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RAPPORT
MISSION BILATÉRALE AU KENYA
L’Association parlementaire Canada-Afrique (l’Association ou l’APCA) a visité le Kenya du 11 au 17 mars 2018. L’APCA était représentée par l’honorable Raynell Andreychuk, sénatrice et Robert Oliphant, député, coprésidents de l'Association; l'honorable Jim Munson, sénateur, vice-président de l'Association; Greg Fergus, député, vice-président de l’Association; Jamie Schmale, député, directeur de l’Association; Pam Damoff, députée; Gord Johns, député; et Len Webber, député. La délégation était accompagnée de Grant McLaughlin, secrétaire de l'Association, et d’André Léonard, analyste.
Cette mission au Kenya était la première de l’Association depuis 2013. Les objectifs de la délégation étaient les suivants :
- donner suite à la précédente mission bilatérale de l’APCA et plus particulièrement, renseigner ses membres sur la conjoncture politique et économique du Kenya;
- rencontrer les parlementaires pour connaître le fonctionnement du Parlement, leur rôle et leurs priorités suite aux élections législatives du 8 août 2017;
- échanger avec des représentants du gouvernement pour s’informer sur la situation politique et sociale suite à la réélection le 26 octobre 2017 du président Uhuru Kenyatta, après l’annulation par la Cour suprême des résultats du scrutin du 8 août 2017, et pour connaître leurs priorités;
- rencontrer des représentants du Haut-Commissariat des Nations unies (ONU) pour les réfugiés et connaître la situation à laquelle font face les personnes déplacées résidant au Kenya;
- discuter du rôle et de la force du système légal du Kenya;
- rencontrer des gens d’affaires du Kenya, qui est un moteur économique et commercial dans l’est de l’Afrique, et pour apprendre le point de vue du Kenya sur les directions futures de la Communauté d’Afrique de l’Est;
- échanger sur les possibilités et défis du Kenya liés à la conservation, les changements climatiques, l’environnement et le tourisme durable;
- rencontrer des organisations de la société civile œuvrant à la promotion des droits de la personne, la liberté de presse et de l’État de droit;
- discuter de la participation du Kenya aux opérations de maintien de la paix en Afrique et des défis en matière de paix et sécurité.
Afin d’appuyer ses objectifs, la délégation a rencontré des parlementaires, membres du gouvernement, représentants du milieu des affaires, des officiers électoraux, des organismes de conservation, des forces de maintien de la paix et des personnes travaillant avec les réfugiés. La délégation a aussi visité des projets de développement et des zones de conservation à l’extérieur de la capitale. Ce rapport contient de l’information sur la situation actuelle au Kenya et résume les réunions de la délégation dans ce pays. Le rapport conclut ensuite en offrant les principales observations de la délégation.
LA RÉPUBLIQUE DU KENYA
La République du Kenya (le Kenya) est un pays situé à l’est de l’Afrique, traversé par l’équateur, ayant un littoral de 536 kilomètres sur l’océan Indien, et entouré par l’Éthiopie au nord, la Somalie à l’est, la Tanzanie au sud, l’Ouganda à l’ouest et le Soudan du Sud au nord ouest. Le pays a une superficie de 580 367 km2 (ou 581 309 km2 étant donné que la frontière avec le Soudan du Sud fait l’objet d’un contentieux[1]), ce qui place le pays au 23e rang en Afrique[2]. En juillet 2017, la population kényane était estimée à 47,6 millions de personnes. La densité de sa population, d’environ 82 habitants par km2, était au 14e rang en Afrique continentale[3]. La capitale du Kenya est Nairobi, ville la plus peuplée du pays, avec environ 3,9 millions d’habitants en 2015, quoique l’agglomération compte plutôt 8,3 millions d’habitants. La deuxième ville en importance est Mombasa, sur l’océan Indien, près de la frontière de la Tanzanie, avec une population d’environ 1,2 million d’habitants. En 2017, on estimait que 26,5 % de la population se trouvait en zone urbaine et que 40 % de la population avait moins de 15 ans, l’âge médian se situant à 19,7 ans.
Le pays compte sept groupes ethniques principaux : les Kikuyus (22 %), suivis des Luhyas (14 %), des Luos (13 %), des Kalenjins (12 %), Kambas (11 %), Kisiis (6 %) et Merus (6 %); 16 % de la population est étrangère (15 % d’Afrique et 1 % d’autres continents). L’anglais et le swahili sont les deux langues officielles, mais 22 % et 13 % de la population, respectivement, ont le kikuyu et le luo comme langue maternelle. Selon des estimations de 2009, 48 % de la population kényane était protestante, 23 % était catholique, 12 % était d’une autre confession chrétienne et 11 % était musulmane. La population musulmane est concentrée sur la côte et dans le nord est du pays, où une grande partie de la population est d’origine somalienne.
A. Histoire politique récente
En 2002, le président Daniel Arap Moi céda la présidence après 24 ans au pouvoir. Lors des élections présidentielles, Mwai Kibaki, de la Coalition nationale Arc-en-ciel (NARC) l’emporta contre Uhuru Kenyatta (fils du premier président du Kenya, Jomo Kenyatta), de l’Union nationale africaine du Kenya (KANU).
En 2007, le président Kibaki l’emporta contre Raila Odinga (fils du premier vice-président du Kenya, Oginga Odinga), du Mouvement démocratique orange (ODM).
Lorsque la Commission électorale du Kenya (ECK) annonça que le président Kibaki l’emportait de quelque 230 000 voix, les violences éclatèrent. En moins d’une heure, le président Kibaki fut assermenté pour un deuxième mandat. M. Odinga rejeta le résultat et demanda une contestation; de leur côté, les observateurs d’élections de l’Union européenne déclarèrent que l’ECK avait échoué à assurer la crédibilité du vote. Devant l’accumulation de preuves qu’il y avait eu des activités frauduleuses durant les élections, le président de l’ECK, Samuel Kivuitu, admit avoir annoncé le résultat sous la contrainte et ne put affirmer avec certitude si le président Kibaki était bien le vainqueur.
Malgré les tentatives de médiation faites par le président de l’Union africaine (UA), d’autres diplomates et présidents africains, la violence n’eut de cesse, se soldant par 1 500 décès et des centaines de milliers de personnes déplacées. L’ancien Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan amorça une mission de paix en janvier. Après quoi, le président Kibaki et M. Odinga s’entendirent pour partager le pouvoir, créant le poste de premier ministre et formant un gouvernement de coalition où les postes au Cabinet seraient attribués en fonction de la représentation de chacun des deux partis au Parlement. En avril, M. Odinga devint premier ministre, épaulé par deux vice premiers ministres et un Cabinet de 42 membres, le plus gros de toute l’histoire du Kenya.
À la suite de la violence postélectorale, une commission d’enquête fut instituée, présidée par Johann Kriegler, un juge sud-africain. La commission conclut que la conduite des élections avait rendu impossible la vérification des résultats et recommanda une réforme de l’ECK ou son remplacement. L’ECK fut peu après supprimée et remplacée par une commission électorale indépendante intérimaire de neuf membres.
En août 2010, une nouvelle Constitution fut appuyée à 67 % lors d’un référendum. Cette Constitution maintint le régime présidentiel, mais y ajouta de nouveaux contrepoids. Elle supprima le poste de premier ministre et créa celui de vice président. Elle délégua des pouvoirs à 47 comtés et prévoyait leur représentation dans une seconde assemblée parlementaire, le Sénat. La nouvelle Constitution devait être mise en œuvre sur cinq ans.
Le travail sur la mise en œuvre de la Constitution se poursuivit en 2011, et le gouvernement s’empressa d’adopter des lois et de pourvoir des postes comme ceux de procureur général, de chef de police, de vérificateur général et de contrôleur du budget. En août 2011, on apprit que le gouvernement songeait à laisser tomber l’exigence selon laquelle le tiers des députés devaient être des femmes.
En novembre 2011, la commission électorale indépendante intérimaire fut remplacée par une commission indépendante d’organisation des élections et de délimitation des circonscriptions (IEBC), composée de neuf membres. L’IEBC eut pour mandat de délimiter 80 circonscriptions électorales et de dresser la liste électorale. Elle réglementerait aussi l’investiture des candidats et encadrerait le financement des campagnes.
En mars 2012, l’IEBC annonça la tenue d’élections parlementaire et présidentielle le 4 mars 2013. Le président Kibaki ne pouvait briguer un troisième mandat présidentiel tel que prévu par la nouvelle Constitution de 2010. En janvier 2012, deux juges sur trois de la Cour pénale internationale (CPI) jugèrent recevables des accusations de crime contre l’humanité envers Francis Kirimi Muthaura et Uhuru Kenyatta à titre de co-auteurs indirects d’actes inhumains lors des violences qui avaient suivi les élections de 2007. Ils devaient être appelés à comparaître devant un tribunal de la CPI le 11 avril 2013, soit à peine un mois après les élections à la présidence. M. Annan, envoyé de l’UA, exhorta d’ailleurs la population à ne pas voter pour des candidats qui pourraient être reconnus coupables des accusations portées par le tribunal de la CPI.
En février 2013, la Cour suprême déclara que M. Kenyatta, de l’Alliance nationale (TNA) et son colistier William Ruto, du Parti républicain uni (URP), pouvaient se présenter à l’élection présidentielle malgré les allégations pesant sur eux par la CPI. M. Kenyatta fut élu avec 50,5 % des voix, contre 43,7 % pour son principal opposant, Wycliffe Musalia Mudarvi, du Parti démocratique uni (UDP). La Coalition du Jubilé, formée de la TNA et de l’URP, formait donc le gouvernement.
De 2013 à 2016, il y eut un nombre important d’actes de violences, notamment suite à des attaques terroristes du groupe islamiste al-Shabaab. Le 25 septembre 2013, des hommes armés tuèrent 71 personnes et en blessèrent 200 autres au Westgate Mall à Nairobi. Le 2 avril 2015, des hommes armés tuèrent 148 personnes et en blessèrent 80 à l’université Garissa, près de la Somalie. La motivation alléguée du groupe al-Shabaab est de venger la décision du Kenya d’envoyer des troupes en Somalie pour combattre le groupe. Il soutient aussi l’imposition de la loi islamique dans les régions frontalières du Kenya et de la Somalie[4].
