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Association parlementaire Canada-Afrique

RAPPORT

MISSION BILATÉRALE AU SOUDAN

Les coprésidents de l’Association parlementaire Canada-Afrique (« l’Association ») ont réalisé une mission d’information au Soudan, du 15 au 17 janvier 2018. La délégation était composée de l’honorable sénatrice Raynell Andreychuk et de Robert Oliphant, député. Brian Hermon, conseiller de l’Association, accompagnait la délégation.

Il s’agissait de la première mission de l’Association au Soudan[1] . La mission de la délégation au Soudan avait les objectifs suivants :

  • comprendre le rôle actuel des parlementaires au Soudan;
  • connaître la situation politique, économique et en matière de sécurité actuelle au Soudan;
  • interagir avec des parlementaires concernant des questions relatives aux droits de la personne, à la sécurité régionale et à la règle de droit;
  • rencontrer des membres de la société civile pour mieux comprendre l’environnement en ce qui concerne la liberté d’expression, la liberté d’association et le pluralisme politique au Soudan;
  • en apprendre davantage sur la situation de l’Opération hybride de l’Union africaine et des Nations Unies au Darfour (MINUAD) et de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA);
  • comprendre les questions de sécurité auxquelles le Soudan est confronté, dont la menace du terrorisme;
  • rencontrer des représentants de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et d’organismes non gouvernementaux, afin d’en apprendre davantage sur les défis en matière de développement que le Soudan doit relever;
  • en apprendre davantage sur ce que le Canada fait au Soudan, tout particulièrement en ce qui concerne la paix et la sécurité, ainsi que la promotion des droits de la personne.

À l’appui de ses objectifs, la délégation a rencontré des membres de l’Assemblée nationale du Soudan et du Conseil des États, notamment les présidents des deux chambres. Elle a aussi rencontré des représentants gouvernementaux, le chef d’une coalition de l’opposition, des représentants de l’ONU, de l’Union africaine (UA), de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (AID), ainsi que des membres de la société civile et de la communauté diplomatique. En plus des réunions à Khartoum, la délégation s’est rendue à El Fasher, la capitale du Darfour du Nord. Elle a pu y rencontrer des représentants d’états, y compris le gouverneur du Darfour du Nord, ainsi que le président du Conseil législatif du Darfour du Nord. Elle a aussi visité le camp Abu Shouk pour personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP), et participé à une séance d’information avec le représentant spécial conjoint de la MINUAD.

Ce rapport fournit des renseignements sur la situation actuelle au Soudan, en plus de résumer les réunions de la délégation qui ont eu lieu dans le pays. Le rapport conclut en dévoilant les principales observations de la délégation au sujet de la mission bilatérale au Soudan.

SOUDAN

Situé dans le nord-est de l’Afrique, le Soudan est entouré par l’Égypte au nord; la mer Rouge, l’Érythrée et l’Éthiopie à l’est; le Soudan du Sud au sud; le Tchad et la République centrafricaine à l’ouest; et la Libye au nord-est. Son voisin, le Soudan du Sud, faisait anciennement partie du Soudan, mais s’en est séparé et a obtenu son indépendance en juillet 2011. Le Soudan compte environ 40 millions d’habitants et se divise en 18 états administratifs.

A. Histoire politique et événements récents   

En raison de son emplacement géographique, sur le plan historique, le Soudan est un lieu d’interaction entre les gens de l’Afrique subsaharienne, de l’Afrique du Nord et de la région méditerranéenne. La région du nord du Soudan subit l’influence de l’islam et de la langue arabe, qui se propagent à partir de l’Égypte dès 651, tandis que les langues africaines dominaient dans la région du sud. De 1899 à 1956, le Soudan est gouverné par un condominium anglo-égyptien. À la suite de la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu une hausse du sentiment nationaliste par rapport à cet arrangement. Les gouvernements britannique et égyptien autorisent la tenue d’élections en 1953. La première législature au Soudan est ouverte par le gouverneur-général britannique Sir Robert Howe à Khartoum, le 1er janvier 1954. À la fin de 1955, le Parlement du Soudan déclare l’indépendance, forçant les Britanniques à se retirer complètement.

Depuis son indépendance, le Soudan a été la scène d’importants conflits civils et troubles politiques. Les dissensions politiques, religieuses et ethniques, ainsi que les tensions concernant la gouvernance des ressources ont alimenté des conflits qui ont duré plus de deux décennies entre le nord et le sud, jusqu’à la signature de l’Accord de paix complet (APC) en 2005. L’APC renfermait des protocoles sur le partage du pouvoir et des ressources et prévoyait la tenue en 2011 d’un référendum sur l’indépendance de la région du sud.

Bien que l’APC ait mis un terme à la guerre civile entre le nord et le sud, il n’a pu résoudre un conflit distinct né dans la région du Darfour, dans l’ouest du Soudan. En 2003, un conflit a surgi entre des groupes de rebelles au Darfour – qui affirmaient que la région était marginalisée sur le plan économique et politique – et le gouvernement du Soudan et ses alliés. Le gouvernement du Soudan a réagi aux attaques des groupes de rebelles au moyen d’une violente campagne anti-insurrectionnelle. De 2003 à 2008, la violence au Darfour a entraîné la mort d’environ 300 000 personnes, le déplacement de plus de 2,5 millions de personnes, ainsi que des violations systématiques des droits de la personne commises envers la population civile[2] .

En janvier 2011, les citoyens du sud du Soudan ont voté dans le cadre d’un référendum sur l’indépendance. Près de 99 % des électeurs ont opté pour l’indépendance. Le 9 juillet 2011, la région est devenue officiellement la République du Soudan du Sud. Même si le président soudanais, Omar al-Bashir, a accepté le processus de vote en grande partie pacifique, des questions non réglées, comme celle de la richesse pétrolière, la répartition de la dette bilatérale et un conflit frontalier dans la région d’Abyei, demeuraient, ce qui a entraîné des tensions à long terme. Le Soudan du Sud et les états le long de la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud, dont le Kordofan du Sud et le Nil Bleu, comptent de nombreux champs pétroliers lucratifs. Ces régions demeurent des poudrières depuis l’indépendance du sud.

Le 27 janvier 2014, le président al-Bashir a exigé la tenue d’un processus de dialogue national entre son Parti du congrès national (PCN) au pouvoir et différents groupes de l’opposition. Au cours de ce dialogue, les législateurs soudanais ont voté pour rétablir le poste de premier ministre et lui déléguer certains pouvoirs exécutifs. En mars 2017, le président al-Bashir a nommé Bakri Hassan Saleh, qui est aussi l’un des deux vice-présidents du Soudan, comme premier ministre. En mai 2017, dans le cadre des recommandations concernant le dialogue national, le président al-Bashir a nommé un nouveau cabinet, le gouvernement du consensus national, qui comprend des membres de nombreux partis politiques.

L’élection la plus récente au Soudan a eu lieu en avril 2015. Lors de l’élection présidentielle, le président al-Bashir a remporté 94 % des votes. Lors de l’élection parlementaire, le PCN a remporté la majorité des sièges de l’Assemblée nationale. Cependant, les principaux partis de l’opposition ont boycotté les élections[3] .

Au cours de la dernière année, le gouvernement du Soudan a déclaré et renouvelé des cessez-le-feu unilatéraux avec des groupes de rebelles à l’échelle du pays, cherchant ainsi à créer un environnement favorable aux pourparlers de paix facilités par le Groupe de haut niveau de l’Union africaine chargé de la mise en œuvre (AUHIP). En mars 2018, le gouvernement du Soudan a renouvelé son cessez-le-feu unilatéral avec des groupes de rebelles au Darfour, ainsi que des rebelles du Kordofan du Sud et du Nil Bleu, jusqu’à la fin de juin 2018[4] . L’AUHIP cherche à établir un processus de paix « holistique » à l’égard des conflits au Darfour et dans les « deux régions » (Kordofan du Sud et Nil Bleu). En 2016, une feuille de route pour un accord de paix a été signée par le gouvernement du Soudan et les parties prenant part aux conflits. Cette feuille de route vise à accélérer les progrès en vue de mettre un terme aux conflits au Darfour et dans les deux régions, en assurant la reprise des négociations concernant une entente de cessez-le-feu permanente, et la prestation d’aide humanitaire. La mise en œuvre de l’accord a été, cependant, suspendue en raison de plusieurs facteurs, notamment des divisions au sein des groupes de rebelles, et des désaccords concernant l’accès humanitaire dans les deux régions[5] .

