Passer au contenu
;

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Association parlementaire canadienne de l'OTAN

RAPPORT

INTRODUCTION

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport sur la mission à Odessa, en Ukraine qui s’est tenue les 5 et 6 mars 2018. Le Parlement du Canada était représenté par la sénatrice Raynell Andreychuk.

1. Iryna GERASHCHENKO, co-présidente du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN (UNIC), a souhaité la bienvenue aux délégués à Odessa et a indiqué que le président du Parlement venait de présenter un projet de loi sur la sécurité nationale au Parlement ukrainien (Rada). Certains pays de l’Alliance ont participé à la rédaction de ce texte, geste qui a été très apprécié en Ukraine. Ce projet de loi vise à rapprocher l’Ukraine des normes de l’OTAN dans de nombreux domaines ayant trait à la sécurité. L’Ukraine accroît le contrôle exercé par la société civile sur la mise en place des politiques de sécurité et, à l’avenir, le ministre de la défense devrait être issu de la société civile. Iryna Gerashchenko a souligné que le conflit au Donbass a commencé il y a quatre ans et que les attaques n’ont jamais cessé depuis.

2. Raynell ANDREYCHUK, membre de l’OTAN et co-présidente du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN, a ajouté qu’elle était ravie que deux femmes président ce Conseil et a remercié la Rada et le gouverneur de la région d’Odessa pour leur soutien dans la planification et l’organisation du séminaire. Elle a indiqué que la première rencontre bilatérale entre les parlementaires membres de l’AP-OTAN et la Rada avait eu lieu en 1988 et que le forum pour ce dialogue a été renommé UNIC en 2003. Le dialogue avait eu lieu alors même que l’Ukraine connaissait un changement de gouvernement. Le travail de l’UNIC a pris une importance particulière après l’annexion illégale de la Crimée. L’AP-OTAN a alors immédiatement affirmé son soutien à la souveraineté de l’Ukraine et a été l’une des premières organisations internationales à sanctionner la Russie pour ses agissements. L’AP-OTAN continue de condamner les actions russes en Crimée et au Donbass et apporte son soutien à la Rada pour l’aider à gérer les conséquences de cette situation difficile. Elle a observé que l’Ukraine serait probablement présente lors du prochain sommet de l’OTAN et espérait que la déclaration conjointes des présidentes de l’UNIC apporterait un éclairage sur ces discussions.

3. Maksym STEPANOV, gouverneur de la région d’Odessa, a également souhaité la bienvenue à la délégation et l’a remerciée pour sa participation à cette rencontre dans la grande ville portuaire d’Odessa où la sécurité demeure une priorité essentielle pour les autorités, a-t-il déclaré.

4. Ivanna KLYMPUSH-TSINTSADZE, vice-première ministre d’Ukraine pour l’intégration européenne et euro-atlantique, a tout d’abord indiqué que l’Ukraine souhaitait resserrer les liens avec l’OTAN et, à terme, la rejoindre. L’Ukraine se mobilise en ce sens et envisage de soumettre sa candidature le moment venu.

5. La vice-première ministre est revenue sur un litige avec la Russie relatif à l’énergie, à propos duquel un tribunal arbitral important a statué en défaveur de la Russie. Cette dernière a alors diminué la pression dans plusieurs gazoducs dans le but de faire passer l’Ukraine pour un partenaire énergétique peu fiable pour l’Europe. L’Ukraine a riposté rapidement, mais la crise a démontré que l’agression russe se poursuit et que la Russie est prête à avoir recours à l’arme énergétique pour parvenir à ses fins. Ses attaques sont loin de se limiter à l’Est de l’Ukraine et prennent différentes formes, a affirmé la vice-première ministre. Elle a ajouté qu’aucun pays ne peut résister seul aux subterfuges complexes déployés par le gouvernement russe. La solidarité internationale est donc indispensable.

6. Elle a rappelé que l’UE et l’OTAN ont apporté un soutien très précieux et qu’elles ont aidé l’Ukraine à se concentrer sur ses efforts de réforme. Le fonds d’affectation a souscrit à un certain nombre de mesures importantes destinées à faire avancer le calendrier des réformes et de nombreux ministères s’y sont engagés. L’objectif à présent est un plan d’action pour l’adhésion (MAP) adopté d’ici 2019, lequel sera déterminant pour dresser une feuille de route pour l’adhésion à l’OTAN. Ce plan d’action sera davantage ciblé que le MAP 2017, a ajouté la ministre.

7. Elle a indiqué que le gouvernement de Viktor Yanukovych a causé des dommages considérables et a retardé le projet d’intégration du pays dans l’Alliance euro-atlantique. La plupart des membres du personnel qui ont resserré les liens avec l’Occident n’est plus en poste et la coopération avec l’OTAN a été gelée. Tout cela devait être réactivé mais il y a eu des blocages, notamment un manque d’expertise. Le programme de perfectionnement professionnel de l’OTAN a été utile à cet égard et a commencé à former des fonctionnaires dans plusieurs ministères pertinents. Elle a également indiqué que la société civile approuve de plus en plus la possibilité d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, mais il faut redoubler d’efforts pour dissiper les idées reçues sur l’OTAN qui perdurent dans certains pans de la société ukrainienne.

