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Du 19 au 28 avril 2017, l’Association parlementaire Canada-Europe a envoyé une délégation de six parlementaires à Tallinn, en Estonie, et à Strasbourg, en France, dans le cadre d’une mission auprès du prochain pays qui assurera la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne et pour prendre part à la deuxième partie de la Session ordinaire de 2017 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Cette mission, dirigée par M. John Oliver, député, était formée de l’honorable Percy Downe, sénateur; de l’honorable Ghislain Maltais, sénateur; de M. Don Davies, député; de Mme Jennifer O’Connell, députée; de M. David Tilson, député. La délégation était accompagnée de la secrétaire de l’Association, Mme Guyanne Desforges, et de la conseillère de l’Association, Mme Laura Barnett.
MISSION PARLEMENTAIRE AUPRÈS DE LA RÉPUBLIQUE D’ESTONIE, LE PROCHAIN PAYS À ASSURER LA PRÉSIDENCE TOURNANTE DU CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE
Du 19 au 21 avril 2017, la délégation a participé à une mission parlementaire auprès de la République d’Estonie, pays qui exercera la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne de juillet à décembre 2017. Au cours de cette mission, la délégation a rencontré des parlementaires estoniens, le ministre des Affaires étrangères, des représentants gouvernementaux, des représentants de groupes de réflexion, des représentants de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) et du Centre d’excellence de l’OTAN, à Tallinn, des experts en matière de santé publique, de services policiers, de commerce et de développement numérique, le représentant d’une agence de l’Union européenne (UE), dont le siège est à Tallinn, des groupes de gens d’affaires et des syndicats. De plus, la délégation a pris part à une séance d’information organisée par l’ambassade du Canada en Estonie. Les discussions tenues lors de ces rencontres ont porté sur les priorités de l’Estonie pour sa prochaine présidence du Conseil de l’Union européenne; les principaux enjeux liés aux relations entre le Canada et l’Union européenne ainsi qu’entre le Canada et l’Estonie, notamment l’Accord économique et commercial global (AECG) et d’autres enjeux importants auxquels sont confrontées l’Estonie et l’UE, notamment les politiques numériques et le Brexit.
Séance d’information organisée par l’ambassade du Canada en République d’Estonie
La délégation a entrepris sa mission en assistant à une séance d’information organisée par Son Excellence Alain Hausser, ambassadeur, qui a accueilli la délégation à Tallinn et qui a présenté son équipe de l’ambassade, dont Mme Kairi-Liis Ustav, agente de programme, et Mme Jaana Ala, secrétaire. L’ambassadeur Hausser a brossé le tableau de l’administration de l’ambassade, son rôle étant réparti parmi les trois pays baltes. Il a par la suite donné un aperçu de l’histoire de l’Estonie, de la situation économique actuelle du pays et de ses craintes sur le plan géopolitique.
L’Estonie a acquis son indépendance en 1991 et depuis, elle a fait des avancées économiques importantes. Le taux de chômage est très faible et le pays n’a pratiquement aucune dette. Elle fut le premier pays balte à joindre la zone euro et à atteindre l’objectif de dépenses militaires de 2 % fixé par l’OTAN. L’Estonie a également été le premier État balte à adopter une loi sur les couples de même sexe en plus de se montrer avant-gardiste par d’autres moyens, se forgeant une réputation grâce à ses avancées en matière de cybergouvernance. Mais il n’en reste pas moins que l’Estonie est aux prises avec certaines difficultés, particulièrement en ce qui a trait à la démographie (faible taux de natalité) et à l’absence de diversité au sein d’une société conservatrice du point de vue social. Par ailleurs, la crainte de la Russie assombrit bien des conversations en Estonie de nos jours. L’ambassadeur a souligné qu’à bien des égards, le gouvernement russe se décrit comme à l’antipode de l’Occident décadent et qu’il aime bien donner l’impression qu’il peut agir comme bon lui semble – surtout s’il peut déséquilibrer les anciens territoires soviétiques qui prospèrent après avoir acquis leur indépendance. Au cours des dix dernières années, l’Estonie a été la cible d’une importante cyberattaque, un incident impliquant un citoyen estonien mouillé dans des activités d’espionnage, et l’enlèvement d’un agent estonien en Russie. En réaction, l’OTAN a organisé une présence défensive et dissuasive dans la région.
L’ambassadeur a par la suite fait ressortir les priorités de l’Estonie en ce qui concerne sa présidence du Conseil de l’Union européenne : elle mettra l’accent sur la prospérité, la sécurité et les politiques numériques et tiendra compte de l’incertitude qu’entraîne le Brexit. Il a fait remarquer que l’UE traverse actuellement une période difficile. En effet, elle doit composer avec la perte imminente de l’un de ses membres les plus importants au moment où le partenariat entre l’Allemagne et la France, qui a souvent donné l’impression d’être l’élément moteur de l’UE, semble diminuer.
Pour clore cette séance d’information, l’ambassadeur a répondu aux questions des délégués sur la nature du nouveau gouvernement de coalition en Estonie, sur la cybersécurité, sur les mesures visant à lutter contre la désinformation orchestrée par la Russie en Estonie, sur les avantages et les inconvénients du Brexit et sur l’importance de l’AECG entre le Canada et l’UE, y inclus le besoin de contrer les critiques qui se fondent sur la peur et non sur les faits.
Rencontre avec la Chambre de commerce et l’industrie, Enterprise Estonia et la Confédération des syndicats estoniens
La délégation, accompagnée de l’ambassadeur Hausser et de son équipe, a rencontré M. Marko Udras, directeur de l’élaboration des politiques et du service juridique de la Chambre de commerce de l’Estonie, et des intervenants de l’industrie; M. Märt Helmja, directeur régional de l’IDE chez Enterprise Estonia; Mme Kristel Oitmaa, directrice adjointe de l’Agence estonienne pour l’investissement et directrice des représentations à l’étranger d’Entreprise Estionia; M. Rivo Riistop, directeur de projet chez Startup Estionia; M. Peep Peterson, directeur de la Confédération des syndicats estoniens. M. Udras a amorcé la rencontre avec une présentation sur la Chambre de commerce et l’industrie de l’Estonie et il a brossé le tableau de l’économie au pays. Le taux de croissance du PIB est de 1,6 %, le taux d’inflation représente 0,1 % et le taux de chômage s’élève à 6,8 %. Bien que la population active compte 700 000 personnes dans un pays de 1,3 million d’habitants, l’Estonie est tout de même renommée pour son contexte commercial, notamment en ce qui a trait à la facilité d’y faire des affaires et son économie libre.