Le 5 septembre 2013, l’Assemblée nationale adopta une motion voulant que le Kenya se retire de la CPI, ce que le pays n’a finalement pas fait. À la suite de l’obstruction du gouvernement kényan face à la CPI, celle ci retira ses accusations contre le président Kenyatta en mars 2014 et contre le vice-président Ruto en avril 2016.
En janvier 2015, la Coalition du Jubilé devint le Parti de l’Alliance Jubilée (JAP). En septembre 2016, le JAP fusionna avec de plus petits partis pour former le Parti du Jubilé (JP). En janvier 2017, l’ODM, le Forum pour la restauration de la démocratie-Kenya (FORD-K), le Congrès national Amani et le Mouvement démocratique Wiper formèrent la Super-Alliance nationale (NASA), qui présenta un seul candidat à l’élection présidentielle de 2017, M. Raila Odinga. Les résultats annoncés furent de 54,2 % des voix pour le président Kenyatta et de 44,9 % pour M. Odinga. Des violences éclatèrent, faisant environ 70 morts[5].
Initialement, des observateurs internationaux, y compris l’ancien secrétaire d’État américain, John Kerry, et l’ex-président sud-africain, Thabo Mbeki, avaient salué la bonne tenue des élections[6]. Cependant, la Cour suprême du Kenya annula les résultats de l’élection présidentielle (mais pas ceux des élections législatives), pour cause d’irrégularités, par exemple dans la transmission des résultats, et la reporta au 26 octobre 2017.
Lors de ces nouvelles élections, le président Kenyatta fut réélu avec 98,3 % des voix; la NASA avait boycotté l’élection, craignant que ces élections ne soient pas libres et démocratiques. Le nom de M. Odinga ne put être retiré à temps des bulletins de vote, et il obtint 1 % des voix[7]. D’autres violences eurent lieu, faisant au moins 14 morts[8]. M. Odinga demanda que des élections libres et justes soient tenues dans les 90 jours suivants[9]. Le président Kenyatta fut assermenté le 28 novembre 2017[10].
Le 10 janvier 2018, les observateurs électoraux de l’Union européenne publièrent un rapport très critique sur le scrutin présidentiel kényan de 2017, ce qui ne fut pas bien reçu par le gouvernement du Kenya[11].
Le 30 janvier 2018, M. Odinga, fût assermenté de manière non-officielle comme « président du peuple[12] ». Des stations de télévision privées furent fermées par le gouvernement pour avoir diffusé des images de cette « assermentation ». Mais le 1er février, la Haute Cour demanda au gouvernement de permettre l’ouverture des stations de télévision et de ne pas interférer avec leur programmation jusqu’à ce que leur cause soit entendue[13]. Le 5 février, NTV et KTN News furent de retour sur les ondes[14], et Citizen TV et Inooro TV le 8 février[15].
Le 9 mars 2018, deux jours avant l’arrivée de la délégation au Kenya, M. Odinga, leader de la NASA, une coalition de quatre partis, s’est entendu avec le président, dans un effort d’ « unifier » le pays. Ils ont émis un communiqué conjoint afin, entre autres, d’endiguer les tensions ethniques et la violence[16]. Par contre, parmi les leaders des quatre partis de la NASA, seul M. Odinga a pris part à cette entente d’unification. L’impact de cette entente sur le Parlement et la politique kényane demeure incertain.
B. Système de gouvernement [17]
Le Kenya est une république présidentielle. Le pouvoir exécutif est détenu par le président, qui est élu au suffrage universel par majorité simple pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Les candidats à la présidence et la vice-présidence sont élus sur le même « ticket ». En plus d’obtenir la majorité des voix, le candidat à la présidence doit aussi obtenir au moins 25 % des voix dans au moins 24 des 47 comtés, sans quoi un second tour est requis. Le président assume le rôle de chef d’État et de chef du gouvernement depuis mars 2013, quand le poste de premier ministre fut aboli.
Le Cabinet est choisi par le président, sujet à approbation par l’Assemblée nationale. Il est composé du président et du vice président, du procureur général et de 14 à 22 « secrétaires du Cabinet » (ministres), qui ne peuvent provenir de l’Assemblée nationale[18]. Le 26 janvier 2018, le président a présenté son Cabinet, deux mois après son assermentation. Il compte 21 secrétaires du Cabinet, dont six femmes, qui ont des portefeuilles importants, comme les affaires étrangères, la défense, l’éducation et la santé[19]. Le 14 février, l’Assemblée nationale a approuvé la nomination des neuf nouveaux secrétaires du Cabinet, alors que les députés de l’opposition ont boycotté le processus[20].
Le pouvoir législatif est entre les mains d’un parlement bicaméral. Le Sénat compte 67 sièges, dont 47 sont élus directement (un sénateur par comté), 16 sont réservés à des femmes, deux aux jeunes et deux aux personnes handicapées, nommés par leur parti, selon la part de sièges élus par chaque parti. Les sénateurs ont un mandat de cinq ans. De par la Constitution, le Sénat s’intéresse aux questions qui touchent les comtés et à la répartition du budget de l’Assemblée nationale entre les différents comtés. Suite aux élections du 8 août 2017, le JP détenait 24 sièges, la NASA 28, 14 sénateurs provenaient d’autres partis et un autre était indépendant. Le Sénat comptait 21 femmes[21].
L’Assemblée nationale compte 349 sièges, dont 290 sont élus directement par circonscription, 47 femmes élues dans chaque comté, et 12 membres nommés par l’Assemblée nationale, six représentant les jeunes et six représentant les personnes handicapées, choisis par leur parti, selon la part de sièges élus par chaque parti[22]. Les députés ont un mandat d’une durée de cinq ans. Suite aux élections du 8 août 2017, qui contrairement aux élections présidentielles, n’ont pas été annulées, le JP détenait 140 sièges, la NASA 62 et 118 étaient détenus par d’autres partis. L’Assemblée nationale comptait 76 femmes[23].
L’Assemblée nationale, tout comme le Sénat, dispose de comités parlementaires, composés de 18 ou 19 membres à l’Assemblée nationale[24]. Les comités permanents du Sénat comptent normalement neuf sénateurs[25].
Les 47 comtés ont aussi des assemblées. Le gouvernement régional est dirigé par un gouverneur, et les assemblées tiennent des séances sur les sujets plus locaux. Ils comptent aussi des comités parlementaires.
C. Système judiciaire [26]
La cour de plus haute instance est la Cour suprême, qui est composée du juge en chef, du vice-juge en chef et de cinq autres juges. Le juge en chef et le vice-juge en chef sont sélectionnés par la Commission des services juridiques (JSC), mais nommés par le président avec l’approbation de l’Assemblée nationale. Les autres juges sont sélectionnés par la JSC, mais nommés par le président, sans approbation de l’Assemblée nationale. Le juge en chef a un mandat de dix ans ou jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 70 ans. Les autres juges sont en fonction jusqu’à l’âge de 70 ans.
Il existe des cours de plus basse instance : la Haute Cour, la Cour d’Appel, les Cours militaires, les Cours de magistrats et les Cours religieuses.
D. Conservation
Une grande partie de l’économie du Kenya repose sur le tourisme et l’écotourisme, qui à son tour repose en grande partie sur la conservation des espèces animales. Cette conservation est en danger à cause de la forte croissance de la population (humaine), qui requiert davantage de terres agricoles, empiétant sur l’habitat naturel de plusieurs espèces. De plus, le marché très lucratif de l’ivoire encourage le braconnage des éléphants et des rhinocéros. Par conséquent, la population de plusieurs espèces diminue rapidement. Par exemple, il y avait 140 000 girafes dans le monde en 1999, mais seulement 80 000 en 2017.
Des mesures de conservation incluent le développement de parcs nationaux et la protection des habitats. Le Réseau des lacs du Kenya de la vallée du Grand Rift est un site patrimonial de l’UNESCO, donc protégé jusqu’à un certain point[27]. La Loi sur la conservation et la gestion de la faune est entrée en vigueur en 2014. Cette loi, entre autres choses, a augmenté les peines pour le braconnage. Par exemple, le 28 janvier 2014, un braconnier pris en possession d’une défense de 3,4 kilos a eu le choix entre payer une amende d’environ 233 000 dollars américains ou de passer sept années en prison[28].
Afin de lutter contre la pollution terrestre et marine, et ainsi favoriser la conservation de plusieurs espèces, le Kenya a interdit depuis le 28 août 2017 l’utilisation, la fabrication et l’importation de sacs en plastique[29].
E. Développement économique [30]
En 2017, le Kenya avait un produit intérieur brut (PIB) de 74 milliards de dollars américains. Le PIB réel (qui enlève l’effet de l’inflation) était en croissance de 5,1 %, comparativement à 5,8 % en 2016 et 5,7 % en 2015. Il faut aussi tenir compte de la croissance de la population d’environ 2,5 % à 2,8 % chaque année, ce qui accentue le taux de croissance du PIB par rapport à des pays où la croissance de la population est plus lente. Les prix à la consommation ont augmenté de 6,4 % en 2016 et 4,5 % en 2017, après avoir crû de 6,0 % en 2014 et de 8,0 % en 2015. Selon The Economist Intelligence Unit, l’inflation devrait se maintenir aux alentours de 6,5 à 6,7 % en 2018 et 2019 au Kenya, comparativement à entre 8 et 10 % en moyenne en Afrique subsaharienne. La hausse du prix des aliments a été marquée en 2016 et au début de 2017. Par exemple, les prix des aliments ont augmenté de 21,5 % entre mai 2016 et mai 2017. Par contre, les prix se sont stabilisés en seconde moitié de 2017, de sorte que l’inflation du prix des aliments était de 4,7 % entre janvier 2017 et janvier 2018[31].
En 2016, 35,0 % du PIB provenait du secteur agricole, 17,6 % de l’industrie et 47,7 % des services. Le nombre de touristes a crû de 17 % et les revenus provenant du tourisme de 37 %.
