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BILI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Délibérations du comité mixte permanent
de la Bibliothèque du Parlement

Témoignages du 14 mai 2009


OTTAWA, le jeudi 14 mai 2009

Le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement se réunit aujourd'hui à midi pour étudier le bureau du directeur parlementaire du budget.

Le sénateur Sharon Carstairs et M. Peter Goldring (coprésidents) occupent le fauteuil.

[Traduction]

La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Bienvenue, chers membres du comité, à la réunion du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement. Nous accueillons deux témoins, M. Kevin Page, directeur parlementaire du budget, qui est assis devant vous; et M. William Young, bibliothécaire parlementaire.

Je ferai preuve de flexibilité au niveau du temps de parole attribué. M. Page ne dispose que d’une heure. Toutefois, en cas de questions supplémentaires qui exigeraient que nous continuions la discussion, j’accepterai de prolonger cette heure, car le bibliothécaire parlementaire a déjà témoigné devant le comité. Je veillerai à ce que tous les membres du comité qui ont des questions puissent les poser.

Je rappelle aux sénateurs et aux députés la règle de cinq minutes. Puisque le sujet des délibérations de la séance d’aujourd’hui intéresse bon nombre d’entre vous, nous devrons respecter strictement cette règle. Par conséquent, je vous demanderais d’être aussi brefs que possible en posant vos questions et à M. Page d’y répondre le plus succinctement possible.

Je souhaite la bienvenue au directeur parlementaire du budget, M. Page. Je crois qu’il va faire une déclaration préliminaire. Il nous a remis de la documentation; vous en avez des copies devant vous. Ces documents sont rédigés dans les deux langues officielles.

Nous commençons par la déclaration préliminaire de M. Page.

Kevin Page, directeur parlementaire du budget, Bibliothèque du Parlement : Permettez-moi de commencer en remerciant les coprésidents, le vice-président et les membres du Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement qui ont pris le temps d'examiner les questions portant sur le rôle du directeur parlementaire du budget et qui ont poursuivi le dialogue entrepris l'an dernier au sujet de la mise en place du Bureau du directeur parlementaire du budget.

Ce dialogue porte sur la création d'une institution, le bureau du DPB, et non sur les personnes qui y jouent un rôle ou encore sur les processus bureaucratiques. Nous discutons de différents points de vue en ce qui concerne le rôle positif que le DPB peut jouer ainsi que du type de service que les parlementaires voudraient voir implanter au bureau du DPB pour répondre aux besoins des parlementaires d'aujourd'hui et de demain. Voulons-nous que les parlementaires et les contribuables bénéficient d'un accès amélioré aux renseignements et aux analyses budgétaires? Voulons-nous qu'ils aient accès à une analyse indépendante du gouvernement, de l'économie canadienne et des finances de la nation? Ou souhaitons-nous un directeur du budget auquel on interdit de publier ses rapports aux parlementaires et aux Canadiens et aux Canadiennes dont le financement est insuffisant et dont l'indépendance sur le plan fonctionnel est constamment menacée?

Permettez-moi de commencer par vous dire que c'est un honneur et un privilège pour moi de servir les parlementaires et les contribuables en tant que premier directeur parlementaire du budget au Canada. Tout juste après le premier anniversaire de mon arrivée en poste, je crois qu'il m'est permis de prétendre que ma capacité à servir est arrivée à la croisée des chemins. Le temps est venu d'entreprendre une discussion honnête et ouverte au sujet des exigences et des défis que je dois assumer dans le cadre de mon mandat législatif qui, tel que mentionné à l’article 79.2 de la Loi sur le Parlement du Canada, consiste à « fournir au Sénat et à la Chambre des communes, de façon indépendante, des analyses objectives sur la situation financière du pays, sur les prévisions budgétaires du gouvernement », qui s'élèvent à 236 milliards de dollars, « et sur les tendances de l'économie nationale » qui sont de 1,6 billion de dollars.

J'ai accepté cette nomination du gouverneur en conseil parce que j'ai cru en l'engagement du gouvernement dans son projet de créer une autorité budgétaire parlementaire indépendante pouvant aider à la fois à la restauration de la « vérité budgétaire » et à la réaffirmation du rôle primordial du Parlement dans la gestion de l'argent des contribuables. Dans mes fonctions, j'ai en tout temps et en tous lieux suivi à la lettre la Loi sur le Parlement du Canada et agi dans les limites prescrites par celle-ci. Je ne sacrifierai pas l'intégrité et la non-partisanerie de ce poste en pleine connaissance du contexte dans lequel il a été créé.

À cette jonction, les réductions budgétaires et les contraintes administratives sont employées pour mettre en cause l'intégrité de la législation, ma position ainsi que la fonction de directeur parlementaire du budget. En somme, je ne serai plus apte à remplir le mandat tel que défini par le Parlement.

J'aimerais vous faire part de trois aspects significatifs qui reflètent mon expérience de l'année passée pour remplir mon mandat législatif.

Premièrement, afin de pouvoir servir le Parlement et les Canadiens et Canadiennes de manière efficace, le directeur parlementaire du budget doit être asservi au Parlement, tout en agissant de manière indépendante au moment de produire des analyses. Il ou elle doit s'acquitter des responsabilités qui lui sont conférées par la loi afin d'être libre de toute ingérence sur les plans politique et bureaucratique.

Deuxièmement, le DPB doit faire appel à un modèle de publication entièrement transparent et ouvert pour s'assurer que son analyse fait figure d'autorité, en plus d'être objective et non partisane ainsi que de procurer des avantages aux parlementaires. Telle était d'ailleurs l'orientation présentée au DPB lors de ses consultations avec les parlementaires et d'autres intervenants au cours de l'été 2008. Nous ne pouvons soumettre des questions de transparence budgétaire qu’avec un modèle de publication complètement ouvert et transparent. Le DPB ne peut absolument pas promouvoir la transparence budgétaire s'il fait parvenir seulement à certains parlementaires une information privilégiée ou s'il cache ses résultats lorsque ceux-ci diffèrent de ceux du gouvernement.

Troisièmement, afin de pouvoir servir le Parlement et les Canadiens et Canadiennes de manière efficace, le directeur parlementaire du budget doit produire des analyses de grande qualité. Pour ce faire, il doit pouvoir bénéficier d'un budget adéquat et compter sur des employés possédant une solide expertise de façon à réaliser son mandat législatif, soit appuyer le Parlement dans le contrôle des cordons de la bourse, ainsi que le prévoient la Constitution et la Loi sur la responsabilité.

[Français]

L'exercice financier 2008-2009 — le premier du Bureau du directeur parlementaire du budget — a été un défi de taille à relever. Ce fut une année très particulière pour le Parlement compte tenu de son élection et de sa prorogation et une année également particulière pour les Canadiens et les Canadiennes en raison de la crise économique mondiale.

Dans un tel contexte, mon bureau a mis en place des mesures concrètes : consultations importantes avec les parlementaires, mise en place d'un modèle de publication entièrement transparent, acquisition de compétences véritables et diffusion d’analyses économiques et fiscales aux parlementaires et aux Canadiens et Canadiennes afin de débattre plus longtemps des questions économiques et financières. Ces nombreuses analyses comprennent :

  • la démonstration des coûts de l'impact financier de la présence du Canada en Afghanistan. Il s'agit d'une étude historique. On a délaissé les méthodologies détaillées de cette démonstration des coûts (revues par des pairs) pour contribuer au travail des fonctionnaires et des parlementaires dans un futur rapproché.

  • une analyse des tendances économiques en pleine évolution et de leur impact sur les finances de la nation (équilibres budgétaires cycliques et structurels anticipés) a été présentée à un moment adéquat afin de faciliter les délibérations avant et après le dépôt du budget.

  • des éléments d’analyse spécifiques sur des questions variant de la déflation des prix à la comparaison des listes de conditions des prêts éventuels du gouvernement au secteur automobile, et

  • une analyse de référence des rapports trimestriels de la mise en œuvre du budget basé sur les politiques du Conseil du Trésor ainsi que sur les pratiques exemplaires à l’échelle internationale.

  • Diverses analyses sont en cours de préparation, telles que des estimations des besoins en capitaux dans l’éventuelle construction d’une infrastructure scolaire et son entretien pour les Autochtones; un deuxième rapport trimestriel sur la mise en œuvre du budget 2009; de la recherche de base sur les cadres du rapport financier; ainsi que l’élaboration de modèles économiques visant à rehausser la capacité du DPB de produire une évaluation rigoureuse de la situation et des perspectives économiques et financières du Canada en vue de tabler une analyse des projections budgétaires quinquennale.

    [Traduction]

    Malgré la présentation d'analyses de qualité, nous avons dû surmonter des obstacles considérables reflétant la confusion qui régnait autour de l'esprit et la lettre de la loi ainsi que de l'utilisation connexe des mesures de contrôle administratives visant à empêcher l'indépendance fonctionnelle nécessaire au DPB au moment de produire lesdites analyses. Compte tenu de cette confusion, il a fallu que j'obtienne l'avis juridique d'une tierce partie indépendante de la firme McCarthy Tétrault afin de pouvoir comprendre entièrement mes responsabilités et m’assurer que nous, mon personnel et moi-même, travaillions en toute conformité avec la loi.

    Au moment d’occuper le poste de DPB, j'étais conscient du contexte de cette genèse comprenant, entre autres, les attentes accrues de la population en matière de responsabilité; les préoccupations au sujet des erreurs dans le domaine des prévisions financières, les dépassements des coûts dans le cadre des grands projets d'immobilisations; et, enfin, la Loi fédérale sur la responsabilité qui vise à promouvoir la transparence budgétaire.

    Bref, les assemblées législatives de par le monde participent de plus en plus activement aux questions financières. Le Canada accuse du retard dans l’établissement d’une capacité d'analyse budgétaire qui permettrait au Parlement de bénéficier d'un soutien dans ses obligations fiduciaires relativement à l'examen et au contrôle des deniers publics. À titre d'exemple, les États-Unis ont récemment approuvé une somme additionnelle de 350 millions de dollars pour l'examen immédiat des mesures de stimulation.

    Dans un tel contexte, en tant que premier directeur parlementaire du budget au Canada, je dois relever deux défis. D'une part, réussir à réaliser mon mandat en cette période d'incertitude économique sans précédent au pays à l'échelle mondiale. D'autre part, il me faut solidifier les bases de cette organisation que doit devenir le bureau du directeur parlementaire du budget dans l'avenir.

    À la suite de consultations avec les parlementaires et conformément aux conseils juridiques obtenus par des représentants légaux et respectés d’Ottawa, j'ai fait tout ce qui était possible pour procurer aux parlementaires et aux Canadiens et Canadiennes des analyses financières et économiques faisant figure d'autorité dans le but de les aider à rehausser le niveau du débat, espérant ainsi une amélioration des politiques publiques pour tous. La Loi sur le Parlement du Canada ainsi que l'avis juridique confirment clairement que le mandat de la loi est remis au DPB et non au bibliothécaire parlementaire ni à la Bibliothèque du Parlement.

    J'aimerais maintenant discuter de divers enjeux qui sont apparus lors de mon plus récent témoignage présenté devant le comité. J'ai passé la majeure partie de mes 27 années de carrière à la fonction publique en tant que fonctionnaire affecté au budget. Les agents du budget, qu'ils soient au service du gouvernement ou du pouvoir législatif, tendent à présenter un ensemble commun de valeurs, dont un respect inconditionnel des contribuables et la prudence sur le plan fiscal. Je me suis efforcé de mettre ces valeurs en pratique dans ma fonction de DPB.

    La qualité, la pertinence et le caractère opportun du travail au sein du bureau du DPB, donnent vie à son mandat législatif. Le plan de travail de mon bureau, inclus dans la documentation que nous avons remise, a été complété et nous sommes présentement en train de refuser et réduire la portée de certaines demandes des parlementaires.

    Le plan de travail du bureau du DPB avait été élaboré dans le cadre de consultations intensives et menées régulièrement avec des sénateurs et des députés, en particulier ceux qui siègent au sein des comités mis sur pied par le bureau du DPB, dont certains sont parmi nous aujourd'hui. À la suite de consultations avec les parlementaires, nous avons élaboré une stratégie de diffusion des analyses qui reflète les demandes des clients pour des produits de qualité ainsi que les exigences du bureau du DPB visant à travailler ouvertement avec les experts en la matière des ministères dans le cadre d’un processus d'examen par les pairs.

    Notre approche n'empêche ou ne compromet aucunement la capacité d'un député ou d'un sénateur de faire connaître, à titre de député ou de sénateur, le contenu de nos rapports aux Canadiens et Canadiennes tout en préservant le caractère impartial du bureau du DPB. La divulgation des coûts de l'étude sur l'Afghanistan pendant la campagne électorale n'est devenue possible qu'après que tous les chefs de parti y ont consenti publiquement.

    Une analyse indépendante dans le contexte d'un mandat législatif concret et d'un budget d'exploitation limité nécessite une équipe possédant une solide capacité d'analyse. J'ai réussi à recruter une équipe d'analystes financiers et économiques. Ils sont tous ici aujourd'hui.

    Ces gens proviennent de divers secteurs de budget des organismes centraux de gouvernement, de l'Agence du revenu du Canada, de la Banque du Canada ainsi que du secteur privé. Même si certains ont le titre de gestionnaire, tous contribuent à la recherche et à la rédaction de nos rapports, de sorte que leurs noms apparaissent sur nos publications.

    La structure des ressources humaines du bureau du DPB reflète l'approche des ateliers budgétaires du gouvernement et a été validée par le service des RH de la bibliothèque et par une société d'experts-conseils indépendante, Hay Group.

    Je ne demande pas une cinquantaine d'analystes pour réaliser les objectifs de mon mandat. Je demande seulement le droit de recourir à une douzaine d'individus, les plus compétents qui soient. Je souhaite souligner que la structure de mes ressources humaines est dans les limites du budget planifié de 2,8 millions de dollars.

    [Français]

    En tant que fonctionnaire du budget, je cherche à faire en sorte que le système de gestion du budget et des dépenses du gouvernement soit plus transparent. Au cours de la dernière année, nous avons déployé tous les efforts possibles afin d'intégrer cette valeur indispensable à notre modèle de fonctionnement. Vous trouverez d'ailleurs notre plan d'opération, incluant notre plan des ressources humaines, sur le site web du DPB.

    Ces documents ont été mis à la disposition de l'équipe des finances, à la Bibliothèque et au bibliothécaire du Parlement afin d'aider à lancer le DPB à accéder à son budget prévu de 2,8 millions de dollars aux fins du cadre financier dans le domaine du Budget principal des dépenses de 2009-2010 de la Bibliothèque. Cette information a été présentée au mois de novembre l'an dernier, soit suffisamment longtemps avant pour qu'on puisse l'intégrer au processus de Budget principal des dépenses de la Bibliothèque. Si ce plan avait nécessité de plus amples clarifications, cela ne nous a simplement pas été communiqué.

    En ce qui concerne les opérations que réalise le DPB tout au long de l'année, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les services généraux de la Bibliothèque. Dans le cadre de la planification et de la discussion du Budget principal des dépenses de 2009-2010 de la Bibliothèque, on m'a demandé d'aborder les frais généraux dépassant les 250 000 dollars pour divers services généraux. En tant que fonctionnaire du budget, je ne pouvais verser un tel montant de plein gré sans faire appel à la diligence raisonnable appropriée. Au mois de novembre l'an dernier, j'ai écrit aux fonctionnaires des finances de la Bibliothèque et au bibliothécaire du Parlement afin de leur exprimer mes préoccupations. J'ai leur ai demandé de justifier leur requête en faisant appel à des repères appropriés de façon à tenter de conclure un accord de niveau de services.