M. Helmja et Mme Oitmaa ont ensuite fait une présentation au nom de l’Agence estonienne pour l’investissement, dont le rôle est d’attirer des investissements étrangers au pays. Ils ont présenté le portail « Work in Estonia », qui donne aux entreprises et aux particuliers un aperçu des conditions de travail au pays. M. Helmja a précisé qu’au nombre des raisons pour lesquelles les entreprises décident d’investir en Estonie figurent un écosystème industriel complet, la qualité du service, l’interréseautage de l’état de préparation des éléments, l’environnement d’affaires concurrentiel, l’emplacement stratégique du pays et le bilan des innovations. Ils ont présenté l’Initiative cybercitoyen, qui permet à des entreprises situées dans d’autres pays de s’établir en Estonie. Mme Oitmaa a précisé qu’à l’heure actuelle, l’Estonie compte 18 000 cybercitoyens, dont 229 sont des entreprises canadiennes. M. Riistop a par la suite donné un aperçu de Startup Estonia. Il s’agit d’une initiative gouvernementale dont le but est de promouvoir la culture des jeunes entreprises estoniennes. Il a souligné que Skype a d’abord été créé en Estonie et que le pays continue de représenter un environnement de choix pour de telles entreprises. Startup Estonia s’efforce de promouvoir un environnement législatif favorable et cherche à créer un écosystème de jeunes entreprises solide. Startup Estonia se tourne vers la migration pour favoriser le développement du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) au pays. Par ailleurs, en réponse aux questions des délégués, M. Riistop a indiqué qu’il n’existe aucun incitatif fiscal particulier axé sur les jeunes entreprises, par contre, comme l’a souligné M. Helmja, l’évasion fiscale n’est pas un problème en Estonie, car les profits réinvestis dans une entreprise ne sont pas imposés, donc rien ne sert de les cacher. Le pays favorise l’ouverture et la transparence. Ajoutons que l’AECG est perçu de façon très positive au pays et bien que l’Estonie ait traditionnellement utilisé le schiste bitumineux comme source d’énergie, elle prend aujourd’hui des mesures radicales pour passer aux énergies vertes, comme l’énergie éolienne et la biomasse.
Enfin, M. Peterson s’est penché sur la situation des syndicats en Estonie. Si pendant de nombreuses années les syndicats se sont concentrés sur la préservation du bien-être des travailleurs dans l’économie postsoviétique, aujourd’hui, ils s’intéressent principalement à l’amélioration des compétences (les écoles de formation professionnelle, surtout dans le secteur des TIC), à la réforme en ce qui a trait à la santé et à la sécurité, à la viabilité du secteur des soins de santé et à la question des salaires (à l’heure actuelle, le salaire minimum augmente rapidement, ce qui entraîne des pertes d’emploi). M. Peterson a fait remarquer que l’Estonie n’est plus juste un pays d’émigration, au contraire, il commence à accueillir des travailleurs immigrants d’autres pays de l’Europe de l’Est. En réponse aux questions des délégués, M. Peterson et M. Helmja ont indiqué que l’Estonie se classe particulièrement bien au sein des pays de l’OCDE pour son enseignement des mathématiques et des sciences. Les emplois en TI et en ingénierie offrent de bons salaires en Estonie et c’est pour cette raison que les étudiants sont nombreux à choisir ces domaines.
Déjeuner avec des parlementaires estoniens
La délégation s’est à nouveau réunie à l’ambassade avec l’ambassadeur et son équipe pour un déjeuner avec des représentants du groupe parlementaire Canada‑Estonie et la délégation estonienne à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Au nombre des participants figuraient Mme Marianne Mikko, présidente de la délégation à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe; M. Eerik-Niiles Kross, président du groupe parlementaire Canada-Estonie; Mme Yoko Alender, membre du groupe parlementaire; Mme Keit Pentus-Rosimannus, membre du groupe parlementaire; Mme Gea Rennel, chef du ministère des Relations internationales du Parlement estonien; Mme Liisi Vahtramäe, conseillère de la délégation à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Les discussions pendant ce dîner ont porté sur différents sujets, notamment les systèmes scolaires indépendants en Estonie – un pour les locuteurs russes et un pour les locuteurs estoniens –, le souhait qu’il y ait une ambassade du Canada permanente en Estonie et les controverses politiques avec lesquelles l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est aux prises.
Rencontre avec les groupes de réflexion de l’Estonie
La première journée de la mission s’est terminée par une rencontre avec des groupes de réflexion de l’Estonie : l’Académie estonienne de cybergouvernance, Open Estonia, le Centre international pour la défense et la sécurité et Praxis. M. Arvo Ott, directeur général de l’Académie estonienne de cybergouvernance, a commencé par donner un aperçu de son organisation. Il a par la suite abordé la question du recours à la cybergouvernance précisant que celle-ci n’est pas nécessairement un produit issu de l’expertise technologique; il s’agit plutôt d’un moyen de créer les bons cadres, qui s’appuient sur une coopération étroite. Il a tenu à souligner les avantages de la cybergouvernance, notamment l’accroissement de l’efficience et la compétitivité économique. À l’heure actuelle, 92 % de la population estonienne possède une carte d’identité numérique et une signature numérique active. Ces personnes peuvent ainsi accéder à leurs renseignements personnels et les partager en toute sécurité en plus de pouvoir constater à quoi servent ces renseignements et comment s’effectue le suivi. Précisons que l’utilisation de la signature numérique entraîne une économie de 2 % du PIB. Il convient toutefois de noter que la transition vers la technologie numérique ne s’est pas opérée du jour au lendemain. Il a fallu cinq ans pour que la majeure partie de la population commence à remplir sa déclaration de revenus en ligne. Par ailleurs en ce qui concerne le scrutin en ligne, M. Ott reconnaît que bien que le pays ait mis sur pied des systèmes très sécuritaires, on ne peut jamais affirmer que ces derniers sont sûrs à 100 %.