En 2017, les exportations de biens et services du Kenya avaient une valeur de 909 millions de dollars américains, alors que les importations totalisaient 2,0 milliards de dollars américains, pour un déficit commercial de 1,1 milliard de dollars américains. En 2014, les principaux biens exportés étaient le thé (1,1 milliard de dollars américains), les arbres, plantes et fleurs (622 millions) et les produits du pétrole raffiné (606 millions). Les principaux pays vers lesquels ces biens étaient exportés étaient l’Ouganda (11,2 % du total), la Tanzanie (8,0 %) et les Pays Bas (7,6 %).
Les principaux biens importés étaient les produits du pétrole raffiné (3,8 milliards de dollars américains), la machinerie et l’équipement (3,2 milliards) et les véhicules et matériel de transport (3,0 milliards). Les principaux pays desquels ces biens étaient importés étaient l’Inde (16,3 % du total), la Chine (15,3 %) et les États Unis (10,4 %).
La monnaie, le schilling kényan, a perdu de la valeur de 2007 à 2015 face au dollar américain, d’environ 38 %. Depuis, le taux de change s’est stabilisé, autour de 101 à 103 schillings pour un dollar américain[32].
Le taux de chômage était estimé à 40 % en 2013, ce qui est très élevé. Il est possible qu’une grande part de l’emploi se retrouve dans l’économie souterraine. Néanmoins, en 2012, on estimait que 43 % de la population avait un revenu sous le seuil de pauvreté.
En 2017, le déficit budgétaire kényan représentait 6,1 % du PIB, alors que sa dette s’élevait à 52,6 % de son PIB. Le 13 février 2018, l’agence de notation Moody’s a dégradé la note du Kenya de B1 à B2 en raison d’une « érosion des performances fiscales[33] ».
L’indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale plaçait le Kenya au 80e rang mondial en 2017, soit le 2e plus haut classement en Afrique continentale, derrière le Rwanda (41e)[34]. Cela signifie que les réglementations auxquelles font face les entreprises au Kenya sont relativement favorables.
Le Kenya est un membre fondateur de la Communauté est Africaine (EAC), avec l’Ouganda et la Tanzanie. Le Rwanda et le Burundi les ont rejoints en 2007 et le Soudan du Sud en 2016. Depuis 2010, il s’agit d’un marché commun (libre circulation des biens et des personnes). L’EAC souhaite former une union monétaire et possiblement politique[35]. Son siège est situé à Arusha, en Tanzanie. Ses langues officielles sont l’anglais et le swahili. L’Assemblée législative de l’Afrique de l’Est, la branche législative de l’EAC, a tenu une session plénière à Kampala, en Ouganda, du 22 janvier au 9 février 2018. Des projets de loi ont été déposés, dont un portant sur l’éventuelle formation d’une union monétaire[36].
F. Développement humain
En 2015, le Kenya se classait au 146e rang mondial de l’Indice de développement humain de l’ONU parmi 188 pays et était donc considéré comme ayant un développement humain moyen, mais tout juste au dessus du 148e rang, qui lui aurait conféré le statut de pays à développement faible[37]. Par rapport aux autres membres de l’EAC, cela plaçait le Kenya devant la Tanzanie (151e), le Rwanda (159e) l’Ouganda (163e), le Soudan du Sud (181e) et le Burundi (184e). L’indice est formé d’une série d’indicateurs, tels que l’espérance de vie à la naissance (62,2 ans au Kenya), la durée attendue de la scolarisation (11,1 années), la durée moyenne de la scolarisation (6,3 années)[38] et le revenu national brut par habitant (2 881 dollars américains de 2011, en parité du pouvoir d’achat).
Le taux de mortalité maternelle (morts maternelles par 100 000 naissances vivantes) est passé de 687 en 1990 à 510 en 2015, une légère amélioration qui place le Kenya au milieu de ses voisins, comme l’Ouganda (343), l’Éthiopie (353), la Tanzanie (398), la Somalie (732) et le Soudan du Sud (789)[39].
En novembre 2017 seulement, le Programme alimentaire mondial a fourni une aide alimentaire à 1,2 million de personnes au Kenya, principalement dans les camps de réfugiés[40]. À la fin de 2016, le Kenya était le 10e pays au monde pour le nombre de réfugiés y résidant, avec 451 100, dont 324 400 provenaient de la Somalie, 87 100 du Soudan du Sud, 19 100 d’Éthiopie et 13 300 de la RDC[41].
Le 31 décembre 2017, le Kenya comptait relativement peu de soldats ou policiers (et quelques civils) déployés dans huit missions de maintien de la paix de l’ONU, soit 191, le 55e plus grand nombre au monde. Les deux principales missions où ils étaient déployés étaient UNAMID (mission conjointe de l’ONU et de l’UA au Darfour – 118 personnes) et UNMISS (mission de l’ONU au Soudan du Sud – 29 personnes)[42].
G. Indicateurs de gouvernance
Le Kenya est considéré comme étant partiellement libre par la Freedom House; l’accès à Internet est jugé libre, mais la presse est considérée comme étant partiellement libre [43]. Le 14 août 2017, le gouvernement kényan a annulé l’inscription de la Commission kényane des droits de la personne en tant qu’organisation non-gouvernementale, rendant son travail impossible à faire. Cela faisait suite aux élections du 8 août 2017, après lesquelles la Commission avait émis des doutes quant à l’annonce des résultats provisoires et aux différences avec les résultats finaux et des critiques face à la réaction des forces de sécurité aux manifestations suivant les élections[44].
L’indice de gouvernance de l’Institut Mo Ibrahim mesure la qualité de la gouvernance en Afrique. Selon cet indice, le Kenya se classait 13e sur 54 pays africains en 2016. Le pays se classait 10e dans la grande catégorie « développement humain », 11e pour les « possibilités économiques durables », 22e pour la « participation et les droits de la personne » et 27e pour la « sécurité et l’état de droit ».
Dans la catégorie « sécurité et état de droit », le Kenya avait un classement plus faible dans les composantes « sécurité personnelle » (26e) et « sécurité nationale » (38e). Pour ce qui est de la catégorie « participation et droits de la personne », les composantes affichaient un rang similaire, soit « participation » (20e), « genre » (24e) et « droits » (26e)[45].
L’homosexualité est illégale au Kenya et est passible d’une peine de prison de 14 ans. Par contre, le 23 février 2018, la Haute Cour du Kenya a commencé les audiences d’un procès qui pourrait décriminaliser l’homosexualité[46].
L’indice de démocratie de 2017 de The Economist Intelligence Unit plaçait le Kenya au 95e rang sur 167 pays étudiés, ce qui le positionnait dans la catégorie « hybride », soit ni une démocratie, ni un régime autoritaire. Ce rang plaçait le Kenya devant la plupart de ses voisins, soit la Tanzanie (91e), l’Ouganda (98e), l’Éthiopie (129e) et le Rwanda (133e). Par contre, le Kenya se classait au 108e rang en ce qui concerne les libertés civiles, derrière l’Ouganda (90e), la Tanzanie (107e), mais devant le Rwanda (140e) et l’Éthiopie (150e)[47].
Selon Transparency International, le Kenya se plaçait au 143e rang sur 180 pays pour l’Indice de perception de la corruption 2017, derrière le Rwanda (48e), la Tanzanie (103e) et l’Éthiopie (107e), mais devant l’Ouganda (151e), la RDC (161e) et la Somalie (180e)[48].
RÉUNIONS AU KENYA
A. Séance d’information par le Haut-commissariat du Canada au Kenya
La délégation a commencé sa visite par une séance d’information offerte par David Gervais du Haut-commissariat du Canada au Kenya. M. Gervais a offert à la délégation de précieux conseils de sécurité pour la durée de son séjour au Kenya.
Par la suite, Mme. Sara Hradecky, Haute-commissaire du Canada auprès du Kenya[49], avec l’apport de son conseiller politique par intérim, Rick Steenweg, a brossé un portrait de la situation politique, économique et sociale du Kenya.
B. Réunion avec l’honorable Kenneth Makelo Lusaka, président du Sénat
La délégation a rencontré l’honorable Kenneth Makelo Lusaka afin d’en connaître davantage sur le rôle du Sénat kényan, mais aussi pour en savoir plus sur l’entente récemment annoncée entre le président Kenyatta et M. Odinga, sur l’UA et l’EAC.
Le président Lusaka a indiqué que les Kényans entretenaient des relations courtoises avec le Canada. Il s’est dit bien placé pour favoriser la décentralisation, ayant été lui-même gouverneur d’un comté. Il a expliqué que le Sénat a déjà existé au début de l’indépendance du Kenya, mais qu’il avait été aboli. Il a été réinstauré lors de l’adoption de la nouvelle Constitution, en 2010. Il a mentionné que le défi du précédent Sénat était la définition des rôles des gouverneurs et des sénateurs. Ceux-ci sont mieux définis dans la nouvelle Constitution.
La décentralisation a accordé plus de pouvoirs aux comtés. Le rôle du Sénat est de s’assurer que les comtés reçoivent assez de fonds du gouvernement central, et que ces fonds soient répartis adéquatement entre les différents comtés. Le rôle des gouverneurs est d’administrer ces fonds.
Selon le président Lusaka, le nouveau Sénat sera plus actif que l’ancien Sénat. Il est requis que les projets de loi qui concernent les comtés passent par le Sénat, mais pas les autres. Cela fait en sorte qu’il y a des discussions entre les présidents des deux chambres sur les lois qui doivent être revues par le Sénat. Parfois, les mésententes doivent être réglées par un arbitre; mais cela est évité dans la mesure du possible. Il a aussi mentionné que des divergences d’opinion existent (par exemple lorsque du pétrole est découvert dans un comté), sur la part des revenus devant alors aller au gouvernement central et laquelle doit aller au comté. Le président Lusaka a aussi affirmé que les membres de l’Assemblée nationale croyaient qu’il fallait d’abord que les dirigeants des comtés se montrent responsables avec l’argent qu’ils reçoivent déjà et qu’ils en recevront davantage une fois que cela aura été démontré. Les fonds sont répartis entre les comtés selon une équation qui dépend entre autres de la population de chaque comté et ses besoins relatifs.