8. L’Ukraine a consacré environ 5 % de son PNB à la défense en 2017 et 5,2 % en 2018. Le pays a conscience qu’il faut revoir à la hausse les dépenses de défense dans l’ensemble de l’Alliance. En 2017, l’Ukraine a augmenté de 30 % le nombre d’exercices auxquels elle a participé et espère augmenter ce chiffre en 2018. L’Ukraine espère également améliorer le niveau d’interopérabilité avec les pays de l’OTAN, et le soutien de l’Alliance et de ses membres a contribué à accroître l’efficacité des forces ukrainiennes.

9. Alexander VINNIKOV, chef de la représentation de l’OTAN en Ukraine et directeur du Bureau de liaison de l’OTAN, a abordé le programme national annuel qui représente l’instrument essentiel par lequel l’Ukraine affiche ses ambitions euro-atlantiques. Par le passé, elle n’a pas saisi pleinement ces opportunités mais la situation a clairement changé. L’OTAN salue ce changement mais souhaite que l’Ukraine adopte une approche plus stratégique. Le programme en soi ne concerne pas seulement les réformes dans le secteur de la sécurité, mais aussi les principes et les valeurs démocratiques. Le Conseil de l’Atlantique Nord (NAC) s’est rendu à Kiev en juillet 2017, un signe de soutien très fort pour le pays. Les ambassadeurs de l’OTAN ont discuté des plans d’aide complets avec l’Ukraine, y compris l’assistance consultative, le renforcement des capacités et l’établissement de dix fonds d’affectation dans des domaines comme la logistique, la gestion des services médicaux, le commandement et le contrôle, et la transition professionnelle. L’OTAN a renforcé sa présence en Ukraine et le nouveau bureau compte désormais 60 membres. Une équipe consultative de l’Alliance composée de 15 experts et détachée par les pays de l’Alliance apporte son aide sur divers problèmes comme la cybersécurité et la rééducation médicale. L’OTAN a mis en place un programme de développement professionnel qui a permis de former quelque 1 500 employés du service public. De même, son programme Champions 100 a permis à l’Ukraine de former un groupe de réformateurs qui s’attacheront à intégrer des changements positifs dans leurs institutions respectives.

10. Alexander Vinnikov a affirmé que, malgré le lourd handicap que représente le conflit actuel, l’Ukraine est parvenue à mettre en oeuvre une série de réformes importantes. Le pays a adopté une nouvelle loi qui apporte un cadre législatif aux réformes nécessaires du secteur de la sécurité. Des efforts sont exigés pour engager les réformes essentielles dans la surveillance du secteur de la défense et pour renforcer le rôle de la Rada à cet égard. L’OTAN aide actuellement 200 membres du personnel à apprendre l’anglais. La lutte contre la corruption doit représenter la pierre angulaire de ces efforts et les pays membres de l’Alliance sont très attentifs à ce problème. La reprise de l’économie ukrainienne s’est poursuivie en 2017 et le gouvernement a accompli d’importants progrès en matière de politique fiscale et financière. La signature d’un accord d’exemption de visa avec l’UE a également constitué une étape clé pour le pays.

11. Alexander Vinnikov a indiqué que les forces armées ukrainiennes ont beaucoup progressé ces trois dernières années et se sont fixé pour objectif de satisfaire aux normes de l’OTAN d’ici 2020. Leur capacité tactique a été sensiblement améliorée, et le soutien apporté par l’OTAN en matière de formation a été particulièrement utile à cet égard. Cependant, des réformes plus larges sont clairement nécessaires et elles doivent avoir un caractère irréversible. En résumé, une bonne gouvernance, le respect total des droits humains, le développement d’une économie libérale efficace et d’une surveillance des principes démocratiques sont les grands défis qui se posent à l’Ukraine. Tout cela exige un changement des mentalités et une révision du mode de fonctionnement des institutions. L’adoption des normes techniques de l’OTAN aura peu de poids si l’Ukraine ne progresse pas plus rapidement dans ces domaines.

12. Barbora MARONKOVA, directrice du centre d’information et de documentation de l’OTAN à Kiev, a déclaré aux participants que le rôle du centre est de travailler avec la population sur des questions liées à l’OTAN. Elle a indiqué que l’OTAN suscite un grand intérêt en Ukraine et que le soutien de la population vis-à-vis de l’Alliance atteint désormais entre 43 % et 60 %, un niveau historiquement élevé. Elle a fait remarquer que son bureau établit un dialogue avec les régions qui sont traditionnellement plus sceptiques à l’égard de l’OTAN et que l’idée est de partager des informations sur le fonctionnement de l’Alliance et sur les valeurs qu’elle défend. Alors que la population ukrainienne soutient de plus en plus l’OTAN, elle ne comprend pas bien son fonctionnement et certaines idées reçues persistent. Elle a précisé qu’une récente étude sociologique révèle que de nombreux Ukrainiens définissent la sécurité en termes économiques. Le chômage et l’inflation élevée représentent des sujets de préoccupation plus importants que la perspective d’une guerre.

13. Le centre d’information et de documentation de l’OTAN à Kiev fournit également un appui consultatif en matière de développement d’une communication stratégique et travaille en collaboration avec plusieurs institutions et ministères du gouvernement à cet égard. Celui-ci fait également partie d’un plus large effort visant à renforcer la résilience du gouvernement et de la population face à la guerre hybride et à la propagande. Les ONG ukrainiennes sont très engagées dans cet effort et le centre accompagne la société civile pour mieux la préparer à agir dans l’environnement informationnel actuel.