Par la suite, Mme Mall Hellam, directrice d’Open Estonia, a présenté les avancées au sein de la société civile. L’une des plus anciennes ONG du pays, Open Estonia, a d’abord été créée grâce au soutien de M. George Soros. Cette organisation a œuvré dans toutes sortes de domaines et aujourd’hui, elle s’intéresse à l’avenir de l’euro, au gouvernement ouvert et transparent, au débat public et à la démocratie en Russie. Mme Hellam a fait remarquer que bien que l’Estonie compte aujourd’hui beaucoup plus d’ONG qu’elle n’en comptait au départ, le pays a encore bien du chemin à faire comparativement à un État comme le Canada. À l’heure actuelle, 4,5 % de la main-d’œuvre travaille dans le secteur des organismes sans but lucratif; il existe de 35 à 44 ONG très actives et il y a peu de manifestations. De nos jours, la plupart des ONG sont présentes dans les médias sociaux. Par ailleurs, le financement demeure un enjeu. En effet, les ONG sont de plus financées par les particuliers et de moins en moins par le gouvernement.
Dans un autre ordre d’idées, M. Henrik Praks, chercheur au Centre international pour la défense et la sécurité, a analysé les récents développements en ce qui concerne la sécurité dans les pays baltes et plus particulièrement la menace que représente la Russie. Cette dernière a pour objectif de rétablir sa puissance mondiale. Intelligente et opportuniste, elle vise à nuire à l’OTAN. Les pays baltes sont une cible de choix pour de telles activités étant donné leur situation géographique et l’importante population russophone qui y vit. M. Praks a abordé la question des exercices militaires russes à la frontière des pays baltes, la menace envers les réseaux informatiques que représente la Russie et les activités de désinformation qu’elle orchestre. La présence dissuasive de l’OTAN dans la région change la donne et représente un pas dans la bonne direction, mais il reste encore du chemin à faire. En effet, pour se préparer à une longue confrontation avec la Russie, la région doit accroître ses activités de défense, intensifier la coopération avec l’OTAN et l’UE et consolider son leadership politique. En réponse aux questions de la délégation, M. Praks a indiqué que la création d’une force militaire de l’UE est improbable dans un proche avenir puisqu’elle exigerait une union politique étroite. Précisons que les dépenses militaires de l’Estonie peuvent être réparties ainsi : un tiers est consacré au personnel, un tiers aux opérations et le dernier tiers, aux investissements dans les infrastructures. Actuellement en Estonie, le service militaire est obligatoire pour les hommes et les forces armées sont très axées sur les opérations terrestres.
Enfin, Mme Katrin Pihor, directrice de programme chez Praxis, a analysé les développements socio-économiques en Estonie. Bien que le pays ait progressé sur le plan du développement économique, certaines difficultés subsistent : après avoir rapidement rattrapé la moyenne de l’UE, l’Estonie stagne. Le pays doit actuellement composer avec une population vieillissante, ce qui aura une incidence sur la population active dans les années à venir. Mme Pihor a fait remarquer que les jeunes sont nombreux à être peu scolarisés, que beaucoup de personnes handicapées ont de la difficulté à accéder au marché du travail, que le taux d’imposition uniforme ne favorise pas la redistribution du revenu et que la réussite du pays dans le domaine numérique semble avoir peu de retombées sur l’économie habituelle. En réponse aux questions de la délégation, Mme Pihor a souligné que l’écart salarial entre les hommes et les femmes est important en Estonie, car les services de garde sont rares, quoique le gouvernement semble maintenant investir dans ce domaine. Les enfants sont également invités à sortir des sentiers battus et à ne pas se limiter aux rôles traditionnellement dévolus à l’un et l’autre sexe. En ce qui concerne la minorité ethnique russe, Mme Pihor a indiqué que l’Estonie n’avait pas réussi à bien l’intégrer. Il y a de graves problèmes dans le système scolaire russe, notamment les normes d’enseignement peu élevées. Mais puisque certaines parties du pays parlent majoritairement le russe, il est impensable d’abolir les systèmes indépendants.
Rencontre avec l’Unité d’intégration de la Force de l’OTAN en Estonie et le Centre d’excellence de l’OTAN pour la cyberdéfense en coopération
Au cours de sa deuxième journée, la délégation, en compagnie de l’ambassadeur Hausser et de son équipe, a rencontré des représentants de l’Unité d’intégration de la Force de l’OTAN en Estonie, notamment le colonel Urmas Nigul, commandant de l’Unité; le commandant d’escadre Mark Attrill, vice-chef; le lieutenant-colonel Margus Aas, agent coordonnateur; le capitaine de corvette de la MRC Timothy Clark; M. Siim Alatalu, responsable des relations internationales au Centre d’excellence de l’OTAN pour la cyberdéfense en coopération. Le commandant d’escadre Attrill et le lieutenant-colonel Aas ont parlé de la création des huit unités d’intégration de la Force de l’OTAN (Estonie, Bulgarie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie), à la suite d’une décision prise lors du Sommet du Pays de Galles en 2014. Ils ont donné un aperçu du rôle de l’Unité estonienne, qui agit comme mécanisme de soutien pour le groupement tactique de l’OTAN (comportant des troupes du Royaume Uni, de la France et du Danemark), qui assure une présence en Estonie. Comptant 20 membres du personnel national et 20 membres du personnel international, l’Unité représente les yeux et les oreilles de l’OTAN sur le terrain et lui permet de comprendre le contexte politique, économique et social de même que l’incidence du groupement tactique. L’Unité a essentiellement pour rôle de faire le pont entre le pays hôte et l’OTAN pour faciliter l’échange de renseignements, appuyer l’établissement du groupe tactique et assurer la permanence durant le roulement des troupes. En réponse aux questions de la délégation concernant le dialogue avec la Russie, dans le contexte de la situation tendue dans la région balte et des exercices militaires que les Russes mènent à la frontière, le commandant d’escadre Attrill et le lieutenant-colonel Aas ont indiqué qu’il existe un forum officiel de communication entre l’OTAN et la Russie, mais cette dernière ne semble pas vouloir y participer en ce moment. Ajoutons que l’Unité surveille les exercices militaires russes à la frontière et qu’il n’y a pas d’installations permanentes russes à cet endroit. La présence russe fluctue en fonction du calendrier des exercices militaires, qui comprennent de fréquents exercices éclair.