En réponse à une question sur la présence d’une analyse systématique des conséquences des politiques selon les genres ou d’autres caractéristiques, le président a indiqué que le Comité sénatorial du travail et des affaires sociales et le Comité sénatorial des finances et du budget examinaient cette question. De plus, il a expliqué qu’au moins 30 % des contrats d’approvisionnement devaient être octroyés à des entreprises détenues par des femmes, des jeunes ou des personnes handicapées.
Quant à la question de l’entente récemment annoncée entre le président Kenyatta et M. Odinga, le président Lusaka a mentionné que le pays en était encouragé et que cela pourrait « guérir » le pays.
C. Réunion avec le Comité sénatorial de la sécurité nationale, de la défense et des relations étrangères
La délégation a rencontré des membres du Comité sénatorial de la sécurité nationale de la défense et des relations étrangères, qui compte neuf membres, dont quatre provenant de l’opposition. Les délégués étaient entre autres intéressés par la décentralisation, le rôle des comtés et du Sénat et le résultat des dernières élections.
Le président du Comité, l’hon. Mohamed Yusuf Haji, un ancien secrétaire du Cabinet, a indiqué que le Kenya avait de très bonnes relations avec le Canada et a fait mention de la visite du ministre canadien de l’immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, l’hon. Ahmed Hussen, en décembre 2017.
Le vice-président du Comité, l’hon. Arthur Sakaja Johnson, a souligné le fait qu’il était rare de faire des rencontres entre parlementaires de différents pays et que ce genre de réunions devrait avoir lieu plus fréquemment. Selon lui, au Kenya, la chambre basse « avait la main haute » au Parlement. Le rôle du Sénat est de défendre la décentralisation. Le rôle du Comité est entre autres d’étudier et de réduire la radicalisation des jeunes et le terrorisme dans les comtés. Il a aussi fait mention de l’aide que le Canada pourrait apporter dans ce domaine, et souligné la contribution positive du Canada à la crise des réfugiés.
Une sénatrice a parlé du rôle important des femmes au Parlement; celles-ci ont un caucus des femmes parlementaires, qui comprend des membres de tous les partis. Selon elle, la décentralisation prévue par la Constitution n’a pas encore été complètement mise en place. Plusieurs membres du Comité ont voulu en savoir plus sur le rôle du Sénat et des provinces au Canada, ce que les délégués de l’Association ont pu expliquer.
À leur tour, les délégués de l’Association ont pu questionner les membres du Comité sur le terrorisme et s’il y avait un rôle particulier pour les femmes et les jeunes à cet égard. Le sénateur Johnson a expliqué que la mission des terroristes était de diviser la population, mais qu’ils n’avaient pas réussi, car plusieurs victimes des actes terroristes perpétrés au Kenya étaient elles-mêmes musulmanes. Comme le président du Sénat l’avait mentionné, il a aussi parlé de la part de 30 % des contrats gouvernementaux réservée aux femmes, aux jeunes et aux personnes handicapées. Il a aussi parlé du caucus des jeunes, qui regroupe des jeunes parlementaires de tous les partis.
D. Réunion avec le président de l’Assemblée nationale
La délégation de l’APCA a rencontré le président de l’Assemblée nationale, l’hon. Justin Bedan Njoka Muturi, afin, entre autres, de mieux connaître comment le Canada pouvait s’impliquer avec le Kenya, que ce soit de façon bilatérale ou multilatérale.
Le président a d’abord dit avoir apprécié la rencontre de la représentante canadienne de l’Association parlementaire du Commonwealth, la députée Alexandra Mendès, une semaine plus tôt. En réponse à des questions des délégués, il a estimé qu’à son avis, l’entente entre le président Kenyatta et M. Odinga avait des conséquences profondes, mais que certains partis de l’opposition n’étaient pas présents, ce qui amenait un peu de confusion au Parlement. Selon lui, le communiqué conjoint montre que M. Odinga a accepté les résultats de l’élection présidentielle, car M. Kenyatta y est appelé « son excellence le président Kenyatta » et M. Odinga « son excellence Raila Odinga »; l’entente va donc accélérer le travail parlementaire.
Sur la question des personnes handicapées, le président a rappelé que deux sièges étaient réservées à ces personnes au Sénat, et six autres à l’Assemblée nationale ce qui, selon lui, est juste étant donné qu’elles forment 5 % de la population kényane.
En réponse à une question, le président a mentionné que l’aide que le Canada pouvait apporter au Kenya était son expérience et ses connaissances, surtout dans les domaines de l’extraction du pétrole et des mines. La HC a indiqué qu’une délégation du Kenya allait se rendre à Calgary en juin 2018 pour participer au « Global Petroleum Show ».
Le président a aussi encouragé la délégation à favoriser la signature d’un Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers avec le Kenya; cet accord est en cours de négociations.
Il a aussi parlé de la relation qu’il a avec le président du Sénat. Il a noté qu’il y avait parfois des divergences d’opinion, mais qu’elles diminuaient avec le temps. Selon lui, la nouvelle Constitution définit bien le rôle de chaque chambre. L’allocation de fonds entre le Sénat, l’Assemblée nationale et les comtés est clairement définie par une formule qui se fonde principalement sur la population de chaque comté.
E. Réunion avec la secrétaire du Cabinet du tourisme
Une rencontre a été organisée avec le secrétaire du Cabinet pour le tourisme, l’honorable Najib Balala, afin de discuter des enjeux du tourisme, de la conservation et de la sécurité. La secrétaire principale pour la faune, Margaret Mwakima, était aussi présente.
Le secrétaire du Cabinet a commencé par dire que le tourisme représentait 11 % du PIB du Kenya. Environ 60 % des touristes viennent surtout pour la visite de parcs nationaux et l’observation de la faune, alors que 40 % viennent pour les plages de l’océan Indien. La concurrence pour l’observation de la faune vient de plusieurs pays, comme la Tanzanie et le Botswana. Il a aussi souligné que le Kenya avait banni la chasse aux éléphants en 1973, mais que le braconnage demeurait un problème. Le secrétaire a affirmé que le Kenya avait travaillé avec la Chine pour qu’elle rende illégale la vente d’ivoire, ce qui fut fait le 1er janvier 2018. L’importation par la Chine de la corne de rhinocéros avait déjà été interdite en 1993. La population d’éléphants est maintenant en hausse et atteint 34 000 individus, tout comme celle des rhinocéros, qui est d’environ 1 100 individus.
Les mesures pour contrer le braconnage comprennent des amendes plus sévères et l’entraînement de chiens spécialisés dans la détection d’ivoire. L’ivoire transite souvent par le Kenya en provenance de pays avec des restrictions moins sévères et part de Nairobi par avion ou de Mombasa par bateau. Une solution réside donc dans le fait d’avoir assez de chiens à l’aéroport de Nairobi et au port de Mombasa pour détecter les envois.
Le conflit entre l’agriculture et la conservation a aussi été évoqué. La hausse de la population pousse à cultiver davantage de zones de pâturages qui à leur tour, attirent les animaux sauvages, ce qui les met souvent en conflit avec les humains. Le développement du secteur pétrolier a aussi été évoqué comme problème potentiel pour la faune, mais le secrétaire du Cabinet a indiqué que les infrastructures ne doivent pas nuire aux animaux, et que certaines mesures coûteuses doivent être prises, par exemple l’élévation des rails de train pour permettre le passage des animaux.
La question de la sécurité a aussi fait l’objet de discussions. Des violences éclatent régulièrement après les élections. Le terrorisme est aussi présent, mais aucun acte terroriste n’est arrivé récemment, sauf près de la frontière de la Somalie. La relative sécurité a pu contribuer à la hausse récente du tourisme. Le Kenya compte maintenant 1,5 million de touristes annuellement et cherche à en attirer 2,5 millions en 2025.
F. Réunion avec le Comité de l’Assemblée nationale sur la défense et les relations étrangères
La délégation a rencontré 17 des 19 membres du Comité de l’Assemblée nationale sur la défense et les relations étrangères, dont son président, Katoo Judah Ole Metito. Le comité est composé de députés du parti au pouvoir (JP), de partis de la coalition de l’opposition (NASA) et de députés indépendants.
Le président du Comité a affirmé que les relations du Kenya avec le Canada étaient cordiales. Il a fait mention de la visite au Kenya en 2016 du ministre canadien de la défense nationale, l’hon. Harjit Singh Sajjan, et du ministre canadien de l’immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, l’hon. Ahmed Hussen, en 2017.
Les parlementaires kenyans étaient très intéressés par le rôle des différents niveaux de gouvernement au Canada (fédéral, provincial, municipal), de même que par celui du Sénat et de la Chambre des communes. Ils étaient curieux de connaître le salaire des députés canadiens. Le salaire de base des députés du Kenya a été réduit d’environ 15 % à partir d’août 2017, pour atteindre environ 90 000 $ CA par an, et ils ont perdu certaines allocations.
G. Réunion avec le leader de la majorité
Les délégués ont rencontré le leader de la majorité, l’hon. Aden Bare Duale, qui vient d’une circonscription située tout près de la Somalie. Il a affirmé qu’il y a eu moins de terrorisme dans les trois ou quatre dernières années.
Les discussions ont tourné autour de deux thèmes : d’abord, le rôle du Parlement et de ses deux chambres par rapport au pouvoir présidentiel; ensuite, le climat politique passé et présent au Kenya.
M. Duale a expliqué que les secrétaires du Cabinet n’étaient pas des députés, mais d’autres individus choisis par le président et approuvés par l’Assemblée nationale. Selon lui, même si le Parlement est maintenant indépendant du pouvoir présidentiel, il demeure que 216 des 349 députés sont des membres de partis fidèles au président. Il est donc plutôt rare que des nominations soient rejetées par l’Assemblée nationale. Cependant, cela est déjà survenu, comme le rejet d’une candidature comme secrétaire du Cabinet pour l’éducation.
Le budget présidentiel doit aussi être approuvé par l’Assemblée nationale, de même que des nominations aux postes de direction d’organismes gouvernementaux tels que la Commission de l’éthique et de lutte à la corruption, le procureur général, etc.
M. Duale a expliqué que son rôle était de servir de lien entre le président et l’Assemblée nationale. Les projets de loi du gouvernement et le budget sont amenés au leader de la majorité et déposés à l’Assemblée nationale. Des projets de loi peuvent aussi provenir des députés de l’Assemblée nationale.
