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Introduction
Une délégation canadienne a participé à la rencontre parlementaire organisée par l’Union parlementaire (l’UIP) avec ONU Femmes, l’entité onusienne pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, tenue le 17 mars 2017 à l’occasion de la 61esession de la Commission de la condition de la femme (CCF) au siège de l’ONU à New York. La rencontre de l’UIP a attiré des parlementaires de parlements nationaux et régionaux ainsi que des délégués du gouvernement et des représentants d’organisations internationales.
Ordre du jour[1]
Pour sa réunion, l’UIP a choisi comme thème Renforcer le rôle des parlements dans l’autonomisation des femmes; une économie qui bénéficie aux femmes, qui s’inscrit dans le thème prioritaire de la CCF de l’ONU pour la 61e session, soit Autonomisation économique des femmes dans un monde du travail en pleine évolution. Il se déclinait en trois volets : 1) éliminer les obstacles à l’autonomisation économique des femmes; 2) autonomiser les femmes au travail; 3) favoriser l’inclusion financière des femmes. Les parlementaires ont ainsi pu en apprendre davantage sur les obstacles à l’émancipation et au leadership des femmes ainsi que sur les actions des autres pays, d’ONU Femmes et de l’UIP visant à mettre fin à la discrimination et à autonomiser les femmes dans la sphère économique.
Délégation canadienne
La délégation canadienne se compose des parlementaires suivants :
- M. David McGuinty, député et chef de délégation
- L’honorable Anne Cools, sénatrice
- L’honorable Marilou McPhedran, sénatrice
- Mme Pam Damoff, députée
- Mme Julie Dzerowicz, députée
- Mme Sheila Malcolmson, députée
- M. Sven Spengemann, député
- M. Jamie Schmale, député
La délégation est accompagnée de M. David Chandonnet, secrétaire de l’association, ainsi que de Mme Laura Munn-Rivard, analyste, Division des affaires juridiques et sociales, Bibliothèque du Parlement.
Ouverture
Mme Margaret Mensah-Williams, présidente du Conseil national de la Namibie et de présidente du Comité de coordination des femmes parlementaires de l’UIP, ouvre la séance et souhaite la bienvenue aux participants dans un discours où elle souligne la coopération constante entre l’UIP et ONU Femmes. Elle fait remarquer que l’autonomisation économique des femmes est capitale pour la croissance économique durable dans le monde entier et pour le maintien de sociétés pacifiques et solidaires. Elle salue l’intérêt et l’énergie des parlementaires présents à la séance, et elle concède qu’aucun pays n’est exempt de discrimination fondée sur le sexe. Mme Mensah-Williams rappelle aux parlementaires les avantages économiques solides de l’égalité hommes-femmes : selon des études, les entreprises dont le conseil d’administration est à parité enregistrent un rendement plus élevé et les pays où l’égalité entre les sexes est plus forte affichent une croissance économique bonifiée. Elle fait observer que la participation égale des femmes à l’économie injecterait 17 billions de dollars américains dans l’économie mondiale. Par conséquent, l’investissement dans les femmes est avantageux pour tous.
Mme Mensah-Williams invite les parlementaires à favoriser l’égalité économique des femmes par la mise en place d’un cadre législatif, à instaurer une société favorable, à adopter des politiques d’aide aux travailleuses, à faciliter le mentorat de femmes et à adapter le programme économique de façon à aider les femmes à l’échelle planétaire.
Mme Phumzile Mlambo-Ngucka, directrice générale d’ONU Femmes, déclare aux parlementaires que tous embarquent ensemble dans une grande aventure destinée à supprimer les obstacles à l’émancipation économique des femmes. Une autre étape de cette aventure consiste à corriger les lois discriminatoires qui empêchent les femmes de participer à part entière à l’économie. Elle rappelle aux délégués que les parlementaires peuvent radicalement changer la donne, même si le travail semble parfois laborieux et exige de la persévérance. Il faut abroger et modifier les lois discriminatoires et en promulguer d’autres qui sont propices à l’autonomisation économique des femmes. Dans cette veine, les parlementaires doivent veiller à l’application totale des lois favorables aux femmes et lutter contre les stéréotypes qui nuisent à l’avancée des femmes. Pour conclure, Mme Mlambo-Ngucka déclare qu’on réaliserait des avancées si davantage de femmes se lançaient en politique et devenaient chefs d’État.