Son tour venu, M. Alatalu a décrit les travaux du Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération. Le Centre multidisciplinaire, qui emploie 55 personnes, cherche à appuyer l’OTAN en menant des exercices d’entraînement et des activités de recherche ayant trait à la cyberdéfense. M. Alatalu a insisté sur le fait que d’une part, l’augmentation des cyberattaques fait partie de l’évolution de la guerre et que d’autre part, la communauté internationale doit créer un cadre pour mieux comprendre ces activités et y réagir. Lors du Sommet du Pays de Galles, les alliés ont reconnu que le droit international s’appliquait au cyberespace et pouvait mener à l’invocation de l’article 5; au Sommet de Varsovie, ils ont reconnu que le cyberespace constituait un domaine d’opérations, au même titre que l’air, la terre et la mer. Soulignons que 95 pays sont en train de créer des lois pour lutter contre les cyberattaques, 77 ont élaboré des stratégies nationales en matière de cybersécurité, 17 ont déclaré des capacités cyberoffensives et plus de 20 ont des unités de cybercommandement. À cet égard, M. Alatalu a mis en lumière les fleurons du centre : 1) appui de l’OTAN au moyen de conférences, de séminaires et d’exercices d’entraînement; 2) rédaction du Manuel de Tallinn sur le droit international applicable à la cyberguerre et ses dernières mises à jour touchant les cyberopérations et présentant une interprétation du droit international dans le contexte informatique. Dans son analyse des travaux du Centre, M. Alatalu a invité le Canada à dépasser la contribution d’un million de dollars qu’il a apporté au Centre et à devenir pays parrain.
Rencontre avec des parlementaires estoniens
La délégation, l’ambassadeur et son équipe se sont rendus au Parlement d’Estonie, le Riigikogu, pour y rencontrer des parlementaires de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires étrangères : M. Toomas Vitsut, président de la commission des affaires européennes; Mme Keit Pentus-Rosimannus, vice-présidente de la commission des affaires étrangères; Mme Tiina Kangro; Mme Marianne Mikko; M. Tiit Terik; Mme Barbi Pilvre.
Mme Mikko a souligné qu’à bien des égards, la commission des affaires européennes de l’UE fonctionne comme un petit parlement – avant de partir vers Bruxelles, le ou la ministre doit avoir reçu un mandat de la commission. En ce qui concerne la présidence estonienne du Conseil de l’UE, les parlementaires ont insisté sur le fait que l’Estonie souhaite ajouter l’innovation et l’entrepreneuriat au nombre des priorités figurant au programme de l’UE. Par ailleurs, il est peu probable que l’Estonie joue un rôle important dans les négociations entourant le Brexit, et ce, malgré sa présidence. Le retrait du Royaume Uni aura d’importantes répercussions négatives sur l’UE et cette dernière devra se montrer très ferme dans sa position pour dissuader d’autres États membres d’emboîter le pas. Mais pour le moment, chacun a avantage à maintenir ses liens avec le Royaume-Uni : ce pays quitte l’UE, non l’Europe. D’autre part, il est clair que l’Estonie appuie l’AECG, bien que certains États membres de l’UE puissent mettre du temps avant de le ratifier. Si au bout du compte l’un d’eux devait refuser de signer, l’accord échouerait. Mais il y a lieu de croire que des compromis et des exceptions permettront au processus d’avancer. La conversation s’est terminée sur les relations entre le Canada et les États Unis à l’ère de l’administration Trump. Par la suite, la délégation a eu droit à une visite guidée des édifices du parlement.
Rencontre avec des responsables de la santé publique et des représentants de la police au sujet du fentanyl
La délégation s’est ensuite dirigée vers l’Institut national de développement sanitaire en compagnie de Mme Ustav et de Mme Ala, pour y rencontrer des responsables de la santé publique et des représentants de la police estonienne pour discuter avec eux du problème que représente la consommation de fentanyl au pays. À l’heure actuelle, c’est l’Estonie qui a le taux le plus élevé de décès attribuables à une surdose de cette drogue en Europe. Mme Katri Abel-Ollo, chercheuse au Département des maladies infectieuses et de la prévention de la toxicomanie et Mme Kristel Kivimets, spécialiste principale des maladies infectieuses et de la prévention de la toxicomanie à l’Institut national de développement sanitaire, ont décrit le problème du fentanyl en Estonie. Introduite depuis Saint-Pétersbourg, cette drogue a entraîné la première vague de surdoses en 2002, atteignant un sommet en 2012 (170 décès dans un pays d’à peine plus d’un million d’habitants) au moment où une autre forme plus puissante a fait son apparition. C’est en 2013 que l’antidote, la naloxone, est arrivé au pays. En 2015, un nouveau type de fentanyl est arrivé sur le marché et le nombre de surdoses, qui commençait alors à diminuer, a recommencé à augmenter. On compte pour l’année 2016 plus de 113 décès par surdose. Au début, lorsque le fentanyl a fait son apparition en Estonie, il était surtout consommé par injection. Aujourd’hui, le toxicomane typique est dans la trentaine et s’injecte cette drogue; souvent, il est séropositif. Mme Abel-Ollo et Mme Kivimets ajoutent que jusqu’à tout récemment, le problème du fentanyl au sein de l’UE concernait surtout l’Estonie. Mais de nouvelles formes de la drogue atteignent de plus en plus d’autres États de la région.
M. Risto Lepp, enquêteur principal en ce qui concerne les narcotiques et le crime organisé au Bureau criminel de la préfecture de police de la région du nord, a poursuivi avec une présentation du point de vue des services de police. En Estonie, environ le tiers des crimes liés à la drogue ont trait au fentanyl, quoique récemment ce chiffre a diminué, car la drogue a changé. Aujourd’hui, même une quantité minime représente un danger, et souvent cette quantité est trop négligeable pour répondre aux exigences rendant sa possession illégale. Il est très difficile d’enquêter sur le trafic de fentanyl, car les quantités sont trop petites : il fallait avoir en sa possession 0,0013 g de l’ancienne forme de fentanyl pour que ce soit considéré comme une infraction, aujourd’hui, c’est 0,0008 g. Il faut de nouvelles lois pour englober les nouvelles formes de la drogue qui font sans cesse leur apparition. M. Lepp a commenté le profil du consommateur de fentanyl ajoutant que 90 % de ces toxicomanes sont d’appartenance ethnique russe et qu’on les trouve principalement dans les centres urbains, comme Tallinn. Cette drogue arrive en Estonie par deux moyens : soit elle est introduite illégalement au pays depuis la Russie dans des alcools contenant du fentanyl liquide, soit elle est introduite illégalement depuis la Chine sous forme de poudre dans des colis. La police fait de la prévention; elle s’adresse aux étudiants et aux enseignants pour les aider à comprendre les dangers et à reconnaître les signes de la consommation de fentanyl. Elle travaille également auprès des jeunes toxicomanes pour qu’ils puissent éviter une sentence en participant à une cure de désintoxication utilisant un programme de traitement à la méthadone pour adultes.
