'estime que la bonne façon de voir les choses consisterait à déterminer comment régler le problème plutôt que de se demander comment faire appel aux tribunaux. La prochaine étape devrait être comment éviter d'aller devant les tribunaux.

J'ai dit que ma première recommandation était de tenir les avocats en dehors de tout cela. Je suis persuadé qu'ils favorisent tout le processus. La première personne que vous allez voir dans un cas de séparation, c'est votre avocat.

Et en quoi consiste l'intérêt pour un avocat? Il consiste tout simplement à facturer des heures. Il y a donc un conflit d'intérêts dès le départ entre la personne en laquelle vous êtes censé avoir confiance, celle qui vous donne des conseils, et son intérêt intrinsèque à vous facturer le maximum d'heures possible. Par conséquent, dans certaines circonstances, les avocats sont enclins à favoriser une approche accusatoire ou du moins l'antagonisme entre les deux parents.

• 1320

Mme Sheila Finestone: C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé si vous aviez eu recours à la médiation ou à une certaine forme de réconciliation d'abord, que ce soit séparément ou tous les deux... si cela n'aurait pas facilité les choses?

Dr Robert McKim: Dans mon propre cas, oui très certainement. J'hésiterais néanmoins à brosser un tableau définitif et à dire que ce qui aurait été bon pour moi le serait aussi pour quiconque. Non, j'ai des palpitations lorsque j'entends que l'on a une solution toute faite à tous les problèmes. Je suis forcé de dire que je ne pense pas que ce soit la solution. Il me semble que cette formule peut faire l'objet d'abus.

Mme Sheila Finestone: Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: J'aimerais poser une question au Dr McKim. Vous avez dit que les choses marchaient assez bien pour vous, que vous vous étiez entendus jusqu'en 1997 ou en 1993 ou quelque part par là, et qu'avec l'arrivée du projet de loi C-41 tout ce bel édifice s'est écroulé.

Dr Robert McKim: C'est bien cela.

M. Eric Lowther: Quel est l'aspect le plus important dans le projet de loi, quelle modification de loi a eu le plus d'incidence négative? Ou encore, est-ce une suite d'événements, ou de paramètres? Pourquoi les choses fonctionnaient-elles bien avant et qu'est-ce qui a entraîné l'échec de votre bonne entente? Quel est le principal aspect de ce projet de loi ayant précipité votre perte?

Dr Robert McKim: C'est l'ambiguïté du projet de loi C-41. J'ai demandé à un avocat de me l'expliquer. Essentiellement, il m'a dit qu'il n'en saurait rien tant qu'il ne serait pas allé devant les tribunaux. En d'autres mots, l'avocat m'avouait que nous disposions d'une mesure législative rédigée au Canada, qu'il ne savait pas ce qu'elle signifiait et que nous devrions attendre d'aller devant les tribunaux pour le savoir. Même aujourd'hui, je ne sais toujours pas en quoi il consiste. Selon le juge auquel vous avez affaire ou les aspects qui vous plaisent le plus, l'interprétation est très large.

M. Eric Lowther: Donc, dans votre cas, vous diriez que c'est l'ambiguïté?

Dr Robert McKim: Dans une large mesure.

M. Eric Lowther: Mais dans votre cas, la façon dont la décision a été rendue au tribunal—

Dr Robert McKim: En fait, nous ne sommes pas allés devant les tribunaux. Nous avons réglé cela entre mon avocat et celui de mon ex-femme, mais nous en sommes presque venus aux tribunaux. Nous essayions de déterminer les décisions qui avaient été rendues antérieurement et qui auraient pu constituer des précédents, d'autres interprétations. Mais, il y avait tellement d'ambiguïtés dans cette mesure législative que nous nous demandions constamment comment l'interpréter.