    Pour répondre aux besoins opérationnels de DPB et pour assurer une intendance efficace des ressources des contribuables, nous avons procédé à l'impartition de différentes fonctions aux petites entreprises, tiré profit des étudiants ou entreprendre nous-mêmes le travail.

    Au cours de la prochaine année, j'insisterai auprès de mon équipe pour qu’on améliore la transparence. Nous poursuivrons nos pratiques passées en ce qui concerne les produits examinés par les pairs, les produits et le matériel connexe accessibles aux parlementaires et aux Canadiens et Canadiennes sur notre site web qui s'adresse à la population, les consultations détaillées, ainsi que le budget, le plan d'exploitation et le plan de travail qu'on a publiés. Cependant, cette année, j'inclurai également un rapport annuel axé sur les résultats, les leçons apprises, la divulgation proactive et les mises à jour des plans de travail. Je demanderais ainsi aux membres de ce comité d'envisager d'inviter la vérificatrice générale à se pencher sur la question de la fonction de DPB.

    [Traduction]

    Je suis pleinement conscient qu'en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, la Bibliothèque du Parlement abrite le directeur parlementaire du budget et mon personnel fait partie des employés de la bibliothèque. Cependant, je suis personnellement responsable du mandat qui m’a été accordé en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada.

    Afin de le réaliser efficacement, j'aurais besoin de trois choses : premièrement, ramener le budget du bureau du DPB à 2,8 millions de dollars par année; deuxièmement, pouvoir décider du degré de compétences dont j'ai besoin au niveau des classifications de postes afin de pouvoir réaliser le travail, conformément à une évaluation indépendante; et troisièmement, un modèle de publication entièrement transparente et ouverte.

    Avec le temps, les parlementaires pourraient souhaiter procéder à des réformes appropriées de la Loi sur le Parlement du Canada de façon à ce que le DPB et le bureau du DPB jouissent d'une indépendance véritable et d'une confirmation de leur modèle de fonctionnement ouvert et transparent, incluant le changement du processus de nomination. Ainsi, les parlementaires pourraient être responsables de la sélection et, au besoin, de la destitution du DPB dans les cas où cela serait justifié.

    [Français]

    Je vous remercie de votre attention. Il me fait maintenant plaisir de répondre à vos questions.

    [Traduction]

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Merci, monsieur Page. Nous commençons par M. Rickford.

    M. Rickford : Bienvenue, monsieur Page. Tout d'abord, sachez que nous, moi compris bien sûr, vous remercions pour votre travail et vos longs états de service à la fonction publique qui s'étendent sur 27 années.

    Je suis également fier de faire partie du gouvernement conservateur qui a déposé la Loi fédérale sur la responsabilité. Nous pensons que le rôle du directeur parlementaire du budget est important pour les parlementaires et nous espérons aujourd'hui, et à l'avenir, pouvoir travailler avec vous et avec le bibliothécaire parlementaire pour trouver une solution satisfaisante à ce problème.

    Jusqu’à présent, j’ai étudié la loi surtout dans le contexte des questions que j’ai présentées au comité. Je soulèverai donc deux questions essentielles que vous avez déjà mentionnées.

    Il m’apparaît évident que la Loi fédérale sur la responsabilité établit le poste de directeur parlementaire du budget, dont le titulaire est membre du personnel de la Bibliothèque du Parlement, et que le poste est sous l’autorité du bibliothécaire parlementaire, pour ce qui touche à la gestion. Nous allons nous pencher particulièrement sur le paragraphe 75(2) et ceux qui suivent. Êtes-vous d’accord?

    M. Page : Oui, je le suis; d’ailleurs le communiqué de presse annonçant ma nomination indiquait très clairement que Kevin Page est un fonctionnaire indépendant au sein de la Bibliothèque du Parlement, selon les dires des Présidents.

    M. Rickford : Nous y reviendrons, monsieur Page. Merci.

    À quel moment cette structure a-t-elle commencé à vous préoccuper? Était-ce avant d’accepter le poste et d’avoir pu examiner la façon dont la loi aurait pu nuire à l’exercice de vos futures fonctions?

    M. Page : Qu’entendez-vous exactement par « structure »?

    M. Page : Je veux dire qui, selon la loi, du paragraphe 72(2) à l’article 78, gérait la bibliothèque et qui en assurerait la présidence? Vos fonctions entrent dans ce cadre.

    M. Page : L’ampleur du mandat, telle que décrite dans la Loi sur le Parlement, me préoccupait vivement avant même d’entrer en fonction. Ayant travaillé dans les trois organismes centraux et sachant ce qui est requis pour fournir des analyses économiques et de la situation financière du pays, des méthodes d’établissement des coûts, l’examen des budgets des dépenses pour 95 organismes ou plus, l’ampleur même du mandat m’inquiétait beaucoup.

    M. Rickford : Vous dites avoir eu de graves préoccupations. Dans ce cas, pourquoi avoir accepté le poste?

    M. Page : Vous pouvez poser cette question au bibliothécaire tout à l’heure, car il faisait partie du comité qui m’a sélectionné. Nous avons eu une discussion ouverte et honnête à l’entrevue. Dans l’année précédant l’entrevue, j’avais plusieurs fois décliné les invitations qui m’avaient été faites de me rendre à cette entrevue, pour des raisons personnelles et professionnelles.

    Côté professionnel, mes raisons étaient surtout dues à l’ampleur du mandat et au budget limité. Finalement, quand j’ai accepté d’aller à l’entrevue, on m’a demandé si j’avais des questions importantes ou des conditions. J’ai répondu que j’en avais quelques-unes. Premièrement, il me fallait recruter des gens capables de faire le travail; si on m’accordait un budget de 2,8 millions de dollars, je devais trouver des gens ayant de l’expérience dans ce genre d’analyses.

    M. Rickford : Je comprends bien, monsieur Page. Je suis sûr que les ressources feront l’objet d’autres questions. Cependant, dans les cinq minutes qui me sont attribuées, je veux parler essentiellement du libellé de la loi tel que nous le lisons.

    Vous avez dit que l’analyse indépendante est énoncée à l’alinéa 79.2a). Si je comprends bien, la seule référence faite dans l’alinéa concernant la « façon indépendante » est quand il est dit qu’il faut fournir au Parlement, de façon indépendante, des analyses de l’état des finances de la nation et de l'économie nationale. Autrement dit, les références à la refonte des dispositions actuelles de la loi sont évidentes; elles visent l’analyse et pas le bureau. Reconnaissez-vous que la notion d’analyse indépendante se limite très clairement à l’état des finances de la nation et à l'économie nationale et pas à l’ensemble de votre bureau?

    M. Page : Je pense qu’il est clair qu’il s’agit d’une analyse indépendante. Faut-il être indépendant pour fournir des analyses indépendantes? C’est une question que l’on peut se poser. Bien sûr, il y a eu le communiqué de presse du gouvernement annonçant que je suis un directeur indépendant et que la Bibliothèque du Parlement abrite mon bureau.

    M. Rickford : Pouvez-vous nous montrer quelque chose dans cette loi qui donnerait à entendre que c'est le bureau et non l'analyse qui doit être indépendant, uniquement à des fins d'interprétation?

    M. Page : Dans cette loi, non. Vous avez raison : elle prévoit une analyse indépendante. L'article 79.2 débute par : « Le directeur parlementaire du budget a pour mandat… » Le mandat appartient au directeur parlementaire du budget et je fournis l'analyse indépendante.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Merci, monsieur Rickford. Votre temps est écoulé.

    M. Malhi : Lorsque vous avez été nommé dans le poste de directeur parlementaire du budget, quels engagements a-t-on pris envers vous en termes de financement et est-ce que ces engagements ont été respectés de manière constante?

    M. Page : Le budget qu'on m'a donné et qu’on m’a informé que j'aurais au cours de la première année était de 1,8 million de dollars. Pour la deuxième année, il était de 2,8 millions de dollars. C'était le budget sur lequel je comptais, alors nous avons élaboré un plan de ressources humaines fondés sur ce budget.

    M. Malhi : Compte tenu du budget actuel, êtes-vous en mesure de faire face à la demande qui touche votre bureau?

    M. Page : Il est raisonnable de dire qu'avec un budget de 2,8 millions de dollars, il est très difficile de réaliser le mandat dans toute son étendue. Étant donné les compressions budgétaires actuelles, qui fixent le budget à 1,8 million de dollars, il n'est pas possible de fournir beaucoup d'analyses par rapport au mandat.

    M. Malhi : Merci.

    M. Braid : Merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui, monsieur Page, de votre patience tout au long de ce processus et de l'excellent travail que vous faites au service des parlementaires.

    Je voudrais parler du processus d'élaboration de votre budget de fonctionnement et comprendre cette question un peu plus. Comme vous le savez, le présent comité a entendu un certain nombre d'experts qui sont venus donner de l'information générale sur la création de votre bureau. Un de ces experts, qui a également participé à la création du DPB, était M. Joe Wild du Conseil du Trésor. En ce qui concerne le processus budgétaire, il a dit le 26 mars que le budget des dépenses de la bibliothèque est préparé par le bibliothécaire parlementaire et approuvé par les présidents de la Chambre des communes et du Sénat. Il est ensuite transmis au président du Conseil du Trésor qui le dépose devant le Parlement et rien de plus. Est-ce une description exacte du processus d'élaboration du budget de la bibliothèque?

    M. Page : C'est bien ce que je crois comprendre de ce processus.

    M. Braid : Le budget de la bibliothèque et, par voie de conséquence, celui du directeur parlementaire du budget qui est logé au sein de la bibliothèque, est fixé par le bibliothécaire en chef, est-ce exact?

    M. Page : C'est exact.

    M. Braid : Votre budget de fonctionnement pour cette année est d'environ 1,8 million de dollars. Quel est le nombre autorisé d'ETP au sein de cette enveloppe budgétaire?

    M. Page : Lorsque vous parlez de budget de 1,8 million de dollars, vous faites allusion à 2009-2010?

    M. Braid : C'est exact.

    M. Page : À l'heure actuelle, il est juste de dire que nous avons un excédent de personnel par rapport au budget de 1,8 million de dollars parce que nous avons élaboré un plan de RH et que nous avons eu des concours à l'automne 2008, essentiellement en fonction d'un budget de 2,8 millions de dollars. Par conséquent, le bureau compte actuellement 13 personnes, moi inclus.

    M. Braid : Quel serait le nombre approprié ou autorisé d'ETP correspondant à 1,8 million de dollars?

    M. Page : Il s'agirait probablement de moins de 10 personnes pour assurer un examen d’un budget des dépenses de 239 milliards de dollars et faire une analyse économique d'une économie qui s'élève à 1,6 trillions de dollars.

    M. Braid : Alors, comment les trois employés additionnels sont-ils payés?

    M. Page : En ce moment, je crois qu'il est juste de dire que nous puisons dans nos dépenses de fonctionnement non salariales. En fait, comme le Comité des finances de la Chambre des communes nous a demandé de produire un second rapport trimestriel, nous devons renouveler des contrats avec des sociétés de modélisations économiques et des sociétés de données de Toronto. Par conséquent, à l'heure actuelle, nous sommes sérieusement en danger de ne pas pouvoir remplir cette demande du Comité des finances de la Chambre des communes.

    M. Braid : Vous avez dit dans votre exposé que vous êtes forcé de refuser ou de réduire la portée de certaines demandes. Avez-vous des données sur le nombre de demandes que vous n'avez pas été en mesure de…

    M. Page : Dans la documentation, vous trouverez un certain nombre de demandes que nous avons reçues des parlementaires. Dans certains cas, il s'agit de projets de loi d'initiative parlementaire. Dans certains cas, on demande uniquement les répercussions sur des projets de loi d'initiative parlementaire. Il y a également des demandes portant sur de grands projets de TI pour lesquelles nous n'avons pas les ressources nécessaires.

    M. Braid : En ce qui concerne le processus budgétaire — la première question que je vous ai posée —, si vous croyez avoir une raison qui justifie un budget plus important, ne suivriez-vous pas le processus d'établissement du budget au sein de la Bibliothèque du Parlement pour défendre votre point de vue et chercher à obtenir ce budget additionnel?

    M. Page : Nous l'avons fait, monsieur. À l'automne 2008 — en novembre, pour être plus précis —, nous avons déposé notre plan budgétaire, notre plan de RH, fondé sur un budget de 2,8 millions de dollars, qui était notre budget planifié.

    Pour être clair, lorsque le gouvernement adopte une loi aussi importante que la loi sur la responsabilité, des gens comme moi — j'étais secrétaire adjoint au Bureau du Conseil privé — voient à mettre de côté les sommes d'argent appropriées pour la mise en oeuvre de cette loi. À ce moment-là, dans le cas d’une mesure créant un agent de responsabilité, nous aurions mis de côté les ressources permanentes appropriées dans le budget. C'est ce que le ministère des Finances et le Conseil privé font lorsqu’ils mettent le budget ensemble.

    M. Braid : Pour ce qui est de l'avenir, êtes-vous prêt à suivre le processus budgétaire interne au sein de la Bibliothèque du Parlement?

    M. Page : Absolument, monsieur. Nous suivons le processus budgétaire, que ce soit dans l’avenir ou dans le passé

    [Français]

    M. Plamondon : Merci Madame la présidente. J'ai lu le rapport de McCarthy-Tétrault, une firme de consultants embauchée pour analyser votre rôle, vos fonctions et aussi faire un commentaire sur le rôle du bibliothécaire en chef. Est-ce que je me trompe en disant que votre nomination relève du gouverneur en conseil qui vous donne des pouvoirs spéciaux?

    M. Page : Je suis responsable du mandat du directeur parlementaire du budget. Je ne sers pas la Bibliothécaire du Parlement.

    M. Plamondon : Elle vous accorde des pouvoirs qui vous sont propres. Est-ce que ces pouvoirs vous donnent accès à des documents que le bibliothécaire en chef ne pourrait avoir par rapport à ses propres pouvoirs?

    M. Page : Oui, je comprends la question. Il y a la section 79(3) en prévision de trouver des informations importantes au sein des différents ministères, dont le ministère des Finances. C’est un privilège qui est accordé aux directeurs parlementaires du budget, pas à la Bibliothécaire du Parlement.

    M. Plamondon : C'est un privilège spécifique à vous d'avoir accès à des documents du gouvernement qui, habituellement, ne sont pas à la disposition du bibliothécaire en chef ou de la Bibliothèque en général.

    M. Page : Oui.

    M. Plamondon : Cela vous permet de faire des analyses plus précises et plus près de la réalité. Disons entre guillemets que « vous pouvez faire une critique plus objective si c’est le cas ». N’est-ce pas?

    M. Page : Une critique plus objective et plus indépendante.

    M. Plamondon : La firme McCarthy-Tétrault semble dire que votre rôle est de supporter les parlementaires, non pas d'être au service de la Bibliothèque comme telle ou du bibliothécaire en chef, mais bien de répondre directement aux parlementaires sans avoir la bénédiction du bibliothécaire en chef.

    M. Page : Oui, je sers les parlementaires, pas la Bibliothécaire.

    M. Plamondon : Et c’est très clair dans vos fonctions?

    M. Page : C’est clair pour moi.

    M. Plamondon : Et c'était clair lorsque vous avez fait l'entrevue pour l’obtention du poste?

    M. Page : Oui.

    M. Plamondon : Et lorsque McCarthy-Tétrault parle du rôle du bibliothécaire parlementaire, il semble le confiner à un rôle un peu sévère de classement de livres. Il ajoute également que c'est devenu, par la coutume et non pas par la loi, un service aux parlementaires, tandis que vous, c’est par la création du poste que vous avez le devoir et l’obligation de servir les parlementaires, ce qui est différent du bibliothécaire en chef. N’est-ce pas?