B. Situation socioéconomique   

Selon l’ONU, le Soudan est un pays à faible développement humain. En 2016, le pays se classait 165e parmi 188 pays suivant l’Indice de développement humain[6] , défini par le Programme des Nations Unies pour le développement. Environ 46,5 % de la population vit sous le seuil international de la pauvreté, qui est de 1,90 $ par jour[7] . Depuis le milieu des années 1970, l’insécurité alimentaire est un problème persistant exacerbé par la guerre civile et la sécheresse. En 2017, environ 4,8 millions de personnes avaient besoin d’une aide humanitaire, et 3,5 millions de personnes vivaient une insécurité alimentaire[8] .

La situation humanitaire au Soudan est l’une des plus complexes au monde. Le Soudan est un pays d’origine, de destination et de transit pour des migrants, en plus d’accueillir des millions de réfugiés et de PDIP. On évalue qu’environ 3,3 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du Soudan, dont environ 2,1 millions au Darfour[9] . En outre, le Soudan accueille plus d’un million de réfugiés de pays voisins, principalement le Soudan du Sud, la République centrafricaine, le Tchad, l’Érythrée et l’Éthiopie. Le nombre de PDIP au Soudan s’ajoute aux centaines de milliers de réfugiés soudanais vivant à l’extérieur du pays. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés évalue que le Tchad à lui seul avait accueilli environ 319 000 réfugiés du Darfour en juillet 2017[10] .

Depuis l’indépendance du Soudan du Sud, l’économie du Soudan tourne au ralenti. Selon les estimations, le Soudan a perdu environ 75 % de ses revenus tirés du pétrole à la suite de l’indépendance de la région du sud. Au cours des dernières années, le Soudan a adopté des mesures pour diversifier son économie, en investissant dans ses secteurs agricole et minier. L’or tout particulièrement est devenu une exportation de plus en plus importante; le Soudan est le troisième pays producteur d’or en importance en Afrique[11] . Cependant, il demeure un pays à la dette très élevée. Ses comptes auprès de la Banque mondiale et d’autres institutions financières internationales accusent des retards depuis de nombreuses années. Le Soudan fait aussi face à une inflation dans les deux chiffres, surtout en ce qui concerne le prix des aliments. En janvier 2018, des manifestations ont eu lieu en réaction au coût croissant du pain et à la décision du gouvernement de dévaluer la livre soudanaise par rapport au dollar américain.

C. Engagement international auprès du Soudan   

La révocation, en octobre 2017, des sanctions américaines imposées au Soudan est le fruit d’un processus d’engagement de deux ans avec le gouvernement du Soudan qui a commencé lorsque le président Barack Obama était au pouvoir. Il s’est poursuivi pendant le règne du président Donald Trump. En 2015, les États-Unis et le Soudan ont pris part à une série de négociations bilatérales, à un niveau inférieur à celui de chef d’État, afin d’évaluer s’ils pouvaient élaborer une feuille de route pour annuler les sanctions américaines. En juin 2016, il a été convenu que la décision d’annuler ou non les sanctions américaines se fonderait sur les progrès réalisés par le Soudan dans les cinq domaines suivants :

  1. la coopération avec les organismes américains du renseignement en matière de lutte contre le terrorisme;
  2. la fin des hostilités au Darfour et dans les « deux régions » du Soudan;
  3. un accès humanitaire accru dans les régions du Soudan faisant l’objet d’un conflit;
  4. la fin du soutien aux factions qui cherchent à déstabiliser le Soudan du Sud;
  5. un soutien à la sécurité régionale, y compris aux efforts multilatéraux pour lutter contre l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) [12].

En janvier 2017, citant d’importants progrès faits par le gouvernement soudanais sur plusieurs plans, le président Obama a adopté le décret-loi 13761, qui prévoit un mécanisme pour annuler les sanctions. Cependant, ce décret-loi reportait la décision d’annuler de manière permanente les sanctions économiques américaines imposées au Soudan de six mois, jusqu’au 12 juillet 2017, afin de donner à l’administration Trump arrivée au pouvoir le temps d’évaluer les progrès réalisés par le gouvernement soudanais dans les cinq domaines. À la suite d’une prolongation additionnelle de trois mois, les États-Unis ont décidé, en octobre 2017, de révoquer la plupart des sanctions économiques imposées au Soudan.

Malgré la révocation, l’administration Trump a affirmé que plusieurs autres outils coercitifs seraient maintenus. En effet, les États-Unis maintiennent leurs mesures visant le Darfour adoptées dans le cadre du décret-loi 13400 (2006), qui impose des sanctions aux personnes et entités associées aux actes de violence au Darfour. Le Soudan fait aussi partie des quatre pays désignés par les États-Unis comme état commanditaire du terrorisme. En raison de cette désignation, il est interdit d’exporter du matériel militaire américain et de réexporter du matériel à double usage vers le Soudan[13] .

En plus des mesures américaines, d’autres obstacles empêchent le Soudan d’entretenir des relations entièrement normalisées avec de nombreux pays occidentaux. Par exemple, le Soudan est toujours frappé de sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l’ONU et le président al-Bashir fait l’objet de deux mandats d’arrestation par la Cour pénale internationale (CPI). Le Soudan a aussi essuyé de vastes critiques concernant des violations des droits de la personne, dont la suppression des libertés civiles et politiques, ainsi que le recours à une force excessive pour réprimer la dissidence.

Les relations entre le Canada et le Soudan sont restreintes au niveau politique et économique. Actuellement, le chef de mission du Canada au Soudan n’est pas ambassadeur : il a le rang de chargé d’affaires. Le Canada met en œuvre les sanctions prévues par le Conseil de sécurité de l’ONU par l’intermédiaire de son Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur le Soudan, qui interdit l’exportation d’armes et de matériel connexe au Soudan, ainsi que la prestation d’une aide technique dans le domaine des armes. Le Canada impose aussi un gel des actifs et une interdiction de voyager aux personnes désignées par le Comité des sanctions concernant le Soudan de l’ONU. En 2016, la relation commerciale bilatérale entre le Canada et le Soudan a totalisé 44,1 millions de dollars. De ce chiffre, la somme de 43,8 millions de dollars représentait des exportations canadiennes vers le Soudan. En ce qui concerne l’aide internationale, le Canada a versé environ 16 millions de dollars en aide humanitaire au Soudan en 2016, par l’intermédiaire de l’ONU et de partenaires de la société civile.

RÉUNIONS AU SOUDAN

1. Séance d’information du chargé d’affaires Salah-Eddine Bendaoud    [14]

La première réunion de la délégation à Khartoum a eu lieu avec le chef de mission du Canada au Soudan, Salah-Eddine Bendaoud, qui a organisé une séance d’information sur la situation politique, économique et en matière de sécurité dans le pays. Il a informé la délégation que le président al-Bashir a lancé un dialogue national en 2014 pour aborder certaines questions relatives à la gouvernance, à l’inclusivité politique et au partage des ressources. Même si de nombreux groupes de l’opposition ont refusé de participer au processus, il a précisé que le gouvernement du Soudan allait mettre en œuvre les recommandations découlant du dialogue national. La délégation a appris que l’une des principales tâches du gouvernement consisterait à promulguer une nouvelle constitution.

M. Bendaoud a discuté de la feuille de route élaborée par l’Union africaine, sous la direction de l’ancien président de l’Afrique du Sud, Thabo Mbeki, qui cherche à mettre un terme aux conflits au Darfour, au Nil Bleu et au Kordofan du Sud. Bien que le gouvernement du Soudan et les parties participant au conflit aient signé la feuille de route en 2016, sa mise en œuvre a été suspendue. Parmi les facteurs responsables de la suspension du processus, il y a des divisions au sein des groupes de rebelles, ainsi que l’incapacité de finaliser une entente permanente de cessez-le-feu.

