Passer au contenu
;

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Association parlementaire Canada-Europe

RAPPORT

Du 5 au 9 mars 2018, l’Association parlementaire Canada-Europe (CAEU) a envoyé une délégation de six parlementaires en Irlande et en Irlande du Nord, au Royaume-Uni (R.-U.). Les délégués étaient M. James Maloney, député et chef de la délégation; M. Scott Simms, député et président du CAEU; l’honorable René Cormier, sénateur; l’honorable David Wells, sénateur; le député Ziad Aboultaif, et la députée Irene Mathyssen. La délégation était accompagnée de la secrétaire de l’Association, Mme Guyanne Desforges, et de la conseillère de l’Association, Mme Laura Barnett. 

Du 7 au 9 mars, une délégation de six parlementaires de l’Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni (RUUK) s’est jointe au CAEU. Les délégués étaient les suivants : le député Frank Baylis, chef de la délégation; l’honorable Patricia Bovey, sénatrice; l’honorable Donald Plett, sénateur; le député John MacKay, le député Daniel Blaikie et le député Kerry Diotte. La délégation était accompagnée du secrétaire de l’Association, M. Jean-François Pagé et de la conseillère de l’Association, Mme Sonya Norris.

Lors des réunions à Dublin, Cork et Belfast, les membres de la délégation se sont entretenus avec des ministres, des parlementaires et d’autres représentants politiques, ainsi qu’avec des représentants du gouvernement, d’associations politiques, d’entreprises canadiennes et de groupes de réflexion. Par ailleurs, des représentants de l’ambassade du Canada en Irlande et du conseil honoraire du Canada à Belfast ont livré des séances d’information aux membres de la délégation. Ces entretiens ont porté sur des enjeux clés concernant les relations Canada-Union européenne, Canada-Irlande et Canada-Royaume-Uni, y compris l’Accord économique et commercial global (AECG) et le Brexit.

MISSION PARLEMENTAIRE EN IRLANDE (DU 5 AU 7 MARS 2018)

Séance d’information de l’ambassade du Canada en Irlande

Les membres de la délégation de l’CAEU amorcent leur mission par une séance d’information avec Son Excellence Kevin Vickers, ambassadeur, qui leur souhaite la bienvenue à Dublin, puis présente John Roxburgh, délégué commercial principal, et Jackie Ellis, spécialiste politique à l’ambassade. L’ambassadeur Vickers donne à la délégation un aperçu du paysage politique en Irlande et souligne l’importance de la relation Canada-Irlande, tant du point de vue de l’émigration historique des Irlandais au Canada que des liens étroits qu’entretiennent aujourd’hui les deux gouvernements. 

À cet effet, l’ambassadeur Vickers fait ressortir l’importance du tourisme pour l’économie irlandaise, ainsi que l’augmentation marquée du nombre de touristes canadiens. En 2017, 248 600 Canadiens ont visité l’Irlande, et de nombreuses liaisons aériennes directes ont été établies au cours des dernières années. Cinq mille personnes possédant la double nationalité canadienne et irlandaise vivent actuellement en Irlande. L’ambassadeur insiste sur la pression que cette présence canadienne accrue impose aux services consulaires de l’ambassade, et sur la nécessité de disposer de personnel additionnel pour gérer cette charge de travail.

L’ambassadeur mentionne aussi la forte croissance du commerce canadien avec l’Irlande, en plus des entreprises canadiennes qui s’établissent au pays et des collaborations remarquables entre les deux pays dans le domaine du cinéma. Dans ce contexte, il décrit les débouchés engendrés par l’AECG, notamment des créneaux particuliers comme la technologie de pointe, l’énergie verte et océanique, les adjudications pour la construction de nouveaux hôpitaux ainsi que les débouchés dans les secteurs des infrastructures d’aéroports et de métros, et du logement.

L’ambassadeur répond également à des questions portant sur le faible taux d’imposition des sociétés en Irlande (12,5 %), qui est le facteur principal justifiant le choix des nombreuses entreprises multinationales à venir s’établir dans ce pays. Bien que ce taux d’imposition ait causé un litige avec l’Union européenne (UE), l’Irlande n’a nullement l’intention de modifier sa politique et fait une promotion active de cet avantage. M. Roxburgh ajoute que ce n’est pas uniquement le faible taux d’imposition des sociétés qui attire les entreprises; l’Irlande possède également une main-d’œuvre qualifiée attrayante pour les entreprises. 

Sur la question du Brexit, l’ambassadeur Vickers souligne la complexité des enjeux que doivent relever l’UE et le R.-U., particulièrement en ce qui concerne la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. De nombreuses questions n’ont pas encore été réglées et les compromis sont difficiles. La première ministre du R.-U., Theresa May, espère trouver des solutions technologiques et a établi des parallèles avec la frontière canado-américaine; toutefois, les commentateurs estiment que cette option semble peu réaliste, compte tenu des fréquents arriérés constatés à la frontière canado-américaine. L’UE est d’avis qu’en l’absence de solution de rechange, elle n’aura d’autre option que d’établir une frontière physique entre l’Irlande du Nord et le R.-U., de sorte que l’Irlande du Nord puisse maintenir un alignement réglementaire avec l’UE. Selon l’ambassadeur Vickers, si l’Irlande du Nord devait au bout du compte tenir un référendum sur la question de l’unification avec l’Irlande, le vote serait divisé sur la base de principes sectaires. Mme Ellis indique que la crainte d’instabilité politique au R.-U. est amplifiée par le débat sur le Brexit.

La délégation discute aussi d’un certain nombre d’enjeux sociaux, y compris le référendum à venir sur la question de l’avortement en Irlande. L’ambassadeur explique aussi que l’abordabilité et la disponibilité du logement soulèvent d’importantes préoccupations en Irlande. La séance d’information se conclut par une discussion sur l’Atlantic Ocean Research Alliance et sur les saines relations qu’entretiennent le Canada et l’Irlande à cet égard.

Rencontre avec des délégués de l’Ireland Canada Business Association

La délégation assiste ensuite à une réunion avec des membres de l’Ireland Canada Business Association, organisée par le cabinet juridique Eversheds Sutherland. Les liens étroits entre le Canada et l’Irlande sont l’un des grands thèmes qui y sont abordés, notamment au chapitre des affinités culturelles, des similitudes dans les systèmes linguistiques et juridiques, et des relations avec l’industrie.