    M. Page : Absolument. Mais, à mon avis, le mandat du directeur parlementaire du budget est peut-être plus explicite que le mandat du bibliothécaire du Parlement.

    M. Plamondon : Le mandat du bibliothécaire s’est établi par la coutume et les habitudes au cours du temps, tandis que votre rôle est très précis.

    M. Page : Oui.

    M. Plamondon : Cela me satisfait pour le moment, madame la présidente.

    La présidente : Merci beaucoup.

    M. Page : J’aimerais ajouter quelque chose. À mon avis ce n'est pas seulement un geste pour le bibliothécaire du Parlement. Il est possible d'examiner la législation en général parce que certains aspects du mandat du bibliothécaire, comme celui de la recherche, ne sont pas dans le mandat de la Loi du Parlement.

    M. Mulcair : Les lois sont interprétées dans un contexte. Le contexte est tantôt interne au document lui-même, tantôt externe.

    [Traduction]

    Si nous regardons le mandat du directeur parlementaire du budget, M. Page a été assez exact dans sa réponse à M. Rickford. Il est la personne qui a le mandat de nous fournir cette information. Toutefois, c’est le cours d'Administration publique 101 qui dicte au Parlement d'économiser de l'argent et de dire : nous devons le confier à une institution existante, plutôt que de tout recréer.

    Je n'ai jamais eu de problème avec la Bibliothèque du Parlement. Ces gens font un excellent travail à l'intérieur de leur mandat, qui comprend les graphiques, les portraits, les dossiers, les livres, « et cetera ». Pas de problème. Ils font un très bon travail, mais nous avons confié M. Page et son groupe au bibliothécaire. Et nous avons également eu confiance qu'ils respecteraient l'indépendance qui est établie ici exactement.

    Une partie du contexte externe, c'est la suite de citations provenant de tout le monde, depuis le premier ministre jusqu'au président du Conseil du Trésor d'alors, John Baird. Ils disent tous très clairement que ce que le Parlement voulait, ce dont il avait besoin et ce qu’il a créé était un agent indépendant.

    [Français]

    Monsieur Page, pouvez-vous nous dire ce dont vous avez besoin, outre les 2.8 millions de dollars, pour que nous n’ayons plus à vivre cela? Que doit-on clarifier? Selon vous, est-ce essentiel de modifier la loi ou est-ce qu’on doit seulement respecter l'autonomie qui, pourtant, a été prévue par l’ensemble des partis?

    M. Page : Certes j’ai besoin d'autonomie et pour moi c'est le plus important. Par contre, si les parlementaires veulent réexaminer le mandat qui est vaste, s’ils veulent clarifier des questions d’indépendance ou des modèles de transparence, c’est leur décision et non pas la mienne.

    [Traduction]

    M. Mulcair : Madame la présidente, il est crucial pour notre capacité de faire notre travail fondamental d'avoir quelqu'un qui nous donne un avis indépendant, objectif et solide. C'est au fruit qu'on juge l'arbre.

    Ici nous avons quelqu'un qui, à maintes reprises, nous a fourni des recommandations, de l'information, des avis et une analyse qui différaient de ce que nous fournissait le ministre des Finances. À maintes reprises, l'avis, l'information et l'analyse de Kevin Page se sont révélés exacts. Et en situation de gouvernement minoritaire, le besoin d'un avis objectif valable est plus important que jamais. Nous devons tous travailler ensemble pour obtenir des résultats parce qu'il faut au moins deux partis pour faire adopter quoi que ce soit.

    Je peux affirmer catégoriquement que le Nouveau Parti démocratique du Canada appuie fermement M. Page dans sa démarche pour obtenir un budget complet, comme on le lui avait promis. Nous sommes également favorables au respect complet de son autonomie comme le prévoit la loi et comme on l'a promis dans le cadre d'une série d'interventions politiques. Nous sommes fortement convaincus que cela constitue une partie du contexte externe qui doit nous guider dans l'interprétation de cette loi. Si effectivement cette loi comporte certaines lacunes — je ne crois pas que ce soit le cas —, nous pouvons toujours la modifier.

    Il existe une vieille règle dans le domaine de la législation qui veut que lorsque vous rédigez une loi, il ne suffit pas d'être suffisamment clair pour qu'une personne de bonne foi puisse la comprendre; elle doit être suffisamment claire pour qu'une personne de mauvaise foi ne puisse pas mal la comprendre. Je pense que nous sommes ici dans la deuxième catégorie. Nous n'avons pas besoin de changer la loi si nous retournons dans la première catégorie.

    M. Boughen : Dans votre budget, est-ce que les 2,8 millions de dollars figurent dans celui de la bibliothèque ou est-il distinct de celui-ci?

    M. Page : Je vois cela comme étant inclus dans le budget de la bibliothèque. Toutefois, pour l'avenir, quelqu'un pourrait vouloir considérer, étant donné la nature indépendante du travail exigé, si un budget des dépenses particulier est contenu dans celui de la bibliothèque, mais est également distinct de celui-ci.

    M. Boughen : À titre d'agent, vous êtes une personne indépendante dans le gouvernement, mais vous faites quand même partie de la bibliothèque et vous relevez du bibliothécaire parlementaire, est-ce exact?

    M. Page : Sur le plan administratif, nous respectons toutes les politiques de la bibliothèque, monsieur.

    M. Boughen : Dites-vous que vous avez besoin de plus d'indépendance que vous en avez à l'heure actuelle ou que l'indépendance dont vous jouissez à l'heure actuelle est suffisante tant et aussi longtemps que la loi est interprétée telle qu'elle est censée avoir été rédigée?

    M. Page : Nous avons attendu certaines questions aujourd'hui au sujet de la façon dont la loi a été rédigée et si la façon dont elle a été rédigée est conforme à l'esprit de la Loi fédérale sur la responsabilité.

    M. Bélanger : Monsieur Page, j'ai deux séries de questions. D'abord, il y a la question de la politique de publication, faute d'une meilleure expression. Personnellement, je n'ai pas de difficulté avec les études que vous avez entreprises et que vous avez l'autorité d'entreprendre en vertu des lois. Vous diffuseriez l'information à grande échelle et c'est ce que l’on attendrait. Toute ingérence ne serait pas tolérée.

    Je suis là depuis un certain temps et j'ai eu l'occasion d'utiliser les services de la bibliothèque à un certain nombre d'occasions lorsque j’étais en train de préparer un travail ou un projet quelconque. Lorsque j'ai demandé de l'information, on me l'a donnée de manière que je puisse décider comment procéder et comment l'utiliser. Je n'ai pas eu à vivre la situation où cette information était affichée pour consommation sur Internet, si vous voulez; pourtant, cela semble être l'orientation que vous voulez suivre.

    Pourriez-vous nous expliquer comment vous en arrivez à la conclusion que vous n'allez pas permettre à un comité, ou à un député, ou à un sénateur, de décider quoi faire de l'information qu’il vous a demandée et que vous n'auriez pas été d'accord de lui fournir?

    M. Page : Certainement.

    Nous avons besoin à la fois du modèle de publication de la bibliothèque — la façon dont la bibliothèque travaille avec les parlementaires individuels — et du modèle DPB pour fournir une analyse indépendante concernant les tendances économiques, la situation financière du pays, « et cetera ».

    À la bibliothèque, il y a 100 attachés de recherche et 30 économistes. Comme vous l'avez souligné, vous avez eu recours à ces ressources. Si vous aviez un projet de loi d'initiative parlementaire pour lequel vous aviez besoin d'une estimation grossière des coûts, ce service vous est accessible à l'heure actuelle. À ma connaissance, nous n'avons pas fait de compressions dans ces ressources substantielles.

    J'ai environ une douzaine de personnes. La nature du travail et du mandat est différente lorsqu'il s'agit de l'examen des prévisions budgétaires et de l'analyse indépendante de l'économie et de la situation financière du pays. Lorsque nous travaillons, nous devons le faire d'une manière différente avec les ministères pour obtenir l'information, et nous devons travailler avec des comités d'évaluation par des pairs, le cas échéant. Nous fonctionnons automatiquement en mode ouvert de manière à vous donner le meilleur produit.

    Lorsque nous diffusons les produits, nous travaillons avec vous, de la même manière que nous travaillons maintenant avec un député du NPD sur un produit, qui sera rendu public dans deux semaines et qui porte sur l'infrastructure d'éducation pour les Autochtones. Pour ce qui est du moment de la publication, nous n'avons pas de problème, dans la mesure où, lorsqu'il y a publication, il est clair que le travail du DPB était tel qu'en bout de ligne, je suis responsable du travail du DPB.

    M. Bélanger : Mon problème n'est pas là. Le problème est le suivant : qu'arriverait-il si le député ou le comité décidait de ne pas diffuser l'information et d'attendre parce que le projet de loi d'initiative parlementaire sur lequel il travaillait n'ira pas de l'avant? Continueriez-vous d'insister pour que l'information soit publiée?

    M. Page : Nous ne voulons rien enlever au rôle important et à la fonction importante qu'assure la bibliothèque en ce qui a trait aux projets de loi d'initiative parlementaire. Si un comité nous demande — et notre préférence, ce sont les demandes des comités — d'avoir des rapports trimestriels sur l'économie et la situation financière du pays, nous prévoyons aller devant le comité, lui remettre cette information et lui fournir cette analyse.

    M. Bélanger : Je ne remets pas du tout cela en question. Je m'attendrais à ce qu'il n'y ait pas d'opposition de la part de qui que ce soit concernant la publication des rapports trimestriels sur l'économie ou sur les tendances, « et cetera ». Je ne parle pas de cela. Je parle des demandes que vous avez acceptées provenant d'un député ou d'un comité. Vous avez terminé le travail, vous le remettez au député ou au comité en question et ensuite, vous insistez pour qu'il soit publié, même si le député ou le comité ne veut pas le faire parce qu'il n'est pas prêt à aller de l'avant à ce moment précis. C'est le problème que j'ai avec cette politique, si c'est de cette façon que vous voulez procéder.

    M. Page : Dans cet exemple hypothétique, vous nous faites une demande et nous avons besoin de sources de données provenant du ministère des Finances, de l'Agence du revenu du Canada ou d'un ministère responsable. Nous travaillons ouvertement avec eux et leur disons ce sur quoi nous travaillons. L'information sera assez accessible pendant que nous travaillons sur la demande. C'était vrai lorsque nous avons fait le rapport sur l'Afghanistan. C'était également vrai, monsieur, lorsque nous avons examiné l'infrastructure pour l'éducation des Autochtones.

    M. Bélanger : Nous n'aurons pas le temps d'aller au fond de cette question maintenant, mais peut-être que nous pourrons le faire à une autre occasion.

    J'ignore si le Budget des dépenses supplémentaires (A) a été déposé à la Chambre ce matin. Je pensais qu'il allait être déposé ce matin. Je ne sais pas s'il y a un ajout pour votre budget, mais j'ai remarqué que c'est exactement ce que vous avez demandé au premier ministre de faire le 11 mars 2009. Quelqu'un sait-il si cela a été fait? Le bibliothécaire parlementaire nous a dit la semaine dernière qu'il n'y aurait pas d'ajout dans le Budget supplémentaire des dépenses. Êtes-vous au courant s'il y a un ajout ou pas?

    M. Page : Je ne suis pas au courant qu'il y en a un, monsieur. Il s'agit d'une petite somme d'argent.

    M. Bélanger : Je comprends cela. Je ne veux pas laisser entendre qu'on devrait le refuser. Je veux simplement comprendre le processus. D'après ce que nous comprenons à partir du témoignage du bibliothécaire, c'est que cela a été proposé aux deux présidents, mais que la question n'est pas allée plus loin. La demande était de passer à 2,8 millions de dollars. Est-ce que cette information est exacte?

    M. Page : Monsieur, je serais très heureux si vous m'annonciez aujourd'hui que le budget nous a été accordé, mais, malheureusement, on ne me l'a pas dit.

    M. Bélanger : Ce n'est pas la raison pour laquelle je posais la question. Je me demande si les présidents ont présenté la demande au gouvernement parce que c'est le processus à suivre pour votre budget et celui de la bibliothèque : une augmentation dans le budget supplémentaire des dépenses de 1,8 million de dollars à 2,8 millions de dollars.

    M. Page : Monsieur, les présidents ne m’ont pas informé qu'ils faisaient cette demande.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Merci, monsieur Belanger, c'est suffisant. Je suis désolée. Sur la liste des gens qui veulent prendre la parole, j'ai les sénateurs Jaffer, Stratton et McCoy ainsi que MM. Holder et Dryden. Le sénateur Lapointe s'en est remis au sénateur Jaffer.

    Le sénateur Jaffer : Merci, monsieur Page, d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui. Je veux en savoir un peu plus sur votre personnel. En votre qualité d'agent de budget supérieur, avec votre expérience en tant que gestionnaire de budget, et étant donné votre expérience au Conseil du Trésor, au ministère des Finances et au Bureau du Conseil privé, pouvez-vous nous parler des compétences et de l'expérience que l’on exige du personnel d’un bureau du budget législatif?

    M. Page : Considérant la nature de notre mandat, et comme vous avez pu le voir dans les rapports rendus publics, nous effectuons des analyses indépendantes des tendances économiques. Le personnel doit connaître les méthodes d’établissement de prévisions du secteur privé, et nous avons embauché des gens qui possèdent ces compétences. Deux anciens directeurs principaux qui s’occupaient de prévisions économiques au ministère des Finances travaillent pour moi. Pour ma part, j’ai travaillé autant dans le domaine de l’analyse économique que dans le domaine fiscal. Il faut des gens capables d’établir des projections fiscales ainsi que des recettes et des dépenses pour comprendre les variations auxquelles donnent lieu les changements apportés dans la perception de l’impôt sur le revenu et de l’impôt. Pour ce qui est de l’établissement des coûts, nous avons besoin de gens capables d’élaborer des modèles d’établissement des coûts, comme nous l’avons fait dans le rapport sur l’Afghanistan. Nous avons également élaboré un modèle d’établissement du budget d’immobilisations à l’intention d’AINC pour les infrastructures éducatives destinées aux Autochtones. C’est une expertise nécessaire. Ces gens ont des diplômes d’études supérieures, mais ils doivent également posséder une expérience précise. Lorsque vous disposez d’un petit budget et que vous devez vous prononcer sur des programmes et des dépenses totalisant 236 milliards de dollars dans le Budget principal, vous devez posséder de solides compétences pour fournir des analyses.

    Le sénateur Jaffer : Je crois savoir que la Bibliothèque du Parlement compte un certain nombre d’économistes auxquels vous pourriez avoir accès. Utilisez-vous leurs services? Dans la négative, pourquoi?

    M. Page : Au début, nous avons donné aux membres de la Bibliothèque — et en particulier aux économistes qui possèdent l’expérience — la possibilité de travailler pour nous. Nous avions fait savoir clairement que nous avions des exigences, et certaines personnes s’étaient montrées intéressées. Quelque temps plus tard, toutefois, ces personnes se sont désistées. Nous avons déployé des efforts pour obtenir leur expertise.

    Dans l’ensemble, étant donné la nature des analyses à effectuer, la Bibliothèque ne dispose pas pour l’instant de l’expertise recherchée. Les gens que j’ai embauchés ont travaillé dans les services centraux du Bureau du Conseil privé, du ministère des Finances et du Secrétariat du Conseil du Trésor à établir des prévisions économiques et fiscales et à élaborer des budgets.

    Le sénateur Jaffer : Tout à l’heure, vous avez laissé entendre que vous avez trop d’employés du fait que vous avez embauché 13 personnes alors que votre budget ne prévoit que 10 employés. Est-ce exact? À l’heure actuelle, le budget réduit prévoit 10 personnes.

