Du 7 au 11 avril 2013, neuf parlementaires canadiens se sont rendus
en France pour participer à la 39e réunion annuelle de l’Association
interparlementaire Canada-France (AICF). La sénatrice Claudette Tardif
dirigeait la délégation composée des sénateurs Claude Carignan, Serge Joyal, et
Jean-Claude Rivest, ainsi que des députés Lois Brown, Denis Coderre, Yvon
Godin, Hoang Mai et John Williamson. La délégation était accompagnée par
M. Alexandre Roger, secrétaire exécutif et par Mme Lucie Lecomte,
analyste.
La délégation française dirigée par la députée Catherine Coutelle
était composée des sénateurs Claudine Lepage, Karine Claireaux, Louis
Duvernois, Catherine Morin-Desailly, Charles Revet et André Gattolin
ainsi que des députés Mme Marie-Noëlle Battistel, Laurence Dumont, Marc Le
Fur, Joëlle Huillier, Pascale Got, Patrice Martin-Lalande, Bernard Perrut, Sandrine
Hurel et Michèle Bonneton. La délégation française était accompagnée par
M. Alexandre Michel et Mme Delphine Bert, respectivement secrétaire
exécutif de l’Association interparlementaire France-Canada (AIFC) pour
l’Assemblée nationale et pour le Sénat.
Le présent rapport est divisé en deux parties. La première partie
fait état des rencontres et des visites de sites que la délégation a effectuées
à Bordeaux et dans la région du Médoc en lien avec les thématiques à l’étude,
soit le développement durable et le secteur agroalimentaire. La deuxième partie
traite des rencontres et des réunions thématiques qui ont eu lieu à Paris. Les
réunions thématiques sont au cœur du travail de l’Association. Elles permettent
aux parlementaires d’aborder des sujets d’intérêt commun à partir de
perspectives nouvelles amenées par les dynamiques politiques propres à la
France et au Canada. Les fruits du dialogue ainsi initié peuvent ensuite être
relayés par les parlementaires dans leur Parlement respectif, puis vis-à-vis leur
gouvernement.
Bordeaux et la région du Médoc, 7 au 9 avril 2013
1.Session d’information
La délégation canadienne est arrivée à Bordeaux le 7 avril 2013. Les
parlementaires canadiens ont assisté à une session d’information offerte par
M. Marc Berthiaume, chargé des relations politiques et parlementaires de l’Ambassade
du Canada en France.
Au nom de l’ambassadeur du Canada en France, M. Berthiaume a
souhaité la plus cordiale bienvenue aux parlementaires canadiens. Il a souligné
que la délégation serait reçue à la résidence de l’ambassadeur pour dîner et
discuter des relations Canada-France comme suite à la visite du premier
ministre Ayrault au Canada en mars dernier.
M. Berthiaume a constaté que la visite de la délégation
coïncide avec une période délicate pour la présidence de M. Hollande ainsi
que toute la classe politique française. Dans la foulée de l’affaire Cahuzac,
le gouvernement de François Hollande est impopulaire. De fait, les sondages
démontrent que 70 % des répondants sont insatisfaits du gouvernement
actuel.
Pour contrer les attaques de l'opposition, le président et le
gouvernement promettent la mise en place de mesures beaucoup plus strictes de
divulgation du patrimoine des élus, accompagnées de contrôles plus importants.
Pour sa part, l'opposition reproche au gouvernement d'avoir trop peu
fait avant que l'affaire éclate, si ce n'est d'en avoir été, directement
ou indirectement, complice du mensonge. La presse jongle avec la possibilité
que le président Hollande fasse un remaniement gouvernemental ou un référendum
sur les mesures annoncées pour reprendre la main. Toutefois, tout porte à
croire que l'Élysée évitera un remaniement qui donnerait l'impression d'avouer
que la responsabilité du scandale est collective et non individuelle. Par
ailleurs, un référendum pourrait le desservir en permettant à la
population d'exprimer son manque de confiance envers un gouvernement qui ne
parvient pas, à ses yeux, à surmonter la crise économique et sociale du pays.
En revanche, l’intervention française au Mali représente un moment
fort dans l’opinion publique pour la présidence de François Hollande qui a su
démonter force et leadership.
Enfin, cette crise politique est exacerbée par la crise économique.
La croissance économique est à 0 %, le taux de chômage est à la hausse et
la dette brute représente 90 % du produit intérieur brut. De plus,
l’Europe entière est en crise, il est donc difficile pour la France de se
relever.
2.Visite guidée du centre-ville de Bordeaux et réception de bienvenue
Aprèsla session d’information, les délégués ont participé à
une visite guidée du centre-ville de Bordeaux où l’histoire et l’architecture
étaient à l’honneur. Les délégués ont ensuite assisté à une réception de
bienvenueen présence de Mme Catherine Coutelle, de Mme Joëlle Huillier,
de Mme Pascale Got et du sénateur Louis Duvernois.
3.Visites de sites dans le Médoc
Le 8 avril, la délégation canadienne a entrepris des visites de
sites dans la région du Médoc qui étaient en lien avec les thématiques du
développement durable et du secteur agroalimentaire.
a.Visite de la Réserve naturelle des dunes et marais d’Hourtin
Dans un premier temps, la délégation s’est rendue à la commune
d’Hourtin ou elle a été chaleureusement accueillie à la mairie par
M. Christophe Birot, maire de Hourtin et conseiller général de la Gironde;
M. François Bonnet, directeur régional de l’Office national des forêts (ONF);
et par M. Henri Sabarot, président de l’Office national de la chasse et de
la faune sauvage.
Le groupe s’est ensuite dirigé vers la Réserve naturelle des dunes
et marais d’Hourtin pour une visite et une présentation des enjeux de
développement durable liés à la préservation des milieux fragiles et au cycle
de l’eau en espace littoral forestier. Réserve nationale et forêt de l’État
gérée par l’ONF, la Réserve naturelle des dunes et marais d’Hourtin est la plus
grande réserve naturelle d’Aquitaine (2151 hectares).
La côte d’Aquitaine est une de seules côtes en France qui ne soit
pas urbanisée. L’État est intervenu pour conserver le littoral par acquisition
foncière. Désormais, 80 % du littoral appartient à l’État.
