L’Association parlementaire canadienne
de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport sur la Visite aux États-Unis de
la Commission de la défense et de la sécurité, tenue du 26 au 30 janvier 2009.
La délégation canadienne était représentée par le Sénateur Joseph Day.
APERÇU GÉNÉRAL
À l’exception de plusieurs lignes de
force générales - attention accrue portée à l’Afghanistan et au Pakistan,
engagement diplomatique multilatéral plus poussé axé sur la coopération et
volonté d’améliorer les relations avec la Russie -, il était encore impossible,
fin janvier, alors que l’administration Obama venait à peine d’entrer en
fonctions, de dire en termes précis en quoi consisteraient les grandes
orientations de la politique du nouveau gouvernement.
De plus, même si les deux partis
partagent, aux Etats-Unis, un vaste consensus sur l’utilité de la défense
antimissile en général, l’administration Obama n’affiche pas, à ce jour, le
même enthousiasme pour ces programmes que l’équipe précédente. L’avenir des projets
relatifs au déploiement de composantes de ces systèmes en République tchèque et
en Pologne restait donc, à l’époque, très incertain.
Enfin, la technologie de défense
antimissile s’était fortement développée durant l’administration Bush au
travers de projets visant à relier entre eux des intercepteurs opérationnels
installés en Californie et en Alaska, et des systèmes de plus courte portée et
des capteurs et des satellites déployés, avec une architecture de commandement
et de contrôle complexe qui serait interopérable avec de futures capacités de
l’OTAN du même type. Les intercepteurs à longue portée basés au sol font
actuellement l’objet d’essais qui n’ont pas encore permis, toutefois, de
confirmer pleinement l’efficacité de ces dispositifs en conditions réelles.
Telles ont été les principales
conclusions de la visite annuelle que la Commission de la défense et de la
sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN a effectuée aux Etats-Unis en
janvier 2009. Emmenée par Julio Miranda Calha, qui préside la Commission, la
délégation composée de 33 parlementaires venus de 17 pays membres de l’OTAN
s’est rendue à Washington où elle a eu des échanges avec le Congrès réuni dans
le cadre de sa 111e session et des hauts fonctionnaires de
l’exécutif, ainsi qu’avec des experts indépendants rencontrés au Centre
d’études stratégiques et internationales (CSIS).
La délégation a aussi visité le siège
de l’Agence de défense antimissile (MDA) et s’est rendue sur la base de l’armée
de l’air de Schriever, au Colorado, où est implanté le centre d’opérations
intégrées de défense antimissile, ainsi que sur la base aérienne de Vandenberg,
en Californie, où sont entreposés des intercepteurs antimissiles.
I.LA TRANSITION
La visite de la Commission a commencé
sept jours après l’entrée en fonctions de l’administration Obama. À l’époque,
seuls quelques hauts responsables de la nouvelle équipe chargée de la politique
étrangère avaient été nommés et l’attention était presque exclusivement
focalisée sur la crise économique ; autrement dit, la phase de transition
était encore loin d’être achevée et il était difficile de dire précisément en
quoi consisteraient les politiques de la nouvelle administration.
Ceci dit, le président Obama en
personne ayant déclaré clairement que l’Afghanistan serait au nombre des thèmes
privilégiés par son administration, on s’attendait en général à ce que les
autres Alliés soient invités, peut-être au cours du prochain sommet de l’OTAN,
en avril, à « s’aligner » sur les nouveaux engagements américains.
De même, le discours tenu par la
nouvelle équipe chargée de la politique étrangère, et notamment par la
secrétaire d’Etat Hillary Clinton et le secrétaire de la Défense Robert Gates,
attestait sans conteste d’un regain d’attention en faveur des alliances et du
multilatéralisme, ainsi que du souhait de nouer une relation plus positive avec
la Russie et de progresser sur des questions comme le Traité START, qui arrive
à expiration.
II.LA DÉFENSE ANTIMISSILE
Un spécialiste du service de recherche
du Congrès américain a rappelé aux délégués que les Etats-Unis n’avaient cessé
de consacrer des fonds à des programmes de défense antimissile depuis les
années 50, et ce quel que soit le parti aux commandes à la Maison Blanche ou au
Congrès. Il apparaît que tant le pouvoir exécutif que le pouvoir législatif
partagent, en particulier depuis 10 à 15 ans, un consensus assez poussé sur le
financement de ces travaux.