    M. Page : Oui.

    Le sénateur Jaffer : Si vous n’obtenez pas plus de fonds, qu’arrivera-t-il à vos employés? Pour l’instant, je suis plus intéressé par ce qui arrive aux demandes qui vous ont été adressées.

    M. Page : Nous préparons le deuxième trimestre. Là encore, nous traversons une crise économique mondiale. Au cours du premier trimestre, le PIB a connu une baisse sans précédent. Nous n’avions encore jamais vu une baisse de 8 p. 100 du taux annuel au cours du premier trimestre. Si nous perdons ces gens, notre capacité d’analyser la situation comme nous l’avons fait dans le rapport sur la mise en œuvre du budget pour le premier trimestre sera mise en péril.

    Le sénateur Jaffer : Il existe des services à l’intérieur de la Bibliothèque du Parlement auxquels vous pourriez avoir accès. Par exemple, la Bibliothèque dispose de services de traduction. Profitez-vous de ces services? Dans la négative, pourquoi?

    M. Page : Nous avons beaucoup profité de ses services des ressources humaines. La Bibliothèque compte une très petite équipe qui a travaillé fort pour nous. Nous nous sommes beaucoup servis de ses entrepreneurs également. Un des pouvoirs particuliers que j’ai en qualité de directeur parlementaire du budget est de conclure des contrats. Nous avons suivi toutes les politiques de la Bibliothèque à cet égard.

    Il nous est arrivé de devoir produire des rapports dans des délais serrés. Nous nous sommes adressés à la Bibliothèque, qui n’a pu respecter nos échéances; nous nous sommes alors tournés vers l’extérieur.

    Je crois comprendre que vous avez vu tous nos contrats. Nous les afficherons sur notre site Web à l’avenir. Nous avons conclu des petits contrats de traduction et de communication lorsque nos délais ont été serrés et que nous avons eu besoin d’une aide supplémentaire. La Bibliothèque recourt également aux services d’entrepreneurs.

    Le sénateur Jaffer : Dans l’ensemble, utilisez-vous les services de la Bibliothèque ou recourez-vous à des entrepreneurs de l’extérieur?

    M. Page : Cela dépend de la situation. Lorsque nous avons rendu public le rapport sur l’Afghanistan, nous avions absolument besoin d’une aide pour les communications. La Bibliothèque ne disposait d’aucune sorte d’expertise sérieuse pour nous aider, nous nous sommes donc tournés vers l’extérieur.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Je donne la parole à M. Holder, qui sera suivi du sénateur McCoy.

    M. Holder : Je vous remercie, monsieur Page, d’être venu aujourd’hui. Je n’ai pas beaucoup de temps et je ne poserai que quelques questions simples, si vous me le permettez.

    Nous avons eu la possibilité d’entendre la vérificatrice générale à notre réunion du 23 avril. Avez-vous eu l’occasion de prendre connaissance de son témoignage?

    M. Page : Je ne l’ai pas lu en détail, mais je connais l’essentiel de son message.

    M. Holder : Dans l’ensemble, considérez-vous que la vérificatrice générale jouit d’une réputation solide de personne non partisane et efficace?

    M. Page : Absolument.

    M. Holder : Moi aussi.

    Monsieur Page, la vérificatrice générale nous a dit qu’elle ne ferait aucune déclaration publique sans avoir d’abord consulté des parlementaires de tous les partis. Approuvez-vous cette façon de faire?

    M. Page : Oui.

    M. Holder : Vous agiriez donc toujours de la sorte.

    En outre, la vérificatrice générale veille à ce que les questions relatives au budget et les autres questions qui lui sont confiées soient traitées à l’intérieur de son bureau et non pas par l’entremise des médias. Approuvez-vous cette façon de faire?

    M. Page : Je crois que les médias s’intéressent énormément au Bureau du directeur parlementaire du budget. Cet intérêt découle de l’ouverture et de la transparence du processus et de la nature des rapports — c’est certainement le cas pour celui sur l’Afghanistan —, et du fait également que nous parlons, pour la première fois depuis longtemps, de ce que nous aurons une récession et que nous accuserons des déficits cycliques. Les médias ont à l’évidence un intérêt très marqué.

    Les gens des médias appellent bel et bien. L’un des sénateurs — un sénateur conservateur — m’a dit : « Kevin, si les médias appellent et que vous ne leur répondez pas, vous êtes fini ».

    M. Holder : Voilà une réponse plutôt intéressante.

    Depuis que vous avez parlé de l’Afghanistan, la vérificatrice générale nous a également informés qu’elle ne rend de rapports publics que lorsque le Parlement siège. Manifestement, cela ne s’est pas produit — certainement dans un cas — avec vous. Puis-je vous demander pourquoi vous vous êtes senti obligé de faire cela, monsieur?

    M. Page : Certainement.

    J’ai déclaré publiquement à ce moment-là que rendre public un rapport pendant cette campagne électorale aurait été un geste sans précédent. Tous les chefs de parti ont alors demandé publiquement à la télévision de rendre le rapport public. Ils voulaient que le rapport soit public.

    C’est seulement après que tous les chefs de parti — l’actuel premier ministre, M. Harper, M. Dion, M. Duceppe et M. Layton — eurent dit de le rendre public que je me suis senti obligé de le faire. Un refus aurait eu une dimension politique.

    M. Holder : Croyez-vous agir de la sorte dans l’avenir, lorsque le Parlement ne siègera pas, même si, à votre avis et malgré l’admiration que vous lui portez, la vérificatrice générale n’agit pas de la sorte? Feriez-vous encore de même si une occasion se présentait?

    M. Page : Certainement. Monsieur, si votre comité avait pu, par le passé, examiner le règlement concernant la gestion de la Bibliothèque et étudier cette question en particulier, vous m’auriez rendu un bien grand service, parce que je n’aurais pas été obligé de rendre le rapport public à ce moment-là.

    M. Holder : C’est pourquoi je suis heureux d’avoir cette conversation.

    Monsieur Page, vous avez envoyé une lettre sur le budget de votre bureau aux chefs des partis de l’opposition, mais seulement à eux. C’était le 7 janvier 2009.

    M. Page : Monsieur, j’ai fait parvenir la même lettre au premier ministre et au ministre des Finances.

    M. Holder : Estimez-vous, du point de vue du rôle qui est le vôtre, que les documents doivent toujours être distribués à tous les partis et ne jamais être seulement destinés aux partis de l’opposition ou à un parti en particulier?

    M. Page : Telle est notre façon de faire, monsieur.

    M. Holder : À la lumière du rôle dont le directeur parlementaire du budget est investi, je voudrais revenir à une déclaration que vous avez faite concernant le fait de travailler à l’intérieur ou à l’extérieur pour les parlementaires. J’aimerais connaître votre position à ce sujet.

    M. Page : Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par « à l’extérieur » et « à l’intérieur ».

    M. Holder : Je ne suis pas certain de comprendre moi-même non plus. Toutefois, il me semble que lorsque l’occasion s’est présentée, vous avez pris certaines libertés avec votre rôle. J’ai l’impression, à tout le moins, que c’est ce qui est arrivé. Je respecte le rôle du directeur parlementaire du budget — c’est le gouvernement conservateur qui l’a mis en place, mais ce sont les comités qui, tous ensemble, ont établi les règles pour que les choses fonctionnent —, j’ai l’impression que vous travaillez à l’extérieur, un peu comme si vous étiez vérificateur général. J’aimerais connaître votre opinion sur le rôle que vous jouez par rapport aux parlementaires.

    M. Page : Je sers les parlementaires. Toutefois, en raison de la nature du travail, et étant donné mon équipe — j’ai 13 personnes sous mes ordres — les gens me demandent de fournir une analyse indépendante de l’économie et des finances de la nation. Lorsque nous avons produit les rapports, lorsque nous avons examiné l’économie, je me suis rendu partout au pays, d’Halifax à Victoria, pour parler avec des économistes d’entreprises.

    Lorsque nous avons préparé le rapport sur l’Afghanistan, nous avons travaillé avec des professeurs de l’Université Queen’s et de l’Université de la Saskatchewan, des responsables du Service de recherche et du Bureau du budget du Congrès américain et des gens de l’Université du Nouveau-Mexique; nous avons travaillé de façon très ouverte. Si c’est ce que vous voulez dire par « à l’extérieur », j’ai besoin d’aller à l’extérieur. Nous avons besoin d’aide. Nous avons des dossiers importants et nous devons élever le débat au niveau requis.

    M. Holder : Le bibliothécaire du Parlement, monsieur Young, a déclaré, dans son témoignage, qu’il fixe le budget de la Bibliothèque en fonction de la demande de services. À la dernière réunion du comité, monsieur Young a déclaré ce qui suit :

    Cela étant posé, je n’ai reçu aucune information de la part du directeur parlementaire du budget et je ne dispose d’aucun renseignement de mon côté sur le niveau de demandes concernant ses services.

    Comment pouvez-vous expliquer cela?

    M. Page : Je suis consterné, monsieur. Depuis 2008 seulement, avec une petite équipe — nous avons commencé à partir de rien le 25 mars — j’ai placé 22 publications sur notre site Web. Je crois que les Canadiens s’attendent à ce que nous fournissions des rapports trimestriels. Au cours du prochain mois, vous verrez, produit pour la toute première fois au Canada, un rapport dans lequel nous présentons un modèle d’établissement de budget d’immobilisations pour les infrastructures éducatives des Autochtones. Nous rendrons publics plus de rapports sur le Canada et les États-Unis. Avant l’été, nous remettrons au Parlement des prévisions économiques et fiscales pour cinq ans.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Merci, monsieur Holder.

    Je donne maintenant la parole au sénateur McCoy et au sénateur Stratton.

    Le sénateur McCoy : Merci de votre courtoisie, madame la présidente. Je ne fais pas partie de votre comité et beaucoup d’entre vous ne me connaissent pas. Je suis un sénateur indépendant. Je n’appartiens à aucun caucus du Sénat.

    Je n’ai pas suivi vos délibérations sur cette importante question aussi assidûment que j’aurais probablement dû, mais ce qui me frappe, c’est que personne ne parle pour les parlementaires indépendants.

    Je tiens à dire que j’ai trouvé moi-même, ainsi que la personne qui travaille pour moi, les documents produits par M. Page extrêmement utiles. Pour avoir parlé avec beaucoup de Canadiens, je peux vous affirmer, monsieur Page, qu’eux aussi considèrent que votre travail est très utile.

    J’estime que je peux faire confiance à l’information contenue dans ces documents, parce qu’elle n’a pas de fins partisanes et qu’elle n’a pas été retenue par quelqu’un en attendant un moment approprié pour la rendre publique. Elle est fournie pour éclairer des questions et, comme vous venez de le dire, élever le niveau du débat, en cette période particulièrement importante.

    Essentiellement, monsieur Page, j’aimerais vous demander de nous indiquer d’autres précédents qui s’ajoutent à la liste de gouvernements suivant la tendance mondiale d’adopter une forme de transparence gouvernementale. Le gouvernement de l’Ontario vient d’annoncer qu’il le ferait. Je sais que la ville de Toronto prend des mesures à cette fin. Pourriez-vous s’il vous plaît décrire le contexte qui permettrait au Canada d’adopter lui aussi une forme de transparence gouvernementale digne du XXIe siècle?

    M. Page : Vous posez une très bonne question. Nous espérons publier une étude sur les rapports financiers avant la relâche estivale. Encore une fois, c’est d’un parlementaire que nous vient la demande de ce rapport.

    En participant à une réunion de l’OCDE il y a quelques mois, j’ai appris que les gens de cette organisation voient deux grandes tendances dans le domaine des finances publiques. La première est la création de ce genre de postes de bureau parlementaire du budget; la seconde est les rapports sur le rendement. La question de la transparence est présente dans les deux.

    Au sujet du travail des bureaux parlementaires du budget, il en existe de grands aux États-Unis. Ils ont été les premiers. Il y a un gros bureau au Mexique; il y en a aussi un en Corée du Sud, qui a un mandat semblable à celui du Canada. Les États-Unis font beaucoup de progrès. Beaucoup de gens regardent CNN; vous avez vu le président Obama promouvoir son site Web.

    Je crois qu’il y a énormément de place. Le gouvernement et la fonction publique ont apporté un certain nombre d’améliorations — par exemple, avec la création de leur nouvelle structure de rapports, l’architecture des activités de programmes, qui présente des rapports sur tous les programmes d’activités. Ce serait formidable de réussir à transmettre ces renseignements au public d’ici un an ou deux afin qu’il soit au courant de la somme consacrée à chaque activité, dans le cadre de chaque programme. Je serais un grand partisan de cette mesure. J’aimerais aider à y arriver.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Il est 13 heures. Trois de nos collègues figurent toujours sur la liste des intervenants pour la première série de questions. Si tout le monde est d’accord, j’aimerais proposer que chacun ait son tour. Sénateur Stratton, la parole est à vous.

    Le sénateur Stratton : Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux de vous accueillir.

    Je veux revenir à la question des renseignements que vous préparez pour les parlementaires. Je m’interroge encore à ce sujet. Comme M. Bélanger l’a dit, lorsque vous préparez des renseignements pour un parlementaire, vous le faites à sa demande, et il est libre de les utiliser à sa guise. C’est lui qui décide, j’imagine. S’il demande, pour des raisons diverses — et il y a toutes sortes de raisons de le faire —, que les renseignements demeurent confidentiels, autrement dit qu’ils ne soient pas divulgués, respectez-vous cette demande, ou allez-vous la respecter?

    M. Page : Lorsque nous rencontrons un député, comme nous l’avons déjà fait — je le répète, nous allons publier un rapport sur l’infrastructure scolaire autochtone dans deux semaines —, nous parlons du produit et de la manière qu’il sera conçu.

    Le sénateur Stratton : Je veux juste une réponse simple. Allez-vous respecter la demande de la personne que ces renseignements ne soient pas divulgués? C’est tout ce que je veux savoir.

    M. Page : Les députés sont très à l’aise avec notre modèle de fonctionnement. Ils ont le modèle de la Bibliothèque en ce moment, monsieur.

    Le sénateur Stratton : Je ne veux pas entrer dans les détails; je veux simplement une réponse. Allez-vous respecter la demande de la personne que ces renseignements ne soient pas divulgués?

    M. Page : Nous ne la respecterions pas, monsieur.

    Le sénateur Stratton : Vous ne la respecteriez pas.

    M. Page : Non.

    Le sénateur Stratton : Merci. C’est le renseignement que je cherchais.

    Vous avez publié l’étude sur l’Afghanistan au cours de la campagne électorale seulement après avoir obtenu le consentement public de membres de tous les partis et, j’imagine, du Cabinet du premier ministre.

    M. Page : Du premier ministre, monsieur.

    Le sénateur Stratton : Du premier ministre. Essentiellement, vous avez remis l’étude à quatre personnes — au chef de chaque parti. Vous avez réduit le nombre de députés de 308 à 4. Et dans tout cela, le Sénat, il ne compte pour rien?

    M. Page : Monsieur, comme je l’ai déjà dit, nous aimerions beaucoup que votre comité parlementaire prépare un règlement afin que nous ne nous retrouvions jamais dans ce genre de situation.

    Le sénateur Stratton : À ma connaissance, le DPB a confié tous ses services, sauf les ressources humaines et les finances, à des sous-traitants; est-ce exact?

    M. Page : Je ne suis pas certain de ce que vous entendez par là, monsieur. Nous n’avons pas un énorme bureau. Ces dossiers ont été préparés, et nous les avons assemblés nous-mêmes hier soir.

    Le sénateur Stratton : Je comprends cela.

    M. Page : Nous n’avons pas confié cette tâche à un sous-traitant.

    Le sénateur Stratton : Comme le disait M. Mulcair, utilisez-vous la merveilleuse Bibliothèque? L’utilisez-vous pour les ressources humaines et les finances? Utilisez-vous la Bibliothèque du Parlement pour d’autres choses dont vous avez besoin?