En France, la forêt est gérée de manière multifonctionnelle de sorte
qu’il n’y ait pas de spécialisation de l’espace. L’ONF exploite, tire des
ressources, et conserve le patrimoine naturel. Le concept de gestion
multifonctionnelle comporte un volet social; la gestion et la conservation se
font en accueillant le public.
En matière de gestion de l’eau, une commission locale de l’eau met
en œuvre les schémas directeurs d'aménagement et de
gestion des eaux. Ceux-ci viennent d’être renouvelés.
En ce qui a trait aux coûts associés à la consommation de l’eau, ce sont les
agences de l’eau qui fixent le prix. Le sol dans la région est plat et
sablonneux ce qui explique qu’à l’été il y a une évaporation d’eau de 9 à
10 mm par jour. Ainsi, pour limiter la consommation de l’eau, les
agriculteurs possèdent des compteurs d’eau et doivent produire une déclaration
annuelle à l’agence de l’eau. Le prix est fixé à cinq centimes du mètre cube et
le forage est strictement interdit.
Au sujet des intrants agricoles, les terres sablonneuses filtrent
rapidement les engrais, herbicides, pesticides, etc. Il y a donc un phénomène
de lessivage rapide. Pour cette raison, il était important de développer de
bonnes pratiques et d’utiliser les intrants de manière efficace et efficiente.
Le lessivage des engrais est en partie responsable de l’apparition, dans les
années 1970-1980, de plantes aquatiques non désirables. À l’heure actuelle, le
problème n’est pas trop inquiétant sur le plan de la biodiversité. Néanmoins,
l’ONF surveille l’impact de ces plantes sur les habitats naturels.
Après les présentations sur la gestion de la réserve, la gestion de
l’eau et des intrants agricoles, la délégation a emprunté un sentier pour
visiter les dunes de la réserve. Il s’agit d’un exemple unique de biodiversité.
La bande dunaire est formée de sables apportés par le vent au cours des temps
géologiques récents (moins de 5 000 ans).
Du rivage, situé à l’ouest, jusqu’aux dunes boisées, à l’est, les
forêts succèdent aux habitats ouverts de la dune grise (dune non boisée) et la
dune blanche. Les conditions écologiques particulières de ces derniers ont
permis le développement d’une flore originale à grande valeur patrimoniale. Ces
habitats sont en effet exposés aux embruns salés, à la force du vent, à
l’enfouissement par le sable, à la pauvreté en éléments nutritifs, au manque
d’eau ainsi qu’à des écarts de température importants à la surface du sol. La
forêt des dunes de la bande littorale est aujourd’hui productrice de bois et
participe à la fixation des sables. L’ONF surveille de près les problèmes d’érosion
qui affectent les dunes. On estime que six mètres de plage sont perdus par
année à cause de l’érosion marine.
Après la visite des dunes blanches, grises et boisées de la Réserve
naturelle des dunes et marais d’Hourtin, la délégation canadienne, accompagnée
des députées Pascale Got et Joëlle Huillier, a poursuivi sa découverte de
la région du Médoc. Il s’agit d’une des plus grandes circonscriptions de
France : 115 km de longueur et 75 de largeur. Appelé aussi la
presqu'île, on attribue au Médoc des couleurs qui correspondent à ces
principaux pôles d’activité économique : le Médoc bleu – la mer; le Médoc
rouge – les vignobles et le Médoc vert – la forêt de pins. Depuis l’ouragan de
l’an 2000 qui a dévasté la forêt, des efforts sont faits pour mieux gérer cette
dernière. Un travail de reboisement a été entrepris et les autorités locales
explorent la possibilité de planter des feuillus pour diversifier la forêt
puisque le pin maritime est fragile et facilement inflammable.
Le Médoc compte plus de 1200 propriétés ou châteaux qui produisent
du vin sur place. On y retrouve plusieurs niveaux de producteur. Des
investisseurs étrangers s’intéressent beaucoup au patrimoine des châteaux, mais
la plantation et l’exploitation des vignes sont réglementées et protégées. On
note également que plusieurs châteaux sont exempts d’impôts fonciers alors
qu’ils n’ont pas une vocation (zonage) agricole pure. Certains font pression
pour que, suite à un recensement, la vocation soit modifiée et que des taxes
soient prélevées de sorte à assurer un retour dans les communes et régions
environnantes.
Dans le contexte de la crise économique, on constate qu’un plus
grand nombre de jeunes retournent à la terre et choisissent de vivre au rythme
des saisons. Le secteur agricole offre des perspectives d’emplois. D’ailleurs,
il y a plusieurs projets en développement comme l’établissement d’un parc
national dans le Médoc, l’utilisation des zones humides pour l’élevage et la
mise en place d’exploitation aquacole, notamment le retour de l’ostréiculture.
Néanmoins, il y a un taux de chômage élevé dans le Médoc, notamment chez les
femmes. On voit aussi des jeunes quitter l’école tôt pour travailler à la vigne
ce qui limite, dans plusieurs cas, leurs chances d’avancement professionnel.
b.Visite de la ferme aquacole en marais
salés « Eau-Médoc »
À St-Vivien-de-Médoc, la délégation a été chaleureusement accueillie
par M. Bertrand Iung, exploitant de la ferme aquacole en marais salés
« Eau-Médoc ». La ferme aquacole a été créée il y a 25 ans sur 40 acres
de marais dans une zone de culture céréalière. M. Iung a façonné le
milieu : il a creusé dans une terre argileuse à 98 % de sorte à
former des bassins qui reçoivent l’eau salée.
M. Iung a expliqué que les marais représentent les meilleurs
puits de carbone de la planète, notamment en raison des plantes aquatiques qui
stockent le carbone. Les bassins de la ferme sont aussi marqués par une forte
biodiversité puisque l’eau provient de l’estuaire. Il est à noter que l’eau de
l’estuaire qui entre dans les bassins est plus polluée que celle qui en ressort
en raison de filtrage qui est fait par les plantes et les autres organismes qui
sont présents dans les bassins.