S’en est suivi une discussion avec la délégation canadienne au cours de laquelle ont été soulignées les différences apparentes entre ce à quoi ressemble en fait la drogue (au Canada, surtout sous la forme de comprimés) et le profil de l’utilisateur tant au Canada qu’en Estonie (au Canada, ce sont toutes sortes de personnes : classe moyenne, utilisateurs de drogues de rues, adolescents à l’occasion d’une fête). Il a également été question de programmes comme le centre InSite et la Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose, qui n’existent pas en Estonie. Rencontre à la Chancellerie d’État d’Estonie.
Rencontre à la Chancellerie d’État d’Estonie
La dernière journée de la délégation en Estonie a commencé par une visite à la Chancellerie d’État d’Estonie, en compagnie de l’ambassadeur et de son équipe, pour discuter de la présidence estonienne du Conseil de l’UE, qui commencera sous peu. M. Martin Karner, conseiller au Secrétariat de l’UE, a dirigé la présentation. Étaient aussi présents M. Margus Mägi (conseiller, politiques numériques), Mme Liisbet Sooaluste (conseillère, affaires internes), Mme Age Inkinen (conseillère, affaires juridiques), Mme Mirjam Kaldma (conseillère, affaires internes), Mme Meadhbh Costello (experte des présidences du Conseil de l’UE), Mme Sille Ruubel (conseillère) et Mme Kristina Kraiko (assistante).
M. Karner a donné à la délégation un aperçu de la structure gouvernementale qui gravite autour de la présidence et indiqué que l’Estonie négocie actuellement son programme avec les autres membres de la troïka (à annoncer en juin 2017), comme la sa présidence doit être avancée de six mois en raison du vide laissé par le Royaume-Uni après le vote sur le Brexit. Il a présenté le logo et la devise adoptés récemment par la présidence de l’Estonie – « l’unité par l’équilibre » –, précisant que le grand objectif du pays est de veiller à ce que l’UE reste unie et déterminée. Il a énuméré les priorités particulières de l’Estonie :
- une économie européenne ouverte et novatrice axée sur : un secteur banquier et un marché de l’électricité stables, la prévention de l’évasion fiscale et la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux;
- une Europe sûre et sécuritaire axée sur : la lutte au terrorisme et au crime organisée, les mesures de protection des frontières extérieures, la résolution de la crise des migrants, la coopération UE-OTAN et le partenariat oriental;
- une Europe numérique axée sur : la libre circulation des données, les services et le commerce électroniques transfrontaliers et des communications électroniques sécurisées;
- une Europe inclusive et durable axée sur : la mobilité de la main-d’œuvre et la libre circulation des personnes, l’égalité des chances sur le marché du travail, l’inclusion sociale et l’environnement durable.
En général, le pays sait qu’il ne peut atteindre pleinement tous ses objectifs pendant son mandat.
Mme Sooaluste a ensuite abordé le sujet de la sécurité interne et du besoin de maintenir des frontières efficaces et fortes. Elle a dit que la solution est d’adopter le numérique et que les systèmes d’information sont au sommet des priorités en matière de sécurité intérieure, mentionnant diverses initiatives dans ce domaine. Elle a aussi traité des efforts déployés par l’UE pour gérer la crise des migrants, notamment les conventions-cadres de partenariat avec divers pays d’origine et de transit en Afrique et les négociations concernant la redistribution du fardeau de la migration dans l’UE.
M. Magi a ensuite donné à la délégation un aperçu de la stratégie numérique de l’Estonie, dont son objectif de voir à ce que ceux qui œuvrent dans tous les domaines politiques en UE tiennent compte de la réalité numérique à l’avenir. Il a insisté sur l’importance de la libre circulation des données, de la cybergouvernance et du cybercommerce, en soulignant les avantages du principe « une seule fois » : en Estonie, il suffit de donner ses renseignements une fois au gouvernement, sans avoir à les fournir à d’autres ministères par la suite. En ce qui concerne la cybersécurité, M. Magi a reconnu qu’aucun système en ligne ne peut être protégé à 100 %, mais que les erreurs humaines peuvent aussi survenir dans le traitement de documents papier. À cet égard, il a mis l’accent sur l’ouverture et les mesures visant à mettre en place les cadres réglementaires adéquats. Il a indiqué que le risque de voir des renseignements consultés sans autorisation est moins inquiétant que celui de voir des données informatisées être modifiées frauduleusement. En réponse aux questions de la délégation, il a reconnu que la cybergouvernance peut entraîner des problèmes de confidentialité, mais qu’il existe des solutions, et que l’Estonie a adopté une réglementation stricte sur la protection des renseignements personnels en ligne, particulièrement en ce qui concerne les télécommunications.
Enfin, Mme Inkinen a traité du dossier de la justice, donnant un bref aperçu du travail de l’UE concernant les mesures de droit pénal visant à lutter contre le terrorisme et le crime organisé, le blanchiment d’argent, la compétence du cyberespace et la protection des renseignements personnels dans le contexte de la conservation des données. Elle a mentionné l’importance de renforcer le rôle du portail e-justice, afin que la population de l’UE puisse trouver de l’information sur les systèmes juridiques des différents États membres.
Rencontre avec le ministre des Affaires étrangères
Accompagnée par l’ambassadeur et son personnel, la délégation a ensuite rencontré M. Sven Mikser, ministre des Affaires étrangères de l’Estonie; M. Paul Teesalu, sous‑secrétaire par intérim aux affaires politiques; M. Miko Haljas, conseiller aux politiques numériques, division des politiques en matière de sécurité; Mme Erika Ellamaa, directrice de la division de la politique étrangère et de sécurité commune, département des Affaires politiques. La rencontre a commencé par une discussion sur l’appui de l'Estonie pour l'AECG et le processus de ratification en deux étapes. Le ministre a confirmé qu’en fin de compte, sur le plan juridique, tous les États membres de l’UE doivent ratifier l'accord pour dépasser l’étape de la ratification provisoire. Toutefois, c’est un territoire inconnu pour l’UE, et l’incertitude est forte; espérons, malgré la possibilité de blocages nationaux, des négociations prudentes permettront la ratification finale de l’accord. Le ministre Mikser a aussi parlé des priorités de l’Estonie en matière de politiques étrangères, notamment le commerce, la sécurité, les changements climatiques, le développement (bien que l’Estonie ne joue pas un grand rôle dans ce domaine), les droits de l’homme et l’égalité entre les sexes.