M. Martin Chungong, secrétaire général de l’UIP, laisse entendre que les parlementaires jouent un rôle prépondérant dans l’autonomisation économique des femmes. L’inaction en la matière représente une barrière considérable à l’égalité hommes-femmes. M. Chungong affirme que les parlements doivent collaborer avec le pouvoir exécutif, la société civile, le monde des affaires, les médias et les autres intervenants afin de promouvoir l’autonomisation économique des femmes. Il demande que les parlementaires exercent leurs pouvoirs de légiférer, d’examiner les budgets et de demander des comptes pour ce qui est de l’égalité des sexes, en particulier de l’autonomisation économique des femmes.
M. Chungong signale aussi aux délégués que les parlements constituent aussi un milieu de travail et qu’ils devraient les rendre solidaires pour tous, dont les femmes. Il faut permettre aux femmes parlementaires de contribuer à parts égales au Parlement en les incluant entre autres aux comités des finances et des budgets souvent à prédominance masculine et en ne les reléguant pas aux comités de la condition féminine ou des affaires sociales. Qui plus est, les parlements gagneraient à intégrer pleinement l’égalité hommes-femmes dans les processus parlementaires ou la sexospécificité aux décisions et aux lois. M. Chungong affirme que pour édifier un cadre propice à l’autonomisation économique des femmes, il faut mener des actions pour lutter contre le harcèlement sexuel, la violence et la cyberintimidation à l’encontre des femmes.
La suite de la réunion s’est déroulée sous la présidence de Mme Mensah-Williams et Mme Taylor Kennedy, du Carnegie Council for Ethics in International Affairs, a agi à titre de modératrice.
Séance 1 : Éliminer les obstacles à l’autonomisation économique des femmes
Le thème de la première séance, Éliminer les obstacles à l’autonomisation économique des femmes, porte essentiellement sur l’émancipation des femmes dans l’économie par l’élimination des normes discriminatoires et des obstacles juridiques à l’autonomie des femmes.
M. Augusto Lopez-Claros, directeur du Groupe des indicateurs mondiaux, Économie du développement, Groupe de la Banque mondiale, a amorcé son allocution en mettant en exergue les renseignements utiles contenus dans les bases de données de la Banque mondiale qui portent sur les lois néfastes à l’autonomisation économique des femmes. Il fait remarquer que des pays restreignent l’autonomisation des femmes en limitant leur mobilité et leurs heures de travail et en leur interdisant d’exercer certains métiers. Ces restrictions contribuent à la disparité salariale entre les sexes.
M. Lopez-Claros signale l’omniprésence de telles restrictions. Les renseignements contenus dans la base de données visent 173 pays, dont 90 % ont au moins une loi néfaste à la participation économique des femmes. Quelque trente pays sont dotés d’au moins 10 restrictions inscrites dans la législation.
M. Lopez-Claros aborde aussi la disparité salariale qui se creuse tant à l’échelle intérieure qu’à l’échelle mondiale, et ses répercussions politiques, comme le désaveu des politiciens par les citoyens et la montée de la démagogie. L’autonomisation des femmes revêt une grande importance pour la croissance économique et la stabilité politique des pays. Il applaudit les pays qui ont éliminé les restrictions à la prospérité des femmes de ses lois, mais il avertit que des centaines de restrictions sont toujours en vigueur partout dans le monde.
Mme Abigail Hunt, chargée de recherche principale, Overseas Development Institute, fait savoir que l’ensemble des femmes, en particulier les plus démunies et les plus marginalisées, ont besoin de leurs autonomisation et égalité économiques complètes. Elle note que les politiques fiscales et sociales peuvent se renforcer mutuellement, citant en exemple le système de garderies public du Mexique. Ce pays a proposé des options de garderies abordables qui ont servi à créer 50 000 emplois à des éducateurs en garderie et à permettre aux mères démunies de travailler.