    M. Page : Je suis un grand partisan de la Bibliothèque, monsieur. Nous utilisons tout le temps les collections.

    Le sénateur Stratton : Je demande juste une réponse simple.

    M. Page : La réponse est oui, monsieur. Nous utilisons les services d’impression; si les services de traduction sont disponibles et plus rapides pour nous, nous les utilisons aussi.

    Le sénateur Stratton : Vous essayez donc d’utiliser les ressources de la Bibliothèque afin de minimiser le plus possible les frais; c’est exact?

    M. Page : Absolument.

    Le sénateur Stratton : Merci.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Nous passons maintenant à M. Dryden, qui sera suivi de notre coprésident, M. Goldring.

    M. Dryden : J’aimerais aborder les définitions du terme « indépendance ». Nous avons beaucoup parlé d’indépendance aujourd’hui, et je crois que le problème est lié en partie au fait qu’il est fort possible que votre compréhension du terme soit différente de celle du bibliothécaire parlementaire.

    Ce qui m’a troublé d’abord, c’est l’interrogation de M. Bélanger. Lorsqu’il essayait d’obtenir une réponse à la question sur les renseignements demandés par un parlementaire et sur ce qui arrive si le parlementaire décide de ne pas les utiliser ni de les rendre publics, vous avez pris bien du temps pour contourner la question. Puis, quand le sénateur Stratton vous a posé la même question, vous avez réessayé très fort de la contourner, jusqu’à ce qu’il vous demande très explicitement de répondre par oui ou par non, et vous avez dit non, vous ne respecteriez pas la demande que les renseignements ne soient pas divulgués. Pourquoi pas?

    M. Page : En fait, monsieur, j’essayais de comprendre le contexte de la question de M. Bélanger. Nous avons eu une discussion à ce sujet avant la séance. Nous avons parlé des projets de loi d’initiative parlementaire. D’autres députés m’ont déjà demandé : « Kevin, si je te demandais de faire une analyse » — disons qu’il y a un déficit structurel en ce moment — « et que tu la fais et que tu détermines qu’il n’y a pas de déficit structurel, ou qu’il y en a un, mais que je n’aime pas la réponse… »; je me trouve dans une situation difficile parce que j’ai fait l’analyse, mais je retiens les renseignements. Nous avons investi des ressources, peut-être que nous en avons employé dans différentes parties de la ville, nous avons préparé l’analyse, et on nous dit : « Ne la publiez pas parce que les réponses ne nous plaisent pas. » En ce sens, le terme « indépendance » signifie que le travail que nous préparons est celui du DPB. Nous en sommes responsables et nous allons en défendre la nature devant qui que ce soit. Dans ce contexte, « indépendance » veut aussi dire que les gens ne devraient pas se mêler de notre travail en disant : « Cette réponse ne me plaît pas. Je ne veux pas qu’il y ait un déficit structurel, je veux qu’il y ait un surplus structurel. » Nous allons préparer l’analyse, et il en sera ce qu’il en sera.

    M. Dryden : Les renseignements demandés, une fois compilés, n’appartiennent pas au parlementaire, qui n’est pas libre de les utiliser ou de les questionner à sa guise; ces renseignements existent indépendamment, et vous pensez donc avoir l’indépendance de les utiliser à votre guise.

    M. Page : Ma préoccupation à cet égard, monsieur, et la raison pour laquelle je pense que l’ouverture et la transparence sont primordiales, c’est que, étant donné la nature du travail de notre bureau — l’examen minutieux des budgets, et cetera —, si quelqu’un devait nous considérer comme étant partisans, nous serions faits. En ce moment, personne ne prétend que nous avons présenté un rapport partisan sur l’Afghanistan. Personne ne prétend que nous avons présenté des projections économiques et financières partisanes lorsque nous avons déclaré qu’il y aurait une récession ou des déficits.

    Nous devons travailler fort, et notre façon de travailler fort sur la question de la partisanerie est en faisant preuve d’ouverture et de transparence. Lorsque les parlementaires nous posent des questions et que nous y travaillons, nous les consultons et ils savent comment nous procédons. Ils sont à l’aise. Parlez aux gens qui nous ont demandé de créer les produits. Ils ne se plaignent pas de notre ouverture et de notre transparence.

    Toutefois, il est question pour nous de nous protéger contre la perception d’être partisans. Dès que quelqu’un — qu’il s’agisse d’un député néo-démocrate, bloquiste, libéral ou conservateur — se mettra à penser que nous travaillons pour quelqu’un d’autre, que nous sommes derrière quelque chose et que nous retenons des renseignements, nous serons faits. Nous perdrons notre crédibilité.

    M. Dryden : Pourquoi avez-eu tellement de difficulté à répondre à la question de M. Bélanger et à celle du sénateur Stratton? Pourquoi n’avez-vous pas répondu tout de suite?

    M. Page : J’aimerais pouvoir reprendre ces moments, monsieur. La réponse serait la même. J’ai eu cette discussion avec M. Bélanger et d’autres députés hors de cette pièce, et je remettais probablement certains types d’exemples en contexte.

    Le coprésident (M. Goldring) : Monsieur Page, vous avez dit au début de votre exposé, et vous avez mis l’accent sur ce point, que c’est seulement après avoir obtenu le consentement du chef de chacun des partis que vous avez publié le rapport sur l’Afghanistan. Pourtant, trois des interventions d’aujourd’hui nous disent que lorsque vous préparez ces rapports pour les parlementaires, vous les publiez automatiquement, avec ou sans leur consentement.

    Vous semblez penser que les députés sont à l’aise avec cette situation, mais personnellement, je ne le serais pas.

    Monsieur Page, si vous ne vous sentez pas obligé d’obtenir la permission des députés pour publier leurs rapports, pourquoi vous êtes-vous senti obligé d’avoir celle des leaders du gouvernement — du chef de chaque parti — pour publier le rapport sur l’Afghanistan?

    M. Page : Nous étions en période électorale, monsieur, et ces questions faisaient l’objet de débats. Nous ne voulions pas publier le rapport. Les chefs des partis ont dit : « Publiez le rapport. » Nous sommes ici pour promouvoir la transparence, pour promouvoir la démocratie. Nous ne voulons pas être vus comme étant partisans. Nous avons donc publié le rapport.

    Le coprésident (M. Goldring) : Lorsque la vérificatrice générale a témoigné devant le comité, elle a souligné qu’elle n’était pas à l’aise avec le fait de publier quelque rapport que ce soit pendant une période électorale. Je pense que l’opinion générale pencherait de ce côté. Il y aurait des malaises à différents égards, dont l’un des plus grands serait le besoin de demander parfois la permission de publier un rapport, permission qui devrait être accordée, surtout par un parti au pouvoir, afin de faire preuve d’ouverture et de transparence au cours de la période électorale. Est-ce que ce n’est pas là le genre de questions à considérer au cours d’une période électorale, de ne tout simplement pas publier le rapport au cours de cette période?

    M. Page : Si le comité pouvait présenter un règlement en ce sens, il est certain que je l’appuierais fermement.

    Le coprésident (M. Goldring) : Je n’essaie pas de vous invectiver, mais vous avez dit que vous publiez automatiquement dans le cas d’un député; or…

    M. Page : Je pense qu’il faut faire une différence entre une période électorale et une période où nous siégeons. Nous siégeons en ce moment, et ce que je dis aux présidents des comités, y compris à celui du Comité des finances de la Chambre des communes, c’est que je veux qu’ils s’attendent à recevoir une mise à jour économique et financière ainsi qu’une mise à jour des dépenses chaque trimestre. La majeure partie de notre travail de base — établir où sont les tendances économiques et le financement du pays — n’a même pas à faire l’objet d’une demande. Les renseignements seront là et ils seront publiés.

    [Français]

    M. Asselin : Le gouvernement a décidé de créer le poste de directeur du budget et une loi qui l'accompagne. Une responsabilité vous a été confiée. On vous a accordé un budget de départ afin de monter une structure adéquate. En même temps, on vous a accordé, dans la loi, une certaine indépendance dans les études, les analyses et les rapports que vous présentez aux parlementaires, soit au Sénat, à la Chambre des communes ou aux deux endroits. Or, un malaise semble se rattacher à votre travail. Si on ne vous accorde pas les budgets nécessaires, il vous sera difficile d'atteindre vos objectifs et de répondre aux demandes des parlementaires.

    Deuxièmement, votre personnel peut trouver inconfortable de travailler à la fois pour vous, pour le Parlement, la Bibliothèque, le directeur du budget et le directeur de la Bibliothèque.

    Je ne voudrais pas être à la place du personnel qui est obligé de chevaucher deux patrons. Il ne sait pas trop sur quel pied danser. Voyant la situation de la manière dont elle se déroule actuellement, cela devrait être difficile pour le personnel à ce moment.

    Est-ce que vous souhaiteriez des modifications à la loi? La loi est-elle claire? Est-ce qu'il y a trop de place à interprétation de la part du bibliothécaire? Est-ce que vous souhaitez que le Parlement révise la loi afin de la rendre plus claire, plus transparente afin que le directeur de la Bibliothèque connaisse ses marges de manœuvre? Vous connaissez les vôtres. On vous donne le budget pour fonctionner, on vous accorde les analystes nécessaires, vous avez votre bureau de direction et votre personnel à gérer et là vous faites face aux obligations demandées par le Parlement.

    Actuellement, je ne suis pas convaincu que vous avez l'appui de votre supérieur à qui on vous demande de vous rapporter. Et cela vous met, j'en suis convaincu, mal à l'aise. Selon moi, vous êtes une personne responsable, qui veut s’acquitter de ses obligations. Et si le gouvernement a décidé dans la Loi sur l'imputabilité et la transparence de créer ce poste, c'est qu'il y avait un besoin.

    Par contre, si on vous pose une muselière, et on vous empêche de parler ou d'écrire et de faire le travail que vous devez faire, cela vous met dans une mauvaise situation. Et cela nous met aussi dans une mauvaise situation. Et selon vous, est-ce qu'il y a des problèmes dans la loi? Vous travaillez dans le cadre de cette loi, vous êtes mieux placé que nous. Nous, on l’a votée, mais vous, vous l'appliquez. Est-ce qu'il y a des trous dans la loi, des zones grises? Souhaiteriez-vous que les parlementaires la modifient?

    M. Page : Je suis d'accord. Je pense que nous avons une situation très difficile, peut-être malsaine. S'il est possible que les parlementaires examinent la législation, qu’ils l’améliorent, la rendent beaucoup plus claire, ce serait mieux pour le prochain directeur parlementaire du budget et pour moi aussi.

    M. Asselin : Avant que le gouvernement adopte le dernier budget, vous l’avez préparé en tant que directeur de services des prévisions budgétaires en vue du travail qui vous a été confié. Vous en êtes arrivé autour de 2,8 millions de dollars. Est-ce que le directeur de la Bibliothèque vous a appuyé dans cette demande afin que vous obteniez du Conseil du Trésor les fonds nécessaires pour être capables de faire votre travail?

    M. Page : C'est peut-être une bonne question pour le bibliothécaire du Parlement, mais je pense que durant la première étape de la formation de notre bureau, j'ai pensé que le bibliothécaire appuyait l’idée d'avoir de bonnes ressources pour notre bureau. Mais à mon avis, je pense que la situation a changé et il a décidé de réduire notre budget. Peut-être est-ce préférable de poser cette question au bibliothécaire?

    [Traduction]

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Les membres de la Chambre des communes qui font partie de ce comité mixte trouveront inhabituel que les présidents posent des questions, mais c’est pratique courante au Sénat. Je vais donc en poser une.

    Depuis 15 ans que je fais affaire avec la Bibliothèque du Parlement, chaque fois que j’ai demandé des renseignements, ces derniers sont restés entre moi et la Bibliothèque et n’ont été communiqués à personne d’autre. Si je décidais de rendre l’information publique, alors j’étais libre de le faire. Pourquoi avez-vous l’impression qu’il faut une règle différente lorsqu’on travaille sous l’autorité de la Bibliothèque du Parlement?

    M. Page : J’ai le plus grand respect pour le travail de la Bibliothèque, qui assure un service de recherche indispensable aux parlementaires. Je le comprends parfaitement. C’est un service confidentiel qui effectue des recherches, réalise des travaux relatifs aux sondages, permet de comprendre le fonctionnement de programmes actuels et éventuels et établit les coûts approximatifs des projets de loi d’initiative parlementaire.

    Cependant, si l’on songe à l’esprit de la Loi sur la responsabilité fédérale, les travaux d’analyse indépendante sur les perspectives économiques, les surplus ou les déficits budgétaires imprévus et l’examen des budgets constituent un travail de supervision. Selon moi, cette supervision ne peut s’effectuer de manière confidentielle. Lorsqu’on travaille avec les ministères pour examiner les budgets, établir les coûts ou peut-être revoir les coûts de la guerre en Afghanistan, par exemple, on doit adopter une méthode différente. Il faut collaborer avec les ministères pour comprendre leur méthodologie.

    La confidentialité n’est pas compatible avec ce modèle. Nous établissons des modèles et une méthode de détermination des coûts avec l’aide de gens de l’intérieur et de l’extérieur du gouvernement. Lorsqu’on procède à un examen, les personnes concernées doivent en être informées. Nous établissons cette relation dès le départ pour que ces personnes sachent ce qu’il en est.

    À mon avis, on ne peut travailler sans faire preuve de transparence dans un modèle de supervision. La nature de notre mandat, en ce qui concerne notamment l’examen des budgets, en est une de supervision.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Je vous remercie, monsieur Page. Je crois que nous vous remercions tous d’avoir fait un exposé aujourd’hui.

    Honorables collègues, pour la deuxième partie de notre séance, nous entendrons le témoignage de M. William Young, bibliothécaire parlementaire. Comme on pourrait s’y attendre dans le Comité de la Bibliothèque du Parlement, nous le voyons régulièrement.

    Bienvenue, monsieur Young. Nous sommes ravis de vous voir. Si vous avez un exposé à faire aujourd’hui, vous avez la parole.

    [Français]

    William R. Young, bibliothécaire parlementaire, Bibliothèque du Parlement : Madame la présidente, je voudrais commencer en vous remerciant de nous faire profiter de vos conseils concernant le modèle de gouvernance et le mandat du directeur parlementaire du budget.

    Comme ce poste est unique en son genre dans un Parlement de style Westminster, il n'existe vraiment aucun modèle qui s'applique tout à fait. Cela signifie que l’avis de votre comité est non seulement indiquée, mais aussi nécessaire, pour nous aider à régler les problèmes de rodage inévitables lorsque l'on met en place de nouveaux services. Votre travail aura donc une incidence importante sur l'avenir des services du DPB et ainsi que sur le fonctionnement et la capacité de la Bibliothèque du Parlement.

    Vous m'avez entendu le dire à maintes reprises je crois que la fonction du DPB peut véritablement ajouter à la valeur et au travail que la Bibliothèque effectue pour appuyer les parlementaires dans leur rôle de législateur et de représentant.

    [Traduction]

    En fait, j’ai personnellement réfléchi à la question et je m’efforce de définir les fonctions et les services du directeur parlementaire du budget depuis trois ans. Nous avons tous à cœur de nous assurer que ce poste fonctionne comme il le devrait et comme prévu.

    Cet après-midi, je n’essaierai pas de résumer tous les témoignages entendus au cours des dernières semaines. Je crois toutefois que deux faits cruciaux se sont démarqués et valent la peine d’être soulignés.