Il a ensuite été question de cybermenaces et des relations avec la Russie. Le ministre Mikser a relevé une hausse des menaces hybrides qui reposent sur la propagande et les cyberattaques, soulignant que l’Estonie tente de créer les cadres juridiques appropriés pour composer avec de telles menaces et de prendre les mesures nécessaires pour protéger l’infrastructure électronique essentielle. En ce qui concerne la coopération et le dialogue, le ministre a parlé de la collaboration pratique entre l’Estonie et la Russie et ne s’est pas dit opposé à un dialogue en théorie, mais que l’Estonie ne s’est pas montrée particulièrement intéressée à un dialogue politique de haut niveau; il est vain d’établir un dialogue simplement pour la forme. Chaque fois que les deux partis se rencontrent, la liste des différends insurmontables semble plus longue. Il a dit que le président Poutine tente de laisser un legs fondé sur le rétablissement de l’Empire et ne s’intéresse pas à la démocratie occidentale. En général, la communauté internationale peut deviner ses intentions, mais ses actions au quotidien tiennent les autres pays aux aguets. M. Mikser s’est dit d’accord avec le message d’unité et de détermination de la communauté internationale, indiquant que le régime de sanctions a eu un effet. L’économie russe se porte mal, mais elle n’est pas sur le point de s’effondrer. Il a ajouté que l’Estonie consacre 2,2 % de son PIB à la défense, et que le pays encourage ses partenaires de l’UE à augmenter ses dépenses.
Par rapport au Brexit, le ministre a indiqué qu’un sommet aurait lieu le 29 avril pour finaliser la stratégie de négociation. Le « paiement à la séparation » qui a été sur toutes les lèvres ne doit pas être perçu comme une pénalité, mais simplement comme un règlement de compte. Il a expliqué que les enjeux importants en ce moment sont la mobilité, la juridiction pour des procédures judiciaires et les relations entre l’UE et le Royaume-Uni après le Brexit. Les négociations devront s’achever d’ici la fin de 2018.
À propos de la crise migratoire, le ministre Mikser a dit que l’Estonie ne se trouve pas sur la route migratoire et est donc peu exposée au problème. L’Estonie a accepté le quota de migrants que l’UE lui a recommandé, mais veut aussi voir à ce que les personnes qu'il accepte veulent venir au pays et ne viennent pas simplement pour se rendre en Allemagne ou en Suède dès qu’elles le peuvent.
Enfin, en réponse à une question sur un ambassadeur résident, le ministre a dit qu’il serait heureux qu’un ambassadeur s’installe en Estonie, mais que le principal sujet de préoccupation est la proposition du Canada de créer un poste d’ambassadeur partagé entre l’UE et l’Allemagne.
Rencontre avec les représentants d’e-Estonia Showroom et d’eu-LISA
La délégation a terminé sa mission en Estonie par une présentation de Mme Anna Piperal, directrice générale d’e-Estonia Showroom, suivie d’une autre donnée par M. Krum Garkov, directeur exécutif de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA). Mme Piperal a offert à la délégation un aperçu complet des politiques numériques de l’Estonie, indiquant que sa réussite dans ce domaine avait permis au petit pays de se démarquer de ses pairs. L’Estonie est classée au premier rang par l'OCDE pour sa compétitivité fiscale et 9e selon l’indice de liberté économique de Freedom House. Le secteur des TIC représente 7 % du PIB de l’Estonie dans un pays où l’accès Internet est considéré comme un droit social : la population entière a un accès 3 ou 4G, et 85 % ont accès à des services à large bande. Au cœur du programme numérique de l’Estonie se trouvent la carte d’identité numérique et la signature numérique qui permet de signer tous les documents par voie électronique, hormis pour un mariage, un divorce ou une transaction immobilière. Les signatures numériques ont entraîné 2 % d’épargne dans le PIB grâce à une plus grande efficacité des services de police, aux réductions d'attente à l'hôpital, au vote électronique, aux effets positifs sur l’environnement et à un recouvrement des impôts plus efficaces (les relevés d’impôt sont déjà remplis par l’employeur et d’autres institutions, ce qui permet au contribuable de simplement vérifier l’information et la transmettre). L’État a mis en ligne 90 % de ses services avec plus de 900 organisations et de bases de données connectées. Mme Piperal a ajouté que le pays n’est lié à aucune entreprise en particulier pour la prestation des services numériques, ce qui facilite les changements de fournisseurs au besoin. Elle a également souligné que la coopération transfrontalière est très importante pour la politique numérique de l’Estonie, ce qui permet au pays d’échanger plus aisément des données avec ses partenaires.
En réponse aux questions concernant les préoccupations relatives à la confidentialité, Mme Piperal a dit qu’en Estonie, on comprend que seulement certaines personnes ont accès aux renseignements stockés sous forme numérique; la population a confiance qu’aucun « Big Brother » ne les surveille en raison de la nature ouverte de la société. Les gens peuvent toujours voir qui a accès à leurs comptes. Elle a parlé en détail de la technologie de la chaîne de blocs qui sert à protéger les comptes numériques.
Pour décrire certains secteurs clés qui tirent profit des services numériques, Mme Piperal a indiqué ce qui suit :
- L’Estonie est le pays où se trouve le plus grand nombre de jeunes entreprises par habitant dans le monde. Le pays compte aujourd’hui 17 000 e-résidents qui vivent dans 135 pays, dont 14 000 nouvelles entreprises implantées.
- Le premier vote national en ligne a eu lieu en 2005, bien que seulement 1 % de la population ait utilisé le nouveau service à l’époque. Maintenant, 30 % des votes en Estonie se font en ligne de 116 pays.
- Depuis 2008, toutes les données sur la santé sont numérisées et échangées entre patients et établissements. Les patients peuvent désigner des personnes de confiance autorisées à consulter les données. Les médecins peuvent aussi perdre leur licence en cas d’utilisation abusive de données.
- Plus de 85 % des écoles en Estonie utilisent un système d’école virtuelle, et l’Estonie s’est classée 1re aux tests pour l’Europe du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE. En moyenne, deux fois plus d’élèves sont inscrits à des cours de TIC, par rapport aux autres pays développés.
