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DEDC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 29 mars 2022

[Enregistrement électronique]

  (1840)  

[Traduction]

    Bonsoir à tous. La séance est ouverte.
    Bienvenue à la troisième réunion du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise qui a été constitué conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 2 mars 2022, et par le Sénat le 3 mars 2022.
    Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 novembre 2021, la séance d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride.
    Je rappelle à toutes les personnes présentes dans la salle qu'elles doivent suivre les recommandations des autorités sanitaires ainsi que les directives du Bureau de régie interne.
    Si des problèmes techniques surviennent, veuillez m'en aviser immédiatement. Nous devrons peut-être alors interrompre nos travaux quelques minutes, le temps de s'assurer que tous les membres du Comité peuvent participer pleinement à la réunion.
    Je précise par ailleurs à nos témoins qu'ils ont accès à des services d'interprétation à partir de l'icône représentant un globe terrestre au bas de leur écran ou au moyen des écouteurs fournis dans la salle.
    Avant de céder la parole à nos invités pour leurs observations préliminaires, je tiens à leur rappeler que chaque membre du Comité a droit à une période de temps bien définie pour leur poser des questions. Il peut arriver que l'un d'eux vous interrompe pour passer à sa question suivante. Sachez qu'ils le font uniquement dans le but de conserver suffisamment de temps pour obtenir d'autres détails nécessaires pour faire progresser notre étude. Si vous n'avez pas assez de temps pour donner une réponse complète à une question, n'hésitez pas à transmettre un complément d'information par écrit à notre comité.
    Je rappelle gentiment à mes collègues du Comité qu'ils doivent poser leurs questions par l'entremise de la présidence en évitant d'engager toute discussion directement avec les témoins.
    Sur ce, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux premiers témoins que nous recevons ce soir.
    Nous accueillons M. Philippe Hallée, légiste et conseiller parlementaire du Sénat, et M. Philippe Dufresne, légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes.
    Vous avez cinq minutes chacun pour nous présenter vos remarques liminaires.
    Monsieur Hallée, à vous la parole.

[Français]

    Honorables sénateurs, honorable sénatrice, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux d'être ici ce soir pour appuyer les travaux du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, dans le sillage de la motion adoptée le 24 mars dernier. J'espère pouvoir répondre à vos questions concernant le mandat du Comité et la portée de ses travaux.
    Comme vous le savez, le 14 février dernier, la gouverneure en conseil a déclaré qu'il existait, à l'échelle du Canada, un état d'urgence justifiant des mesures extraordinaires à titre temporaire. Cette déclaration a ensuite été abrogée neuf jours plus tard, soit le 23 février.
    À l'instar d'autres lois fédérales, la Loi sur les mesures d'urgence prévoit pour le Parlement un rôle explicite dans son application. Ce rôle est décrit dans la partie VI de la Loi, intitulée « Suivi parlementaire ». Le paragraphe 62(1), en particulier, qui se trouve sous l'intertitre « Comité d'examen parlementaire », prévoit que « l'exercice des attributions découlant d'une déclaration de situation de crise est examiné par un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat désigné ou constitué à cette fin ». La motion établissant votre comité, qui a été adoptée à la Chambre des communes le 2 mars et au Sénat le 3 mars dernier, reprenait essentiellement le libellé de la Loi: votre comité a été établi « pour examiner l'exercice des attributions découlant de la déclaration de situation de crise », laquelle déclaration a été abrogée depuis.
    L'article 62 contient plusieurs détails sur le rôle du Comité. Cependant, comme la motion qui a établi votre comité a été adoptée après l'abrogation de la déclaration de situation de crise, certains éléments prévus à cet article ne sont plus pertinents dans le cadre de vos travaux. Par exemple, aucun décret ni aucun règlement ne vous seront envoyés à des fins d'abrogation ou de modification. Votre comité se concentrera donc sur l'examen de l'exercice des attributions du gouvernement durant la situation de crise.
    Comme certains membres de ce comité l'ont déjà signalé, le libellé de la Loi est assez large. La question consiste donc à déterminer quelle en est concrètement la portée. Ni la motion établissant le Comité ni la Loi ne donnent plus de précisions sur ce que l'on entend par « examen ». Elles ne contiennent pas non plus de directives ou de limites quant au genre de renseignements que le Comité doit examiner ou ne doit pas examiner ou au genre d'enquêtes qu'il peut faire ou ne peut pas faire dans son examen.

[Traduction]

    S'il s'agissait simplement d'interpréter la Loi, je dirais que le rôle du Comité consiste à déterminer de quelle manière les pouvoirs, les attributions et les fonctions assignés pendant la situation d'urgence ont été exercés. Les pouvoirs conférés au Comité par le paragraphe 62(5) pour lui permettre d'abroger ou de modifier un décret ou un règlement semblent aller dans le sens d'un mandat mettant l'accent sur la façon dont les pouvoirs, les attributions et les fonctions assignés pendant une situation d'urgence ont été exercés. Un tel examen viserait également à déterminer si l'on s'est conformé à la Charte des droits et libertés et aux instruments internationaux portant sur les droits de la personne, tel que mentionné dans le préambule de la Loi.
    Je noterais par ailleurs les différences de libellé entre les articles 62 et 63. Le premier décrit le travail de ce comité, alors que le second traite de l'enquête que l'organe exécutif est tenu de faire réaliser relativement aux circonstances qui ont donné lieu à la déclaration. L'article 63 exige explicitement qu'une enquête soit tenue pour examiner les circonstances en question. En revanche, il n'est aucunement question de ces circonstances à l'article 62.
    Comme je l'ai déjà indiqué, le mandat du Comité ne se limite toutefois pas à une simple interprétation de la Loi. Il convient toujours de garder à l'esprit le rôle du privilège parlementaire lorsqu'on considère les comités et leur travail. Comme vous le savez très bien, le privilège parlementaire est l'un des principes fondamentaux du droit constitutionnel canadien. Il représente la somme des droits que la Chambre des communes, le Sénat et leurs membres détiennent et sans lesquels ils ne pourraient pas s'acquitter de leurs fonctions. Parmi ces droits, il y a celui de chaque chambre du Parlement de régir ses affaires internes sans ingérence extérieure. Ce droit s'étend aux comités, y compris les comités mixtes comme celui‑ci.
    Votre comité est donc maître de sa destinée, sous réserve de toute directive de la Chambre ou du Sénat. Il peut ainsi déterminer quelles informations peuvent être pertinentes ou nécessaires à la tâche qui lui a été confiée, et établir si un thème d'étude sort ou non du cadre de son mandat. Autrement dit, le Comité est habilité à déterminer, de son propre chef, si un thème d'étude ou un élément d'information quelconque est pertinent et nécessaire à son travail.
    Je vous remercie du temps que vous m'accordez. Je serai ravi de répondre à vos questions.
    Monsieur Dufresne, à vous la parole.

[Français]

    Membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis heureux d'être ici, en compagnie de mon collègue le légiste et conseiller parlementaire du Sénat, pour discuter de la portée du mandat du Comité et pour répondre à toutes les questions que le Comité pourrait avoir.
    À titre de légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes, je suis le conseiller juridique principal de la Chambre. Mon bureau fournit une gamme complète de services juridiques et législatifs au Président, au Bureau de régie interne, à la Chambre et à ses comités, aux députés ainsi qu'à l'Administration de la Chambre.
    Le personnel de mon bureau et moi, en tant qu'avocats au service de la Chambre, de ses comités et des députés, servons les intérêts de l'organe législatif du gouvernement. Nous offrons à la Chambre des services juridiques et législatifs semblables à ceux que le ministère de la Justice offre au gouvernement.
    J'espère que mes observations et mes réponses aideront le Comité dans le cadre de son importante étude.

[Traduction]

    La Loi sur les mesures d'urgence habilite le gouverneur en conseil à prendre à titre temporaire des mesures extraordinaires pouvant être injustifiables en temps normal pour assurer la sécurité des individus et garantir la souveraineté, la sécurité et l'intégrité territoriale du pays en situation de crise nationale. La Loi précise clairement que la prise de telles mesures par le gouverneur en conseil est assujettie à un suivi parlementaire ainsi qu'à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Déclaration canadienne des droits.
    En ce qui concerne le suivi parlementaire, la Loi sur les mesures d'urgence prévoit que les deux chambres jouent un rôle important dans l'examen des mesures prises par le gouvernement en vertu de la Loi. Peu de temps après qu'une déclaration de situation de crise a été faite, les deux chambres du Parlement sont appelées à la confirmer. Toute prorogation d'une déclaration de situation de crise doit également être confirmée par les deux chambres. La déclaration peut toujours être abrogée par une des chambres. Les décrets et règlements publiés ayant été pris en application de la Loi sur les mesures d'urgence peuvent également être abrogés ou modifiés avec l'accord des deux chambres.

  (1845)  

[Français]

    Fait important à souligner, la Loi prévoit la création, par les deux Chambres, de ce comité, soit un comité d'examen parlementaire chargé d'examiner « l'exercice des attributions découlant d'une déclaration de situation de crise ». La Loi exige que le Comité dépose certains rapports devant les deux Chambres. De plus, elle autorise le Comité à abroger ou à modifier tout décret ou règlement non publié, et ce, dans les 30 jours suivant son renvoi.
    Bien que la Loi énonce certaines caractéristiques du Comité et du processus suivi dans les deux Chambres relativement à la confirmation, à la prorogation ou à l'abrogation d'une déclaration de situation de crise, il appartient au Parlement, et non aux tribunaux, d'interpréter et d'appliquer les dispositions pertinentes, car ces questions de procédure parlementaire relèvent du privilège parlementaire. La décision rendue le 17 février dernier par le Président de la Chambre des communes, qui portait sur le sens de l'expression « débat ininterrompu » figurant au paragraphe 58(6) de la Loi, en fait foi.

[Traduction]

    Je crois comprendre que des questions ont été soulevées en ce qui concerne le mandat du Comité, notamment en comparaison de celui lié à l'enquête que le gouverneur en conseil est tenu de faire faire « sur les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration et les mesures prises pour faire face à la crise », selon le paragraphe 63(1) de la Loi.
    La Loi exige que l'enquête soit initiée dans les 60 jours suivant l'abrogation de la déclaration de situation de crise, et que le rapport de l'enquête soit déposé devant chaque chambre du Parlement dans un délai de 360 jours suivant l'abrogation de la déclaration de situation de crise. Puisque l'enquête lancée par le gouverneur en conseil relève de l'organe exécutif, le Comité pourrait vouloir solliciter l'avis des avocats du ministère de la Justice sur l'interprétation de son mandat. Selon moi, le mandat porte à la fois sur la déclaration et sur les mesures prises pour y donner suite.
    En ce qui concerne votre comité, son mandat, qui découle des ordres de renvoi des deux chambres du Parlement et de la Loi sur les mesures d'urgence, consiste à « examiner l'exercice des attributions en application de la déclaration de situation de crise qui a été en vigueur du lundi 14 février 2022 au mercredi 23 février 2022 ».

[Français]

    L'ordre de la Chambre prévoit, au sous-alinéa m)(ii), que le Comité peut « faire rapport de temps à autre [aux deux Chambres], y compris conformément [...] au paragraphe 62(6) de la loi », qui prévoit le dépôt d'un rapport « au moins tous les soixante jours pendant la durée de la validité [de la] déclaration » et « dans les sept jours de séance qui suivent » l'abrogation de la déclaration, ce qui a été fait le mardi 22 mars 2022.
    Il est clair, selon moi, que le Comité a le pouvoir d'examiner l'exercice des attributions découlant de la déclaration, ce qui comprend la prise du Règlement sur les mesures d'urgences et du Décret sur les mesures économiques d'urgence par le gouverneur en conseil, ainsi que l'exercice des attributions conférées par ces textes.

[Traduction]

    Le mandat du Comité ne vise pas explicitement l'examen des « circonstances qui ont donné lieu à la déclaration », mais le Comité devra déterminer dans quelle mesure, s'il y a lieu, il serait pertinent et nécessaire de prendre en considération ces circonstances dans le cadre de son examen sur l'exercice des attributions ayant découlé de la déclaration.
    Le Comité pourra se pencher sur certaines questions de manière plus spécifique, mais d'autres questions appelleront éventuellement un examen dans un contexte plus vaste. Je pense que le Comité devra d'abord et avant tout déterminer si les renseignements lui sont nécessaires dans l'exécution de son mandat conformément à l'ordre des chambres et à la Loi.

[Français]

    Sur ce, je répondrai avec plaisir à vos questions.

[Traduction]

    Merci à tous les deux. Nous allons maintenant passer aux questions des membres du Comité.
    Monsieur Motz, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos deux témoins d'être des nôtres pour nous présenter ce survol de la situation.
    Monsieur Dufresne, on dit généralement que les comités sont maîtres de leur destin pour autant qu'ils respectent la portée des mandats que la Chambre leur confie.
    Lors de la création de ce comité, est‑ce que l'une ou l'autre des deux chambres a imposé des limites à la portée de notre travail, ou a‑t‑on simplement reproduit la formulation utilisée dans la Loi sur les mesures d'urgence voulant que « l'exercice des attributions découlant d'une déclaration de situation de crise » soit examiné?
     Ce sont les termes utilisés dans l'ordre de la Chambre. Je pense qu'il en va de même de l'ordre du Sénat. Le Comité a ainsi été constitué « pour examiner l'exercice des attributions découlant de la déclaration de situation de crise en vigueur du lundi 14 février 2022 au mercredi 23 février 2022 ». L'ordre de la Chambre est un peu plus précis quant aux dates.
    Je voulais surtout faire valoir que l'on n'a pas limité le mandat du Comité; on a simplement cité la Loi.
    Serait‑il juste de dire qu'à l'instar des deux chambres, ce comité jouit, comme M. Hallée et vous-même l'avez déjà mentionné, du privilège parlementaire lui permettant d'interpréter les dispositions d'une loi sans ingérence extérieure et de déterminer lui-même la juste portée de son mandat?
    C'est une question pour nos deux témoins.
    Je dirais que le Comité doit déterminer la portée de son mandat en fonction de l'ordre de la Chambre et du libellé de la Loi. Si jamais des problèmes se posent à ce chapitre, il reviendra aux deux chambres de se prononcer.
    Nous avons eu des cas où certains ont prétendu après le dépôt d'un rapport de comité à la Chambre que ce comité avait outrepassé son mandat. Ce n'est toutefois pas une question dont les tribunaux pourraient être saisis. Cela relève uniquement du Comité et des deux chambres.

  (1850)  

    Merci.
    J'ai une autre question. La Chambre des communes est reconnue pour son rôle de grand enquêteur de la nation. Ne devrions-nous donc pas par conséquent, en notre qualité de comité mandaté par la Chambre, opter pour l'interprétation la plus large possible de notre mandat d'examen afin de nous acquitter pleinement de nos responsabilités envers les Canadiens qui veulent que nous demandions des comptes à leur gouvernement?
    Je m'adresse encore une fois à nos deux témoins.
    Ce rôle de « grand enquêteur de la nation » a certes été pris en compte et cité par la Cour suprême du Canada en reconnaissance de l'important travail accompli par la Chambre et les comités pour demander des comptes au gouvernement et s'assurer que son travail est fait comme il se doit. La Chambre elle-même a fait valoir dans des décisions du Président l'importance pour les comités de tenir compte de la portée du mandat qu'elle leur confie. Il revient donc aux comités, et par voie de conséquence à la Chambre, de prendre ces décisions et de faire le nécessaire pour s'acquitter de leur mandat et remplir leur mission.
    D'accord, mais comme nous avons pu le voir dans l'ordre de la Chambre, la portée de ce mandat n'est pas limitée. On ne fait essentiellement que reprendre le libellé de l'article 62 de la Loi sur les mesures d'urgence qui parle de « l'exercice des attributions » en indiquant que c'est ce que le Comité doit examiner.
    Je répète donc ma question. Pour que le Comité puisse s'acquitter efficacement de ce mandat en comprenant bien qu'il doit le faire non seulement pour la Chambre, mais aussi pour les Canadiens et le pays en entier — une question de pleine transparence et de responsabilisation absolue quant aux actions du gouvernement et aux actions de la Chambre elle-même —, ne serait‑il pas raisonnable de nous donner un mandat de très vaste portée de manière à ne négliger aucun élément et à obtenir des réponses à toutes nos questions?
    Merci, monsieur Motz. Malheureusement, les quatre minutes sont vite passées. C'est un peu plus court que le temps à notre disposition pour certains de nos comités de la Chambre. Comme je l'indiquais précédemment, je demanderais à nos témoins de bien vouloir transmettre par écrit au Comité tout renseignement supplémentaire en réponse aux questions de M. Motz.
    Nous allons passer à M. Naqvi pour les quatre prochaines minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos deux témoins d'être des nôtres aujourd'hui pour nous aider à mieux saisir la portée du mandat de notre comité et la façon dont la Loi s'articule.
    Vous pouvez tous les deux répondre à cette question.
    Je reviens au libellé de l'article 62 où l'on indique que « l'exercice des attributions découlant d'une déclaration de situation de crise est examiné… »
    D'après vous, s'agit‑il d'un examen des attributions découlant du recours à la Loi sur les mesures d'urgence que l'on pourrait surtout qualifier de concomitant?
    Il faut vraiment prendre en considération l'ensemble du contexte qui doit exister pour que… Je veux dire par là que le contexte est en fait l'exercice des pouvoirs conférés au gouvernement à cette fin. Il faut donc considérer le contexte dans son ensemble. Pour ce qui est du caractère concomitant… Il faudrait que je sois un peu plus clair.
    Il s'agit essentiellement de tenir compte du contexte global, y compris ce qui a mené à l'adoption de mesures, en mettant l'accent sur l'exercice des pouvoirs et la manière dont on s'y prend. Comme je l'ai mentionné dans mon allocution, il faut surtout chercher à savoir comment ces pouvoirs ont été exercés.

  (1855)  

    Monsieur Hallée, lorsque vous parlez de la façon dont les pouvoirs sont exercés, dois‑je comprendre qu'il s'agit davantage d'une fonction de surveillance quant à la manière dont ils sont utilisés ou ont été utilisés?
    Si je comprends bien votre question, je dirais que l'on s'intéresserait à la façon dont les pouvoirs ont été utilisés, d'autant plus que la déclaration a été abrogée depuis…
    Oui, mais je parle plutôt de l'application de la Loi d'un point de vue plus général. Même si ce n'était pas le cas et que ce décret était toujours en vigueur au moment où nous siégeons aujourd'hui, nous exercerions une fonction de surveillance quant à la façon dont ces pouvoirs sont utilisés alors même qu'ils le seraient encore. Est‑ce que mon interprétation est correcte?
    Vous avez raison.
    On peut comparer avec le libellé de l'article 63 qui indique très clairement que l'on est tenu de « faire faire une enquête sur les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration ».
    Est‑il juste de conclure que l'on adopte ici un point de vue davantage rétrospectif en s'intéressant aux circonstances qui ont incité le gouvernement à avoir recours à la Loi sur les mesures d'urgence?
    Je peux peut-être vous répondre à ce sujet, monsieur Naqvi. Comme je le disais dans mes observations préliminaires, on retrouve certes deux éléments distincts dans cette disposition exigeant la tenue d'une enquête. Il y a tout d'abord un aspect rétrospectif avec les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration, puis il est question des mesures prises par la suite.
    Pour ce qui est de l'examen par le Comité, il doit porter sur « l'exercice des attributions découlant d'une déclaration de situation de crise ». C'est le point de départ pour votre comité.
    Il vous restera à déterminer dans quelle mesure un contexte plus précis — notamment quant aux circonstances à l'origine de la situation — vous est nécessaire et utile pour juger de la façon dont les pouvoirs ont été utilisés.
    Merci beaucoup. Encore une fois, les quatre minutes sont très vite passées.
    C'est maintenant au tour de M. Fortin.
    Si cela peut être utile aux membres du Comité, je peux vous faire un signe du doigt lorsqu'il vous reste une minute pour vous donner une meilleure idée de ce temps qui passe si rapidement.
    Monsieur Fortin, vous pouvez poser vos questions avant que nous croulions sous les rappels au Règlement.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs Dufresne et Hallée, je vous remercie de votre présence. Vos lumières nous seront évidemment des plus précieuses pour la conduite de nos travaux.
    J'aimerais examiner certains détails avec vous.
    Dans vos présentations d'ouverture, vous nous avez parlé du fait que la Charte canadienne des droits et libertés continuait à s'appliquer après l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence. Ce n'était pas le cas dans le contexte de la loi prédécente, la Loi sur les mesures de guerre, car il n'y avait tout simplement pas de charte à ce moment, comme on le sait. Maintenant qu'il y a une charte, elle s'applique.
    Est-ce que l'application de la Charte canadienne des droits et libertés doit être prise en considération quand nous interprétons, par exemple, les limites de notre mandat? Notre mandat comprend l'examen de l'exercice des attributions prévues par la Loi. N'avons-nous pas également l'obligation de voir si l'exercice des attributions est conforme aux dispositions de la Charte?
    C'est effectivement ce que je comprends: entre autres choses, le rôle du Comité est précisément de voir si l'exercice des pouvoirs qui ont été mis en place était conforme à la Charte et à d'autres instruments.
    J'aimerais vous poser une deuxième question.
    Je comprends que, selon la façon dont la Loi est divisée, les articles 62 et 63 traitent de deux différents types d'investigation. D'une part, l'article 62 porte sur l'examen de « l'exercice des attributions découlant [de la] déclaration de situation de crise », et c'est ce qui concerne notre comité. D'autre part, à l'article 63, il est question de « faire une enquête sur les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration ».
    Est-ce que cet examen et cette enquête se font en vase clos, l'un excluant automatiquement l'autre? Par exemple, lorsque le gouverneur en conseil fera l'enquête sur les circonstances, est-ce qu'il lui sera interdit de déterminer qu'on aurait eu besoin de faire des saisies ou d'engager des remorqueuses pour dégager les camions sur la rue Wellington, à Ottawa, mais qu'il a été impossible de le faire? Est-ce que tout cela sera exclu du travail du gouverneur en conseil? À l'opposé, est-ce que, dans le cadre de notre travail, il est complètement exclu d'examiner les circonstances qui ont donné lieu à l'exercice de ces attributions?