Le chargé d’affaires, M. Bendaoud, a fait le bilan de la situation économique au Soudan. Il a souligné que le gouvernement du Soudan a récemment dévalué la livre soudanaise, en plus d’éliminer les subventions pour le blé, ce qui a fait doubler le prix du pain. Il a aussi expliqué que le Soudan demeure fortement endetté et qu’il cherche à faire alléger sa dette par la communauté internationale dans le cadre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Enfin, il a souligné que le gouvernement du Soudan souhaite développer son secteur de l’extraction, tout particulièrement l’exploitation de l’or, et encourager les investissements directs étrangers.

2. Réunion avec l’honorable Ibrahim Ahmed Omer, président de l’Assemblée nationale du Soudan   

Les délégués ont rencontré l’honorable Ibrahim Ahmed Omer, afin de discuter de la situation au Soudan et de la structure de l’Assemblée nationale. M. Omer a remercié les coprésidents de leur venue au Soudan et a indiqué qu’il espérait que la mission permettrait de former des relations bilatérales plus solides entre le Canada et le Soudan. Plus particulièrement, il a déclaré que le Soudan se réjouirait de recevoir des investissements commerciaux canadiens ainsi qu’un soutien au développement bilatéral.

Le président a précisé que l’Assemblée nationale dispose de 500 sièges, dont 30 % sont occupés par des femmes. Il a fait savoir que le PCN a remporté la majorité des sièges lors de l’élection de 2015, mais que de nombreux partis politiques et parlementaires indépendants occupaient aussi des sièges à l’Assemblée. Selon le président, 12 partis politiques sont représentés au sein du gouvernement de consensus national. Il a ajouté que des partis de l’opposition sont représentés dans les gouvernements et assemblées des états.

Au cours de la discussion, les coprésidents ont posé des questions au président sur le chômage et l’habilitation des jeunes, ainsi que sur les relations du Soudan avec la communauté internationale. M. Omer a répondu que le taux de chômage chez les jeunes Soudanais est élevé, et que les jeunes au pays pourraient profiter d’une meilleure formation professionnelle et technologique. En ce qui concerne les relations étrangères du Soudan, il a mentionné que l’annulation des sanctions économiques américaines était un point positif, et a dit espérer que cela stimulerait la croissance économique. Enfin, M. Omer a exprimé le souhait du Soudan de jouer un rôle plus important au sein des organismes régionaux, notamment l’Union africaine et le Parlement panafricain.

3. Réunion avec l’honorable Omer Suleiman Adam, président du Conseil des États   

L’honorable Omer Suleiman Adam a informé la délégation du rôle et des responsabilités du Conseil des États du Soudan. Il a indiqué que ce conseil est composé de 72 membres, et qu’il est responsable, sur le plan législatif, des secteurs relevant des 18 états, y compris le droit d’amender les projets de loi ayant une incidence sur les intérêts des états. M. Adam a mentionné que les membres sont élus au Conseil des États par les assemblées d’états pour un mandat de cinq ans.

Il a ajouté qu’une assemblée constituante est en train de passer en revue la constitution du Soudan, ce qui pourrait entraîner des changements au modèle de fédéralisme du pays. Il a aussi abordé la question des relations du Soudan avec le Soudan du Sud. Selon le président Adam, le Soudan cherche à favoriser la réconciliation et une meilleure coopération avec le Soudan du Sud. Il a aussi dit que le Soudan souhaite former des liens commerciaux et en matière d’investissement plus forts avec le Canada.

4. Réunion avec des membres de l’Assemblée nationale   

Les coprésidents ont participé à une table ronde avec neuf membres de l’Assemblée nationale du Soudan, dont Mme Mazahir Mohamed Ahmed Osman, présidente du Sous-comité des affaires nord-américaines et canadiennes du Comité permanent des affaires étrangères et de la coopération internationale. Parmi les autres participants se trouvaient le président du groupe d’amitié parlementaire nord-américain ainsi que le président du Sous-comité des droits de la personne.

Mme Ahmed Osman a remercié le Canada d’avoir soutenu le processus qui a entraîné la conclusion de l’Accord de paix complet en 2005. Elle a souligné tout particulièrement le travail réalisé par la sénatrice Mobina Jaffer, l’envoyée spéciale du Canada pour la paix au Soudan de 2002 à 2006. Elle a ajouté que le Canada a fourni un soutien financier et logistique lors du référendum de 2011 sur l’indépendance du Soudan du Sud. Selon elle, le Soudan souhaite une coopération accrue avec le Canada, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la consolidation de la paix.

De nombreux membres de l’Assemblée nationale ont tenu à dire que la situation au Soudan diffère grandement de celle rapportée par les médias internationaux. Ils ont suggéré que la situation politique et en matière de sécurité au Soudan s’est améliorée au cours des dernières années. Ils ont ajouté qu’ils espéraient que l’annulation des sanctions économiques américaines aiderait à relancer l’économie soudanaise. Ils ont d’ailleurs fait savoir aux délégués canadiens que les entreprises canadiennes devraient songer à investir dans les secteurs de l’extraction et de l’agriculture au Soudan.

Des interlocuteurs soudanais ont manifesté le désir de créer des liens parlementaires avec le Canada. Ils ont mentionné aux coprésidents que des membres soudanais de l’Assemblée nationale et du Conseil des États aimeraient en apprendre davantage au sujet du système parlementaire et du modèle de fédéralisme du Canada. Ils ont suggéré que le groupe d’amitié parlementaire nord-américain du Soudan pourrait servir à établir des relations bilatérales plus approfondies. Des membres soudanais de l’Assemblée nationale ont aussi déclaré qu’ils espéraient visiter le Canada un jour.

5. Réunion avec le caucus des femmes du Parlement   

Les coprésidents ont rencontré 12 membres du caucus des femmes du Parlement du Soudan, formé en 2007. Il est composé de femmes de l’Assemblée nationale et du Conseil des États. Le caucus a pour objectif de représenter les intérêts des parlementaires soudanaises, et de faire campagne pour l’adoption de politiques qui favorisent le changement social positif. Les femmes ayant pris part à la rencontre représentaient de nombreuses régions de l’ensemble du Soudan, et provenaient de différents milieux professionnels, notamment le droit et les universités.

La présidente du caucus des femmes du Parlement, l’honorable Wafa Maki Elaayser, a expliqué le rôle du caucus et les efforts qu’il a récemment déployés pour faire la promotion de réformes sociales. Par exemple, elle a souligné que le caucus a fait campagne contre la mutilation génitale ou l’excision chez les femmes, un problème qui demeure très fréquent au Soudan. Il cherche aussi à lutter contre le mariage d’enfants, ainsi que la violence et la discrimination fondée sur le sexe et le genre.

Les membres du caucus ont déclaré qu’elles cherchent à dépasser le seuil minimum de 30 % en ce qui concerne la représentation des femmes au sein de l’Assemblée nationale. En outre, elles ont souligné que ce n’est pas que le nombre de représentantes au parlement qui importe, mais aussi le poids de leur représentation. En effet, elles ont fait valoir que les membres féminins de l’Assemblée nationale devraient avoir davantage de postes d’influence et être présentes à la table des négociations sur la paix.

À cet égard, les coprésidents ont appris que le Soudan a récemment adopté un plan d’action national consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité. Ce plan intègre la stratégie du Soudan pour mettre en œuvre la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi que des résolutions subséquentes consacrées aux femmes, à la paix et à la sécurité. Selon les membres du caucus des femmes, le Plan national d’action du Canada consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité a servi de modèle au Soudan[15] .

6. Réunion avec le président du Conseil législatif du Darfour du Nord   

Les coprésidents se sont rendus à El Fasher, la capitale du Darfour du Nord, où ils ont rencontré l’honorable Issa Mohamed Abdalla, président du Conseil législatif du Darfour du Nord. M. Abdalla a commencé par offrir un aperçu de la situation dans le Darfour du Nord et au sein du Conseil législatif. Il a expliqué que le Darfour du Nord fait partie des cinq états de la région du Darfour et qu’il représente environ 57 % de la population totale du Darfour. Il a souligné que six partis et deux membres indépendants sont représentés au sein du Conseil législatif, et que 25 % des sièges à l’assemblée sont occupés par des femmes. Il a fait remarquer que le Conseil législatif est indépendant de l’organe exécutif du gouvernement de l’état et qu’il a récemment adopté une loi sur les droits des personnes handicapées.