Selon M. Duale, le président consulte ses secrétaires du Cabinet et d’autres experts dans la préparation du budget et des projets de lois. Ceux-ci sont étudiés à l’Assemblée nationale; des consultations publiques ont lieu pendant une semaine, avec la participation du public. Les secrétaires du Cabinet peuvent être appelés à expliquer leur projet de loi devant un comité parlementaire. Au sujet des comités, il a mentionné que quatre d’entre eux, comme le Comité des comptes publics, sont présidés par un membre de l’opposition.
De son côté, le Sénat est complètement dévoué à la décentralisation des pouvoirs vers les comtés, à voir à ce que ceux-ci reçoivent suffisamment de financement du gouvernement central, que ce financement soit équitablement réparti entre les comtés; il s’intéresse aussi à tout projet de loi ayant des répercussions directes sur les comtés.
Le leader de la majorité a aussi parlé des dernières élections, annulées et reprises. Selon lui, l’entente entre MM. Kenyatta et Odinga est une bonne chose pour le pays et pourrait apaiser les divisions entre groupes ethniques.
M. Duale a brossé un portrait de la politique au Kenya. Selon lui, elle a été dominée par deux familles depuis l’indépendance : les Kenyatta et les Odinga. Cette rivalité est souvent ramenée aux luttes entre les deux groupes ethniques desquels ils proviennent, soit les Kirkuyus et les Luos, respectivement. Comme les sept principaux groupes ethniques composent chacun entre 22 % et 6 % de la population, les plus petits groupes ethniques ont tendance à choisir d’appuyer le candidat qu’ils pensent pouvoir gagner, afin de protéger leurs droits. Selon M. Duale, les tensions et alliances ethniques sont les véritables facteurs décisifs des résultats électoraux, et des politiciens exploitent ces dissensions. Cela contribue à l’éclatement de violences après chaque élection, menant parfois le pays au bord de la guerre civile. M. Duale souhaite que les politiciens kényans s’intéressent davantage aux débats sur les enjeux réels de politique publique.
H. Souper de travail au sujet de la situation des réfugiés au Kenya
La délégation a rencontré plusieurs acteurs importants dans l’analyse et l’offre de services des réfugiés au Kenya : des représentants du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR), des fournisseurs de services aux réfugiés (HIAS et RefugePoint) et des membres de l’équipe d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada travaillant au Haut-commissariat du Canada. Cette réunion a donné lieu à une discussion sur le défi que représente l’arrivée de nombreux réfugiés, mais aussi des possibilités que ceux-ci pourraient représenter pour l’économie du Kenya, si des services adéquats leur étaient offerts.
Des représentants du HNCUR ont expliqué aux délégués qu’il y a eu plusieurs vagues de réfugiés. Certains sont installés au Kenya depuis des décennies, d’autres sont arrivés plus récemment. Les réfugiés résidant au Kenya proviennent surtout de la Somalie et du Soudan du Sud. Il a été rapporté que, pendant la visite de la délégation, des vagues importantes de demandeurs d’asile entraient au Kenya en provenance de l’Éthiopie.
La population de réfugiés et de demandeurs d’asile en présence au Kenya est présentement d’environ 500 000 personnes. Selon le HNCUR, la situation est assez bonne. Cependant, la situation pourrait être améliorée si le pays avait un système de gestion des demandeurs d’asile et de l’aide d’autres pays pour gérer la situation des réfugiés. De plus, la position du gouvernement du Kenya est que le reste de la communauté internationale a un rôle à jouer et qu’il ne voit pas la fin de l’afflux de réfugiés. Les réfugiés ont parfois été blâmés pour des attaques terroristes, mais jamais aucune arrestation n’a eu lieu envers un réfugié en lien avec le terrorisme.
Toujours selon le HNCUR, les réfugiés somaliens voudraient retourner dans leur pays, mais leur situation est meilleure au Kenya. La Somalie continue d’être incapable d’assurer leur réinstallation, et des améliorations sont nécessaires en éducation et dans d’autres domaines pour s’assurer de leur retour sécuritaire en Somalie avec une qualité de vie adéquate.
En septembre 2016, l’ONU a adopté un ensemble d’engagements pour améliorer la protection des réfugiés et des migrants, dans la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, qui promettait un soutien important aux pays touchés par l’afflux de réfugiés et soulignait le besoin d’infrastructures supplémentaires pour les accueillir. Cela a aussi mené à la Déclaration de Nairobi sur les solutions durables pour les réfugiés somaliens et la réintégration des rapatriés en Somalie, par l’Autorité intergouvernementale pour le développement, dont font partie le Kenya, la Somalie, Djibouti, l’Érythrée, l’Éthiopie, l’Ouganda, le Soudan et le Soudan du Sud. La Déclaration de Nairobi visait entre autres à prendre une approche régionale intégrée et à accroître les efforts déployés dans le soutien envers les réfugiés.
Selon le HCNUR, la décentralisation des pouvoirs au Kenya fait en sorte que certaines décisions concernant les réfugiés reviennent maintenant aux comtés.
De plus, la crise des réfugiés syriens a fait réaliser aux pays occidentaux que les besoins des réfugiés sont divers et comprennent des besoins de long terme, comme l’éducation et l’intégration à la société. La présence de réfugiés dans certains comtés peut en fait représenter une possibilité de trouver et garder plus facilement des personnes avec des compétences hautement recherchées. Il a été évoqué qu’il existe un danger réel qu’une génération soit perdue si rien n’est fait. Un représentant d’un fournisseur de services aux réfugiés a confirmé cette idée en donnant l’exemple du camp de Kakuma, où on retrouve un grand nombre d’étudiants avec un niveau de compétences élevé.
Des représentants de fournisseurs de services aux réfugiés ont aussi parlé des différentes priorités, comme évidemment les besoins de base (alimentation, logement), mais aussi de la relocalisation des personnes vulnérables, comme les personnes handicapées, et les membres de la communauté LGBTQ. À Nairobi, plusieurs institutions existent qui apportent de l’équipement pour les personnes handicapées. La situation de la communauté LGBTQ continue d’être difficile, parce qu’elle est mal acceptée au Kenya. Les membres de la communauté doivent souvent être relocalisés dans d’autres pays.
Certains réfugiés sont pris en charge par des gestionnaires de cas travaillant pour ces organismes. Ils reçoivent un soutien pendant six mois. Les organismes essaient d’éviter un phénomène de dépendance des réfugiés envers leurs services. Il existe aussi des agents de protection des enfants, pour s’assurer que ces derniers aillent à l’école. Du micro-financement d’une valeur pouvant aller jusqu’à 200 $ US est disponible pour le lancement d’une entreprise. Certains organismes sont plus spécialisés dans le soutien aux réfugiés urbains (surtout à Nairobi), alors que d’autres travaillent surtout dans les grands camps de réfugiés.
Il a été suggéré que certains réfugiés pourraient être accueillis au Canada non pas à titre de réfugiés, mais par le système d’immigration, car certains ont les compétences linguistiques ou de travail recherchées par les employeurs.
I. Visite de Fleur Africa, un projet horticole de production de roses
À Naivasha, une ville d’environ 185 000 habitants à 90 kilomètres au nord-ouest de Nairobi, les délégués ont visité une entreprise qui produit des roses dans des serres et les exporte à travers le monde, dont au Canada et aux États-Unis, en Europe et en Australie.
La propriété est d’une dimension de 40 hectares. L’entreprise, lancée en 2013, produit maintenant environ 75 millions de roses par année, soit environ 200 000 par jour. Elle en achète aussi environ 15 millions par année pour répondre à la demande de ce qu’elle ne produit pas elle-même. Les roses se développent très bien dans le climat de la région, surtout à cause de l’altitude qui n’est ni trop haute ni trop basse. Les roses une fois coupées, si elles sont réfrigérées, peuvent passer au moins 55 jours sans se faner. Une fois coupées, elles sont traitées et réfrigérées pendant 24 heures. Elles sont transportées en camion qui circule jusqu’à Nairobi de nuit, à cause des températures plus fraîches et du trafic automobile moins dense. Après inspection, elles peuvent rejoindre l’Europe en 24 heures et les États-Unis ou le Canada en 48 heures. Après deux autres journées pour la distribution, elles peuvent se retrouver dans des supermarchés au Canada moins d’une semaine après avoir été coupées.
L’entreprise emploie environ 1 000 kényans, dont environ 45 % de femmes. Des programmes de formation et de développement sont offerts. L’entreprise offre le transport et le dîner pour les employés, des programmes de garderie et des bourses pour études. Le salaire est légèrement supérieur à la moyenne de l’industrie. C’est probablement pourquoi le taux de roulement du personnel est bas, à environ 0,05 %.
L’entreprise est auditée deux fois par année, pour vérifier certaines certifications environnementales. Selon le pays, les exigences en termes d’utilisation de différents produits (pesticides, insecticides) sont plus ou moins sévères. Un système de traçabilité est en place en cas de problème majeur. La concurrence provient surtout de la Colombie et de l’Équateur.
Certains employés ont une formation universitaire, mais il n’y a pas de recherche faite à l’université : toute la recherche est faite au sein de l’entreprise, qui tente de développer des produits qui plaisent aux consommateurs.
J. Dîner de travail au centre de conservation Elsamere
Toujours dans les environs de Naivasha, les délégués ont visité le Centre de conservation Elsamere et son Centre d’éducation sur le développement durable, ainsi que le musée Joy-Adamson. Sam Mwashimba a expliqué aux délégués l’histoire du Centre et du musée.
Plusieurs animaux peuvent être vus sur ce site, qui était auparavant la résidence de Joy et George Adamson, deux conservateurs qui ont élevé des lions, y compris Elsa, dont l’histoire a fait l’objet de livres et d’un film.
Le but du Centre est de faire de l’éducation dans le domaine de la conservation et comprend plusieurs programmes auprès des jeunes, mais aussi des conservateurs du Kenya et de l’étranger. Le Centre offre aussi des arbres gratuitement pour les écoles, mais les employés du Centre s’assurent que ces arbres soient bien traités et qu’ils croissent.