14. Mytro SHYMKIV, chef adjoint de l’administration présidentielle d’Ukraine, a indiqué que l’agenda national ukrainien est très ambitieux. Le président a récemment déclaré qu’il souhaite intégrer cette ambition dans la constitution. Cependant, le pays est également confronté à de graves problèmes comme la menace des opérations militaires hybrides de la Russie, la désinformation et les cyberattaques. L’économie ukrainienne a beaucoup souffert de la guerre mais elle enregistre aujourd’hui quatre trimestres de croissance consécutifs, une hausse de ses échanges commerciaux, une augmentation des investissements de capitaux et un accroissement des réserves nationales.

15. Le gouvernement a créé une importante infrastructure de lutte contre la corruption et le Parlement a finalement trouvé un accord avec un tribunal anticorruption pour s’attaquer de manière plus efficace à ce problème corrosif. Ce tribunal est en accord à la fois avec la commission de Venise et avec la constitution ukrainienne. 282 députés ont voté en sa faveur et aucun ne s’y est opposé. Sur le plan énergétique, M. Shymkiv a indiqué que Naftogaz a longtemps été dans le rouge mais qu’elle est désormais rentable. Un système électronique de passation des marchés publics est aujourd’hui en place, ce qui rend les achats gouvernementaux nettement plus transparents et moins exposés à la corruption. Une nouvelle loi sur la privatisation, qui s’inspire du modèle anglais, nécessitera des enchères électroniques qui devraient également renforcer la transparence. Un problème persiste toutefois et concerne les poursuites à engager contre les personnes qui se livrent à la corruption ; dans ce domaine, le pays doit appliquer une politique de tolérance zéro. Le nouveau tribunal doit apporter son soutien sur ces questions.

16. La réforme de l’éducation est également en cours, et l’idée est de doter le pays d’écoles plus modernes qui développeront les compétences technologiques et sociales requises par une économie développée. Dans le domaine de la santé, un système de télémédecine est en cours de développement pour offrir des soins médicaux aux communautés rurales où vit environ un tiers de la population ukrainienne. La décentralisation est également un thème important dans un pays si vaste et si diversifié ; 50 % du budget public sont désormais alloués aux gouvernements locaux.

17. L’Ukraine remplacera le système actuel d’imposition sur les sociétés par un impôt sur les sorties de capitaux. Ce système, déjà mis en place en Lettonie, devrait aider les entreprises ukrainiennes à sortir de l’ombre et à rejoindre l’économie formelle. La libéralisation monétaire figure également au programme pour 2018. En effet, les 25 années de contrôle monétaire ont eu un impact désastreux sur l’économie nationale.

18. Les systèmes de cyberdéfense sont également nécessaires en Ukraine, laquelle a subi des attaques sur des infrastructures critiques. Les attaques commises sur le réseau électrique en 2015 et 2016 ont provoqué des pannes d’électricité dans l’Ouest de l’Ukraine. Le système financier et le ministère des finances ont également été piratés, tout comme des installations de pétrole et de gaz, le système GPS de la mer Noire, le métro de Kiev et l’aéroport d’Odessa.

19. La Russie s’est lancée dans des opérations massives et complexes de collecte de renseignements en Ukraine et a utilisé ceux-ci pour exercer son influence sur divers groupes de la société ukrainienne. L’Ukraine a riposté en élaborant une cyberdéfense et en travaillant avec la société civile pour contrer la propagande russe.

20. L’ambassadeur de Lituanie, Marius JANUKONIS, a indiqué que son ambassade servait de point de contact pour l’OTAN en Ukraine et qu’elle travaillait donc en étroite collaboration avec l’OTAN et avec d’autres pays de l’Alliance pour soutenir le processus de réforme et encourager la coopération OTAN-Ukraine. Il a précisé que l’élection présidentielle et les élections parlementaires de 2019 auront une importance critique pour la transformation du pays qui est en cours. Il a déclaré que son gouvernement était très optimiste quant à l’avenir de l’Ukraine. Le pays a accompli beaucoup de progrès dans un contexte difficile et progresse vers l’intégration euro-atlantique. Il a atteint un degré élevé de stabilisation macroéconomique et a renforcé son indépendance énergétique. Ses forces armées sont mieux préparées, et la société civile témoigne d’une grande résilience tout en jouissant de libertés que d’autres n’ont pas dans la région.

21. La situation est bien entendu différente dans l’Est de l’Ukraine, où l’armée russe fait tout pour contrecarrer le projet national. Elle a créé un conflit gelé et des centaines de civils ont été tués. En 2017, le nombre de morts a augmenté, et le conflit reste actif et très dangereux. Il a provoqué le déplacement de plus d’un million de personnes. La Lituanie espère que la trêve instaurée lors d’une réunion du groupe de contact de Minsk durera. La guerre a lourdement pesé sur l’infrastructure nationale et des milliards d’euros seront nécessaires pour reconstruire ce qui a été détruit. C’est le seul conflit actif en Europe et il mérite une plus grande attention, selon l’ambassadeur. Il a précisé que la Russie perçoit la réussite de l’Ukraine comme une menace existentielle et qu’elle s’emploie activement à saper les efforts de réforme. Cependant, jusqu’à présent, la Russie n’est pas parvenue à ralentir le processus, et les conditions requises pour la reprise économique sont réunies. La croissance économique est de retour, le tourisme et la consommation sont en hausse, un régime d’exemption de visa avec l’Europe est en place, et les exportations grimpent en flèche alors que les entreprises ukrainiennes découvrent le marché européen. Les réformes importantes engagées dans le secteur de l’énergie commencent à avoir un impact positif sur l’économie nationale.

