Notes d’allocution du
Sénateur Oliver pour la Séance 1 : Risques
actuels pour le relèvement économique, et persistance des
déséquilibres structurels dans l’économie mondiale
La réaction mondiale face à la
crise financière et économique
·La conclusion suivante à laquelle sont arrivés
les dirigeants du G20 lors du récent Sommet de Séoul recueille l’assentiment
général : « Lorsque nous nous sommes réunis pour la première fois en
novembre 2008 [...], nous avons promis de soutenir et de stabiliser l’économie
mondiale, et [...] de jeter les bases de réformes [...]. Au cours des quatre
derniers sommets, nous avons collaboré à un niveau sans précédent pour mettre
un frein à la chute marquée de l’économie mondiale et pour établir les bases
d’une reprise et d’une croissance renouvelée. [...] Nos efforts assidus et
notre coopération [...] ont donné d’excellents résultats. Nous devons cependant
demeurer vigilants. Des risques subsistent. »
·La « chute marquée » a sans contredit
été freinée. Néanmoins, « des risques subsistent ». En
octobre, le Fonds monétaire international (FMI) a indiqué ce qui suit dans Perspectives
de l’économie mondiale : « [...] les risques de dégradation
restent élevés. La plupart des pays avancés et quelques pays émergents ont
encore des ajustements importants à opérer. Leur reprise est peu soutenue et le
chômage élevé pose de gros problèmes sociaux. Par contre, de nombreux pays
émergents et en développement enregistrent de nouveau une croissance
vigoureuse, parce qu’ils n’ont pas connu d’excès financiers majeurs juste avant
la Grande Récession. »
·Les positions des dirigeants des pays du G20 et
du FMI semblent aller dans le même sens : une reprise durable et saine
repose sur le renforcement de la demande privée dans les économies avancées –
ce que le FMI qualifie de rééquilibrage interne – et une hausse des
exportations nettes dans les pays en déficit conjuguée à une diminution des
exportations nettes dans les pays en excédent – ce que le FMI qualifie de
rééquilibrage externe.
·Pour régler la crise mondiale, les gouvernements
et les banques centrales ont pris diverses mesures. D’une part, les
gouvernements ont mis en œuvre des mesures de relance budgétaire, qui
sont sur le point d’être retirées dans un certain nombre de pays, et d’autre part,
les banques centrales ont abaissé leur cible pour le taux du financement à
un jour et – dans certains pays – adopté d’autres mesures comme des
allègements quantitatifs.
·De l’avis de tous, les mesures de relance
budgétaire et les mesures prises par les banques centrales ont joué un rôle de
premier plan dans la reprise économique. Cela dit, les efforts se poursuivent
alors que les parties tentent de créer des règlements et d’autres mesures de
protection pour éviter qu’une telle crise ne se reproduise. La réglementation
du système financier a constitué un enjeu majeur. Le FMI, dans son dernier
numéro de Perspectives de l’économie mondiale, a signalé une réforme
du secteur financier dans les économies avancées, et a indiqué qu’il
fallait accélérer le redressement et la réforme du secteur financier pour
qu’une « croissance saine du crédit reprenne ».
·Pour répondre au besoin cerné par les dirigeants
des pays du G20 au Sommet de Pittsburgh, c’est-à-dire augmenter le niveau de
capital requis, une initiative importante a été mise sur pied par le Comité de
Bâle sur le contrôle bancaire. Par l’entremise de ce comité, les gouverneurs de
banques centrales et d’autres dirigeants du milieu bancaire ont conclu l’Accord
de Bâle III, qui vise à éviter que les banques ne soient surexposées aux
risques. Il faut garantir la sécurité et la solidité des banques, compte tenu
du rôle de premier plan qu’elles jouent dans nos économies.
·L’Accord de Bâle III vise à renforcer la
réglementation mondiale des capitaux et des liquidités pour améliorer la
capacité du secteur bancaire d’absorber les chocs financiers et économiques.
Les détails n’ont pas encore été définitivement arrêtés et on s’attend à ce que
les règlements finaux ne soient prêts qu’à la fin de l’année, mais le Comité de
Bâle et son organe directeur se sont entendus sur ce qui suit :
·une qualité supérieure ducapital,
l’accent étant mis sur les actions ordinaires;
·des niveaux supérieurs de capitalisation
afin que les banques puissent mieux absorber des pertes comme celles
qu’elles ont subies au cours de la dernière crise;
·une meilleure couverture du risque,
surtout pour les activités du marché des capitaux;
·un ratio de levier harmonisé au niveau
international pour éviter la prise de risques excessifs et pour servir de filet
de sécurité en ce qui a trait à la mesure des fonds propres à risque;
·des réserves de capitaux, qui devraient
être constituées en période de prospérité pour qu’on puisse y faire appel en
période de difficulté;
·des normes mondiales minimums de liquidités,
qui devraient améliorer la résistance des banques aux difficultés à court terme
graves et améliorer le financement à long terme;
·des normes plus solides de contrôle, de
divulgation publique et de gestion du risque.