K. Visite des installations de la Kenya Electricity Generating Company (KenGen)
La délégation a visité une installation géothermique, le projet Olkaria, qui compte 59 puits produisant 412 mégawatts d’électricité. Certains des puits sont creusés à 3 kilomètres de profondeur. La vapeur générée par la chaleur du sous-sol permet de faire tourner des turbines, permettant la production d’électricité. Les représentants de l’entreprise, parmi lesquels Abel Rotich, ingénieur, ont expliqué que la géothermie a commencé dans les années 1950 au Kenya, mais qu’elle n’a connu du succès qu’à partir des années 1970. De 1989 à 1992, la compagnie Petro-Canada a formé des employés au Kenya.
La demande d’énergie croît de 8 % par année au Kenya. Environ 50 % de la consommation d’énergie provient de la géothermie, contre 30 % de l’hydro-électricité et 20 % de sources thermiques comme le pétrole. Quand la demande est plus basse (par exemple, la nuit), les centrales utilisant des sources thermiques diminuent ou cessent leur production, car la production géothermique est difficile à arrêter.
La faune peut coexister avec les tuyaux de géothermie, qui se rendent en surface des différents puits jusqu’à la centrale. Par exemple, on peut surélever certains tuyaux pour permettre le passage des girafes.
L’entreprise compte environ 1 000 employés au Kenya. Il y a beaucoup d’apprentis et de gens de métier, ainsi que des ingénieurs de plusieurs types. Selon les représentants de KenGen, le Kenya est un leader dans la production géothermique en Afrique. L’Éthiopie et l’Érythrée sont aussi présents, mais ont peur des investissements massifs requis. KenGen a obtenu des prêts à long-terme pour financer la construction de l’usine et le forage. Ils sont ensuite payés par le gouvernement pour la livraison de l’électricité; la compagnie installe aussi des lignes de transmission.
L. Visite du parc national Hell’s Gate
En revenant de Naivasha vers Nairobi, la délégation a visité brièvement le parc national Hell’s Gate, où elle a pu discuter avec des agents du Service kényan. Le parc a une superficie de 68,5 km2, dont la moitié sert aux projets géothermiques et l’autre moitié à la conservation. On peut y rencontrer des zèbres, des gazelles, des impalas, des buffles, des phacochères (sorte de cochon sauvage), des babouins et plusieurs espèces d’oiseaux. Elema Apicha, gardienne principale, a pu expliquer toute l’importance de la protection des espèces contre le braconnage, pour la promotion de la biodiversité, mais aussi pour encourager le tourisme, moteur de l’économie kényane.
M. Réunion avec des organismes de défense des droits de la personne
La délégation a rencontré des représentants d’organismes de défense des droits de la personne, soit Henry O Maina, d’Article 19, Sabine Dwinger, de Peace Brigades International (PBI) – Kenya et Otsieno Namwaya, de Human Rights Watch. Était aussi présente lors de cette rencontre une représentante du secrétariat de l’Association des femmes parlementaires du Kenya (KEWOPA).
Le nom de l’organisme Article 19 fait référence au même article de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ». Cet organisme fait donc la promotion de la liberté d’expression et de la presse.
PBI – Kenya encourage l’accroissement de l’espace civique pour les défenseurs des droits de la personne, qui défendent donc ceux qui sont mis au défi au niveau de leurs droits. Par exemple, ses travailleurs peuvent fournir de l’aide juridique et offrir de la formation; ils travaillent principalement dans les habitations urbaines de Nairobi.
Au Kenya, Human Rights Watch fait la surveillance des violences entourant les élections et aide ceux que l’on soupçonne à tort de terrorisme.
Même s’il ne s’agit pas d’un groupe de défense des droits de la personne en soi, KEWOPA regroupe les femmes parlementaires de tous les partis (Assemblée nationale et Sénat). Cet organisme se concentre principalement sur les questions d’égalité des genres au Parlement.
Les enjeux rapportés par ces groupes touchaient la sécurité, le terrorisme et la violence, en particulier pendant et après les élections. Après les attentats terroristes de 2013 et 2014, la réponse contre-terroriste a été violente. Les familles victimes des représailles ont eu peur de porter plainte, car elles devaient le faire au poste de police où travaillent les policiers contre qui elles souhaitaient porter plainte. De plus, les compagnies de sécurité s’octroient des droits au nom de la sécurité nationale, alors que des jugements de cours leur ont refusé ces droits. On allègue que la police utilise une force disproportionnée lors de manifestations, même si elles sont pacifiques.
Certains organismes travaillent à rendre meilleures les rencontres entre les policiers et la population. Les ONG et les policiers discutent et sont sensibilisés aux besoins de l’autre partie.
La Commission kényane des droits de la personne n’est plus considérée comme une organisation non gouvernementale, rendant son travail impossible à faire. Cela est en dépit de jugements des cours, qui ne sont pas respectés par le pouvoir exécutif, et que les parlementaires ne semblent pas prêts à mettre en application, car ils ont peur de perdre certaines de leurs fonctions (membres de comités, etc.).
La violence est très présente pendant et après les élections. Les candidats et candidates engagent parfois des milices privées pour intimider leurs adversaires et ceux qui les appuient. La liberté de presse est souvent bafouée; des allégations ont été posées à l’effet que des journalistes ont été intimidés, arrêtés, voire assassinés. Du côté des syndicats, leurs droits avancent et sont appuyés par les comtés, mais on tente aussi de les affaiblir financièrement : la raison avancée est le resserrement budgétaire.
N. Réunion avec des représentants du monde des affaires
Des représentants de TradeMark East Africa (ou TMEA), soit Ahmed Farah, directeur pour le Kenya, Lisa Karanja, directrice principale des Affaires, et Gloria Atuheirwe, gestionnaire du programme Women in Trade (Femmes dans le commerce) ont rencontré la délégation pour parler de leur organisme et de l’économie kényane et de l’Afrique de l’est.
TMEA est un organisme sans but lucratif fondé en 2010 pour appuyer la croissance du commerce régional et international dans l’Afrique de l’est et tente de s’assurer que les gains du commerce dans la région reviennent aux gens de la région. Pour ce faire, ils s’appuient sur trois axes, soit : 1) un accès physique accru aux marchés; 2) un environnement commercial amélioré; 3) une meilleure compétitivité des entreprises. TMEA reçoit du financement de plusieurs pays, dont le Canada. En 2016-2017, Affaires mondiales Canada a versé 400 000 $ à TMEA en paiements de transferts.
Les représentants de TMEA ont parlé du Kenya, en particulier de Nairobi, comme du centre du commerce en Afrique de l’est. Plusieurs multinationales ont leurs bureaux régionaux à Nairobi. Environ 41 % des exportations kényanes sont à destination de l’Afrique. Elles sont constituées principalement de thé, de café et de produits horticoles comme des fleurs. Le pays connaît une forte croissance de sa population, qui ne possède pas suffisamment de compétences techniques. De plus, l’investissement direct étranger y est relativement faible. Cela se traduit par des taux de chômage et de pauvreté élevés.
Un des programmes de TMEA a pour but de réduire le temps pour franchir les frontières, notamment par le programme One Stop Border Posts (postes-frontière à un arrêt), qui facilite la construction d’infrastructures aux postes frontaliers du Kenya permettant un seul arrêt à la frontière du Kenya avec la Tanzanie (à Taveta) et l’Ouganda (à Malaba et Busia), de même que dans d’autres pays de l’Afrique de l’est. Ceci permet une circulation des biens, services et des personnes plus rapide.
Un autre projet consiste en l’agrandissement de la route de Port Reitz, afin d’accroître la capacité du terminal des conteneurs de Kipevu West, ce qui accroitra la capacité et l’efficience du port de Mombasa. Celui-ci commence à atteindre sa pleine capacité, et un nouveau port est en voie d’être complété à Lamu. TMEA appuie aussi un projet environnemental au port de Mombasa, qui manque d’eau potable. Ce projet permettra de récolter les eaux usées et de les traiter. TMEA travaille aussi avec l’autorité portuaire du Kenya à un projet d’amélioration de la productivité au port de Mombasa.
En réponse à des questions des délégués, les représentants de TMEA ont parlé du marché commun de l’EAC, qui devrait permettre davantage d’échanges commerciaux. Si les compétences des travailleurs sont accrues, cela permettra d’attirer davantage d’investissements étrangers en Afrique de l’est, ce qui améliorera l’infrastructure, puis le commerce et l’emploi.
La responsable du programme Women in Trade a aussi discuté des nombreuses femmes qui font du commerce de proximité en traversant les frontières. Elles sont souvent victimes de harcèlement et ne connaissent pas bien les formalités disponibles pour accélérer le passage des frontières, ce qui est très important pour leurs biens exportés périssables. Ce programme vise les femmes pauvres vivant dans des régions rurales : l’éducation sur les formalités administratives, la diversification des exportations et les stratégies d’évitement et de la dénonciation du harcèlement sont au cœur du programme. Celui-ci n’a pas été développé à pleine capacité; les femmes doivent être plus à même d’utiliser la technologie et de posséder des téléphones cellulaires. Il existe aussi un manque de données pour mesurer l’efficacité du programme.
O. Réunion avec des organismes électoraux
La délégation a rencontré la commission des élections et de délimitation des circonscriptions du Kenya (IEBC), de même que la fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES), qui offre une assistance technique aux officiers électoraux à travers le monde, appuient la participation des personnes sous-représentées à voter et appliquent les résultats de la recherche pour améliorer le cycle électoral. Joel Mwita, de l’Association des étudiants universitaires et collégiaux du Kenya pour la paix, était présent.
Les représentants de l’IEBC a expliqué que, depuis 2013, elle doit tenir six élections à la fois (présidentielles, sénatoriales, de l’Assemblée nationale, pour les postes de gouverneurs, de conseillers dans les comtés et pour les postes réservés aux femmes). Ceci a représenté un défi pour eux.
Selon ses représentants, au Kenya, les élections sont souvent liées aux tensions inter-ethniques. Les électeurs ont peu de confiance envers le processus électoral et accordent peu d’importance au fait de voter. Tel que mentionné précédemment, des violences éclatent souvent pendant les campagnes électorales et à l’annonce des résultats. Les élections de 2007 ont été particulièrement violentes, avec environ 1 500 morts.