Cette exploitation sur 17 hectares de marais
salés est propice à la culture de gambas,
de crustacés, de palourdes et de naissains d'huîtres. À
l’heure actuelle, M. Iung est en mesure de produire 200 kilos de gambas à
l’hectare. C’est un rendement à densité faible (1 gamba de 20 g au m2),
mais tout à fait volontaire. Cette faible production lui permet de contrôler
toutes les étapes de la chaîne de valeur de son produit, c’est-à-dire de
l’élevage à la distribution.
Éventuellement, M. Iung veut intégrer la culture des huîtres.
Jusque dans les années 1970, presque toutes les huîtres consommées en France
provenaient de l’estuaire de la Gironde. Cette zone traditionnelle
d'ostréiculture a été très fortement perturbée dans les années 1970 par la
découverte de polluants dans l'estuaire : le cuivre, le zinc, et surtout le
cadmium. Cette contamination a pour origine les anciennes mines et anciens
sites industriels situés à plus de 250 km en amont. Les extractions des
métaux et les usines ont laissé des résidus riches en éléments métalliques qui
sont entraînés dans les rivières et le système hydrologique qui alimentent le
Lot, lui-même affluent de la Garonne, qui rejoint, après Bordeaux, l'estuaire
de la Gironde. La présence de ces minerais, notamment le cadmium a un impact
sur la production des huîtres dans l’estuaire de la Gironde. De fait, le
cadmium, jumelé au sodium, crée un complexe salubre que les huîtres stock en
permanence dans leurs tissus. La France a donc adopté des réglementations
visant à encadrer la production et la consommation de coquillages. À l’heure
actuelle, la France mise beaucoup sur le développement des écloseries pour son
approvisionnement en huîtres.
c.Déjeuner et visite du Château Phélan Ségur
Après la visite de la ferme aquacole, la délégation s’est arrêtée au
Château Phélan Ségur pour comprendre comment sont mis en œuvre les principes du
développement durable dans un vignoble. Le château Phélan Ségur est un domaine
viticole de 89 ha situé à Saint-Estèphe. La famille Gardinier, avec le soutien
d'une équipe dynamique dirigée par Véronique Dausse, directrice générale du
château, veille au bien-être de ce cru de grande renommée.
Les terroirs de Phélan Ségur sont situés sur des graves du
quaternaire. Elles sont composées de galets et surtout de graviers enrobés de
sables argileux. Le suivi agronomique porte l’attention en priorité sur la
préservation de la structure du sol afin de permettre une bonne perméabilité de
surface. Les vignes sont plantées en forte densité à 9000 pieds/ha pour un
rendement de 40 hl/ha. Le vignoble, exploité selon les principes de la
lutte raisonnée, couvre près de 70 hectares.
Les vignerons qui suivent les principes de la lutte raisonnée
utilisent moins souvent les traitements chimiques et choisissent des
traitements moins agressifs que les vignerons conventionnels. Quand elle est
pratiquée consciencieusement, la lutte raisonnée peut être très proche de
l’agriculture biologique.
d.Visite de la Ferme Fourcade,
exploitation agricole bovine bio
Après avoir quitté le Château Phélan Ségur, la délégation s’est
rendue à la Ferme Fourcade, une exploitation agricole
bovine dirigée par M. Jean-Denis Dubois. Bon exemple d’une exploitation
agricole qui pratique l’élevage biologique, la Ferme Fourcade a été fondée en
1997 après la première crise de la vache folle. Actuellement, la ferme
compte 350 à 370 têtes de bovins de race limousine.
La ferme a obtenu le label « territoire bio engagé »
d’Arbio Aquitaine, l’association interprofessionnelle bio régionale. Il s’agit
de la première démarche de labellisation bio des collectivités territoriales
proposée en France. Ce label vise à encourager, récompenser et mettre en valeur
les collectivités d’Aquitaine qui ont réussi à atteindre les préconisations du
Grenelle de l’Environnement en termes de surface agricole cultivée en bio (au
moins 6 %) et d’approvisionnement de leurs restaurants collectifs en bio
(au moins 20 % de produits bio dans les menus).
4.Session d’information à la mairie de Bordeaux
La journée du 9 avril a débuté par un entretien avec M. Alain Juppé, maire de Bordeaux et ancien premier
ministre français. M. Juppé a chaleureusement accueilli les délégués
canadiens en évoquant l’importance de l’amitié Canada-France. Il a ensuite
mentionné un certain nombre d’initiatives municipales qui ont été entreprises à
Bordeaux depuis les dernières années et a terminé en souhaitant que cette
visite serve d’inspiration en matière d’urbanisme et de développement durable.
Mme Coutelle a pris la parole pour remercier M. Juppé. Elle a fait le
bilan de la mission, a souligné la vitalité de l’Association interparlementaire
Canada-France et le fait que sous le leadership de Mme Claudette Tardif,
présidente de la délégation canadienne, les échanges permettent aux
parlementaires français de découvrir la francophonie canadienne dans son
ensemble. À son tour, Mme Tardif a remercié M. Juppé de son accueil
et l’a félicité pour le développement de la ville de Bordeaux, une ville
dynamique et moderne qui retient tout son charme d’antan et qui célèbre son
patrimoine unique.
La session d’information organisée par les fonctionnaires de la
ville de Bordeaux a porté sur les plus récentes initiatives municipales en
matière d’urbanisme et de développement durable. Le
premier projet urbain de Bordeaux, conçu en 1996, annonçait le tram, les quais
en tant que nouvel axe de développement et le patrimoine comme élément
fédérateur bordelais. Le deuxième projet urbain, imaginé en 2009, posait les
bases d'une métropole durable capable d'accueillir d'ici 2030 100 000
habitants nouveaux. Depuis 2009, les projets entrent dans une phase
opérationnelle rapide, d'où le troisième projet urbain : « 2030 :
vers le Grand Bordeaux, du croissant de lune à la pleine lune. »Ce
nouveau projet urbain comporte trois grands axes : l’adhésion de ses
habitants impliqués et concertés dans le cadre de la gouvernance voulue par la
Ville; une volonté de croître dans un contexte de crise ; et le
développement de projets engagés.