·En ce qui concerne le contrôle et la
divulgation, il est important de souligner que le pilier 3 de Bâle II
décrit en détail les exigences quantitatives et qualitatives de divulgation
pour les institutions touchées, qui sont liées à la nature, à la taille et à la
complexité des institutions. Les exigences de divulgation touchent plus
particulièrement la structure organisationnelle, la structure financière, la
suffisance du capital, la mesure des risques et la gestion des risques. Ces
renseignements doivent être rendus publics, mais une vérification par des
vérificateurs externes n’est requise que si une autre autorité l’exige, comme
des principes comptables ou la réglementation des valeurs mobilières.
·Au Canada, le Bureau du surintendant des
institutions financières s’assure que nos banques sont sûres et solides, et
offre des lignes directrices sur les normes minimales concernant le ratio
actif/fonds propres et le ratio des fonds propres à risque. Malgré ces normes,
le surintendant a l’autorité voulue pour obliger une institution à augmenter
son capital. Comme nous l’avons observé pendant la récente crise financière et
économique mondiale, les banques canadiennes sont sûres et solides. D’aucuns
ont d’ailleurs affirmé que de nombreux pays auraient intérêt à s’inspirer du
modèle financier canadien.
·La nature et la forme des organes de supervision
varient d’un pays à l’autre, mais en règle générale, les modes de supervision
sans mordant ne permettent pas d’atteindre les résultats voulus. Les règlements
sont utiles, mais ils ne sont véritablement efficaces que lorsque les organes
de supervision veillent à ce qu’ils soient respectés rigoureusement et
appliquent les sanctions juridiques appropriées en cas de non respect
des exigences. L’auto-évaluation et l’examen par les pairs ne fonctionnent pas,
et les sanctions doivent être assez rigoureuses pour induire le comportement
souhaité. Les forces politiques, internationales et institutionnelles ne
doivent pas jouer de rôle à cet égard.
·Il faut penser aux avantages d’accroître les
exigences en matière de fonds propres dans le contexte du resserrement du
crédit associé à une diminution du niveau d’endettement. Le resserrement du
crédit aura une incidence sur la croissance économique, qui sera probablement
plus lente mais relativement plus durable. Des pressions politiques pourraient
être exercées par les parties aux prises avec des problèmes d’emprunt
relativement plus graves.
·Il faut également éviter les différences au
niveau international. Il ne faut pas permettre aux gouvernements de réclamer
des exigences moins contraignantes pour leurs systèmes bancaires. Les
gouvernements ne devraient pas non plus être autorisés à interpréter les
règlements à l’avantage de leurs banques.
·De plus, l’adoption de normes doit se faire de
manière uniforme d’un pays à l’autre, et il ne faut pas permettre d’exceptions
au cas par cas ni de jugements autorisant un pays à se soustraire aux exigences
minimales.
·Une approche basée sur des règles, plutôt
que sur des principes, conjuguée à des moyens d’action rigoureux et
uniformes et à des sanctions sévères, doit être la norme. Les
législateurs doivent veiller à l’adoption d’une telle approche.
La réaction mondiale, les pays en
développement et les objectifs du Millénaire pour le développement
·Sans que les pays en développement n’en soient
aucunement responsables, la crise financière et économique mondiale a touché
les populations les plus vulnérables de la planète. Des organisations
comme le FMI ont fait le constat des répercussions que la crise a eues sur ces
populations. Au printemps 2009, le directeur général du FMI, Dominique
Strauss-Kahn, a indiqué que la plupart des pays à faible revenu avaient échappé
aux premières phases de la crise mondiale, mais qu’ils commençaient à être
durement touchés sur le plan commercial parce que les récessions dans les pays
développés ont provoqué une diminution de la demande de bien importés des pays
en développement.
·De même, au début de la crise, on s’attendait à
ce que les pays en développement connaissent une diminution de 20 % des
investissements étrangers directs en 2009, un manque relatif de crédit et une
augmentation du coût du crédit, là où il serait disponible. On se demandait
aussi à quel point l’aide étrangère allait diminuer en raison des pressions
financières dans les pays donateurs. Ces types de chocs externes ont provoqué
des crises budgétaires dans les pays en développement, ce qui a nui à leur capacité
d’offrir des services de sécurité sociale de base.