Il convient d’opérer une distinction
bien claire entre d’une part, les systèmes de défense antimissile à
relativement courte portée, comme les dispositifs Aegis, Patriot et THAAD,
testés avec succès à grande échelle et mis en service en coopération avec les
partenaires des États-Unis partout de par le monde, et, d’autre part, les
systèmes de défense à longue portée, comme les intercepteurs au sol déployés en
Californie et en Alaska, que l’on projette aujourd’hui d’installer également en
Pologne, et dont les essais et les performances restent à ce jour plus inégaux.
Aux dires des experts, ce consensus
général sur l’utilité éventuelle d’une défense antimissile à grande échelle
s’appuie principalement sur une identité générale de vues entre les deux grands
partis quant à la menace potentielle représentée par l’Iran. Le général de
corps d’armée Patrick O’Reilly, directeur de l’Agence de défense antimissile, a
souligné que son organisation ne s’était vu attribuer aucun mandat ni crédit au
titre de systèmes de défense qui seraient destinés à contrer des capacités chinoises
ou russes.
Ellen Tauscher, membre du Congrès, a
affirmé que la nouvelle orientation des programmes iraniens de missiles
balistiques représentait aujourd’hui une menace pour les membres de l’OTAN et a
lancé un appel pour que les Etats-Unis et leurs alliés s’emploient à coopérer
étroitement pour contrer la menace représentée par ces missiles à courte et à
moyenne portée. Plus précisément, le système de défense ponctuelle proposé pour
l’OTAN ne serait pas simplement destiné à assurer la protection de forces
susceptibles d’être déployées, mais devrait évoluer dans le sens d’un
dispositif qui puisse protéger le flanc Sud de l’OTAN dans son ensemble.
Bien qu’ayant répondu favorablement,
l’an dernier, aux demandes de crédits de l’administration Bush au titre de la
défense antimissile à longue portée, le Congrès a néanmoins posé certaines
conditions, à savoir que les parlements tchèque et polonais ratifient les
accords pertinents avec les Etats-Unis et que les intercepteurs en question
fassent l’objet, préalablement à leur déploiement, d’une certification
garantissant leur efficacité opérationnelle.
Certains observateurs familiarisés avec
le programme ont fait part de leur inquiétude face aux comptes rendus d’essais
menés récemment sur les intercepteurs à longue portée basés au sol. Des
représentants des forces armées ont néanmoins assuré à la délégation que le
programme d’essais était loin d’être terminé et que des conditions de plus en
plus exigeantes de tests en milieu opérationnel permettaient d’améliorer chaque
jour la technologie utilisée. C’était notamment le cas pour l’intercepteur à
deux étages qui devrait être installé sur le futur site d’interception
européen.
Selon les experts, l’administration
Obama adoptera vraisemblablement, en matière de déploiement de défenses
antimissiles, une approche plus prudente devant l’amener à renforcer encore les
règles en matière d’essais et d’acquisition et à replacer sa réflexion sur
l’utilité de la défense antimissile dans le contexte des préoccupations stratégiques
globales des Etats-Unis, et notamment de la relation avec la Russie.
Naturellement, la nécessité de déployer ces systèmes de défense dépend aussi,
dans une large mesure, de la perception de la menace posée par l’Iran. Et il
était simplement trop tôt, à l’époque de la visite, pour dire comment
l’administration Obama se positionnerait vis-à-vis des initiatives et des
intentions de Téhéran.
III.AFGHANISTAN
Plusieurs responsables du département
de la Défense ont admis que l’année 2008, au cours de laquelle les actions
violentes ont connu une augmentation de 40%, avait été difficile et que 2009
pourrait bien être marquée par un niveau de violence du même ordre, voire
supérieur. Axés jusqu’à récemment sur le développement de moyens et de
capacités à l’échelon national, les efforts sont actuellement redirigés vers
les provinces et les districts. L’établissement des registres électoraux en vue
du scrutin présidentiel devant se tenir au mois d’août s’est déroulé dans
d’excellentes conditions, les insurgés n’ayant mené pratiquement aucune action
violente à l’encontre du processus lui-même et des millions d’électeurs afghans
enregistrés.
Le Département d’Etat, tout en
admettant que l’Afghanistan restait confronté à des difficultés, a néanmoins
mentionné certains domaines où des progrès importants avaient été réalisés.