M. Alan Connell, du cabinet Eversheds Sutherland, souligne le fait que l’Irlande se présente comme une « passerelle vers l’Europe » aux yeux des entreprises qui désirent tirer avantage du faible taux d’imposition des sociétés et de sa main-d’œuvre jeune et instruite. L’économie irlandaise étant jusqu’à tout récemment fortement liée à la présence de sociétés américaines établies au pays, voilà que des entreprises canadiennes s’établissent maintenant à Dublin et ailleurs. M. Gerard Ryan, du cabinet Eversheds Sutherland, mentionne le fait que l’Irlande utilise le système juridique de common law, ce qui cause moins de tracasseries administratives que les autorités ayant recours au système de droit civil du point de vue des processus réglementaires.

M. Ryan souligne également les possibilités offertes par l’AECG. Il indique qu’en plus des occasions qui se présentent dans les industries des services financiers, de l’alimentation, de la construction et des technologies agricoles, l’ouverture des marchés publics aux gouvernements fédéral et provinciaux du Canada suscite un grand intérêt de la part des entreprises irlandaises. Mme Angelyn Rowan, également de Eversheds Sutherland, parle des avantages importants que peut comporter un portail unique d’offres publiques, soulignant la transparence accrue que ce portail procurera aux entreprises qui participent à des appels d’offres, tout en reconnaissant que ce système ne donne pas carte blanche aux entreprises européennes qui désirent faire leur entrée sur les marchés publics canadiens. Elle mentionne également que l’élimination des tarifs douaniers sur les matériaux de construction est très importante pour l’industrie de la construction en Irlande. L’importance de la mobilité de la main-d’œuvre est aussi soulignée et donne lieu à une discussion sur la reconnaissance des titres de compétences étrangers, en particulier dans le contexte fédéral-provincial du Canada.

Mme Marie McGinley, du cabinet Eversheds Sutherland, soulève pour sa part la question du Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’UE, qui entrera en vigueur le 25 mai 2018, et qui permettra d’obtenir une uniformité des règles de protection des données à l’échelle de l’UE. Les pays qui traitent avec l’UE devront donc se conformer au RGPD. Le Canada se trouve en bonne position à cet égard, puisque la Commission européenne a jugé qu’il offrait un niveau adéquat de protection des données, permettant ainsi la libre circulation des données entre les deux pays (ce qui n’est pas le cas avec les États-Unis). M. Roxburgh note que les entreprises canadiennes vont s’adapter rapidement aux nouvelles exigences de déclaration et de conformité. Mme McGinley mentionne également les avantages pour l’Irlande d’avoir un commissaire à la protection des données, qui applique une politique de la porte ouverte pour les entreprises qui ont des questions au sujet de leurs obligations.

Sur la question du Brexit, M. Aidan Byrne de RSM Ireland indique que la position de l’EU semble relativement claire : il lui tarde d’aller de l’avant. La première ministre May désire trouver un compromis qui permettrait au R.-U.de quitter l’union douanière et le marché unique en les remplaçant par un accord commercial. Il ajoute que même si la première ministre May espère trouver une solution technologique pour la frontière irlandaise, cette option n’est pas nécessairement réaliste à court terme. M. Ryan réitère également le fait que si le Brexit se conclut par une « absence d’accord » non gérée, les règles de l’Organisation mondiale du commerce s’appliqueront alors. La situation est rendue plus difficile par le fait que l’Accord du Vendredi saint établit un point de référence qui a des répercussions internationales pour les futures relations entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. M. Chris Morash du Trinity College Dublin mentionne également les répercussions du Brexit sur la recherche. À l’heure actuelle, 60 % du financement de la recherche provient de l’UE, et ce financement a un effet multiplicateur sur l’économie. Les universités irlandaises vont gagner en importance après le Brexit, puisqu’elles demeureront pratiquement les seules universités anglophones de l’UE. Il note que le Brexit pourrait être déstabilisant, mais qu’il offre également des possibilités aux chercheurs canadiens et irlandais. M. Chris Collenette, du cabinet juridique Philip Lee, conclut la réunion en faisant remarquer que la confusion qui entoure le Brexit constitue une occasion pour l’Irlande de maintes façons. L’Irlande est un bon endroit pour investir en raison de sa stabilité politique et économique, de son taux d’imposition des sociétés et de sa situation géographique.

Rencontre avec des représentants de l’Institute of International and European Affairs

La première journée de la mission se termine par une réunion avec des représentants de l’Institute of International and European Affairs. Le directeur général, M. Barry Andrews, amorce l’entretien en abordant la question de l’avenir de la relation UE-R.-U. À son avis, le R.-U. a toujours entretenu des liens plutôt détachés avec l’UE, de sorte que son départ sera relativement facile à gérer. Toutefois, l’Irlande sera l’un des États membres les plus touchés. Un ancien chef du Bureau d’Information du Parlement européen en Irlande, M. Francis Jacobs, explique que le R.-U. a toujours été, néanmoins, un membre influent de l’UE, et qu’il adoptait généralement une position qui favorisait l’élargissement plutôt que l’approfondissement des relations. À ce titre, le Brexit va entraîner un changement dans le rapport de forces à l’UE; le R.-U. ne sera plus là pour servir de contrepoids à la France et à l’Allemagne.

Sur la question de la relation de l’Irlande avec l’UE, M. Blair Horan, autrefois secrétaire général du Civil and Public Services Union, mentionne qu’il a toujours été très important pour l’Irlande de se joindre à l’UE. Le pays dépendait énormément du R.-U., mais il est parvenu à l’indépendance économique lorsqu’il s’est joint à l’UE, aidé par des programmes comme la politique agricole commune. M. Jacobs poursuit en expliquant que l’UE a également donné lieu à une souveraineté politique beaucoup plus importante pour l’Irlande.

Se tournant vers l’avenir de l’UE, M. Andrews note que l’euroscepticisme est toujours bien présent et qu’il va vraisemblablement se manifester au cours des prochaines élections du Parlement européen en 2019. Sur le sujet de l’approfondissement et de l’élargissement de l’UE, M. Jacobs indique que le prochain élargissement de l’UE est prévu, pour le moment, en 2025, si les pays des Balkans arrivent à respecter les critères établis pour eux. Toutefois, la lassitude à l’égard de l’élargissement est une réalité. La dernière expansion avait permis que 13 pays se joignent à l’UE en une courte période. Certains pays affichent des valeurs culturelles conservatrices tandis que d’autres continuent d’être aux prises avec des problèmes de corruption et de pauvreté.

La réunion se termine par une discussion sur les politiques d’immigration du Canada, notamment sur l’accueil des migrants syriens et le récent afflux de migration irrégulière en provenance des États-Unis.