  (1900)  

    Je dirais que ce n'est pas nécessairement un travail fait en vase clos, si je peux me permettre d'utiliser la même expression.
    Le Comité et le gouverneur en conseil vont devoir faire leur travail. Les deux ont chacun leur mandat et vont devoir déterminer jusqu'où va leur mandat, ce qu'il est nécessaire de faire et quelles informations doivent être obtenues, et mettre l'accent là-dessus. Évidemment, si l'on constate qu'une partie du travail se fait en double, le Comité et le gouverneur en conseil seront libres d'ajuster le tir. Cela dit, les deux ont leur propre mandat et peuvent mener leur enquête tant que les limites de ce mandat sont respectées.
    Monsieur Dufresne, je vais donner un exemple afin de m'assurer que je comprends bien votre réponse.
    Si un témoin comparaît devant le Comité, que nous avons besoin d'éclaircissements à la suite de certaines de ses réponses et que cela nous amène à examiner certains aspects qu'on pourrait considérer comme faisant partie des circonstances ayant donné lieu à la déclaration, est-ce qu'il nous sera interdit de poser ces questions? Est-ce que ce sera plutôt traité au cas par cas?
    Comme vous l'avez dit d'entrée de jeu, il ne s'agit pas d'un travail qui se fait en vase clos, alors il n'y a pas d'interdiction formelle d'aborder des questions qui relèvent de l'un ou de l'autre des mandats, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Fortin.
    Je vous rappelle bien sûr que si des questions sont demeurées sans réponse…
    Je veux juste souligner à mes collègues que nous nous retrouvons dans une position intéressante. Nous sommes en fait un peu en avance sur l'horaire prévu si bien que nous disposerons de temps additionnel pour les prochains tours de questions. Il y a toujours aussi la possibilité pour nos témoins de nous transmettre ultérieurement des réponses plus détaillées. Nous souhaitons pouvoir compter sur le plus d'indications possible pour nous guider dans l'établissement de la portée de notre travail.
    Sur ce, nous allons passer au prochain intervenant qui ne sera nul autre que moi-même.
    Je regarde mes coprésidents. Je peux volontiers vous céder le fauteuil, si…
    C'est moi qui vais vous chronométrer.
    Oui, avec votre chronomètre de 60 secondes.
    J'ai mon propre chronomètre que je viens de mettre en marche, alors si vous voulez vérifier avec le vôtre…
    Monsieur Dufresne, vous avez parlé dans vos observations de l'interprétation des lois. Je crois que vous avez cité à ce titre la Cour suprême. Je vous dirais, en m'appuyant un peu sur le même principe, que si une loi est ambiguë, nous devons en faire une interprétation libérale.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez tous les deux de cet important principe juridique sur lequel nous devons maintenant nous pencher du fait que nous devons examiner le recours à une loi qui n'est pas exempte d'ambiguïté.
    Lorsqu'il s'agit de façon générale de convenir d'une interprétation large et libérale d'une loi — ce qui est parfois notamment nécessaire dans le contexte des droits de la personne —, il faut s'interroger sur la finalité de cette loi pour déterminer quelle interprétation permettra d'atteindre les objectifs établis.
    Comme l'a fait le Président de la Chambre dans sa décision sur l'interprétation relative aux débats ininterrompus, je voudrais souligner que la règle ou le principe moderne en matière d'interprétation prévoit ce qui suit:
Il faut interpréter les termes d'une loi dans leur contexte global selon le sens grammatical et ordinaire qui s'harmonise avec l'économie et l'objet de la loi et l'intention du législateur.
     Voilà donc tous les éléments à prendre en considération, en n'oubliant pas — comme nous l'avons déjà mentionné — l'objectif de la Loi.
     Nous savons que cette loi‑ci a différents objectifs, y compris assurer un suivi parlementaire et le respect de la Charte et d'autres instruments.
    Monsieur Hallée, est‑ce que vous avez quelque chose à ajouter?
    Non, je suis d'accord avec mon collègue.
    Étant donné les ordres adoptés par les deux chambres après l'abrogation du décret, ne serait‑il pas logique d'offrir à notre comité le bénéfice d'une interprétation large et libérale de la Loi qui nous permettrait d'examiner les conditions préalables à l'octroi de ces pouvoirs en vue de nous faire une idée du contexte sociopolitique, vu que nous serons sans doute la seule instance parlementaire à nous pencher sur la question?
    Je dirais que le travail du Comité doit s'articuler autour du libellé de l'ordre et de l'article 62, c'est‑à‑dire
L'exercice des attributions....
     Il est possible que vous puissiez examiner certaines de ces attributions sans avoir à tenir compte d'autres éléments, mais vous ne pourrez pas le faire dans tous les cas. Vous constaterez alors que vous devez disposer des informations vous permettant de comprendre le contexte et les circonstances qui ont mené à l'exercice de ces pouvoirs. C'est le genre de questions que vous devrez vous poser.

  (1905)  

    Vous avez dit qu'il s'agissait d'un point de départ. Dans quelle mesure cela peut‑il nous permettre d'après vous de traiter efficacement l'information à notre disposition?
    Je pense que le point de départ, c'est l'examen de l'exercice des attributions, et nous avons mentionné à ce titre le règlement et le décret. Le Comité devra ensuite déterminer dans quelle mesure il estime nécessaire de bien saisir le contexte général entourant les circonstances dans lesquelles ces attributions ont été exercées pour pouvoir évaluer la façon dont cela a été fait.
    Monsieur Dufresne, j'aimerais que nous abordions la question de la proportionnalité dans les 45 secondes qu'il me reste. Pour que la population sache vraiment à quoi s'en tenir quant aux mesures prises par le gouvernement pendant que le décret était en vigueur, ne serait‑il pas logique de prendre en compte l'aspect de la proportionnalité dans l'étude des conditions préalables au recours à la Loi?
    Dans l'examen de l'exercice des attributions, il faudra notamment se demander quelles étaient ces attributions, à quoi elles devaient servir, dans quelle situation on les a utilisées et quel a été le résultat.
    Merci beaucoup.
    Comme il ne me reste que huit secondes, je vais considérer que j'ai terminé.
    Je vais maintenant céder la parole à la sénatrice Boniface.
     Merci à nos deux témoins d'être avec nous aujourd'hui. Votre aide nous est très précieuse pour mieux comprendre comment la Loi doit être interprétée.
    On a déjà répondu à bon nombre des questions que j'avais à l'esprit, mais peut-être pourriez-vous m'en dire davantage au sujet de l'article 63 qui porte sur l'enquête, étant donné que, comme vous l'avez indiqué en répondant à M. Fortin, il n'y a pas de cloisonnement entre les deux.
    Je sais que vous ne pouvez pas vous permettre de formuler des hypothèses, mais pourriez-vous nous dire quelle serait normalement la marche à suivre pour la nomination d'un commissaire chargé de mener une enquête semblable? Faudrait‑il s'attendre à trouver de plus amples détails dans l'énoncé du mandat de ce commissaire, ou devrait‑il comme nous s'en remettre à un article de la Loi?
    J'hésiterais à m'aventurer trop loin sur cette avenue, car c'est vraiment du ressort de l'organe exécutif et des conseillers juridiques du ministère de la Justice. Comme cette loi n'impose aucune obligation, si ce n'est celle de procéder à un examen, il faudrait peut-être regarder du côté de la Loi sur les enquêtes. Si tel est le cas, il y a des pouvoirs qui en découlent et une structure à respecter. Est‑ce que cela pourrait être établi par d'autres moyens? Comme je l'ignore, je ne vais pas en dire davantage.
    Pour que les choses soient bien claires, il y aurait donc dans la Loi sur les enquêtes certaines indications précises pouvant guider le commissaire responsable de l'enquête, si c'est bien le titre qu'on lui donne.
    Cette loi conférerait au responsable de l'enquête certains pouvoirs comme celui de citer des témoins à comparaître.
    Si l'on revient aux deux articles que vous avez cités, ne serait‑il pas plus sage pour notre comité de bien cerner la teneur de ces attributions qui sont au cœur de l'article 62? Nous éviterions ainsi de nous retrouver devant nos chambres respectives pour nous faire dire que nous avons largement outrepassé notre mandat. Il s'agit de nous concentrer sur ces attributions et de déterminer au fur et à mesure que de nouveaux renseignements nous sont communiqués — comme le faisait valoir M. Fortin — s'il est nécessaire d'obtenir des compléments d'information afin de mieux comprendre de quoi il en retourne.
    Je pense que nous avons été clairs à ce sujet tous les deux. En mettant l'accent sur le règlement et sur le décret qui a été adopté, et en s'interrogeant sur la façon dont les attributions qui ont découlent ont été exercées, le Comité respecterait à la lettre l'ordre de la Chambre et l'article 62. Il est possible que l'on puisse demeurer dans les limites de ce cadre même en allant plus loin pour examiner les circonstances et les éléments à l'origine de la situation. Cependant, si votre point de départ était le règlement — ce qu'il prévoit, ses effets, etc. —, tout indiquerait que vous prendriez appui comme il se doit sur les éléments à la base de votre mandat.
    D'accord. C'est une réponse qui m'apparaît satisfaisante.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au sénateur Carignan.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai lu les documents, j'ai écouté la question de M. Fortin et j'ai entendu votre réponse, monsieur Dufresne. Pour m'assurer de bien comprendre, je vais reformuler tout cela, et vous me direz si cela résume bien votre pensée.
    Dans le fond, vous dites que c'est le gouverneur en conseil qui doit enquêter sur les circonstances ayant donné lieu à la déclaration, mais cela ne veut pas dire qu'il sera impossible au Comité de considérer une preuve en lien avec les circonstances pour se donner un contexte plus large et faire son enquête sur les attributions. Nous pouvons tenir compte des circonstances, n'est-ce pas?

  (1910)  

    Oui.
    D'accord, je pense que c'est un bon résumé. Merci.
    J'aimerais aborder un deuxième élément.
    Nous devons enquêter sur l'exercice des attributions. Il y a toutes sortes de façons de le faire. Nous pouvons nous demander si les pouvoirs ont été exercés de façon déraisonnable ou à des fins inappropriées, par exemple. Je comprends également qu'enquêter sur l'exercice des attributions nous permet d'examiner le fondement juridique de l'adoption de ces attributions. Prenons l'exemple des saisies de comptes bancaires. Nous pouvons examiner quel était le fondement juridique de cette attribution, car nous avons effectivement le pouvoir incident d'aller vérifier si l'on avait ou non le pouvoir juridique d'adopter de telles attributions. Cela peut se faire dans le cadre de notre étude de l'exercice des attributions, n'est-ce pas?
    Je dirais que le Comité n'a pas le même rôle qu'une cour de justice qui traiterait de ce genre de questions.
    Nous devons quand même examiner ces attributions pour déterminer si c'était abusif ou non. Si l'attribution a été adoptée illégalement, cela veut peut-être dire qu'elle a été exercée de façon inappropriée.
    Cela fait certainement partie de l'interprétation que vous pourrez faire de votre mandat. Vous pourrez vous poser ces questions, c'est-à-dire tenter de déterminer si l'exercice était acceptable, dans quel contexte il s'est tenu et si c'était quelque chose de prévu, tout en tenant compte, cela dit, des rôles distincts du Comité et des tribunaux.
    Toutefois, l'examen du fondement juridique de l'attribution fait partie de l'étude de l'exercice de cette attribution, n'est-ce pas? Autrement dit, le pouvoir d'adopter l'attribution et la façon de l'exercer forment un tout dans l'exercice de l'attribution.
    Je pense que cela fait partie de l'historique des événements ayant mené à l'adoption de ce règlement, finalement.
    D'accord. Nous comprenons la même chose.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C'est au tour du sénateur Harder.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais poursuivre dans la même veine. J'ai l'impression que vous avez été de bon conseil en nous aiguillant vers l'article 62 pour fonder notre interprétation de notre mandat d'étude. J'estime tout à fait pertinent de nous pencher, comme vous le suggérez, sur le « comment ».
    Vous avez en outre ouvert la porte à une évaluation qui irait plus loin que le « comment » en évoquant la notion du privilège parlementaire et la nécessité que les délibérations du Comité puissent être guidées le moment venu par la connaissance du contexte ayant mené au recours à la Loi sur les mesures d'urgence.
    Est‑ce que j'interprète bien vos propos? Autrement dit, nous devrions d'abord nous poser la question du « comment » pour la période d'exercice des attributions, et nous intéresser à ce qui s'est passé auparavant uniquement lorsque cela devient nécessaire pour bien saisir un certain témoignage ou une nouvelle question qui se pose.
    Je pense que ce serait une bonne interprétation du mandat. En effet, il s'agit d'examiner la façon dont le pouvoir a été utilisé. L'a‑t‑il été de manière proportionnelle? L'a‑t‑il été de manière abusive dans le contexte qu'il était censé résoudre?
    Pour avoir une meilleure idée de l'utilisation de ces outils, il est parfois essentiel, bien entendu, de tenir compte du contexte élargi. Cependant, l'objectif principal du Comité, tel que je le comprends, est d'examiner la façon dont ce pouvoir a été exercé.
    Je présume que cet examen rétroactif du contexte ne sert pas à déterminer si la Chambre des communes a eu raison d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence.
    Je pense que vous voulez dire « si le gouvernement a eu raison ».
    Oui, le gouvernement, mais la Chambre des communes a invoqué la Loi.
    Si on se penche sur le rôle de l'enquête, sur les circonstances, etc., et si on examine notre comité, on se rend compte qu'il se concentre sur l’exercice des attributions. Dans l'ordre de la Chambre, on parle de la période pendant laquelle la déclaration est en vigueur.
    Oui. Je pense que c'est un point très important. Je pense aussi que l'article 63 prévoit une portée et une période beaucoup plus vastes à cet égard.
    En fait, en ce qui concerne ma dernière question, une étude attentive de la Loi laisserait entendre que le comité d'examen parlementaire serait functus au moment de la révocation de la Loi.
    Je sais que le mandat donné au Comité par le Sénat et la Chambre est différent, mais la Loi elle-même laisse entendre que le comité d'examen cesse ses travaux lorsque la Loi est révoquée.

  (1915)  

    Pas tout à fait. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, je pense qu'il a encore un rôle à jouer. En effet, une partie de la fonction du mandat de l'article 62 n'est plus applicable. On ne vous fournirait pas des règlements pour déterminer s'ils doivent être abrogés.
    Toutefois, le Comité peut encore vérifier si les règlements qui étaient en place et les instruments qui ont été utilisés l'ont été de manière efficace et raisonnable dans le contexte et faire rapport aux deux chambres.
     Je vous remercie.
    Étant donné la rapidité de nos amis du Sénat, nous avons réussi à récupérer un peu de temps. J'aimerais informer les membres du Comité que nous sommes en avance sur l'horaire et j'aimerais donc leur présenter deux options…
    Je m'excuse. Je vous remercie. Je vais maintenant donner la parole au sénateur White, qui peut reprendre les 11 secondes du sénateur Harder, s'il le souhaite.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    J'ai l'impression de m'acharner pour rien, car je pense que nous avons déjà eu la même discussion, mais il me semble que l'article 62 est extrêmement prescriptif, et c'est à ce moment‑là que nous intervenons.
    L'enquête, en vertu de l'article 63, dispose d'une marge de manœuvre beaucoup plus grande pour se développer et son rôle peut être élargi en fonction des preuves entendues. Est‑ce vraiment ce dont nous parlons dans ce cas‑ci?
    Nous avons parlé du fait que la Loi donne à l'enquête un mandat à deux volets, à savoir les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration et les mesures prises pour faire face à la crise.
    Pour ce qui est de notre comité, il est question d'examiner l'exercice des attributions découlant d'une déclaration de situation de crise. La Loi accorde également certains pouvoirs à notre comité, en particulier lorsque la déclaration est en vigueur. Toutefois, je pense que nous avons tous les deux affirmé que si le Comité estime qu'il doit tenir compte du contexte pour faire son travail, cela fait partie de son mandat.
    Bien que nous puissions souhaiter obtenir des renseignements pour nous aider, nous sommes toujours limités par les protections prévues dans l'article 62, peu importe ce que nous voulons. Il ne s'agit pas de ce que nous voulons, n'est‑ce pas? En fin de compte, nous sommes toujours limités par les protections de l'article 62.
    Je n'aime peut-être pas ce libellé, mais pour moi, il est clair que nous sommes de retour dans la même pièce.
    Il faudrait que vous vous en teniez au libellé des ordres des chambres, qui parlent de « l’exercice des attributions » découlant de la déclaration.
     Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Les séries de questions se sont déroulées un peu plus rapidement que prévu. Lorsque nous avons examiné pour la première fois nos motions de régie interne, nous avions compris que nos séances ne dureraient pas plus de deux heures. Nous sommes maintenant dans une réunion de trois heures.
    Les deux options que j'aimerais proposer au Comité sont soit d'ajouter du temps à la deuxième série de questions, soit de prendre l'ordre et d'accorder quatre minutes à chaque intervenant.
    Ajouter du temps à la deuxième série de questions.
    Voulez-vous dire qu'il faut ajouter du temps à la deuxième série de questions?
    À des fins d'éclaircissements, vous seriez toujours l'intervenant de cette série de questions.
    Monsieur Fortin, vous avez la parole.

[Français]

    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais suggérer quelque chose.
    Comme le temps de parole n'est pas réparti de la même façon entre les intervenants dans le deuxième tour de questions, je ne pense pas qu'il serait bon de simplement ajouter du temps au deuxième tour, car cela pourrait désavantager certains d'entre nous.
    Nous pourrions faire un autre tour en suivant la répartition du deuxième tour et ensuite revenir à la répartition prévue pour le premier tour.
    De toute façon, ce n'est pas comme si nous menions une enquête et que nous avions des choses précises à tirer des témoins. Nous sommes tous ici pour en apprendre davantage. Je suis tout aussi intéressé aux réponses qu'obtiendront Mme Bendayan, M. Brock, M. Motz ou M. Carignan. Nous voulons entendre les experts que nous avons invités.
    Je suggère donc de faire un autre tour en suivant la répartition du deuxième tour. Ensuite, si nous avons encore des questions, nous pourrons refaire un tour selon la répartition prévue au premier tour.