    Tout d’abord, la loi établit le poste de le directeur parlementaire du budget en stipulant qu’il est un fonctionnaire — un haut fonctionnaire — relevant de la Bibliothèque du Parlement. Ainsi, son rôle s’inscrit dans le prolongement des services et des produits que la Bibliothèque offre aux parlementaires. Par exemple, M. Allan Darling a indiqué que le directeur parlementaire du budget n’est pas institutionnellement autonome, mais relève plutôt du cadre de gestion qui régit la Bibliothèque.

    Mme Roberta Santi, secrétaire adjointe du Cabinet, Appareil gouvernemental, est allée dans le même sens en disant ce qui suit :

    … la Loi fédérale sur la responsabilité a modifié la Loi sur le Parlement du Canada pour créer le poste de directeur parlementaire du budget, et non un bureau parlementaire du budget.

    Elle a poursuivi en disant que :

    En tant que membre du personnel de la Bibliothèque du Parlement, le directeur parlementaire du budget relève du bibliothécaire parlementaire, qui dirige et gère la Bibliothèque.

    Résumant sa pensée, elle a poursuivi :

    La loi est conçue de telle façon que le haut fonctionnaire évolue au sein de l’institution parlementaire… et n’agit donc pas à l’extérieur du Parlement de façon indépendante.

    J’ajouterai que M. Roger Tassé, distingué ancien sous-ministre de la Justice, a fait une interprétation semblable dans le cadre d’un avis juridique indépendant. Il a conclu que :

    Même si la loi mandate le directeur parlementaire du budget à formuler des conseils indépendants à l’intention des parlementaires, il n’est pas entièrement autonome… Les pouvoirs que le directeur parlementaire du budget assume en vertu de la loi doivent être unifiés et harmonisés aux affectations budgétaires et aux politiques en matière d’administration et de gestion de la Bibliothèque.

    Le deuxième point qui est clairement ressorti des témoignages — et qui a un lien avec le premier point — est que l’« indépendance » du directeur devrait être comprise comme étant une indépendance à l’égard du gouvernement — c’est-à-dire de la haute direction. Sur tout ce qui compte, le directeur parlementaire du budget dispose de l’indépendance dont il a besoin. Il n’a pas besoin d’autonomie institutionnelle à l’égard de la Bibliothèque pour effectuer son travail et exécuter son mandat pour servir le Parlement.

    La vérificatrice générale, Sheila Fraser, abondait dans le même sens lors de son témoignage en disant :

    Il doit effectuer une analyse indépendante, et j’interprète l’indépendance comme étant une indépendance à l’égard du gouvernement, qui ne peut influencer son travail de manière inappropriée. Mais la Bibliothèque est indépendante du gouvernement, et je ne vois pas pourquoi le fait de relever de la Bibliothèque devrait causer des problèmes sur le plan de l’indépendance… du travail et de l’objectivité du travail effectué.

    Comme les membres du comité le savent, les analystes de la Bibliothèque sont un peu comme les chercheurs universitaires et jouissent du plein contrôle sur leurs recherches et leurs analyses. Ces dernières peuvent faire l’objet de contrôle de la qualité sous la forme d’examens par des pairs, mais ne peuvent être soumises au contrôle de la gestion de la Bibliothèque. Les recherches vous sont présentées, à vous et à vos collègues des deux chambres, pour que vous puissiez les utiliser comme bon vous semble.

    Madame la présidente, ces deux réalités fondamentales — que le directeur parlementaire du budget fait partie de la Bibliothèque du Parlement et que c’est ce fait qui lui accorde son indépendance — ne revêtent pas un simple intérêt académique. Elles ont des répercussions importantes sur la manière avec laquelle le directeur est supposé exécuter ses fonctions.

    Sachez notamment que la Bibliothèque appuie le Parlement, mais n’agit pas en son nom. C’est dans ce contexte que le Parlement lui-même a examiné et adopté la loi établissant le poste de directeur. En tant qu’employé de la Bibliothèque, le directeur parlementaire du budget doit jouer le même rôle, c’est-à-dire appuyer chacun d’entre vous dans le cadre de vos fonctions, mais non de faire votre travail à votre place.

    Je suis loin d’être convaincu que le directeur comprenne cette distinction. Dans son plan opérationnel préparé en novembre 2008, il mentionne dans son énoncé de mission qu’il assurera la surveillance en « assurant la transparence budgétaire ». Selon moi, cette mission va au-delà de son mandat établi dans la loi et laisse entendre qu’il peut influencer le gouvernement — la haute direction — de sa propre initiative plutôt que de vous fournir du soutien pour que vous puissiez le faire.

    Toujours dans l’énoncé de mission, il ajoute « encourageant un débat public éclairé, et ce, pour faciliter l’adoption de saines politiques économiques et budgétaires ». Pareil énoncé donne l’impression qu’il doit assumer un rôle de défense des intérêts du public au détriment de celui des sénateurs et des députés, dont le rôle constitutionnel même consiste à représenter les intérêts publics des citoyens.

    Toujours dans son plan opérationnel, le directeur parlementaire du budget établit des critères afin de déterminer quand et comment il appuiera les parlementaires. Il évaluerait vos demandes — qui représentent vos priorités — en fonction de leur « importance relative » et de leurs répercussions sur l’économie canadienne. Il choisirait donc le travail qu’il ferait en fonction de ses propres priorités et non des vôtres.

    En outre, plutôt que de respecter les politiques de la Bibliothèque sur la présentation de rapports destinés au public, le directeur parlementaire du budget a assumé le contrôle indépendant de ses rapports et a indiqué qu’il les rendrait publics dès qu’ils seraient prêts. Ils seront tous rendus publics. Il n’a fait aucune distinction entre les rapports généraux sur les finances nationales et des études précises que pourraient lui commander des comités ou des parlementaires.

    Ici encore, le problème avec ce « modèle opérationnel », c’est qu’il se fonde sur la décision du directeur d’agir pour le Parlement plutôt que d’appuyer ce dernier — une position fondamentalement opposée au libellé clair de la loi et à l’interprétation des experts sur le sujet.

    Par exemple, M. Darling a fait part de son opinion au comité en affirmant :

    … que les procédures et les protocoles établis par la Bibliothèque du Parlement concernant l’information et les études à fournir aux comités et aux parlementaires visaient tous les travaux effectués par le directeur.

    Pourtant, conformément à son « modèle opérationnel » et au beau milieu de la campagne électorale fédérale, le directeur a publié son étude sur les coûts de la guerre en Afghanistan, violant ainsi les protocoles parlementaires établis pour la publication de rapports en l’absence du Parlement et remettant en question la neutralité du directeur et, selon moi, de toute la Bibliothèque.

    Il était particulièrement préjudiciable d’agir de la sorte, car, comme la vérificatrice générale l’a fait remarquer au comité :

    Nous vivons dans un monde très politique et nous devons faire très attention pour que les actes que nous posons ne soient pas perçus comme étant politiques. Nous devons toujours nous assurer de maintenir une approche objective non partisane dans le cadre de tous nos travaux et d’être perçus comme tels.

    Madame la présidente, peu importe les divergences d’opinions qui pourraient exister, une chose est claire : la situation présente ne peut continuer. Elle détourne l’équipe de direction de la Bibliothèque de son mandat, qui consiste à servir les parlementaires, et empêche ces derniers de recevoir le genre de services efficaces et responsables que le directeur parlementaire du budget doit offrir conformément à la loi.

    J’espère donc que le comité pourra nous aider à réaliser des progrès positifs. Je partage l’opinion exprimée par la vérificatrice générale, selon laquelle :

    … il serait très utile que le comité apporte des éclaircissements sur la manière dont on devrait interpréter le mandat…

    ou l’avis de M. Darling :

    Je pense qu’il faudrait au moins aviser le directeur parlementaire du budget qui doit respecter les directives reçues des … présidents, dont la Bibliothèque relève.

    À cette fin, je demanderais respectueusement au comité d’envisager de recommander au président d’informer le directeur parlementaire du budget que son poste est assujetti au régime de responsabilité obligatoire prévu dans la Loi sur le Parlement du Canada, qui confirme que le bibliothécaire parlementaire est habilité à contrôler et à gérer la Bibliothèque. Je crois que cela aiderait grandement à régler les problèmes du statut législatif du directeur parlementaire du budget et des responsabilités de reddition de comptes de son poste.

    [Français]

    En guise de conclusion, je crois que la fonction du DPB est une fonction importante qui mérite d’être préservée. L’objectif que je vise, et que j’ai toujours visé, est de faire en sorte que les parlementaires reçoivent les meilleurs services que nous pouvons leur offrir à l’intérieur du cadre légal et que les lois du Parlement soient suivies et respectées.

    Pour moi, et de toute évidence, pour plusieurs autres personnes que votre comité a entendues, la mise en œuvre effective et efficace de la loi signifie l’intégration de la fonction du DPB au sein de la Bibliothèque du Parlement.

    Comme toujours, tous les membres de mon équipe et moi-même demeurons à votre disposition pour vous aider dans la mesure de nos moyens.

    [Traduction]

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Je vous remercie, monsieur Young.

    Chers collègues, quatre membres ont pour l’instant demandé l’autorisation de poser des questions, à commencer par M. Boughen, suivi de MM. Mulcair, Braid, et Rickford. Nous commençons donc par M. Boughen.

    M. Boughen : Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue, monsieur Young. Je sais que vous avez déjà comparu devant nous auparavant.

    J’ai quelques questions à vous poser pour clarifier certains points. Le processus budgétaire dont s’occupe le directeur parlementaire du budget relève de vos compétences dans le contexte du budget du bibliothécaire, n’est-ce pas?

    M. Young : C’est exact.

    M. Boughen : Qu’est-il advenu de cette demande de 2,7 millions de dollars, qui semble rester dans le vague et dont personne ne sait si elle a été présentée ou abandonnée. Pouvez-vous nous aider?

    M. Young : Comme je crois l’avoir dit la semaine dernière, il s’agit d’un montant théorique. Il n’a jamais été demandé, autorisé ou approuvé, et n’apparaît pas dans le budget de la Bibliothèque. Je crois que nous avons communiqué au greffier et distribué une note d’information à ce sujet.

    M. Boughen : Je vous demanderais de nous expliquer, si vous le pouvez, la structure hiérarchique entre vous, le bibliothécaire principal, et le directeur parlementaire du budget. Travaille-t-il avec vous? Vous consultez-vous? Est-ce que vous discutez des activités de la semaine, du mois ou de l’année? Est-ce que vous établissez des objectifs collectivement acceptables pour les deux parties? Comment tout cela fonctionne-t-il?

    M. Young : Selon la structure hiérarchique de la Bibliothèque, les présidents assurent le contrôle de la gestion de la Bibliothèque, avec l’aide de votre comité mixte. Quant à moi, en vertu de la loi, j’assume la direction et le contrôle de la Bibliothèque.

    Je dispose d’une équipe de haute direction, composée du directeur général des Services de gestion, du bibliothécaire parlementaire adjoint et du chef du Service des ressources d’information et de documentation. Le directeur parlementaire du budget faisait partie de cette équipe, mais il a décidé, il y a près d’un an, de ne pas participer aux réunions; il n’a assisté à aucune d’elles depuis.

    M. Boughen : Il s’est simplement désisté?

    M. Young : En effet.

    [Français]

    M. Mulcair : Je voudrais d’abord souhaiter la bienvenue à M. Young que j’ai déjà eu l’occasion de rencontrer à la commission parlementaire avant que l’on nomme M. Page. Je dois aussi dire que je commence à comprendre où se situe le problème. C’est chez lui, M. Young.

    Il reprend le même point qu’a soulevé un des sénateurs tantôt, en disant : quand on fait de la recherche au Parlement, cela appartient aux membres du Parlement, au député, qui en a fait la demande. Cela est vrai pour le travail fait par vos recherchistes, mais c’est une évidence que si le Parlement à pris soin d’adopter une loi, donc une modification à la Loi sur le Parlement du Canada où l’on dit, en toutes lettres, que c’est « le directeur parlementaire du budget » — je cite mot à mot — « qui a pour mandat[…] » Ce n’est pas le directeur de la Bibliothèque du Parlement qui a ce mandat, c’est le directeur parlementaire du budget. Comme élu, je vois d’un mauvais œil que l’on tente de dévier la volonté claire du Parlement pour des fins administratives internes.

    Je vais poser la question autrement : comment cela se fait-il que l’on ait expressément prévu le rôle du directeur parlementaire du budget, laissant tout le reste à vous, mais que vous ne respectiez pas son rôle à lui?

    [Traduction]

    M. Young : À dire vrai, je ne crois pas que ce soit le cas du tout. Selon moi, le problème, c’est que la loi a été rédigée en 1871, puis modifiée pour créer ce poste. Le reste de la loi est, à bien des égards, archaïque.

    Lorsqu’ils ont préparé le texte, les rédacteurs ont tenté d’accorder au directeur parlementaire du budget les pouvoirs législatifs nécessaires à l’acquittement de ses fonctions en l’absence de pouvoirs généraux dans le corps de la loi. Comme ce fait les préoccupait, ils ont essayé de compenser les lacunes de la Loi sur le Parlement du Canada, à tout le moins en ce qui concerne le poste de directeur parlementaire du budget.

    En ce qui concerne la transparence, c’est un objectif vers lequel je crois que nous devrions tendre. Je ne crois pas que tout doit être fait derrière des portes closes.

    M. Mulcair : Comprenez-vous, monsieur Young, qu’il existe une différence substantielle entre les quelque 100 attachés de recherche qui travaillent pour vous — dont 30 économistes — et effectuent des recherches pour nous. J’ai demandé à ce qu’on établisse les coûts d’un projet de loi, et ils ont accompli un excellent travail. Je n’ai rien de moins que la plus grande admiration pour ces analystes — et pour le directeur parlementaire du budget, qui a sa propre place dans la loi, où le Parlement lui confie clairement un mandat; pas à vous, à lui. Respectez-vous cette différence? Respectez-vous la volonté du Parlement?

    M. Young : Oui.

    M. Mulcair : Vous nous parlez des rédacteurs comme de simples copistes et non de parlementaires agissant pour les Canadiens et en leur nom.

    M. Young : Ce que j’essaie de dire, monsieur, c’est que les attachés de recherche fonctionnent selon un modèle mixte. Ils ne travaillent pas seulement à votre demande; ils préparent également des publications. Il existe aussi un programme de recherche. Ils effectuent en outre des travaux offerts publiquement aux parlementaires.

    M. Mulcair : Fort bien. Mais comprenez-vous qu’au bout du compte, Kevin Page n’est pas un de vos attachés de recherche ni un de vos employés? Le Parlement a créé un bureau distinct et indépendant pour pouvoir obtenir des conseils indépendants.

    M. Young : Il a créé un poste d’agent de la Bibliothèque du Parlement, un haut fonctionnaire de cette institution.

    M. Mulcair : Je crois que c’est là que le bât blesse, monsieur Young. Vous n’avez jamais respecté l’autonomie et l’indépendance dont M. Page dispose en vertu de la loi.

    M. Young : Oh que si, monsieur.

    M. Mulcair : Non, vous ne les avez pas respectées, et vos réponses montrent clairement que vous ne comprenez pas ce que nous vous avons demandé de faire. La tâche que nous vous avons confiée, administrativement, consiste à lui offrir un certain soutien. Il a toutefois reçu un mandat distinct et spécifique que vous ne respectez pas, et il ne devrait pas être pris entre vous, qui êtes un administrateur, et nous, qui l’avons investi de ce mandat. Nous vous avons demandé de faire quelque chose et vous ne le faites pas.