Rencontre avec des représentants de Irving Oil et visite des installations

Le 6 mars, la délégation du CAEU se rend dans le comté de Cork, accompagnée de Mme Ellis et de M. Roxburgh, et amorce la journée par un entretien avec des représentants de la raffinerie de Whitegate, appartenant à Irving Oil. M. Jeff Matthews, agent de développement commercial en chef, présente un historique de l’entreprise canadienne et un aperçu de ses activités. La raffinerie de Whitegate est la seule raffinerie en Irlande. Elle fournit 40 % des besoins énergétiques de l’Irlande (le tiers de l’énergie produite à Whitegate est utilisée dans le pays). Irving Oil a acheté la raffinerie en 2016. Pour le moment, l’entreprise intervient seulement sur le marché de gros en Irlande; elle n’est pas présente dans le secteur de la vente au détail, comme au Canada.

Le directeur général de la raffinerie, M. David Austin, explique comment l’entreprise a réagi au mouvement mondial de réduction des gaz à effet de serre. Il décrit le virage vers le diesel renouvelable et le mélange d’éthanol et d’essence, soulignant l’importance de la certitude réglementaire pour que les entreprises sachent vers où diriger leurs activités de recherche et développement. M. Matthews poursuit sur ce sujet, notant qu’en réaction au mouvement vers une énergie plus verte, l’entreprise a choisi d’installer des bornes de recharge de véhicules électriques dans des stations-service du Canada. Il estime que les raffineries de pétrole sont une réalité nécessaire, et qu’Irving s’efforce d’exercer ses activités et de se développer de la façon la plus propre et la plus appropriée possible. Il souligne également les initiatives de sensibilisation communautaires mises sur pied par Irving dans la communauté de Whitegate.

Todd Underhill, directeur de l’intégration opérationnelle, conclut la réunion en décrivant le processus suivi pour transformer le pétrole brut en différents produits à la raffinerie. Les membres de la délégation visitent ensuite la raffinerie de Whitegate.

Rencontre avec des représentants de la Chambre de commerce de Cork

Les membres de la délégation s’entretiennent ensuite avec Mme Katherine Fitzpatrick, directrice des relations internationales, et M. Thomas McHugh, directeur des politiques et des relations extérieures à la Chambre de commerce de Cork. M. McHugh présente à la délégation un aperçu des travaux de la Chambre de commerce et fait remarquer l’évolution positive survenue en Irlande et dans le comté de Cork depuis la crise financière de 2008. Plutôt que de reposer de façon excessive sur l’industrie de la construction et les règles fiscales relatives aux prêts et aux investissements, le développement du territoire est aujourd’hui lié au développement économique. Le secteur de la construction emboîte le pas à l’économie plutôt que d’en être le moteur. En fin de compte, la construction s’aligne sur le rythme de croissance de la population; le développement se fait selon cette échelle et est consolidé autour des métropoles. Le projet Irlande 2040 du gouvernement définit les objectifs de croissance du pays, et Cork représente un centre de croissance (Cork et ses banlieues devraient connaître une croissance de 50 % d’ici 2040). Dans le cadre de ce plan, des capitaux sont investis pour assurer que l’infrastructure (y compris les routes) est en place pour soutenir ce développement. L’aéroport de Cork accueillera bientôt des vols en provenance de la côte Est américaine et on espère exploiter aussi des liaisons canadiennes. Ainsi, les priorités de la Chambre de commerce de Cork sont l’infrastructure, le logement, l’éducation et les compétences, la création d’un centre-ville prospère, l’élargissement de l’empreinte sectorielle de Cork, l’aéroport de Cork, le marketing pour la région de Cork et le Brexit. 

Sur ce dernier point, M. McHugh exprime certaines préoccupations quant à l’effet disproportionné qu’aura le Brexit sur l’Irlande. Toutefois, il estime que l’Irlande a d’importants avantages à offrir, notamment l’adhésion à l’Eurozone, l’utilisation de la langue anglaise, la stabilité ainsi que l’engagement à maintenir un taux d’imposition des sociétés de 12,5 %.

Mme Fitzpatrick présente ensuite les initiatives mises sur pied par la Chambre de commerce en ce qui concerne l’image de marque et la commercialisation de la région. L’objectif est de sensibiliser les gens au fait que Cork constitue un endroit de choix pour investir en s’adressant tout particulièrement aux ambassades et à la diaspora irlandaise. Elle mentionne que le Brexit a certains effets secondaires positifs. Ainsi, les étudiants étrangers se tournent de plus en plus vers l’Irlande plutôt que vers le R.-U., et certaines entreprises pourraient déménager leur siège social en Irlande afin de demeurer au sein de l’UE. Elle note que Cork devient une plaque tournante pour les entreprises de cybersécurité. Quinze entreprises dans ce domaine sont maintenant établies dans la région et il est désormais important de s’assurer que des programmes universitaires locaux produisent des diplômés possédant les compétences appropriées pour travailler dans ces entreprises.

Rencontre avec des représentants de eSentire

La journée se termine par un réunion avec des représentants de eSentire, un service canadien de cybersécurité dont le Centre européen des opérations de sécurité (SOC) se trouve à Cork. M. Eldon Sprickerhoff, fondateur et stratège en chef de la sécurité, explique à la délégation que l’entreprise a choisi de s’établir à Cork en raison de son atmosphère de petite ville ainsi que des personnes talentueuses et qualifiées qui sont formées dans les universités locales. Le bureau de Cork a ouvert ses portes en 2015 et compte 20 employés. 

M. Sprickerhoff présente à la délégation un aperçu des menaces auxquelles sont confrontées les entreprises en matière de cybersécurité, ainsi que les activités de eSentire. En raison de la croissance de la cybercriminalité, des logiciels rançonneurs personnalisés et de la cryptomonnaie, il estime qu’il n’est pas réaliste de viser la prévention à 100 %. Pour cette raison, eSentire se concentre sur la gestion de la détection et l’intervention. Le directeur des Opérations de SOC, M. Ciaran Luttrell, poursuit en expliquant que la surveillance en temps réel est la fonction première de eSentire. L’entreprise compte ainsi sur des analystes qui surveillent et analysent le trafic et donnent l’alerte lorsqu’une situation risque de dégénérer, de même que sur des analystes principaux qui se chargent des fouilles complexes et des analyses judiciaires concernant d’éventuels actes de piratage, et des communications avec les clients. M. Sprickerhoff explique que la clientèle de eSentire se trouve principalement dans les secteurs des soins de santé, des services juridiques et de la fabrication. Il mentionne que la plupart des entreprises pensent ne pas avoir besoin de services de cybersécurité ou ne pas disposer des ressources nécessaires pour se payer de tels services, soulignant que le gouvernement canadien ne tire peut-être pas pleinement avantage de la protection que peuvent offrir les entreprises de cybersécurité. 