Mme Hunt constate que les parlementaires sont appelés à jouer un rôle clé afin que la budgétisation sensible à la sexospécificité fasse partie de la prise de décisions sur les politiques et les dépenses. Dans cette optique, il est capital, selon elle, qu’on tienne compte des différences de divers groupes de femmes dans les processus législatif et stratégique. Pour ce faire, les parlementaires doivent : 1) garantir la cueillette de données de qualité supérieure, dont les données sur les femmes marginalisées; 2) permettre aux organisations qui œuvrent auprès des femmes sur le terrain de participer à l’établissement des politiques. Elle presse les parlementaires de rendre les institutions politiques plus à l’écoute des femmes et des groupes de femmes.
MmeOby Nwanko, vice-présidente, Comité de la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (la Convention), explique que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) mène des activités sur trois fronts : 1) encourager les États signataires à aider à l’application de la convention; 2) recevoir et étudier les mémoires sur les avancées accomplies par les États signataires; et 3) formuler des recommandations et des conseils sur les dispositions de la Convention et des obligations des États signataires.
Mme Nwanko déclare aux délégués que les femmes souffrent toujours de façon disproportionnée de la pauvreté. En particulier, les ménages dirigés par une femme sont beaucoup plus exposés à la pauvreté, surtout du fait que le père absent ne contribue pas à la stabilité économique de la famille.
Mme Nwanko exhorte les parlementaires à ajouter des dispositions de la Convention à la législation de leur région, pour l’autonomisation des femmes, notamment l’article 11 (égalité en matière d’emploi) et l’article 13 (interdiction de la discrimination des femmes dans la vie économique). Elle ajoute que le renforcement de la sécurité économique des femmes passe aussi par la garantie d’un accès égal au microcrédit, par les conseils financiers et prêts; par la promotion d’un accès égal aux possibilités d’emploi, par l’abrogation des lois discriminatoires et par la mise en œuvre de stratégies de réduction de la pauvreté.
Mme Pia Locatelli, députée, Chambre des députés de l’Italie et membre du Bureau des femmes parlementaires de l’UIP, affirme que les parlementaires doivent contribuer à l’autonomisation des femmes de trois façons : l’égalité juridique, la représentation paritaire et l’action efficace au Parlement.
Mme Locatelli relève que les parlementaires devraient d’abord établir l’égalité juridique des femmes en abrogeant les lois discriminatoires, qui relèguent les femmes à des positions subalternes dans la société. Il faut ensuite assurer la représentation paritaire au Parlement. Mme Locatelli fait part d’un fait de sa propre expérience : son parti a fixé le seuil minimal de femmes à 20 %. Elle se rend hélas compte que même avec ce seuil, la voix des femmes demeure trop timide. Elle recommande que les seuils minimaux de représentation des femmes soient fixés à au moins 30 % pour qu’ils aient une incidence notable.
Pour finir, Mme Locatelli recommande que les parlementaires adoptent des mesures stratégiques et efficaces visant à autonomiser les femmes. Elle fait savoir qu’en Italie, les femmes parlementaires peinent à influer sur les projets de loi et à faire intégrer pleinement l’égalité hommes-femmes à l’ensemble des politiques. En réponse à ces difficultés, elles ont instauré un caucus de femmes, grâce auquel elles unissent leurs forces pour obtenir des résultats. Par exemple, le caucus s’occupe de solliciter le soutien nécessaire à l’application de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité et il a déjà reçu 2 millions d’euros à consacrer à un plan pour soutenir la Résolution.
Interventions faites par des délégués du Canada
Après ces exposés, les délégués ont participé à un débat ouvert sur le thème examiné.