    M. Young : Je vous demanderais alors dans quelle mesure vous n’obtenez pas ce que vous voulez?

    M. Mulcair : Nous ne pouvons obtenir ce que nous voulons si vous ne lui accordez pas le budget que nous vous avons demandé de lui donner. C’est pourquoi j’ai parlé de « confier » une tâche. Nous vous avons fait confiance. Lorsque nous vous avons rencontré, je me rappelle que nous avons discuté de la question, et vous avez dit qu’il disposerait de l’autonomie et de la capacité nécessaires pour exécuter son mandat. Or, vous lui coupez les vivres. Il y a deux manières d’empêcher quelqu’un d’accomplir son travail : l’une consiste à lui mettre des bâtons dans les roues, ce qui est le cas présentement, et l’autre, à réduire sa capacité de faire son travail en ne lui accordant pas les ressources dont il a besoin.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Je dois maintenant vous interrompre parce que vos cinq minutes sont écoulées.

    M. Mulcair : Merci, madame la présidente.

    M. Braid : Bon retour parmi nous, monsieur Young. Je vous remercie de votre exposé, ainsi que des suggestions et des recommandations que vous avez soumises au comité.

    J’aimerais vous poser quelques questions. En réponse à une question, M. Page a indiqué tout à l’heure qu’il relève de vous, du moins en théorie. Est-ce le cas concrètement, dans la pratique au quotidien?

    M. Young : M. Page est invité à des réunions depuis plusieurs mois, mais il a refusé d’assister à mes réunions de gestion et aux réunions bilatérales hebdomadaires avec chacun de mes cadres supérieurs.

    M. Braid : Souhaitez-vous que ce modèle fonctionne?

    M. Young : J’ai toujours essayé de le faire fonctionner. Je vais certainement continuer, parce qu’au bout du compte, c’est ce qui va permettre d’améliorer les services offerts aux parlementaires.

    M. Braid : Très bien.

    En ce qui concerne le processus d’établissement et d’approbation du budget de la Bibliothèque du Parlement, M. Page a confirmé qu’il comprenait quelles sont les étapes d’approbation du processus et que c’est à vous, à toutes fins pratiques, qu’il incombe d’établir et d’approuver le budget, après avoir consulté les deux Présidents.

    Au sujet de sa demande d’augmentation budgétaire, il a également mentionné qu’il respectait le processus budgétaire concernant la Bibliothèque du Parlement et qu’il continuerait de le faire à l’avenir. Est-ce exact?

    M. Young : Il a soumis une analyse de rentabilisation, comme mes autres cadres supérieurs, tel que je vous l’ai expliqué la semaine dernière. Ces analyses de rentabilisation sont soumises à l’automne. L’équipe de cadres supérieurs se réunit et les passe en revue.

    Nous étions évidemment conscients que nous n’obtiendrions pas la totalité des fonds requis par la Bibliothèque pour répondre à toutes les demandes reçues par l’équipe de cadres supérieurs ou formulées par l’équipe elle-même.

    Mon équipe de gestion et moi-même nous réunissons et tentons de définir les services essentiels, les économies et les éléments que nous pourrions intégrer aux différentes demandes afin d’atteindre une efficacité maximale. Nous en arrivons à un résultat acceptable.

    M. Page n’a pas participé à ces réunions, même s’il en avait été avisé et avait accès à tous ces documents. Nous avons un disque partagé, auquel il avait accès, et que tous mes cadres supérieurs utilisent quand ils étudient ces documents au cours du processus.

    M. Braid : M. Page a affirmé que vous vous étiez réunis tous les deux en septembre pour discuter de son analyse de rentabilisation et de ses demandes budgétaires. Y a-t-il eu d’autres réunions par la suite?

    M. Young : Non.

    M. Braid : Pour quelle raison?

    M. Young : Il a décliné l’invitation.

    M. Braid : Y a-t-il d’autres cadres supérieurs dans votre équipe de gestion qui ont fait des demandes budgétaires supérieures à ce qu’ils ont finalement obtenu?

    M. Young : Ils en ont tous fait.

    M. Braid : Les demandes budgétaires de M. Page étaient-elles réalistes?

    M. Young : Comme je vous l’ai expliqué la semaine dernière, il était très difficile pour moi de le déterminer parce que je ne possédais pas les renseignements concernant la nature des demandes et le nombre de demandes qu’il recevait des comités et des parlementaires. Comme je vous l’ai dit, je crois, il y a un élément de son mandat qui est axé sur une démarche proactive, et les trois autres dépendent de la demande émanant des parlementaires et des comités. Je n’avais aucune idée de la nature et du nombre des demandes qu’il recevait, du temps que cela prenait pour y répondre ni des besoins de M. Page en matière de ressources.

    M. Rickford : Je vous souhaite à nouveau la bienvenue, monsieur Young. J’aimerais vous poser quelques brèves questions.

    M. Page nous a expliqué aujourd’hui qu’il ne respecterait pas la volonté d’un parlementaire qui demanderait que l’analyse effectuée par le directeur parlementaire du budget ne soit pas rendue publique. Cela soulève une foule de questions chez certains d’entre nous.

    J’aimerais examiner plus particulièrement les incidences des ressources. Savez-vous si le directeur parlementaire du budget cherche à obtenir ou conclut des contrats pour des services de communication externes lorsqu’un parlementaire ne donne pas son autorisation pour que l’analyse soit rendue publique?

    M. Young : Je sais qu’il demande des ressources de communication externes, mais je ne sais pas si c’est en lien avec la demande d’un parlementaire.

    M. Rickford : M. Page a affirmé avoir des ressources financières limitées. Puisque c’est vous qui avez le mandat de surveiller la gestion du bureau du bibliothécaire parlementaire, pourriez-vous nous expliquer pourquoi le DPB dépense des fonds pour des services non essentiels comme les communications et les avis juridiques? Je pense qu’on nous a dit aujourd’hui qu’une firme avait fourni un avis. Par ailleurs, combien dépense-t-il pour ces services non essentiels?

    M. Young : Je crois que nous vous avons soumis la liste des contrats que M. Page a accordés. Je ne sais vraiment pas pourquoi il procède de cette façon. Il l’a fait sans en discuter au préalable pour savoir si la bibliothèque pourrait offrir ces services non essentiels. Nous avons une fonction de communication. Nous avons le même accès au service de traduction que la Chambre des communes et le Sénat; c’est inclus. Nous avons un service de rédaction.

    Toutefois, M. Page a peut-être besoin de services spécialisés, d’un rédacteur économique, par exemple. Je ne sais vraiment pas. Je sais que ces services ont été externalisés, mais il ne m’a pas consulté à ce sujet.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Chers collègues, nous devrions terminer à 14 heures, mais pour cela, nous allons devoir accélérer.

    M. Bélanger : J’ai besoin de savoir si l’information que je crois être exacte l’est effectivement.

    Monsieur Young, la semaine dernière, vous avez dit que la demande de crédits budgétaires de 2,7 millions ou 2,8 millions de dollars avait été transmise aux Présidents.

    M. Young : Elle faisait partie de l’analyse de rentabilisation; c’était dans les discussions préliminaires avec les Présidents. J’ai transmis les analyses de rentabilisation que j’avais reçues de tous mes chefs de service.

    M. Bélanger : J’ai ici le Budget supplémentaire des dépenses, et il n’y a rien pour le Parlement. Si la demande a été transmise au gouvernement, elle n’y figure pas.

    M. Young : C’est le Budget principal des dépenses de l’année dernière.

    M. Bélanger : Non. C’est le Budget supplémentaire des dépenses (A), déposé ce matin.

    M. Young : Nous n’avons présenté aucune demande dans le Budget supplémentaire des dépenses.

    M. Bélanger : Très bien. C’est clair.

    Est-ce vous qui avez pris cette décision?

    M. Young : Oui, sur l’avis de la directrice générale des Services de gestion.

    M. Bélanger : Merci. Je crois que je sais d’où cela vient.

    Je souhaite présenter mes excuses au comité pour la semaine dernière. J’étais un peu perdu. Je croyais que le Budget principal des dépenses avait été approuvé, mais ce n’était pas le cas. En fait, c’est le Budget supplémentaire des dépenses (C) qui avait été approuvé. Cela fait huit ou neuf ans que nous n’avons pas eu un Budget supplémentaire des dépenses (C). Toutes mes excuses, chers collègues.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : J’accepte vos excuses au nom du comité, monsieur Bélanger.

    Je laisse maintenant la parole à M. Plamondon, qui sera suivi de M. Holder.

    [Français]

    M. Plamondon : À l'article 79.2, on dit :

    Le directeur parlementaire du budget a pour mandat : de fournir au Sénat et à la Chambre des communes, de façon indépendante, des analyses[…]

    Il n'est pas indiqué « de fournir au directeur de la Bibliothèque ». J’aimerais entendre vos propos à ce sujet.

    Deuxièmement, dans les dossiers publiés par M. Page on indique avoir fait appel aux services de spécialistes en économie provenant de l’extérieur de la Bibliothèque, la Bibliothèque n’ayant pas dans son personnel de tels spécialistes étant donné qu'elle n'avait pas, auparavant, à produire des analyses de budgets semblables à celles effectuées par M. Page. J’aimerais également entendre vos propos à ce sujet.

    Lorsque M. Page a affiché les postes de recherche dont vous aviez besoin, pourquoi aucun analyste de la Bibliothèque n'a postulé à ces postes?

    [Traduction]

    M. Young : Vous avez tout à fait raison à propos de la disposition législative, mais M. Page ne me fournit pas d’analyses. Je n’interviens jamais dans les analyses présentées par M. Page. Elles sont présentées et sont affichées sur le site Web. Je ne les vois pas, ne les approuve pas, ne les lis pas à l’avance. En fait, elles sont préparées selon la disposition législative.

    Quant aux qualifications du personnel de la Bibliothèque, vous pouvez probablement tout autant en juger que n’importe qui. Nous avons un groupe extrêmement qualifié d’économistes titulaires de doctorats, ou du moins d’une maîtrise. Ils possèdent diverses compétences et spécialisations. Ils ont travaillé pour vous et ils continuent de le faire.

    Il est vrai que M. Page a besoin de différentes spécialisations parce qu’il occupe une nouvelle fonction. Elle a été reconnue comme une nouvelle fonction. L’une des raisons pour laquelle je croyais que le DPB pouvait être rattaché à la Bibliothèque, c’est que j’estimais que cela accroîtrait les compétences que nous avons déjà.

    Pour ce qui est de la nature des analyses effectuées et des rapports qui sont préparés, comme je l’ai mentionné la semaine dernière, j’estime que les parlementaires seraient mieux servis par une combinaison des compétences en analyse de politiques, que possèdent mes analystes, et des compétences en établissement des coûts fiscaux et économiques, que possède le personnel de M. Page. Je pense que l’un n’empêche pas l’autre. Ils pourraient même s’enrichir mutuellement.

    Je ne savais pas qui avait posé sa candidature à ces concours. Je n’ai pas du tout suivi le processus.

    M. Holder : Monsieur Young, vous avez déclaré aujourd’hui que le DPB n’a pas besoin d’indépendance institutionnelle et vous avez souligné la qualité des recherches de votre propre personnel. Est-il juste de présumer que vous seriez d’accord pour dire que le bureau du DPB pourrait partager les services de recherche de la Bibliothèque du Parlement?

    M. Young : Ils travaillent déjà ensemble à des projets. Par exemple, un projet d’établissement des coûts peut comporter un élément de politique. Nous avons peut-être un économiste qui se spécialise dans ce domaine et qui pourrait aider à formuler des questions pour qu’elles portent sur le calcul des coûts afin que vous obteniez une meilleure réponse. C’est là où je veux en venir.

    M. Holder : Existe-t-il une telle interaction à l’heure actuelle?

    M. Young : Je n’en suis pas certain. Pas officiellement. Je suis sûr que ces personnes partagent des bureaux sur le même étage. Je ne peux m’imaginer qu’elles ne se parlent pas.

    M. Holder : C’est une chose de se parler, mais c’en est une autre de travailler ensemble à un projet. J’essaie de savoir si…

    M. Young : Je n’en ai aucune idée; je ne crois pas qu’ils le font officiellement. Officieusement, oui. Les projets ne sont pas assignés conjointement au personnel du DPB et aux autres spécialistes de la bibliothèque.

    M. Holder : Vous ne savez donc pas dans quelle mesure le bureau du DPB utilise le personnel de la Bibliothèque du Parlement.

    M. Young : C’est exact. La seule chose dont je suis certain, c’est qu’on s’est adressé aux bibliothécaires pour obtenir de l’aide au sujet de plusieurs demandes de référence.

    M. Holder : Au-delà de son expertise, le personnel de la Bibliothèque du Parlement a-t-il la capacité d’appuyer le DPB?

    M. Young : Je le crois. Nous avons effectué des processus d’établissement des coûts pour des projets de loi avant la nomination du DPB et de son personnel. En fait, nous nous occupons encore de certaines demandes. C’est l’une des raisons pour laquelle je n’étais pas certain de la nature et du nombre des demandes reçues par le DPB.

    M. Holder : Vous n’êtes pas en train de dire qu’il y a trop de personnel à la Bibliothèque du Parlement?

    M. Young : Non.

    M. Holder : Il me semblait bien que vous ne disiez pas cela.

    M. Young : Je pense que vous avez entendu mon témoignage la semaine dernière.

    M. Holder : Oui, je m’en souviens.

    Estimez-vous que le DPB joue un rôle d’analyste principal au sein de la Bibliothèque du Parlement?

    M. Young : C’est une chose dont nous avons discuté lors de la création du bureau. Je considère le DPB comme une personne très chevronnée qui n’est pas juste un autre prévisionniste, mais qui est en mesure de fournir une valeur ajoutée aux membres du Parlement en leur permettant de comparer, par exemple, les prévisions du Conference Board du Canada aux autres prévisions, d’en expliquer les forces et les faiblesses et de comprendre des prévisions parfois contradictoires.

    M. Holder : À propos du processus budgétaire, en parlant du DPB, vous avez dit « mes autres cadres supérieurs ». Vous l’expliquez bien dans votre argument. Vous demandez de l’aide parce que cela ne peut continuer ainsi. Je suis d’accord. Cette situation est en quelque sorte dysfonctionnelle ou, du moins, inefficace. Toutefois, vous avez dit qu’il serait utile que le comité précise davantage la façon dont le mandat devrait être interprété. C’est peut-être ce que doit faire notre comité. En sachant que ce n’est pas de votre ressort mais du nôtre, comment clarifieriez-vous le mandat du DPB?

    M. Young : Il m’est difficile de répondre à cette question à l’heure actuelle. Je pense que j’y ai répondu dans mon allocution et dans les documents que je vous ai remis. Je préférerais que vous les consultiez plutôt que de vous donner une réponse de 30 secondes.

    Toute la question des rapports hiérarchiques doit être clarifiée. En ce qui concerne la responsabilité, comme le bibliothécaire parlementaire a rang de sous-ministre, le fait que j’aie à traiter avec une personne qui refuse de participer aux processus auxquels je crois qu’elle devrait participer crée bien des problèmes au sein de la bibliothèque.

    Vous voudrez peut-être examiner de façon plus générale toute la question des rapports hiérarchiques. Si une personne nommée par décret, qui relève d’une autre personne nommée par décret, ne fournit pas une participation entière et ne reconnaît pas la structure des pouvoirs qui a été mise en place, les travaux de ce comité et ses recommandations pourraient avoir d’incalculables répercussions lorsque les autres organismes gouvernementaux seront aux prises avec une situation semblable. Je sais que les travaux du comité sont surveillés par les dirigeants d’organismes qui se demandent ce que cela pourrait signifier pour eux.

    Le sénateur Stratton : Monsieur Young, dans son témoignage de ce matin, M. Page a indiqué qu’il avait fixé des conditions lors de son embauche. Connaissez-vous ces conditions, s’il y en a?

    M. Young : Le seul point qui a été soulevé à son embauche concernait le niveau du poste.

    Le sénateur Stratton : Je m’en souviens.

    M. Young : Nous avions de la difficulté à recruter au niveau qui avait été établi par le Conseil privé.

    Le sénateur Stratton : Était-il propre à l’emploi?