Au sujet de la protection des données, M. Sprickerhoff mentionne le fait que le Canada a mis en place des lois plus rigoureuses en matière de protection des données que les États-Unis, tout en étant préoccupé par l’absence de réglementation visant à assurer une divulgation rapide lorsque des entreprises perdent des données. À son avis, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques du Canada manque de mordant. Il précise que le RGPD de l’UE, qui entrera en vigueur en mai prochain, comprendra des règles très strictes quant à ce que les entreprises peuvent faire avec les données, et que ces règles seront assorties d’amendes considérables en cas de violation.

Recontre avec des représentants de la Irish Business and Employers Confederation

Le 7 mars, les délégations du CAEU et du RUUK se réunissent pour le reste du programme de la semaine, et amorcent la journée par une réunion avec des représentants de l’Irish Business and Employers Confederation (IBEC). Le directeur de la politique et économiste en chef, M. Fergal O’Brien, amorce la discussion par un aperçu des travaux de l’IBEC, une organisation de services aux employeurs qui représente 70 % de l’effectif privé de l’Irlande à partir de sept bureaux régionaux. Mme Joanne Reynolds, agente de campagne du Brexit, présente ensuite la campagne stratégique de l’IBEC pour 2018, intitulée Ireland: A Model of Substance, qui s’efforce de présenter l’Irlande comme une économie vigoureuse fondée sur des éléments solides, à l’inverse de la situation qui a entraîné la crise financière de 2008.

M. O’Brien explique que l’économie irlandaise est florissante. L’Irlande a réussi à récupérer rapidement de la crise financière (en deux ans, le pays a atteint des niveaux records d’exportations) et aujourd’hui, son économie ouverte tire profit de l’économie mondiale en pleine croissance. Du point de vue des investissements, le pays est toujours doté d’une solide base industrielle, mais il se tourne de plus en plus vers l’innovation. M. O’Brien mentionne que les secteurs locaux des investissements, de la construction et de l’infrastructure ont mis plus de temps à se redresser après la crise financière, tandis que le reste de l’économie était en croissance; de façon générale, cette différence a entraîné une pénurie de logements dans le pays, et plus particulièrement de logements abordables. Pour l’avenir, le pays prévoit entreer dans une période ambitieuse d’investissements publics (dix milliards d’euros sur dix ans), soit 4 % de l’activité économique. Le président et chef de la direction, M. Danny McCoy, mentionne que l’investissement du secteur privé est très important en Irlande, même en temps de récession. Il explique que certains observateurs se sont montrés sceptiques à l’égard de l’impressionnant PIB par habitant de l’Irlande, mais il existe un réel fondement à ces chiffres. M. McCoy s’élève également contre les préoccupations concernant le faible taux d’imposition des sociétés de l’Irlande, précisant que l’Irlande respecte les règles de l’OCDE à cet égard. M. O’Brien renchérit en indiquant que la stabilité économique est cruciale si l’on veut promouvoir l’Irlande en tant que lieu d’investissement, et que cela s’illustre par l’engagement du pays à maintenir son taux d’imposition des sociétés.

Tous les intervenants soulignent que l’IBEC est très engagée à l’égard de la question du Brexit. M. McCoy explique que les entreprises ne se sont pas beaucoup prononcées dans les discussions sur le Brexit, et que l’IBEC tente de s’assurer que la voix des entreprises de la communauté est entendue. Mme Reynolds indique que l’IBEC insiste sur la nécessité de trouver des solutions concrètes au cours des négociations sur le retrait, de manière à atténuer les dommages tout en se penchant sur la planification d’urgence pour veiller à ce que les répercussions possibles sur différents secteurs ne soient pas ignorées. M. McCoy est convaincu que l’Irlande va souffrir du Brexit, à moins que l’on prolonge les négociations. Le pays doit aussi travailler à entretenir la bonne volonté de la part des autres États membres de l’UE. Malgré un alignement politique total entre l’Irlande et l’UE dans son ensemble, on remarque un certain ressentiment de la part de certains milieux des affaires de l’UE en ce qui concerne l’économie prospère de l’Irlande. M. McCoy se dit irrité par les références constantes de la première ministre May à la question de la frontière « irlandaise », ce qui semble écarter le R.-U. de l’équation. Il souligne également que toutes les personnes nées en Irlande du Nord peuvent se voir attribuer la citoyenneté du R.-U. et de l’UE.

En ce qui concerne le travail et l’environnement, M. O’Brien insiste sur le bassin de personnes hautement qualifiées du pays, tandis que M. McCoy note que le marché du travail irlandais est composé de 15 à 20 % de non-Irlandais et de non-Britanniques. Il mentionne également qu’en raison de l’important accroissement de sa population, il est très peu probable que l’Irlande puisse atteindre ses cibles de changement climatique. Les objectifs économiques de l’Irlande risquent de l’emporter sur les préoccupations environnementales à court terme.

Rencontre avec le Vice-premier ministre

Les membres de la délégation, accompagnés de l’ambassadeur Vickers, s’entretiennent ensuite avec le vice-premier ministre (Tánaiste) et ministre des Affaires étrangères et du Commerce, M. Simon Coveney. Le Tánaiste Coveney souligne les liens historiques étroits entre le Canada et l’Irlande, et ajoute que ces liens se sont resserrés au cours des derniers mois grâce à la mise en œuvre de l’AECG. De nombreuses entreprises canadiennes investissent en Irlande et il espère que d’ici peu, des services financiers et des entreprises agroalimentaires irlandais investiront au Canada. L’Irlande compte aussi établir un important consulat à Vancouver pour servir la population irlandaise sur la côte Ouest canadienne.

Le Tánaiste Coveney, qui est responsable de coordonner la stratégie de négociation de l’Irlande en ce qui concerne le Brexit, donne à la délégation un aperçu des phases 1 et 2 de ces négociations. La question de la frontière est importante : la zone commune de circulation existe depuis les années vingt, et reconnaît la double citoyenneté pour les personnes nées en Irlande du Nord. Le Tánaiste Coveney insiste sur le fait que la zone commune de circulation doit être maintenue. La frontière est actuellement invisible et elle doit le demeurer pour protéger les activités commerciales et la paix. On ne doit retrouver aucune infrastructure physique à la frontière ni aucun poste de vérification ailleurs. La frontière a été un sujet litigieux au cours de la phase 1 des négociations, mais une entente a été conclue et diverses options quant à la façon d’aller de l’avant ont été intégrées au texte juridique de l’UE concernant cette ébauche d’entente : l’option A porte sur une relation future relativement à la gestion de la frontière, l’option B se penche sur des solutions technologiques, tandis que l’option C constitue une position de repli qui indique que l’Irlande va continuer de faire partie de l’union douanière en demeurant entièrement alignée avec l’UE si aucune autre entente n’est possible. La question de la frontière a obligé toutes les parties à se pencher attentivement sur la réalité du Brexit. 