Mme Pam Damoff, députée, prend acte que le Canada a fait de grandes avancées en matière d’égalité hommes-femmes comparativement à bien d’autres pays. Elle souligne que le Canada a son premier Cabinet paritaire et que le gouvernement procédera à la toute première analyse sexospécifique de son budget de 2017. Mme Damoff avance que l’accès à des garderies abordables demeure la principale difficulté pour bon nombre de Canadiennes. Il n’y a aucun réseau de garderies national, et cette situation nuit à l’autonomisation économique des femmes.
Mme Damoff indique par ailleurs que les femmes handicapées au Canada sont particulièrement vulnérables pour ce qui est de la sécurité économique. Elle affirme que ces femmes ont un taux de chômage de 75 % et que 58 % d’entre elles ont un revenu inférieur à 10 000 $ par an. Elle demande aux spécialistes membres du groupe quelles actions le Canada, tout comme les autres pays, peut entreprendre pour inclure les femmes handicapées dans l’économie.
Mme Hunt répond à la question de Mme Damoff en disant que les parlementaires peuvent établir des politiques antidiscriminatoires qui créeraient des possibilités économiques destinées aux femmes handicapées. Par ailleurs, il serait bien de discuter directement avec elles pour régler les difficultés d’ordre pratique, comme l’accessibilité des milieux de travail et le transport entre le travail et le domicile. Les parlementaires devraient signaler la contribution que des femmes handicapées ont apportée aux secteurs du travail rémunérés et non rémunérés, sans compter qu’ils devraient renforcer l’image positive de femmes handicapées sur le marché du travail. Pour finir, les protections sociales devraient être établies de manière à protéger la sécurité économique des femmes handicapées.
Mme Nwako indique qu’il faut améliorer l’éducation des filles handicapées et lutter contre les stéréotypes négatifs. Les parlementaires doivent travailler à la sensibilisation des capacités des personnes handicapées.
Mme Locatelli discute des mesures législatives en Italie pour promouvoir l’embauche d’hommes et de femmes handicapés ainsi que pour imposer des conditions d’accessibilité universelle en matière de construction pour éliminer les obstacles architecturaux pour les personnes atteintes d’un handicap physique.
Séance 2 : Autonomiser les femmes au travail
Le thème de la deuxième session est « Autonomiser les femmes au travail », qui sert à examiner les avantages d’une participation accrue des femmes au marché du travail, notamment à de hautes fonctions dans le monde économique, et à souligner l’importance d’étudier le milieu de travail des femmes, par exemple la surreprésentation des femmes dans les secteurs informels et non réglementés de l’économie.
M. Vinicius Pinheiro, représentant de l’Organisation internationale du travail, déclare auxdélégués qu’à ce rythme, il faudra plusieurs décennies avant de régler les déséquilibres du marché du travail; c’est trop long. Il avertit qu’il faut combler sans tarder les écarts entre les hommes et les femmes en ce qui concerne le taux de participation au marché du travail, les possibilités, l’accès à l’emploi et la rémunération. M. Pinheiro fait observer que les trois principales barrières à la participation égale des femmes tiennent à : 1) un mauvais équilibre travail-famille pour les femmes, en particulier attribuable à l’absence de garderies abordables; 2) les conditions de travail et la rémunération des femmes inférieures à celles des hommes; 3) une absence de transport sécuritaire et la prévalence de la violence et du harcèlement à l’encontre des femmes en milieu de travail.
M. Pinheiro fait valoir que les parlementaires devraient privilégier la promotion des politiques sur la parité salariale. Il signale aux délégués que la Convention no 100 de l’Organisation internationale du travail sur l’égalité de rémunération a été adoptée en 1951, il y a 66 ans. La Convention a été ratifiée par de nombreux pays, mais la parité salariale demeure un problème dans le monde. M. Pinheiro recommande que les parlementaires : 1) garantissent la parité salariale au moyen de lois; 2) promulguent des lois qui inciteraient les entreprises à respecter la parité salariale; 3) prennent des mesures pour mettre fin à la contribution disproportionnée des femmes à la prestation des soins non rémunérée.