Selon M. Abdalla, le niveau de sécurité dans le Darfour du Nord est stable. Il a discuté de la campagne actuelle de collecte d’armes du gouvernement du Soudan dans la région, qui vise à recueillir les armes illégales et les véhicules non réglementés. Il a aussi discuté de la situation des personnes déplacées dans la région et a ajouté que le gouvernement du Darfour du Nord collabore avec l’ONU pour faciliter le retour volontaire des PDIP et des réfugiés dans leur région d’origine.

Au cours de la discussion, les coprésidents ont posé des questions sur la sécurité au Darfour, ainsi que sur la relation entre le Conseil législatif du Darfour du Nord et le gouvernement central du Soudan. M. Abdalla a répondu que la MINUAD a commencé à réduire la présence de ses troupes au Darfour et à fermer des sites d’équipe qui accueillaient les bases et le personnel temporaires de l’ONU. Il a ajouté que le Conseil législatif du Darfour du Nord a participé au processus d’ébauche de la constitution en cours à l’échelle nationale. M. Abdalla a ajouté qu’il espère que les liens seront resserrés avec le Parlement du Canada et l’Ambassade du Canada au Soudan. Tout particulièrement, il a expliqué que les membres du Conseil législatif du Darfour du Nord bénéficieraient du soutien du Canada en ce qui concerne une formation sur l’accroissement de la capacité à titre de législateur.

7. Visite du camp Abu Shouk pour personnes déplacées à l’intérieur de leur pays   

Les coprésidents ont visité le camp pour PDIP Abu Shouk, qui se trouve à 11 kilomètres au nord-est d’El Fasher. Ils ont pu rencontrer les gestionnaires du camp, des représentants du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) de l’ONU, et d’Oxfam, ainsi que des aînés et des résidents du camp.

La réunion a commencé par une séance d’information donnée par le gestionnaire du camp. Il a informé la délégation qu’Abu Shouk est l’un des cinq camps pour PDIP dans le Darfour du Nord. Il a été créé en avril 2004, en réaction à l’augmentation des incidents violents entre le gouvernement du Soudan et ses alliés et les groupes de rebelles armés. Le camp compte environ 55 000 résidents. La délégation a appris que cinq services principaux sont fournis au camp : la sécurité policière, l’éducation, l’eau, les soins de santé et l’aide alimentaire.

Le gestionnaire du camp a fait savoir que le niveau de sécurité dans le camp est stable et que de nombreuses PDIP aimeraient retourner dans leur région d’origine. Cependant, il a souligné que des PDIP pensent qu’elles seront incapables de subvenir aux besoins de leur famille si elles quittent le camp pour retourner chez elles. Il a ajouté que les organismes nationaux et internationaux et les gouvernements étrangers devraient aider le Soudan en facilitant le retour volontaire des PDIP dans leur collectivité d’origine, et en rendant ces collectivités plus attrayantes pour assurer un retour sécuritaire. À cet égard, il a exhorté le Canada et d’autres pays donateurs à modifier le soutien qu’ils offrent en passant de l’aide humanitaire à la coopération en matière de développement.

Le représentant du BCAH a indiqué que la situation en matière de sécurité au Darfour est calme, ce qui permet l’acheminement de l’aide humanitaire dans l’ensemble de la région. Il a précisé que 14 organismes de l’ONU, 13 ONG internationales et plus de 35 ONG nationales sont présents dans le Darfour du Nord. Il a expliqué que la MINUAD exploite huit sites d’équipe dans le Darfour du Nord et qu’elle prévoit en fermer quatre au cours de la prochaine année, conformément à la réduction des effectifs de la mission. Selon le BCAH, le Darfour du Nord accueille environ 500 000 PDIP, dont la plupart vivent à l’extérieur des camps officiels. On a indiqué aux délégués qu’en plus du grand nombre de PDIP vivant dans l’état, le Darfour du Nord commence à voir l’arrivée de PDIP ou de réfugiés qui reviennent d’autres régions du Darfour ou de l’extérieur du pays, dont la République centrafricaine.

Oxfam a mentionné aux coprésidents deux projets que l’organisme réalise au Darfour avec le soutien du Canada. Il s’agit en gros de fournir de l’eau ainsi que des services d’hygiène et d’assainissement aux PDIP vivant dans le Darfour du Nord et du Sud. L’organisme appuie aussi des activités rémunératrices pour les femmes, les agriculteurs et les pasteurs au Darfour. Le représentant d’Oxfam a souligné que la dernière saison des pluies au Darfour a été mauvaise, ce qui a exercé des pressions sur l’approvisionnement en eau. Le représentant d’Oxfam a mentionné que la rareté de l’eau, jumelée à une hausse du coût des aliments, entraînait une augmentation de l’insécurité alimentaire dans la région. Enfin, deux PDIP vivant au camp Abu Shouk ont discuté avec les délégués. Elles ont toutes les deux dit qu’elles souhaitent retourner dans leur région d’origine un jour.

8. Réunion avec le gouverneur du Darfour du Nord   

Les coprésidents ont rencontré l’honorable Abdul Wahid Yousif Ibrahim, gouverneur du Darfour du Nord, qui a offert un aperçu de la situation dans son état. Il a déclaré que la priorité de son gouvernement était de promouvoir la réconciliation et la reconstruction. Il a indiqué qu’il faut accroître le dialogue intercommunal et s’attaquer aux causes sous-jacentes du conflit, comme le sous-développement. De manière générale, le gouverneur a fait savoir que le Darfour du Nord accueille deux groupes de PDIP : un premier arrivé entre 2003 et 2008 de régions reculées du Darfour, et un deuxième arrivé après 2011, des environs d’El Fasher. Il a indiqué aux coprésidents qu’il s’attend à ce que bon nombre des premiers arrivants demeurent à El Fasher, puisqu’ils y sont depuis une dizaine d’années. À l’inverse, le gouverneur a dit s’attendre à ce que de nombreuses personnes arrivées plus récemment retournent dans leur région d’origine.

Les coprésidents ont posé des questions sur les enjeux relatifs au fédéralisme, à la paix et à la réconciliation. Le gouverneur Ibrahim a répondu que le gouvernement central à Khartoum est chargé d’offrir des services comme l’infrastructure routière, l’enseignement supérieur et l’électrification, tandis que le gouvernement d’état a compétence dans le domaine de l’éducation primaire. Il a ajouté que le gouvernement du Darfour du Nord, en collaboration avec le gouvernement central, participe à la campagne de collecte d’armes. En effet, en août 2017, le gouvernement du Soudan a lancé une campagne pour recueillir les armes illégales et les véhicules non réglementés à l’échelle du pays. Il estime que le niveau de sécurité dans le Darfour du Nord s’est amélioré considérablement au cours des dernières années et a souligné que la présence réduite de la MINUAD en est la preuve.

9. Rencontre avec le représentant spécial conjoint de la MINUAD   

La dernière rencontre de la délégation au Darfour du Nord était avec Jeremiah Mamabolo, représentant spécial conjoint de la MINUAD, et un grand nombre de ses hauts responsables. M. Mamabolo a indiqué que la situation en matière de sécurité au Darfour s’est stabilisée, mais que certains problèmes de violence dans la région se sont déplacés vers des pays voisins, notamment en Libye et au Soudan du Sud, où des groupes rebelles darfouriens sont présents et se livrent à des actes de banditisme et à d’autres activités criminelles. Il a aussi souligné que la sécurité dans la région de Jebel Marra, au centre du Darfour, demeure imprévisible. M. Mamabolo a déclaré que la MINUAD incitait tous les acteurs armés au Darfour à signer une entente permanente mettant un terme aux hostilités.