[Traduction]

    Pour la deuxième série de questions, les conservateurs auront trois minutes, les libéraux trois minutes, le reste deux minutes, et nous déciderons ensuite. Cela convient‑il au Comité?
    Des députés: Oui.
    Le coprésident (M. Matthew Green): D'accord. Nous poursuivrons donc comme prévu. La parole est à M. Brock. Il a trois minutes.

  (1920)  

    Je vous remercie, monsieur le président. Je vous remercie également, messieurs, d'être ici aujourd'hui et de nous fournir des éclaircissements dont nous avons grand besoin. Nous vous sommes très reconnaissants de nous faire profiter de votre expérience juridique et de votre interprétation de cette loi qui, au bout du compte, soulève plus de questions qu'elle ne fournit de réponses.
    J'aimerais aborder des points très précis dans le temps qui m'est imparti. Je vais vous laisser répondre tous les deux. Si l'un d'entre vous souhaite prendre l'initiative, n'hésitez pas à le faire.
    Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que la Loi sur les mesures d'urgence établit des seuils particuliers qui doivent être atteints avant que le gouverneur en conseil puisse déclarer l'état d'urgence?
    La Loi offre des définitions et formule des exigences, et je serais donc d'accord avec cela.
    Dans ce cas, seriez-vous également d'accord avec moi pour dire que si ces seuils juridiques n'ont pas été atteints, l'exercice ultérieur par le Cabinet libéral des attributions — ou, en d'autres termes, le pouvoir législatif délégué par le Parlement en vue d'adopter des règlements vastes et stricts —, découlant d'une déclaration de situation de crise était, dans le jargon des avocats, void ab initio ou, en termes simples, nul et sans effet?
    Vous décrivez une situation de non-respect d'un critère juridique. Dans le cas de n'importe quelle loi, si une exigence doit être satisfaite et qu'elle n'a pas été satisfaite, alors la loi en question n'a pas été respectée.
    Seriez-vous toujours d'accord avec moi, compte tenu de votre interprétation de la portée de notre mandat — au bout du compte, selon moi, vous arrivez tous les deux à la même conclusion en ce qui concerne une interprétation libérale avec un « l » minuscule de la Loi —, que la détermination de l'atteinte d'un seuil juridique et des circonstances dans lesquelles ce seuil a été atteint relèverait entièrement de la compétence de notre comité?
    Il y a une différence entre le rôle de notre comité, ou de tout autre comité, et le rôle des tribunaux. On demande aux tribunaux, dans les cas appropriés, d'évaluer la conformité aux lois et d'interpréter les conséquences sur le plan juridique.
    Dans ce cas‑ci, le Comité a le mandat d'examiner l'exercice des attributions, donc dans le contexte de ce mandat, si le Comité examine les critères liés aux décrets, aux règlements, etc., cela semblerait respecter le cadre du mandat ou de l'examen, mais ce serait distinct du rôle d'un tribunal, qui rendrait une décision juridique…
    Je vous remercie, monsieur Dufresne.
    Je suis désolé, mais votre temps est écoulé. Je suis sûr que vous pourrez le récupérer à la prochaine série de questions.
    La parole est maintenant à M. Virani.
    Je vous remercie beaucoup. Je serai bref.
    Seriez-vous d'accord avec moi, monsieur Dufresne, pour dire que selon l'un des principes d'interprétation des lois, il faut les interpréter de façon harmonieuse, et que le rôle du Parlement, que vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire, a été exercé à l'article 58, lorsque le Parlement a tenu un débat ininterrompu et a ensuite voté sur le maintien de l'invocation de la déclaration?
    Oui, cela faisait partie du suivi parlementaire.
    Une fois l'invocation faite par le gouverneur en conseil, elle est ratifiée par le Parlement, faute d'un meilleur mot. On arrive ensuite à une situation, comme au paragraphe 62(1), où l'exercice des attributions découlant de cette déclaration fait l'objet d'un examen par le comité parlementaire désigné à cette fin.
    Est‑ce correct?
    C'est la séquence prévue dans le processus.
     Dans sa déclaration, M. Hallée indique que lorsqu'il n'y a pas de règlement en cours d'application, certains éléments de l'examen parlementaire ne sont pas en cause, comme le paragraphe 62(5) de la Loi.
    Est‑ce exact, monsieur Hallée?
    Oui, c'est exact.
    Pouvez-vous me dire s'il s'agit aussi d'un principe juste en matière d'interprétation des lois — je crois que vous avez déjà abordé la question, monsieur Dufresne — d'examiner les intentions des personnes qui étaient au Parlement moment de la mise en œuvre? C'est comme lorsqu'on fait référence, parfois, aux témoignages ou au hansard, afin de confirmer l'intention des législateurs.
    L'intention du Parlement est un élément qui est pris en compte dans l'interprétation des lois, et les tribunaux consultent de temps en temps le hansard, etc. Ils font très attention, car il n'est pas toujours facile de déterminer l'intention du Parlement à partir d'une déclaration d'un parlementaire, mais les tribunaux le font de temps en temps.

  (1925)  

    J'aimerais vous poser une question sur l'interprétation d'une loi de manière à ce qu'elle ne soit pas seulement harmonieuse, mais qu'elle empêche aussi tout chevauchement ou incohérence possible.
    Il y a une chose qui me préoccupe. L'article 63 contient un élément non seulement rétrospectif, mais aussi contemporain, car il tient compte des circonstances de l'invocation, ainsi que des mesures qui ont été prises. Comparez cela à l'article 62, qui concerne les mesures.
    Ce qui m'intrigue, c'est que si nous analysons l'élément de l'article 62 — ce que fait actuellement le comité d'examen parlementaire — de façon beaucoup plus vaste que le libellé semble le suggérer, nous avons la possibilité d'avoir deux enquêtes simultanées sur le même sujet, et elles pourraient arriver à des conclusions contradictoires.
    Est‑ce quelque chose dont nous devrions être conscients et que nous devrions tenter d'éviter?
    Je dirais qu'en examinant l'intention du Parlement, on examinera la Loi et on déterminera si c'est un résultat que le Parlement aurait souhaité. Est‑ce que cela mène à une contradiction ou à quelque chose que le Parlement semblait vouloir éviter? Il faut examiner la Loi pour le savoir.
    À des fins d'éclaircissements, vous avez indiqué, en réponse à M. Brock, que certains seuils et analyses juridiques relèvent des tribunaux, mais nous sommes un comité, et non un tribunal.
    Le temps imparti à cette série de questions est écoulé.
    Nous entamons maintenant une série de questions de deux minutes. La parole est à M. Fortin.

[Français]

    Je dispose seulement de deux minutes, alors je vais procéder rapidement. Je m'en excuse d'avance.
    Je veux vérifier une chose auprès de vous, messieurs Dufresne et Hallée. L'article 63 stipule que « le gouverneur en conseil est tenu de faire faire une enquête ». L'un de vous deux sait-il par qui le gouverneur en conseil doit faire faire cette enquête? Avez-vous une opinion sur cette question?
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, la Loi ne prescrit pas un mécanisme en particulier qui doit être utilisé par le gouverneur en conseil. Une possibilité serait de recourir à la Loi sur les enquêtes, mais ce n'est pas prescrit par la Loi sur les mesures d'urgence.
    Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que, normalement, personne ne fait enquête sur lui-même et personne ne choisit, non plus, le policier qui va enquêter sur lui?
    Par voie de conséquence, quand on dit que le gouverneur en conseil, qui est en fait le gouvernement, va faire faire une enquête, ai-je raison de penser que cette enquête devrait être menée par une tierce partie, c'est-à-dire quelqu'un qui n'a aucun lien avec le gouvernement du Canada?
    En fait, la création d'une commission d'enquête prouve justement que le gouvernement peut créer les organes qui vont enquêter sur les actions du gouvernement et s'assurer que cela se fait de façon très indépendante. On a eu plusieurs exemples de cela, il n'y a pas très longtemps. Comme le disait mon collègue M. Dufresne, c'est un mécanisme auquel on a eu recours en vertu de la Loi sur les enquêtes. Il y en a d'autres qui ont été prévus de façon plus particulière. Le gouvernement a toujours la possibilité de créer un organe qui va enquêter sur les actions du gouvernement de façon transparente, selon des règles bien établies.
    Tantôt, j'avais en tête une question à vous poser, mais je ne m'en souviens plus. J'en ai une autre que j'aimerais aborder avec vous, mais je vais avoir besoin de plus de 30 secondes. Je vais donc attendre.
    Je ne me souviens vraiment plus de ma question de tantôt, alors j'y renonce. Lorsque nous n'avons que quelques secondes pour intervenir, c'est à peu près invivable.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Fortin. Je comprends tout à fait.
    Je vais maintenant utiliser ma série de questions de deux minutes. Je vais poursuivre la série de questions posées par M. Fortin, qui juxtapose le fait que l'enquête relève de l'organe exécutif au fait que nous relevons de l'organe législatif. C'est légèrement différent. J'ai entendu dire qu'il y a une bataille de considérations entre les protections prévues dans la Loi et le privilège parlementaire.
    J'aimerais donc poser une question à M. Dufresne. Dans la bataille entre les protections prévues dans la Loi et le privilège parlementaire, à votre avis, qui gagne?
    Je pense qu'il ne s'agit pas nécessairement de savoir qui gagne, mais plutôt de savoir qui prend la décision. Si c'est une question de privilège parlementaire, ce sont les chambres qui décident. Donc, dans ce cas, c'est à votre comité et, au bout du compte, aux deux chambres de décider de la façon dont elles interprètent les dispositions législatives et l'ordre de la Chambre.
    Compte tenu de la description de l'enquête, c'est‑à‑dire des personnes à qui elle serait confiée et de certaines réflexions dans cette salle, peut‑on présumer qu'il pourrait s'agir de la seule voie par laquelle l'organe législatif pourrait envisager d'invoquer cette loi, étant donné que l'enquête serait probablement menée par des personnes extérieures à la sphère parlementaire?
    Je dirais que la Loi sur les mesures d'urgence énonce explicitement que le gouverneur en conseil met sur pied une commission ou une enquête pour examiner ces questions. C'est certainement une décision du Parlement.
    Votre comité existe. Il s'agit visiblement d'un comité parlementaire composé de parlementaires, et il est donc important qu'il puisse faire son travail et remplir son important mandat. Ce mandat est précisé dans les ordres de la Chambre et dans la Loi.

  (1930)  

    C'est excellent. Je vous remercie beaucoup.
    Cela dit, je vais maintenant céder la parole au sénateur Harder pour sa série de questions de deux minutes.
    Je vous remercie beaucoup.
    Messieurs les témoins, j'aimerais faire référence au mot « découlant » qui est utilisé au paragraphe 62(1). Nous avons tous cité la formule « l'exercice des attributions découlant d'une déclaration », et cela suggère une période de temps à partir de la déclaration jusqu'à la période où la Loi sur les mesures d'urgence a été invoquée, en comprenant encore une fois que certaines questions pourraient nécessiter une enquête sur les circonstances en jeu avant cette date dans le cadre des questions sur la façon dont cela s'est déroulé.
    Seriez-vous d'accord pour dire qu'il serait important que notre comité adopte un mandat qui précise clairement la façon dont nous exerçons la portée de notre travail, de sorte que nous n'ayons pas le débat que nous avons actuellement et régulièrement avec des témoins individuels ou même le plan de travail du Comité?
    J'hésite à dire au Comité quelle est la meilleure façon de procéder. Je pense qu'au bout du compte, la question sera le résultat, c'est‑à‑dire les éléments sur lesquels le Comité fera rapport et la question de savoir si le Comité respecte son mandat, si cela doit être fait au début avec le mandat ou si cela sera fait tout au long du processus. Il revient au Comité de déterminer cela.
    Je vous remercie.
    La parole est maintenant au sénateur White.
    Je vous remercie beaucoup. J'aimerais encore une fois remercier les témoins d'être ici aujourd'hui.
    L'un d'entre vous a dit plus tôt que l'examen sur l'invocation avait déjà commencé à la Chambre des communes, dans le cadre du débat à cet égard. Il n'est pas nécessairement juste de laisser entendre qu'aucun parlementaire n'a participé aux débats sur la question de savoir pourquoi la Loi a été invoquée, car cela s'est déjà produit.
    Je dirais en fait que l'examen n'a pas seulement commencé, mais qu'il s'est conclu…
    Parce qu'il a voté…
    … et la Chambre a confirmé la déclaration.
    Je vous remercie. C'est bien.
    Le Sénat ne l'a pas fait. Je pense que le Sénat a interrompu…
    Nous l'aurions fait.
    Des voix:Oh, oh!
    Une voix: C'est pour le compte rendu.
    Nous revenons maintenant à la première série de questions de quatre minutes. Je suggère de laisser les intervenants décider comment ils souhaitent répartir leur temps. Si quelqu'un souhaite partager son temps, il n'y a pas de problème.
    En suivant le même ordre, nous allons redonner la parole à l'opposition officielle. M. Brock a quatre minutes à partir de maintenant.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Avec tout le respect que je dois à mes collègues, certains d'entre eux pourraient faire valoir que si le mandat du Comité avait une portée plus vaste, cela pourrait nuire aux procédures judiciaires et à l'enquête subséquente. Puisque les témoins qui comparaissent devant le Comité profitent de la même liberté d'expression que les députés, conformément au Bill of Rights anglais de 1689, j'aimerais avoir votre avis juridique sur le fait que les témoignages fournis par les témoins qui comparaissent devant le Comité ne pourront pas être utilisés pour discréditer un témoin, ou être utilisés de quelque façon que ce soit avant l'enquête proprement dite.
    C'est exact. En vertu du privilège parlementaire, les témoignages des personnes qui comparaissent devant le Comité sont protégés et ne peuvent donc pas être utilisés par d'autres instances ou par d'autres tribunaux.
    Je pense que vous faites peut-être référence à la question des affaires en instance et à la notion d'éviter d'avoir des discussions au sein d'un organe parlementaire lorsqu'il y a des procédures judiciaires ou d'autres procédures en cours. C'est également un élément à prendre en considération.
    Monsieur Hallée, êtes-vous d'accord avec cette approche?
    Oui, je le suis.
    Je vous remercie.
    En ce qui concerne l'argument en faveur de l'utilisation d'une approche élargie par le Comité pour examiner un certain nombre de circonstances qui ont mené à l'invocation de la Loi, êtes-vous également d'accord pour dire qu'il serait prudent de fournir un rapport complet à la Chambre, puisque les députés n'ont pas eu le privilège d'assister au Comité, et d'inclure les témoignages sur lesquels on s'est appuyé, les décisions qui ont été prises, la constitutionnalité et les mesures prises par le gouvernement?

  (1935)  

    Le mandat du Comité est plus restreint que cela, comme nous l'avons mentionné. C'est au Comité de décider ce qu'il souhaite inclure dans le rapport, mais comme M. Dufresne l'a mentionné plus tôt, s'il dépasse largement son mandat, la Chambre et le Sénat ont la possibilité d'intervenir et d'indiquer que le rapport dépasse la portée de l'ordre et de la Loi. Toutefois, comme nous l'avons dit, le Comité est libre de décider du contenu de son rapport dans ce cas‑ci.
    Nous avons discuté d'un mandat possible pour le Comité avant que vous ne demandiez à comparaître pour livrer des témoignages. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'approche selon laquelle le mandat doit inclure les événements qui ont mené à l'invocation de la Loi, la justification de l'invocation de la Loi et les autres solutions possibles, la légalité de l'invocation de la Loi, le choix et la nécessité des décrets et règlements adoptés en vertu de la Loi, la constitutionnalité de ces décrets et règlements et l'utilisation qui a été faite de ces décrets et règlements.
    L'un d'entre vous, messieurs, souhaite‑il formuler des commentaires sur cette portée proposée?
    Vous avez 30 secondes.
    En examinant chacun de ces éléments et tout autre élément potentiel, je reviendrais toujours aux ordres de la Chambre et je me demanderais s'il s'agit d'une considération de l'utilisation des pouvoirs découlant de la déclaration. Si vous examinez l'utilisation faite des décrets et règlements, cela semble être certainement le cas. Si vous parlez de constitutionnalité, il y a eu des discussions sur le rôle des tribunaux et sur le rôle du Comité, mais il est question ici des décrets et règlements. C'est donc la façon dont j'aborderais chacun de ces éléments.
    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à Mme Bendayan.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Dufresne, vous avez mentionné à plusieurs reprises au cours de votre témoignage que le Parlement et le Sénat ont un certain pouvoir lorsqu'il s'agit du mandat du Comité. Êtes-vous d'accord pour dire que cela découle de la motion dans le cas du leader du gouvernement à la chambre?
    Il y a la motion du 2 mars pour la Chambre et celle du 3 mars pour le Sénat; elles ont créé le Comité.
    Ces motions renvoient à l'article 62. Est‑ce que vous êtes d'accord avec cela?
    C'est bien le cas, et elles ajoutent les dates précises de la déclaration dont il est question.
    Je présume que je vous demanderais d'abord si vous êtes d'accord avec le principe selon lequel le législateur ne légifère pas en vain. C'est un principe commun d'interprétation.
    C'est un principe qui a été reconnu.
    Plus tôt dans votre témoignage, vous avez également indiqué que le mandat du Comité n'inclut pas explicitement « les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration… ».
    C'est exact.
    Si le législateur avait voulu que cela fasse partie du mandat du Comité, il l'aurait précisé dans l'article 62.
    C'est le principe expressio unius est exclusio alterius, un principe d'interprétation législative qui est invoqué de temps en temps et qui signifie que la mention de l’un implique l’exclusion de l’autre. Toutefois, pour utiliser ce principe dans l'interprétation d'une loi, il faut qu'il soit clair que le Parlement a voulu qu'il en soit ainsi, c'est‑à‑dire qu'il a voulu que cela ne s'applique que lorsqu'on y fait explicitement référence. Au bout du compte, j'examinerais l'intention générale.
    Êtes-vous d'accord pour dire qu'en l'indiquant expressément dans l'article 63, les législateurs se sont penchés sur cette question précise et ont décidé de conférer ces pouvoirs aux responsables de l'enquête, et non à notre comité parlementaire?
    Le Comité devra déterminer cela. Je pense que cela montre que le Parlement a donné ce mandat aux responsables de l'enquête.
    Mme Rachel Bendayan: L'intention.
    M. Philippe Dufresne: La question de savoir si cela signifie que le Comité n'a pas ce mandat est une tout autre question.
    Voici ma dernière question. Seriez-vous d'accord pour dire qu'en ce qui concerne le paragraphe 62(6), qui fait référence aux résultats de l'examen du Comité en vertu du paragraphe 62(1), si notre rapport et les résultats de notre examen dépassesnt les pouvoirs que nous confère le paragraphe 62(1), ce rapport et ces conclusions pourraient être ultra vires?
    Ce qui me préoccuperait c'est qu'ils outrepassent les ordres de la Chambre. Si le Comité va au‑delà de ce que prévoient les ordres de la Chambre, cela pourrait être soulevé à la Chambre.