22. L’ambassadeur a déclaré qu’il est grand temps pour l’Ukraine de s’affirmer davantage sur les sujets concernant l’intégration. La mise en oeuvre d’un accord d’association et d’un accord de libre-échange doit être la priorité pour l’UE. Les pays membres actuels ont un grand savoir-faire à partager avec l’Ukraine pour faciliter son intégration et préparer le pays à son adhésion. Ils doivent contribuer davantage à faire avancer ce processus. Dans le même temps, les investisseurs étrangers et les entreprises locales espèrent une amélioration plus nette du climat des affaires. Des réformes fiscales et douanières sont toujours nécessaires tout comme une meilleure gestion des entreprises d’État et du secteur de l’énergie dont le dégroupage de Naftogaz. Si la lenteur des réformes est au moins acceptable (et les prochaines élections pourraient aussi entraîner un ralentissement du rythme des réformes), il ne doit pas y avoir le moindre pas en arrière, a affirmé l’ambassadeur. Il a ajouté que la récente proposition du président ukrainien d’inscrire dans la constitution l’intégration dans l’Alliance euro-atlantique valait la peine d’être examinée.

23. Plusieurs points ont été abordés au cours du débat. Toutes les forces politiques du pays sont désormais favorables à une adhésion de l’Ukraine à l’UE et soutiennent l’objectif de répondre tout au moins aux critères d’adhésion à l’OTAN. L’un des problèmes est que les membres de la classe politique ont trop longtemps été à l’abri de poursuites pour corruption. Le nouveau tribunal et la nouvelle législation qui le soutient doivent jouer un rôle à cet égard. Les personnalités politiques devront bientôt déclarer la totalité de leurs actifs et les partis seront dorénavant financés par le budget de l’État. Étant donné le niveau de destruction à l’Est du pays, le concept d’un nouveau plan Marshall au profit de cette région assiégée pourrait finalement s’avérer nécessaire.

24. Petro KANANA du ministère de la défense a déclaré aux participants que l’Ukraine avait subi d’importantes pertes humaines et matérielles à cause de la guerre, et la situation dans les régions de l’Est du pays restait très tendue. La Russie renforce sa présence militaire dans la région. Le niveau de violence a augmenté et une attaque massive est réellement possible. Les forces armées russes continuent à enfreindre le cessez-le-feu alors que l’Ukraine respecte l’accord de Minsk. L’Ukraine souhaite le retrait de toutes les unités d’occupation illégales et la mise en place d’une mission de maintien de la paix pour garantir le contrôle de la zone de conflit. L’Ukraine écarte l’idée d’une participation russe dans cette mission. Elle souhaite la présence de l’ONU au Donbass.

25. Il a indiqué que l’Ukraine met constamment en oeuvre des réformes militaires au coeur de ce conflit et maintient plusieurs objectifs dont l’établissement d’un système de commandement et de contrôle unique, l’introduction d’une planification efficace de la défense, l’établissement d’une capacité opérationnelle à repousser l’agression militaire et l’établissement de réserves efficaces. Il a fait remarquer que le cadre juridique de la gouvernance militaire s’est amélioré. La participation du Parlement aux discussions concernant les dépenses en matière de réforme et de défense est essentielle mais le dialogue peut encore être amélioré. Le ministère de la défense espère approfondir l’interaction avec les partenaires et les conseillers de l’Alliance pour atteindre les objectifs stratégiques présentés en 2017.

26. Une priorité absolue est de former et de conserver les forces très compétentes et de nouveaux efforts ont été accomplis pour former des réservistes. Le ministère a cherché à augmenter le parc de logements des familles de militaires, et cherche d’autres moyens pour améliorer le moral et la motivation. Des cours de planification de la défense pour les officiers ont été mis en place et l’armée s’efforce de satisfaire aux normes de l’Alliance, notamment en ce qui concerne les structures de défense, la logistique et les directives médicales. D’ici à fin 2018, le ministère créera un commandement logistique unifié et un commandement des opérations et des services. L’équipement de l’OTAN, la formation, la planification opérationnelle et stratégique, ainsi que les normes vestimentaires sont en cours d’adoption. 70 conseillers de l’Alliance travaillent désormais avec le ministère de la défense ainsi que six conseillers stratégiques de haut rang.

27. L’intervenant a mentionné que l’armée avait fait l’acquisition d’un ensemble d’équipements modernes et qu’un nouveau système de planification fondée sur les capacités définissait les pratiques d’approvisionnement national. Un nouveau commandement logistique a été formé et des efforts ont été réalisés pour mettre à niveau les systèmes de formation du personnel médical.

28. Ihor VORONCHENKO, commandant de la marine ukrainienne, a tout d’abord déclaré que l’Ukraine est un pays maritime et que la mer est essentielle à la circulation des marchandises et de l’énergie ukrainiennes. La sécurité nationale exige la protection maritime des côtes ukrainiennes. D’importantes ressources énergétiques au large des côtes ukrainiennes doivent également être protégées.