Les coprésidents ont appris que la MINUAD, suivant l’évolution de la situation en matière de sécurité, procédait à une restructuration et à une réduction de ses effectifs. M. Mamabolo a expliqué que la force autorisée de la MINUAD avait en effet grandement diminué. En juin 2017, l’ONU a décidé par voie de scrutin de réduire les troupes et les forces policières de la mission de 44 % en deux étapes de six mois. Selon la Résolution 2363 (2017), à compter du 1er janvier 2018, date de la fin de la première étape, le nombre autorisé de soldats passerait de 15 845 à 11 395 et celui de policiers de 3 403 à 2 888. À partir du 30 juin 2018, date de la fin de la deuxième étape, la MINUAD comptera au plus 8 735 soldats et 2 500 policiers. Selon M. Mamabolo, la MINUAD a fermé 11 sites d’équipe au cours des six derniers mois et continuera d’en fermer d’autres.

Le représentant spécial conjoint a déclaré que le mandat de la MINUAD évoluait en fonction du niveau de sécurité changeant au Darfour. Il a souligné que la MINUAD cherchait à soutenir la formation de procureurs et l’établissement du système judiciaire. Il a aussi précisé que la MINUAD soutient les services de police communautaires au Darfour et qu’elle collabore avec les autorités locales pour désamorcer la question de la violence intercommunale et s’attaquer aux causes sous-jacentes du conflit. De manière plus générale, M. Mamabolo a expliqué que la MINUAD participe à la mise en œuvre de la feuille de route élaborée par l’Union africaine sous la direction de l’ancien président de l’Afrique du Sud, Thabo Mbeki.

Au cours de la discussion, M. Mamabolo a répondu à des questions sur les conséquences imprévues éventuelles de la campagne de collecte d’armes du gouvernement du Soudan. Il a suggéré que la campagne commençait à porter fruit et que le désarmement, la démobilisation et la réintégration seraient essentiels à la paix à long terme au Darfour. Il a tout de même reconnu que certaines personnes hésitent à remettre leurs armes à un gouvernement ou à des forces de sécurité dont elles se méfient. À cet égard, M. Mamabolo a souligné qu’il fallait en faire plus pour remédier au manque de confiance qui existe entre différents intervenants au Darfour.

10. Réunion avec des membres de la société civile   

Les coprésidents ont rencontré de nombreux militants de la société civile soudanaise afin de discuter de la situation politique, économique et des droits de la personne au pays. Une bonne partie de la discussion a porté sur les manifestations qui se déroulaient au moment de la mission au sujet de la hausse du prix du pain. Les délégués ont appris que de nombreux manifestants pacifiques ont été arrêtés ou dispersés avec violence par la police. On a aussi souligné que le Service national du renseignement et de la sécurité avait confisqué des tirages complets de journaux qui critiquaient les politiques économiques du gouvernement, en plus d’avoir intimidé des journalistes qui avaient fait état des manifestations.

Les coprésidents se sont fait dire qu’il n’existe toujours pas de solution politique aux conflits internes au Soudan. Selon certains participants, la campagne de désarmement exacerbe les tensions et se veut un outil de contrôle du gouvernement. Les délégués ont aussi appris que le Soudan est un pays de transit et un pays d’origine des migrants. Même si on a souligné que le Soudan collabore avec l’Union européenne (UE) pour composer avec l’afflux de migrants vers l’Europe, des participants ont indiqué que les mesures prises ne suffisent pas pour résoudre les problèmes politiques et économiques qui incitent les jeunes à quitter le Soudan.

Enfin, les participants ont discuté des relations régionales et géopolitiques du Soudan. On a indiqué aux coprésidents que les relations entre le Soudan et l’Égypte étaient tendues en raison de nombreux facteurs. Ils ont par exemple évoqué un différend frontalier touchant le triangle de Hala’ib, qui se trouve sur la côte africaine de la mer Rouge, ainsi que la construction d’un barrage hydroélectrique en Éthiopie qui, selon l’Égypte, pourrait avoir des répercussions sur son approvisionnement en eau du Nil. On a expliqué que le Soudan accorde la priorité au renforcement de ses liens avec la Turquie et le Qatar. Il crée aussi des relations avec l’Arabie saoudite, en plus d’être membre de la coalition menée par cette dernière qui combat les rebelles Houthis au Yémen.

11. Réunion avec les organismes de l’ONU   

La délégation a pris part à une table ronde sur le développement du Soudan avec les représentants des organismes onusiens suivants : l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR), le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Département des affaires politiques de l’ONU (DAP).

Les exposés des organismes de l’ONU ont fourni un aperçu des principaux défis auxquels le Soudan est confronté en matière de développement. Les coprésidents ont appris, par le représentant de l’OMS, que plus de 4 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire au Soudan. Le représentant de l’UNICEF a repris les défis humanitaires au Soudan en expliquant que le pays compte certains des indicateurs de développement les plus faibles au monde, notamment la mortalité maternelle, l’accès à l’eau propre et le nombre d’enfants non scolarisés. Le représentant du PNUD a déclaré que le Soudan n’avait atteint aucun de ses objectifs du Millénaire pour le développement à la date cible de 2015. Parmi les autres principaux défis en matière de développement énumérés par les interlocuteurs, notons le mauvais accès aux infrastructures, l’absence d’un réseau électrique fiable et l’inégalité croissante du revenu. Parmi les autres préoccupations importantes au Soudan, mentionnons les changements climatiques et la désertification.

Par ailleurs, la situation économique au pays est un défi croissant. Le représentant du PAM a expliqué que le coût des aliments a doublé, et même triplé, dans certaines régions du pays, entraînant une hausse de l’insécurité alimentaire. Les coprésidents ont appris que de nombreuses personnes au Soudan s’attendaient à ce que la situation économique s’améliore immédiatement après l’annulation des sanctions américaines. Cependant, on a expliqué que la plupart des analystes estiment qu’il faudra du temps pour que le Soudan se rétablisse de son isolement international. Parmi les autres défis, la dette élevée du pays a aussi été mentionnée. Les coprésidents ont appris que le gouvernement du Soudan est frustré par le fait que la communauté internationale, dont le Canada, n’a pas respecté les engagements visant à offrir un allégement de la dette du Soudan, engagements pris à la suite de la signature de l’APC de 2005.

Des points positifs ont été mentionnés en ce qui concerne l’accès à l’aide humanitaire. Le représentant du HCNUR a fait savoir aux coprésidents que l’accès humanitaire aux camps de réfugiés et de PDIP, ainsi qu’aux autres populations dans le besoin, s’est amélioré au cours de la dernière année. Malgré ce point positif, certains ont réitéré que le profil humanitaire du Soudan est particulièrement complexe : le pays accueille des millions de PDIP; il est un pays de transit et d’origine pour les migrants; il est un pays d’accueil pour les réfugiés et assiste au rapatriement d’un flux de réfugiés revenant de pays voisins. Toujours selon le représentant du HCNUR, en raison de l’instabilité dans le Soudan du Sud, plus de 800 000 réfugiés ont fui vers le Soudan depuis 2013.

Enfin, les coprésidents en ont appris davantage au sujet de certaines questions politiques auxquelles le Soudan doit faire face. Malgré sa stabilité politique relative, on a souligné que le Soudan fait face à d’importants défis en ce qui concerne la gouvernance, les droits de la personne, l’inclusion politique et la réforme constitutionnelle. Bien que l’ONU collabore avec le gouvernement du Soudan pour relever ces défis, les coprésidents ont appris qu’il faut en faire plus pour encourager un dialogue national véritablement inclusif entre le gouvernement, les partis de l’opposition et les groupes armés, afin de favoriser une paix durable.

12. Réunion avec le ministre d’État des Affaires étrangères   

Les coprésidents ont rencontré Son Excellence l’ambassadeur Atta Al Mannan Bakheit, ministre d’État des Affaires étrangères du Soudan. Il a déclaré qu’au cours de la dernière année, la sécurité au Darfour et dans « les deux régions » s’est améliorée. Il a aussi discuté de la situation économique au Soudan, ajoutant qu’il existe de nombreuses possibilités d’investissements étrangers. L’ambassadeur a souligné que la Chine investit massivement au Soudan. Il a encouragé le Canada à soutenir ses entreprises souhaitant faire des affaires au Soudan.