  (1940)  

    Je veux seulement confirmer quelque chose. Les ordres de la Chambre dont nous avons discuté font référence à l'article 62?
    Oui.
    Merci.
    Il vous reste une minute et demie.
    Oh, c'est que nous disposons de quatre minutes. C'est formidable.
    D'après les questions qui vous sont posées aujourd'hui, et vos réponses, je pense que personne ne doute de votre impartialité. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    J'aimerais vérifier vos rôles, si vous me le permettez.
    Je vais lire un passage de La Procédure et les usages de la Chambre des communes. On dit que « le légiste et conseiller parlementaire [est] chargé de fournir des services juridiques au Président, au Bureau de régie interne, [à tous les] députés », quel que soit leur parti, ainsi qu'au greffier, aux hauts fonctionnaires et à l'Administration de la Chambre des communes.
     Je crois savoir également que vous en particulier, monsieur Dufresne, avez fourni des conseils juridiques indépendants à des comités dans le passé, y compris au comité des finances. Est‑ce exact?
    C'est exact.
    Mon bureau et moi servons la Chambre.
    Le légiste Walsh a fourni des conseils au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires en 2021 également.
    Oui, je crois savoir que c'est le cas.
    Vous fournissez régulièrement des conseils de façon indépendante et impartiale aux membres des comités et aux comités dans leur ensemble. Vous le faites en étant rémunéré par votre salaire, qui est déjà payé par les contribuables.
    Est‑ce exact?
    Oui. C'est très important pour moi et mon bureau d'accomplir ce travail de façon impartiale.
    Excellent.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Fortin, vous disposez de quatre minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Messieurs Dufresne et Hallée, je vais aborder un tout autre sujet avec vous.
    Le paragraphe 62(4) de la Loi sur les mesures d'urgence dit ceci: « Les réunions du comité d'examen parlementaire en vue de l'étude des décrets ou règlements qui lui sont renvoyés en application du paragraphe 61(2) se tiennent à huis clos. »
    Au paragraphe 61(2), il est question des décrets et règlements qui, pour différentes raisons, ne sont pas assujettis à l'obligation de publication dans la Gazette du Canada. Il s'agit habituellement de raisons liées à la sécurité de l'État.
    Dois-je comprendre que, en principe, nos travaux sont publics et ne se feront à huis clos que lorsqu'il s'agira de cas prévus au paragraphe 62(4), c'est-à-dire lorsque nous étudierons les décrets ou règlements qui ne sont pas assujettis à la publication dans la Gazette du Canada?
    Je pense que, si c'est dans le contexte de ces règlements, il faudra que les travaux se fassent à huis clos. Par ailleurs, cela ne vous empêche pas de faire des travaux à huis clos selon les déterminations du Comité. En effet, votre comité a le pouvoir de gérer ses travaux.
    Je comprends que nous pouvons toujours décider, si la majorité du Comité est d'accord, de siéger à huis clos ou non. Ce que je veux dire, c'est qu'en principe nos travaux sont publics, à moins que le Comité en décide autrement ou à moins que l'objet d'étude soit assujetti au paragraphe 62(4), lorsqu'il s'agit de décrets ou règlements non publiables.
    Je suis d'accord sur cela. Ordinairement, le principe de base des comités repose sur l'ouverture et la transparence. Or, certaines circonstances justifient la tenue de réunions à huis clos.
    Je vous remercie.
    J'ai une autre question à vous poser.
    Le paragraphe 61(2) traite du renvoi de ces fameux décrets et règlements au comité d'examen parlementaire, c'est-à-dire à notre comité. Il précise qu'un tel décret ou règlement doit être « renvoyé au comité d'examen parlementaire dans les deux jours suivant sa prise ou, si le comité n'est pas alors constitué, dans les deux premiers jours suivant sa constitution ».
    Notre comité a été constitué le 14 mars. Je me souviens de la date, car c'était le jour de mon anniversaire. Dois-je comprendre que, si nous n'avons reçu aucun décret ni aucun autre document de cette nature jusqu'à maintenant, c'est qu'il n'y en a aucun?
    Je pense que c'est une interprétation qui se défend. C'est quelque chose qui pourrait être confirmé par le gouvernement. En effet, il semble que cela aurait déjà été acheminé vers le Comité.
    À la lumière de votre réponse à ma deuxième question, j'aimerais revenir sur ma première question.
    Est-il exact de dire que nos travaux seront toujours publics, à moins que la majorité du Comité n'en décide autrement?
    Je suis d'accord sur cela. Vos travaux ne seraient pas publics non plus dans le cas où de tels règlements vous seraient finalement envoyés.
    Merci, monsieur Dufresne.
    Monsieur Hallée, j'imagine que vous êtes d'accord sur cela.
    Je suis entièrement d'accord.
    Je vous remercie.
    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.

[Traduction]

    Excellent. Je vais passer à mon intervention de quatre minutes.
    J'aimerais vraiment entendre vos réflexions sur l'intention ou l'esprit de la Loi.
    Monsieur Dufresne, nous avons entendu des interprétations selon lesquelles lorsque la Loi a été envisagée au départ, elle aurait été envisagée à juste titre, dans une situation d'urgence, comme une mesure faisant contrepoids aux pouvoirs extraordinaires qui sont accordés dans les dispositions.
    Est‑ce exact?
     Je suis désolé. Je n'ai pas compris la fin de votre question.

  (1945)  

     Lorsque la Loi a été rédigée initialement, elle aurait été présentée à la Chambre et au Sénat comme un moyen d'assurer un contrepoids pour le gouvernement quand la Loi sur les mesures d'urgence est en vigueur.
    Oui, il semble que c'est l'objectif de la loi. Est‑ce que c'est ce dont vous parlez?
    Oui. L'intention au départ...
    Il semble que c'est là l'objectif.
    On a parlé des débats qui ont eu lieu à la Chambre après la confirmation du recours à la Loi, et je pense que l'on peut affirmer sans se tromper que l'ordre adopté par la Chambre le 2 mars indique clairement l'intention que ce processus soit rétrospectif et rétroactif. On revient plus tard sur les pouvoirs qui ont été accordés. C'est une évidence. Est‑ce exact?
    Je pense que l'ordre de la Chambre indique que la Chambre a chargé ce comité de faire son travail au‑delà de la date à laquelle la déclaration a été abrogée, mais on a néanmoins utilisé le libellé du mandat qui a fait l'objet de discussions aujourd'hui, en ce qui concerne l'exercice des attributions en application de la déclaration...
    ..., mais de toute évidence, c'était après qu'elle a déjà été confirmée et abrogée dans les 48 heures.
    C'est exact. L'ordre du 2 mars est arrivé à la fin.
     Lorsque nous parlons de l'intention qui est à l'origine des ordres de la Chambre nous donnant des paramètres, nous nous engageons dans cette démarche en sachant qu'il s'agit d'un examen rétrospectif des décrets et qu'il faut donc obtenir des renseignements qui n'étaient peut-être pas accessibles au moment du débat. On peut affirmer, étant donné la nature prescriptive de notre assermentation liée au fait nous pourrions voir certains documents qui pourraient ne pas être mis à la disposition du public, que notre examen de la proportionnalité des décrets pris en vertu de la Loi serait plus approfondi que s'il avait eu lieu à la Chambre pendant un débat. Peut‑on dire cela aussi?
    Tout ce que je peux dire, c'est que l'ordre de la Chambre du 2 mars a confirmé le mandat de ce comité et l'a enjoint de se pencher sur l'exercice des attributions.
    En ce qui concerne ce que vous avez dit sur l'information qui aurait été obtenue après plutôt qu'avant, je ne sais pas si l'ordre de la Chambre traite de ce point.
    On peut dire sans se tromper que 338 députés n'ont pas prêté le serment de secret et n'ont pas reçu de renseignements privés et confidentiels afin de soutenir la ratification de la Loi sur les mesures d'urgence.
    Je me prendrai comme exemple, en toute justice, car je ne peux parler que de ma propre intention. J'ai voté pour la ratification de l'invocation de la Loi, compte tenu des renseignements qui ont été rendus publics. Étant donné que l'ordre de la Chambre a été adopté après son abrogation, je vais maintenant réfléchir après coup à la proportionnalité, y compris aux circonstances qui ont donné lieu au recours à la Loi, afin de comprendre pleinement l'esprit et l'intention qui a amené la Chambre à nous envoyer ici.
     Je ne m'attends pas à ce que vous fassiez des commentaires sur mon intention. Je pense simplement qu'il est important que nous fassions la part des choses entre le libellé initial et les circonstances, étant donné le caractère unique de la Loi.
    Mon temps est écoulé. Nous allons maintenant retourner du côté du Sénat. J'aimerais vous demander si vous acceptez que nous suivions le même ordre. Est‑ce que cela convient aux sénateurs pour ce tour‑ci?
    Des voix: D'accord.
    Le coprésident (M. Matthew Green): Cela dit, nous passons à la sénatrice Boniface, qui dispose de quatre minutes.
     Merci encore une fois. Je vous remercie beaucoup de répondre à diverses questions similaires.
    Je veux vous entendre à nouveau sur le sujet abordé par M. Fortin, car je veux m'assurer de comprendre le paragraphe 62(3) et l'objectif du serment de secret, ce à quoi il se rapporte et en quoi c'est lié ou non à la nécessité ou à l'obligation juridique de tenir des réunions à huis clos.
    Le paragraphe 62(3) exige que tout le personnel et tous les membres du Comité prêtent le serment de secret. Si nous regardons le serment de secret qui figure dans la Loi — et vous avez tous prêté serment —, il dit « Je..., jure, sauf autorisation régulièrement donnée, de ne rien révéler [...] ». Alors, s'il s'agit de discussions à huis clos, ayant un caractère confidentiel, qui ne peuvent pas être divulguées.
    S'il s'agit de discussions publiques, alors vous avez le droit de les divulguer, parce que vous les avez tenues en acceptant qu'elles soient publiques. C'est ainsi que j'interpréterais le serment.

  (1950)  

     Cependant, si je pense aux comités sénatoriaux réguliers, les mêmes règles s'appliquent pour tout ce qui se fait à huis clos.
     J'essaie de comprendre les intentions derrière la couche supplémentaire qu'apporte le serment de secret dans cette loi.
    Je ne pense pas qu'il s'agisse nécessairement d'une couche supplémentaire. Un régime législatif a été mis en place ici, et un comité a été créé en vertu d'une loi, et c'est vraiment la prérogative du Parlement. Cela peut être dans la Loi.
     En créant ce comité, le Parlement a décidé de prévoir cet aspect relatif à la sécurité, si l'on veut, c'est‑à‑dire que puisque ce comité pourrait devoir examiner certains renseignements confidentiels, alors tout le personnel et tous les membres doivent prêter serment. Autrement, cela pourrait être laissé aux comités individuellement, du moins différents côtés du Parlement.
    Dans le cas présent, il s'agissait de tenir compte des affaires en cours, si l'on veut, c'est‑à‑dire que dans certains cas, l'information pourrait être confidentielle. Donc, dès le départ, tout le monde prête serment.
    Lorsqu'on pense à la décision du Comité — et je comprends que c'est sa décision — sur l'équilibre entre ce qui se fait en séance publique et ce qui se fait en séance à huis clos, tout dépend du type d'information qu'on a l'intention de demander à un témoin particulier ou des documents qui sont présentés.
    Est‑ce que je comprends bien?
    Je pense que oui.
    Merci. Voilà la précision dont j'avais besoin.
    Merci, madame la sénatrice.
    C'est maintenant au tour de M. Carignan.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question porte sur l'article 3 de la Loi sur les mesures d'urgence, qui dit ceci:
Pour l'application de la présente loi, une situation de crise nationale résulte d'un concours de circonstances critiques [...] auquel il n'est pas possible de faire face adéquatement sous le régime des lois du Canada [...]
    Par « les lois du Canada », est-ce qu'on entend les lois fédérales, mais également les lois provinciales, ainsi que les règlements ou décrets adoptés sous l'égide des lois provinciales ou des lois fédérales, donc l'ensemble du cadre juridique? Cette loi s'applique en cas de vide juridique. Autrement dit, on prend une mesure d'urgence parce qu'on est incapable de faire face à la situation d'urgence au moyen des lois qui existent dans l'ensemble du cadre juridique au Canada. Est-ce bien cela?
    Cela m'apparaît être une bonne interprétation. Cela s'applique lorsque les lois existantes au Canada, à tous les paliers, ne suffisent pas.
    D'accord. On pourrait penser, par exemple, au fait que le Code de la route de l'Ontario n'a pas de dispositions qui forcent le remorquage d'un véhicule sur la rue Wellington.
    Je pense que c'est le genre de questions qui se posent, à savoir s'il est nécessaire d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence ou si d'autres lois peuvent être appliquées.
    Je reviens sur la question de M. Fortin relative à l'enquête que doit faire faire le gouverneur en conseil.
    Pour que ce soit conforme au droit public ou au droit administratif, quelles devraient être les caractéristiques de l'organe, de l'organisme ou de la personne qui devra faire une enquête? Je pense notamment à son indépendance et à son impartialité, tant sur le plan institutionnel que sur le plan individuel.
    Je dirais qu'il y a quand même tout un éventail de possibilités en matière de droit administratif d'enquête. Lorsqu'il s'agit de cas plutôt individuels, on se rapproche alors d'un tribunal administratif classique, c'est-à-dire un tribunal quasi judiciaire. Lorsqu'il s'agit plutôt d'une commission d'enquête sur des enjeux plus larges, cela devient plus polycentrique et les exigences en matière d'indépendance et d'impartialité ne sont pas les mêmes. Nous avons parlé précédemment de la Loi sur les enquêtes, qui permet un certain régime. Ce n'est pas la même chose dans toutes les circonstances.
    Donc, cette personne ou ce groupe qui fait enquête devrait généralement se situer à l'extérieur du gouvernement, par exemple un juge de la Cour suprême à la retraite ou un commissaire ayant déjà mené une commission d'enquête.
    Justement, ce sont traditionnellement des juges qui sont retenus à ces fins, comme nous l'avons vu par le passé. Généralement, on recherche l'élément de l'indépendance, et les juges sont les personnes qui présentent le mieux cette caractéristique. Par conséquent, ce sont souvent des juges qui sont choisis à titre de commissaires. On s'assure ainsi qu'une crédibilité est associée à l'exercice. Par opposition, si on avait recours à un sous-ministre, cela pourrait être un peu complexe de ce point de vue.

  (1955)  

    Disons qu'on n'aurait pas l'indépendance institutionnelle voulue ou qu'un lien économique ferait que la personne ne respecterait pas ce critère.
    Je pense qu'il y a aussi un élément de perception qui entre en jeu. Je parle de la perception du public quant à la crédibilité de l'enquête. Il faut donc pouvoir mener une enquête en toute indépendance, et c'est généralement la caractéristique que les juges apportent à une enquête.
    Est-ce que des ressources sont également prévues pour mener l'enquête? C'est bien beau de confier l'enquête à quelqu'un, mais encore faut-il qu'il y ait des ressources pour valider les décisions prises.
    Traditionnellement, des budgets sont votés pour la tenue de commissions d'enquête. Ces dernières disposent donc d'un budget qu'elles vont gérer. Il est difficile d'obtenir des ressources qui sont complètement indépendantes de l'État. Évidemment, ce sont des deniers publics. Comme M. Dufresne le disait à juste titre, il existe différents modèles possibles, selon les besoins. Certains sont vraiment très complexes. D'ailleurs, nous en avons vu ces dernières années.

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

    Dans ces cas, le budget...

[Traduction]

    Merci, monsieur Hallée. Nous allons essayer de respecter le temps prévu.
    Nous allons céder la parole au sénateur Harder.
    Je cède mon temps au sénateur White.
    Allez‑y, sénateur White.
    Merci beaucoup. Je ne vais pas utiliser ce temps entièrement, mais d'autres interviendront.
    J'essaie de m'y retrouver dans les réunions et les discussions privées, car, encore une fois, cela me semble avoir un caractère très prescriptif. On dit que les réunions du comité d'examen parlementaire en vue de l'étude des décrets qui lui sont renvoyés en application du paragraphe 61(2) « se tiennent à huis clos ».
    J'essaie de comprendre. Je pense que vous avez expliqué pourquoi cela peut être changé, mais je ne vois pas comment nous pouvons arriver à une décision... Pourquoi la présente réunion ne se déroule‑t‑elle pas à huis clos, à vrai dire? Expliquez-moi en quoi vous pensez que c'est approprié pour ce comité.
    La Loi prévoit que certains règlements adoptés en vertu d'une déclaration vont être publiés dans le cours normal des choses. C'est ce qui s'est passé avec les deux règlements. Ils sont ensuite déposés devant les chambres du Parlement. C'est là que le processus peut avoir lieu s'il y a une motion d'abrogation.
     D'autres ne seront pas publiés. En général, comme on l'a dit, c'est parce qu'ils traitent de certaines questions dont la divulgation publique porterait atteinte à la sécurité du Canada et ainsi de suite. Ils ne sont pas publiés. Ils seraient renvoyés à ce comité, qui les examinerait à huis clos pour en respecter le caractère confidentiel.
    Je ne sais pas où cela nous donne... « en vue de l'étude des décrets ou règlements », par exemple. J'essaie seulement de comprendre comment nous mettons cela de côté, alors que nous sommes ici pour examiner un décret comme l'invocation.
    Les décrets et les règlements qui sont couverts par l'obligation de tenir les réunions à huis clos ne sont que ceux qui ne sont pas publiés. Les deux que nous avons jusqu'à présent ne correspondent pas à ce type de décret ou règlement. Ils ont été publiés dans la Gazette du Canada.
    D'accord. Merci.
    Ensuite, je pense que l'un d'entre vous a parlé de la question de la proportionnalité. Seriez-vous d'accord pour dire que cette question, c'est‑à‑dire la manière dont quelque chose a été fait, devrait être examinée dans le cadre d'une enquête plutôt que par ce comité? On se penche sur ce qui a précédé le recours à la Loi et ensuite sur les mesures qui ont été prises. Notre travail consiste à examiner les mesures qui ont été prises.
    Je pense que vous soulevez un bon point. À mon avis, cela pourrait se faire dans les deux cadres, en fait, quand on y regarde de plus près. Cependant, je me concentrerais sur le mandat de ce comité. À mon avis, il y a un élément de proportionnalité que vous pouvez examiner, en regardant les instruments qui ont été mis en place. Par exemple, ont-ils été utilisés de manière proportionnelle à l'objectif pour lequel ils ont été mis en place?
    Dans le contexte de l'article 63, l'enquête à laquelle je pense que vous faisiez référence, le gouvernement pourrait également examiner, dans le cadre de son enquête, si les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration sont suffisantes, mais il s'agit d'un élément de proportionnalité différent, si l'on veut. D'un côté, il y a la proportionnalité et l'exercice des pouvoirs donnés par les instruments juridiques, dans ce cas. De l'autre côté, il y a la question de savoir si la déclaration elle-même est proportionnelle aux circonstances qui ont donné lieu à la déclaration de situation de crise.
    Oui.
    Ensuite, en regardant la Loi, croyez-vous qu'on anticipait qu'elle serait toujours en vigueur lorsque nous siégerions à ce comité? Est‑ce ainsi que vous l'interpréteriez — que lorsque nous procéderions, le décret serait toujours en place et que nous poserions les questions difficiles sur ce qui se passe?
    C'est certainement une possibilité qui est prévue par la Loi. Il y est question de déposer régulièrement des rapports pendant... pendant la durée de validité de la déclaration. Elle donne également à ce comité le pouvoir d'abroger certains règlements. Tout cela se ferait pendant que la déclaration est en vigueur, mais pas seulement pendant qu'elle est en vigueur.

  (2000)  

    Il ne s'agit certainement pas pour ce comité de remettre en question le « pourquoi » de l'invocation tout en examinant ce qui se passe pendant l'invocation. Ce n'est évidemment pas ce en quoi consistent nos travaux.
    Je pense que ce comité a pour mandat d'examiner, selon le libellé de l'ordre et de la Loi, l'exercice des attributions découlant d'une situation de crise.
    Cela correspond donc au premier jour et aux jours suivants. Il ne s'agit pas du premier jour, puis du jour précédent ou des deux jours précédents; c'est à partir du premier jour.
    Je pense qu'on a « découlant de la déclaration »...
    Écoutez, au bout du compte, je comprends que nous prendrons des décisions, mais je pense qu'il est important que nous sachions si, du moins de votre point de vue, il s'agit bien du jour de la déclaration et des jours suivants, et non du jour de la déclaration et du jour précédent ou des des deux jours précédents, par exemple. Est‑ce bien cela?
    Je pense que je me concentrerais davantage sur la question de savoir si vous avez affaire à une attribution. S'agit‑il de l'exercice d'une attribution découlant d'une déclaration?
    D'accord. Très bien.
    Il me reste six minutes, n'est‑ce pas? Ha, ha!
    Le coprésident (M. Matthew Green): Il vous reste 3 minutes et 41 secondes.
    L'hon. Vernon White: En fin de compte, lorsque nous examinons cela également, je pense qu'il est clair qu'on dispose de beaucoup plus de latitude dans le cadre de l'enquête et que sa portée est plus grande, évidemment; il n'y a qu'à regarder le libellé. De plus, il serait possible d'ouvrir une enquête beaucoup plus vaste concernant certaines des questions qui sont même soulevées par des membres du Comité ici.
    Est‑ce exact? L'enquête est-elle limitée, j'imagine...
    Je pense que le libellé concernant l'enquête est général, dans le sens où il indique que l'enquête porte sur les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration et les mesures prises pour faire face à la crise.
    D'accord. Merci. J'ai terminé.
     Il est 20 h 1, si tous les sénateurs ont pu prendre la parole, j'aimerais en profiter pour remercier les deux témoins, qui ont fait un travail remarquable au cours de la dernière heure et demie. Je pense que nous avons des discussions approfondies.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pour cinq minutes afin de nous préparer pour la deuxième partie de la réunion.
     Je voudrais simplement terminer cette première partie en répétant ce que j'ai dit au départ, c'est‑à‑dire que si vous estimez qu'il y a des questions auxquelles vous n'avez pas pu donner des réponses complètes, n'hésitez pas à transmettre un complément d'information au Comité pour qu'il les examine.
    Merci. La séance est suspendue.