Pour les élections de 2017, l’IEBC a dû travailler à rebâtir la confiance de la population dans le processus électoral et, étant donné ce manque de confiance, améliorer le système d’enregistrement et d’identification des électeurs, notamment par des mesures biométriques (empreintes digitales, photo numérique de l’électeur). Un grand travail d’éducation a été fait, notamment en distribuant des prospectus expliquant les procédures pour l’enregistrement et le vote. Lors des élections d’août 2017, le système de compilation de données sur les résultats a connu des « embouteillages », mais des améliorations ont eu lieu lors des élections d’octobre 2017.
Des représentants de l’IFES ont expliqué que l’IEBC était peut-être trop critique envers elle-même, et que la Constitution n’a été modifiée qu’en 2010 : les institutions démocratiques prennent du temps à changer. Ils ont aussi réitéré que la violence provenait de tensions inter-ethniques, qui étaient exacerbées par certains candidats, et qu’un grand travail d’éducation civique devait être fait auprès de la population et des candidats pour que les campagnes électorales soient l’objet de débats politiques pacifiques.
P. Visite du Centre international de formation en maintien de la paix
Les délégués ont fait la visite du Centre international de formation en maintien de la paix à Karen, légèrement à l’ouest de Nairobi. Ce Centre pour l’excellence pour l’Afrique de l’est était auparavant un collège de formation pour les missions de maintien de la paix de l’ONU, du ministère de la défense du Kenya, mais est devenu autonome en 2011 grâce à une entente de partenariat entre le Kenya, le Canada, les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les forces permanentes de l’Afrique de l’est (EASF) et le Programme de développement des Nations Unies (PDNU). D’autres partenaires se sont ajoutés au fil du temps. Le but du Centre est de mener des activités de formation, d’éducation et de recherche pour les militaires, les policiers et les civils sur tous les aspects des missions de maintien de la paix.
La direction du Centre est assurée par le brigadier Patrick Muta Nderitu, du Kenya. Le Centre compte 294 employés, dont 32 % sont des femmes. En 2017, le Centre a formé 6 100 personnes, dont 37 % de civils, 37 % de militaires et 24 % de policiers.
Les programmes de formation sont variés et visent à s’assurer de la bonne compréhension des rôles variés des militaires, policiers et de la société civile. Ils comprennent des cours de résolutions de conflits, de réconciliation post-conflit, d’amélioration de la sécurité suite à des attaques terroristes, de désarmement et de déminage, de déploiement rapide de capacités en génie suite à des désastres ou conflits, etc.
Le Centre ne possède pas de financement de base à long-terme et les ententes sont négociées à la pièce. Dans le futur, le Centre est à la recherche de partenaires additionnels et vise à offrir davantage de formation.
Il a aussi été signalé que depuis la formation du Centre, le Canada a toujours été très présent, et que deux officiers supérieurs canadiens étaient sur place. Cependant, présentement, il n’y a qu’un officier supérieur canadien.
Q. Réception à la résidence de la Haute-commissaire du Canada au Kenya
Cette réception a été l’occasion pour la délégation de retrouver certains représentants rencontrés au fil des réunions précédentes, de même que des partenaires, représentants de la société civile et des Canadiens vivant et travaillant au Kenya. Les discussions ont été multiples et variées et avaient pour thèmes les principaux enjeux discutés lors du voyage de la délégation : le développement économique et politique, le système légal, le processus électoral, la conservation, les droits de la personne, la liberté de la presse, etc.
La Haute-commissaire a aussi profité de l’événement pour annoncer l’investissement de 10 millions de dollars américains à l’entreprise kényane M-KOPA, qui fournit déjà 75 millions d’heures d’éclairage par mois à 600 000 foyers à faible revenu dans des régions isolées d’Afrique, à l’aide de l’énergie solaire. Cela équivaut à 125 heures d’éclairage par mois par foyer. Ce financement est le premier investissement de la nouvelle entité FinDev Canada, et s’ajoute au financement offert par d’autres partenaires, comme le groupe CDC et le gouvernement du Royaume-Uni.
R. Visite du Centre international pour l’agriculture tropicale
La délégation a visité le Centre international pour l’agriculture tropicale (CIAT), un membre du consortium CGIAR, un partenaire important pour le Canada dans la poursuite de la recherche dans le but de réduire la malnutrition. Depuis 1996, CIAT Afrique a reçu 22 millions de dollars du gouvernement canadien. Ce financement est géré par PABRA (Pan-Africa Bean Research Alliance), et a permis la construction d’installations de recherche et de développement sur la fève. De plus, Affaires mondiales Canada offre 11 millions de dollars sur cinq ans (2016-2021) à CIAT pour l’amélioration de la productivité et des marchés de la fève en Afrique.
Débísí Àràbà, directeur pour l’Afrique, et plusieurs représentants de CIAT Kenya ont accueilli la délégation et ont présenté leur organisme. CIAT existe depuis 1967 et est maintenant présent dans 53 pays. Le centre administratif de CIAT en Afrique est situé à Nairobi.
Les activités du Centre sont variées et visent une meilleure productivité, distribution et commercialisation de la fève. Par exemple, un profilage des risques climatiques a été fait dans plus de 30 pays d’Afrique sub-saharienne, y compris 31 des 47 comtés du Kenya, ce qui aide les fermiers à savoir où planter leurs semences. La recherche sert aussi à obtenir des fèves plus tolérantes à la chaleur, aux sécheresses, aux pluies importantes et aux maladies. On travaille maintenant sur une « super-fève », qui croît rapidement et offre un fort rendement.
Plusieurs variétés de fèves ont été créées et sont commercialisées précuites. Étant donné que les fèves ont une place fondamentale dans les repas quotidiens, cela permet une importante économie de temps, particulièrement pour les femmes. La production de fèves permet aussi une meilleure distribution des revenus, car les bénéficiaires sont les propriétaires de fermes de petites tailles, mais aussi les transporteurs, distributeurs et vendeurs locaux.
S. Réunion avec le gouverneur de Nyeri
La délégation a rencontré le gouverneur du comté de Nyeri, Mutahi Kahiga. Celui-ci avait été élu comme vice-gouverneur aux élections d’août 2017, et est devenu gouverneur suite au décès du gouverneur Wakome Gakuru, décédé dans un accident d’automobile le 7 novembre 2017.
Selon le gouverneur et son équipe, dont son chef du personnel, Paul Wambugu Muriithi, le comté est relativement petit en superficie, et est à moitié aride ou semi-aride. Il s’agit d’un comté plutôt agricole, mis à part de la capitale (Nyeri), qui compte plus de 250 000 habitants. On y cultive le thé et le café et on y élève des vaches. Le lait est pour la plupart acheté par des coopératives. La culture du thé est en évolution, contrairement à celle du café, qui stagne. Il existe une coopérative qui torréfie le café. Le manque d’eau constitue un problème de taille pour l’agriculture : certaines régions ne reçoivent pas de pluie pendant cinq ans. Il est donc important de récupérer l’eau quand il pleut. De plus, le sol du comté est plutôt acide, ce qui rend presqu’impossible la culture des fèves. Il existe aussi dans le comté une usine de production d’insecticides, alors que les engrais viennent surtout des États-Unis et d’Israël.
La division des terres entre les enfants lors de la mort des parents est un problème. Les lots de terres deviennent de plus en plus petits à chaque génération, ce qui a un impact social. De plus, les femmes qui héritent subissent souvent une pression de céder leurs parts à leurs frères.
Il a été dit que la décentralisation des pouvoirs vers les comtés fonctionne, mais certains problèmes ont été notés. La répartition des revenus entre les comtés fait l’objet de discussions. Le comté de Nyeri reçoit environ 54 millions de dollars américains de l’Assemblée nationale et en perçoit 10 millions d’autres sources. Environ 26 millions de dollars américains sont dépensés dans le domaine de la santé.
Il existe 30 conseillers élus à l’Assemblée de Nyeri, et 10 conseillers exécutifs (ministres) qui ne sont pas élus, mais nommés par le gouverneur, et approuvés par les conseillers élus de l’Assemblée du comté; ces derniers doivent aussi approuver le budget.
Le rôle du Sénat comme institution qui supervise les comtés a aussi été abordé. Les gouverneurs peuvent être démis de leurs fonctions par le Sénat, ou encore être appelés à témoigner devant des comités du Sénat.
Enfin, le gouverneur a rappelé que les deux premiers objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU étaient « pas de pauvreté » et « faim zéro » et qu’il s’agissait d’objectifs qu’il visait, tout comme le Canada doit le faire. Il a rappelé que les ODD n’étaient pas seulement pour l’Afrique, mais pour les économies avancées également.
T. Visite des installations d’Eco Fuels Kenya
La délégation a visité Eco Fuels Kenya (EFK), une entreprise située à Nanyuki qui utilise une noix indigène, la noix de croton, qui n’est pas mangée par les humains, pour en extraire l’huile et produire une essence écologique. Alan Paul et Cosmas Ochieng, les co-fondateurs de l’entreprise existant depuis 2012, ont expliqué aux délégués que cette essence peut servir de remplacement au diesel pour de la machinerie agricole, des génératrices et des pompes pour l’eau. L’huile peut aussi servir pour la tannerie du cuir et d’insecticide. Avec les 90 % de la noix restant, EFK produit un compost biologique qui peut servir d’engrais et de nourriture pour les volailles. Environ la moitié des revenus provient de l’huile. EFK ne peut répondre à toute la demande.
Ce sont les habitants de la communauté qui récoltent les noix et les vendent à EFK selon le poids récolté. EFK donne gratuitement des arbres aux récolteurs. Il est bien connu que s’ils coupent leur arbre pour vendre du bois, ils obtiendront environ 15 $. Par contre, s’ils récoltent les noix, ils obtiendront de 15 à 20 $ par saison pendant très longtemps.
EFK a profité d’un financement de 800 000 $ US de l’Africa Enterprise Challenge Fund (AECF), un investissement que l’entreprise devait égaler. AECF est un organisme qui appuie l’innovation et la création d’emplois, et dont le centre administratif se trouve à Nairobi. Affaires mondiales Canada fournit 15 millions de dollars à l’AECF de 2015 à 2020 pour son programme Agribusiness Africa Window. Grâce à ce fonds, dix-neuf entreprises, dont huit situées au Kenya, ont été choisies par un concours compétitif. Le Royaume-Uni et la Suède sont les principaux contributeurs à l’AECF; à part le Canada, l’Australie, les Pays-Bas et le Danemark y contribuent aussi.