Ainsi, le pays n’a pas connu de gouverneurs plus efficaces depuis des
années ; plusieurs milliers de kilomètres de routes ont été construits
par la communauté internationale, relançant ainsi l’activité économique ;
enfin, les programmes de formation de policiers, autrefois en butte à des
difficultés, ont été améliorés. Par ailleurs, les prévisions font état d’une
nouvelle réduction de la production de pavot à raison de 30% en 2009. Il s’agit
là d’un signe encourageant qui montre bien que les programmes conçus pour
lutter contre ce problème allaient dans le bon sens.
L’analyste indépendant Anthony
Cordesman, invoquant les conclusions que l’on devrait logiquement tirer du
réexamen dont font actuellement l’objet un certain nombre de politiques, a dit
s’attendre à un quasi-doublement des ressources américaines mobilisées au titre
de l’Afghanistan en 2009. D’après lui, les évaluations les plus indépendantes
ne sont guère encourageantes et donnent à penser qu’une défaite reste tout à
fait envisageable. Les objectifs exposés dans l’Afghan Compac sont,
selon lui, tout simplement irréalistes et irréalisables. Le succès (notion à
définir avec la plus grande prudence) reste toutefois possible à condition de
s’organiser de manière plus efficace, en renforçant la présence de forces
américaines et de l’OTAN sur le terrain, en procédant à une mise à niveau
accélérée des forces de sécurité afghanes et en adoptant des mesures
d’encouragement à l’intention des régions du Pakistan hébergeant
l’insurrection.
IV.LA RUSSIE
Selon les responsables, l’année 2008
fut marquée par des relations particulièrement difficiles avec la Russie, en
raison notamment des tensions durables engendrées par les actions de la Russie
en Géorgie et des violations de l’accord de cessez-le-feu, et aussi du projet
d’établissement d’une base militaire russe en Abkhazie. Le fait que les
Etats-Unis et la Russie aient des intérêts en commun donne clairement à penser,
toutefois, que ces relations pourraient s’améliorer.
Andrew Kuchins (CSIS) a déclaré que la
Russie, qui reste aux prises avec un modèle post‑colonial, ne peut se
permettre de mener une politique néo-impérialiste. Les contraintes imposées à
Moscou par une situation financière désastreuse et l’adoption d’une nouvelle
approche par Washington pourraient, selon lui, être propices à une amélioration
des relations entre les deux pays. Il a toutefois tempéré cet optimisme relatif
en évoquant les inquiétudes suscitées par les troubles sociaux que pourrait
entraîner la crise économique en Russie et l’attitude des dirigeants russes,
qui continuent à diaboliser les Etats-Unis.
V.LA CYBERSÉCURITÉ
Dans l’exposé qu’il a présenté aux
délégués, Jim Lewis, directeur du programme « Politique
technologique » du CSIS, a fait état de la menace potentielle à laquelle
tous les pays sont confrontés aujourd’hui de par leur dépendance croissante
vis-à-vis de réseaux informatiques à vocation ouverte et permettant d’agir dans
l’anonymat. Par nature, le système donne l’avantage à l’agresseur plutôt qu’à
la cible. Le marché n’étant pas parvenu à sécuriser le système, il est
indispensable que les gouvernements, tout comme ils prennent les mesures
voulues pour défendre les frontières nationales, édictent des politiques
volontaristes destinées à protéger les cyberespaces nationaux.
Selon Jim Lewis, ce sont les services
étrangers de renseignement, notamment chinois et russes, qui représentent les
menaces les plus graves. Ils disposent en effet de ressources importantes, sont
bien équipés et ont prouvé leur capacité de nuisance en menant plusieurs
attaques avec succès. Viennent ensuite les cybercriminels, dont le niveau de
sophistication est comparable à celui d’un Etat agresseur de dangerosité
moyenne et qui, lorsqu’ils font appel à un marché noir en plein essor
permettant de louer certains moyens à l’heure, représentent une menace majeure
pour les gouvernements.
Hormis le grave péril que représente
l’intrusion dans des réseaux gouvernementaux classifiés, les effets
potentiellement préjudiciables des cyberattaques sont de trois ordres :
d’ordre politique, car elles peuvent entraîner une perte de confiance vis-à-vis
de gouvernements nationaux incapables de faire face à une crise ; d’ordre
économique, en raison des dégâts particulièrement graves que peuvent causer des
activités d’espionnage en termes de propriété intellectuelle ; et enfin,
d’ordre matériel, suite aux perturbations dans le fonctionnement des
infrastructures, comme le système de distribution électrique.