  (2000)  


  (2005)  

    Nous reprenons.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'honorable Perrin Beatty, qui participe à la deuxième partie de notre réunion ce soir.
    Monsieur Beatty, je vous remercie de votre présence. Je crois comprendre que vous avez une déclaration étoffée.
    Si le Comité le permet, étant donné que cette partie de la séance durera une heure et demie, je me demande si nous pourrions vous accorder plus de temps que les cinq minutes habituelles pour la déclaration préliminaire. Vous êtes le seul invité.
     Nous vous accorderons jusqu'à 10 minutes. Vous aurez probablement le temps par la suite, pendant les séries de questions, de compléter les observations que vous estimerez ne pas avoir pu terminer pendant votre déclaration préliminaire de 10 minutes.
    Cela dit, nous allons maintenant vous céder la parole.

  (2010)  

     Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invité à parler au Comité.
    Je tiens à souligner d'emblée que je ne témoigne pas aujourd'hui en tant que président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada, mais en tant que simple citoyen et ancien ministre responsable de la création de la Loi sur les mesures d'urgence. Toutes les opinions que j'exprimerai ne sont que les miennes.
     J'espère pouvoir aider le Comité en expliquant ce qui nous a motivés à remplacer l'ancienne Loi sur les mesures de guerre par une loi moderne sur les mesures d'urgence, en décrivant les principes qui nous ont guidés et en vous proposant quelques questions à examiner. Je n'émettrai pas d'opinion sur la question de savoir si le recours à la Loi sur les mesures d'urgence était justifié. Je n'ai pas vu suffisamment d'éléments de faits pour arriver à une conclusion.
     Je souligne que la semaine dernière, le commissaire de la Police provinciale de l'Ontario a déclaré que le bureau des renseignements de la province considérait les blocages comme une menace pour la sécurité nationale une semaine avant qu'Ottawa n'invoque la Loi. J'espère que vous insisterez pour voir cette analyse, et que vous évaluerez la qualité des renseignements sur lesquels elle a été fondée.
     En fait, le Comité devrait insister pour obtenir tous les renseignements qui aideraient les Canadiens à comprendre les raisons pour lesquelles la Loi a été invoquée, et les vérifier en fonction des faits de la situation et du seuil délibérément élevé qui est requis.
     Permettez-moi de faire un bref historique.
     En 1988, le Parlement a voté à l'unanimité pour remplacer la Loi sur les mesures de guerre par une loi conçue pour aider le gouvernement à réagir rapidement et efficacement à tout un éventail de situations d'urgence ne se limitant pas à une guerre ou à une insurrection, tout en protégeant les droits fondamentaux des Canadiens.
    La Loi sur les mesures de guerre a été adoptée pendant la Première Guerre mondiale, dans le feu de l'action, lorsque la protection des libertés civiles n'était pas une priorité. Elle a été utilisée au cours des deux guerres mondiales, en partie en raison des apparences de menaces venant d'étrangers ennemis. Le gouvernement s'en est servi pour arrêter, incarcérer et déporter des milliers de Canadiens d'origine ukrainienne, japonaise, italienne et allemande et saisir leurs biens.
     La troisième fois où cette loi a été invoquée, la seule fois en temps de paix, c'est pendant la crise d'Octobre, en 1970, lorsque le FLQ a enlevé le délégué commercial britannique à Montréal et le vice-premier ministre du Québec, Pierre Laporte.
     La Loi sur les mesures de guerre permettait de suspendre les libertés civiles dans tout le pays. Elle a fait, rétroactivement, de l'appartenance au FLQ un crime, et exigeait des gens qui avaient déjà assisté à l'une des réunions du FLQ de prouver qu'ils n'en étaient pas membres. Les arrestations sans inculpation ni accès à un avocat, la détention jusqu'à 21 jours, ainsi que les fouilles de biens sans mandat étaient autorisées. Elle était en dehors du cadre de la Déclaration canadienne des droits, et la Charte des droits et libertés n'existait pas.
     Nous avions besoin d'un outil souple pour faire face rapidement et efficacement à toutes les situations d'urgence possibles, et pour protéger les droits des citoyens des provinces et du Parlement. Bien que personne ne pouvait prédire les circonstances exactes, le Canada serait inévitablement confronté à des crises dans l'avenir, au cours desquelles il nous faudrait protéger la vie et la sécurité des Canadiens, voire même l'existence du pays.
    Toutefois, tout pouvoir serait strictement limité et surveillé par les tribunaux et le Parlement. La déclaration d'une situation d'urgence n'absout pas le Parlement de ses responsabilités. Au contraire, elle rend le rôle du Parlement encore plus important.
     Même la loi sur les mesures d'urgence la plus soigneusement rédigée est un instrument grossier. Elle doit l'être, car elle doit couvrir un large éventail de situations qui ne peuvent être gérées efficacement d'aucune autre manière. Même si l'on constate que le recours à la Loi était justifié, on doit s'efforcer de le rendre inutile si nous sommes à nouveau confrontés à des circonstances similaires.
     Maintenant qu'elle a été utilisée, il devient plus facile d'y avoir recours. On ne doit pas définir à la baisse le seuil à partir duquel des pouvoirs extraordinaires sont utilisés pour restreindre les libertés civiles. On voudra examiner minutieusement les arguments en faveur de l'invocation pour demander si le décret aurait dû être abrogé plus tôt et examiner les avantages cités comme en découlant.
     Il est clair que le recours à la Loi a facilité l'application de la loi. Cependant, la question est de savoir si le seuil délibérément élevé qui a été établi a été atteint, et non si les pouvoirs donnés étaient utiles.
     Permettez-moi de parler de ce seuil un instant. La Loi sur les mesures de guerre était applicable à des situations de guerre, d'invasion ou d'insurrection, réelles ou appréhendées. Plus important encore, l'invocation de la Loi sur les mesures de guerre était considérée comme une preuve concluante de l'existence d'une situation d'urgence. Elle ne pouvait être contestée devant les tribunaux. En revanche, l'article 3 de la Loi sur les mesures d'urgence définit une situation de crise nationale comme suit:
[...] une situation de crise nationale résulte d'un concours de circonstances critiques à caractère d'urgence et de nature temporaire [...] et qui, selon le cas
a) met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et échappe à la capacité ou aux pouvoirs d'intervention des provinces;
b) menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de garantir la souveraineté, la sécurité et l'intégrité territoriale du pays.

  (2015)  

     La partie II de la Loi prescrit un critère supplémentaire pour déclarer l'état d'urgence, qu'elle définit comme une « situation de crise causée par des menaces envers la sécurité du Canada d'une gravité telle qu'elle constitue une situation de crise nationale ». Il est précisé que « menaces envers la sécurité du Canada s'entend au sens de l'article 2 de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité ».
    Nous avons utilisé la définition de la Loi sur le SCRS en raison du soin qui a été apporté à sa rédaction. Je n'ai pas le temps de vous lire cette définition ce soir, mais je vous invite à le faire. C'est très important.
    Deux critères très stricts doivent être respectés pour pouvoir déclarer l'état d'urgence. Le premier consiste à établir l'existence d'une urgence grave ne pouvant être gérée efficacement en vertu d'aucune autre loi du Canada. Le second est qu'elle doit répondre à la définition de menaces à la sécurité du Canada établie pour protéger les droits des Canadiens, laquelle exclut explicitement « les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord ».
    Le Comité n'a pas besoin de perdre de temps à prouver que les blocages à la frontière et l'occupation du centre-ville d'Ottawa constituaient des actes illégaux portant atteinte aux droits de milliers de citoyens et qu'ils ont coûté des dizaines de millions de dollars. Les autorités avaient la responsabilité de rétablir l'état de droit et de prévenir d'autres dommages. Il serait difficile de prétendre le contraire en toute crédibilité.
    Les autorités ont cité plusieurs façons dont la Loi les a aidées. Par exemple, contrairement aux lois d'autres provinces sur l'état d'urgence, celle de l'Ontario ne permet pas d'obliger les entreprises de remorquage à assurer un service. De plus, cette loi a facilité le bouclage du centre-ville d'Ottawa et a considérablement réduit le temps nécessaire pour autoriser les services policiers d'autres provinces à intervenir en renfort. Bien entendu, le gouvernement s'en est servi aussi pour geler les comptes bancaires de personnes qui ont participé aux blocus d'Ottawa ou qui les ont financés.
    La Loi a clairement facilité le travail des autorités. La question, cependant, n'est pas de savoir si elle a aidé la police, mais si les pouvoirs dont les autorités disposaient déjà auraient pu suffire pour dénouer la crise. L'enjeu est la nécessité et non l'efficacité.
    Il a également été dit que si les forces de l'ordre disposaient de nombreux pouvoirs selon les lois en vigueur pour mettre fin aux blocages, elles ont choisi de ne pas les utiliser. L'invocation de la Loi envoyait le message sans équivoque que nos dirigeants politiques attendaient de la police qu'elle fasse son travail, mais cela fait‑il de l'invocation de la Loi un acte essentiellement politique, plutôt que destiné à donner aux forces de l'ordre des pouvoirs essentiels dont elles ne disposaient pas jusque là? Cela répondait‑il aux critères pour invoquer la Loi?
    J'ai trois autres brèves observations à formuler. Premièrement, j'espère que vous proposerez des moyens de faire en sorte qu'il ne soit pas nécessaire d'invoquer cette loi dans des circonstances similaires à l'avenir. Par exemple, si l'Ontario a besoin de pouvoirs supplémentaires pour ordonner à des entreprises de fournir des services en cas de crise ou s'il faut faciliter l'intervention d'autres corps policiers lorsque les autorités compétentes ont besoin de renforts, c'est en ce sens qu'il faut modifier les lois.
    De même, l'utilisation la plus nouvelle de la Loi a été de geler les comptes bancaires de personnes associées aux blocus. Le Parlement doit examiner la raison d'être d'un tel pouvoir et les façons dont le gouvernement pourrait l'utiliser. L'ingérence étrangère dans notre vie politique et les outils de lutte contre le financement d'activités illégales soulèvent des questions sérieuses, mais nous devons en analyser soigneusement les incidences. Tout nouveau pouvoir de cet ordre devrait être conféré en période de calme et non au moyen d'un règlement élaboré en temps de crise.
    Deuxièmement, il y a cette question évidente: en supposant qu'il était légal d'invoquer cette loi, cela nous a‑t‑il permis d'atteindre le double objectif de permettre aux autorités de réagir rapidement et efficacement en cas de crise tout en limitant l'impact sur les libertés civiles?
    Ma réponse est oui. Nous avons entendu beaucoup de discours enflammés sur la façon dont les autorités ont utilisé la Loi, mais demandons-nous comment ces blocages auraient été abordés dans d'autres capitales démocratiques, comme Washington ou Paris. Nous voyons tous comment le droit de manifester de manière ordonnée est brutalement réprimé à Moscou. Ces comparaisons internationales constituent un point de référence pour juger de la façon dont le Canada traite les libertés civiles.
    J'ai un dernier commentaire à faire. Les responsabilités parlementaires ne se limitent pas à juger s'il était approprié d'invoquer cette loi dans ce cas et si les mesures prises étaient justifiées. Nos dirigeants, quelle que soit leur appartenance politique, doivent se demander comment nous en sommes arrivés là. La police a été appelée à réagir à un dysfonctionnement de notre système politique. On peut bien critiquer la façon dont les policiers ont fait leur travail, mais ils n'auraient jamais dû avoir besoin d'intervenir pour combler la brèche, en premier lieu. Si nous voulons éviter des situations d'urgence beaucoup plus graves à l'avenir, nous devons rétablir le civisme dans l'arène politique, de manière à pouvoir à nouveau être fortement en désaccord sur divers enjeux sans nous considérer comme des ennemis.
    Je vous remercie une fois de plus de m'avoir invité à participer à votre étude. Je serai heureux de répondre à vos questions et à vos commentaires.

  (2020)  

    Merci beaucoup, monsieur Beatty. Cette déclaration préliminaire était plus que bienvenue.
    Nous reprendrons les questions, en commençant par M. Motz, pour quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci d'être ici, monsieur Beatty. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous.
    Vous avez indiqué dans votre déclaration préliminaire que vous ne vous prononceriez pas sur la question de savoir si la Loi aurait dû être invoquée et que vous n'aviez pas suffisamment d'information pour en juger. C'est très sage.
    De quel type d'information auriez-vous eu besoin pour pouvoir en juger, et serait‑il raisonnable pour ce comité d'avoir accès à tous les documents que le gouvernement a utilisés ou sur lesquels il s'est appuyé pour décider d'invoquer cette loi?
    À moins, monsieur Motz, que l'information ne soit de nature à nuire à une enquête criminelle ou à la sécurité nationale, par exemple, ma réponse est oui. L'objectif serait d'être aussi transparent et ouvert que possible.
    De quel type d'information j'aurais eu besoin? J'ai cité, par exemple, la question suivante: pour quelles raisons l'Ontario a‑t‑elle décidé qu'il y avait une menace à la sécurité nationale?
    Il conviendrait que vous vous demandiez si les critères nécessaires pour invoquer la Loi étaient en présence. Vous devez examiner les éléments de preuve qui ont justifié l'invocation de cette loi.
    Quand j'ai rédigé cette loi, j'étais troublé par l'expérience de la Loi sur les mesures de guerre invoquée en 1970. À l'époque, on nous avait dit que nous n'avions pas toute l'information et que si nous l'avions, nous soutiendrions tous l'invocation de la loi. En fin de compte, il s'est avéré que ce n'était pas le cas et que les criminels qui avaient enlevé M. Cross et M. Laporte ont été retrouvés grâce à des méthodes policières ordinaires.
    Vous devez savoir pourquoi il a été déterminé que les autres pouvoirs n'étaient pas suffisants pour que les autorités agissent. De plus, l'urgence était‑elle si grande qu'il fallait invoquer cette loi?
    Merci beaucoup, monsieur.
    Vous avez déclaré ce qui suit: « L'objectif, en rédigeant cette loi, du début à la fin, était de créer autant de responsabilité que possible et de favoriser l'examen le plus minutieux qui soit, donc si l'on veut que les gens — je pense que cet aspect est très important, monsieur — soient convaincus que les bonnes décisions ont été prises, alors il faut mettre en place des processus absolument transparents. »
    Je vous remercie de cette déclaration.
    Serait‑il raisonnable, alors, de supposer que si nous limitons la portée du mandat de ce comité simplement, comme cela a été mentionné, à l'exercice du pouvoir d'invocation de cette loi, nous ne serons pas aussi transparents que le public canadien ne l'exige de nous?
     Je veux choisir soigneusement la réponse que je vous donnerai, monsieur Motz, parce que je ne voudrais pas être entraîné dans une sorte de débat partisan.
    Il s'agissait d'une urgence nationale. L'urgence a été déclarée par le gouvernement du Canada. C'était une crise à tous points de vue. Si nous voulons guérir les blessures du corps politique, il sera important pour nous tous de fonctionner de manière aussi transparente, équitable et ouverte que possible.
    À moins qu'il n'y ait de bonnes raisons justifiant le contraire, je serais toujours enclin à favoriser d'être aussi ouvert que possible et de divulguer autant d'informations que possible.
    Merci beaucoup. J'apprécie votre franchise.
    Vous avez comparu devant le comité législatif il y a de nombreuses années (34 ans, pour être exact) et vous avez déclaré ce qui suit:
Pour décider d'invoquer des mesures exceptionnelles, il faut déterminer ce que le gouvernement est capable de faire sans pouvoirs exceptionnels, puis évaluer la probabilité que ces capacités soient efficaces et suffisantes.
Ainsi, la décision de déclarer l'état d'urgence découle de l'exercice d'un jugement politique, et le Parlement du Canada est évidemment un organe approprié pour remettre ce jugement en question.
    Si je me fie à votre déclaration préliminaire, vous semblez toujours de cet avis, donc aurais‑je raison de supposer que les comités parlementaires, ce comité en particulier, seraient le lieu naturel et approprié pour le faire?
    Merci, monsieur Motz.
    Monsieur Beatty, au tour précédent, j'ai expliqué que chaque série de questions relève du député qui les pose, mais que les députés sont astreints à des règles assez strictes sur le temps de parole de chacun. J'aimerais vous inviter, si vous n'êtes pas en mesure de répondre à la dernière question de M. Motz, à peut-être fournir une réponse supplémentaire par écrit, si vous le souhaitez, pour le procès-verbal.
    Nous passerons maintenant à la prochaine série de questions, qui sera de quatre minutes accordées à Mme Bendayan.

  (2025)  

    Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Beatty, d'être venu témoigner devant le Comité. J'aimerais également vous remercier pour votre travail de président de la Chambre de commerce du Canada, mais mes questions s'adressent évidemment à vous en tant que rédacteur de cette loi.
    Reportons-nous au 23 février 1988, quand vous avez déclaré ce qui suit devant le comité législatif: « En vertu du projet de loi, les motifs justifiant la déclaration de l'état d'urgence feront l'objet d'un examen parlementaire approfondi. »
    Je suppose que vous faites allusion ici au vote qui a eu lieu à la Chambre des communes.
    Vous poursuivez en ces mots:
L'ACLC soulève la question très importante de savoir si c'est suffisant. En cas de doute ou d'incertitude quant à la justification fournie par le gouvernement pour déclarer l'état d'urgence, sa décision devrait être soumise à un examen indépendant réalisé hors de l'arène politique. Le lieu naturel pour réaliser un tel examen objectif et confirmer la validité de cette décision serait le système judiciaire.
     J'en déduis que si l'on s'interroge sur la justification du gouvernement pour invoquer la Loi sur les mesures d'urgence dans ce cas particulier, cette année, le système judiciaire demeurerait le lieu indiqué pour en débattre et trancher.
    Êtes-vous d'accord avec cela, monsieur Beatty?
    L'appareil judiciaire reste l'arbitre final pour déterminer si ce que le gouvernement a fait était ou non dans les limites de la Loi. Cela n'exclut pas un autre examen par le Parlement ou d'autres groupes, pour déterminer si c'était approprié. Cela comprendrait, par exemple, le comité d'examen qui vient d'être établi après les faits et qui doit en rendre compte dans les 360 jours. L'un n'exclut pas l'autre, mais il est clair que si les tribunaux estimaient que le gouvernement a agi d'une manière illégale, qui ne répondait pas aux critères prescrits par La loi, leur décision serait définitive.
    Le comité d'examen auquel vous venez de faire allusion et qui doit en faire rapport dans les 360 jours mènera l'enquête prévue à l'article 63...
    L'hon. Perrin Beatty: Oui.
    Mme Rachel Bendayan: Merci de le confirmer. L'article 63 prévoit expressément que ce comité sera chargé d'enquêter sur les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration. Ce sont les termes de l'article 63.
    Monsieur, êtes-vous d'accord avec la règle courante d'interprétation législative, selon laquelle le législateur n'agit pas en vain, ou avec les règles de cohérence interne, si l'on veut, selon lesquelles chaque article d'un texte législatif a un but?
    Oui, et en effet, je vous ai entendue poser cette question précédemment, et ma réponse serait la même.
    C'est pourquoi je suis curieuse. En tant que rédacteur de cette loi, monsieur, si vous aviez eu l'intention de conférer ces mêmes pouvoirs au comité d'examen parlementaire, dont il est question dans un article entièrement différent de la Loi, je suppose que vous l'auriez fait explicitement, non?
    Non. Je dirais plutôt que si j'avais eu l'intention de ne pas vous permettre d'examiner ces questions, je l'aurais exclu dans la loi.
    C'est à vous de décider de la portée de votre mandat. Si je pouvais simplement vous donner mon opinion, ce serait la suivante: si vous examinez les mesures prises par le gouvernement à la suite de l'invocation de la Loi et que vous découvrez des preuves indiquant qu'il n'était pas approprié d'invoquer cette loi, alors tout ce qui en a découlé serait également inapproprié. Il me semble qu'il s'agit ici de la même chose.
    Pourquoi ne l'avez-vous pas précisé à l'article 62? Pourquoi avez-vous été si précis à l'article 62 et en avez-vous exclu les termes utilisés à l'article 63?
    Il ne s'agissait pas d'être précis au point d'en exclure ces termes. Nous n'avons pas dit que ce n'était pas possible, mais nous voulions nous assurer que l'examen final réalisé ex post facto soit aussi complet que possible.
    Ce qui est anormal ici et...
    Si cet examen était aussi complet que possible aux termes du mandat de ce comité, alors pourquoi y a‑t‑il deux poids, deux mesures?
    Il n'y a pas deux poids, deux mesures, mais permettez-moi de vous parler de ce comité. Ce que nous n'avions pas prévu, c'est que l'état d'urgence prenne fin aussi rapidement que dans ce cas‑ci.
    Merci, monsieur Beatty.
    J'étais captivé par cet échange, au point où j'ai peut-être accordé un peu plus de temps que d'habitude.