Les coprésidents et l’ambassadeur ont abordé la question des droits de la personne et des libertés civiles. Ils ont aussi discuté de la situation du développement au pays. M. Bakheit a souligné que le Soudan dispose d’une stratégie humanitaire pluriannuelle visant à satisfaire les besoins à longue échéance du pays. En outre, il a déclaré que les dépenses dans le secteur de la sécurité continuent d’être une priorité dans le budget de 2018 du gouvernement du Soudan.

Enfin, M. Bakheit a discuté des défis auxquels l’Organisation de coopération islamique[16] (OCI) fait face. Il a déjà été l’adjoint spécial du secrétaire général de cet organisme. Il a déclaré qu’au cours des dernières années, l’OCI a dû relever des défis en raison de nombreux enjeux, notamment les rivalités régionales entre l’Iran et l’Arabie saoudite, ainsi que des divisions concernant la façon de régler la situation en Syrie. M. Bakheit a aussi discuté du leadership de l’OCI, et a souligné qu’il espère que le prochain secrétaire général de l’organisation viendra d’un pays africain.

13. Réunion avec des représentants de l’Union africaine et de l’Autorité intergouvernementale pour le développement   

Les coprésidents ont rencontré l’ambassadeur Mahmoud Kane, chef du bureau de liaison de l’UA au Soudan, et Lissane Yohannes, envoyé spécial de l’AID au Soudan. La discussion a mis l’accent sur les efforts déployés pour mettre en œuvre la feuille de route, un processus mené par l’ancien président de l’Afrique du Sud, Thabo Mbeki, qui cherche à soutenir et à faciliter les différents processus pour mettre un terme aux conflits et faire la promotion de la transformation démocratique au Soudan. On a expliqué que, même si la sécurité s’est améliorée au Nil Bleu, au Kordofan du Sud et au Darfour, la violence localisée, notamment les conflits intertribaux et le brigandage, continue d’être préoccupante. Néanmoins, les délégués ont appris que la feuille de route signée en 2016 n’a pas été entièrement mise en œuvre, y compris les dispositions concernant la cessation permanente des hostilités au Darfour et dans les deux régions. M. Kane et M. Yohannes ont indiqué que les signataires de la feuille de route devaient reprendre les négociations en février 2018.

Les représentants de l’UA et l’AID ont parlé des questions régionales récentes qui préoccupent l’Afrique de l’Est et du Nord. Ils ont expliqué, par exemple, que le Soudan a récemment fermé sa frontière orientale avec l’Érythrée et déployé un nombre non divulgué d’effectifs de sécurité dans la région frontalière. Selon le gouvernement du Soudan, la fermeture de la frontière visait à mettre un terme à l’acheminement illégal d’armes entre les deux pays. Des tensions récentes sur le plan des relations entre le Soudan et l’Égypte concernant des questions relatives aux terres et aux ressources font aussi partie des préoccupations mentionnées.

14. Réunion avec le mouvement Reform Now   

Les coprésidents ont rencontré Ghazi Salaheldin Atabani, chef du mouvement Reform Now. Le mouvement a été créé par des membres dissidents du PCN au pouvoir en décembre 2013, lorsque M. Atabani et d’autres membres du PCN ont été chassés du parti parce qu’ils s’opposaient à la répression que menait le gouvernement contre des manifestants qui protestaient contre les mesures d’austérité. M. Atabani, qui est maintenant le président du mouvement, était autrefois ministre de cabinet au sein du gouvernement du président al-Bashir et secrétaire général du PCN.

M. Atabani a discuté de la situation politique actuelle au Soudan et du système gouvernemental du pays. Selon M. Atabani, le système mixte parlementaire et présidentiel du Soudan est stable, mais peu démocratique, car le président détient trop de pouvoirs. Il a mentionné que, selon lui, l’Assemblée nationale n’a pas les pouvoirs de surveillance nécessaires et que les services de sécurité du pays ne sont pas contrôlés d’assez près.

15. Réunion avec la Commission nationale de lutte contre le terrorisme   

Les coprésidents ont rencontré Mohamed Jamal Eldin Ahmed, directeur général de la Commission nationale du Soudan de lutte contre le terrorisme (CNSLT). La CNSLT a été créée en 2003 pour mettre en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et d’autres organismes internationaux en ce qui concerne la lutte contre l’extrémisme violent. M. Ahmed a déclaré que la Commission cherche à créer une stratégie nationale pour lutter contre l’extrémisme violent, prévenir le déplacement transfrontalier des extrémistes et réduire l’afflux de combattants étrangers du Soudan vers les zones de conflit. Il a indiqué que la CNSLT travaille avec des imams, ainsi qu’avec des représentants d’universités islamiques, afin de faire la promotion d’une conception modérée de la religion islamique. Il a ajouté que la CNSLT lutte aussi contre le terrorisme en ligne, notamment sur les médias sociaux ainsi que dans les prisons soudanaises.

M. Selva Ramachandran, directeur de pays du PNUD pour le Soudan, était aussi présent à la réunion. M. Ramachandran a expliqué que le PNUD et la CNSLT ont récemment signé une entente de collaboration visant à accroître la capacité de prévenir et de contrer l’extrémisme violent au Soudan. Il a ajouté que le PNUD et la CNSLT ont récemment lancé la première étude fondée sur des données probantes concernant l’extrémisme violent au Soudan. L’étude, qui a été financée en partenariat avec les ambassades du Canada et du Japon à Khartoum, est conçue pour évaluer les causes fondamentales, les facteurs habilitants et les facteurs favorisant l’extrémisme violent au Soudan. Elle se fonde sur des entrevues avec des leaders communautaires et des autorités locales, ainsi qu’avec d’anciens membres de Daesh et prisonniers de Guantanamo Bay. L’étude a permis d’obtenir plusieurs résultats intéressants, notamment le fait qu’il y a une tendance à la hausse en ce qui concerne l’extrémisme violent au Soudan, surtout chez les jeunes. Selon l’étude, environ 94 % des personnes d’origine soudanaise qui se joignent à des groupes extrémistes violents sont âgées de 16 à 34 ans[17] .

16. Cour pénale internationale   

Tout au long de la visite de la délégation, la question non résolue de la CPI et de ses mandats d’arrêt visant le président al-Bashir a été soulevée ou mentionnée indirectement. Certains sont préoccupés par le fait que les mandats non exécutés pourraient avoir une incidence sur le plan de paix actuel, la situation économique et le processus constitutionnel menant à 2020. Lors de discussions sur l’avenir, on s’est interrogé sur les répercussions de l’annulation ou du maintien des mandats d’arrêt et sur le choix d’une troisième option, qu’il reste encore à trouver.

17. Réunion avec des membres de la communauté diplomatique au Soudan   

Pour sa dernière réunion au Soudan, la délégation a rencontré des ambassadeurs et des représentants de nombreuses missions diplomatiques de Khartoum. La réunion portait sur l’importance géopolitique de la position géographique du Soudan. De nombreux ambassadeurs ont expliqué que le Soudan est situé à un endroit stratégique, à l’intersection de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne, près du Moyen-Orient et du Golfe. Il partage aussi une frontière avec de nombreux pays, soit le Soudan du Sud, la Libye, le Tchad et la République centrafricaine, qui ont vécu beaucoup d’instabilité politique et sociale au cours des dernières années. Les coprésidents se sont fait dire qu’il est essentiel d’interagir avec le Soudan, non seulement pour soutenir les changements positifs au pays, mais aussi pour favoriser la stabilité régionale.

La réunion a donné aux délégués une perspective internationale de la situation politique au Soudan. Les coprésidents ont entendu différents points de vue sur l’avenir politique du président al-Bashir, qui doit, selon la constitution, quitter sa charge en 2020. On a souligné que certains membres du PCN ont suggéré que la constitution soit modifiée afin de permettre au président al Bashir de se présenter à nouveau en 2020, même s’il atteindra à ce moment la limite de deux mandats. Des discussions ont aussi eu lieu sur le développement et la situation économique au Soudan, notamment son lourd fardeau de la dette.

OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS

La mission d’information de l’Association au Soudan était la première visite canadienne officielle au pays depuis 2004, année où le premier ministre en poste, Paul Martin, s’était rendu à Khartoum pour discuter de la crise au Darfour. L’Association a été invitée à se rendre au Soudan par l’honorable Ibrahim Ahmed Omer, président de l’Assemblée nationale. Elle a aussi été encouragée à s’y rendre par Affaires mondiales Canada et l’Ambassade du Canada à Khartoum. L’Association a accepté l’invitation, considérant qu’il s’agissait d’une belle occasion d’obtenir des renseignements récents sur la situation politique et économique, le développement et la sécurité au pays. Elle considérait aussi la mission comme une occasion d’interagir directement avec des parlementaires soudanais et d’autres intervenants en ce qui concerne des questions relatives aux droits de la personne, à la sécurité régionale et à la règle de droit.

La mission de l’Association au Soudan a été faite en temps opportun. Au cours des deux dernières années, le gouvernement du Soudan a fait des progrès modestes et graduels pour régler les questions relatives à la paix et à la sécurité, et pour améliorer l’accès humanitaire aux zones de conflit. Ces progrès limités ont entraîné, en octobre 2017, la révocation de la plupart des sanctions économiques américaines et une hausse des visites de haut niveau au Soudan. De nombreux organismes et gouvernements régionaux ont pris des mesures quant à l’orientation de l’engagement avec le Soudan. L’UE a notamment entamé un vaste dialogue sur la migration avec le Soudan.

C’est dans ce contexte d’engagement international renouvelé, mais prudent, que la mission s’est déroulée. Ce que les coprésidents ont entendu leur donne des raisons d’être à la fois optimistes et sceptiques quant à la situation actuelle au Soudan. La situation en matière de sécurité en est un exemple flagrant. Un vaste groupe représentatif d’intervenants, dont des représentants gouvernementaux, des parlementaires, des représentants diplomatiques et le représentant spécial conjoint de la MINUAD, a indiqué aux coprésidents que la situation en matière de sécurité au Soudan s’est améliorée au cours des dernières années, particulièrement au Darfour. Le rapport le plus récent du secrétaire général de l’ONU et de la Commission de l’Union africaine appuie ce constat. On y mentionne en effet qu’aucune confrontation majeure entre le gouvernement du Soudan et les groupes de rebelles au Darfour n’a eu lieu entre juillet et décembre 2017[18] .

D’un autre côté, de nombreux interlocuteurs ont indiqué que la sécurité au pays demeure précaire. Cela est en grande partie attribuable à l’absence d’une entente permanente de cessez-le-feu au Darfour et dans les deux régions, ainsi qu’au manque de progrès dans la mise en œuvre de la feuille de route élaborée par l’Union africaine. Les coprésidents considèrent que le processus de feuille de route est le mécanisme le plus approprié pour résoudre les conflits au Darfour et dans les deux régions, et exhortent toutes les parties à le mettre en œuvre. Il est aussi essentiel de remédier au manque de confiance entre le gouvernement du Soudan et les différents intervenants au Darfour. Les coprésidents incitent toutes les parties au conflit à redoubler d’efforts pour conclure une entente permanente mettant un terme aux hostilités, et à veiller à ce que toutes les populations touchées aient accès à l’aide humanitaire. En outre, les coprésidents exhortent tous les intervenants à collaborer en vue d’éliminer les causes sous-jacentes de ces conflits en favorisant l’inclusion économique et politique.

Les coprésidents croient fermement que la participation des femmes au processus de paix, y compris à l’étape des négociations, augmente la durabilité de la paix instaurée. Les coprésidents soulignent que le plan national d’action du Canada consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité a servi de modèle au Soudan pour créer le sien. Les coprésidents ont été impressionnés par la participation des femmes au processus de paix. Le plan d’action national consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité récemment adopté par le Soudan est un mécanisme important pour faciliter le rôle des Soudanaises dans le processus de paix. Les coprésidents félicitent tous ces intervenants, dont le caucus des femmes du Parlement du Soudan, qui ont joué un rôle lors de la création du plan d’action national.

La situation humanitaire du Soudan est l’un des autres points abordés pendant la mission. Les coprésidents sont à la fois optimistes et inquiets. La situation humanitaire au Soudan fait partie des situations les plus complexes au monde. Comme on l’a vu, le Soudan accueille des millions de PDIP et de réfugiés. Il s’agit d’un pays d’origine, de transit et d’accueil pour les migrants. Le fait que l’accès humanitaire aux populations dans le besoin au Soudan s’est amélioré au cours de la dernière année est un point positif. Le Soudan doit aussi être reconnu pour avoir accueilli des réfugiés de partout dans la région, y compris des centaines de milliers de réfugiés du Soudan du Sud qui ont fui la violence observée dans ce pays depuis 2013, y compris au cours des derniers mois.

En dépit des points positifs relatifs à l’accès, la situation humanitaire au Soudan demeure extrêmement difficile. La malnutrition et l’insécurité alimentaire sont des préoccupations croissantes. Des millions de personnes comptent sur l’aide humanitaire de la communauté internationale. L’insécurité alimentaire pourrait être exacerbée par le fait que la dernière saison des pluies au Soudan a été mauvaise, ainsi que par les hausses récentes du prix du pain. Même si le Canada est déjà un donateur important du Programme alimentaire mondial, les coprésidents demandent au gouvernement du Canada d’évaluer immédiatement le degré de sécurité alimentaire au Soudan et de le surveiller. Les coprésidents incitent le gouvernement du Canada à réfléchir à la manière dont il peut soutenir le peuple soudanais d’un point de vue humanitaire et d’un point de vue axé sur le développement. Parmi les mesures qu’il pourrait prendre, il y a un soutien pour les projets de développement économique et offrant des moyens de subsistance, ainsi qu’une aide aux PDIP et aux réfugiés qui sont retournés chez eux.

Les coprésidents reconnaissent que l’engagement au Soudan représente un défi unique pour le gouvernement canadien. En effet, au cours de la mission, la délégation en a appris davantage sur un certain nombre d’obstacles qui nuisent à l’établissement de relations normalisées avec le Soudan. La situation relative aux droits de la personne pose un défi important pour l’engagement du Canada au Soudan. Au cours de la mission, les coprésidents ont été informés de la suppression constante des droits civils et politiques au Soudan, ainsi que du recours à une force excessive par les représentants de la sécurité. Le recours excessif à la force a été évoqué surtout à l’égard des manifestations pacifiques qui ont commencé en janvier 2018 en raison du prix croissant du pain. S’il doit bénéficier d’un réengagement important de la part de la communauté internationale élargie, le gouvernement du Soudan doit veiller à ce que le peuple soudanais puisse exercer de manière pacifique ses droits en ce qui concerne la liberté d’expression et d’association, notamment la liberté de presse.

La question des mandats de la CPI pour l’arrestation du président al-Bashir doit être résolue. Même si une troisième option pouvait être établie pour le Soudan, les coprésidents n’appuient pas une position qui ignorerait les mandats. Le Canada a été un chef de file quant à l’élaboration et à la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. C’est pourquoi, si le Canada faiblit dans sa résolution, tous les contrevenants éventuels supposeraient que la CPI n’est plus un empêchement sérieux à prendre en considération lorsqu’ils commettent des infractions. Les coprésidents croient donc que toute troisième option pour le Canada doit renfermer une résolution des mandats de la CPI dans l’esprit et le respect de la CPI. Les coprésidents ont ajouté que la CPI, qui est indépendante, est chargée de déterminer les mesures futures. Le Canada doit soutenir les mesures prises par celle-ci.