29. Il est important de souligner que la Russie a mis à profit sa puissance navale pour s’emparer de la Crimée en 2014 ce qui, selon l’intervenant, a été une tragédie nationale. Il a fait remarquer que la politique impérialiste de la Russie a toujours reposé, au moins en partie, sur le contrôle de la mer Noire et cela reste une priorité absolue pour le Kremlin. La Russie a beaucoup contribué à renverser la sécurité dans la région et il est inutile de conclure des accords avec elle car ils ne valent même pas le papier sur lequel ils sont signés, selon lui. La Russie s’est lancée dans un déploiement massif de ses forces armées sur la péninsule de Crimée et met davantage de moyens pour bloquer les routes commerciales internationales dans la région. Leur agression et leur présence navale grandissante ont également entravé le développement de l’industrie gazière en Ukraine. La Russie envisage désormais la construction d’un pont sur le détroit de Kertch, ce qui entraverait le commerce ukrainien dans ces eaux, et la Russie pourrait s’emparer d’autres territoires dans la région.

30. L’Ukraine travaille en collaboration avec l’OTAN sur un ensemble de stratégies navales et s’efforce de restaurer la marine nationale. L’Ukraine voit dans l’OTAN un acteur majeur dans la mer Noire et une force de dissuasion contre l’agression russe dans ces eaux. L’Ukraine collabore avec le Royaume-Uni, la Norvège, les États-Unis et la Suède pour développer une stratégie navale nationale qui accompagnera le développement des forces armées. Il existe une disparité entre la puissance navale russe et la puissance navale ukrainienne. L’Ukraine prépare des ripostes asymétriques, développe une connaissance de la situation et s’équipe en navires et en armes de grande précision dans le cadre de sa politique de dissuasion. Elle envisage d’acquérir davantage de navires démineurs ainsi que des corvettes. L’Ukraine créera également une académie pour former les forces aéronavales. Bien que l’Ukraine possède une industrie navale développée, elle doit collaborer avec des entreprises occidentales pour introduire des technologies de pointe. Quelques entreprises de pays membres de l’Alliance travaillent avec l’Ukraine dans ce domaine.

31. Iryna FRYZ, cheffe de la délégation ukrainienne auprès de l’AP-OTAN, a animé une table ronde sur La militarisation de la Crimée et les violations des droits humains. Elle a appelé les membres à ne pas reconnaître les élections en Crimée car la tenue d’élections libres sur cette péninsule occupée est impossible dans les circonstances actuelles. Elle a insisté sur la violation permanente des droits de la communauté indigène des Tatars de Crimée et sur un ensemble d’autres violations des droits humains qui se sont produites depuis que la Russie occupe la péninsule.

32. Refat CHUBAROV, député du peuple de l’Ukraine et président de la Mejlis des Tatars de Crimée, a déclaré aux participants que la Russie cherche à faire de la Crimée un avant-poste militaire puissant et que cela représente aujourd’hui une menace pour l’ensemble de la région. Les Tatars sont victimes de persécutions car ils n’ont jamais accepté l’occupation russe bien qu’un groupe d’autres dissidents de Crimée, loyaux envers l’État ukrainien, ait également fait l’objet d’une oppression russe, a-t-il ajouté. Il a observé que les autorités russes s’étaient lancées dans une campagne d’oppression systématique visant à encourager ces dissidents à abandonner la citoyenneté russe. Celle-ci a été imposée aux résidents car ils avaient très peu de temps pour manifester leur opposition à la citoyenneté automatique élargie aux personnes résidant en Crimée au moment de l’occupation.

33. Selon Refat Chubarov, le chantage et l’intimidation sont maintenant systématiquement utilisés contre les dissidents et leurs avocats. Le droit au respect de la vie privée est fréquemment enfreint ; les maisons sont couramment fouillées et les arrestations effectuées de manière arbitraire. L’État de droit a été remplacé par l’affirmation du contrôle sans discernement. Les autorités cultivent délibérément un sentiment de peur pour étouffer toute opposition éventuelle. Le service militaire est également obligatoire, ce qui constitue une violation de la loi internationale dans un territoire occupé. La liberté de circulation est également bafouée. Les listes des personnes ayant quitté la Crimée après l’occupation sont conservées et si ces personnes reviennent, elles seront automatiquement arrêtées. Aucun média indépendant n’opère en Crimée et les autorités russes exercent un contrôle strict sur la presse.

34. Il a attiré l’attention sur le fait que les gouvernements occidentaux sont fréquemment confrontés à la tentation de considérer la Crimée comme un cas désespéré, ou du moins de placer la question de la Crimée tout en bas de la liste des priorités. Il a déclaré qu’agir ainsi était une erreur car une telle approche ne ferait qu’encourager le président Poutine à poursuivre sa politique d’agression et d’oppression. Les autorités russes seront encouragées à agir ainsi seulement si elles ne rencontrent aucune résistance, et l’idée de libérer la Crimée doit donc animer la pensée occidentale. Ce qui s’est passé, a-t-il dit, est un crime grotesque qui ne devrait jamais être toléré. Il a également mis en garde contre les félicitations adressées au président Poutine après sa victoire dans une élection jouée d’avance et non démocratique.