  (2030)  

    Je serai heureux de vous en parler davantage dans un autre tour.
    Je suis sûr que vous en aurez le temps. Je vous remercie infiniment.
    Monsieur Fortin, c'est à vous.
    L'hon. Perrin Beatty: Monsieur le président, il y a une rétroaction acoustique dans mes écouteurs. Je ne sais pas si le personnel du Comité pourrait m'aider à régler le problème.
    Le coprésident (M. Matthew Green): Nous ferons une pause pour nous assurer de remédier à la situation.

  (2030)  


  (2030)  

    J'ai entendu les directives du personnel et je pense que c'est à cause de ma dernière intervention, avant les derniers témoins.
    Monsieur Beatty, je ne sais pas si vous avez entendu, mais j'ai indiqué que, de temps en temps, étant donné la structure des tours, les députés ont la possibilité d'interrompre un témoin et de passer à la question suivante, pour optimiser le temps dont ils disposent, tout simplement.
    Je précise aux membres du Comité qu'il est important de noter que lorsque vous appuyez sur votre bouton pendant que quelqu'un a la parole, il y aura une rétroaction acoustique. Si nous interrompons un témoin ou que nous intervenons pendant qu'il parle, il y aura une rétroaction. Je veux simplement que les députés en soient conscients.
     Monsieur Beatty, de temps à autre, les députés vous pousseront à répondre à une autre question, pour optimiser leur temps très limité.
    C'est très bien. Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de nous faire profiter de votre expérience aujourd'hui.
    Nous entendrons maintenant M. Fortin pour quatre minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Beatty, merci d'être ici aujourd'hui afin d'apporter des éclaircissements sur cette loi.
    Comme vous l'avez dit d'entrée de jeu, cette loi n'avait jamais été invoquée jusqu'ici. De plus, la dernière fois qu'on a invoqué sa précédente version, la Loi sur les mesures de guerre, c'était en octobre 1970, il y a environ 52 ans. C'est donc exceptionnel. Vous comprendrez que nous sommes tous ici afin de découvrir jusqu'où nous pouvons aller dans notre étude de la situation et de déterminer la façon dont nous devrions procéder.
    Monsieur Beatty, à la lumière de vos propos d'aujourd'hui et des commentaires que nous avons entendus jusqu'à maintenant pendant nos travaux, on pourrait dire que la Loi sur les mesures d'urgence est en quelque sorte l'artillerie lourde du corpus législatif. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que c'est le marteau le plus puissant que le législateur puisse employer dans des situations exceptionnelles?

[Traduction]

    C'est vrai, et c'est pourquoi il est conçu pour être une mesure de dernier recours. C'est pourquoi nous y avons intégré tant de niveaux de protection.

[Français]

    En conséquence, peut-on dire que, idéalement, on ne devrait jamais l'utiliser? Dans un monde idéal, on n'aurait jamais besoin d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence. On ne devrait y avoir recours que dans une situation extrême, et on devrait le faire avec parcimonie, précaution et prudence. Je répète que, idéalement, on ne l'utiliserait jamais.
    Ai-je raison de dire cela, monsieur Beatty?

[Traduction]

    Oui, monsieur, mais nous ne vivons pas dans un monde idéal, et c'est pourquoi nous avons besoin d'une loi comme celle‑ci. Il y aura inévitablement des urgences imprévues qui surviendront et qui rendront nécessaire l'utilisation de pouvoirs spéciaux, mais il faut contrebalancer ces pouvoirs par des protections pour le Parlement et pour les droits civils.

[Français]

    Vos propos dénotent une très grande sagesse. Je pense que vous avez tout à fait raison.
    En conséquence, lorsque notre comité doit, comme le veut son mandat, étudier l'exercice des attributions prévues par la Loi, ne doit-il pas s'interroger sur la sagesse dont on a fait preuve en exerçant ces attributions aussi exceptionnelles?

[Traduction]

    Vous parlez de l'invocation de la Loi, monsieur?

[Français]

    Pour notre part, nous devons examiner l'exercice des attributions. La Loi attribue un certain nombre de pouvoirs exceptionnels au gouvernement. Nous validons, vérifions et examinons l'exercice qui a été fait de ces attributions.
    Lorsque nous examinons l'exercice de ces attributions exceptionnelles, ne devons-nous pas également déterminer si cela a été fait avec sagesse, avec parcimonie, et de façon judicieuse? Cela fait-il partie de notre mandat, à votre avis?

  (2035)  

[Traduction]

    Je crois que oui.

[Français]

    C'est donc le cas.
    Je vous remercie, monsieur Beatty.
    Je laisse la parole à la prochaine personne.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup. Je vais prendre mon temps de parole.
    Monsieur Beatty, je vous remercie de vos réflexions sobres.
    Je partage en grande partie votre analyse sur la nécessité pour le Comité de formuler des recommandations au nom des Canadiens afin d'établir des paramètres clairs, autant que possible, sur les motifs justifiant d'invoquer cette loi et de déclarer l'état d'urgence. En faisant ces remarques, j'ai en tête la tâche qui attend ce comité, de réfléchir à la différence entre l'enquête, qui serait probablement de nature plus judiciaire, et le processus législatif.
    En tant qu'ancien législateur vous-même, conviendriez-vous que pour bien examiner toutes les circonstances qui ont mené à la déclaration de l'état d'urgence, il serait bon que nous, les membres du Comité puissions entendre des témoignages, afin d'être en mesure, à la fin du processus, de produire une série complète de recommandations et d'en faire rapport à la Chambre et au Sénat, pour orienter nos travaux futurs en vue de modifications législatives qui pourraient mieux guider le gouvernement?
    Seriez-vous d'accord avec cela ?
    Oui, monsieur.
    Je pense que vous évoquez ici la nature même de la politique.
    Je vous dirais que notre première expérience ici a été très collégiale entre les différentes chambres — pour bien établir le contexte, en quelque sorte —, mais il y a des différences fondamentales. En ce qui concerne l'idée de vous entendre ici, de mon point de vue, nous entendons beaucoup parler de l'intention et de l'esprit, et j'ai l'impression qu'avant votre témoignage, certains membres de ce comité vous attribuaient des définitions très prescriptives.
    J'aimerais que vous approfondissiez votre réponse à partir du moment où l'on a affirmé qu'en n'incluant pas explicitement les paramètres de l'article 62 à la définition, au moment où elle a été élaborée, on fixait en quelque sorte une définition étroite. Si je me souviens bien, vous avez dit que ce n'était pas le cas, que si vous aviez voulu établir une définition étroite, vous y auriez explicitement inclus ces paramètres, et non l'inverse.
    Pouvez-vous, pendant la minute et demie qu'il reste, nous donner un peu plus de contexte à ce sujet, étant donné qu'on parle beaucoup de l'esprit et de l'intention d'origine de cette loi, telle qu'elle a été rédigée.
    Oui, monsieur. Tout d'abord, vous avez bien décrit mon point de vue.
    Deuxièmement, ce que je commençais à expliquer, c'est que l'une des anomalies de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, c'est que nous avions prévu que l'état d'urgence dure probablement une période considérable. Nous n'avons jamais évoqué la possibilité, à ce moment‑là, qu'on déclare la fin de l'état d'urgence avant même que le comité ne se réunisse.
    Je pense que quelqu'un, dans la partie précédente, a mentionné que lorsque nous avons imaginé ce comité, nous nous attendions à ce que l'état d'urgence perdure et à ce que le comité joue un rôle de supervision. Il exercerait alors une surveillance parlementaire constante des actions du gouvernement. Dans le cas présent, le gouvernement a déclaré la fin de l'état d'urgence avant même que le comité ne soit constitué.
    En fait, le gouvernement aurait très bien pu déclarer la fin de l'état d'urgence avant même que le Parlement ne vote sur la question, et on pourrait faire valoir que c'est ce qu'il aurait dû faire. Par conséquent, vous êtes en train de définir, pour la première fois, le rôle de ce comité.
    C'est une réflexion importante, et je vous en remercie.
    Il m'est apparu clairement au cours de ces sept jours qu'il devrait peut-être y avoir — maintenant que j'y pense en rétrospective — une disposition à l'article 62 qui aurait un effet presque immédiat et selon laquelle un processus d'examen serait mis en place dès que la loi serait invoquée. Encore une fois, cependant, c'est en y repensant, avec le recul.
    C'est tout le temps que j'avais.
    Je céderai maintenant la parole à la sénatrice Boniface.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Beatty, d'être ici.
    J'aimerais faire une petite rétrospective, puisque vous avez beaucoup parlé de la loi précédente, la Loi sur les mesures de guerre. Pouvez-vous me décrire certains des principes que vous avez examinés pour les moderniser, comme vous l'avez dit, en 1988, avec la Loi sur les mesures d'urgence?

  (2040)  

    Je serai ravi de le faire, madame la sénatrice. Je vous remercie.
    Premièrement, l'ancienne Loi sur les mesures de guerre avait une portée très limitée. Elle ne s'appliquait qu'en contexte de guerre ou d'insurrection appréhendée. En fait, la crise d'octobre 1970 a été associée à une insurrection appréhendée.
    Nous avons reconnu le fait qu'à l'avenir, il y a un vaste éventail de situations d'urgence qui pourraient exiger que le gouvernement exerce des pouvoirs extraordinaires pour sauver la vie des gens ou protéger l'intégrité du pays. Nous devions nous doter d'une loi, examinée en période de calme, qui donnerait au gouvernement la capacité de réagir très rapidement et efficacement, mais qui serait contrebalancée par une surveillance adéquate des tribunaux et du Parlement, et qui garantirait les libertés civiles des Canadiens. À la base, c'était l'élément le plus fondamental.
    L'ancienne Loi sur les mesures de guerre a été utilisée pour suspendre les droits civils des Canadiens en 1970, partout au pays, même si la situation était concentrée au Québec. On a suspendu l'habeas corpus. On a permis de détenir des gens sans accusation jusqu'à 21 jours. On a permis la censure. Un grand nombre d'abus ont été commis en conséquence. M. Trudeau, lorsqu'il a invoqué cette loi, a immédiatement déclaré qu'il aurait souhaité avoir d'autres outils et qu'il remplacerait cette loi par une autre loi plus nuancée, qui protégerait mieux les libertés civiles. C'est ce que nous avons fini par faire, bien des années plus tard.
    Quand vous avez mené vos consultations et que vous avez réfléchi aux divers scénarios possibles, avez-vous consulté les provinces? Avez-vous tenu compte des lois provinciales sur les mesures d'urgence qui existaient au pays à l'époque?
    Oui, et nous avons consulté très étroitement les provinces, parce que bon nombre des pouvoirs prescrits dans cette loi sont des responsabilités dont les provinces s'acquittent normalement. Nous voulions nous assurer, en déposant ce projet de loi, de bien tenir compte de la réalité des différentes provinces, et c'est ainsi que nous avons gagné l'appui des gouvernements provinciaux.
    Donc, oui, nous l'avons fait. Bien entendu, cette loi a également évolué au fil des ans.
    En ce qui concerne l'article 63 et l'enquête, jusqu'où pouvait aller l'enquête, selon votre analyse, à l'époque? Je sais que c'est écrit dans la Loi, mais je me demande comment on entrevoyait l'enquête.
     Le but était de prévoir un niveau de protection supplémentaire après coup, lorsque les choses se seraient calmées et que nous pourrions examiner toutes sortes de choses. Quelles sont les circonstances qui ont mené à l'invocation de la loi? Comment la loi a‑t‑elle été utilisée? Quelles sont les leçons à en tirer et comment éviter de devoir recourir à cette loi de nouveau?
     Par exemple, madame la sénatrice, j'aimerais que cette enquête permette d'examiner la structure du maintien de l'ordre dans la capitale nationale, mais cela dépasse probablement la portée de votre propre examen. L'entente que nous avons aujourd'hui pour fournir des services de sécurité à la capitale nationale est-elle adéquate ou devrait-elle être repensée? Je pense que la plupart d'entre vous estimeraient que cela dépasse la portée de cette enquête‑ci, mais je pense aussi qu'il serait approprié que cette question, entre autres, soit examinée dans le cadre de l'enquête qui aura lieu après coup.
    Je vous remercie.
    Nous entendrons maintenant M. Carignan, qui dispose de quatre minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Beatty, nous avons tous relu vos témoignages passés. J'imagine que vous avez fait la même chose que nous et que cela vous a permis de vous rafraîchir la mémoire.
     Le 16 novembre 1987, vous avez fait un discours à la Chambre des communes, à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi. Vous y avez dit ce qui suit:
Contrairement à la Loi sur les mesures de guerre, la Partie II du projet de loi ne confère au gouvernement aucun pouvoir supplémentaire en matière de perquisition, de saisie, d'arrestation ou de détention. Nous considérons que les dispositions du Code criminel sont suffisantes pour maintenir l'ordre.
    Vous deviez être surpris quand vous avez constaté qu'on avait utilisé la Loi sur les mesures d'urgence pour saisir des comptes bancaires. Selon vous, il était clair qu'il n'y avait aucun autre pouvoir conféré et qu'on devait utiliser le Code criminel pour faire des perquisitions, n'est-ce pas?

  (2045)  

[Traduction]

    Monsieur, je pense que vous faites référence à mon discours de deuxième lecture du 16 novembre 1987, dans lequel j'ai fait cette remarque. Le but était de veiller à ce que, dans la mesure du possible, nous utilisions le droit commun pour réagir aux circonstances.
    Oui, c'était la première fois qu'on utilisait le pouvoir de saisir des comptes bancaires. Il n'avait jamais été utilisé auparavant. C'est la raison pour laquelle je recommande au Comité d'examiner cette question de très près, et je crois que le Parlement pourrait vouloir étudier dans quelles circonstances le gouvernement devrait avoir le pouvoir de geler les comptes bancaires des gens. Dans quel but voulons-nous l'utiliser? Quelles en sont les incidences? Si le Parlement décide qu'il veut conférer ce pouvoir au gouvernement, devrait‑il adopter une loi ordinaire ou plutôt laisser le gouvernement le proclamer par décret?

[Français]

    Encore une fois, vous deviez être surpris de voir cela. Comme législateur, quand on parraine une loi comme celle-là, on ne s'attend pas à la voir être appliquée au cours de notre vie. J'imagine que vous avez été un peu surpris de voir que la Loi sur les mesures d'urgence avait été invoquée pour exercer des pouvoirs comme celui de faire remorquer des véhicules sur la rue Wellington.

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr, monsieur, que je dirais que lorsque nous avons adopté cette loi, je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit invoquée de mon vivant. J'ai prié pour qu'elle ne soit jamais invoquée de mon vivant, pour qu'il ne soit jamais nécessaire de l'utiliser, mais j'estimais essentiel de l'avoir dans notre arsenal au cas où cela serait nécessaire.
    Pouvions-nous prévoir les circonstances exactes dans lesquelles elle serait invoquée un jour? Non. C'est pourquoi il est important pour nous de réaliser ce genre d'examen.

[Français]

    Le Code de la route de l'Ontario prévoit la possibilité, pour un agent de la paix, de forcer le remorquage d'un véhicule. De plus, le maire de la ville d'Ottawa a le pouvoir de décréter une situation d'urgence et, ce faisant, peut prendre toutes les mesures nécessaires pour que la situation se règle. En outre, on peut obtenir des injonctions des tribunaux permettant aux policiers de déplacer des véhicules ou d'arrêter des gens pour non-respect des lois ou pour outrage au tribunal. Dans votre esprit, au moment d'adopter la Loi sur les mesures d'urgence, l'ensemble des lois du Canada prévoyait ce genre de recours, de manière à éviter d'invoquer les mesures d'urgence. Est-ce exact?

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Beatty, je vous invite à y réfléchir, ou le sénateur aura peut-être l'occasion de vous reposer la question au cours des prochains tours.
    Je donnerai maintenant la parole au sénateur Harder.
    Vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur Beatty. C'est un plaisir de vous voir. Vous n'avez pas du tout vieilli en 34 ans.
    Vous êtes un vrai politicien, sénateur Harder.
    Des voix: Oh, oh!
    Plus tôt ce soir, vous avez dit que vous n'aviez pas prévu, lorsque vous avez réfléchi au travail du comité d'examen mentionné à l'article 62, que le comité se réunirait pour la première fois seulement après la révocation du recours à la Loi sur les mesures d'urgence. Je peux voir cette logique dans la loi, particulièrement dans la façon dont les articles 61, 62 et 63 sont rédigés.
    À l'article 61, vous prévoyiez qu'un vote aurait lieu très rapidement à la Chambre des communes et que le débat ne pouvait être interrompu, entre autres choses. Je ne relirai pas la décision du Président à ce sujet, mais je suis surpris que la Chambre des communes n'ait pu voter qu'une semaine après l'invocation de la Loi et que, par conséquent, ce comité n'ait pas pu être établi aussi vite que votre loi le prévoyait, je crois.
    Dans ce contexte, le mandat de ce comité, qui était très circonscrit et limité à la façon dont ces mesures ont été mises en œuvre, est et demeure un guide très utile.
    Cependant, vous avez également laissé entendre que nous devrions aller au‑delà de ces contraintes et ne pas nous limiter à ce qui s'est passé à partir de la date à laquelle la Loi a été invoquée, pour examiner les conditions préalables également. Je serais prêt à l'accepter, tant que notre point de départ reste le mandat de l'examen parlementaire, comme vous l'avez si bien défini au paragraphe 62(1), pour ne pas empiéter sur l'article 63 et l'enquête qui suivra.
    Je me demande si vous pouvez nous faire part de vos réflexions sur l'interaction entre les articles 62 et 63, parce que je pense que vous avez confondu dans certains de vos commentaires ce que nous pourrions attendre de l'un et de l'autre.