Il a aussi été question du retrait des automobiles du centre-ville,
de la promotion de la mobilité douce, et l’inauguration en mars 2013 d’un
nouveau pont levant qui franchit la Garonne. En matière de patrimoine, le
classement de Bordeaux au patrimoine mondial de l’UNESCO a eu pour effet de
stimuler l’industrie touristique dans la ville. Au cours des prochaines années,
Bordeaux veut développer sa rive droite pour atténuer le déséquilibre entre les
deux rives. La Garonne doit être perçue comme un catalyseur d’énergie et non
pas comme une barrière.
Bordeaux, comme toutes les villes, fait face à un certain nombre de
défis. L’éloignement des voitures du centre-ville pose un problème pour les
gens qui habitent en périphéries et qui travaillent en ville ou qui doivent y
venir pour accéder à des services publics. Par ailleurs, il est difficile de
se loger à Bordeaux si on a un revenu moyen ou faible. En 2013, Bordeaux était
la 4e ville française la plus dispendieuse. La ville a donc pris des
mesures pour construire des logements abordables afin d’accueillir 100 000
personnes de plus, notamment la mise en valeur de grands espaces vides qui
résultent de la diminution de l’activité dans le port.
5.Visite d’un éco-quartier en développement à Bordeaux
Poursuivant le thème du logement et du développement durable, la
délégation s’est rendue sur le chantier de construction du nouvel éco-quartier
Ginko à Bordeaux. Sa réalisation, confiée à Bouygues Immobilier en 2006,
constitue le fer de lance du grand projet lancé par la Communauté urbaine de
Bordeaux et la municipalité : « Bordeaux 2030, vers une métropole
durable ».
En matière de conservation de l’énergie, les responsables du projet
Ginko affirme que 90 % des logements sont labellisés BBC-Effinergie
(bâtiment Basse Consommation d’Energie) (45kWh/m2 shon/an d’énergie primaire).
Des capteurs solaires complètent le réseau de chaleur et préchauffent en partie
l’eau chaude sanitaire. Des panneaux photovoltaïques produisent de
l’électricité, diminuant ainsi les charges de fonctionnement des équipements du
quartier. Depuis l’été 2012, le chauffage de l’éco-quartier est pleinement
assuré par une chaufferie bois collective exploitée par Cofely (80 % de
biomasse bois et 20 % de biomasse végétale) dont les ressources sont
issues de l’industrie locale. Les eaux de pluie des espaces publics et des
habitations sont récupérées et utilisées pour l’arrosage des jardins. Les
plantes rustiques des espaces verts ont été choisies pour leurs faibles besoins
en arrosage.
L’éco-quartier se veut aussi un milieu de vie et de socialisation.
De fait, il possède déjà un nouvel espace scolaire qui comprend une garderie,
une maternelle et un jardin d’enfants ainsi qu’une école primaire et un centre
communautaire. On y retrouve également une maison polyvalente pour les arts et
la culture ainsi que divers commerces et services. Les premiers habitants sont
arrivés en septembre 2012.
6.Session d’information avec la compagnie pétrolière Vermillon
Afin d’approfondir sa compréhension du développement durable, la délégation
canadienne a assisté à une présentation offerte par M. Jean-Pascal Simard,
directeur des relations publiques de Vermillon, une
compagnie pétrolière internationale basée au Canada. Présente au Canada, en
Irlande, aux Pays-Bas et en Australie, Vermillon est le premier producteur de
pétrole en France. À travers ses puits dans ces bassins aquitain et parisien,
elle produit 9 000 barils par jour, soit près de 50 % de la production
nationale. Cependant, seulement 1 % du pétrole consommé en France est
produit au pays.
Afin de mettre en œuvre les principes du développement durable,
Vermillon récupère les émissions qui résultent de ses opérations de forage et
d’extraction pour alimenter une serre qui produit des tomates et pour fournir
de l’énergie pour la chaufferie d’un éco-quartier.
Paris, 10 et 11 avril 2013
1.Visite de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale
La première journée de travail dans la capitale a débuté par une
visite de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale. Dans la chambre forte de la
Bibliothèque, les conservatrices ont présenté aux délégués de véritables
trésors de l’histoire canadienne et française dont, entre autres, une bible
enluminée, un traité richement illustré sur les peuples autochtones de
l’Amérique, des cartes géographiques de la Nouvelle-France, les manuscrits de
la Marseillaise et du serment du Jeu de paume ainsi que certains ouvrages
manuscrits de Jean-Jacques Rousseau.
2.Première séance de travail sur le développement durable
Après la visite de la Bibliothèque, les parlementaires canadiens et
français se sont réunis pour leur première séance de travail sur le
développement durable.
a.Gestion de l’eau
Mme Marie-Noël Battistel, députée d’Isère, a demandé que la
discussion sur la gestion de l’eau porte sur les barrages hydro-électriques,
une question d’actualité en France. Elle a expliqué qu’Électricité de France
(EDF) est l’exploitant historique et un pilier de la production d’énergie tant
en France qu’en Europe. Cependant, en avril 2010, pour se conformer aux
volontés de l’Union européenne, le gouvernement français a remis en concurrence
les ouvrages appartenant à l’État qui étaient gérés par EDF. Le fait que les
concurrents peuvent venir de l’étranger est un point de litige.
Mme Battistel a par la suite lancé la discussion en demandant aux
parlementaires canadiens d’expliquer la gestion des petites installations
hydroélectriques au Canada.
Le sénateur Claude Carignan a expliqué que la gestion des barrages
et la production énergétique sont de juridiction provinciale. Au Québec, les
sociétés privées peuvent construire et opérer de petites installations hydroélectriques,
mais elles doivent d’abord obtenir l’approbation d’Hydro-Québec. Le sénateur a
ajouté qu’il y a d’autres sources d’électricité comme les éoliennes ou les
usines de transformation de déchets biodégradables. Les grands consommateurs
d’électricité comme les usines et les industries ont souvent leur propre source
d’approvisionnement et peuvent obtenir l’autorisation pour vendre leur surplus
d’électricité dans le réseau. Par ailleurs, le sénateur a souligné que tout le
réseau québécois d’hydroélectricité est soumis à une gestion de pointe et qu’au
Québec, 90 à 95 % de l’électricité est produite par les barrages
hydroélectriques bien que la tendance soit vers les modes alternatifs. Il a
terminé en disant qu’en matière environnementale, le gouvernement du Canada
ainsi que les provinces et territoires appliquent le principe des mesures
compensatoires
M. Hoang Mai a ajouté à la discussion sur les compétences
provinciales en précisant que si les barrages se situent sur des cours d’eau
qui traversent les frontalières provinciales, il est possible que le
gouvernement fédéral intervienne.