M. Eric Lowther: Quelles ont été les conséquences pour vous, personnellement? C'est ce que je m'efforce de déterminer.

Dr Robert McKim: Les conséquences pour moi, personnellement—

M. Eric Lowther: Avant l'adoption du projet de loi C-41, vous vous en tiriez très bien et depuis, rien ne va plus. Vous dites que l'ambiguïté est à l'origine de tous vos malheurs, mais c'est plus sérieux que cela. Quelque chose d'autre s'est produit. Avez-vous commencé à verser plus d'argent?

Dr Robert McKim: Non, en réalité, il y a une différence de seulement 25 $ par mois. Voilà toute l'histoire. Je ne suis pas venu ici pour des considérations financières. Cette législation est tellement ambiguë que j'ai dépensé 4 000 $ en honoraires d'avocat seulement pour en obtenir une vague interprétation.

De plus, à partir de maintenant, on ne ferme plus le dossier. Chaque année, il faut revenir et discuter des ajouts. C'est bien joli de se présenter et de se faire dire, voici combien vous devez payer. Mais, il faut discuter des ajouts et de ce genre de choses.

M. Eric Lowther: Donc, c'est juteux pour les avocats, je suppose.

Des voix: Oh, oh!

Dr Robert McKim: Je pense que nous avons déjà abordé le sujet.

M. Eric Lowther: D'accord, je retire ce que je viens de dire. D'après ce que vous dites, vous semblez penser que vous allez passer plus de temps devant les tribunaux après l'adoption du projet de loi C-41.

Dr Robert McKim: En plus, vous n'avez jamais le temps de cicatriser les plaies. Chaque fois que vous revenez... Avant, nous avions réglé les choses une bonne fois pour toutes, ou du moins pendant cinq ans, nous avions pu oublier le processus. Ce n'était plus qu'une pile de papiers qui ramassait la poussière et nous pouvions nous occuper de nos vies. Mais maintenant, année après année, il faudra remettre cela et réouvrir encore et encore ces fameux dossiers.

Mme Sheila Finestone: Pourquoi devez-vous revenir année après année?

Dr Robert McKim: Parce que mon revenu change chaque année.

Mme Sheila Finestone: Le sien aussi, sans doute.

Dr Robert McKim: Absolument. Donc, nous devons revenir devant le juge maintenant à cause de la situation de l'enfant; elle va commencer à vouloir faire diverses choses. Et nous devrons rediscuter de tout cela, chaque année. Tout cela à cause du projet de loi C-41.

• 1325

La sénatrice Erminie Cohen: L'enfant change, elle aussi.

Dr Robert McKim: L'enfant change, ma situation économique change, celle de mon ex-femme aussi. Nous n'avons pas fini d'en discuter.

M. Eric Lowther: Madame la présidente, permettez-moi de retirer mes commentaires agressifs à l'endroit des avocats. J'ai vu de nombreux avocats venir témoigner à cette table et se montrer très préoccupés au sujet des familles. Aussi, je ne voudrais pas que mes commentaires les atteignent.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie.

Sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie Cohen: J'estime qu'il faut garder à l'esprit, aussi, ce que le docteur a dit au sujet du langage. Cette notion de «l'enfant né du mariage» a été amenée par d'autres témoins aussi. L'enfant porte un nom. Cette pratique contribue à les dépersonnaliser. C'est une situation déplorable. Lorsque nous nous pencherons sur la formulation, il faudra penser à cela.

Je tiens à vous dire, docteur McKim, que lorsque nous avons étudié le projet de loi C-41, l'une de nos principales objections était justement l'ambiguïté, le fait qu'il était difficile à comprendre, que les tribunaux auraient trop de latitude à son égard. Je pense que votre point de vue a été bien noté, pour mémoire. Il faut vraiment que nous reformulions l'ensemble de cet aspect.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Y a-t-il d'autres questions?

Je vous remercie d'être venus témoigner. Chaque histoire individuelle améliore notre compréhension de la complexité et des difficultés de cette question. Merci encore une fois.

La séance est levée jusqu'à demain, 9 h 30, à Halifax.