Mme Maria S. Floro, professeure d’économie, Université américaine à Washington, déclare aux délégués que l’émancipation des femmes au travail signifie des emplois dignes, un salaire décent et équitable ainsi que des services de soins appropriés (la valorisation et le partage des soins non rémunérés). Elle ajoute que les pays devraient instaurer des protections sociales pour les particuliers en période d’instabilité, protéger le droit de leurs citoyens à se syndiquer et à encourager la participation citoyenne au processus décisionnel concernant le marché du travail.
Mme Floro explique que les soins et travaux domestiques non rémunérés restreignent la participation économique des femmes. Les tâches domestiques, l’achat d’essence et d’eau et le soin des enfants et des personnes âgées sont essentiels à la survie et aux sociétés, et ils sont considérés comme chose acquise. Mme Floro recommande aux parlementaires de recueillir des données sur les soins non rémunérés et d’attirer l’attention des décideurs sur ceux-ci. On rappelle aux parlementaires l’Objectif de développement durable no 5.4 : « Prendre en compte et valoriser les soins et travaux domestiques non rémunérés, par la mise en place de services publics, d’infrastructures et de politiques de protection sociale et par la promotion du partage des responsabilités dans le ménage et la famille, en fonction du contexte national. »
Mme Naisula Lesuuda, sénatrice du Kenya, vice-présidente de l’Association des femmes parlementaires du Kenya, informe les délégués que le Kenya examine certaines questions qui affectent la participation économique des femmes, par exemple les congés parentaux, la parité salariale et le harcèlement en milieu de travail. Mme Lesuuda souligne que la constitution du Kenya garantit les droits des femmes, mais qu’il faut améliorer l’application de ces droits. Les parlementaires devraient notamment se pencher sur l’accessibilité aux tribunaux des femmes qui cherchent à obtenir justice dans les affaires de discrimination.
Interventions faites par des délégués du Canada
Après ces exposés, les délégués ont participé à un débat ouvert sur le thème examiné.
Mme Julie Dzerowicz, députée, fait remarquer que le Canada a maintenant un Cabinet paritaire et qu’il a fait de remarquables avancées en matière de droits des femmes. Elle relève cependant qu’il y a lieu d’améliorer certains aspects de la prospérité économique des femmes, dont l’écart salarial entre les hommes et les femmes qui perdure au Canada. Elle sollicite aux spécialistes membres du groupe des conseils sur la manière de poursuivre la lancée vers l’atteinte de l’égalité des sexes à part entière. En particulier, Mme Dzerowicz se demande si les seuils minimaux en milieu de travail, pour les hautes fonctions par exemple, sont la meilleure approche pour promouvoir l’accession des femmes à des postes de leadership économique. Elle fait valoir aux délégués qu’une approche qui a fait ses preuves au Canada consistait à assurer aux femmes un parrainage en milieu de travail, pas seulement du mentorat; dans le parrainage, un chef d’entreprise prend un employé prometteur sous son aile et crée des possibilités d’avancement pour lui.
M. Pinheiro réplique à l’intervention de Mme Dzerowicz en signalant que selon une étude effectuée en 2012 dans l’Union européenne, les seuils minimaux obligatoires se révèlent plus efficaces que les seuils volontaires pour la représentation accrue des femmes aux postes de leadership économique.
Mme Floro répond à la question de Mme Dzerowicz sur la manière de poursuivre la lancée vers l’atteinte de l’égalité des sexes à part entière. Elle recommande que l’État investisse dans des politiques révolutionnaires sur les soins non rémunérés. Il s’agit de transformer les attentes sociales et culturelles afin que les femmes ne soient plus considérées comme les premières responsables des soins.
Séance 3 : Favoriser l’inclusion financière des femmes
Le thème de la troisième séance, Favoriser l’inclusion financière des femmes, traite de l’accès des femmes aux services bancaires et financiers, de la culture financière des femmes et de l’accès des femmes à l’entrepreneuriat.