M. Yvon Godin a expliqué que les provinces tiennent beaucoup à
la gestion de leur production d’électricité. Il a évoqué l’exemple du
gouvernement de Shawn Graham au Nouveau-Brunswick qui voulait vendre Énergie NB à Hydro-Québec.En vertu de
l'entente négociée entre les gouvernements du Nouveau-Brunswick et du Québec en
2009 et 2010, Hydro-Québec aurait obtenu le monopole du transport et de la
distribution d'électricité au Nouveau-Brunswick à l'exception de trois réseaux
municipaux, situés à Edmundston, Saint-Jean et Perth-Andover. La population du Nouveau-Brunswick s’est opposée au projet et l’entente
de principe de 3,2 milliards de dollars a fini par échouer
en mars 2010. De plus, le gouvernement de Shawn Graham
a été défait aux élections de 2010.
La sénatrice Claudette Tardif a souligné que les sources d’énergie
principales varient d’une province à l’autre. Les provinces de l’Ouest
s’alimentent avec les réserves de pétrole et de gaz naturel.
Bien que les provinces possèdent leurs sociétés d’État, cela
n’empêche pas la concurrence à l’échelle nationale ou internationale. On donne
l’exemple de la contribution financière du gouvernement fédéral pour le projet hydroélectrique terre-neuvien de Muskrat Falls. Cette
contribution consiste en une garantie de prêt de 6,3 milliards de dollars sur
une période 35 à 40 ans. Essentiellement, le projet consiste à transporter
de l’électricité produite au Labrador à Terre-Neuve et à l’acheminer dans le
réseau vers les États-Unis en passant par la Nouvelle-Écosse et le
Nouveau-Brunswick.
Québec
estime que cette décision est une intrusion du gouvernement fédéral dans un
champ de compétence provinciale et a dénoncé la concurrence qui est ainsi faite
— à même les impôts des Canadiens, et donc des Québécois — à l'hydroélectricité
québécoise. Québec a indiqué que l'électricité produite à Muskrat Falls
pourrait emprunter le réseau de distribution québécois à un coût moindre. Le
gouvernement québécois s’est dit très ouvert à une collaboration avec
Terre-Neuve pour le transport de son électricité, mais déplore que l'on
envisage d'utiliser l'argent des contribuables québécois pour financer un
projet qui concurrencera leur électricité. M. Yvon Godin a souligné que le
Nouveau-Brunswick est en accord avec ce projet.
Les délégués constatent que la France et le Canada partagent des
défis communs relatifs à la production de l’électricité. De fait, il y a des
controverses dans les deux pays en ce qui a trait à la construction de nouveaux
barrages, la construction de stations de transfert
d'énergie par pompage (STEP) et même l’installation
d’éoliennes. Les évaluations environnementales bloquent les travaux qui
historiquement, auraient été de l’avant. Au Canada, les peuples autochtones ont
aussi un droit de regard sur l’exploitation des cours d’eau et prennent une
part active à l’élaboration de normes environnementales visant à protéger la
biodiversité et les milieux fragiles.
Le
sénateur Serge Joyal a résumé les propos de ses collègues en disant combien il
était important au Canada de mettre en place une politique cohérente pour le
transport de l’hydroélectricité entre les provinces. En ce qui a trait aux
petits barrages, le Canada tout comme la France tente de trouver un équilibre
entre le développement de l’infrastructure hydroélectrique et les
considérations environnementales, notamment par la mise en œuvre de mesures
compensatoires.
Au
chapitre de la saine gestion de l’eau, le problème du gaspillage est
prédominant. Le changement d’habitudes des consommateurs et les bonnes
pratiques de conservation de l’eau dépendent en grande partie du coût de
consommation et de l’éducation. Le sénateur Claude Carignan a souligné qu’au Canada,
l’abondance de l’eau donne la fausse impression qu’il s’agit d’une ressource
naturelle intarissable. D’ailleurs, au Québec, peu de ménages possèdent un
compteur d’eau. Les ménages qui n’ont pas de compteur payent un montant fixe
qui est déterminé par les municipalités.
En
revanche, on note que les compteurs d’eau sont très répandus en France. On
place même des compteurs individuels dans les logements sociaux au lieu de
compteur collectif. Certaines collectivités en ont dans les appartements pour
sensibiliser les résidents à leur consommation d’eau. Néanmoins, la
réglementation sur l’irrigation des terres agricoles provoque de fortes
tensions.
Les
deux pays ont également un problème de pollution des eaux. Le sénateur Carignan
a expliqué que près de 40 millions de personnes (un
Canadien sur trois et un Américain sur 10) vivent dans la région du bassin des
Grands Lacs. Les lacs doivent répondre à une demande croissante de l’industrie,
des exploitations agricoles et des villes limitrophes. Dans certains des Grands
Lacs, le niveau de l’eau est plus bas qu’il ne l’a jamais été. Par ailleurs, des eaux d’égout brutes sont
encore déversées dans les lacs et les rivières. Une vingtaine de villes
canadiennes et américaines limitrophes des Grands Lacs y déversent chaque année
quelque 90 milliards de litres d’eaux d’égout non traitées.
b.L’utilisation des intrants agricoles
Mme Joëlle Huillier a ouvert la discussion sur l’utilisation des intrants
agricoles. Dans un premier temps, la députée a souhaité faire la distinction
entre l’agriculture biologique qui limite au maximum l’utilisation d’intrants
et l’agriculture raisonnée qui utilise les intrants de manière ciblée et dont
l’utilisation fait l’objet de règlements.
Le développement
de l’agriculture à fort rendement a longtemps bénéficié des intrants agricoles.