Le Tánaiste Coveney note que si l’UE n’a peut-être pas besoin du R.-U., l’Irlande a besoin du R.-U. de nombreuses façons. Le R.-U. a été l’architecte en chef du marché unique, il est une tribune pour les marchés ouverts, reflète généralement le point de vue de l’Irlande quant à l’imposition, et s’est porté à la défense d’une union d’États souverains plutôt que d’un modèle fédéraliste pour l’UE. L’Irlande est d’accord avec ces approches; elle devra maintenant travailler d’arrache-pied pour établir des alliances avec d’autres états afin d’appuyer cette position. Au bout du compte, le R.-U., l’UE et l’Irlande seraient touchés défavorablement en cas de Brexit difficile. Le Brexit véhicule les valeurs d’une autre époque, où les états étaient entièrement souverains et qu’ils n’avaient pas besoin les uns des autres.

Rencontre avec des représentants du Groupe d’amitié parlementaire Irlande-Canada

Après une courte visite du Parlement irlandais (Oireachtas), la délégation s’entretient avec des membres du Groupe d’amitié parlementaire Irlande-Canada. La conversation porte majoritairement sur l’AECG, certains parlementaires irlandais ayant souligné l’importante décision rendue récemment par la Cour européenne de justice, selon laquelle le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne n’autorise pas les dispositions d’arbitrage contenues dans un traité d’investissement bilatéral conclu entre la Tchécoslovaquie et les Pays-Bas. Cette cause pourrait avoir une incidence sur le cas de la Belgique qui a été déféré à la Cour relativement aux dispositions du système juridictionnel des investissements contenues dans l’AECG. De façon générale, les parlementaires irlandais parlent avec enthousiasme de l’AECG, mais certains ont des réserves quant à la proposition de système juridictionnel en matière d’investissements, qui n’est pas encore en vigueur. Ils soulignent l’importance de faire confiance aux tribunaux nationaux dans ce contexte, et font remarquer que l’Irlande pourrait attendre la décision de la Cour européenne de justice avant de ratifier l’AECG. La conversation porte aussi sur l’augmentation récente des échanges commerciaux entre le Canada et l’Irlande, notamment l’importance du tourisme et les correspondances aériennes accrues entre les deux pays. 

Ils abordent également le sujet de l’accréditation professionnelle des étudiants canadiens en médecine en Irlande, les politiques relatives à la migration et à l’égalité des sexes, ainsi que les répercussions que pourrait avoir le Brexit sur les pêches.

Rencontre avec des membres de la Commission mixte de l’Oireachtas en matière d’affaires étrangères et de commerce, et de défense

Les membres de la délégation s’entretiennent ensuite avec des membres de la Commission mixte de l’Oireachtas en matière d’Affaires étrangères et de commerce, et de Défense, notamment vice-présidente Mme Maureen O’Sullivan, Teachtaí Dála (T.D., membre du Parlement irlandais); M. Seán Barrett, T.D.; M. Noel Grealish, T.D.; et M. Tony McLoughlin, T.D. Ils amorcent la discussion par un échange sur la neutralité militaire de l’Irlande et sur le respect que le pays a gagné du fait de ses initiatives de maintien de la paix en conséquence de cette stratégie. On fait remarquer que l’Irlande prend part à la récente initiative de Coopération structurée permanente (CSP) de l’UE, et certains participants disent craindre qu’une telle participation compromette la neutralité de l’Irlande. Dans la foulée, Mme O’Sullivan mentionne aussi l’approche adoptée par l’Irlande à l’égard de son approche internationale, soulignant que l’aide au développement international de l’Irlande est accordée sans modalités contraignantes.

Sur la question du Brexit, les membres de la Commission se disent préoccupés par l’incertitude qui touche la question de la frontière. Une frontière réelle aurait un impact important sur les industries et le commerce de l’Irlande, mais on a peine à s’imaginer comment une frontière physique pourrait ultimement être évitée. Néanmoins, malgré les difficultés, Mme O’Sullivan note que le Brexit représente aussi pour l’Irlande une occasion de diversifier ses voies commerciales.

La discussion se tourne vers l’impasse politique actuelle à l’Assemblée de l’Irlande du Nord, qui semble porter principalement sur la question de la reconnaissance officielle de la langue irlandaise, certains membres craignant que la question linguistique soit utilisée comme carte politique.

Rencontre avec le ministre d’État de la Diaspora

Pour conclure la journée, la délégation rencontre M. Ciarán Cannon, ministre d’État de la Diaspora. Le ministre Cannon commence par décrire l’ampleur et la portée de la diaspora irlandaise au Canada et dans le monde; un Canadien sur neuf aurait des ancêtres irlandais. Pour cette raison, le gouvernement irlandais consacre des ressources au soutien des communautés irlandaises du monde entier, y compris par l’octroi de subventions axées principalement sur la diaspora irlandaise du R.-U., des États-Unis et du Canada, en insistant tout particulièrement sur l’aide sociale pour la diaspora vieillissante. Le ministre mentionne également le consulat qui ouvrira bientôt ses portes à Vancouver. 

Parce que de nombreux émigrants ne s’intéressent pas à la culture irlandaise, si ce n’est pour se dire américano-irlandais ou canado-irlandais, l’un des domaines prioritaires pour le ministre est le renforcement des liens avec la diaspora irlandaise au moyen des médias numériques, de la culture, du sport, du jumelage de villes, du renforcement des liens commerciaux et de bourses comme la bourse d’études Flaherty offerte par le truchement de la Ireland Canada University Foundation. Financée conjointement par les gouvernements canadien et irlandais, cette bourse permet aux étudiants canadiens et irlandais d’étudier dans le pays de l’autre, dans le but d’établir des affinités culturelles de longue durée. Comme le tourisme est la troisième industrie en importance pour l’économie irlandaise, le ministre en parle en des termes positifs, notamment le tourisme engendré par les personnes d’ascendance irlandaise qui viennent explorer leurs racines. Le ministre Cannon fait écho aux paroles du premier ministre Varadkar en expliquant que l’idée est de promouvoir une « nation irlandaise mondiale » qui s’appuie sur une relation bilatérale avec la diaspora irlandaise.

Réception donnée par l’ambassade

La mission de la délégation en Irlande se termine par une réception à la résidence de l’ambassadeur Vickers, où les délégués poursuivent les conversations avec de nombreuses personnes qu’ils ont rencontrées tout au long de la mission, de même qu’avec d’autres intervenants qui n’ont pu assister aux réunions les jours précédents. M. Maloney, chef de la délégation et président du groupe interparlementaire Canada-Irlande, a livré un discours remerciant l’ambassadeur et son équipe.  Il souligne les diverses expériences des membres de la délégation durant le séjour en Irlande, ainsi que l’importance des relations Canada-irlandaise.