Mme Gabriela Cuevas, sénatrice du Mexique et rapporteure de la Commission permanente du développement international et du commerce de l’UIP, discute des obstacles à l’inclusion financière dans le monde. Elle affirme qu’en 2016, 2 milliards d’adultes partout sur la planète ne détiennent pas de compte bancaire et que plus de la moitié d’entre eux se trouvent en Asie du Sud, en Asie de l’Est et dans les régions du Pacifique. De surcroît, 4 adultes sur 10 dans le monde ne font pas affaire avec une institution financière et 59 % d’entre eux en sont exclus, faute de fonds suffisants pour ouvrir un compte.
Selon Mme Cuevas, 55 % des adultes sans compte bancaire sont des femmes, soit 1,1 milliard de femmes. À l’échelle mondiale, 59 % des hommes déclarent en détenir un, contre 50 % des femmes. Par ailleurs, 54 % des femmes en âge de travailler participent à l’économie mondiale officielle, comparativement à 81 % des hommes.
Mme Cuevas plaide en faveur des innovations technologiques dans le monde bancaire, qui en améliorerait l’accès et l’application de lois qui élimineraient la discrimination dans le secteur financier dans le but de réaliser l’égalité financière. Les parlementaires peuvent promulguer des lois et adopter des politiques qui garantiraient l’accès des femmes à la terre, aux biens et au logement ainsi qu’à la parité salariale. Ces mesures serviraient aussi à éliminer les restrictions sur les types d’emplois pouvant être occupés par les femmes et à bonifier le régime de congés parentaux ainsi que les services de garderie et de prématernelle.
Mme Arancha González, directrice générale, Centre du commerce international, soutient que les femmes ont besoin d’accéder au crédit et que la majorité des femmes d’affaires font appel au microcrédit, petits prêts généralement consentis à des emprunteurs à faible revenu.
D’après Mme González, les parlements devraient faire en sorte que la législation protège l’égalité du droit des femmes à posséder ses propres biens et à obtenir du crédit et du financement. Qui plus est, il faut s’employer à diversifier l’offre des possibilités de financement et réglementer le marché des valeurs mobilières de manière à le rendre plus favorable aux femmes. Pour finir, il est nécessaire de recueillir des données sur le système financier ventilées selon le sexe pour vérifier si les femmes participent à parts égales à l’économie.
Mme Kavita Bali, directrice, Développement et partenariats stratégiques, Banque mondiale des femmes, explique que son organisation soutient l’accès économique des femmes au secteur financier. Elle indique que les actions pour atteindre les Objectifs du développement durable devraient pousser le monde à l’inclusion financière complète des femmes dans l’économie. Elle recommande la création d’établissements d’investissements pour les femmes, qui soient adaptés aux besoins des femmes de toute l’échelle des revenus (y compris celles qui y figurent au bas) et à toutes les étapes de leur vie. De même, Mme Bali recommande que les institutions financières mettent sur pied des équipes diversifiées et incluent davantage de femmes parmi leurs effectifs et leur clientèle.
Interventions faites par les délégués du Canada
Après ces exposés, les délégués ont participé à un débat ouvert sur le thème examiné.
Mme Sheila Malcolmson, députée, informe les délégués que le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes conduit une étude sur la sécurité économique des femmes au Canada. Elle déclare que les parlementaires doivent exiger une analyse sexospécifique des mesures législatives et stratégiques ainsi que des dépenses en infrastructures. Mme Malcolmson presse notamment les parlementaires de mener une telle analyse pour les marchés publics. D’ailleurs, le gouvernement de la Colombie-Britannique a appliqué des mesures d’équité en matière d’emploi dans son projet de prolongement d’une autoroute importante : le taux de participation des femmes à la main-d’œuvre du projet a augmenté, passant de 2 à 20 %. D’après Mme Malcolmson, lorsqu’il investit les deniers publics dans des projets d’infrastructures, le gouvernement devrait voir à ce que les hommes et les femmes bénéficient également des retombées.