U. Visite du Conservatoire et orphelinat pour la faune du Mont Kenya
Les délégués ont eu l’occasion d’observer en personne les opérations au Conservatoire et à l’orphelinat du Mont Kenya, qui a été fondé en 2004. Leurs activités consistent à sauver les animaux orphelins et à les réhabiliter. Ils offrent aussi des programmes d’éducation et font de la recherche.
La discussion avec les responsables du Conservatoire a tourné autour des conflits entre la faune sauvage et les humains. Deux conflits reviennent constamment, soit celui de l’empiètement des animaux sauvages sur les terres agricoles et celui du braconnage.
Le Conservatoire est un organisme sans but lucratif, qui ne reçoit pas de financement public. Le Service kényan de la faune leur apporte des animaux orphelins, parmi lesquels on retrouve léopards, guépards, bongos, autruches et tortues, qui sont réhabilités ou reçoivent des soins vétérinaires.
V. Visite du Conservatoire Ol Pejeta
La délégation a eu la chance de visiter le Conservatoire Ol Pejeta. En 2016, ce parc comptait 114 rhinocéros noirs, et on visait pour 2020 le nombre de 130 individus. Les délégués ont entendu parler de Sudan, le dernier rhinocéros blanc du nord, qui est malheureusement mort quelques jours après le départ de la délégation. Cela illustre bien la fragilité de la faune et la nécessité de protéger la biodiversité. On espère que des techniques d’insémination in vitro pourraient voir renaître l’espèce dans un futur rapproché.
La délégation a entendu parler du défi constant de gérer la rareté des terres et la préservation des habitats de la faune. Le Conservatoire est équipé en termes de sécurité pour contrer le braconnage. Malgré cela, en 2016, il y a eu deux incidents liés au braconnage, le premier se soldant par la mort d’un rhinocéros; par ailleurs, les braconniers ont été arrêtés. Des représentants ont aussi parlé du manque d’infrastructures.
OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS
La visite de la délégation s’est produite à un moment propice à plus d’un point de vue. Les secondes élections présidentielles en moins de trois mois venaient de se dérouler. La réconciliation entre le président Kenyatta et M. Odinga s’était produite le jour précédant le départ de la délégation pour le Kenya. Cela a été vu par plusieurs comme annonçant une possible période de stabilité politique, ce qui a été bien accueilli par des parlementaires et d’autres. Et deux jours après son départ, l’icône de la conservation au Kenya, Sudan, le dernier rhinocéros blanc du nord, est décédé, rappelant toute l’importance et la difficulté que représente la conservation pour le pays, et l’importance d’un écotourisme durable pour le futur de l’économie.
Les délégués ont eu de multiples occasions de faire des rencontres importantes dans la capitale avec des parlementaires, gens d’affaires, défenseurs des droits de la personne, responsables électoraux, mais aussi de visiter des régions du pays à l’extérieur de la capitale et de voir des projets de développement encourageants, de même que des centres de conservation visant à protéger les animaux, qui sont un trésor pour le Kenya et la planète entière.
Huit thèmes principaux ont fait l’objet de discussions au cours de cette mission, soit : A) le processus électoral et la violence inter-ethnique qui a accompagné les récentes élections; B) la décentralisation des pouvoirs vers les comtés et les rôles respectifs des deux chambres du Parlement; C) la gouvernance et le non-respect de l’état de droit; D) les droits de la personne et la sécurité; E) la conservation et l’écotourisme durable; F) la situation des réfugiés; G) le développement économique et les infrastructures; H) les opérations de maintien de la paix.
A. Processus électoral et violence inter-ethnique
Les délégués ont pu entendre à maintes reprises que le cycle électoral correspondait à un cycle de violences inter-ethniques, qui étaient souvent exacerbées par certains politiciens et leurs partisans. Plusieurs interlocuteurs ont indiqué que les candidats aux élections devaient montrer l’exemple en discutant davantage des politiques proposées par leurs partis respectifs, plutôt que d’y aller d’attaques personnelles sur les origines des adversaires. À ce titre, le communiqué conjoint de MM. Kenyatta et Odinga du 9 mars 2018 a été salué par plusieurs membres de la classe politique et la population, même si certains demeurent sceptiques quant aux conséquences réelles de cette entente. Les délégués ont aussi rencontré des représentants électoraux, qui ont souligné le manque de confiance du public dans le processus électoral et le manque d’importance accordée à aller voter.
L’Association parlementaire Canada-Afrique reconnaît l’entente entre son Excellence le président Uhuru Kenyatta et son Excellence Raila Odinga, et encourage la multiplication des gestes de réconciliation et d’apaisement inter-ethnique, et les efforts continus envers l’amélioration de l’État de droit et de la démocratie.
B. Décentralisation des pouvoirs vers les comtés
La décentralisation des pouvoirs vers les comtés a été un sujet de discussion constant. Ce processus a été instauré par la Constitution de 2010; les changements prennent du temps à s’établir, car le rôle du Sénat comme défenseur des pouvoirs régionaux et les comtés eux-mêmes continuent d’évoluer dans leur nouveau rôle.
L’Association parlementaire Canada-Afrique encourage le gouvernement du Canada à continuer à appuyer le Kenya en ce qui concerne la décentralisation des pouvoirs, et de poursuivre le dialogue avec le gouvernement kényan sur les défis et possibilités qu’offre la répartition des pouvoirs entre et à l’intérieur de différents niveaux de gouvernement.
C. Gouvernance et non-respect des décisions judiciaires
Même si dans l’ensemble, le Kenya fait preuve de progrès à plusieurs niveaux, plusieurs interlocuteurs ont parlé de la corruption qui fait encore rage au Kenya; selon Transparency International, le Kenya se plaçait au 143e rang sur 180 de son Indice de perception de la corruption 2017[50]. De plus, il a été question de plusieurs décisions judiciaires qui n’ont pas été respectées par le pouvoir exécutif.
L’Association parlementaire Canada-Afrique invite le Kenya à accélérer ses efforts en vue de faire une lutte accrue à la corruption et à respecter les décisions de ses tribunaux et encourage le gouvernement canadien à offrir son aide pour y parvenir.
D. Droits de la personne et sécurité
De la même manière, des interlocuteurs ont parlé de la violence abusive qu’exerceraient certains policiers lors de manifestations pacifiques. De plus, la presse et les journalistes subissent parfois des pressions, voire des attaques physiques. Il est convenu que le pays continue à être aux prises avec des menaces terroristes et une insécurité régionale, c’est pourquoi l’emploi de la force est parfois nécessaire, mais il s’agit de trouver le juste équilibre entre sécurité et droits.
L’Association parlementaire Canada-Afrique appuie le Kenya dans ses efforts de protéger sa population, mais encourage le Kenya à améliorer ses pratiques en matière de respect des droits de la personne, y compris les femmes, les personnes ayant un handicap et les membres de la communauté LGBTQ2.
E. Conservation et écotourisme durable
La délégation a pu observer les immenses efforts déployés dans le domaine de la conservation, incluant l’interdiction des sacs de plastique et la promotion de l’énergie verte. Le Service kényan de la faune protège la faune du braconnage avec diligence. Malgré tout, il demeure des conflits entre le développement humain et la protection des animaux.
L’Association parlementaire Canada-Afrique appuie les efforts de conservation du Kenya et encourage le gouvernement du Canada à examiner son aide financière au Kenya visant la protection de la biodiversité, qui est bénéfique non seulement au Kenya, par l’entremise du tourisme, mais à tous les pays, par le maintien de la biodiversité.
F. Situation des réfugiés
Le Kenya joue un rôle significatif dans l’accueil de réfugiés provenant de pays voisins, avec au moins 500 000 réfugiés en son sol.
L’Association parlementaire Canada-Afrique souligne les efforts déployés dans l’accueil des réfugiés et encourage le gouvernement du Canada à examiner régulièrement sa contribution aux différents programmes venant en aide aux réfugiés au Kenya.
G. Développement économique et infrastructure
Les délégués ont pu constater que plusieurs projets de développement connaissent un grand succès au Kenya. Le développement économique passe aussi par des infrastructures de transport efficaces, ce qui facilite le commerce. Ils se sont aussi fait dire que le Canada peut appuyer le Kenya, particulièrement de par leurs compétences dans les secteurs des mines et du pétrole, et la responsabilité sociale des entreprises.
L’Association parlementaire Canada-Afrique encourage le gouvernement du Canada et des associations d’entreprises canadiennes à explorer des ententes de partenariat avec le Kenya dans le domaine des infrastructures, des mines et du pétrole.
H. Les opérations de maintien de la paix
Le Kenya contribue aux opérations de maintien de la paix. La délégation a été impressionnée par sa visite du Centre international en formation de maintien de la paix. La direction en place a dit apprécier l’apport du Canada à son centre, mais a regretté le fait qu’il n’y a maintenant qu’un officier supérieur au centre, plutôt que deux et qu’une plus grande participation canadienne serait bienvenue.
L’Association parlementaire Canada-Afrique demande au gouvernement fédéral d’examiner à nouveau sa décision de n’envoyer qu’un officier supérieur canadien de façon permanente au Centre international de formation en maintien de la paix, à Karen.
REMERCIEMENTS
Les membres de la délégation souhaitent remercier le personnel du Haut-commissariat du Canada au Kenya, en particulier Mme Sara Hradecky, Haute-commissaire, Rick Steenweg, conseiller politique par intérim, et Njeri Munyiri, Affaires publiques et politiques; des remerciements vont aussi au chauffeur de la délégation, James Mungai Mbugua.
La délégation souhaite aussi remercier tous les interlocuteurs rencontrés au Kenya, qui ont partagé leurs opinions et perspectives.
Respectueusement soumis,
L'honorable Raynell Andreychuk, sénatrice Coprésidente Association parlementaire Canada-Afrique | Robert Oliphant, député Coprésident Association parlementaire Canada-Afrique |