Sans contredit, l’usage de ces produits comporte d’importants enjeux de
sécurité sanitaire et peut avoir un impact profond sur la santé des végétaux,
des animaux et des humains. En France, un plan interministériel de réduction
des risques liés aux pesticides a été mis en place en juin 2006 et le Grenelle
de l’environnement a confirmé les orientations de ce plan en prenant plusieurs
engagements. Parmi ceux-ci, citons la réduction de moitié, à l’horizon de 10 ans,
si possible, de l’emploi de pesticides de synthèse et le passage en agriculture
biologique à 20 % en 2020. Ces normes sont conformes à celles de l’Union
européenne.
Le sénateur
Jean-Claude Rivest a pris la parole au nom de la délégation canadienne. De
manière générale, le Canada pratique une agriculture raisonnée. Le pays s’est
doté d’une législation complète afin de promouvoir une utilisation efficace et
efficiente des intrants agricoles. L’Agence canadienne d’inspection des
aliments (ACIA) applique cette réglementation en vue de protéger
l’approvisionnement alimentaire, la santé des animaux et des végétaux et pour
améliorer le bien-être des Canadiens, de l’environnement et de l’économie.
Puisque l’agriculture est un domaine de compétences partagées, les provinces et
les territoires se sont aussi dotés de lois, de politiques ou de programmes qui
visent à réduire l’utilisation des intrants et à promouvoir des méthodes
agricoles respectueuses de l’environnement et des principes de l’agriculture
durable.
Dans le contexte
des échanges commerciaux internationaux, certains défis se posent aux
agriculteurs canadiens. Le processus d’homologation canadien peut parfois être
long, notamment pour les engrais chimiques et les médicaments vétérinaires. Les
agriculteurs éprouvent donc des difficultés à obtenir des intrants qui sont
déjà en usage ailleurs dans le monde. Par ailleurs, la lenteur du processus
d’homologation canadien est un des obstacles non tarifaires qui affectent
l’avance des pourparlers de l’accord économique et commercial global avec
l’Union européenne. De fait, les exportateurs européens se plaignent de la
lenteur du processus canadien d’homologation des nouveaux médicaments
vétérinaires, des retards de traitement des demandes d’autorisation touchant
les additifs alimentaires et des normes canadiennes relatives à la composition
des fromages. Le sénateur Rivest a conclu en disant qu’il serait intéressant
d’examiner comment l’Union européenne, la France et le Canada pourraient
travailler ensemble pour simplifier les processus d’homologation des intrants
agroalimentaires.
Le sénateur
Claude Carignan a soulevé la question de l’utilisation du label
« bio ». Il est clair que l’élevage des animaux ne peut se faire sans
aucun médicament et il faut aussi prendre en considération les intrants que
l’on retrouve dans la nourriture des animaux. Peut-on parler d’une agriculture
purement bio? Comment définit-on ce qui est bio? En France, le label bio
renvoie à des normes précises. Les délégués étaient d’accord sur le fait qu’il
serait important de normaliser la définition du label bio, notamment pour
faciliter le commerce international de produits agroalimentaires.
La discussion sur
les intrants agricoles s’est terminée avec un commentaire sur le laps de temps
entre le retrait des produits interdits et la mise en marché de produits qui
viennent les remplacer. Ces retards sont compréhensibles, mais nuisent au
développement de l’industrie agroalimentaire.
c.La protection et la conservation des milieux fragiles
M. Hoang Mai a
commencé son exposé en expliquant que la protection des milieux fragiles est un
domaine de compétences partagées entre le gouvernement fédéral et les
provinces/territoires. En matière de protection des océans, le gouvernement
fédéral joue un rôle prédominant. Étant donné que le Canada possède un des plus
grands littoraux au monde, le pays s’appuie sur un important corpus législatif
et sur la coopération intergouvernementale. M. Mai a également discuté du
rôle important que jouent les peuples autochtones dans la protection et la
conservation des milieux fragiles.
M. Mai a aussi
souligné que le député canadien Fin Donnelly a présenté
un projet de loi visant à interdire l'importation d’ailerons de requins. Le député a conclu sur le fait qu’au Canada, ce sont les organismes
non gouvernementaux qui sont à l’avant-garde de la protection des océans, du
littoral, des fonds marins et de la vie marine. Bien qu’il y ait des efforts
qui sont déployés sur le plan de l’éducation, il n’y a pas de mesures globales
qui soient orchestrées au niveau national.
Du côté français,
M. Patrice Martin-Lalande a
discuté du programme de protection et de conservation qui a été mis en place à
Sologne, une région qui compte 500 000 hectares de
forêt. La réserve de Sologne figure parmi les 1753 sites français du Réseau
Natura 2000, un ensemble de sites naturels européens, terrestres et marins,
identifiés pour la rareté ou la fragilité des espèces sauvages, animales ou
végétales, et de leurs habitats. Natura 2000 concilie la préservation de la
nature et les préoccupations socio-économiques. Par contre, certaines mesures
prises au niveau de l’Europe dérangent le cycle naturel et avantagent une
espèce au détriment d’une autre. L’exemple le plus frappant est celui des
cormorans protégés dans les pays scandinaves qui nuisent au stock de poisson en
France.
3.Assistance à la séance des questions
d’actualité à l’Assemblée nationale
Après le déjeuner, la délégation canadienne s’est rendue dans la
tribune d’honneur à l’hémicycle pour assister à la séance des questions
d’actualité à l’Assemblée nationale. Elle a été saluée par le Président et
chaudement accueillie par les députés présents.
4.Séance de travail sur les industries
agro-alimentaires
a.Ouverture de la séance de travail par M. Claude Bartolone, président
de l’Assemblée nationale
M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, a
ouvert la séance de travail sur les industries agroalimentaires. Dans son
discours d’ouverture, M. Bartolone a souligné le dynamisme de l’Association
interparlementaire Canada France (AICF) qui illustre parfaitement l’amitié qui
existe entre la France et le Canada. Il a ensuite profité de l’occasion pour
remercier Mme Tardif et Mme Coutelle pour leur travail acharné et
leur énergie intarissable. Il s’est dit particulièrement fier de l’égalité
entre les sexes qui s’exprime, notamment par des présidentes féminines sur les
exécutifs des délégations canadienne et française de l’Association.