- Depuis que le virage numérique des services de police, la confiance envers les agents a augmenté parce que tout est enregistré. Aujourd’hui, les signalements d’infractions quotidiens ont augmenté de 70 %, et les contrôles routiers mensuels ont augmenté de 100 %. L’Estonie est le deuxième pays européen le plus rapide au chapitre des procédures judiciaires.
S’en est suivi la présentation de M. Garkov sur le travail d’eu-LISA, l’agence de l’UE responsable des systèmes de sécurité et de gestion des frontières pour l’application de la loi en Europe, dont le système d’information Schengen, le système d’information sur les visas et EURODAC. L’agence œuvre aussi dans le domaine de la protection des données et prévoit étendre ses activités pour s’adapter à la transformation numérique de son environnement de travail. Il a dit qu’un véritable effort horizontal est déployé pour accroître la valeur ajoutée des systèmes déjà utilisés, ce qui permet une interopérabilité véritable. Il a indiqué que l’UE doit arriver à trouver l’équilibre entre la sécurité et la protection des données et des renseignements personnels; elle s’intéresse actuellement au système d’autorisation de voyage électronique (AVE) du Canada, comme elle souhaite adopter un tel système à l’échelle de l’Europe.
PARTICIPATION À LA DEUXIÈME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2017 DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE
Du 24 au 28 avril, la délégation a participé à la deuxième partie de la Session ordinaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, à laquelle le Canada jouit d’un statut d’observateur. S’est joint à la délégation M. Alan Bowman, chef adjoint de la Mission du Canada auprès de l’Union européenne et observateur permanent du Canada au Conseil de l’Europe.
A. Aperçu de l’ordre du jour de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
Lors de la deuxième partie de la Session, un large éventail de sujets ont été débattus au sein de l’Assemblée, de ses commissions et groupes politiques. L’Assemblée a en outre tenu des débats sous les thèmes suivants :
- rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente;
- observation des récentes élections parlementaires en Bulgarie (26 mars 2017);
- débat ouvert;
- fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie;
- droits de l’homme dans le Caucase du Nord : suites données à la Résolution 1738 (2010);
- la lutte contre l’inégalité de revenus : un moyen de favoriser la cohésion sociale et le développement économique;
- protection des femmes réfugiées de la violence fondée sur le genre;
- débat d’actualité – les valeurs européennes en danger : faire face à la montée de la xénophobie, de l’antisémitisme et l’islamophobie en Europe;
- vingt-cinq ans de CPT : progrès accomplis et améliorations à apporter;
- détournement du système d’Interpol : nécessité de garanties légales plus strictes;
- débat selon la procédure d’urgence : évolution alarmante en Hongrie – nouvelle loi sur les ONG restreignant les activités de la société civile et fermeture d’universités étrangères;
- protection des droits des parents et des enfants appartenant à des minorités ethniques;
- moyens possibles d’améliorer le financement des situations d’urgence de réfugiés;
- convergence technologique, intelligence artificielle et droits de l’homme;
- débat selon la procédure d’urgence : projet de la Convention européenne sur les infractions visant des biens culturels.
L’Assemblée a également entendu les orateurs suivants :
- M. Ioannis Kasoulides, ministre des Affaires étrangères de Chypre et président du Comité des ministres;
- M. Prokopios Pavlopoulos, président de la République hellénique;
- M. Nils Muižnieks, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe;
- Sa Majesté le Roi d’Espagne.
De plus, une audience a eu lieu le 25 avril avec M. Pedro Agramunt, président de l’Assemblée, suivie le 28 avril par une décision prise par le Bureau de l’Assemblée parlementaire de retirer sa confiance au président[1]
B. Activités canadiennes durant la session
1. Aperçu
Les membres de la délégation canadienne ont participé activement aux séances de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, y compris aux plénières et aux réunions des commissions. Ils ont par ailleurs assisté aux réunions de divers groupes politiques au sein de l’Assemblée.
La délégation a aussi été informée par M. Alan Bowman et a tenu des rencontres bilatérales avec les délégations de l’APCE de la Pologne et de la Finlande.
2. Séance d’information donnée par l’observateur permanent du Canada au Conseil de l’Europe
La délégation a rencontré M. Bowman, député responsable de la mission du Canada en Union européenne et observateur permanent du Canada au Conseil de l’Europe, le 25 avril, pour s’entretenir avec lui et connaître son avis relatif à diverses questions. En ce qui concerne l’AECG, M. Bowman a confirmé que l’application provisoire de l’accord entrera en vigueur dès que le projet de loi C 30 reçoit la sanction royale au Canada. Les parties de l’AECG qui ne s’appliqueront pas pendant la période d’application provisoire sont le système juridictionnel des investissements et les sanctions pénales liées aux enregistrements vidéo. Chaque membre de l’UE et certains parlements régionaux devront ratifier l’accord afin qu’il entre pleinement en vigueur. Si l’un de ces parlements indique qu’il ne ratifiera jamais l’AECG, l’accord échouera entièrement. Or, ce n’est jamais arrivé, donc il existe un vide juridique, et les procédures exactes ne sont pas claires. Selon la Convention de Vienne sur le droit des traités, la mise en œuvre provisoire d’un traité peut être abrogée si un État déclare refuser la ratification de façon irrévocable. Cependant, que signifie « irrévocable »? Et si le gouvernement en place change? Si un pays annonce qu’il ne signera jamais l’AECG, le Conseil de l’UE devra statuer sur l’annulation de l’application provisoire. Il est probable, dans une telle situation, que des négociations intenses suivent entre le pays et l’UE pour déterminer si une entente est possible. En fait, il serait sans doute assez difficile de mettre fin à l’application provisoire. La plupart des États membres de l’UE ont déjà exprimé leurs préoccupations au sujet de l’AECG au début du processus de ratification, et des solutions ont été trouvées. En ce moment, aucun pays n’a refusé de ratifier l’AECG, bien que certains aient une position plus ambiguë que d’autres. M. Bowman a bon espoir que la période d’application provisoire permettra de dissiper les craintes lorsque les États de l’UE constateront les avantages concrets du libre-échange. M. Bowman a aussi parlé à la délégation des allégations qui visent le président de l’APCE concernant une mission en Syrie parrainée par la Russie et les inquiétudes liées à la participation de divers membres de l’APCE à l’affaire azerbaïdjanaise .