Malgré les défis, les coprésidents croient que la communauté internationale ne peut pas ignorer le Soudan. Elle doit rechercher des solutions pour s’engager stratégiquement dans le pays. À cet égard, les coprésidents croient que l’engagement du Canada au Soudan devrait aller au-delà du gouvernement. Il pourrait notamment accroître son soutien aux organismes de la société civile du Soudan qui cherchent à faire la promotion de l’émancipation politique et de la démarginalisation économique des femmes, à réduire la violence sexuelle et fondée sur le genre, et à promouvoir les droits de la personne. Il pourrait aussi soutenir les parlementaires, autant au niveau fédéral qu’au niveau des états, en proposant des programmes d’accroissement de la capacité et de formation. Une telle approche permettrait au Canada d’interagir avec le Soudan en ce qui concerne des questions touchant la gouvernance, d’un point de vue législatif.

La mission d’information de l’Association a permis de constater qu’il est essentiel d’interagir avec le Soudan pour des raisons géostratégiques et de sécurité régionale. Le Soudan se trouve dans une région particulièrement difficile. Il partage une frontière avec sept pays. De ce nombre, plusieurs ont été touchés récemment par des conflits ou continuent d’être témoins d’instabilité politique et sociale. Ces conflits sont nombreux à avoir des dimensions régionales, puisque le Soudan et ses voisins ont, sur le plan historique, tendance à se mêler des affaires des uns des autres. Les frontières poreuses et différentes menaces transnationales compliquent aussi la situation en matière de sécurité dans la région. La contrebande d’armes, le trafic de personnes et la menace que représente l’extrémisme violent ne sont que quelques-uns des défis en matière de sécurité auxquels la région doit faire face.

Le Soudan est un point d’entrée important pour la résolution de plusieurs de ces défis régionaux. Au cours des dernières années, il est devenu un partenaire international stratégique dans le nord-est de l’Afrique. Dans le cadre du processus à cinq points qui a entraîné l’annulation des sanctions économiques américaines, le Soudan a augmenté sa coopération avec les États-Unis dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Il a aussi interagi avec l’UE pour s’attaquer aux causes fondamentales de la migration irrégulière et des déplacements forcés, et pour perturber le réseau de trafiquants et de passeurs de clandestins. En outre, la Commission nationale du Soudan luttant contre le terrorisme s’est associée au PNUD dans le cadre d’un projet cherchant à accroître la capacité de prévenir et de contrer l’extrémisme violent au Soudan et dans la région et d’en tenir compte. Les coprésidents ont été heureux d’apprendre que l’Ambassade du Canada à Khartoum a offert un soutien financier à ce projet. Les coprésidents incitent le gouvernement du Canada à continuer de soutenir des mécanismes qui servent à contrer les menaces transnationales et d’autres problèmes de sécurité dans la région.

Enfin, les coprésidents encouragent le gouvernement du Canada à s’appuyer sur la mission d’information de la délégation au Soudan, qui était la première visite officielle du Canada au Soudan en 14 ans, lors d’autres échanges de haut niveau, et assurer un engagement diplomatique plus robuste. Les coprésidents recommandent que le ministre des Affaires étrangères fasse immédiatement un examen complet de la position du Canada en matière de politique étrangère en ce qui concerne le Soudan. Les coprésidents recommandent aussi au gouvernement du Canada de songer à faire du chef de mission du Canada au Soudan, qui est actuellement un chargé d’affaires, un ambassadeur, ce qui permettra une participation des Canadiens à des échelons supérieurs au Soudan.

Comme mentionné ci-dessus, le Soudan justifie un engagement plus approfondi du Canada pour plusieurs raisons, notamment l’aspect humanitaire et la sécurité régionale. Il s’agit aussi d’un pays où de nombreux enjeux ayant des répercussions mondiales sont à l’avant-plan, notamment la migration et les changements climatiques. L’expertise et le soutien du Canada seraient donc bien accueillis. Les coprésidents exhortent le Canada à accroître sa participation bilatérale au Soudan, et à songer à des façons de mieux soutenir le peuple soudanais pour construire un pays plus sécuritaire, inclusif et prospère.

REMERCIEMENTS

Les coprésidents remercient le chef de mission du Canada au Soudan, Salah Eddine Bendaoud, qui a accueilli la délégation au Soudan. Il a aussi déployé des efforts pour assurer la réussite de la mission. Ils souhaitent aussi remercier Michael Vonk, premier secrétaire (politique), Edward Cashman, conseiller et consul, les chauffeurs et le personnel de sécurité, ainsi que l’ensemble du personnel à l’Ambassade du Canada à Khartoum pour leur soutien avant et pendant la visite.

Les coprésidents souhaitent aussi remercier tous les interlocuteurs à Khartoum et à El Fasher qui ont pris le temps de rencontrer la délégation et qui ont fait part de leur point de vue utile.

Respectueusement soumis,

L’honorable Raynell Andreychuk, sénatrice
Coprésidente
Association parlementaire Canada-Afrique
M. Robert Oliphant, député
Coprésident
Association parlementaire Canada-Afrique


[1] Une délégation de l’Association parlementaire Canada-Afrique s’est rendue dans le Soudan du Sud en janvier 2012, peu de temps après que le pays ait obtenu son indépendance en 2011. Pour obtenir de l’information sur cette mission bilatérale, voir Association parlementaire Canada-Afrique, Rapport de la délégation parlementaire canadienne concernant ses visites bilatérales en République du Kenya et en République du Soudan du Sud, du 17 au 20 janvier 2012.
[2] Département d’État américain, « U.S. Relations with Sudan », Fact sheet, 31 mars 2017.
[5] Louisa Brooke-Holland, Sudan: December 2017 update, document d’information 08180, bibliothèque de la Chambre des communes du Royaume-Uni, 15 décembre 2017.
[6] L’Indice de développement humain est une mesure composite des facteurs que sont l’éducation, la santé et le revenu. Programme des Nations Unies pour le développement [PNUD], Rapport sur le développement humain 2016 : Le développement humain pour tous.
[7] CIA, « Sudan », The World Factbook.
[8] Programme alimentaire mondial, Sudan.
[9] Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (BCAH), Sudan: Darfur Humanitarian Overview, 1er octobre 2017.
[10] Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR), « Over 4,000 Chadian refugees set to return home from Darfur », communiqué de presse, 21 décembre 2017.
[11] Orca Gold, About Sudan.
[12] L’Armée de résistance du Seigneur (LRA) est un groupe de rebelles qui a commencé ses activités dans les régions du nord et de l’est de l’Ouganda à la fin des années 1980. Dirigée par le pseudo-prophète Joseph Kony, la LRA a commis des actes d’une brutalité extrême au cours de cette période, tuant notamment des milliers de personnes et kidnappant des enfants pour faire d’eux des soldats. En plus de l’Ouganda, la LRA a aussi créé des bases dans la République démocratique du Congo et au Soudan du Sud. Cependant, au cours de la dernière décennie, la vigueur de la LRA a grandement diminué, à la suite de pressions militaires régionales qui ont été maintenues.
[13] Les trois autres pays désignés par les États-Unis comme états commanditaires du terrorisme sont la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord), l’Iran et la Syrie.
[14] L’Ambassade du Canada à Khartoum, au Soudan, est aussi une ambassade accréditée pour le Tchad et l’Érythrée. Salah-Eddine Bendaoud est accrédité à titre de chargé d’affaires du Canada au Soudan, en plus d’être l’ambassadeur du Canada pour le Tchad et l’Érythrée.
[15] Pour obtenir davantage de renseignements sur le Plan national d’action du Canada, voir : Plan national d’action du Canada consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité.
[16] L’Organisation de coopération islamique est un organisme intergouvernemental composé de 57 membres. Il s’agit du « porte-voix du monde musulman dont elle assure la sauvegarde et la protection des intérêts dans l’esprit de promouvoir la paix internationale et l’harmonie entre les différents peuples du monde ». Organisation de coopération islamique, Histoire.
[17] Pour obtenir davantage de renseignements sur la contribution du Canada à l’étude, voir : Gouvernement du Canada, La prévention de l’extrémisme au Soudan.
[18] Pour consulter le rapport le plus récent de l’Opération hybride de l’Union africaine et de l’ONU au Darfour, voir : Assessment by the Chairperson of the African Union Commission and the Secretary General of phase one of the reconfiguration of the African Union-United Nations Hybrid Operation in Darfur, Conseil de sécurité de l’ONU, S/2018/12, 4 janvier 2018.