·Lors de la 120e Assemblée de
l’Union interparlementaire à Addis-Abeba, en avril 2009, une
résolution unanime a été adoptée. Elle portait sur le rôle des parlementaires
dans l’atténuation des effets sociaux et politiques de la crise économique et
financière internationale sur les groupes les plus vulnérables de la communauté
mondiale, en particulier en Afrique. La résolution exhortait les gouvernements
des pays développés à « assumer dûment leurs responsabilités pour aider à
combattre les effets néfastes de la crise financière mondiale sur les pays en
développement ».
·La réunion d’avril 2009 a été suivie de la Conférence
parlementaire sur la crise économique mondiale tenue par l’UIP en
mai 2009, au cours de laquelle les participants ont accordé une
attention particulière à la nécessité d’atténuer les effets de la crise sur le
développement, ce qui s’inscrit dans le programme de l’UIP sur la coopération
pour le développement. Dans sa déclaration finale, le président de la
Conférence, Theo‑Ben Gurirab, a parlé de certains enjeux mentionnés
précédemment, notamment le redressement et la réforme des systèmes financiers,
et plus particulièrement l’initiative Bâle III.
·En septembre 2010, les
Nations Unies ont publié un rapport sur les progrès réalisés dans le
sens des objectifs du Millénaire pour le développement. Il indique que – dans
les cinq années restantes – « un effort supplémentaire est nécessaire en
matière d’aide, de commerce et de dette pour atteindre les objectifs
anti-pauvreté ». Selon le rapport, même si l’aide a atteint la somme
inégalée de 120 milliards de dollars en 2009, il manque environ
20 milliards par rapport au niveau d’aide annuel convenu il y a cinq ans
lors du Sommet du G8. De plus, on y affirme que même si l’aide passe comme
prévu à 126 milliards de dollars en 2010, cela ne suffira pas pour
atteindre la cible convenue. L’ONU demande un nouvel engagement en faveur de la
cible de 0,7 % du revenu national brut des pays donateurs à consacrer à l’aide
publique au développement. Selon le rapport, il faut aussi « résoudre de
façon globale les problèmes d’endettement de tous les pays en
développement ».
·Les législateurs de tous les pays, mais plus
particulièrement des pays donateurs davantage en mesure d’offrir de l’aide au
développement et de remettre des dettes, doivent continuer d’aider les
populations les plus vulnérables, peu importe la situation financière dans
laquelle les économies avancées se trouvent. Il va sans dire qu’agir de la
sorte répond à l’engagement pris par les dirigeants des pays du G20, au Sommet
de Séoul, c’est-à-dire d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le
développement.
Les mesures d’austérité, le
renforcement de la reprise économique et la création d’emplois
·Comme les dirigeants des pays du G20, le FMI et
d’autres organisations l’ont signalé, la reprise économique mondiale demeure
fragile. De plus, le niveau de reprise économique et le nombre d’emplois créés
varient d’un pays à l’autre. Certains pays commencent à éliminer graduellement
leurs mesures de relance budgétaire, ce qui a des répercussions sur la demande
de biens et de services, et certaines banques centrales commencent à accroître
leurs cibles pour le taux de financement à un jour, ce qui a aussi une incidence
sur la demande.
·Dans ce contexte, il ne faut pas oublier les
conclusions auxquelles sont arrivés les dirigeants des pays du G20 à
Séoul : « Une croissance inégale et l’accentuation des disparités
accroissent la tentation d’adopter des mesures non coordonnées au détriment de
solutions mondiales. Toutefois, des mesures stratégiques non coordonnées
ne feront qu’empirer la situation pour tous. » Ils se sont engagés à
« mettre en œuvre une série de réformes structurelles pour stimuler et
soutenir la demande mondiale, favoriser la création d’emplois et accroître le
potentiel de croissance ». Fait important, ils ont aussi souligné la
nécessité d’adopter des normes sur la capitalisation et les liquidités des
banques, et d’assurer un contrôle et une surveillance plus efficaces.
·Les pays qui commencent à réduire leurs
mesures de relance ne doivent pas oublier que, dans de nombreux pays, la
croissance économique demeure relativement faible et que des milliers de
personnes demeurent sans emploi ou sont sous-employées. Pour donner suite au
constat fait par les dirigeants des pays du G20 de « l’importance du
secteur privé dans la croissance et la création d’emplois », les
législateurs de tous les pays doivent veiller à mettre en place les mesures
stratégiques de collaboration qui s’imposent – y compris l’assainissement des
finances publiques – pour protéger la fragile reprise et pour garantir une
forte croissance économique grâce à la création d’emplois durables.