Jim Lewis a suggéré que les
gouvernements adressent des messages appropriés à leurs populations (messages
dissuasifs à l’adresse de l’adversaire, ou rassurants à destination des
opinions publiques), et qu’ils renforcent et fixent clairement les peines
légales auxquelles s’exposent les agresseurs. Il est tout aussi important,
a-t-il encore ajouté, de travailler au problème de l’identification des sources
d’attaques et de renforcer la coopération internationale multilatérale entre
Etats partageant les mêmes intérêts, de manière à pouvoir collaborer rapidement
et efficacement en cas d’attaque et dans le développement de normes et de
règles de cybersécurité.
La délégation a aussi abordé d’autres
questions avec divers interlocuteurs, comme l’évolution de la politique
américaine en Irak; la situation dans le Moyen-Orient élargi - le conflit à
Gaza et ses répercussions, ou l’approche diplomatique globale à adopter
vis-à-vis de l’Iran ; la politique américaine de non-prolifération ;
les nominations prévues à divers postes politiques décisifs aux Etats-Unis et
les répercussions de la crise financière sur divers enjeux stratégiques.
Les réunions de la Commission de la
défense et de la sécurité ont inclus :
Le dialogue parlementaire
Réunion sur les Relations transatlantiques
avec des membres de la délégation
de la Chambre des
représentants auprès de l’AP-OTAN, présidée par John
Tanner,
président de l’AP‑OTAN
Réunion sur Les points de vue du
Congrès sur la défense antimissile, menée par
Ellen Tauscher, présidente de
la Sous-commission sur l’avenir de la sécurité et
des capacités de défense de l’AP‑OTAN
et présidente de la Sous-commission
sur les forces stratégiques américaines
de la Commission de la défense de la
Chambre des représentants
Des représentants du Département de la
Défense
Peter F. Verga,
sous-secrétaire adjoint délégué principal à la défense chargé des Affaires
politiques (par intérim)
Mary Burce Warlick, secrétaire adjointe déléguée à la défense chargée de l’OTAN et des
Affaires européennes (par intérim)
Bobby J Wilkes, secrétaire adjoint délégué à la défense chargé de l’Asie centrale
Christopher C. Straub, secrétaire adjoint délégué à la défense chargé du Moyen-Orient, Bureau
du Secrétaire adjoint à la défense pour les Affaires de sécurité internationale
Dr. Peppino A. Debiaso, directeur, Bureau de la politique de défense antimissile, Bureau du
sous-secrétaire à la défense chargé des affaires politiques (OUSDP)
Des représentants du Département d’État
William J. Burns, sous-secrétaire d’État en charge des Affaires politiques
Marcie Ries,
principale secrétaire déléguée adjointe d’État en
charge des
Affaires européennes et eurasiennes
Pat Moon,secrétaire délégué adjoint d’État en charge de l’Asie Centrale et
du Sud
Ian Kelly,secrétaire délégué adjoint d’État en charge des Affaires européennes
Des visites de bases militaires
Agence de défense antimissile (Missile
Defense Agency – MDA) - Général de
corps d’armée Patrick J. O’Reilly,
directeur
Centre des opérations combiné de
défense antimissile (MDIOC), base aérienne
de Schriever
Académie de l’armée de l’air (USAFA)
Base aérienne Vandenberg, Californie : visite de
l’intercepteur de missiles basé
au sol et des installations liées
Le Service de recherche du Congrès
Carl Ek,
spécialiste en Affaires européennes, Section Europe et Amériques
Steve Hildreth,
spécialiste de politique de défense antimissile, Section politique de défense
et contrôle des armements
Nate Lucas,
directeur des recherches, Section politique de défense et contrôle des
armements
Vince Morelli,
directeur des recherches, Section Europe et Amériques
Centre d’études internationales et
stratégiques (CSIS)
Julianne Smith, directrice du programme Europe
Anthony Cordesman, chaire en stratégie ‘Arleigh A. Burke’
Andrew Kuchins, directeur du programme Russie
Jim Lewis, Directeur du programme politique technologique
Respectueusement soumis,
M. Leon Benoit, député
Président
Association parlementaire
canadienne de l’OTAN (AP OTAN