Conférence parlementaire sur l’OMC
Session annuelle de 2011
Les 21 et 22 mars, siège social de l’OMC à Genève
Résumé des discussions
DÉBAT SUR LE THÈME DE FOND A) : Le
multilatéralisme face à la montée des accords commerciaux bilatéraux et régionaux
Le Sénateur Luis Alberto Heber
(Uruguay), M. Paul Rübig, membre du Parlement européen, et Mme Ditte
Juul-Joergensen, directrice intérimaire, Affaires de l’OMC, Direction générale
du commerce, Commission européenne, font des déclarations sur ce sujet et un
débat s’en suit.
Le système commercial international
semble de plus en plus fragmenté et multicouche. La question est de savoir si
les accords commerciaux bilatéraux et régionaux remettent en cause la
crédibilité et la viabilité de l’OMC. La plupart des parlementaires conviennent
qu’il y a eu une augmentation du nombre d’accords bilatéraux et régionaux en
raison du prolongement des négociations de l’OMC. Or, le système commercial
multilatéral (SCM) demeure l’option préférée de bon nombre de participants
parce qu’il permet aux petits pays d’être traités équitablement, et que c’est
une meilleure plate-forme pour régler certains problèmes comme les subventions
qui perturbent le commerce.
Certains participants estiment
préférable de contrôler les accords bilatéraux que de les retarder. Le SCM doit
rester le fondement du commerce mondial, mais de nombreux parlementaires
pensent que les accords bilatéraux et régionaux sont ici pour rester. Il ne
faut pas les percevoir comme des obstacles, mais plutôt les élaborer de façon à
les rendre complémentaires au SCM. Un bon accord bilatéral doit être ambitieux
(exhaustif sur le plan des produits) et conforme aux règles de l’OMC.
Certains participants font valoir que
plus les négociations de Doha traînent en longueur, plus le SCM perd de sa
crédibilité. Pour eux, une des raisons pour lesquelles le régionalisme n’a pas
été problématique est que le SCM est resté solide pendant la récente récession
économique. Pourtant, la prolifération des accords bilatéraux risque de
susciter une perte d’intérêt dans le SCM, et une façon de freiner cette
tendance est que les négociations de Doha arrivent à des résultats positifs.
DÉBAT SUR LE THÈME DE FOND B) :
Rééquilibrer les règles du système commercial multilatéral au profit des
pauvres
M. Lormus Bundhoo, député (Maurice), M.
Helmut Scholz, membre du Parlement européen, et l’ambassadeur Anthony Mothae
Maruping (Lesotho), président du Comité du commerce et du développement de
l’OMC font des déclarations sur le sujet et un débat s’en suit.
L’objectif de développement, surtout si
on pense aux besoins liés au commerce des pays les moins développés, est d’une
importance capitale pour le Programme de Doha pour le développement, lequel
tente de rééquilibrer les asymétries et les déséquilibres qui touchent ces
pays. En dépit des engagements pris au début du cycle de Doha, on n’a vu aucun
résultat tangible dans le secteur du développement. Les discussions portent sur
les réformes à apporter pour que les pays en développement bénéficient de
l’accroissement de leur part du commerce mondial. Les participants proposent
diverses solutions, mais pour beaucoup d’entre eux, essayer de créer des règles
du jeu équitables et s’attendre à ce que les pays en développement rattrapent
le temps perdu ne doit pas être la seule solution envisagée.
Le sénateur Frank Mahovlich attire
l’attention sur la politique canadienne actuelle de libre-échange, en franchise
de droits, hors quota (DFQF) pour les pays les moins développés comme étant une
des idées les plus avant-gardistes sur le plan de l’admissibilité des pays et
des produits, des règles d’origine et de la facilité d’administration. Selon
certains participants, les politiques DFQF sont importantes, mais il faut aussi
réduire les obstacles non tarifaires et assouplir la règle d’origine. D’autres
proposent que les politiques DFQF pour 99 % des produits ne suffisent pas si
elles ne s’appliquent pas aux services.
Les participants proposent aussi
d’autres solutions, notamment :
·une meilleure cohérence des politiques entre le
commerce et d’autres questions comme la main-d’œuvre ou les questions
environnementales, et entre les accords;
·un système monétaire mondial plus démocratique;
·des politiques pour aider les pays en
développement à se libérer de leur dépendance aux droits de douane comme
principale source de revenus;
·une aide supplémentaire pour les engagements
commerciaux;
·un règlement de la question du coton.