Mme Malcolmson affirme également que pour inciter le secteur privé à augmenter la représentation des femmes dans les conseils d’administration, les gouvernements devraient prêcher par l’exemple et nommer autant de femmes que d’hommes dans les sociétés d’État. Elle explique que son projet de loi d’initiative parlementaire, le C‑220, cherche à réaliser la représentation paritaire au sein des conseils d’administration des sociétés d’État fédérales par l’imposition de seuils minimaux d’hommes et de femmes.
Mme González convient à son tour que les marchés publics représentent un excellent moyen de favoriser la prospérité économique des femmes. Elle note que les États possèdent un énorme pouvoir d’achat, pour ce qui est des écoles, des hôpitaux, des infrastructures et de la défense. Mme González ajoute que les gouvernements disposent de deux façons de promouvoir la participation accrue des femmes aux projets de marchés publics : 1) établir un seuil minimal d’entreprises d’approvisionnement dirigées par des femmes; 2) prendre des mesures pour inciter les organisations gouvernementales à faire affaire avec des entreprises dirigées par des femmes.
M. Sven Spengemann, député, relève la présence de plusieurs hommes dans la pièce et leur travail à titre d’alliés des femmes dans le combat pour l’égalité. Il avance que la conscientisation aux inégalités demeure importante dans ce combat. Il cite en exemple son projet de loi d’initiative parlementaire, le C‑309, visant à designer la dernière semaine de septembre comme la semaine nationale de l’égalité des sexes. Celle-ci aurait pour but d’inviter le public canadien, dont le secteur privé et le milieu associatif, à contribuer à la sensibilisation à l’égalité hommes-femmes au pays. Concernant le bien-être économique des femmes, il propose que les secteurs bancaire et financier, tous deux à prédominance masculine, fassent la promotion de la semaine de l’égalité des sexes pour sensibiliser les gens à la prospérité économique des femmes. N’entraînant pas de dépenses en raison de sa nature déclaratoire, le projet de loi C‑309 inspirerait le public à revendiquer des améliorations sur le plan de l’égalité des sexes.
Mme Cuevas répond à M. Spengemann que l’établissement d’une semaine de l’égalité des sexes est une idée formidable et qu’il ouvrira la voie à d’autres projets de loi qui favorisent l’égalité économique des femmes.
L’honorable Anne Cools, sénatrice, donne son avis sur l’importance du leadership politique des femmes et annonce son départ à la retraite après 34 ans au Sénat. Elle demande aux délégués d’étudier les répercussions de la violence sur la prospérité économique des femmes ainsi que le spectre de la violence, celle que les hommes commettent à l’endroit des femmes et vice versa.
Clôture
Mme Mensah-Williams conclut la session en recommandant aux parlementaires qu’ils consacrent leurs efforts à trois priorités principales de l’autonomisation économique des femmes. En premier lieu, les parlementaires doivent briser les stéréotypes sexistes, régler l’inégalité d’accès des femmes aux études et aux postes décisionnels et abroger les lois discriminatoires. En deuxième lieu, les parlementaires doivent revoir les politiques du travail et les politiques sociales pour favoriser l’équité en milieu de travail, de même que la nécessité des garderies abordables et le partage égal des soins et travaux non rémunérés entre les hommes et les femmes. En dernier lieu, les parlementaires doivent favoriser les compétences des femmes à prendre des décisions économiques pour les activités d’investissement, de lancement d’entreprises et d’épargne ainsi que leur accès aux services financiers. Pour ce faire, il faut effectuer l’analyse sexospécifique des budgets et politiques fiscales pour déterminer les répercussions des mesures sur les femmes et les hommes afin d’éliminer toute inégalité.
Mme Mensah-Williams fait observer que les femmes constituent un ensemble hétérogène et que tous les groupes de femmes ont besoin d’être représentés équitablement au Parlement. Consciente de leur programme bien chargé visant à favoriser le bien-être économique des femmes, elle rappelle aux parlementaires qu’il faut travailler étroitement avec les alliés, car l’union fait la force.
Respectueusement soumis,
David McGuinty, député,
président,
Groupe canadien de l’Union interparlementaire