  (2050)  

    Sénateur, est‑il possible qu'il y ait un certain chevauchement entre les deux? Oui, c'est possible. Est‑ce que cela me dérange? Non, pas du tout. Votre comité pourrait‑il tirer des conclusions différentes de celles d'une enquête indépendante? Oui. Cela ne me dérange pas non plus. Je pense que c'est sain en démocratie.
    Je pense que l'important, c'est que vous teniez compte, dans la définition de votre mandat, du fait que nous avons délibérément précisé qu'il fallait que le Parlement se penche immédiatement sur la déclaration de l'état d'urgence. Il s'agissait de nous assurer de la vigilance du Parlement, et nous voulions qu'il agisse très vite.
    Nous avons appris, cependant, de l'expérience de la Loi sur les mesures de guerre, que beaucoup d'informations sur la nature de la crise au Québec et la façon dont elle a été gérée par les autorités ont été révélées bien plus tard.
    Vous avez accès aujourd'hui à des informations que le Parlement n'avait pas au moment où il a voté. Vous avez notamment accès à la déclaration du commissaire de la Police provinciale de l'Ontario selon laquelle le gouvernement provincial a conclu une semaine avant que la loi ne soit invoquée qu'il y avait une menace à la sécurité du Canada. Ce n'était pas de notoriété publique au moment où le Parlement a voté. Il convient que vous vous penchiez sur la question et sur les motifs sur lesquels se fondait cette conclusion.
    Si vous trouvez ensuite que cela justifie les mesures prises par le gouvernement, c'est très bien. Si vous trouvez que le gouvernement a pris cette décision sur la base d'informations fallacieuses, alors il serait indiqué, à mon avis, que vous vous penchiez sur la question aussi. Il serait également judicieux que les tribunaux examinent la question et réalisent un examen ex post facto eux aussi.
    La distinction que je ferais à propos de l'examen ex post facto, c'est qu'il a été conçu pour être... après que la poussière soit retombée. Vous pourriez prendre un peu de recul, pour avoir plus de perspective, puis examiner un très vaste éventail de questions, comme la structure des services policiers qui assurent le maintien de l'ordre à Ottawa, comme je l'ai déjà mentionné.
    C'est le sénateur White qui viendra clore cette série de questions.
    Sénateur White, vous avez quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Beatty, d'être ici ce soir.
    J'apprécie le fait que vous ayez dit qu'on se serait attendu à ce que ce comité siège pendant le recours à la Loi sur les mesures d'urgence, parce que je suppose alors que vous vous attendriez à ce que nous n'examinions pas les motifs pour lesquels la Loi a été invoquée dans ce cas. Ai‑je raison?
    Non, monsieur.
    Pensez-vous que nous devrions les examiner ou non? Je m'excuse.
    Je pense que vous devriez les examiner, surtout s'il y a des informations qui ressortent de vos audiences ou qui sont rendues publiques qui soulèvent des questions sur les raisons pour lesquelles le gouvernement a invoqué la Loi au départ ou sur le bien-fondé des mesures qui en ont découlé.
    Essentiellement, vous aviez prévu qu'il pourrait y avoir deux instances, un comité d'enquête et un comité d'examen, qui feraient exactement le même travail. Je suppose que ma question est de savoir pourquoi ce n'est pas clairement dit dans la Loi.
    Ce n'est pas exactement le même travail, sénateur, mais est‑ce que l'information examinée dans le cadre d'une enquête sera en grande partie la même que celle que vous examinerez? Oui. Est‑ce que les deux instances feront des recommandations sur des thèmes comparables? Je l'espère. Les recommandations issues de l'enquête pourraient-elles être différentes des recommandations que vous ferez? C'est possible. C'est la nature même de la démocratie.
    Ce que nous avons essayé de faire, c'est de mettre en place plusieurs couches de protection pour garantir l'examen le plus minutieux possible, pour que les libertés civiles soient protégées et que le Parlement soit pleinement mis à contribution.
    Merci.
    J'essaie de voir dans l'article 62, monsieur, où vous nous accordez cette latitude. Je ne dis pas que nous ne pouvons pas essayer de trouver cette latitude nous-mêmes, mais j'essaie de comprendre où cette latitude figure dans l'article 62, parce que les attentes y semblent très claires, de mon point de vue, tandis que l'article 63 s'appuie sur une pensée beaucoup plus conservatrice, à mon avis, qui permet d'examiner d'autres questions.
    Je ne vois tout simplement pas la latitude qui nous est donnée.
    Je vous dirais, sénateur, que si vous concluez que les critères pour invoquer la Loi n'ont pas été respectés au départ, alors tout ce qui a découlé de la décision d'invoquer la Loi était également inapproprié, puisque vous êtes là pour examiner comment ces pouvoirs ont été utilisés. Il est tout à fait approprié que vous le fassiez.
    Cela dit, vous disposez aujourd'hui d'informations que le Parlement n'avait pas au moment où il a voté en faveur de l'invocation de la Loi. Il convient que vous preniez le temps d'analyser tout cela. Vous pouvez choisir le degré d'approfondissement que vous voulez donner à cet examen.
    Je tiens à être clair sur ce point. Nous nous attendions à ce que le rôle principal du comité soit d'assurer une surveillance parlementaire continue, pendant toute la durée de la crise, de la façon dont le gouvernement utilise ses pouvoirs. Nous n'excluions vraiment pas que le comité puisse se demander s'il était justifié que le gouvernement s'accorde ces pouvoirs.

  (2055)  

    Merci.
    Nous passerons maintenant au deuxième tour, avec une première série de questions de trois minutes de M. Brock.
    Monsieur Brock, vous avez trois minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Beatty, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui et de votre témoignage utile au moment où le Comité travaille à définir la portée de cette étude très importante.
     J'aimerais commencer par quelques enjeux de base pour me faire une idée et vous pourriez me donner votre avis à leur sujet.
     Selon moi, il y a probablement une très bonne raison pour laquelle, au cours des 34 dernières années, la Loi sur les mesures d'urgence n'a pas été invoquée. Vous conviendrez avec moi, monsieur Beatty, que le Canada a connu sa part de crises, en raison des nombreux blocages de pipelines, d'éléments d'infrastructure ou de voies ferrées qui ont eu des répercussions importantes sur le gagne-pain des Canadiens d'un océan à l'autre.
     Nous avons été témoins de toutes sortes d'insurrection. En fait, il n'y a pas si longtemps, nous avons eu la prise d'assaut de l'édifice du Centre et le meurtre du caporal Nathan Cirillo au monument commémoratif des anciens combattants. Un individu a pris d'assaut cet édifice pour tenter de s'en prendre aux parlementaires. Nous avons aussi la crise mondiale de la COVID.
     Aucun gouvernement canadien, au cours de ces 34 années, n'a pris les mesures les plus draconiennes, comme vous l'avez indiqué — les plus graves — en invoquant la Loi sur les mesures d'urgence.
     Avez-vous même envisagé, en tant que législateur et gouvernement en 1988, qu'une manifestation de camionneurs, à l'extérieur de l'édifice du Centre sur la rue Wellington, qui klaxonnent, expriment leur amour du Canada, brandissent des drapeaux, chantent et dansent, finirait par atteindre le niveau d'une crise nationale? A-t-on même envisagé qu'une telle action puisse donner lieu à cela?
    Monsieur, je pense que c'est ce qu'on appelle une question tendancieuse et que cela me rapproche dangereusement d'un commentaire partisan. Je veux éviter cela.
     Je suis cependant d'accord avec la première partie de votre question. Les lois sur les mesures d'urgence sont conçues pour être, dans la mesure du possible, des outils de dernier recours. Elles sont claires à ce sujet. Elles sont destinées à n'être utilisées que s'il n'existe pas d'autres pouvoirs légaux permettant de remédier adéquatement à la crise.
     Je m'en tiendrai à cela.
    Cette série de questions est de trois minutes.
    Nous aurons sans doute la chance d'avoir une autre série complète comme lors de la dernière séance, mais je veux céder la parole à M. Virani.
    Monsieur Virani, vous avez trois minutes.
    Je vous remercie beaucoup d'être avec nous, monsieur Beatty.
     Vous avez mentionné à plusieurs reprises que la surveillance parlementaire est importante. Je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point. C'est important. C'est pourquoi nous sommes ici, et c'est pourquoi nous avons été élus.
     Les articles 58 et 59 de la loi que vous avez contribué à promulguer parlent de la ratification ou de l'abrogation potentielle par le Parlement de la déclaration. S'agit-il d'une mesure de surveillance parlementaire, à votre avis?
    Cela fait partie des mesures de surveillance parlementaire, oui.
    Nous avons beaucoup parlé de la loi. Je veux maintenant vous parler de ce qui est et n'est pas dans la loi.
    Au paragraphe 62(1), on parle précisément de « L’exercice des attributions découlant d’une déclaration de situation de crise ». On ne parle pas précisément des « circonstances qui ont donné lieu à la déclaration ».
    Pouvez-vous confirmer que cela n'est pas mentionné au paragraphe 62(1)?

  (2100)  

    Oui, et je pense que cela a déjà été confirmé.
    Vous avez fait allusion au fait que s'il n'était pas approprié d'invoquer la loi, tout ce qui en découlait l'était aussi. Vous avez commencé votre déclaration liminaire en parlant de la définition juridique de ce qui constitue une situation de crise. Vous avez mentionné l'article 3.
    L'article 3 n'est pas cité dans le paragraphe 62(1), n'est-ce pas?
    Je suis désolé...
    Au paragraphe 62(1), qui parle du comité d'examen parlementaire, il n'y a pas de renvoi à l'article 3, la définition juridique d'une situation de crise.
    Non, en effet, mais il faut qu'elle y satisfasse — si c'est ce que vous voulez dire — avant que le gouvernement puisse invoquer la loi.
    En fait, nous avons des discussions ce soir sur des maximes juridiques, et le légiste en a mentionné une. Vous avez dit avoir écouté son témoignage.
    Il a parlé de la maxime juridique appelée expressio unius est exclusio alterius. Il s'agit essentiellement du principe d'interprétation des lois selon lequel lorsqu'un ou plusieurs éléments d'un ensemble sont explicitement mentionnés, les autres en sont exclus. C'est un principe que nombre d'entre nous avons appris en droit et que nous appliquons lorsque nous tentons d'interpréter des lois.
     Il me semble, avec tout le respect que je vous dois, monsieur Beatty, que votre position est quelque peu l'inverse. Selon ce qu'indiquerait cette maxime, les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration n'étant pas explicitement mentionnées au paragraphe 62(1), nous ne devrions pas les examiner. Cependant, vous dites, à l'inverse, que si vous aviez voulu que cela soit exclu, vous l'auriez explicitement mentionné au paragraphe 62(1). Ai-je bien compris?
    Oui, monsieur. Et j'ajouterais que mon opinion juridique vaut ce qu'elle coûte. Vous avez des avocats au sein du Comité et vous avez accès à des avocats.
    Ce dont je peux vous parler, c'est de l'intention que nous avions en rédigeant la loi et qui était d'assurer une surveillance parlementaire aussi large que possible. Cela signifie assurément que tout ce qui découle d'une invocation inappropriée de la loi doit être examiné dans ce contexte.
    Je vous remercie.
    Monsieur Fortin, vous avez deux minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Beatty, je n'ai que deux minutes, alors j'espère que vous me permettrez d'être expéditif.
    J'aimerais entendre votre opinion au sujet du paragraphe 17(2) de la Loi sur les mesures d'urgence. On y indique que la déclaration d'état d'urgence comporte trois éléments, lesquels sont énumérés aux alinéas 17(2)a), 17(2)b) et 17(2)c). Je passe tout de suite à l'alinéa 17(2)c):
    
c) si l'état d'urgence ne touche pas tout le Canada, la désignation de la zone touchée.
    Dois-je en comprendre que la Loi peut s'appliquer à des endroits précis, par exemple dans une ou deux provinces précises, dans une ville en particulier ou dans une région donnée, et qu'il n'est pas nécessaire de l'appliquer partout au pays?

[Traduction]

    Oui, monsieur, c'était voulu ainsi.

[Français]

    Monsieur Beatty, doit-on en comprendre que, lorsqu'on invoque la Loi et qu'on proclame son application dans une zone donnée ou dans l'ensemble du pays, la situation d'urgence touche effectivement l'ensemble de la zone donnée?
    En l'occurrence, on a déclaré une situation d'urgence à la grandeur du Canada. Si je m'en tiens à la définition dans la Loi, dois-je en comprendre qu'il y avait une situation d'urgence d'un océan à l'autre?

[Traduction]

    Je veux m'assurer de bien répondre à votre question.
    Il faut que la situation réponde aux critères d'une crise nationale. Les conséquences doivent être graves au point de nuire au bien-être du pays en entier. Toutefois, cela ne veut pas dire que la situation de crise touche toutes les régions du pays.
    Dans le cas de la crise d'octobre 1970, la crise s'est essentiellement limitée au Québec, mais les libertés civiles des Canadiens de tout le pays ont été suspendues. À Guelph, en Ontario, on a censuré le journal étudiant de l'Université de Guelph. À Vancouver, on a menacé de recourir à la loi également, bien que cela n'était pas nécessaire dans ce cas.
     Nous voulions avoir une loi qui permette au gouvernement de dire: « Nous avons une crise grave, elle répond à la définition d'une crise nationale, mais nous n'allons pas suspendre les droits de toute la population; nous voulons que ce soit ciblé ».

  (2105)  

[Français]

    Monsieur Beatty, je ne veux pas être impoli, mais je dois vous interrompre ici.
    De toute façon, on me fait signe que mon temps de parole est déjà écoulé. Deux minutes, c'est très vite passé.
    Merci.

[Traduction]

    Étant donné qu'il nous reste encore un peu de temps, nous devrions être en mesure de revenir sur ce point.
     Je vais prendre mon temps de parole maintenant, et je veux poursuivre dans le même esprit. Vous avez abordé certains points. Vous avez parlé du climat politique.
     J'espère que nous pourrons donner aux Canadiens l'occasion de guérir après ce qui s'est passé pendant ce qui a été un long... Nous nous entendons tous pour dire que la situation a provoqué beaucoup de divisions et que le débat était parfois empreint de violence.
     Nous avions un groupe de gens qui occupaient la capitale nationale et qui ont dit clairement, entre autres, vouloir renverser un gouvernement démocratiquement élu. Tout cela est public, et nous savons que c'est vrai. Nous avions aussi une situation à Coutts où on a trouvé des munitions en grande quantité — suffisamment, à mon avis, pour constituer une menace pour la sécurité nationale.
     Toutefois, l'une des critiques que j'ai — même si j'ai appuyé cette mesure, monsieur Beatty, compte tenu des renseignements dont je disposais —, c'est que la déclaration comme telle, à mon avis, était trop centrée sur le blocage de la circulation des biens et des services.
    Pourriez-vous nous dire si le Comité devrait tenir compte de toutes les circonstances prévues dans la loi sur le SCRS — l'alinéa 2d), en particulier, mais tous les éléments — lorsqu'il examine les raisons de l'invocation de la loi, ou s'il doit s'en tenir strictement à ce qui est écrit dans la déclaration?
    Monsieur, j'ai passé en revue — et je vous remercie de l'avoir mentionnée — la définition de la Loi sur le SCRS. J'espère que le Comité l'examinera soigneusement. Je l'ai parcourue plusieurs fois pour voir quelle serait l'application dans ce cas. Ce n'est pas évident pour moi.
     Je crois qu'il est approprié d'examiner les dommages économiques causés au Canada à la suite des blocages, ainsi que les dommages causés aux relations internationales du Canada avec les États-Unis.
     Encore une fois...
    J'ai parlé trop longtemps et vous ai laissé trop peu de temps pour répondre. Si vous souhaitez donner une réponse...
    Je vais mettre mon chapeau de coprésident et mettre fin à mon temps de parole. C'est dommage.
     Le problème n'était pas la question. C'était la longueur de la réponse.
    C'est gentil.
    Je vais maintenant céder la parole à la sénatrice Boniface pendant deux minutes.
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Beatty, je voudrais simplement revenir sur vos commentaires quand vous avez parlé des niveaux de surveillance nécessaires lorsque la loi est invoquée. J'essaie d'y voir plus clair, mais je ne suis pas sûre de comprendre encore comment vous perceviez la nature complémentaire de l'enquête par rapport à l'examen parlementaire.
     Vous avez mentionné qu'ils pouvaient se chevaucher, et je ne suis pas en désaccord avec vous, mais comment les voyez-vous différer l'un de l'autre, en gros?
    Sénatrice, nous voulions les bretelles en plus de la ceinture. Nous voulions mettre en place autant de mesures de protection que possible, mais l'examen parlementaire, le travail du comité, devait avoir lieu pendant que la proclamation était en vigueur.
     L'examen ex post facto avait lieu après que la proclamation a pris fin, de façon à pouvoir prendre alors du recul par rapport aux événements, examiner tout ce qui s'était passé et avoir une perspective un peu différente.
     Cependant, nous voulions que le comité, s'il y avait une urgence qui durait des semaines ou des mois... Nous voulions que le Parlement puisse exercer une surveillance quotidienne continue sur la façon dont le gouvernement utilisait les pouvoirs, et sur les répercussions sur les libertés civiles.
    Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur Carignan, vous avez la parole pour deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais reprendre rapidement la question que j'ai posée un peu plus tôt. Cette fois-ci, vous aurez le temps d'y répondre.
    L'État a le pouvoir de procéder à des arrestations, de donner des contraventions pour des véhicules stationnés dans la rue et d'obtenir des injonctions pour déplacer des véhicules. De plus, les maires ont le pouvoir de déclarer la situation d'urgence dans leur ville et de prendre toute mesure nécessaire afin de régler le problème et de rétablir la paix dans les rues. Ce sont des exemples de pouvoirs qui peuvent être exercés avant qu'on invoque la Loi sur les mesures d'urgence.

  (2110)  

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Dans la mesure où sept provinces ont dit qu'elles n'avaient pas besoin des mesures d'urgence parce qu'elles disposaient des pouvoirs suffisants, comment justifie-t-on la déclaration des mesures d'urgence dans les dix provinces et territoires?

[Traduction]

    La loi exige qu'il y ait une consultation approfondie avec chacune des provinces, et non pas qu'elles soient toutes d'accord.
    Si la loi doit être invoquée et ne s'appliquer qu'à une seule province, il faut alors que la province soit d'accord avant que la loi puisse être invoquée. Toutefois, dans le cas présent, je n'ai rien à redire sur la capacité du gouvernement, qui a consulté toutes les provinces, d'aller de l'avant. En effet, la province principalement touchée a appuyé l'invocation de la loi.

[Français]

    À quel organisme le gouverneur en conseil devrait-il confier l'enquête, selon vous?

[Traduction]

     Vous soulevez une question très importante. Elle a été soulevée lors de la séance précédente.
     Ce n'est pas précisé dans la loi, mais je recommande que le gouvernement nomme un groupe indépendant du gouvernement. Ce n'est pas exigé dans la loi, selon ma lecture, mais il devrait l'être, afin de donner l'assurance à la population que l'on procède à un examen complet, équitable et transparent.
     Je ne recommanderais pas nécessairement que l'enquête soit confiée à un juge. Elle pourrait l'être, mais vous pourriez très bien aussi choisir des personnes ayant d'autres parcours et compétences pour examiner des questions telles que le maintien de l'ordre dans la capitale, ou toute une série d'autres questions.
     À mon avis, il devrait être aussi large que possible. Il devrait nécessairement être indépendant du gouvernement et il devrait être en mesure d'examiner tous les éléments pour s'assurer que, si une situation similaire se produit à l'avenir, nous n'ayons pas à recourir à nouveau à cette loi.
    Je vous remercie. Je voulais m'assurer que vous avez assez de temps pour donner une réponse complète.
     Monsieur Beatty, nous sommes arrivés à la fin des séries de questions, et il ne nous reste que 20 minutes.
     Chers membres du Comité, nous avons encore des questions administratives à régler, en vue de nos prochaines séances, par rapport à notre plan de travail, aux listes de témoins et aux motions qui ont fait l'objet d'un ajournement. Je ne sais pas si nous avons assez de temps pour une autre série de questions, alors je veux demander aux membres du Comité ce qu'ils souhaitent faire ici.
     Je voudrais également dire que j'ai trouvé les deux parties, mais particulièrement la présente, d'un grand intérêt pour le Comité. Monsieur Beatty, je ne sais pas si cela pourra se faire compte tenu de votre emploi du temps, mais il est possible que nous vous invitions à nouveau pour avoir des précisions sur l'intention de la loi au moment de sa rédaction.
    Je suis à votre disposition, monsieur le président.
    Je vous remercie.
    Sur la liste des intervenants, nous avons M. Virani, puis M. Motz.
    Il nous reste environ 17 minutes, alors je crois qu'il serait utile que les différents groupes ayant pris la parole jusqu'à maintenant disposent de deux minutes chacun pour poser une autre question.
    Vous voulez une série de questions éclair.
    D'accord. Allons-y.
    Nous allons procéder à une série de questions éclair. Monsieur Motz, vous avez deux minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Beatty. J'ai une question rapide pour vous.
    Si je vous ai bien compris ce soir, vous avez dit, en tant que législateur, qu'il incomberait au Comité... le Comité ferait preuve de négligence en n'examinant pas toutes les preuves dont disposait le gouvernement au moment d'invoquer la loi. Cela devrait faire partie de notre mandat.
    Ai-je raison de tirer cette conclusion, en me basant sur ce que vous avez dit aujourd'hui?
    Monsieur, il revient au Comité d'en décider, mais si je siégeais au Comité, je dirais qu'il est normal d'examiner les raisons qui ont incité le gouvernement à invoquer la loi.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant du côté du gouvernement pendant deux minutes.
    Je pense que ce sera moi.
     Monsieur Naqvi, vous avez deux minutes. Allez-y.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Beatty.
    Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, le scénario envisagé en 1988 était que le décret allait être en vigueur pendant au moins 30 jours, ou même plus longtemps, et que le comité d'examen parlementaire allait superviser la mise en œuvre de la Loi sur les mesures d'urgence.
    Ai-je raison?