DIALOGUE AVEC LES NÉGOCIATEURS DE
L’OMC : Commerce et développement durable : de la collision à la cohésion
L’ambassadeur Manuel A.J. Teehankee
(Philippines), président de la Session spéciale du Comité sur le commerce et
l’environnement de l’OMC, l’ambassadeur David Walker (Nouvelle-Zélande),
président de la Session spéciale sur l’agriculture, l’ambassadeur Hiswani Harun
(Malaisie), président du Comité de l’OMC sur le commerce et l’environnement, et
M. Bruce Christie, représentant délégué permanent du Canada à l’OMC, font des
déclarations et répondent aux questions des participants.
Le développement durable est au cœur de
la mission de l’OMC. Cependant, le rythme des négociations relatives au mandat
de Doha en rapport avec l’environnement laisse beaucoup à désirer et semble
être lié aux progrès réalisés ailleurs par voie de négociation. Les panelistes
s’interrogent sur le lien entre le besoin de promouvoir le commerce
international et le développement durable. Entre autres
questions abordées, mentionnons :
·la dimension environnementale du cycle de
négociations de Doha (par exemple, l’impact environnemental des subventions à
la pêche);
·le lien entre les règles de l’OMC et les accords
environnementaux multilatéraux;
·le protocole de Montréal relatif à des
substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Le protocole est perçu comme un
accord environnemental qui n’a pas eu d’effet négatif sur le commerce;
·le commerce comme faisant partie de la solution
au développement durable, notamment en se servant d’un avantage comparatif (les
solutions économiquement viables accroissent la production, surtout si les
ressources sont disponibles);
·la réduction des obstacles au commerce pour les
biens d’environnement.
AUDIENCE AVEC LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE
L’OMC
M. Pascal Lamy, directeur général de
l’OMC, fait une présentation et répond aux questions des participants.
M. Lamy donne un bref aperçu de l’état
des négociations. Selon lui, l’aspect règlementaire du Programme de Doha pour
le développement (PDD) est aussi valable que celui de l’accès au marché, mais
la discipline relative aux subventions à la pêche et le mécanisme de garantie
spéciale en agriculture sont quelques-unes des questions les plus complexes à
régler. La prochaine étape pour les présidents des groupes de négociations est
d’indiquer les progrès réalisés à ce jour dans les textes provisoires qu’ils
rédigeront d’ici la fin d’avril 2011. Nous pourrions ainsi avoir une idée de ce
qui reste à faire et disposer d’un outil pour passer à l’étape plus horizontale
des négociations.
M. Lamy parle ensuite des nombreuses
raisons pour lesquelles les pays devraient conclure le cycle de Doha :
cela dynamiserait l’économie mondiale, renforcerait la confiance dans le
système commercial multilatéral et confirmerait le bien-fondé de l’OMC comme
régime d’assurance contre le protectionnisme. Il perçoit l’OMC comme un
catalyseur de confiance et d’unité qui contribue à la stabilité mondiale. Il
rappelle également les avantages du commerce pour la sécurité alimentaire
(libre circulation des aliments en surabondance vers les pays en pénurie), le
changement climatique (échange de technologies vertes négociables), et pour les
pays les moins développés (aide au commerce). Il affirme que le Programme de
Doha pour le développement est aussi pertinent aujourd’hui qu’il l’était il y a
10 ans, quand il a été lancé, et il demande aux parlementaires de faire leur
part pour que cela se poursuive. M. Lamy répond ensuite aux questions des
participants sur les enjeux suivants :
·La ronde actuelle de négociations : M. Lamy
rappelle ce sur quoi on s’est déjà entendus, c’est-à-dire que 97 % des
lignes tarifaires seront en franchise de droits et hors quota pour les produits
provenant des pays les moins développés, et l’élimination des subventions aux
exportations. Il insiste sur le fait qu’il n’y a pas de plan de rechange en cas
d’échec du PDD. Il indique également que de nombreux pays attendent de devenir
membre de l’OMC, et qu’une conclusion positive du PDD rendrait encore plus
attrayante l’adhésion de ces pays à l’OMC.