Le président a affirmé que le Canada est un fer de lance de la
francophonie mondiale et que toutes les collectivités canadiennes participent à
la vitalité du fait français au Canada. Pour nos deux pays, la langue française
est le véhicule de nos valeurs et le fondement de nos civilisations. De plus,
la France et le Canada sont des partenaires dans la paix et la sécurité
nationale. La présence et le soutien des Canadiens lors de la crise au Mali ont
été indispensables au succès de la mission française. Le président a ensuite
mentionné la force du système financier canadien qui a su résister à la crise
économique qui secoue le monde. Il a aussi affirmé que la France attend avec
impatience la signature de l’entente commerciale entre le Canada et l’Union
européenne pour rehausser les échanges économiques.
Selon M. Bartolone, les travaux comparatifs de l’AICF sont
importants pour comprendre les grands enjeux et les défis communs à nos deux
pays. Les visites de sites enrichissent la connaissance de nos élus et, par
conséquent, contribuent à nourrir les débats publics. En conclusion,
M. Bartolone a affirmé que la diplomatie parlementaire est importante pour
renforcer les liens entre les deux pays.
Mme Tardif a remercié M. Bartolone pour son accueil
chaleureux. Elle a aussi souligné l’excellente relation diplomatique ainsi que
les liens historiques, culturels, linguistiques et même familiaux qui lient la
France et le Canada, et a reconnu l’importance de la visite du premier ministre
Jean-Marc Ayrault au Canada en mars. Mme Tardif a ensuite remercié
Mme Coutelle pour son travail et son dévouement en tant que présidente de
l’Association interparlementaire France-Canada.
b.La salubrité et la traçabilité des aliments
Le sénateur Serge Joyal a ensuite pris la parole sur le thème de la
salubrité et de la traçabilité alimentaire. Au Canada, l’Agence canadienne
d’inspection des aliments exerce toutes les activités fédérales en matière
d’inspection des aliments. Elle est également chargée d’assurer et de contrôler
l’application de la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de
consommation qui s’applique à certains produits alimentaires vendus au
Canada. L’ACIA assume aussi des responsabilités touchant la santé des animaux
et la protection des végétaux. C’est une des rares agences au monde dont les
responsabilités s’étendent sur toute la gamme du cycle alimentaire – tant avant
qu’après la production agricole.
La Loi sur la salubrité des aliments au Canada, promulguée le
22 novembre 2012, a renforcé les exigences en matière de traçabilité. En vertu
de cette loi, le gouverneur en conseil peut régir la traçabilité des produits
alimentaires, notamment en exigeant la création de systèmes servant : à
identifier ceux-ci, à déterminer leurs lieux d’origine et de destination et où
ils se déplacent entre ces lieux, et à permettre la fourniture de renseignements
aux personnes qui pourraient être affectées par eux. Ces nouvelles exigences
ont suscité de vives réactions.
À l’heure actuelle, les règles et les normes en matière de salubrité
et de traçabilité diffèrent d’un pays à l’autre. Cette situation n’est pas sans
conséquence, car elle peut parfois créer des contentieux dans le domaine du
commerce international. Ainsi, tout un défi se pose aux législateurs. Il
fautinstaurer des mesures nationales pour assurer la salubrité des aliments.
Par contre, elles ne doivent pas devenir des obstacles au commerce. Elles
doivent s’harmoniser, dans une certaine mesure, à celles établies par nos
partenaires de manière à assurer le développement de nos secteurs
agroalimentaires respectifs. Il appert que la traçabilité s’est inscrite au
cœur du droit de l’alimentation tant dans l’Union européenne qu’au Canada et
semble être le moyen généralement accepté pour répondre aux exigences de
sécurité alimentaire des consommateurs.
Mme Pascale Got a ensuite pris la parole pour discuter, en
termes généraux, de la filière agroalimentaire en France. Elle a d’abord
affirmé qu’il s’agit d’un formidable levier de l’économie française avec un
rendement de 8 milliards d’euros (11 milliards d’euros si l’on compte les
retombées de la production céréalière, de l’industrie viticole et de
l’exportation des produits de luxe). Pour encourager cette filiale, les
ministres Garot et Le Folle ont organisé et animé des conférences sur
l’industrie agroalimentaire dans différentes régions. Mme Got a également
affirmé que l’État doit investir davantage dans le domaine de l’innovation pour
améliorer les rendements. De plus, l’État français doit mieux soutenir et
structurer les exportations. Elle a parlé, à titre d’exemple, de la mise en
place de mesure pour simplifier les exigences douanières et administratives qui
peuvent freiner le commerce.
M. Marc Le Fur a réitéré le fait que le secteur agroalimentaire
est un important créateur d’emplois partout sur le territoire français,
particulièrement la filiale de l’élevage. Il existe divers types
d’exploitations agricoles en activité en France : classique, capitaliste
et les coopératives agricoles. C’est un secteur d’activités à la fois localisé
et internationalisé ou la concurrence est forte. Néanmoins, il existe des
interrogations sur les métiers agroalimentaires. Plusieurs métiers tombent dans
la catégorie du travail difficile ou pénible ce qui décourage les travailleurs
potentiels.
Le député Denis Coderre a souligné que la tendance actuelle est à la
mise en œuvre de politiques pour assurer la salubrité des aliments qui sont
importés. Par contre, comme parlementaire, il est important de veiller à ce que
ces normes, aussi importantes soient-elles, ne deviennent pas des points
d’achoppements dans le processus de négociations pour l’entente commerciale
globale entre le Canada et l’Union européenne. Au terme de cette réunion de
travail, la problématique de la viande hallal en France ainsi que la question
du gaspillage alimentaire ont été brièvement abordées.