MISSION PARLEMENTAIRE EN IRLANDE DU NORD (DU 8 AU 9 MARS 2018)

Déplacement de Dublin, en Irlande, à Belfast, Irlande du Nord, au Royaume-Uni

La délégation se rend par autobus de Dublin à Belfast pour vivre l’expérience du franchissement de la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. Les membres font remarquer que l’ouverture de la frontière est comparable à celle entre les frontières interprovinciales du Canada. À leur arrivée à Belfast, les membres de la délégation visitent en autobus la partie de la ville qui témoigne encore des tensions sectaires qui ont été à l’origine d’une grande violence pendant de nombreuses années, jusqu’à la fin des « Troubles » en 1998.

Déjeuner de travail avec les membres de l’Assemblée de l’Irlande du Nord

Un déjeuner de travail officiel est organisé pour la délégation à Stormont Estate par le président de l’Assemblée nord-irlandaise, M. Robin Newtown (Parti unioniste démocrate, PUD), auquel assistent de nombreux membres de l’Assemblée nord-irlandaise (MAL) qui représentent une variété de partis politiques.

Le président Newton, MAL du PUD dans Belfast-Est, accueille la délégation et prononce une allocution de bienvenue, après quoi il invite ses collègues MAL à se présenter en quelques mots.

M. Roy Beggs, MAL du Parti unioniste d’Ulster dans East Antrim, décrit certains des éléments essentiels du Brexit. Il explique que l’Irlande du Nord travaillera en partenariat avec Westminster et les parlements régionaux aux négociations du Brexit, malgré le fait que la majorité des électeurs d’Irlande du Nord ont voté pour demeurer au sein de l’UE lors du référendum de juin 2016. Bien qu’il affirme que le R.-U.va quitter l’UE en dépit des obstacles qui pointent à l’horizon, il se dit préoccupé par le fait que l’Irlande a affiché une certaine réticence à discuter des options en vue du respect de l’Accord du Vendredi saint tout en promettant un minimum de perturbations à la frontière irlandaise.

Mme Caoimhe Archibald, MAL du Sinn Féin dans East Londonderry, présente le point de vue de son parti sur le Brexit. La délégation entend que dans le cadre du référendum sur le Brexit, le Sinn Féin a fait campagne pour rester au sein de l’UE et que la position du parti, maintenant que le R.-U. va quitter l’UE, est d’exiger que l’on accorde une attention spéciale à l’Irlande du Nord pendant les négociations du Brexit, et que l’on maintienne l’absence de contrôle à la frontière irlandaise. Une telle issue pourrait exiger la négociation d’un statut spécial pour l’Irlande du Nord. Mme Archibald laisse entendre que le Brexit pourrait mener à une plus grande unité sur l’Île d’Irlande. Elle souligne l’importance de réintégrer l’Assemblée de l’Irlande du Nord avec un exécutif partagé, de sorte que les discussions sur le Brexit puissent se poursuivre au sein de l’Assemblée.

M. Stephen Farry, MAL du Parti de l’Alliance dans North Down, explique que son parti a également fait campagne pour demeurer au sein de l’UE. Toutefois, contrairement au point de vue de Mme Archibald, M. Farry craint que la décision de quitter l’UE entraîne une plus grande polarisation des points de vue en Irlande du Nord, que cela donne lieu à de nouvelles divisions et en fin de compte, compromette le fragile accord de paix sur l’Île. À l’instar de Mme Archibald, M. Farry insiste sur le fait que les négociations du Brexit doivent inclure une situation ou un statut spécial pour l’Irlande du Nord.

M. Edwin Poots, MAL du PUD dans Lagan Valley, se prononce fortement en faveur d’un départ de l’UE, surtout en raison de ce qu’il considère comme une surréglementation du secteur agricole en vertu des règles de l’UE. Il explique aux délégués que la réglementation établie pour l’ensemble de l’Europe n’est pas pertinente pour tous les territoires de compétence et qu’il est préférable que certains enjeux politiques soient laissés aux autorités locales. M. Poots déclare qu’il espère que le R.-U. sera un solide négociateur dans le cadre des pourparlers sur le Brexit avec l’UE, et qu’il voit avec optimisme le fait de pouvoir conclure de nouveaux accords de libre-échange, y compris avec le Canada.

En dernier lieu, Mme Claire Hanna, MAL du Parti social-démocrate et travailliste dans South Belfast, exprime fermement son opposition au fait que le R.-U. quitte l’UE, de même que son pessimisme quant à la capacité de l’Irlande du Nord de contribuer aux négociations sur le Brexit et d’y faire entendre son point de vue. Elle énumère les préférences de son parti quant aux résultats des négociations, soit : 1) qu’il n’y ait pas de Brexit, avec la possibilité de tenir un autre référendum; 2) que le R.-U. demeure au sein de l’union douanière; et 3) que l’on accorde un statut spécial à l’Irlande du Nord.

Malgré la gamme d’opinions et de perspectives, tous les MAL conviennent que l’on ne doit pas apporter de changement à la frontière « souple » entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, et que toute forme de contrôle frontalier pourrait entraîner une résurgence des tensions sectaires sur l’Île. Même si certains intervenants reconnaissent qu’il existe de manière générale une entente entre le R.-U. et l’UE, selon laquelle la frontière irlandaise demeurera inchangée si aucun accord n’est possible, certains MAL estiment que le libellé de l’accord négocié est ambigu et qu’une garantie plus ferme est nécessaire. Lorsque les délégués demandent si une réunification de l’île d’Irlande est désormais une possibilité, M. Beggs répond que cette question n’est pas sur la table.

Séance d’information des représentants de l’Exécutif d’Irlande du Nord

La délégation assiste à une séance d’information à Stormont Castle, où se trouvent les bureaux et les salles de réunion de l’Exécutif d’Irlande du Nord, avec M. Neill Jackson, directeur des Services exécutif et M. David Patterson, responsable de la politique relative au Brexit. M. Jackson donne un aperçu de l’évolution de la gouvernance de l’Irlande du Nord, de 1921 à la signature de l’Accord du Vendredi saint, en 1998. Il décrit les trois « volets de l’Accord » :

  • Le premier volet établit la structure de partage des pouvoirs de l’Assemblée d’Irlande du Nord et de son Exécutif.
  • Le deuxième volet porte sur la relation nord-sud de l’Île d’Irlande en mettant en place des institutions comme le Conseil ministériel nord-sud (CMNS)
  • Le troisième volet aborde la relation est-ouest avec l’Île de la Grande-Bretagne en mettant sur pied des institutions comme le Conseil britannico-irlandais.