·Les règles actuelles de l’OMC : M. Lamy dit
que le système de l’OMC pourrait avoir une incidence sur d’autres politiques en
rapport avec des questions émergentes comme les animaux clonés, la taxe sur le
carbone et autres politiques fiscales internes. Il insiste sur l’importance
d’avoir un système de règlement des différends pour régler ces questions si
elles ne sont pas adressées explicitement dans les accords de l’OMC.
·Pays en développement : M. Lamy indique que
les systèmes de règlement des différends sont un bon indice de la quantité
d’échanges effectués à l’échelle mondiale, et que de plus en plus de pays en
développement y ont recours. Or, l’accès aux marchés pour les pays en
développement est une chose, mais transformer cet accès en un commerce tangible
en est une autre. Il insiste sur l’importance du programme d’Aide pour le
commerce pour aider les pays en développement à assumer un rôle plus important
dans le commerce mondial. Il précise que l’Aide pour le commerce a augmenté de
50 % depuis 2005, sans pour autant nuire à d’autres programmes d’aide. Il
faut cependant arriver à mieux mesurer l’impact de l’Aide pour le commerce et à
accroître l’engagement du secteur privé.
·Le système commercial mondial : en réponse
à diverses questions, M. Lamy réfléchit sur le rôle de l’OMC pour régulariser
la volatilité du cours des marchandises, sur l’impact du système monétaire
mondial sur le commerce et sur les liens entre les accords commerciaux
bilatéraux et l’OMC.
·Relations avec des parlementaires : M. Lamy
souligne les avantages d’un plus grand engagement de la part des
parlementaires. L’OMC a créé diverses initiatives pour les parlementaires au
cours des six dernières années. Par exemple, les pays en développement peuvent
inclure des ateliers pour les parlementaires dans leur demande de programmes
d’aide technique.
Réunion-débat interactive : En lien
avec la société : les politiques commerciales à l’ère de la communication de
masse
M. Jamil Chade, journaliste pour l’O
Estado de S. Paulo, (Brésil), Mme Hedayat Abdel Nabi, journaliste (Égypte),
présidente de la Presse Emblème Campagne, et M. John Zarocostas, journaliste au
Washington Times, (États-Unis), président de l’Association des correspondants
auprès des Nations Unies, font des présentations et répondent aux questions des
participants. Le modérateur, M. Niccolò Rinaldi, est membre du Parlement européen
et ancien journaliste.
Les panelistes semblent être d’accord
pour dire que l’intérêt du public et des médias pour l’OMC a baissé au fil des
ans et que le public en général ne comprend pas ce qui se passe. Bien qu’il y
ait eu une plus grande couverture géographique surtout dans les pays
nouvellement intéressés par l’OMC (la Chine, le Brésil, l’Inde, etc.) la
couverture générale a diminué. Par exemple, le nombre de journalistes
accrédités présents lors des évènements de l’OMC est passé de 500 journalistes
à la réunion ministérielle de Hong Kong en 2005 à seulement 30 journalistes
pour le même évènement cinq ans plus tard à Genève. Les panelistes mentionnent
également que certains différends commerciaux ne suscitent pas le même degré
d’attention qu’ils le faisaient il y a 10 ans.
Les panelistes fournissent diverses
raisons pour expliquer cette situation. Ils expliquent la difficulté à
comprendre l’OMC pour le commun des mortels et les personnes non spécialisées,
en raison de la terminologie technique et du jargon. Le manque de transparence
du processus de négociation a également été mentionné comme raison expliquant
la baisse de l’intérêt public. Les panelistes parlent également de la perte de
crédibilité de l’OMC en raison de la durée des négociations de Doha, ainsi que
du système de règlement des différends qui est perçu comme un long processus
qui ne garantit pas que si vous avez gain de cause, vous obtiendrez ce que vous
voulez. Ils mentionnent également le manque de message identifiable comme un problème :
très peu d’histoires circulent sur les impacts positifs ou négatifs des
décisions de l’OMC à l’échelle locale.
Des solutions possibles sont envisagées
brièvement pendant la période de questions. L’engagement des parlementaires
pour faire le contrepoids à l’influence des diplomates à l’OMC a été mentionné
pour améliorer la crédibilité du processus de négociation. D’autres font valoir
le besoin d’élaborer un plan d’action de communication pour que le grand public
ait une meilleure compréhension de ce que fait l’OMC.