5.Dîner de l’Association à l’invitation
de l’ambassadeur du Canada en France, M. Lawrence Cannon
L’ambassadeur du Canada en France, M. Lawrence Cannon, a
chaleureusement accueilli la délégation canadienne. Après un échange
intéressant sur des questions d’actualité qui touchent la France et le Canada,
M. Cannon a suggéré quelques thèmes qui pourraient être abordés dans le
cadre des prochains travaux comparatifs de l’AICF. Lors de la visite de
M. Ayrault au Canada en 2013, le premier ministre français a été sensibilisé
à la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire, notamment
celle de la communauté francophone de Toronto. L’expansion du français pourrait
donc être un thème à l’étude. Ensuite, l’ambassadeur Cannon a suggéré
d’aborder la question de la mobilité des étudiants et des jeunes travailleurs
entre la France et le Canada.
6.Visite au Centre culturel canadien et déjeuner au Sénat
Le 11 avril, la délégation canadienne s’est rendue au Centre
culturel canadien à Paris pour voir une exposition personnelle de l'une des
plus grandes artistes inuit, Kenojuak Ashevak, décédée le
8 janvier 2013 à Cape Dorset, au Nunavut.
Par la suite, les délégués ont assisté à un déjeuner au Sénat offert
par Mme Claudine Lepage, présidente du groupe d’amitié sénatorial, sous le
haut patronage de M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat.
Les délégués français et canadiens ont poursuivi leur travail lors
de la réunion de planification des prochaines activités de l’Association.
7.Réunion relative aux prochaines
activités de l’Association
a.Lieu et date de la prochaine réunion
Les délégués proposent que la rencontre ait lieu du 1er
au 6 septembre 2013.
Il est suggéré que la délégation française arrive à Montréal et, par
la suite, se rende dans le Nord et le Sud du Nouveau-Brunswick ainsi qu’à
Moncton.
b.Discussion sur les thèmes qui seront abordés
Les délégués proposent de poursuivre l’étude du développement
durable en se penchant plus particulièrement sur la question des pêches et de
l’océan, une thématique importante au Nouveau-Brunswick et en France.
Ensuite, les délégués ont réitéré les propos tenus la veille par
l’ambassadeur du Canada en France, M. Lawrence Cannon, et ont convenu
d’aborder la question de la mobilité des étudiants. Des rencontres avec des
spécialistes de l’Université de Moncton pourraient être organisées dans le
cadre de cette thématique.
La question de l’énergie nucléaire a été évoquée. Bien qu’il
s’agisse d’un sujet important qui évolue rapidement, l’AICF a déjà abordé cette
thématique.
La culture, le patrimoine et la vitalité des communautés acadiennes
et francophones dans les Maritimes pourraient être intégrés au programme,
notamment lors des activités à caractère culturel.
c.Discussion sur la diplomatie parlementaire
Les délégués ont discuté de l’importance d’utiliser les réunions de
travail pour déterminer des stratégies conjointes sur des sujets d’intérêt
commun afin de faire avancer les dossiers.
Il est à noter que toutes les propositions devront être soumises à
l’exécutif de l’Association interparlementaire Canada-France pour approbation.
8.Visite du Palais du Luxembourg avec
M. Damien Déchelette, architecte en chef du Palais et présence dans
l’hémicycle du Sénat
Après la réunion d’organisation, la délégation a effectué une visite
guidée du Palais du Luxembourg avec M. Damien Déchelette, architecte en
chef du Palais. Elle s’est ensuite dirigée au Sénat pour assister au débat
portant sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de
même sexe. La délégation canadienne a été saluée par le Président et chaudement
applaudit par les sénateurs présents dans l’hémicycle.
9.Entretien avec M. Guillaume
Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire
La délégation canadienne s’est ensuite rendue au ministère de l’Agriculture pour un entretien avec M. Guillaume
Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire. La discussion a porté sur
l’entente commerciale et économique globale entre le Canada et l’Union
européenne, notamment l’état des négociations, les points d’achoppement
relatifs au commerce agroalimentaire ainsi que l’impact d’une entente du même
type entre l’Union européenne et les États-Unis.
Les membres de la délégation canadienne ont parlé longuement de la
gestion de l’offre, une question qui préoccupe le Canada et l’impact d’une
entente entre l’Union européenne et les États-Unis sur le commerce
agroalimentaire canadien. Ils ont également demandé au Ministre de commenter le
dossier de l’étiquetage des organismes génétiquement modifiés, les mesures de
traçabilité pour les produits agroalimentaires, les investissements de la
France pour la recherche scientifique dans le secteur agroalimentaire et les
circuits de commercialisation courts.
Le ministre Garot a fait le point sur chacun de ces sujets. Il a
aussi abordé les principales difficultés de la France en matière de commerce
agroalimentaire dans le cadre de l’entente entre l’Union européenne et le
Canada. D’abord, il est question des produits agricoles sensibles comme le bœuf
et le porc. L’élevage étant une filiale de grande importance en France, l’État
veut protéger ce secteur. Il y a ensuite l’indication géographique, les règles
d’origine et l’application d’origine. Au terme de la rencontre, le sénateur
Jean-Claude Rivest a remercié le ministre Garot au nom de la délégation
canadienne.
Conclusion
En conclusion, la 39e Réunion annuelle a été un franc
succès tant au niveau du programme qu’au niveau de l'accueil chaleureux qui a
été réservé aux parlementaires canadiens. Les parlementaires ont témoigné du
sérieux du travail qui a été accompli par la délégation sur le développement
durable et le secteur agroalimentaire, tant sur le terrain, lors des visites de
sites significatives, que lors de sessions de travail plus théoriques. Les
études comparatives à partir des thèmes permettent une meilleure compréhension
des enjeux communs et servent à échanger de meilleures pratiques. Les délégués
ont également souligné l’importance de la diplomatie parlementaire ainsi que le
caractère très convivial et amical des rapports qui se sont établis entre eux.
Des remerciements chaleureux ont également été adressés aux
fonctionnaires des parlements français et canadien, ainsi qu’au personnel de
l’Ambassade du Canada, notamment M. Marc Berthiaume, chargé des relations
politiques et parlementaires, pour leur soutien aux activités de
l’Association. Enfin, les délégués français et canadiens se sont donné
rendez-vous au Nouveau-Brunswick à l’automne 2013.
Respectueusement soumis,
L’hon. Claudette Tardif, sénatrice
Présidente de l’Association interparlementaire Canada-France