Il explique la structure de partage des pouvoirs de gouvernance de l’Assemblée d’Irlande du Nord mise en place en 1998 et précise que l’Assemblée a été perturbée à plusieurs reprises au cours des vingt dernières années en raison de la difficulté de s’entendre sur le partage des pouvoirs. Plus particulièrement, il indique que l’Assemblée a été sous l’autorité directe de Westminster de 2002 à 2007. L’Assemblée d’Irlande du Nord a connu une stabilité relative de 2007 à 2014, mais est considérablement dysfonctionnelle depuis cette date. L’Assemblée n’a pu conclure d’entente de partage de pouvoirs depuis l’élection générale de mars 2017.

Rencontre avec des représentants de Bombardier Aerospace et visite des installations

La dernière activité de la journée consiste en une présentation donnée par des représentants de l’installation de Bombardier Aerospace à Belfast, suivie d’une visite des installations de fabrication du C Series. Mme Haley Dunne, directrice des communications et des affaires publiques, présente un court historique de Bombardier et de ses activités commerciales actuelles. Les délégués apprennent que l’entreprise, dont le siège social se trouve à Montréal, exerce ses activités dans les domaines de l’aérospatiale, de l’innovation en transport terrestre et de la fabrication. Le secteur d’activité de l’aérospatiale comprend les avions d’affaires et commerciaux, de même que les aérostructures et les services d’ingénierie. L’installation de Belfast fait partie des aérostructures et des services d’ingénierie de Bombardier. Elle est la plus grande installation de fabrication de la ville et elle emploie 4 000 personnes. L’entreprise a des sites parents à Montréal, à Dallas (Texas) et à Casablanca (Maroc). Ces installations se spécialisent dans la conception et la fabrication de structures d’aéronefs métalliques, de composites complexes et de composants de système comme les fuselages, les nacelles de moteurs, les ailes, les cloisons, les portes et les stabilisateurs horizontaux.

Mme Haley explique que la position de Bombardier relativement au Brexit est celle de l’industrie de l’aérospatiale; malgré certaines incertitudes pour lesquelles il est impossible de prévoir l’imprévisible, l’entreprise espère qu’il n’entraînera pas de changements du point de vue des affaires et des activités commerciales.

La délégation visite l’installation de fabrication qui produit les ailes du C Series. Mme Haley explique que l’aéronef C Series de Bombardier s’adresse à un marché mal desservi : celui des aéronefs de passagers d’une capacité de 100 à 150 sièges. Elle donne aux délégués un aperçu de la décision rendue récemment par l’American International Trade Commission en faveur de Bombardier et décrit l’accord de partenariat conclu entre Bombardier et Airbus. On explique aux délégués que même si Airbus est propriétaire de l’aéronef C Series, Bombardier est son fournisseur et détient les droits de propriété intellectuelle concernant certains aspects de la fabrication du C Series, y compris le composite de fibre de carbone avec résine qui est utilisé dans les ailes.

Rencontre avec le consul honoraire du Canada à Belfast

La délégation amorce sa dernière journée à Belfast par un déjeuner-rencontre avec M. Ken Brundle, consul honoraire du Canada à Belfast. La conversation porte sur de nombreux sujets. Ainsi, M. Brundle aborde l’impasse politique en Irlande du Nord et les perspectives de résolution, et parle des avantages possibles d’un forum civil consultatif. En ce qui a trait aux tensions politiques observées au quotidien, il note que malgré le risque que les problèmes politiques débordent dans les rues, ces tensions demeurent très localisées. Il explique que si les murs de la paix et les barrières, au sujet desquels les déléguées ont exprimé leurs préoccupations pendant la visite de la ville, sont toujours présents dans une partie de la ville, c’est que les personnes qui vivent dans ces communautés désirent que les barrières soient fermées le soir parce qu’elles sont plus à l’aise ainsi.

En ce qui concerne le Brexit et les indicateurs économiques en Irlande du Nord, M. Brundle souligne les effets négatifs que le Brexit pourrait avoir sur les salaires en Irlande du Nord du fait des fluctuations monétaires. Il mentionne également l’écart entre le taux de chômage relativement faible en Irlande du Nord et la proportion relativement peu élevée de la population active qui fait partie de la main d’œuvre. Il souligne le fait que 60 % des emplois en Irlande du Nord sont issus de la fonction publique, ce qui fait qu’il n’existe pas de véritable moteur de développement économique dans la région. 

Abordant le sujet de la présence du Canada en Irlande du Nord, M. Brundle déplore le fait qu’il n’existe plus de vols directs entre le Canada et Belfast, et souligne les difficultés qu’ils ont connues lorsque l’autorisation de voyage électronique (AVE) du Canada est entrée en vigueur, parce que certains voyageurs ne savaient pas comment remplir les formulaires.

Rencontre avec les membres du Conseil ministériel nord-sud et du Conseil britannico-irlandais

La délégation s’entretient ensuite avec des représentants du Conseil ministériel Nord-Sud et du Conseil britannico-irlandais à Stormont Castle. Donal Moran, secrétaire adjoint associé (Irlande du Nord), et Emer McGeough, directeur sectoriel du ministère irlandais des Affaires étrangères, présentent aux délégués un aperçu des travaux du CMNS, issu du deuxième volet de l’Accord du Vendredi saint, axé sur les relations nord-sud. Le CMNS sert de tribune pour les réunions entre les ministres de l’Irlande et de l’Irlande du Nord dans 12 domaines de coopération bien précis. En ce qui concerne sa structure, les ministres se réunissent en plénière deux fois par année, des réunions sectorielles sont organisées avec les ministres pertinents sur des domaines bien précis de discussion, et des réunions institutionnelles sont aussi organisées avec les ministres des Affaires étrangères au besoin. 

Mme McGeough poursuit en décrivant les six domaines de coopération : santé (la consommation d’alcool et le tabagisme, les services cardiaques pédiatriques et la recherche sur le cancer), éducation (un centre d’excellence sur l’autisme et des échanges entre jeunes et enseignants), agriculture (la sécurité des entreprises agricoles, la santé animale et la Politique agricole commune), environnement (les déversements dans la zone frontalière et le changement climatique), transport (axé sur les réseaux routiers, ferroviaires et cyclistes) et tourisme (présenter l’Irlande comme une île); plus les six organes de mise en œuvre qui se concentrent sur les langues, les programmes spéciaux de l’UE, le commerce, l’aquaculture et le tourisme, les voies navigables intérieures et la sécurité alimentaire. 

M. Moran décrit la profondeur de l’engagement que l’on observe au sein du CMNS, ainsi que les relations personnelles solides développées entre les deux exécutifs, et il dresse la liste des diverses ententes conclues depuis 1999. Toutefois, il mentionne que le référendum sur le Brexit a entièrement modifié l’aire politique. Néanmoins, Mme McGeough affirme que chez les représentants des deux côtés, on sent le désir de travailler en étroite collaboration. Elle mentionne que la situation est bien meilleure qu’il y a trente ans et souligne que la prospérité économique a été la clé pour obtenir la paix.