35. Evhenia ANDREUK, responsable adjointe de Crimea SOS, a discuté de son rôle dans l’organisation en matière de documentation des violations des droits humains en Crimée. Elle a également parlé du déploiement massif des forces militaires sur la péninsule et la politique d’intimidation, voire d’enlèvement, auquel le régime a recours pour semer la peur et décourager l’opposition. Des centaines de véhicules militaires sont désormais stationnés dans la région et les manoeuvres militaires sont courantes. Ces opérations ont perturbé le mode de vie dans la région et sont un signe emblématique de l’occupation. Des sites faisant partie du patrimoine historique, comme le Palais de Khan à Bakhtchyssaraï, ont été profanés et des collections d’art pillées.

36. Au cours du débat, les intervenants ont précisé que c’était une erreur de dissocier les sanctions appliquées aux exactions en Crimée des sanctions liées aux événements ayant eu lieu dans l’Est de l’Ukraine. Elles doivent être reliées, selon un intervenant, car les politiques russes dans les deux régions font partie d’une stratégie intégrée.

37. Svitlana NIEZHNOVA, dirigeante de la société nationale par actions Chornomornaftogaz, a évoqué le problème de l’annexion illégale de la Crimée par la Russie pour l’industrie gazière d’Ukraine. Elle a indiqué que la Russie vole aujourd’hui le gaz ukrainien et refuse à l’Ukraine l’accès à plusieurs de ses gisements de gaz maritime. Elle a affirmé que la Russie possède environ 7,2 milliards m3 de gaz ukrainien. Elle a également cherché à changer les registres et les noms sur les titres de propriété, mais ces efforts ont échoué. Les plateformes et gisements dont la Russie revendique la propriété sont enregistrés à Odessa et sont ukrainiens. Deux tribunaux internationaux examinent cette question et l’Ukraine a soumis une documentation à l’un des tribunaux qui contraindra la Russie à donner une réponse d’ici novembre. Dans un second cas, un tribunal arbitral suédois a condamné Gazprom à verser environ 2,5 milliards de dollars à la compagnie d’énergie ukrainienne Naftogaz dans un différend persistant concernant les taxes. Le principal problème est que les investisseurs sont confrontés à une grande incertitude quant aux investissements dans l’industrie gazière ukrainienne en raison de l’importante activité militaire russe dans la région.

38. Mykhailo GONCHAR, président du centre Strategy XXI pour les études mondiales, a tout d’abord fait remarquer que les stratégies militaires et énergétiques de la Russie doivent être considérées comme un ensemble. La Russie considère la mer Noire comme une région hautement stratégique présentant un fort potentiel en hydrocarbures. De nombreuses explorations sont en cours dans la région vaste de la mer Noire pour le gaz et, dans une moindre mesure, pour le pétrole. La plupart de ces ressources sont concentrées dans l’extrême nord du fond marin.

39. Le gouvernement ukrainien a signé un certain nombre d’accords de partage de la production, mais plusieurs d’entre eux ont été mis en suspens en raison de l’occupation de la Crimée par les forces russes et du conflit en cours dans l’Est de l’Ukraine — des événements qui ont inquiété les investisseurs. L’objectif du gouvernement est de tripler la production de gaz et de faire passer l’Ukraine du statut d’importateur à celui d’exportateur net de gaz. Cela représentait une menace sérieuse pour la Russie et cette dernière a donc cherché à déstabiliser les marchés à travers ses opérations militaires. Cette stratégie a fonctionné dans la mesure où plusieurs entreprises énergétiques étrangères ont abandonné la région, laissant le champ libre aux compagnies Rosneft et Gazprom.

40. La politique de la Russie en Syrie peut être perçue de la même façon, a affirmé M. Gonchar. Sa présence militaire en Syrie lui fournit un important levier pour bloquer la circulation du gaz de l’Iran et du Qatar vers l’Europe, lui permettant de rester le principal exportateur d’énergie vers l’Europe. La Russie s’inquiète également de la possibilité que la Turquie importe le gaz depuis le Turkménistan. Il a indiqué que le projet de gazoduc Turkish Stream n’est en réalité pas turc, bien que la Turquie ait accepté ce projet. Entre les projets Nord Stream et Turkish Stream ainsi que les déploiements militaires en Ukraine et en Syrie, la Russie ferme l’accès de l’Europe aux autres sources énergétiques. Le président Poutine a affirmé qu’un monopole est efficace seulement si ce monopole vous appartient et tel semble être l’objectif de la politique russe. L’intervenant a indiqué que la présence militaire agressive de la Russie est financée par ses recettes énergétiques et elle a explicitement fait le lien entre les deux dans un récent document sur la stratégie énergétique. En effet, selon lui, la Russie a militarisé ses ressources énergétiques. Elle a renforcé sa présence par le biais de cyberattaques pour entraver les projets énergétiques concurrents. La Russie est également opposée au projet chinois One Belt One Road car celui-ci peut également être considéré comme une menace pour ses aspirations en matière d’énergie et de sécurité. Cela pourrait en partie expliquer pourquoi elle cherche à déstabiliser le Caucase du Sud.