M. Bowman a également donné un aperçu de la santé économique de l’UE, indiquant que l’Eurozone connaît une forte croissance et que la plupart des États membres sont en bonne posture, bien que certains pays, comme l’Italie et la Grèce, éprouvent toujours des problèmes. Au sujet du Brexit, M. Bowman a souligné la perte affective avec laquelle les décideurs de l’UE avaient dû composer par rapport au retrait imminent du Royaume-Uni. La première ministre Theresa May tente maintenant de renforcer sa position en déclenchant des élections, mais la position de négociation de l’UE est forte, comme le bloc doit parvenir à un consensus. Au sujet des élections françaises, M. Bowman a brièvement décrit la carrière politique d’Emmanuel Macron et parlé de la chute des deux grands partis au premier tour. M. Bowman a aussi traité de la situation politique en Pologne et de l’appui de la législature actuelle à l’AECG.
Enfin, M. Bowman a parlé du rôle de M. Stéphane Dion, nouvel ambassadeur canadien auprès de l’UE et de l’Allemagne, et mentionné que M. Dion est un proche du premier ministre canadien, ce qui témoigne de l’importance que le Canada accorde à sa relation avec l’UE.
3. Réunion bilatérale avec la délégation de la Pologne
Le même après-midi, les membres de la délégation et M. Bowman ont rencontré M. Dominik Tarzynski de la délégation polonaise pour discuter de l’AECG. M. Tarzynski a indiqué que les avis sont partagés au sujet de l’AECG en Pologne, où des inquiétudes fondées sur des mythes concernant l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés ont fait surface. Le Parlement polonais doit voter sur l’AECG dans deux ans, espérant faire approuver l’accord avant les prochaines élections. Le vote exigera une majorité des deux tiers, pour faire en sorte que la nation se prononce sur la question. M. Tarzynski a dit croire que l’AECG devrait être approuvé à ce moment, malgré le sentiment négatif très net actuel dans le pays (il estime que 75 % de la population est défavorable à l’AECG). M. Tarzynski a exprimé le besoin de voir la Commission européenne diffuser plus d’information sur l’AECG en Pologne afin qu’une discussion éclairée ait lieu au moment où l’accord sera à l’ordre du jour au Parlement. Il a dit que les mythes foisonnent parce que peu d’information est largement diffusée pour contrer la désinformation. Il sera important de favoriser l’ouverture et la transparence à l’avenir. Une communication accrue avec le gouvernement du Canada et des entreprises canadiennes pourrait aussi encourager la population polonaise : quels produits et investissements le Canada prévoit pour la Pologne? Ce lobbyisme est essentiel pour informer les Polonais, qui sont sceptiques au sujet de l’accord en raison du système juridictionnel des investissements et de la différence de taille entre les pays, ce qui fait croire à certains que la Pologne ne peut qu’y perdre au change. Il a toutefois souligné qu’il sera important de voir les effets de l’application provisoire pour prendre une décision avisée au sujet de la ratification définitive. M. Bowman et les membres de la délégation ont répondu à ces observations en énumérant certains avantages de l’AECG pour la Pologne, et ils ont dit à M. Tarzynski que des représentants canadiens donneraient suite à ses demandes, à l’échelle gouvernementale et peut-être par l’entremise du Groupe parlementaire Canada-Pologne, qui est actuellement inactif.
4. Réunion bilatérale avec la délégation de la Finlande
Enfin, les membres de la délégation ont rencontré Mme Anne-Mari Virolainen et M. Petri Honkonen de la délégation finlandaise pour discuter de l’AECG. Mme Virolainen a insisté sur le fait que le libre-échange est très important pour les petits pays comme la Finlande et que la plupart des parties prenantes au pays sont en faveur de l’AECG; seule l’alliance de la gauche a exprimé certaines inquiétudes au sujet du système juridictionnel des investissements. Le Parlement finlandais a l’intention de ratifier l’accord en octobre. La conversation a aussi concerné plusieurs enjeux qui façonnent l’UE, comme les élections françaises et allemandes, ainsi que le Brexit.
C. Interventions des délégués canadiens dans le cadre des débats de l’Assemblée
Les délégués canadiens ont participé aux débats de l’Assemblée au cours de la deuxième partie de la Session. Ils sont intervenus à douze occasions dans des débats sur un large éventail de sujets. Les discours des délégués sont reproduits dans les comptes rendus, dont les hyperliens se trouvent ci-après.
a. Mardi 25 avril 2017
- La lutte contre l’inégalité de revenus : un moyen de favoriser la cohésion sociale et le développement économique
Le sénateur Percy Downe, M. John Oliver et M. Don Davies ont prononcé des discours dans le contexte du débat sur la lutte contre l’inégalité de revenus : un moyen de favoriser la cohésion sociale et le développement économique.[2]
b. Mercredi 26 avril 2017
- Protéger les femmes réfugiées de la violence fondée sur le genre
Mme Jennifer O’Connell a prononcé un discours dans le contexte du débat sur la protection des femmes réfugiées de la violence fondée sur le genre.[3]
- Débat d’actualité : les valeurs européennes en danger : faire face à la montée de la xénophobie, de l’antisémitisme et l’islamophobie en Europe
M. John Oliver a prononcé un discours dans le contexte du débat d’actualité sur les valeurs européennes en danger : faire face à la montée de la xénophobie, de l’antisémitisme et de l’islamophobie en Europe.[4]
- Vingt-cinq ans de CPT : progrès accomplis et améliorations à apporter
Le sénateur Ghislain Maltais et M. David Tilson ont prononcé des discours sur le thème vingt-cinq ans de CPT : progrès accomplis et améliorations à apporter.[5]
- Utilisation abusive du système Interpol : adoption requise de garanties juridiques plus strictes
M. Tilson a prononcé un discours sur le thème de l'utilisation abusive du système Interpol : adoption requise de garanties juridiques plus strictes.[6]
c. Jeudi 27 avril 2017
- Protection des droits des parents et des enfants appartenant à des minorités religieuses
Le sénateur Maltais et M. Oliver ont prononcé des discours dans le contexte du débat sur la protection des droits des parents et des enfants appartenant à des minorités religieuses.[7]
- Les possibilités d’améliorer le financement des situations d’urgence impliquant des réfugiés
M. Davies et M. Tilson ont prononcé des discours dans le contexte du débat sur les possibilités d’améliorer le financement des situations d’urgence impliquant des réfugiés.[8]
M. Scott Simms, président
Association parlementaire Canada-Europe