  (2115)  

    Oui.
    J'ai consulté le Hansard. Votre secrétaire parlementaire et vous avez aussi parlé de l'exercice d'une surveillance continue par le comité d'examen parlementaire.
    Ai-je raison?
    Oui.
    Comme vous n'aviez pas envisagé un décret de plus courte durée, le point de vue que vous exprimez est ce que vous pensez aujourd'hui, plutôt que l'intention au moment où vous avez rédigé cette disposition.
    Mon point de vue sur quoi, monsieur?
    Sur le rôle que devrait être celui du Comité dans ce contexte.
    Si vous me demandez s'il serait inapproprié pour le Comité d'examiner les raisons pour lesquelles la loi a été invoquée, ma réponse serait non. C'est mon point de vue aujourd'hui, et ce l'était à ce moment.
    Il est tout à fait exact de dire que nous avions prévu qu'il s'agirait d'une surveillance quotidienne constante pendant la durée de la situation de crise, mais le fait pour le Comité d'examiner si la loi aurait dû être invoquée au départ n'a jamais été inapproprié.
    Toutefois, la fonction première en était une de surveillance.
    Oui, monsieur.
    Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur Fortin, vous avez la parole pour deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Beatty, je reviens sur le paragraphe 17(2), au sujet de la désignation de la zone touchée.
    Selon un document annexé à la proclamation de la déclaration d'urgence, l'Ontario, Terre‑Neuve‑et‑Labrador et la Colombie‑Britannique étaient favorables à l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence, mais le Québec n'en voulait pas, puisqu'il estimait que ce serait une source de division. Par ailleurs, l'Alberta a dit qu'elle s'opposait à l'invocation de la Loi, la Saskatchewan a dit qu'elle n'était pas favorable à l'invocation de la Loi et le Manitoba a répondu qu'il n'était pas convaincu de la nécessité d'invoquer la Loi pour le moment. Pour leur part, le Nouveau‑Brunswick, la Nouvelle‑Écosse et l'Île‑du‑Prince‑Édouard ont dit qu'il n'était pas nécessaire d'invoquer la Loi. Donc, sept des dix provinces consultées ont dit que l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence n'était pas nécessaire et qu'elles n'en voulaient pas.
    Dans un tel contexte, le gouvernement a l'obligation de consulter les provinces. Évidemment, cela n'inclut pas l'obligation de se conformer à leurs souhaits, j'en conviens. Cependant, dans la mesure où sept des dix provinces consultées disent ne pas vouloir qu'on invoque la Loi sur les mesures d'urgence et que le gouvernement déclare l'état d'urgence à la grandeur du pays, à votre avis, le gouvernement n'a-t-il pas l'obligation de justifier le territoire qu'il désigne, c'est-à-dire l'ensemble du pays?

[Traduction]

    Il doit en effet se justifier auprès de vous et de la population canadienne... Toutefois, je tiens à souligner que votre légitimité en tant que législateur à représenter les Canadiens est tout aussi grande que celle de tout législateur provincial. Le gouvernement fédéral est responsable, par exemple, de la protection de la frontière et de la protection des installations fédérales, qui étaient menacées lors de ces blocages.
    Les gouvernements provinciaux ne bénéficient pas d'un droit de veto lors de la déclaration d'une urgence nationale. Ils doivent être consultés, mais s'il s'agit d'une urgence qui s'étend à l'ensemble du pays, c'est le gouvernement fédéral qui prend la décision au bout du compte.

[Français]

    Merci, monsieur Beatty.

[Traduction]

     Monsieur Beatty, dans vos observations, vous avez utilisé des notions très importantes: les principes de transparence et de responsabilisation.
     Compte tenu de ce que vous avez entendu ici — et je sais que chacun d'entre nous a défendu des questions de principe lors de cette séance —, et étant donné que la transparence et la responsabilisation vont être importantes pour le rapport, pourriez-vous nous dire si vous croyez à l'intérêt d'examiner l'ensemble des problèmes? Vous avez parlé du maintien de l'ordre. Je parle d'une commission royale sur le maintien de l'ordre. Il existe d'autres menaces importantes dans nos cadres de sécurité, notamment les extrémistes violents à motivations idéologiques, la montée des suprémacistes blancs dans l'extrême droite, les groupes ayant des visées non démocratiques, c'est-à-dire qui veulent renverser le gouvernement.
     Pouvez-vous nous dire, en terminant, que peut faire le Comité en fin de compte pour offrir la plus grande transparence et la plus grande responsabilisation aux Canadiens lorsque nous ferons rapport?
    Monsieur Green, je dirais que la première chose à faire est d'agir comme vous l'avez fait ce soir. Il y a eu sans doute un peu de partisanerie, mais j'ai trouvé encourageant de voir que les membres du Comité sont animés d'un désir sincère de comprendre quelles sont leurs responsabilités et d'essayer de s'en acquitter au mieux de leurs capacités. C'est ainsi que vous servirez le mieux les Canadiens.
     Cela nous ramène aux derniers commentaires que j'ai faits dans ma déclaration préliminaire. Notre corps politique est blessé à l'heure actuelle. Nous devons guérir ces blessures. Nous devons le faire en nous traitant mutuellement, en tant que Canadiens, avec respect. Nous devons le faire en mettant de côté les différends partisans et en accordant la priorité à l'intérêt national.
    On peut discuter et se demander s'il y avait lieu d'invoquer la loi, mais il y avait une crise. Le Parlement se doit maintenant de faire tout ce qu'il peut pour atténuer les divisions qui ont été créées. Pour cela, il faut de la transparence et de la collaboration, et l'absence de partisanerie est essentielle.

  (2120)  

    Je vous remercie et j'apprécie vos propos.
    Nous allons terminer par le Sénat. La personne choisie dispose de deux minutes.
    Sénateur White, vous avez la parole.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Et merci encore une fois à vous, monsieur Beatty.
     Vous avez fait un commentaire tout à l'heure au sujet de modifications qui permettraient de mieux garantir que la Loi sur les mesures d'urgence ne sera pas invoquée à l'avenir. Pouvez-vous nous en parler?
     Sénateur, vous êtes mieux informé que moi à ce sujet, en raison de votre expérience. Pour donner un exemple, je crois comprendre que la loi sur les mesures d'urgence de l'Ontario, contrairement aux autres provinces, ne donne pas le pouvoir aux autorités de faire pression sur les entreprises pour qu'elles fournissent des services pendant une crise. Elles ne pouvaient donc pas exiger des conducteurs de dépanneuses qu'ils le fassent. Je dirais que le problème relève de la loi ontarienne, et que si ce pouvoir est nécessaire, c'est là où il faut l'accorder.
     De même, si on soutient qu'il aurait fallu trop de temps pour assermenter les agents de police à Ottawa venant d'autres provinces et que c'est un problème, il faut modifier la loi concernée pour régler ce problème. Il ne faut pas forcer le gouvernement à invoquer la loi fédérale sur les mesures d'urgence pour régler ce genre de situation.
     Vous pouvez vraiment bien servir la population si les recommandations du Comité portent sur des moyens de faire en sorte que, si des circonstances semblables se présentaient à l'avenir, il ne serait pas nécessaire d'invoquer la loi.
    Je vous remercie.
    Sur ce, nous sommes arrivés au terme de nos séries de questions, y compris...

[Français]

    Monsieur le président, je veux juste remercier M. Beatty de toute la sagesse qu'il a manifestée dans son témoignage. On s'ennuie de lui au gouvernement. S'il avait été ministre dans ce cabinet, je ne pense pas qu'on aurait eu recours aux mesures d'urgence.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Carignan, de ce commentaire.
    Monsieurs Beatty, je vous remercie de votre temps, de votre attention et de vos années à servir notre pays, dans vos anciens rôles et encore aujourd'hui. Votre témoignage était très important pour nous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les membres du Comité de leur important travail.
    Monsieur Motz, allez-y.
    Je voulais simplement savoir ce qu'il en était de notre prochaine séance et des questions à régler.
    Nous allons y venir. Je voulais simplement m'assurer de remercier chaudement M. Beatty comme il le mérite et souligner l'importance du témoignage de nos autres témoins.
     Pendant les minutes qu'il nous reste, il serait bon de nous pencher sur divers éléments.
     Nos analystes ont écouté attentivement le travail que nous devons faire. Comme nous n'avons pas encore de témoins pour la prochaine séance, je pense qu'il est nécessaire que nous soumettions nos listes, si possible au plus tard jeudi midi, pour que nos analystes nous fournissent une ébauche de plan de travail à examiner lors de notre prochaine séance mardi.
     Je peux certainement prendre quelques points de vue. Nous avons M. Motz, suivi de M. Virani.
    Monsieur Motz, allez-y.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    N'allons pas trop vite. Il vaut sans doute mieux ne pas suggérer d'autres témoins pour l'instant. Nous avons décidé, lors de la dernière séance, de tenir une séance particulière pour établir la portée de nos travaux et nous aider avec certains éléments du mandat. Aujourd'hui, nous avons eu un excellent témoignage de la part des légistes des deux chambres et de M. Beatty.
     Puis-je suggérer qu'à notre prochaine séance, nous revenions aux travaux du Comité? Nous avons diverses motions en suspens, diverses choses à finaliser. Nous devons mettre la touche finale à la portée de nos travaux pour clore le sujet. Ensuite, nous pourrons commencer à travailler sur nos listes de témoins.
     Je suggère que nous ayons une liste de témoins prête pour la séance de mardi prochain, mais lors de la séance de mardi, nous avons diverses questions importantes à examiner. Je pense que nous devons prendre ce temps pour que notre comité soit correctement constitué, savoir exactement ce que nous allons faire et comment nous allons le faire, et nous assurer de n'avoir rien oublié, afin que les témoins à avenir s'inscrivent dans un processus logique parce que nous savons exactement dans quelle direction nous voulons aller.
    Voilà ce que je propose.

  (2125)  

    Je vous remercie, monsieur Motz.
    Nous avons M. Virani, suivi de Mme Bendayan.
    Mon masque et mes lunettes se sont emmêlés.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, et je vous remercie d'avoir si bien surveillé votre temps. M. MacGregor et moi avons trouvé cela remarquable.
    Pour ce qui est de cette question, je suis tout à fait d'accord avec M. Motz, et comme le disait M. Beatty, il est important qu'il n'y ait pas de partisanerie. Je ne pense pas que nous puissions établir les listes de témoins avant d'avoir établi la portée de nos travaux, notre mandat, notre cadre de référence, appelons cela comme on veut. Je pense nous devons d'abord déterminer ce que nous allons examiner. Nous dresserons ensuite la liste des témoins que nous voulons entendre en fonction de ce que nous avons convenu d'examiner.
     Je pense qu'il est tout à fait sensé de s'occuper des affaires du Comité à la prochaine séance, comme M. Motz l'a mentionné, pour avoir une idée des témoins que nous allons vouloir entendre. Si nous mettons la touche finale aux affaires du Comité et que nous sommes en mesure d'élaborer le cadre de référence, c'est parfait. Nous pourrons alors commencer à proposer des témoins.
    Je vous remercie.
    Madame Bendayan, c'est à vous.

[Français]

    Je voudrais proposer quelque chose. Je ne suis pas nécessairement convaincue de cette proposition moi-même, mais nous aurions peut-être assez d'une heure et demie pour discuter des motions en comité, convenir d'un plan de travail et décider des démarches à entreprendre.
    Par ailleurs, nous avons déjà approuvé, à la dernière rencontre, une motion pour que des ministres comparaissent devant notre comité. Je pense que tout le monde a voté en faveur de cette motion.
    En tout cas, c'est une idée que je lance. Nous pourrions discuter des motions pendant la première heure et demie de notre rencontre et accueillir des témoins pendant la deuxième partie.

[Traduction]

    Je vous remercie de vos commentaires. Je vais ajouter mon nom à la liste pour pouvoir apporter mes remarques.
     Je pense qu'on pourrait se heurter au même problème, en ce sens que si la portée des travaux n'est pas bien définie, cela va limiter les questions que nous pourrons poser aux ministres. Je pense que tout le monde veut se mettre au travail, bien sûr, et que personne n'essaie de ralentir les travaux, alors il serait logique de bien définir le cadre de référence. Cela aiderait beaucoup les coprésidents.
     Je pense qu'il serait avantageux, en fait, d'utiliser ce temps de cette façon. J'apprécie tout le monde autour de la table, et si nous dédions une heure et demie à ces discussions — ou plus si nous disposons de plus de temps — et qu'il n'y a pas d'obstruction inutile ou quoi que ce soit de cette nature qui nous mène dans une impasse, nous pourrions utiliser ce temps judicieusement pour établir la portée de nos travaux. Nous pouvons en discuter.
     Je pense que nous avons entendu des témoignages très convaincants aujourd'hui. Je ne suis pas assez naïf pour penser que nous n'allons pas tous repartir avec des opinions différentes sur ce que nous avons entendu. Cela dit, il serait sans doute sage de consacrer la séance de mardi aux travaux du Comité. Si nous terminons un peu tôt, avons nos listes de témoins et nous préparons, nous pourrions nous y mettre dans les semaines suivantes. Nous pourrions aussi envisager de modifier la fréquence de nos séances pour faire du rattrapage, compte tenu, entre autres, des semaines dans nos circonscriptions.
     Nous passons au sénateur Harder, et ensuite nous reviendrons à M. Motz.
    Merci, monsieur le président.
     Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, ainsi qu'avec ce que M. Motz et M. Virani ont dit. Je propose que nous nous réunissions la semaine prochaine à titre de comité de coordination du Comité, et que nous le fassions donc à huis clos.
    Merci, monsieur le président.
    Je serais assez d'accord. Je pense que c'est approprié.
    Nous nous sommes entendus lors de la dernière séance sur la venue des ministres, mais sans fixer de date. En gardant cela à l'esprit, je pense que nous pouvons arriver à un consensus sur le fait que le Comité serait sans doute mieux servi à long terme en se concentrant la semaine prochaine sur ses travaux à huis clos pour finir de traiter les motions.

  (2130)  

    Madame Bendayan, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
     Je comprends que nous avons un consensus sur un certain nombre de questions.
    Mardi prochain, nous discuterons des travaux du Comité à huis clos. Je suis d'accord avec cette proposition de mes collègues.
     Je comprends aussi que nous aurions des témoins à une séance ultérieure. Je m'en remets à vous, M. Green, pour ce qui est de l'importance d'avancer rapidement. Je demanderais peut-être au greffier de vérifier s'il serait possible de se réunir deux fois la semaine prochaine.
     Étant donné que nous aimerions que les témoins comparaissent en personne, je dirais que le fait de se réunir deux fois la semaine prochaine éviterait d'avoir à le faire pendant une semaine dans nos circonscriptions, au cours de laquelle il serait probablement difficile d'entendre les témoins en personne. Je sais que mes collègues d'en face y tiennent beaucoup.
     Pour être clair, madame Bendayan, vous avez posé une question au greffier, et il faudra y réfléchir.
    Je suis également sur la liste, et je passerai ensuite à M. Motz.
     Je veux juste préciser que je n'ai pas dit « rapidement ». J'ai dit « judicieusement ». Ce sont des choses différentes.
     L'autre point que je veux mentionner officiellement, c'est que nous parlons de responsabilisation et de transparence, et même si je comprends que les jeux politiques sont très différents à huis clos et en public... Je veux juste déclarer publiquement que je suis contre l'idée d'avoir des discussions à huis clos. Je pense que des Canadiens vont suivre les délibérations attentivement. À moins que ce ne soit absolument nécessaire, je suis d'avis que tous nos travaux doivent se dérouler en public afin de ne pas ajouter à la rhétorique conspirationniste qui circule déjà.
     Nous avons M. Motz et ensuite le sénateur White.
    Merci, monsieur le président.
     Je souhaite retirer ma recommandation pour le huis clos. Je me souviens au début quand nous avons parlé des paramètres des séances et des avis de motion, nous avons parlé des huis clos. Nous avons parlé d'en tenir potentiellement pour les témoins sensibles et pour les documents sensibles que nous pourrions avoir à examiner.
     Étant donné que nous avons déjà tenu deux séances publiques pour traiter des affaires du Comité, je pense que notre séance de mardi devrait être publique et non à huis clos, et que le caractère sacré du huis clos devrait être réservé pour les questions délicates que nous aurons assurément à traiter en cours de route.
    Sénateur White, allez-y.
    Je vous remercie beaucoup. J'apprécie les commentaires de chacun.
    Comme nous n'avons pas de comité directeur, qui se réunirait normalement à huis clos pour traiter des affaires du Comité, mon argument est que si nous devons agir comme comité directeur plénier, nous devrions discuter d'une partie des affaires du Comité à huis clos pour pouvoir les traiter rapidement. Je pense que nous pourrions, en fait, terminer le tout en une seule séance.
     Je ne pense pas que nous terminerons en une seule séance si nous avons les caméras sur nous. Je préférerais que nous passions à huis clos. Si nous devons voter, votons maintenant pour décider.
    Merci, sénateur White.
    Je vous dirais que la composition du comité plénier était une motion de régie interne adoptée par le Comité lors de notre première séance et qu'il n'y avait pas de paramètres sur ce qui serait à huis clos à ce moment-là. Cela aurait été un bon élément à considérer.
     Si je comprends bien, vous proposez une motion...
    Oui.
    D'accord. Si vous le voulez bien, proposez votre motion de façon concise, afin que nous puissions la soumettre au vote.
    Je propose que la prochaine séance, le 5 avril, soit tenue à huis clos dans son intégralité.
    Quelqu'un souhaite-t-il prendre la parole au sujet de la motion?
    Des voix: La mise aux voix.
    La mise aux voix.
    Non, vous ne pouvez pas demander la mise aux voix. Ce n'est pas possible.
    Désolé?
    Ce n'est pas possible.
    Des voix: Oh, oh!
    Le coprésident (M. Matthew Green): À la Chambre, nous débattons jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à débattre. Je vais respecter le fait que nous sommes ici...
    M. Arif Virani: N'avez-vous pas dit qu'il ne devait pas y avoir d'obstruction?
    Le coprésident (M. Matthew Green): En effet, mais je dois aussi respecter le privilège parlementaire.
    Cela étant dit, nous sommes saisis d'une motion. Y a-t-il des commentaires?
    S'agira-t-il d'un vote par appel nominal?
    Nous allons avoir un vote par appel nominal.

  (2135)  

    Monsieur le greffier, pouvez-vous lire la motion?
    La motion dit: il est proposé que la prochaine séance, le 5 avril, soit tenue à huis clos dans son intégralité.
    (La motion est adoptée par 6 voix contre 5.)
    La séance du mardi 5 avril se tiendra donc à huis clos dans son intégralité, et les discussions porteront sur notre plan de travail.
     Sommes-nous d'accord maintenant pour lever la séance?
    Des voix: D'accord.
    Le coprésident (M. Matthew Green): La séance est levée.
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