41. L’intervenant a conclu en précisant que les pays ont à leur disposition des mécanismes pour contrer les efforts russes. Il a suggéré que la Turquie pourrait ouvrir une ligne d’acheminement du gaz dans le Caucase du Sud pour contrecarrer l’impact négatif du Turkish Stream. Un membre turc a fait remarquer que les projets transcaspiens et transanatoliens pourraient y contribuer. Le développement ultérieur de l’industrie du gaz naturel liquéfié (GNL), y compris la construction de nouveaux ports, pourrait offrir des sources de gaz alternatives à l’Europe. Il a également proposé que les pays européens boycottent la coupe du monde de football car cet événement vise à donner une légitimité à un régime qui cherche à déstabiliser le continent.

42. Vadym CHERNYSH, ministre des territoires temporairement occupés et des personnes déplacées d’Ukraine, a cité Yevgeny Maksimovich Primakov, un homme politique et diplomate russe qui a été premier ministre russe de 1998 à 1999. Yevgeny Maksimovich Primakov a développé une doctrine sous la présidence de Boris Eltsine qui s’opposait totalement à l’élargissement de l’OTAN à l’Est, a appelé à la mise en place d’un monde multipolaire avec un rôle particulièrement proéminent joué par Moscou et Beijing. Vadym Chernysh a indiqué que la Russie a cherché à encourager l’instabilité pour parvenir à ces fins et a exploité les fractures dans les sociétés occidentales. Ces fractures sont des éléments culturels, religieux, économiques, nationaux, historiques et linguistiques qui peuvent être exploités de l’extérieur par la propagande. La résilience sociétale est ainsi diminuée ce qui engendre de la frustration et des tensions. La Russie s’est également adressée aux ressortissants russes dans plusieurs pays et a exploité ces relations pour les mêmes fins. Elle finance des ONG pro-russes et les a utilisées pour mener des guerres culturelles. Ces efforts sont coordonnés avec diverses institutions étatiques ainsi que la Communauté des États indépendants (CEI). La doctrine Gerasimov prévoit aujourd’hui une application complexe des forces militaires, des actions asymétriques, des informations économiques et des mouvements politiques et civils qui beneficient du support de la Russie pour promouvoir les intérêts russes. Selon lui, même la migration de masse a été considérée comme utile dans la mesure où elle a déclenché des tensions en Europe et a encouragé le soutien des mouvements radicaux.

43. Iryna GERASHCHENKO, première vice-présidente de la Verkhovna Rada d’Ukraine et envoyée du président pour le règlement des conflits dans les régions de Donetsk et Louhansk, a évoqué la situation dans l’Est de l’Ukraine. Elle a déclaré que le récent cessez-le-feu a été enfreint dans les trois heures après sa mise en oeuvre et que le conflit continue à faire d’innombrables victimes. On estime que 10 000 personnes ont été tuées au Donbass, mais ce chiffre n’est pas précis car des organisations comme la Croix rouge et l’OSCE se sont vu refuser l’accès à de nombreuses zones et ne peuvent pas, par exemple, visiter les prisons où la violation des droits humains est systématique. Les mines sont un autre problème et quelque 7 000 km2 de la région sont désormais jugés dangereux en raison de la présence de mines. La situation environnementale s’est également considérablement détériorée, et des mines de charbon ont été inondées et des usines détruites. Des produits chimiques dangereux se sont ainsi répandus dans les eaux souterraines. En Crimée, de nombreuses personnes ont été sommairement arrêtées et sont aujourd’hui détenues en Russie. Un étudiant a été kidnappé au Bélarus. Parce que la Russie a imposé la nationalité à ces personnes, le droit de l’Ukraine à exiger des comptes n’est pas reconnu.

44. Au cours du débat, il a été suggéré qu’une mission de maintien de la paix des Nations Unies soit déployée sur l’ensemble de la région et qu’aucun Russe ne fasse partie de ces forces armées. La Russie s’oppose fermement à cette proposition. Les motivations de la Russie pour ses actions en Ukraine visent en grande partie la population nationale. La Russie n’est pas une puissance mondiale, mais elle a les moyens de déstabiliser et c’est ce qu’elle fait pour revendiquer un statut de grande puissance.

45. Les participants ont également rencontré des ONG, les représentants de facultés et les étudiants de l’université nationale I.I. Mechnikov d’Odessa. Le recteur de l’université, Igor KOVAL, a expliqué aux participants que l’établissement a été fondé en 1865, qu’il emploie environ 3 000 personnes, qu’il reçoit le soutien de l’UE et qu’il a passé 120 accords de coopération avec d’autres universités. Par exemple, il collabore avec une université suédoise pour établir un centre d’étude sur les armes nucléaires et leur non-prolifération. Il a également mentionné les enjeux stratégiques dans la mer Noire où la situation semble se dégrader car la Russie cherche à réaffirmer une certaine hégémonie impériale sur ces eaux. Cette ambition est très déstabilisante, selon M. Koval, et les autres États de la région, ainsi que leurs partenaires et alliés de l’OTAN, devront décourager les ambitions impériales de la Russie dans celle-ci.

46. Olga BRUSYLOVSKA, cheffe du département des relations internationales, a affirmé que depuis son indépendance, l’Ukraine a oeuvré pour la paix et signé le Mémorandum de Budapest pour renoncer à son arsenal nucléaire qu’elle avait conservé par souci de stabilité régionale. Son grand problème, selon elle, était que la Russie s’est montrée prête à perturber les relations pacifiques dans la région pour poursuivre ses ambitions stratégiques. Elle a déclaré que le président Poutine souhaite que l’Ukraine s’effondre de l’intérieur et voit cela comme une meilleure alternative que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. La plus grande menace pour le régime de Poutine, a-t-elle ajouté, est une Ukraine victorieuse.