Mme Tereasa Bell et M. Jerry O’Donovan du Secrétariat mixte du Conseil britannico-irlandais (CBI) donnent ensuite un aperçu de leur institution, issue du troisième volet de l’Accord du Vendredi saint, axé sur les relations est-ouest. Le CBI est composé de représentants des administrations de l’Irlande, du R.-U., de l’Écosse, de l’Irlande du Nord, du Pays de Galles, de l’île de Jersey, de l’île de Guernsey et de l’île de Man. Les chefs du gouvernement se rencontrent à l’occasion d’un sommet tenu deux fois par année; d’autres réunions sont aussi organisées aux niveaux ministériel et officiel. Le CBI se concentre sur onze domaines : inclusion sociale, énergie, langues autochtones et minoritaires, logement, environnement, abus de substances, inclusion numérique, politique de la petite enfance, transport, industries créatives et planification spatiale.

La conversation avec les délégués porte ensuite sur la politique de changement climatique, la réglementation relative à la sécurité alimentaire, l’avenir de l’Accord du Vendredi saint et l’impact du Brexit sur la politique des pêches et sur l’éducation.

Rencontre avec le lord-maire de Belfast

La délégation s’entretient ensuite avec  la lord-maire de Belfast, la conseillère Naula McAllister. La lord-maire donne un aperçu du processus appliqué pour l’élection du maire à Belfast, avec son mécanisme de rotation fondé sur le système D’Hondt. À titre de représentante du troisième parti en importance, le Parti de l’Alliance, la lord-maire souligne l’importance qu’elle et son parti accordent à l’élaboration de politiques fondées sur la preuve. Donnant aux délégués son point de vue sur les enjeux auxquels sont confrontées l’Irlande du Nord et la ville de Belfast, elle note que cette dernière est passée d’une industrie de fabrication à une industrie numérique, et qu’elle est maintenant la plus importante région pour l’investissement en cybersécurité en dehors des États-Unis. Le secteur de la construction connaît un essor important à Belfast en ce moment; il s’agit d’un phénomène nouveau pour la ville. La lord-maire aborde aussi les enjeux sociaux comme les sans-abri (notant que la liste d’attente pour des logements publics est établie en fonction des allégeances nationalistes ou unionistes), la situation pour les membres des communautés LGBTQ et les droits des femmes en Irlande du Nord.

Rencontre avec des représentants d’Invest Northern Ireland

La dernière réunion de la délégation à Belfast se déroule avec des représentants de Invest Northern Ireland (Invest NI). M. Alan Wilson, directeur des investissements internationaux, commence par un aperçu des messages-clés d’Invest NI, soit promouvoir le fait que l’Irlande du Nord est une région habituée à attirer des entreprises innovantes, qu’elle est dotée d’un excellent système d’éducation qui produit des personnes hautement qualifiées, et qu’elle présente un avantage compétitif pour les investisseurs du point de vue des coûts. Selon M. Wilson, l’Irlande du Nord n’a pas besoin de promouvoir un faible taux d’imposition des sociétés; il s’agit tout simplement d’un lieu attrayant pour investir.

M. Wilson explique que 95 % des diplômés de la région restent en Irlande du Nord, et Mme Shelley Pinkerton, directrice du Commerce international – Amériques, souligne le fait que la population de l’Irlande du Nord connaît la croissance la plus rapide du R.-U., et qu’elle compte parmi les plus jeunes d’Europe. Elle note que l’Irlande du Nord présente une économie axée sur la petite entreprise et qu’elle tente d’accroître ses exportations, ce qui produit des recettes qui entraînent un accroissement des dépenses intérieures. Elle décrit les principaux défis commerciaux des entreprises qu’Invest NI aide à relever, en précisant le temps et les ressources nécessaires pour qu’une entreprise fasse son entrée sur de nouveaux marchés multiples. 

M. Paul McCoy, directeur des investissements internationaux, explique que Invest NI se concentre sur l’investissement étranger direct, soulignant que le travail de l’organisation consiste à mettre en valeur les avantages propres à l’investissement en Irlande du Nord, puisque la plupart des investisseurs connaissent surtout l’Irlande. Dans la foulée des commentaires de M. Wilson, il affirme que ces avantages sont les personnes hautement qualifiées, le système juridique adéquat, les coûts concurrentiels, la recherche de pointe, la vaste gamme d’occasions d’affaires et le fait d’appartenir à une zone commerciale mondiale. L’Irlande du Nord a créé de nombreux emplois au cours de la dernière année, en se concentrant sur les services financiers et les secteurs technologiques. Invest NI s’efforce de trouver les meilleurs jumelages à un niveau élémentaire, en se concentrant tout particulièrement sur les entreprises axées sur le développement de produits, plutôt que sur les industries de services. On explique aux délégués que Belfast devient rapidement le principal lieu d’affaires pour les sociétés de cybersécurité nord-américaine, et que le Centre for Cybersecurity de l’Université Queen’s procure une valeur ajoutée à la ville à cet égard. M. McCoy fait écho aux commentaires de M. Wilson sur la question de la rentabilité, notant qu’avec un salaire moyen de 21,000 £, Belfast offre un rapport coût-efficacité de 30 % supérieur à Dublin, de près de 45 % supérieur à Londres et de plus de 55 % supérieur à New York en ce qui concerne les coûts de main-d’œuvre. Il explique que Belfast donne une impression de richesse parce que le coût de la vie y demeure peu élevé : la région ne connaît pas l’augmentation rapide du coût des logements qui entraîne des augmentations salariales correspondantes. Toutefois, la disponibilité des logements est limitée au sein de la ville.

En réponse aux questions concernant l’AECG, Mme Pinkerton explique que la réduction des tarifs douaniers est considérée comme très bénéfique en Irlande du Nord et que l’on a observé une augmentation des missions commerciales depuis l’entrée en vigueur de l’entente. Toutefois, les plus petites entreprises d’Irlande du Nord ne songent pas nécessairement à prendre part aux échanges commerciaux, et Invest NI tente de les encourager à emprunter cette avenue. Enfin, l’organisation espère conclure une entente commerciale future qui encouragera l’investissement entre le Canada et le R.-U., et voit l’Irlande du Nord comme une passerelle vers le R.-U. et l’UE. M. McCoy note que le Brexit et l’instabilité politique en Irlande du Nord ont donné lieu à une incertitude qui n’est pas bien vue des investisseurs. Mais de façon générale, l’Irlande du Nord résiste à la tempête. 

Respectueusement soumis,




M. Scott Simms, député

Association parlementaire Canada-Europe