    M. Young : Non.

    Le sénateur Stratton : Il n’y avait aucune condition. Autrement dit, il a semblé, à ce moment-là, accepter les paramètres de définition des fonctions.

    M. Young : Oui. Cela ne fait aucun doute. Si je me rappelle bien, il m’a accompagné à divers comités où il a reconnu qu’il les acceptait.

    Le sénateur Stratton : La Bibliothèque du Parlement jouit d’une réputation d’excellence à l’échelle internationale. L’élément dont on reconnaît la valeur, en tant que parlementaire, c’est la confiance. Elle est très importante. Quand nous discutons avec vous ou avec vos représentants, ces discussions sont traitées de façon confidentielle entre vous et les personnes qui accomplissent le travail pour vous. Cette confiance est sacrée, elle continue de l’être. Pourtant, M. Page dit : « Non, je n’y crois pas; cela ne convient pas ».

    La confiance est au cœur de cette question, et la raison de cette confiance est la confidentialité. Si M. Page décide de ne pas respecter cette confidentialité, je me demande où est la confiance. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

    M. Young : Comme vous le savez, j’ai agi à titre d’analyste à la Bibliothèque du Parlement durant 20 ans. J’ai toujours considéré que mes opinions personnelles importaient peu. Les parlementaires sont ici parce qu’ils souhaitent accomplir quelque chose, et mon rôle consiste à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour les aider à atteindre leurs objectifs.

    Je dois dire que parfois, ma tâche était de les mettre en garde au sujet de choses qu’ils ne devaient pas faire à cause de certaines conséquences. Ces conversations doivent demeurer privées pour qu’elles se fassent en toute honnêteté.

    Le sénateur Stratton : Je suis d’accord.

    Le sénateur Jaffer : Je vous écoute parler et je me rends compte que votre travail est difficile. Vos employés ne sont pas des analystes indépendants, n’est-ce pas? Ils travaillent avec vous au sein du système.

    M. Young : Ils sont embauchés à titre d’analystes.

    Le sénateur Jaffer : La désignation de leur poste n’est pas « analyste indépendant ».

    M. Young : Indépendant de quoi? Leurs analyses sont indépendantes. Je n’examine pas les analyses qu’ils effectuent.

    Le sénateur Jaffer : Je parle de la désignation de leur poste. Ce sont des analystes de la bibliothèque, n’est-ce pas?

    M. Young : Oui, en effet.

    Le sénateur Jaffer : M. Page occupe le poste indépendant de directeur parlementaire du budget.

    M. Young : Non. Il a pour mandat de réaliser une analyse indépendante pour le Parlement. Je vous dirais que mes analystes font exactement la même chose.

    Le sénateur Jaffer : Diriez-vous qu’il a la même indépendance exactement que vos analystes ou qu’il en a davantage?

    M. Young : Il jouit d’un mandat législatif qui lui donne le devoir juridique de fournir une analyse financière et économique au Parlement.

    Le sénateur Jaffer : Directement au Parlement?

    M. Young : Oui.

    Le sénateur Jaffer : Ce n’est pas comme les analystes, qui peuvent me remettre des analyses, à moi, personnellement.

    M. Young : Ils peuvent fournir la même analyse au Parlement, mais ce n’est simplement pas prescrit comme tel par la loi. Dans son cas, il y a une garantie qu’il peut le faire et que cela fait partie de sa description de tâches.

    Le sénateur Jaffer : Voici ma question : est-il chargé expressément de présenter une analyse indépendante au Parlement? Est-ce ce qu’on lui demande de faire?

    M. Young : Tout à fait.

    Le sénateur Jaffer : Vous avez parlé de budgets. Votre tâche ne semble pas facile, surtout dans le contexte économique actuel. Beaucoup de gens vous en demandent plus. De toute évidence, la charge de travail de la Bibliothèque augmente. Savez-vous quel serait le pourcentage de travail que vous n’avez pas fait pour d’autres et le pourcentage de travail que vous n’avez pas fait pour M. Page? Est-ce que c’est exactement la même chose pour tout le monde?

    M. Young : La Bibliothèque a connu une augmentation de 1,5 p. 100 au cours du dernier exercice. Comme je l’ai dit, nous avons pris le temps d’examiner le tout et de déterminer quels éléments critiques devraient être considérés comme des priorités par mon équipe de gestion pour la prochaine année, comme les TI et la prestation de services de recherche supplémentaires aux comités et aux parlementaires. Nous nous sommes demandé comment nous pouvions améliorer la gestion des ressources existantes et en réaffecter certaines pour satisfaire à ces priorités.

    Le sénateur Jaffer : Saviez-vous que quand il a embauché son personnel, il s’attendait à recevoir un budget de 2,8 millions de dollars la seconde année?

    M. Young : Pour vous dire la vérité, madame le sénateur, on n’embauche pas de personnel permanent sans avoir au préalable un budget autorisé. C’est de la mauvaise gestion pure et simple. Ce n’est pas correct.

    Si je prends les données de la Bibliothèque, il y a d’autres secteurs où l’on attendait une augmentation budgétaire, des centaines de milliers ou peut-être un million de dollars. Ils n’en ont pas reçu et n’ont pas embauché de gens.

    Le sénateur Jaffer : Quand M. Page est arrivé, nous avons compris qu’il avait embauché 13 personnes parce qu’il s’attendait à ce que son budget passe à 2,8 millions de dollars et que lui et vous travailliez en étroite collaboration. Saviez-vous que c’est ce qu’il pensait quand il a embauché tous ces gens?

    M. Young : Il me semble que la façon de faire ordinaire pour toute nouvelle organisation, c’est de trouver du personnel par détachements et affectations. Plus la nature de l’organisation se précise, de même que la demande et la charge de travail, plus on peut créer des postes permanents, et l’on renvoie certaines personnes d’où elles sont venues. M. Page a commencé par embaucher la plupart de ses employés par affectations. Je pense qu’il a encore quelques employés qui sont en affectation, donc je ne comprends pas tout à fait votre question.

    Le sénateur Jaffer : Au début, M. Page et vous travailliez en étroite collaboration. Vous saviez qu’il avait embauché 13 personnes.

    M. Young : Non, je ne savais pas combien il en avait embauché. Je n’ai pas été mêlé à la dotation, sauf pour les postes que j’ai dû autoriser. J’étais au courant pour ses directeurs généraux. Un moment donné, il prévoyait embaucher quatre personnes au niveau EX. J’avais des réserves, parce qu’il s’apprêtait à créer une haute hiérarchie très lourde composée de trop de EX et de pas assez d’analystes pour faire le travail. J’ai mis un holà à l’échelle de la Bibliothèque au complet et j’ai décidé que toutes les demandes de dotation de niveau EX-1 et plus devaient passer par moi. De cette manière, je saurais exactement ce qui se passe, quelles responsabilités devrait avoir chacun et si la charge de travail justifiait l’embauche.

    [Français]

    M. Asselin : Monsieur Young existe-t-il un problème de personnalité entre vous et M. Page?

    M. Young : Non, jamais.

    M. Asselin : Non? Pouvez-vous dire cela sans esquisser un petit sourire?

    M. Young : Absolument. Non.

    M. Asselin : C'est un dossier qui semble difficile à régler. Un dossier qui semble à la fois teinté de jalousie ou d'hypocrisie. De jalousie parce qu'on sait que M. Page a des pouvoirs que vous n'aurez probablement jamais en tant que chef de la bibliothèque. Également un peu d’hypocrisie parce que lorsque vous nous dites que vous avez défendu M. Page, vous avez défendu son budget. Vous faites en sorte que cela fonctionne. Je me demande si vous ne feriez pas tout pour que cela ne fonctionne pas.

    J’aimerais que vous disiez au comité quels sont les efforts ou les appuis que vous avez accordés à M. Page pour défendre son budget de 2.8 millions de dollars.

    M. Young : Il n’y a pas de jalousie du tout.

    [Traduction]

    Je me suis battu très fort pour l’établissement du Bureau du DPB. J’ai travaillé probablement deux ans avant la nomination de M. Page à faire en sorte que ce poste soit le plus efficace possible pour aider le Parlement.

    Si j’avais toute l’information et l’appui dont j’ai besoin en tant que sous-chef de l’institution, je serais le premier à me battre pour octroyer davantage de ressources à M. Page. Cependant, dans les circonstances actuelles, où je ne sais pas ce qui se passe, où on ne m’informe pas, où il n’y a même pas de système commun de suivi qui me permet de savoir…

    [Français]

    M. Asselin : En tant que son supérieur, monsieur Young, avez-vous fait l'effort d'aller rencontrer M. Page et d’obtenir des explications de ses prévisions budgétaires de l’ordre de 2.8 millions de dollars?

    M. Young : Oui.

    M. Asselin : Quelle a été sa réponse? Quelles sont les négociations?

    M. Young : Il n'a pas assisté aux réunions.

    M. Asselin : Dans le cas où quelqu'un n'assiste pas, pour quelques raisons que ce soit, aux réunions dans lesquelles il circule de l'information et de la documentation, êtes-vous chargé de lui transmettre l'information et la documentation?

    M. Young : Il a reçu les informations comme tous les gestionnaires de la Bibliothèque. Il a le même accès aux chiffres, il a le même accès à tout.

    [Traduction]

    M. Dryden : Ce que j’entends aujourd’hui ne suscite pas chez moi la même réaction que chez M. Asselin. Les analystes, ceux qui traitent l’information dans leur travail de tous les jours, croient en l’information. Ils croient au pouvoir de l’information, à l’importance de l’information et respectent beaucoup l’information.

    Je pense qu’il arrive parfois, surtout dans un contexte comme celui-ci où des parlementaires demandent des renseignements, que les parlementaires utilisent l’information d’une façon qui ne correspond pas au but de l’information. Nous pouvons en faire mauvais usage, et j’ai l’impression que les analystes et les personnes qui traitent l’information en sont aigris à la longue. Ils en viennent à croire que l’information en soi est indépendante et que c’est un principe important dans la création de l’information.

    Il y a ensuite une situation comme celle-ci, où un poste est créé, et tout le monde comprend et souhaite que son titulaire soit indépendant du gouvernement. La question est celle-ci : pour être indépendant du gouvernement, doit-il également être indépendant de la Bibliothèque du Parlement ou peut-il être indépendant du gouvernement tout en relevant de la Bibliothèque du Parlement?

    J’ai l’impression que c’est là où il y a divergence d’opinions. M. Page estime probablement que pour vraiment traiter l’information comme elle mérite de l’être, l’information en soi est indépendante. Ainsi, pour faire son travail, il doit être indépendant de la Bibliothèque du Parlement aussi.

    Les membres du comité doivent toutefois se poser la question : est-ce le sens de son mandat législatif? Si ce ne l’est pas, est-ce que ce devrait l’être? Est-ce le sens du mandat actuel ou devons-nous vraiment déterminer s’il y a un conflit d’attitudes ou si c’est une question de mandat législatif. Nous n’irons nulle part tant que nous n’aurons pas tranché la question.

    Je vous demande si la Bibliothèque du Parlement jouit d’une certaine indépendance selon son mandat législatif.

    M. Young : La Bibliothèque du Parlement est indépendante de l’exécutif et elle a toujours fonctionné de manière indépendante à ce titre.

    M. Dryden : Mais le DPB lui-même n’est pas indépendant de la Bibliothèque du Parlement?

    M. Young : Non. Le DPB fait partie de la Bibliothèque du Parlement. Je dirais même que la garantie de son indépendance vient du fait qu’il relève de la Bibliothèque du Parlement.

    Regardez les autres lois, dans une certaine mesure, elles disent garantir l’indépendance, mais elles établissent toujours des limites que l’agent ou le mandataire du Parlement doit respecter. La Bibliothèque du Parlement, parce qu’elle fait partie du Parlement, a pour ainsi dire une indépendance illimitée. Le mandat de M. Page consiste à effectuer une analyse indépendante, il a donc une double garantie.

    Le sénateur McCoy : Monsieur Young, c’est un plaisir de vous recevoir au comité.

    À titre de sénateur indépendant, j’ai déjà exprimé mon admiration pour le travail de M. Page et la valeur que j’y accorde. Il m’est d’une grande aide et aide beaucoup d’autres Canadiens. Je tiens à préciser aussi que j’apprécie tout autant les services que vous nous offrez et que je les trouve très utiles dans mon travail. Le travail de recherche que vous faites est sans pareil. Cependant, je vois les deux services différemment. Je n’ai aucune difficulté à accorder beaucoup de valeur à chacun d’entre vous, mais je vous place dans des catégories différentes.

    Certains se questionnent sur la façon dont chaque parlementaire interagit avec les attachés de recherche de la Bibliothèque. Il y a souvent une question d’engagement. Si je m’adresse à la Bibliothèque du Parlement pour lui poser une question, l’attaché de recherche me répond souvent : « Oui, nous avons fait cette recherche pour quelqu’un d’autre, mais nous n’avons pas l’autorisation de vous en communiquer les résultats. » Je suis au courant. Pour cette raison, je fais appel à vos services quand je veux une séance d’information privée, tout comme je pourrais engager un avocat.

    Je crois avoir entendu la réponse à ma prochaine question, mais je voudrais que vous la confirmiez. Quelqu’un a donné l’exemple d’un député de la Chambre des communes qui demanderait des conseils sur les coûts des incidences d’un projet de loi d’initiative parlementaire. Je comprends que le député est toujours libre de faire appel aux analystes de la Bibliothèque du Parlement et de demander de l’information, comme nous l’aurions fait il y a trois ans parce que c’est là où nous sommes toujours allés pour ce type d’information, n’est-ce pas?

    M. Young : La loi donne au DPB le mandat d’établir les coûts des projets de lois d’initiative parlementaire. C’est exactement là où il devrait y avoir l’intégration dont je parle. Dans certains cas, il peut s’agir d’une analyse de coûts qui pourrait être faite par nos économistes; dans d’autres, il pourrait être préférable que le DPB participe directement ou pleinement à cette analyse.

    Je dirais que nous suivons un modèle mixte, madame, pour ce qui est de rendre nos documents publics. Quand un enjeu se pose et qu’un sénateur ou un député demande une analyse sur le sujet, mais que nous savons qu’il sera de l’intérêt de tout le Parlement d’être au courant, nous informons ce sénateur ou ce député que nous allons répondre à sa demande, mais que nous allons également publier l’information. Il n’a pas le choix.

    Le sénateur McCoy : J’ai l’impression que c’est peut-être le nœud du dilemme auquel nous sommes confrontés. Ce n’est pas un choix; d’une certaine manière, nous devons tous trouver une solution qui permette les deux.

    Le temps file, donc je vais m’arrêter là.

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : Monsieur Young, je vous remercie des réponses franches que vous nous avez données cet après-midi.

    Chers collègues, vous savez sans doute que nous ne nous réunirons pas la semaine prochaine, puisque le Parlement ne siège pas. Nous allons nous réunir la semaine d’après à huis clos. Nous aurons alors une ébauche à vous soumettre.

    [Français]

    M. Plamondon : Est-ce que l'on donne mandat à nos recherchistes, pendant les jours où nous serons absents, de commencer à rédiger un rapport ou nous préparer des notes? Puisqu'il faudra faire rapport assez rapidement, vu l'urgence de la situation exprimée par M. Page et M. Young. Alors, je voudrais bien qu’à notre retour, nous puissions nous mettre au travail immédiatement, si possible.

    [Traduction]

    La coprésidente (le sénateur Carstairs) : J’espère que les analystes pourront nous remettre leur première ébauche à notre prochaine séance et que vous pourrez y réagir. Nous pourrions ensuite préparer un rapport vraiment final à la réunion suivante.

    (La séance est levée.)


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