47. Volodymyr DUBOVYK, professeur associé, département des relations internationales et directeur, centre pour les études internationales, a déclaré que depuis la révolution orange, l’Ukraine a maintenu de grandes espérances quant à son éventuelle intégration à l’Alliance euro-atlantique. Malheureusement, elle n’a pas toujours rempli ses devoirs, a-t-il ajouté, ce qui a rendu son intégration dans la communauté euro-atlantique encore plus difficile. Il a affirmé que la Russie a aujourd’hui imposé un degré élevé d’instabilité et d’incertitude sur la région de la mer Noire. Les Ukrainiens ont aujourd’hui conscience à quel point la Russie est devenue un voisin hostile et le nombre de partisans pro-russes a rapidement diminué. Cela a modifié la politique dans le pays. Il a précisé que malgré le conflit à l’Est, il était essentiel que l’Ukraine continue à maintenir le cap sur la transition démocratique. La promotion des droits humains et de la démocratie doit rester une priorité absolue pour le pays. Il a également déclaré que la neutralité n’est pas une option pour l’Ukraine et aucun pouvoir ne garantira cette neutralité. Le gouvernement russe avance cette idée assez fréquemment, précisément parce qu’il sait que cette position n’est pas tenable.

48. Le professeur Dubovyk a déclaré que l’Ukraine sait qu’elle a un ennemi incontestable de l’autre côté de ses frontières, mais elle doit aussi faire face à un ennemi intérieur : la corruption. Si elle échoue à résoudre ce problème insidieux, ses aspirations à rejoindre la communauté euro-atlantique seront compromises. Si elle ne parvient pas à moderniser sa politique et à mettre en place un système politique caractérisé par l’ouverture et la transparence, cela revient à perdre la guerre. L’actuel système partisan en Ukraine est un échec et le changement est essentiel. Il a également précisé que l’Occident devra envisager d’ajouter l’Ukraine à ses institutions même si le problème de la Crimée n’est pas résolu. L’OTAN devra également se consacrer davantage à la question de la mer Noire car c’est dans cette région que l’agression de la Russie est la plus visible et ses ambitions les plus évidentes.

49. Anastasiia GERASYMCHUK, assistante du rédacteur en chef à Ukraine Analytica, a déclaré que l’Ukraine était un territoire contesté et qu’elle n’était pas suffisamment solide pour faire avancer son agenda à l’international. L’Ukraine a besoin de soutien. Cependant, elle possède des valeurs qui s’inscrivent dans celles de l’Occident, selon Anastasiia Gerasymchuk. La relation avec les États-Unis est donc indispensable. Les États-Unis, en retour, ont des intérêts mondiaux et souhaitent voir une Europe stable avec des démocraties développées. La Russie conteste les États-Unis malgré son manque de puissance. Mais elle peut utiliser sa proximité et sa capacité à créer des problèmes à son avantage et déstabiliser ainsi l’Ukraine et d’autres pays dans la région. C’est la seule manière viable pour elle d’exercer son influence étant donné l’orientation de sa politque domestique. L’administration Trump suscite des inquiétudes, mais sa rhétorique pro-russe n’a pas été suivie d’actions, demeurées quant à elles hostiles aux ambitions du président Poutine pour la région. La politique états-unienne ne relève pas uniquement de son président mais compte d’autres forces, dont le Congrès, qui semblent prêtes à résister fermement à la Russie.

50. Il est révélateur d’observer que le soutien militaire des États-Unis pour l’Ukraine s’est renforcé, en témoigne la décision de doter l’Ukraine de missiles Javelin, une décision qui a exaspéré le président Poutine. Le fait que ce soit Kurt Volker qui dirige les efforts des États-Unis pour gérer le conflit en Ukraine est également parlant. La nouvelle stratégie des États-Unis en matière de sécurité nationale illustre également clairement les défis posés par la Russie et montre que la Russie affiche une volonté d’enfreindre la souveraineté des pays voisins, d’ébranler leur unité et d’affaiblir leurs institutions. Les Ukrainiens apprécient le soutien des États-Unis, qu’ils considèrent comme essentiel pour résister aux tentatives du président Poutine d’affaiblir leur pays. D’après ce qu’il en ressort des sondages, la société ukrainienne n’a pas de problème avec la Russie en tant que telle mais a bel et bien un problème avec le président Poutine et son régime.

51. L’Ukraine devra faire preuve de patience. Il n’existe pas de solution militaire évidente à ce dilemme et elle doit jouer la carte de la défense. Elle doit également continuer à expliquer à ses partenaires occidentaux que son sort importe à l’Occident, y compris aux États-Unis. La Russie maintient que l’Ukraine fait partie de son domaine et qu’elle détient un droit souverain d’y exercer un certain degré de contrôle. L’Ukraine refuse cette logique et s’est engagée à se défendre. Mais elle a besoin de soutien. Heureusement, nombreux sont les Américains qui restent déterminés à soutenir une Ukraine indépendante et tournée vers l’Occident.

** Ce rapport a été rédigé par le Secrétariat de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Voir le rapport original.


Respectueusement soumis,



Leona Alleslev, députée
Présidente de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN