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Association interparlementaire Canada-France

Rapport

INTRODUCTION

Du 10 au 14 avril 2017, huit parlementaires canadiens se sont rendus en France afin de participer à la 45e réunion annuelle de l’Association interparlementaire Canada-France (AICF). La délégation canadienne était dirigée par le député Denis Paradis et était composée de la sénatrice Claudette Tardif, du sénateur Thanh Hai Ngo ainsi que des députés Ramez Ayoub, Dan Vandal, Jacques Gourde, Alain Rayes et François Choquette. La délégation était accompagnée de Line Gravel, secrétaire exécutive de l’AICF, de Raphaëlle Deraspe, conseillère de l’AICF et analyste à la Bibliothèque du Parlement du Canada et de Marc Berthiaume, conseiller politique à l’ambassade du Canada en France.

La délégation française, dirigée par la députée Catherine Coutelle et la sénatrice Claudine Lepage, était composée des députées Marie-Noëlle Battistel et Joëlle Huillier ainsi que des sénateurs Pierre‑Yves Collombat, Louis Duvernois et Claude Kern. De plus, la délégation était accompagnée de Gabrielle Guerrero et de Delphine Bert, secrétaires exécutives de l’AICF pour l’Assemblée nationale et le Sénat.

Les thématiques discutées au cours de la réunion annuelle étaient les suivantes :

  • l’intégration des immigrants;
  • l’impact de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (UE) sur le secteur agricole et agroalimentaire.

De plus, comme la réunion annuelle a eu lieu pendant la campagne électorale française en lien avec les élections présidentielles, des membres de la délégation canadienne ont eu l’occasion d’assister à des événements politiques, de visiter les quartiers généraux d’un parti politique et de s’entretenir avec des analystes politiques sur le sujet.

Le présent rapport fournit un sommaire des séances de travail, des entretiens et des visites de sites ayant eu lieu dans le cadre de cette réunion annuelle.

OUVERTURE DE LA 45E RÉUNION ANNUELLE

A. Petit-déjeuner d’information et déjeuner d’ouverture   

Le 10 avril 2017, les membres de la délégation canadienne ont pris part à une séance d’information sur l’AECG entre le Canada et l’UE et les élections présidentielles françaises offerte par Marc Berthiaume.

M. Berthiaume a tout d’abord expliqué les étapes gravies par l’AECG et celles qui restaient à franchir pour son implantation complète. Il a indiqué que beaucoup de choses fausses sont dites sur l’Accord en France, par exemple, que l’Europe sera inondée de bœuf canadien nourri aux hormones et que les Américains se serviront de l’Accord pour envahir le marché européen. Il a ajouté que les investisseurs et les entreprises ont beaucoup de questions, alors que c’est le premier accord qui protège autant les entreprises au moyen de divers mécanismes, dont la création d’un tribunal permanent composé de 15 membres qui pourra être saisi des demandes relatives à la violation des normes de protection des investissements définies dans l’AECG. Il a poursuivi en disant que certains candidats aux élections présidentielles sont favorables à l’Accord, dont Emmanuel Macron et François Fillon, alors que d’autres s’y opposent, comme Marine Le Pen.

M. Berthiaume a dit que, selon des études économiques, l’AECG créera des emplois sur les territoires canadien et européen, parce que les moyennes entreprises en bénéficieront et qu’elles sont celles qui créent le plus d’emplois. À l’opposé, les multinationales n’ont, à son avis, pas besoin de l’Accord pour mener à bien leurs activités. Selon lui, le Brexit n’affectera pas les relations entre le Canada et l’Europe, bien qu’il soit possible que la Grande-Bretagne veuille négocier un accord commercial avec le Canada.

M. Berthiaume a ensuite parlé des principaux candidats aux élections présidentielles françaises en soulignant que le candidat Jean-Luc Mélenchon du mouvement « La France insoumise » gagnait du terrain sur ses adversaires selon les derniers sondages et que la candidate Marine Le Pen avait de faibles probabilités de gagner étant donné que le taux de participation aux élections est élevé en France, soit environ 80 %. Selon lui, Marine Le Pen a besoin d’un faible taux de participation de l’électorat pour remporter l’élection. Finalement, il a décrit Emmanuel Macron comme un banquier qui a réussi financièrement et qui se définit comme n’étant ni de droite, ni de gauche.

Ensuite, au cours du déjeuner du 10 avril 2017, la présidente de la section française de l’AICF, Catherine Coutelle, a ouvert les travaux en disant que les membres de la délégation française étaient très heureux d’accueillir la délégation canadienne en France. Elle a ensuite parlé des deux thèmes de la 45e réunion annuelle en soulignant que l’intégration des immigrants est un défi grandissant en France. Elle a ensuite dit que le 10 avril était le lendemain d’un moment historique entre la France et le Canada, c’est-à-dire la bataille de la Crête de Vimy, et que le premier ministre canadien a dit la veille dans le cadre des commémorations de cette bataille que la nation canadienne est née à Vimy. Elle a terminé en disant que la délégation française serait à géométrie variable en raison de la campagne électorale, mais comme elle ne se représentait pas, elle participerait à l’ensemble des travaux.

Le président de la section canadienne de l’AICF, Denis Paradis, a remercié les membres de la délégation française pour leur accueil et a dit que les membres canadiens se sentent chez eux en France. Il a aussi dit qu’il affectionne particulièrement la région du sud de la France. Il a ajouté que les thèmes à l’étude, soit l’intégration des immigrants et les répercussions de l’AECG entre le Canada et l’UE sur le secteur agricole et agroalimentaire, sont au cœur de l’actualité des deux pays et de haute importance pour les citoyens étant donné qu’ils ont des répercussions directes sur eux. Il a qualifié la période électorale comme étant très excitante et a précisé que les membres de la délégation canadienne sont très intéressés par les élections présidentielles et législatives de la France et par les programmes électoraux des candidats. Enfin, il a remercié les Français pour leur accueil en cette période très chargée.

L’INTÉGRATION DES IMMIGRANTS

A. Séance de travail   

La deuxième séance de travail portant sur le thème de l’intégration des immigrants s’est déroulée le vendredi 14 avril 2017. Le député Ramez Ayoub a commencé la séance en présentant la perspective canadienne sur le sujet. Ensuite, Mme Coutelle a présenté les réponses européenne et française face à la vague de migrations en Méditerranée.

1. Perspective canadienne concernant l’intégration des immigrants   

M. Ayoub a commencé son intervention en précisant que depuis ses origines, le Canada est une terre d’accueil pour les immigrants. Alors que les premières vagues d’immigrants s’établissant en Nouvelle France au XVIIe siècle provenaient exclusivement d’Europe, l’immigration canadienne s’est diversifiée à partir du XXe siècle[1]. À la fin du XIXe siècle, entre 6 300 et 133 000 immigrants ont été admis chaque année au Canada. Puis, au début du XXe siècle, le Canada a accueilli des nombres record d’immigrants afin de coloniser l’Ouest canadien. C’est en 1913 que le nombre d’immigrants arrivés au Canada a été le plus élevé avec plus de 400 000 personnes. D’autres vagues importantes ont eu lieu en 1956 et 1957 avec l’arrivée de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés hongrois et dans les années 1970 et 1980 en raison de l’accueil de nombreux réfugiés[2].

Il a poursuivi en disant qu’en tout, le Canada a accueilli plus de 17 millions d’immigrants depuis la Confédération canadienne en 1867[3]. Entre le début des années 1990 et 2014, le nombre de nouveaux immigrants qui s’est établi au Canada chaque année a été relativement stable avec une moyenne de 235 000[4]. Ce nombre a été largement dépassé en 2015 quand plus de 270 000 nouveaux résidents permanents se sont établis au Canada[5]. De plus, le Plan des niveaux d’immigration pour 2016, qui indique le nombre d’immigrants que le gouvernement fédéral prévoyait admettre au pays en 2016, a dévoilé un niveau cible record, soit de 300 000 immigrants. Cette cible a été reconduite dans le Plan des niveaux d’immigration pour 2017.

En 2013, près d’une personne sur cinq au Canada (20 % de la population ou 7 millions de personnes) était née à l’étranger, soit la plus forte proportion parmi les pays du G7[6].

Il a continué en parlant du système et des politiques d’immigration du Canada, des programmes d’intégration et des autres programmes ainsi que des indicateurs d’intégration.

a. Système et politiques d’immigration

Il a dit qu’en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, l’immigration est un domaine de compétence partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires.

Les responsabilités du gouvernement fédéral sont d’établir les exigences en matière d’admissibilité, de fixer les niveaux d’immigration pour le pays, de définir les catégories d’immigration, de prendre des décisions quant aux demandes d’asile présentées au Canada, de réunir les familles ainsi que d’établir les critères d’admissibilité pour les programmes d’établissement dans les provinces autres que le Québec ainsi que dans les territoires[7].

Plusieurs ministres fédéraux se partagent les responsabilités en matière d’immigration, à savoir le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (développement des programmes et des politiques qui favorisent l’établissement et l’intégration des nouveaux immigrants et des réfugiés), le ministre de la Sécurité publique du Canada (contrôle des personnes aux points d’entrée et élaboration des politiques pour l’interdiction de territoire pour des motifs graves), le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail (évaluation des répercussions de l’immigration sur le marché du travail) et le ministre de la Justice (défense des non-citoyens faisant l’objet d’un certificat de sécurité).

Des provinces et territoires ont conclu des accords bilatéraux concernant l’immigration avec le gouvernement fédéral. Le Québec est toutefois la province qui a le plus de responsabilités dans ce domaine et a été la première à signer un accord avec le gouvernement fédéral en matière d’immigration en 1971. Depuis ce temps, d’autres ententes ont vu le jour et le plus récent accord, l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, a été conclu en 1991. Cet accord a comme objectif de « préserver le poids démographique du Québec au sein du Canada et [d’]assurer une intégration des immigrants dans la province respectueuse de son caractère distinct[8] ». En vertu de cet accord, le gouvernement du Québec est responsable de la sélection de tous les immigrants de la catégorie « immigration économique » qui souhaitent s’établir sur son territoire ainsi que de la sélection des réfugiés qui se réinstalleront dans la province à partir d’un bassin de candidats approuvés par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC)[9].

b. Programmes d’intégration et autres programmes

L’intégration des immigrants est favorisée par différents services visant à les aider à s’installer et à s’adapter au Canada, dont :

  • de la formation linguistique;
  • de l’aide à l’établissement des immigrants comme des services d’accueil et d’orientation, de liaison avec la collectivité des employeurs et de soutien comme la garde d’enfants et le transport;
  • de l’aide pour la réinstallation des réfugiés comme l’accueil à l’aéroport ou au point d’entrée, l’hébergement temporaire et de l’aide pour trouver un logement permanent, l’achat d’articles de ménage de base, de l’aide pour s’inscrire aux programmes fédéraux et provinciaux obligatoires, de la formation pour développer certaines aptitudes à la vie quotidienne au Canada et de l’orientation relative aux renseignements financiers et non financiers;
  • du soutien pour intégrer le marché de travail.

Bien que certains programmes soient offerts directement par IRCC, la majorité l’est par des organismes du secteur privé financés par le Ministère. Pour l’exercice 2017-2018, le gouvernement fédéral a prévu dépenser près de 1,2 milliard de dollars pour l’établissement et l’intégration des nouveaux arrivants[10].

Le Québec est toutefois la seule province responsable de l’élaboration, la mise en œuvre et la gérance des services aux immigrants liés à leur établissement et réinstallation dans la province[11]. Afin d’aider le Québec à s’acquitter de ces responsabilités, le gouvernement fédéral lui remet un montant forfaitaire compensatoire déterminé selon une formule établie dans l’Accord.

(i) Programme de parrainage privé de réfugiés

Le Programme de parrainage privé de réfugiés est unique parmi les programmes de réinstallation dans la mesure où les répondants peuvent proposer à IRCC des réfugiés pour la réinstallation. Les répondants assument tous les coûts financiers pendant la période de réinstallation initiale, ce qui permet à un plus grand nombre de réfugiés d’être réinstallés au Canada sans accroître les dépenses du gouvernement.

Les répondants du secteur privé du Programme peuvent comprendre des groupes constitués en personne morale qui sont titulaires d’une entente déjà conclue avec le Ministère pour parrainer des réfugiés (signataires d’une entente de parrainage), des groupes de cinq Canadiens ou résidents permanents et des répondants communautaires[12]. Par exemple, dans le cadre de l’initiative du gouvernement canadien concernant la réinstallation des réfugiés syriens au Canada, de nouvelles ententes de parrainage de réfugiés syriens ont été approuvées.

Dans le cadre de ce Programme, les répondants du secteur privé fournissent un soutien initial pour l’installation ainsi qu’un soutien émotif et social. Le coût total estimatif pour le parrainage d’une personne seule en 2016 s’élevait à 12 600 $, tandis que le parrainage d’une famille de six personnes était évalué à 32 500 $[13]. Les répondants doivent présenter un plan d’installation et une évaluation financière au Ministère démontrant que la famille de réfugiés recevra le soutien nécessaire. Les réfugiés parrainés par le secteur privé sont envoyés dans la collectivité où réside leur répondant.

(ii) Programme des travailleurs étrangers temporaires

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires[14] offre aux employeurs canadiens incapables de trouver des citoyens canadiens ou des nouveaux arrivants pour pourvoir leurs postes vacants la possibilité d’embaucher des étrangers en vue de combler des pénuries temporaires de main-d’œuvre et de compétences. En 2015, plus de 60 000 travailleurs étrangers temporaires détenaient un permis de travail canadien grâce à ce Programme[15].

c. Indicateurs d’intégration

Il a ensuite présenté le tableau 1 (illustré ci-dessous) qui montre des indicateurs d’intégration de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) chez les personnes nées à l’étranger et s’étant installées soit au Canada, soit en France ou soit au sein d’un des 28 pays de l’UE[16].

Ce tableau démontre que les personnes nées à l’étranger ont un taux d’emploi inférieur et un taux de chômage supérieur aux natifs. Les personnes nées à l’étranger ont également davantage tendance à occuper un emploi pour lequel elles sont surqualifiées.

Par ailleurs, en France et dans les autres pays de l’UE, les résultats des tests de littératie des enfants nés dans le pays de parents nés à l’étranger ont tendance à être significativement inférieurs à ceux des enfants nés dans le pays de parents nés dans le pays; contrairement au Canada, où les résultats des tests de littératie des enfants nés au Canada de parents nés à l’étranger sont plus élevés que ceux des enfants nés au Canada de parents nés au Canada.  

Finalement, en 2012, un plus grand pourcentage de la population étrangère a obtenu la nationalité canadienne que la nationalité française ou celle de l’un des pays membres de l’UE. Moins d’un immigrant européen sur deux a la nationalité du pays d’accueil au sein de l’UE, contre au moins 80 % au Canada.

Finalement, M. Ayoub a conclu son intervention en affirmant que contrairement à la France qui subit l’immigration, le Canada la choisit. Il a également parlé de son expérience personnelle en tant qu’immigrant étant donné qu’il a immigré avec sa famille au Canada lorsqu’il était âgé de trois ans.

2. Réponses européenne et française face à la vague de migration en Méditerranée   

Mme Coutelle a commencé sa présentation en disant que depuis 2014, l’UE fait face à une vague d’immigration d’une ampleur exceptionnelle qu’elle a même qualifiée de « crise migratoire ». Cette vague a connu un pic en 2015, avec un peu plus de 1,8 million d’entrées irrégulières, représentant environ 1 million de personnes selon Frontex[17] (une fois déduit les franchissements par une même personne de plusieurs frontières européennes).

Une augmentation des entrées irrégulières avait déjà été constatée à l’occasion du printemps arabe en 2011, mais leur ampleur et leur durée étaient restées moindres.

Elle a ensuite parlé du flux migratoire en Méditerranée orientale et centrale, des principaux pays de départ, d’arrivée et de destination des migrants, des mesures d’urgence et des réformes structurelles mises en place au sein de l’UE ainsi que les réponses de la France à court et long termes.

a. Flux migratoire en Méditerranée orientale et centrale

Concernant les flux migratoires, Mme Coutelle a précisé qu’avec 511 000 entrées irrégulières en 2016, représentant environ 382 000 personnes, l’UE semble toutefois globalement sortie de la phase aiguë de la vague. Cette évolution cache toutefois des dynamiques très différentes :

  • En Méditerranée orientale, un peu plus de 182 000 entrées irrégulières ont eu lieu en 2016, contre 885 000 en 2015, ce qui représente une baisse de 80 %. Les arrivées ont en effet connu une nette diminution depuis la mise en œuvre de la déclaration UE‑Turquie de mars 2016, qui sera présenté plus loin, et la fermeture des frontières sur la route des Balkans.
  • En Méditerranée centrale, la vigueur des flux migratoires, via la Libye, ne s’est à l’inverse pas démentie avec près de 182 000 arrivées en 2016, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2015.

Cette évolution très contrastée résulte de situations différentes sur ces deux routes migratoires : il existe désormais un instrument de gestion des flux en Méditerranée orientale, avec la déclaration UE-Turquie, alors qu’en Méditerranée centrale, les perspectives d’action restent limitées au regard de la situation problématique de la Libye.

En outre, à moyen terme, plusieurs facteurs structurels laissent croire que le rythme des arrivées, sur la route de la Méditerranée centrale, est appelé à se poursuivre durablement : les perspectives de croissance démographique en Afrique, l’impact prévisible des changements climatiques (notamment dans les zones désertiques) et l’évolution de la situation dans plusieurs pays du voisinage immédiat de l’UE (Libye, Algérie, Tunisie).

b. Principaux pays de départ, d’arrivée et de destination des migrants

(i) Pays de départ

En 2016, toutes routes migratoires confondues, 10 pays ont été à l’origine de 75 % des arrivées : la Syrie (23 %), l’Afghanistan (12 %), le Nigéria (10 %), l’Iraq (8 %), l’Érythrée (6 %), la Guinée‑Conakry (4 %), la Côte d’Ivoire (4 %), la Gambie (4 %), le Pakistan (3 %) et le Sénégal (3 %).

Du côté de la Syrie, le conflit en cours depuis 2011 se traduit par un bilan catastrophique en termes sécuritaire, humanitaire et économique, qui a poussé à la fuite de plus de la moitié de la population (6,3 millions de déplacés à l’intérieur du pays et 4,9 millions de réfugiés). Si la majorité des réfugiés a trouvé asile dans les pays voisins de la Syrie, la dégradation des conditions d’accueil dans ces pays et la persistance du conflit a incité un grand nombre de réfugiés à tenter de rejoindre l’Europe en 2014‑2015. Les départs vers l’Europe ont toutefois diminué en 2016, avec la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie.

En ce qui concerne les flux en provenance du continent africain, les arrivées de migrants africains sont passées d’environ 40 000 par an en moyenne entre 2009 et 2014 à 170 000 en 2016. Du fait de l’évolution contrastée des routes migratoires vers l’Europe et de la crise persistante en Libye, il est probable que l’Afrique représente désormais le principal continent d’origine des migrants.

Les migrations en provenance d’Afrique reposent principalement sur des motifs économiques, mais les situations sont néanmoins assez différentes selon les pays d’origine : les migrations africaines peuvent en effet aussi avoir des causes politiques et sécuritaires, par exemple pour l’Érythrée.

(ii) Pays d’arrivée et de destination

La crise migratoire a eu des impacts très différents au sein de l’UE. Certains pays, notamment en raison de leur situation géographique, n’ont pas connu d’afflux massifs de migrants (Espagne, Irlande, Portugal, pays baltes, Royaume-Uni), alors que d’autres ont été très affectés et en particulier :

  • L’Italie : Depuis le printemps arabe de 2011, plus de 600 000 personnes sont arrivées en Italie, par la Méditerranée centrale, avec une nette accélération ces dernières années : 62 000 arrivées en 2011, contre 170 000 en 2014, 153 000 en 2015 et 182 000 en 2016. Les capacités d’accueil du pays sont désormais largement saturées : en janvier 2017, 175 000 personnes étaient prises en charge dans une structure d’hébergement, contre 66 000 en 2014. L’Italie fait par ailleurs partie des États membres recevant le plus grand nombre de demandes d’asile : près de 125 000 en 2016, contre 83 000 en 2015.

  • La Grèce : Environ 860 000 personnes auraient transité par la Grèce en 2015 et 182 000 en 2016, ce qui représente une nette réduction des flux depuis la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie. D’importants problèmes de capacités d’accueil persistent toutefois pour les dizaines de milliers de migrants encore présents sur le territoire. La situation grecque a évolué d’une crise migratoire vers une crise de l’asile, avec une très forte hausse des demandes : 31 000 demandes en 2016, contre 13 000 en 2015.

  • La Hongrie : Elle s’est retrouvée en 2015 au cœur du transit migratoire, jusqu’à la fermeture de ses frontières avec les pays des Balkans : 400 000 migrants irréguliers ont ainsi traversé son territoire pour rejoindre principalement l’Autriche puis l’Allemagne. En 2015, plus de 177 000 demandes d’asile ont également été enregistrées en Hongrie — la plupart finissant toutefois par être annulées en raison du départ des demandeurs.
  • L’Allemagne : Environ 890 000 migrants sont entrés en Allemagne en 2015 et 280 000 en 2016, soit une nette réduction qui résulte des effets de la déclaration UE‑Turquie et des mesures visant à fermer la route des Balkans. En 2016, 745 000 demandes d’asile ont été enregistrées, ce qui représente les deux tiers des demandes déposées dans l’ensemble de l’UE. Au total, depuis le début de la crise, l’Allemagne a accordé une protection à environ 750 000 personnes.
  • L’Autriche : Quelque 700 000 personnes auraient transité par l’Autriche en 2015 et 150 000 en 2016, principalement vers l’Allemagne. Mais l’Autriche est aussi devenue un pays de destination : 85 000 demandes d’asile y ont été déposées en 2015 et 42 000 en 2016.
  • La France : Elle occupe une position relativement atypique : l’accélération des flux a été moins forte que dans d’autres pays en 2015, mais la décélération constatée en 2016 a été moins nette qu’ailleurs. Le nombre de demandes d’asile est passé de 65 000 en 2014 à 80 000 en 2015 et à 85 000 en 2016. Cette augmentation s’est accompagnée d’une hausse du niveau de protection : de 10 000 bénéficiaires en 2012 à 26 000 en 2016. Les effets de la pression migratoire sont très concentrés sur certains territoires, en particulier vers Vintimille (800 interpellations par semaine), dans le Calaisis (7 000 personnes dans le camp de la jungle avant son démantèlement en octobre 2016) et en région parisienne (jusqu’à 3 800 personnes autour de la Place Stalingrad en 2016).

c. Mesures d’urgence et réformes structurelles au sein de l’Union européenne

Elle a poursuivi en expliquant que face à la crise migratoire, l’UE a mis en place une série de réponses d’urgence qui ont contribué à maîtriser une situation devenue critique en 2014‑2015, puis a engagé des réformes plus structurelles.

(i) Mesures d’urgence

a) La mise en place de centres de crise en Grèce et en Italie

La mise en place de centres de crise a été décidée par l’UE au printemps 2015 pour répondre aux arrivées massives en Grèce et en Italie, avec le concours des autres États membres et de Frontex. Ceux-ci permettent de concentrer sur les lieux d’arrivée les moyens nécessaires pour conserver le contrôle de la frontière : enregistrement des migrants, vérifications de sécurité et engagement des procédures d’asile ou de reconduite.

Ont été mis en place quatre centres de crise en Italie, avec une capacité totale d’accueil de 1 600 personnes, et cinq en Grèce, avec une capacité totale d’accueil de 5 500 personnes.

En outre, s’agissant de la Grèce, une aide d’urgence a été débloquée par l’UE : en 2015, les États membres ont fourni 185 000 articles de première nécessité humanitaire et, en 2016, 200 millions d’euros ont été versés à la Grèce.

b) Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l’Europe

Pour faire face à l’afflux exceptionnel de migrants, dès septembre 2015, huit États pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Hongrie, Slovénie, Suède et Norvège) ont décidé le rétablissement de contrôles sur certains segments des frontières intérieures de l’espace Schengen[18]. Puis, en novembre 2015, la France a rétabli les contrôles sur l’ensemble de ses frontières nationales dans la foulée des attentats terroristes puis dans le cadre de l’état d’urgence.

En février 2017, l’UE a recommandé de prolonger une nouvelle fois, pour trois mois supplémentaires, les contrôles aux frontières intérieures rétablis par cinq États (Allemagne, Autriche, Danemark, Norvège et Suède).

c) Le mécanisme temporaire de relocalisation intra-européen

Afin de soulager la Grèce et l’Italie, l’UE a créé, en septembre 2015, un mécanisme temporaire visant à assurer la relocalisation en deux ans de 160 000 réfugiés depuis ces deux pays.

Le mécanisme de relocalisation s’est heurté à la réticence de certains États membres : la Hongrie et la Slovaquie l’ont ainsi contesté devant la Cour de justice de l’UE. Par ailleurs, sa mise en œuvre concrète ne progresse que très lentement : en février 2017, seuls 12 000 réfugiés avaient été relocalisés. La France est le pays ayant procédé au plus grand nombre de relocalisations effectives (2 700).

d) Le mécanisme temporaire de réinstallation depuis les pays tiers

Afin d’aider les pays de premier accueil (Liban, Jordanie, Turquie), l’UE a créé, en juillet 2015, un mécanisme temporaire visant à assurer la réinstallation en deux ans de 22 500 réfugiés depuis ces pays vers les États membres. Dans le cadre de ce mécanisme, la France s’est engagée à réaliser 2 300 réinstallations.

Les réinstallations ont davantage progressé que les relocalisations : en février 2017, 14 000 réfugiés avaient ainsi été réinstallés.

e) La déclaration UE Turquie de mars 2016

La très forte accélération des entrées irrégulières en Grèce a conduit l’UE à conclure avec la Turquie un accord en mars 2016 (déclaration UE-Turquie), qui comporte les principales mesures suivantes concernant la gestion de la crise migratoire :

  • la Turquie s’est engagée à réadmettre, depuis les îles grecques, l’ensemble des nouveaux migrants en situation irrégulière ou demandeurs d’asile déboutés, arrivés après l’accord, et à prévenir l’ouverture de nouvelles routes de migration irrégulière;
  • en vue de substituer des flux légaux aux flux irréguliers, les États membres de l’UE acceptent de réinstaller un Syrien sur leur territoire pour un Syrien réadmis en Turquie (principe du « 1 pour 1 »);
  • l’UE s’engage à verser 6 milliards d’euros d’ici 2018, afin d’aider les réfugiés syriens et les communautés d’accueil en Turquie.

Cet accord a eu un effet immédiat : les arrivées en Grèce ont considérablement diminué depuis sa mise en œuvre. Le nombre de réinstallations dans l’UE a progressé davantage (3 000 réinstallations) que celui des retours vers la Turquie (1 200 retours). S’agissant de l’aide financière, en janvier 2017, 2,2 milliards d’euros avaient déjà été alloués.

f) Les actions déployées en Méditerranée centrale autour de la Libye

En Méditerranée centrale, deux opérations maritimes ont été déployées par l’UE : « Triton», coordonnée par Frontex, et « Sophia », dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Elles réalisent pour l’essentiel des missions de sauvetage en mer : près de 50 000 personnes ont été secourues par « Triton » en 2016 et plus de 30 000 par « Sophia ».

Néanmoins, les morts en Méditerranée continuent d’augmenter : les trafiquants embarquent désormais davantage de migrants, dans des zodiacs inadaptés à la haute mer et disposant de très peu d’essence.

Autre difficulté, l’opération « Sophia » ne parvient pas à remplir pleinement son mandat, qui prévoit de conduire des actions dans les eaux territoriales libyennes, faute d’un accord avec les autorités libyennes.

(ii) Réformes structurelles

a) La création d’une nouvelle Agence de garde-frontières et de garde-côtes

Sur la base des structures préexistantes de Frontex, dont elle continue de porter le nom, une nouvelle Agence de garde-frontières et de garde-côtes a été créée en septembre 2016. Elle dispose de compétences et de moyens d’action renforcés sur plusieurs points essentiels avec :

  • la création d’une réserve d’intervention de 1 500 agents, mobilisables en 5 jours;
  • la réalisation d’évaluations annuelles de vulnérabilité, pour vérifier les capacités de gestion de crise des États membres;
  • la possibilité d’intervenir aux frontières extérieures de l’Europe à l’initiative de la Commission européenne et du Conseil, même si l’État membre concerné n’en fait pas la demande, mais sous réserve d’une procédure stricte;
  • une augmentation sensible de son budget et de ses effectifs : le budget sera porté de 300 millions d’euros en 2017 à 345 millions en 2020, et les effectifs passeront de 640 agents en 2017 à 880 en 2019.

b) Vers une révision du régime d’asile européen commun

À la suite des défaillances constatées dans le fonctionnement du régime d’asile européen commun depuis le début de la crise migratoire, la Commission européenne a présenté une série de propositions de réformes au printemps 2016, encore en cours de discussion.

En particulier, la proposition de révision du règlement de Dublin relatif à l’asile vise, d’une part, à réduire les délais de transfert des demandes entre les États membres et, d’autre part, à créer un mécanisme de répartition des demandeurs d’asile en cas de pression excessive sur le système d’un État membre. Le principe de responsabilité du pays de première entrée du migrant serait ainsi maintenu, mais assorti d’un dispositif correcteur de relocalisation en cas de crise.

Cependant, la création d’un mécanisme automatique de répartition des demandeurs reste un sujet très délicat au niveau européen, comme l’ont montré les réticences de certains États membres à appliquer le mécanisme temporaire actuel de relocalisation.

La proposition de révision du règlement relatif au Bureau européen d’appui en matière d’asile vise à le transformer en une véritable Agence européenne de l’asile. Elle serait chargée d’évaluer les systèmes d’asile des États membres, d’établir des lignes directrices et, si le système d’asile d’un État membre est défaillant, de lui apporter une assistance opérationnelle et technique, grâce à une réserve d’intervention de 500 experts.

Enfin, la proposition de nouveau règlement instituant un cadre de réinstallation dans l’UE vise à établir une politique commune en matière de réinstallation dans les pays tiers. Les États membres continueraient à décider du nombre de personnes à réinstaller chaque année, mais des pratiques harmonisées et un cadre commun permanent verraient le jour au plan communautaire.

c) La mise en place d’un partenariat global avec les pays africains

Au vu de l’afflux persistant de migrants par la route de la Méditerranée centrale et en raison de l’impossibilité de conclure un accord avec la Libye similaire à celui signé avec la Turquie, l’UE a décidé de mettre en place un cadre de partenariat global avec les pays africains en novembre 2015 (sommet de La Valette sur la migration).

Ce cadre repose sur une déclaration politique, qui met en avant la responsabilité partagée de l’UE et de l’Afrique face aux enjeux migratoires, assortie d’un plan d’action visant à lutter contre les causes profondes des migrations irrégulières, et soutenue financièrement par la création d’un fonds fiduciaire d’urgence (FFU) pour l’Afrique.

Ce fonds a pour vocation de financer des projets concrets permettant d’améliorer la gestion des migrations et de lutter contre les causes profondes de l’instabilité régionale et des migrations irrégulières, en générant de nouvelles possibilités économiques et en faisant la promotion de la sécurité et du développement.

À la fin de 2016, le FFU disposait de ressources s’élevant à 2,4 milliards d’euros destinés à 26 pays africains principalement situés dans les régions du Sahel – Lac Tchad, de la Corne de l’Afrique et de l’Afrique du Nord.

d) Réponses à court et à long termes de la France

Elle a soutenu que la France a participé à l’ensemble des mesures communes mises en œuvre par l’UE, en particulier en matière de relocalisation, mais a également déployé des solutions au niveau national à court et long termes.

(i) Réponses à court terme

a) L’aide financière et militaire mobilisée en réponse à la crise syrienne

La France a mobilisé une aide financière d’urgence pour répondre aux conséquences de la crise syrienne. Entre 2011 et 2015, cette aide s’est élevée à 155 millions d’euros, principalement en faveur du Liban (57 millions), de la Syrie (42 millions), de la Jordanie (31 millions) et de la Turquie (10 millions). Pour la période 2016-2018, cette aide a été portée à 200 millions d’euros.

La France participe également aux opérations militaires contre Daech, avec l’engagement de 1 200 militaires et de nombreux équipements dans le cadre de l’opération « Chammal ».

b) La création de nouvelles places d’hébergement pour les réfugiés

En réponse à l’afflux migratoire, le gouvernement français a rapidement procédé à la création de places d’hébergement supplémentaires : 8 200 places ont ainsi été créées en 2015-2016.

En outre, en octobre 2015, ont été créés des centres d’accueil et d’orientation (CAO), qui ont pour vocation d’accueillir des migrants en situation de grande précarité. Il s’agit d’un accueil temporaire, offrant un accompagnement à l’ouverture des droits et une orientation vers d’autres structures adaptées. À la fin du mois de janvier 2017, 310 CAO étaient implantés dans 84 départements, accueillant près de 10 000 personnes.

Enfin, aux fins d’accroître les capacités globales d’accueil des demandeurs d’asile, un schéma national a été présenté par le gouvernement français en décembre 2015 : il fixe un objectif de 60 000 places d’hébergement à fin de 2017, dont 40 000 en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) réparties entre toutes les régions. Il s’agit d’un effort de création très important, car le nombre de places en CADA s’élevait à 25 000 en 2015.

(ii) Réformes à long terme

a) La réforme du droit d’asile par la Loi du 29 juillet 2015

La France a tout d’abord procédé à une réforme de fond du droit d’asile, par la Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile. Cette Loi accroît les droits des demandeurs d’asile :

  • en permettant au demandeur d’asile d’être assisté par un conseil devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA);
  • en systématisant le caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) pour les demandeurs d’asile, même en procédure accélérée;
  • en créant un nouveau recours devant le tribunal administratif pour les personnes placées en rétention qui effectuent une demande d’asile, si cette demande n’est pas uniquement destinée à faire échec à l’éloignement.

Cette Loi accélère également les procédures normales de traitement des demandes, pour atteindre un délai de 9 mois dès 2016-2017, contre 15 mois auparavant. Dans ce but :

  • l’entrée dans la procédure de demande est facilitée grâce à la suppression de l’obligation de domiciliation préalable, la simplification des procédures d’enregistrement, l’unification des documents de séjour exigés et la création dans chaque région d’un guichet unique de premier accueil;
  • des moyens supplémentaires sont alloués à l’OFPRA pour l’instruction des demandes, avec le recrutement de 55 personnes.

b) La création d’un parcours d’intégration républicaine par la Loi du 7 mars 2016

La France a ensuite procédé à une réforme de fond du droit des étrangers, par la Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Cette Loi a en particulier créé un parcours personnalisé d’intégration républicaine pour les étrangers primo-arrivants souhaitant s’établir en France.

Ce parcours se déroule ainsi :

  • l’étranger est tout d’abord reçu en entretien d’accueil à l’Office français d’Immigration et d’Intégration (OFII), qui évalue sa situation;
  • au cours de l’entretien, il signe un contrat d’intégration républicaine par lequel il s’oblige à suivre des formations civique et linguistique prescrites par le représentant de l’OFII;
  • l’étranger ne peut désormais prétendre à un titre de séjour que s’il justifie de son assiduité et du sérieux de sa participation aux formations prescrites dans le cadre du contrat.

c) Le renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière

En France, la lutte contre l’immigration irrégulière est conduite par la police aux frontières (PAF), qui dispose d’un service à compétence nationale, l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST), doté de 125 fonctionnaires. La PAF s’appuie en outre sur 47 brigades mobiles, comptant 500 personnes, ce qui représente un potentiel total de 625 enquêteurs à l’échelle nationale.

La lutte contre les filières d’immigration irrégulière s’est intensifiée ces dernières années, avec des résultats significatifs : 221 filières ont été démantelées en 2014, 251 en 2015 et 286 en 2016.

En outre, la Loi du 7 mars 2016 a créé plusieurs nouveaux outils répressifs :

  • elle permet aux préfectures d’identifier la fraude aux titres de séjour en bénéficiant des renseignements détenus par d’autres administrations et des exploitants privés, afin de vérifier l’authenticité des documents produits par les demandeurs de titres de séjour;
  • elle permet de sanctionner pénalement l’utilisation ou la mise à disposition de documents d’identité appartenant à un tiers;
  • elle autorise l’administration à requérir aux services de la force publique pour conduire vers le consulat un étranger en situation irrégulière, afin qu’il y effectue les démarches directement liées à l’exécution d’une procédure de retour;
  • elle permet d’obliger des citoyens européens à quitter le territoire français pour des motifs d’atteinte grave à l’ordre public (auparavant, un éloignement pour ce motif n’était possible qu’au cours des trois premiers mois de présence en France);
  • elle permet d’édicter une interdiction de retour sur le territoire français pour les citoyens européens qui ont fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) pour cause de menace à l’ordre public ou d’abus de droit.

Mme Coutelle a conclu en disant que l’Assemblée nationale française compte seulement deux députés qui sont nés à l’extérieur du territoire français et que le nombre d’étrangers en France progresse lentement, car 217 000 titres de séjour ont été délivrés en 2015. Elle a ajouté que la France s’est dotée d’une politique forte de lutte contre l’immigration irrégulière qui a explosé en 2015, et ce, notamment en intervenant sur le plan militaire. Par ailleurs, elle a souligné qu’il existe deux parcours distincts pour les migrants, soit le parcours régulier, soit celui lié à l’immigration irrégulière en vertu duquel plusieurs migrants provenant du continent africain ont recours à des passeurs pour atteindre l’Europe. Enfin, elle a précisé qu’il existe deux débats en lien avec l’immigration : celui sur ce qui constitue l’identité française et l’intégration versus l’assimilation des immigrants.

B. Visites de sites et entretiens   

Afin d’appuyer la thématique de l’intégration des immigrants, les délégués ont visité les locaux de la plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile (PADA) et ont rencontré ses représentants, ainsi que des représentants et des bénéficiaires du CADA Jane Pannier, le président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, des membres du cabinet du ministre de l’Intérieur et des représentants du ministère ainsi que des représentants de l’OFPRA.

1. Plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile   

Le 11 avril 2017, les délégués ont visité les locaux de la PADA de Marseille et se sont entretenus avec son directeur général, Jean-François Ploquin, et sa chef de service, Manon Tervel. Cette PADA est gérée par le Forum réfugiés-Cosi, une association sans but lucratif qui accueille les réfugiés et défend les droits d’asile en France, fait la promotion des droits humains dans certains des pays d’origine des réfugiés et qui est dotée du statut consultatif spécial auprès de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Le Forum réfugiés-Cosi gère six PADA, compte 280 salariés et 300 bénévoles et ses activités sont principalement financées par le gouvernement français, l’UE, l’ONU, des collectivités territoriales et des fondations privées.

Les six PADA, qui sont situées à Clermont-Ferrand (depuis 2014), Lyon (depuis 1994), Marseille (depuis 2016), Nice (depuis 2011), Toulouse (depuis 2017) et Montauban (depuis 2017), agissent comme lieu de premier contact administratif en orientant les demandeurs d’asile vers les différentes structures pouvant les aider à s’installer en France tout en les préparant à la prochaine étape de la procédure d’asile, le Guichet unique de demande d’asile, qui est composé d’agents de la préfecture et d’agents de l’OFII. De plus, elles centralisent l’information et offrent des services d’accompagnement juridique, administratif et social aux demandeurs d’asile. La figure 1 (illustrée ci-dessous) présente la procédure d’asile des demandeurs d’asile en France qui débute avec les plates-formes d’accueil.

D’abord, les PADA aident à l’enregistrement des demandes d’asile, évaluent la situation des primo-arrivants et les orientent vers les services appropriés. Puis, une fois que les demandeurs sont passés par le Guichet unique de demande d’asile, elles leur assurent :

  • une domiciliation;
  • l’accompagnement vers les structures d’hébergement;
  • une orientation pour les demandeurs d’asile non hébergés dans le dispositif national d’accueil vers des solutions de rechange d’hébergement;
  • la délivrance des aides d’urgence;
  • la constitution du dossier auprès de l’OFPRA;
  • l’accompagnement des demandeurs d’asile dans leurs démarches administratives et sociales;
  • l’information et la gestion des sorties du dispositif.

Par ailleurs, tout au long de la procédure d’asile, des consultations médicales, des services psychologiques, des séances de kinésithérapie, des séances de socio-esthétique, des ateliers d’art‑thérapie et des actions de prévention sont offerts aux demandeurs d’asile via les PADA. De plus, des services d’aide à l’intégration sont disponibles.

Les délégués ont appris qu’en 2016, 1 204 300 personnes ont fait pour la première fois une demande de protection internationale dans l’un des États membres de l’UE, alors que la France a enregistré 78 371 premières demandes d’asile et est arrivée ainsi au troisième rang des principaux pays européens d’accueil après l’Allemagne et l’Italie.

En 2016, les PADA françaises ont dû composer avec une hausse des demandes d’asile dans l’ensemble du pays, en raison de l’ouverture de CAO à la suite du démantèlement des campements de Calais et d’Ile-de-France, et de l’arrivée de réfugiés réinstallés. Elles ont ainsi accueilli 10 974 personnes, enregistré 8 661 intentions de demander l’asile et accompagné 8 194 demandeurs.

La PADA de Marseille a ouvert ses portes le 11 janvier 2016 dans les mêmes locaux que ceux de l’association Hospitalité pour les femmes et a ensuite déménagé en novembre 2016 dans des locaux plus adaptés à l’accueil du public. En 2016, le département des Bouches-du-Rhône a noté une augmentation du nombre de primo-arrivants s’élevant à 13 %, ce qui a contribué à allonger le délai d’attente des demandeurs d’asile avant qu’ils ne soient traités par le Guichet unique de demande d’asile. Au cours de sa première année d’existence, la PADA de Marseille, qui compte 10 employés, dont deux juristes, a traité 3 138 enregistrements de souhaits de demandes d’asile pour 3 495 personnes, dont 78 % étaient des adultes et 22 % des enfants provenant principalement d’Algérie (17,7 %), de Syrie (12,5 %), d’Albanie (11,8 %), du Soudan (8,6 %) et de Turquie (5,4 %). Ces enregistrements en 2016 ont résulté en :

  • 1 792 personnes ayant reçu une domiciliation;
  • 1 467 personnes orientées vers des solutions de rechange d’hébergement;
  • 337 personnes orientées vers des aides d’urgence;
  • 1 060 personnes accompagnées pour la constitution du dossier de l’OFPRA;
  • 1 941 personnes accompagnées dans les démarches visant à obtenir une protection santé;
  • 535 personnes accompagnées pour l’ouverture d’un compte bancaire;
  • 304 enfants accompagnées vers la scolarité.

Les représentants de la PADA ont expliqué que les demandeurs d’asile arrivent principalement en France par voie terrestre après être passés par l’Italie et que, quotidiennement, leur organisation doit gérer un flux de quelque 200 personnes.

En réponse à une question d’un délégué, ils ont dit que l’aide au logement des demandeurs d’asile est offerte pour la durée entière du traitement de leur demande d’asile et que les demandeurs déboutés sont pris en charge par des organisations françaises pour planifier et couvrir les frais liés à leur retour dans leur pays d’origine.

En réponse à d’autres questions, les représentants ont indiqué que le taux d’acceptation des demandes d’asile est présentement de 37 % et que la France s’est engagée à accueillir 10 000 réfugiés syriens en deux ans.

Enfin, après l’entretien et la visite des locaux, les délégués ont remercié les représentants pour leur temps et leur accueil.

2. Centre d’accueil de demandeurs d’asile Jane Pannier   

Ensuite, les délégués ont visité un des centres de l’association Maison de la Jeune Fille – centre Jane Pannier, le CADA Jane Pannier, qui peut accueillir 85 personnes, dont 30 à mobilité réduite dans sept appartements équipés pour loger des familles ayant un ou plusieurs membres aux prises avec des problèmes de mobilité ou de santé graves. L’association travaille depuis 1919 à offrir un hébergement social aux femmes isolées et aux familles en détresse sur le territoire de la ville de Marseille et héberge plus de 1 000 personnes annuellement. Elle compte 38 salariés permanents, dont des éducateurs, des assistants de service social, une conseillère en économie sociale et familiale, un médecin, une infirmière, un psychologue, une animatrice, des veilleuses de nuit, et cinq personnes en contrats d’insertion en plus de nombreux bénévoles.

Les CADA :

offrent aux demandeurs d’asile un lieu d’accueil pour toute la durée de l’étude de leur dossier de demande de statut de réfugié. Cet accueil prévoit leur hébergement, ainsi qu’un suivi administratif (accompagnement de la procédure de demande d’asile), un suivi social (accès aux soins, scolarisation des enfants, etc.) et une aide financière alimentaire[19].

En général, les CADA sont administrés par des associations ou des entreprises.

L’accueil des demandeurs d’asile en France résulte de l’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 (ou Convention de Genève) et c’est dans ce cadre que la France finance les CADA.

Le département des Bouches-du-Rhône compte 11 CADA qui peuvent héberger jusqu’à 1 200 personnes, soit environ 60 % des demandeurs d’asile de la région selon les employés du CADA Jane Pannier. Les employés ont ajouté que la France dispose de 60 000 places pour loger les demandeurs d’asile alors qu’elle doit composer avec 90 000 demandeurs. Bien que les demandeurs soient logés durant la durée entière du traitement de leur demande, ils ont toutefois un mois pour quitter leur logement une fois que leur demande a été déboutée.

Les employés du CADA ont aussi souligné qu’en 1991 les demandeurs d’asile se sont vus retirer leur droit de travailler sur le territoire français pendant le traitement de leur demande. Ils ont terminé en expliquant que leur organisation se concentre sur la protection des femmes et travaille à faire reconnaître leurs droits.

Enfin, les délégués ont eu l’occasion de visiter des familles hébergées dans leur logement au CADA Jane Pannier et d’échanger avec eux.

3. Entretien avec le président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale sur le thème de l’immigration   

Le 12 avril 2017, les délégués ont discuté d’immigration avec Dominique Raimbourg, président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale. Mme Coutelle a tout d’abord présenté M. Raimbourg et a expliqué que les délégués avaient eu l’occasion de visiter la PADA de Marseille et un CADA la veille. Elle lui a ensuite demandé de parler de l’immigration en France.

Après avoir remercié les délégués pour cette invitation et avoir souhaité aux Canadiens la bienvenue en France, M. Raimbourg a expliqué que l’immigration se décline en trois volets. Le premier volet comprend l’immigration classique, à savoir l’introduction d’étrangers sur le territoire français. La France compte quelque 5 millions de personnes nées à l’étranger parmi sa population totale s’élevant à près de 67 millions d’habitants. Cette population étrangère est fortement composée d’Algériens, de Marocains et de Tunisiens. Il a ajouté que quelque 200 000 personnes étrangères entrent en France annuellement pour diverses raisons comme le regroupement familial ou la poursuite d’études. Par ailleurs, beaucoup d’étrangers arrivent en France avec l’espoir d’y trouver du travail. Il a indiqué que la population immigrante est mal répartie en France, car elle est fortement représentée dans certaines régions comme l’est et le sud‑est du pays.

Le deuxième volet est l’immigration d’asile. Il a expliqué que chaque année, la France traite des dizaines de milliers de demandes d’asile et expulse 15 000 demandeurs. Il a ajouté que certains demandeurs d’asile dont leur demande a été déboutée ne quittent pas le territoire français.

Le troisième volet est l’immigration européenne, c’est-à-dire des immigrants arrivant en France en provenance d’un des pays membres de l’UE. Le 1er janvier 2014, les restrictions quant à la libre circulation des travailleurs bulgares et roumains au sein de l’UE ont pris fin. Ainsi, les citoyens de la Bulgarie et de la Roumanie sont pleinement habilités à exercer une activité professionnelle dans l’ensemble des États de l’UE, et ce, sans devoir demander de permis de travail. M. Raimbourg a souligné qu’il y a environ 20 000 Roms[20] non intégrés et en situation irrégulière en France et qu’il y a un débat concernant leur intégration à la société. Selon lui, ces gens vivent principalement de mendicité et certains d’entre eux se tournent vers la délinquance.

M. Raimbourg a poursuivi en disant qu’en raison du flux de migrants et de demandeurs d’asile en Europe, il y a un débat concernant les frontières de l’espace Schengen au sein des pays compris dans cet espace et qu’il y a une forte pression sur les pays frontaliers étant donné qu’ils sont responsables du contrôle des gens voulant entrer dans l’espace.

Par ailleurs, il a souligné que les étrangers arrivant en France doivent conclure avec l’État un contrat d’intégration républicaine par lequel ils s’engagent à suivre les formations prescrites à la suite de l’entretien réalisé avec un auditeur de l’OFII.

En réponse à des questions des délégués, M. Raimbourg a soutenu que 98 % des demandeurs d’asile d’origine syrienne voient leur demande être approuvée par la France. Il a aussi parlé des difficultés en lien avec les mineurs étrangers qui ont traité avec des passeurs pour arriver en sol européen, notamment la manière dont les autorités s’y prennent pour déterminer l’âge des étrangers afin de savoir s’ils sont mineurs ou non comme le recours à des tests osseux. Comme la France applique une réglementation très protectrice pour les étrangers mineurs, et ce, quelle que soit leur situation juridique, plusieurs étrangers se déclarent mineurs à leur arrivée sur le territoire.

Enfin, les délégués ont chaleureusement remercié M. Raimbourg pour son temps et ses explications.

4. Entretien avec des membres du cabinet du ministre de l’Intérieur et des représentants du ministère sur le thème de l’immigration    

Le 14 avril 2017, les délégués ont discuté d’immigration avec Emmanuel Cayron, conseiller immigration et asile au cabinet du ministre de l’Intérieur, Romain Derache, conseiller parlementaire, Camille Perez, conseillère parlementaire, Agnès Fontana, directrice de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité, et Thomas Campeaux, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques.

M. Cayron a commencé en expliquant que dans la nuit du 11 au 12 avril 2017, un campement de migrants situé dans le nord de la France, à Grande‑Synthe, a été complètement ravagé par un incendie. Ce camp logeait quelque 1 500 migrants qui étaient principalement d’origine iraquienne et kurde. Ainsi, les autorités ont dû reloger ces migrants dans des hébergements d’urgence.

Mme Coutelle a ensuite présenté la délégation et l’AICF en expliquant les thématiques étudiées dans le cadre de cette 45e réunion annuelle. Elle a également remercié les membres du cabinet du ministre de l’Intérieur et les fonctionnaires du ministère pour leur accueil et leur temps.

Mme Fontana a pris la parole et expliqué les grands traits de la politique française concernant l’accueil et l’intégration des nouveaux arrivants, dont notamment la Loi du 7 mars 2016. Elle a poursuivi en parlant des étapes que les étrangers doivent franchir à leur arrivée sur le territoire français en soulignant que l’État évalue la situation des étrangers et les oriente vers les institutions et les services pouvant les aider. Cette évaluation comprend, entre autres, le niveau de connaissance de la langue française des étrangers. Ceux qui ne maîtrisent pas suffisamment le français ont droit gratuitement à des cours de langue d’une durée d’un an en plus d’autres cours portant sur les valeurs civiques et républicaines. Après un an de cours de langue offerts par l’État, elle a indiqué que les étrangers qui présentent encore des lacunes quant à la maîtrise du français sont incités à suivre des cours de langues supplémentaires. Elle a partagé avec les délégués que les cours offerts ne sont pas suffisants pour amener les étrangers à atteindre le niveau de langue requis, car seulement 44 % d’entre eux l’atteignent. Pour ce qui est des demandeurs d’asile, ils n’ont pas accès à ces cours parce que l’État doit d’abord statuer sur leur demande et les accepter comme réfugiés pour qu’ils aient accès aux cours de langue. M. Cayron a précisé que la durée moyenne des demandes d’asile se situe entre six et huit mois.

En réponse à une question d’un délégué, Mme Fontana a expliqué que les étrangers doivent satisfaire à plusieurs critères pour obtenir la nationalité française, dont avoir séjourné au moins cinq ans sur le territoire français. Elle a aussi ajouté que l’acquisition d’une indépendance financière est un important facteur favorable à l’obtention de la nationalité française. Elle a toutefois souligné qu’il existe certaines exceptions à ces critères dans le cas des réfugiés.

En ce qui a trait à l’immigration professionnelle, depuis novembre 2016, la France délivre le passeport‑talent, qui est une carte de séjour d’une durée d’au plus quatre ans, aux professionnels et aux membres de leur famille. Ce passeport a pour objectif de faciliter le séjour des immigrants professionnels que la France désire accueillir en plus grand nombre. Ce passeport s’adresse aux dix catégories de professionnels suivants :

  • les jeunes diplômés qualifiés salariés ou salariés d’une jeune entreprise innovante;
  • les travailleurs hautement qualifiés comme les détenteurs de la carte bleue européenne, qui vise à faciliter l’entrée, le séjour et le travail des travailleurs hautement qualifiés résident dans un pays non-membre de l’UE sur ce territoire;
  • les salariés en mission;
  • les chercheurs;
  • les créateurs d’entreprise;
  • les porteurs d’un projet économique innovant;
  • les investisseurs économiques;
  • les mandataires sociaux;
  • les artistes interprètes;
  • • les étrangers ayant une renommée nationale ou internationale (domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif)[21].

En réponse à une question d’un délégué canadien, Mme Coutelle a expliqué que de nombreux migrants arrivent sur le territoire de l’UE en ayant recours à des passeurs et que beaucoup d’entre eux tentent de rejoindre le Royaume-Uni parce qu’ils ont de la famille dans ce pays ou parce qu’ils parlent anglais. M. Cayron a ajouté que certaines procédures de vérifications sont plus faciles au Royaume-Uni.

En outre, M. Cayron a expliqué que vers la fin du mois d’octobre et le début du mois de novembre 2016, les autorités françaises ont dû déplacer 7 000 migrants qui séjournaient dans le camp de Calais sans toutefois préciser les raisons qui ont mené à cette intervention. Il a poursuivi en disant qu’il s’est avéré difficile de bouger les mineurs, car ils étaient plus réticents à quitter le camp en raison de leur forte volonté de rejoindre le Royaume-Uni.

Enfin, à la fin de l’entretien, le ministre de l’Intérieur, Matthias Fekl, est généreusement venu saluer les délégués. Ceux-ci ont offert leurs remerciements au ministre pour avoir pris le temps de venir les rencontrer ainsi qu’aux membres de son cabinet et aux fonctionnaires de son ministère pour leurs explications et les réponses à leurs questions.

5. Entretien avec des représentants de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides   

Le 14 avril 2017, les délégués ont rencontré les représentants suivants de l’OFPRA : Sophie Pegliasco, directrice du cabinet du directeur général, Leïla Benshila-Kesen, adjointe au chef de la division Europe-Asie, Coralie Capdeboscq, chargée de mission Vulnérabilité et chef de file du groupe de référents « Traite des êtres humains », et Pascal Lang, chef de la section du contentieux à la division des affaires juridiques, européennes et internationales. L’OFPRA est un établissement public administratif créé en 1952 pour appliquer la Convention de Genève, puis la Convention de 1954 relative au statut des apatrides. Son rôle est de statuer de façon indépendante sur les demandes d’asile et de statut d’apatride qui lui sont soumises.

Mme Coutelle a d’abord présenté les délégations et a expliqué le rôle de l’AICF. Elle a par la suite indiqué que les délégués avaient eu l’occasion de visiter une PADA et un CADA à Marseille et s’étaient entretenus auparavant avec Dominique Raimbourg ainsi qu’avec des membres du cabinet du ministre de l’Intérieur et des représentants du ministère sur le thème de l’immigration.

Les représentants de l’OFPRA ont expliqué que leur organisation est composée de plusieurs divisions géographiques et traite les demandes d’asile et de statut d’apatride. En raison de l’important flux de migrants, l’OFPRA a obtenu des fonds supplémentaires pour composer avec cette demande accrue. En 2016, l’organisme a reçu 85 000 demandes, soit une augmentation de 7 % par rapport à 2015, et a pris près de 90 000 décisions concernant ces demandes.

Ils ont poursuivi en expliquant que la France a adopté la Loi du 29 juillet 2015 afin de réformer en profondeur le droit d’asile en France à la fois en renforçant les garanties des personnes ayant besoin d’une protection internationale et en statuant plus rapidement sur les demandes d’asile avec un objectif de délai moyen de neuf mois. Selon les représentants, cette Loi avait comme principal objectif de réduire les délais de traitement des demandes d’asile qui étaient jugés trop longs.

Puis, ils ont expliqué la procédure de demande d’asile et du séjour des demandeurs d’asile en France en précisant que les étrangers ont 21 jours pour déposer leur demande d’asile et qu’il existe deux types de procédures, à savoir les procédures normale et accélérée. Ils ont précisé que selon ce dernier type de procédure, les demandes sont traitées en quinze jours et que le type de procédure est établi en fonction du pays d’origine du demandeur d’asile. L’OFPRA a un groupe d’employés assigné à chaque pays où il y a un flux important de demandeurs d’asile. Une fois que le dossier du demandeur est reçu à l’OFPRA, un officier de protection assigné au pays d’origine du demandeur l’étudie et examine le récit du demandeur avant de le convoquer pour un entretien qui dure en moyenne entre 60 et 120 minutes. Il propose ensuite une décision qui sera révisée par son chef.

Les délégués ont appris que la Loi du 29 juillet 2015 a renforcé la procédure de demande d’asile, notamment en rendant l’entretien confidentiel et en exigeant que celui-ci soit enregistré. Ainsi, le demandeur peut demander la transcription de son entretien. De plus, il peut demander la présence d’une tierce personne à cet entretien comme un avocat ou un interprète du sexe de son choix.

Mme Coutelle a souligné que depuis la Convention de Genève, les demandeurs d’asile étaient principalement des hommes victimes du régime politique de leur pays, alors que maintenant beaucoup de femmes demandent l’asile. La Loi vise à les protéger et à leur permettre de parler seules à un officier de protection.

En réponse à des questions des délégués, les représentants ont expliqué que les frais juridiques sont à la charge des demandeurs d’asile bien que des associations bénévoles offrent de l’aide juridique aux demandeurs. Ils ont aussi précisé que les demandeurs ne sont pas tous en situation irrégulière, car certains arrivent en France avec un visa de séjour.

Concernant les procédures d’appel des décisions de l’OFPRA sur les demandes d’asile, les représentants ont indiqué que la Cour nationale du droit d’asile est saisie des demandes d’appel et qu’un juge doit statuer sur la décision dans un délai très court. Ils ont ajouté que les procédures d’appel doivent être faites dans des délais très précis par les demandeurs déboutés et que le juge les convoque pour une audience avant de rendre sa décision.

Selon les représentants, depuis le printemps 2015, il y a eu une évolution considérable des pays d’où proviennent les demandeurs d’asile. L’Albanie se classe au premier rang en raison de considérations économiques et de la facilité d’accès à la France. Une forte hausse du nombre de demandes d’asile d’Haïtiens s’est également ressentie en Guyane. Toutefois, les représentants ont précisé que ces demandes d’asile sont principalement pour des raisons économiques et sont généralement moins fondées.

En ce qui a trait aux réfugiés syriens accueillis en France, ceux-ci sont sélectionnés par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sur la base de la vulnérabilité et l’OFPRA les préenregistre en France parce qu’ils sont présélectionnés et ainsi jugés sûrs.

Enfin, les délégués ont tenu à remercier les représentants pour l’entretien.

L’IMPACT DE L’ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL ENTRE LE CANADA ET L’UNION EUROPÉENNE SUR LE SECTEUR AGRICOLE ET AGROALIMENTAIRE

A. Séance de travail   

La première séance de travail portant sur l’impact de l’AECG sur le secteur agricole et agroalimentaire a été tenue le 13 avril 2017. Les sénateurs Pierre-Yves Collombat et Jean Bizet, président de la Commission des affaires européennes, ont présenté leur point de vue concernant l’AECG, alors que le député Alain Rayes a expliqué l’impact de l’Accord sur le secteur agricole et agroalimentaire canadien.

1. Perspectives françaises sur l’Accord   

a. Le sénateur Collombat

D’emblée, le sénateur Collombat s’est dit non favorable à l’AECG pour diverses raisons, dont le fait que les avantages ne sont pas les mêmes pour les deux parties étant donné que le marché canadien comptant près de 36 millions de consommateurs est beaucoup plus étroit que le marché européen. Il a ajouté que l’Accord n’est non pas un accord franco-canadien, mais un entre le Canada et l’UE, ce qu’il a qualifié de tout à fait différent. Il a dit que son opinion serait différente si l’Accord était seulement entre la France et le Canada. Selon lui, l’ouverture de l’Europe avec des pays extérieurs s’est toujours réalisée au détriment d’une ouverture entre les pays européens et il a dit favoriser de plus fortes relations commerciales et économiques entre ces pays.

Il a poursuivi en affirmant que le développement de relations économiques et commerciales avec des pays extérieurs, par exemple par le biais du libre-échange est censé avoir une incidence favorable sur l’économie en augmentant la croissance et en réduisant le chômage. Toutefois, selon lui, l’expérience passée a démontré que ce n’est pas ce qui s’est produit. Il a fait référence à Maurice Allais, qui a remporté le prix Nobel d’économie en 1988, qui a dit que la politique de libre-échange a mené à la destruction d’emplois et d’industries et a miné la croissance économique.

En outre, il a dit que l’UE ne s’est jamais remise de la crise économique qui a frappé l’économie mondiale en 2008 et que cette crise l’a affectée de façon plus prononcée que d’autres pays développés. Selon lui, dans le meilleur des scénarios l’AECG n’apportera absolument rien et n’aidera pas à faire avancer l’UE. L’UE traverse, à son avis, une crise importante et le rejet et la méfiance s’amplifient alors que l’Accord n’aidera en rien à résoudre cette problématique. Il a ajouté que le libre-échange profite essentiellement aux multinationales.

Enfin, il a déploré l’application provisoire de l’Accord qu’il a qualifiée d’entorse majeure au processus de ratification des États, car il sera en place avant la ratification.

b. Le sénateur Bizet

Le sénateur Bizet a tout d’abord expliqué le fonctionnement de l’UE en ce qui concerne les traités en disant que c’est à l’UE seule de négocier les accords, mais que comme l’AECG est un traité mixte, les parlements nationaux ont un droit de regard. Toutefois, certaines provisions de l’Accord s’appliqueront avant que les États membres ne ratifient le document en entier. Il a ajouté que des améliorations pourraient être apportées au sein de l’UE, et ce, notamment en ayant recours aux préférences communautaires incluses dans le préambule du traité de Rome. Selon lui, les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont primé sur les règles de préférences communautaires de l’UE.

Il a poursuivi en parlant du marché unique européen qui fait de l’UE le plus important marché économique mondial. Il a dit que l’UE est une confédération d’États-nations contrairement au Canada ou aux États-Unis et qu’il y a quatre fois moins d’échanges commerciaux entre les états du marché européen qu’aux États-Unis. Il s’est ensuite prononcé en faveur de la mondialisation, tout en reconnaissant qu’elle crée à la fois des gagnants et des perdants, et il a affirmé que les États doivent s’impliquer davantage afin de compenser les perdants de l’AECG.

En outre, il a indiqué que l’OMC regroupe 164 pays membres et que bien qu’il y ait une moyenne des barrières tarifaires, des pics tarifaires existent néanmoins. Selon lui, certaines dispositions de l’AECG ont été copiées de l’OMC.

En ce qui concerne sa ratification par les États membres, M. Bizet a soutenu qu’étant donné que le Parlement européen a approuvé l’AECG le 15 février 2017, l’Accord entrera en application provisoire. Cela signifie que la presque totalité de l’Accord entrera en vigueur et que les Parlements nationaux voteront sur une petite partie de l’Accord qui représente environ 5 % de l’Accord selon lui.

Il a conclu en disant qu’en ce qui concerne la mise en équivalence des normes utilisées sur les deux territoires, ce n’est pas un défi aussi important pour les grandes compagnies, car elles disposent d’avocats pour les soutenir dans cette démarche. Toutefois, ce n’est généralement pas le cas pour les petites et moyennes entreprises (PME) et ces dernières sont aussi très intéressées par l’AECG selon lui.

2. L’impact de l’Accord sur le secteur agricole et agroalimentaire canadien   

Tout d’abord, M. Rayes a précisé que les deux principaux partis politiques du Canada sont en faveur de l’AECG et que ceux-ci ont reçu l’appui de 70 % de l’électorat canadien aux dernières élections fédérales. Il a ajouté que les Canadiens sont généralement en faveur de l’Accord et que les provinces et les territoires canadiens n’ont pas à l’approuver dans leurs instances législatives pour que le Canada puisse le mettre en œuvre. Les provinces et territoires ont toutefois la responsabilité de modifier leurs lois, leurs règlements et leurs politiques pour sa mise en œuvre.

Il a poursuivi en disant qu’il ne peut parler au nom des multinationales, car celles-ci ne sont pas présentes dans sa circonscription, mais que les PME voient positivement cet Accord et que celles-ci créent de nombreux emplois.

Il a ensuite discuté de certaines craintes de la part des Européens comme celle de l’invasion des compagnies américaines sur le marché européen. À ce sujet, il a ajouté que les entreprises américaines doivent respecter les règles canadiennes pour s’implanter au Canada.

Il a expliqué que le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l’économie canadienne. En 2014, ce secteur a généré des revenus s’élevant à 108,1 milliards de dollars représentant 6,6 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. De plus, un travailleur sur huit était employé dans ce secteur au Canada en 2014, soit plus de 2,3 millions de personnes[22].

À l’échelle mondiale, le Canada se classait au cinquième rang (derrière l’UE, les États-Unis, le Brésil et la Chine) des pays exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires en 2014 avec des exportations de 51,5 milliards de dollars, soit 3,6 % des exportations mondiales. En ce qui concerne les importations agricoles et agroalimentaires, le Canada occupait le sixième rang mondial (derrière l’UE, les États Unis, la Chine, le Japon et la Russie) avec des importations se chiffrant à près de 40 milliards de dollars, ce qui représentait 2,9 % de la valeur totale des importations mondiales[23].

Il a ensuite parlé des échanges commerciaux agricoles et agroalimentaires entre le Canada et l’UE et entre le Canada et la France ainsi que de certaines des répercussions possibles de l’AECG sur le secteur agricole et agroalimentaire canadien.

a. Échanges commerciaux agricoles et agroalimentaires

(i) Entre le Canada et l’Union européenne

Il a soutenu que l’UE est le deuxième plus important partenaire commercial du Canada, après les États Unis, et constitue un important marché pour les entreprises canadiennes avec ses quelque 500 millions de consommateurs[24]. La valeur totale du commerce agricole et agroalimentaire entre le Canada et l’Union européenne a atteint 8 milliards de dollars en 2015. On note que le déficit commercial du Canada en matière de produits agricoles et agroalimentaires a atteint 2,3 milliards de dollars en 2015.

Il a distribué les tableaux 2 et 3 présentant respectivement les cinq principaux produits agricoles et agroalimentaires canadiens exportés vers l’UE et les cinq principaux produits de ce type importés de l’UE. Il a souligné que le Canada exporte essentiellement vers l’UE des produits agricoles primaires alors qu’il importe davantage de produits alimentaires à valeur ajoutée.

(ii) Entre le Canada et la France

En 2015, la valeur totale du commerce agricole et agroalimentaire entre le Canada et la France s’élevait à 1,2 milliard de dollars et le déficit commercial du Canada en matière de produits agricoles et agroalimentaires a atteint près de 680 millions de dollars. Toutefois, ce déficit commercial a diminué de 11,5 % entre 2013 et 2015.

Il a montré aussi les tableaux 4 et 5 présentant les cinq principaux produits agricoles et agroalimentaires canadiens exportés vers la France et les cinq principales importations canadiennes de ce type de produits en provenance de France. Il a souligné qu’en 2015, les deux principaux produits exportés du Canada vers la France étaient des produits agricoles primaires alors que les principales importations canadiennes en provenance de ce pays étaient des boissons alcoolisées et des fromages.

b. Répercussions possibles de l’Accord économique et commercial global sur le secteur agricole et agroalimentaire

Il a indiqué que grâce à l’AECG, 97 % des exportations agricoles et agroalimentaires canadiennes vers l’Union européenne seront totalement libéralisées. En contrepartie, 95 % des exportations agricoles et agroalimentaires de l’Union européenne vers le Canada seront complètement libéralisées, celles-ci représentent 2,2 milliards d’euros annuellement[25].

Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada :

[c]omme près de 94 % des droits de douane sur l’agriculture exigés par l’[Union européenne] seront en franchise dès l’entrée en vigueur de l’AECG, les exportateurs canadiens seront avantagés par rapport à leurs concurrents des pays qui n’ont pas conclu d’accord de libre-échange avec l’[Union européenne][26].

L’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a estimé en 2013 que la valeur des exportations agroalimentaires canadiennes vers l’Union européenne pourrait augmenter de 1,5 milliard de dollars annuellement, soit 600 millions de dollars dans le secteur bovin, 400 millions de dollars dans le secteur porcin, 100 millions de dollars dans les produits céréaliers et oléagineux, 100 millions de dollars dans les produits contenant du sucre et 300 millions de dollars dans les produits transformés comme les fruits et légumes et les produits de biocarburants[27].

(i) Le secteur bovin

La production annuelle du secteur bovin augmenterait de 500 000 têtes de bétail afin de générer des exportations supplémentaires annuelles d’une valeur de 600 millions de dollars.

(ii) Le secteur porcin

Les Européens consomment près de 20 millions de tonnes de porc chaque année, soit environ 30 fois la consommation canadienne[28]. L’AECG permettra au secteur porcin d’augmenter ses exportations vers le marché européen puisque le Canada pourra expédier plus de 80 000 tonnes de viande de porc sans frais tarifaires. Cela représente des ventes s’élevant à 400 millions de dollars annuellement pour les producteurs canadiens[29].

(iii) Le secteur des grains et les préparations canadiennes à base de céréales

Le Canada exporte de grandes quantités de céréales et de préparations à base de céréales comme les pâtes, les pains et les gaufres vers l’UE[30].

Le Canada dispose déjà d’un contingent tarifaire annuel de blé tendre dans le cadre de l’OMC. Grâce à l’AECG, ce contingent augmentera à 100 000 tonnes et agira en tant que contingent transitoire. La valeur de ce contingent transitoire a été estimée par les Producteurs de grains du Canada à quelque 20 millions de dollars annuellement. En outre, en raison du déficit qu’accuse l’Union européenne en matière de grains destinés à l’alimentation animale et à la production de biocarburant, des possibilités significatives seront offertes à l’industrie du canola canadienne par l’AECG.

(iv) Le secteur vitivinicole

Grâce à l’AECG, les droits de douane sur les vins canadiens qui varient actuellement entre 18,5 cents à 45,0 cents le litre seront éliminés. Selon l’Association des vignerons du Canada, cela permettra à l’industrie vitivinicole canadienne de réaliser des économies annuelles s’élevant à 200 000 dollars. De plus, les droits de douane à l’importation seront supprimés sur la totalité du matériel viticole entrant au Canada, comme les fûts, l’équipement nécessaire pour effectuer les vendanges et les bouteilles. Cela réduira les coûts associés à l’achat d’équipement en provenance d’Europe[31].

(v) L’industrie laitière

L’AECG pourrait toutefois avoir des répercussions négatives sur certains secteurs comme l’industrie laitière, qui est la seule industrie assujettie à la gestion de l’offre[32] touchée par l’Accord. Les producteurs laitiers canadiens craignent d’importantes pertes économiques qui pourraient découler d’une importation accrue de fromages européens au Canada si l’AECG entre en vigueur[33].

au Canada si l’AECG entre en vigueur . L’industrie laitière a estimé que l’AECG entraînera des pertes totales annuelles d’environ 300 millions de dollars. Cependant, la croissance annuelle de la consommation de fromage au Canada qui se situe entre 6 000 et 8 000 tonnes n’a pas été prise en compte dans cette estimation. La consommation canadienne de fromage aura cru de plus de 17 700 tonnes lorsque l’AECG sera pleinement en vigueur selon des estimations[34].

Par ailleurs, l’AECG apporte des précisions quant aux indications géographiques protégées de l’Union européenne[35] pour les produits agricoles et agroalimentaires. Ainsi, cinq fromages canadiens exportés vers l’Europe (soit Asiago, Gorgonzola, Feta, Fontina et Munster) devront être accompagnés d’indications comme « style », « type », « genre » ou « imitation [36]».

L’UE libéralisera aussi l’ensemble de ses lignes tarifaires afférentes aux produits laitiers aussitôt que l’AECG entrera en vigueur. Cela aura cependant de faibles répercussions sur les exportations canadiennes puisque l’UE « importe des quantités extrêmement faibles de ces produits du Canada (0,1 % de ses importations agricoles originaires du Canada, si on se réfère à la moyenne établie pour 2012-2013)[37] ».

Il a conclu en affirmant que les parlementaires canadiens ont participé activement à l’étude des implications de l’AECG sur le secteur agricole par l’entremise du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes, qui a rendu compte de la question en décembre 2014. Cet Accord s’appuie sur l’histoire et les valeurs partagées du Canada et de l’Union européenne, réaffirmant leur engagement envers notre prospérité mutuelle grâce à une coopération continue. Il marque également le début d’un nouveau chapitre dynamique dans la relation qu’entretiennent le Canada et l’Union européenne. Enfin, il s’est dit sûr que les parties impliquées dans l’Accord trouveront une façon optimale de résoudre les conflits.

3. Échange entre les délégués   

Après les présentations des sénateurs Collombat et Bizet de même que celle de M. Rayes, les délégués ont échangé sur le sujet. M. Ayoub a souligné que la mondialisation est un phénomène qui existe depuis très longtemps puisqu’en fin de compte, les consommateurs désirent payer le moins possible pour leurs biens et services. Il a ajouté que la peur liée à une politique de libre-échange entre les nations ne peut fonctionner à long terme.

Le député François Choquette a affirmé que la majorité des Canadiens sont en faveur de l’AECG bien qu’il existe quelques différends entre les pays investisseurs et l’industrie assujettie à la gestion de l’offre. Il a ajouté que certains affirment que l’Accord aura des répercussions néfastes sur les médicaments. À ce sujet, Guillaume Cliche, conseiller, Affaires économiques à l’ambassade du Canada en France, a précisé que la protection et la longueur des brevets seront renforcées au Canada. Il a ajouté que des inquiétudes ont été soulevées dans quelques provinces canadiennes en raison de la hausse des coûts des médicaments associées à l’augmentation de la durée des brevets des médicaments d’origine.

Enfin, le sénateur Collombat a dit comprendre que les Canadiens étaient favorables à l’Accord. Il a cependant tenu à rappeler que la crise économique de 2008 était, selon lui, une conséquence de la mondialisation financière, qu’une bonne partie de la classe moyenne s’est appauvrie et que cet appauvrissement se poursuit encore à ce jour. Il a terminé en disant que ce type de crise est appelé à se reproduire.

B. Entretiens   

Les délégués ont rencontré le chef du bureau de la Politique commerciale, de la stratégie et de la coordination ainsi que des membres du cabinet du ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et des représentants de la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises pour discuter de l’AECG et de son impact sur le secteur agricole et agroalimentaire.

1. Point d’actualité sur l’Accord avec le chef du bureau de la Politique commerciale, de la stratégie et de la coordination    

Le 12 avril 2017, les délégués se sont entretenus avec Charles‑Henri Weymuller, chef du bureau de la Politique commerciale, de la stratégie et de la coordination, qui relève de la Direction générale du Trésor du Ministère de l’Économie et des Finances, depuis
octobre 2015, et ses collaborateurs.

Mme Coutelle a commencé en présentant l’AICF et les délégués de même que les représentants du bureau de la Politique commerciale, de la stratégie et de la coordination. Elle a ensuite abordé les inquiétudes exprimées par certains concernant l’AECG, dont la présence de bœuf nourri aux hormones sur le marché européen et l’affaiblissement de l’industrie canadienne du fromage.

M. Weymuller a affirmé que le gouvernement français est favorable à l’Accord de même qu’Emmanuel Macron. Concernant les autres candidats aux élections présidentielles, il a dit que François Fillon ne s’était pas prononcé sur le sujet alors que Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon se sont dit contre l’AECG.

Il a poursuivi en expliquant que la Direction générale du Trésor du Ministère de l’Économie et des Finances joue un rôle dans la politique étrangère de la France et assure la coordination avec les autres ministères. Au niveau européen, le Secrétariat général des affaires européennes de la France, une administration de mission sous l’autorité du premier ministre, est chargé de la coordination interministérielle pour les affaires européennes. Ce Secrétariat est responsable d’assurer l’unité et la cohérence des politiques françaises au sein de l’UE et de l’OCDE. Il travaille aussi avec la Représentation permanente de la France auprès de l’UE qui défend les positions françaises dans les négociations communautaires et au sein des institutions.

Il a ensuite parlé de la négociation des traités commerciaux en distinguant deux types, soit les accords offensifs qui visent à ouvrir les marchés afin que les deux parties soient gagnantes et les accords défensifs qui ont pour but de mettre en place des mesures voulant corriger la concurrence déloyale. Il a enchaîné en affirmant que l’AECG est un accord de nouvelle génération en étant progressiste et très ambitieux, et ce, notamment via une importante réduction des droits de douane et l’édiction de standards. À ce sujet, il a affirmé que la France n’est plus encline à ouvrir ses marchés sans l’établissement de normes comme la protection des travailleurs ou encore de l’environnement.

Par ailleurs, M. Weymuller a expliqué l’historique de l’AECG qui a pris naissance lors du sommet bilatéral de 2007 entre le Canada et l’UE et qu’en ce qui concerne les négociations entourant l’Accord, le Conseil européen a mandaté la Commission européenne pour qu’elle s’en charge. Le lancement officiel des négociations de l’AECG a été annoncé le 6 mai 2009 lors du Sommet Canada‑UE. Le 18 octobre 2013, le Canada et l’UE ont annoncé qu’ils avaient conclu un accord de principe au sujet de l’AECG. Un résumé technique des résultats finaux de la négociation (en d’autres mots l’accord de principe) a été déposé à la Chambre des communes le 29 octobre 2013. Le 29 février 2016, le Canada et l’UE ont annoncé que l’examen juridique de la version anglaise de l’AECG était terminé.

Il a poursuivi en disant qu’à la fin des négociations, il y a eu des rebondissements en ce qui a trait à la protection des investissements et des changements ont été apportés, dont une formulation plus contraignante quant au droit de réglementer à tous les niveaux de gouvernement pour la protection des investissements. Il a ajouté que 5 % des dispositions de l’Accord sont de compétence mixte, c’est-à-dire qu’elles relèvent à la fois de la compétence des États membres et de l’UE. Ainsi, les parlements nationaux devront ratifier l’AECG. Il a indiqué que tous les États membres l’ont signé et a par la suite expliqué les procédures de ratification de l’Accord. Du côté de l’UE, le Conseil de l’UE a approuvé l’AECG en octobre 2016, après quoi l’Accord a été renvoyé au Parlement européen. Le 24 janvier 2017, la Commission du commerce du Parlement européen a approuvé l’AECG[38], et le 15 février 2017, le Parlement européen a voté sa ratification[39]. Ainsi, il a dit que la balle est maintenant dans le camp du Canada. À ce sujet, le sénateur Ngo a précisé que le projet de loi C-30, Loi portant mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et ses États membres et comportant d’autres mesures, était devant le sénat canadien.[40]

En outre, M. Weymuller a indiqué qu’une fois que le Canada ratifiera l’Accord, celui-ci sera appliqué provisoirement et 95 % des mesures entreront en vigueur. Il a précisé que les 5 % restants sont en lien avec des sujets sensibles comme les investissements et que ces mesures entreront en vigueur une fois que l’Accord aura été ratifié par tous les parlements nationaux.

En réponse à des questions des délégués, M. Weymuller a expliqué que l’AECG est sous l’OMC et doit ainsi être compatible avec l’OMC. Il a ajouté que l’Accord doit permettre une concurrence loyale entre les marchés. Il a affirmé que l’Accord sera simple à implanter; il s’agira uniquement de modifier les droits de douane du Canada et de l’UE.

Concernant le secteur agricole et agroalimentaire, il a expliqué que l’UE supprimera 92,2 % de ses droits de douane agricoles au moment de l’entrée en vigueur de l’Accord et que 93,8 % de ces droits agricoles seront éliminés 7 ans plus tard. Toutefois, les produits sensibles ont été exclus des réductions tarifaires comme les viandes de poulet et de dinde, les œufs et les ovoproduits (œufs dont la coquille et les membranes ont été retirées). En vertu de l’AECG, l’UE octroiera au Canada un contingent tarifaire annuel exempté de droits de douane pour un total de 45 838 tonnes de viande bovine (exprimées en équivalent poids carcasse[41]), dont 30 838 tonnes de viande bovine fraîche, en addition aux 4 162 tonnes déjà accordées en guise de compensation dans le différend sur les hormones. Ces deux contingents représentent environ 0,6 % de la consommation totale de viande bovine des pays membres de l’UE.

Enfin, les délégués ont remercié M. Weymuller et ses collaborateurs d’avoir pris le temps de s’entretenir avec eux sur l’AECG et en particulier sur ses répercussions sur le secteur agricole et agroalimentaire.

2. Entretien avec des membres du cabinet du ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et des représentants de la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises    

Le 13 avril 2017, les délégués ont discuté avec Pierre Marie, conseiller chargé des affaires européennes et internationales et du cheval du ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, Stéphane Le Foll, et ses collaborateurs. Ils se sont aussi entretenus avec des représentants de la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises.

Après que Mme Coutelle eut présenté l’AICF et les délégués, M. Marie a expliqué l’initiative « 4 pour 1000 », qui a été lancée par la France et qui rassemble les acteurs des secteurs public et privé afin de mettre en place des actions concrètes sur le stockage du carbone dans les sols et des pratiques pour y arriver, en s’appuyant sur de la documentation scientifique. Cette initiative « vise à montrer que l’agriculture, et en particulier les sols agricoles, peuvent jouer un rôle crucial pour la sécurité alimentaire et le changement climatique[42] ». Elle a pour but de promouvoir une transition vers une agriculture productive basée sur une gestion adaptée des terres et des sols. Le taux 4 pour 1000 réfère au taux de croissance annuel du stock de carbone dans les sols qui permettrait de mettre fin à la hausse actuelle du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. M. Rayes s’est dit très intéressé par cette initiative et a souligné que les agriculteurs sont sensibles aux préoccupations environnementales.

M. Marie a ensuite parlé de l’AECG en soulignant que les aspects de l’Accord qui relève du niveau européen seront mis en œuvre provisoirement et que l’entrée en vigueur des autres aspects devra attendre la ratification de l’Accord par les parlements nationaux. Il a ajouté qu’en raison du caractère sensible du secteur agricole, la France et le Canada ont tous les deux eu la volonté de protéger certains produits de ce secteur. C’est ce qui explique que l’UE maintiendra 6,2 % des droits de douane agricoles puisque ceux-ci sont liés à des produits sensibles. Il a également dit que les règles d’origine ont suscité des discussions en France.

En outre, M. Marie a souligné que l’Accord est établi avec le Canada et non les États-Unis, car plusieurs parlaient de cet Accord comme étant le petit frère du Partenariat transpacifique, qui a été établi en 2006 au moment de l’entrée en vigueur du Trans Pacific Strategic Economic Partnership Agreement, négocié par quatre pays : Brunei Darussalam, le Chili, la Nouvelle-Zélande et Singapour. Depuis 2006, huit autres pays se sont joints aux négociations afin de conclure un accord de libre-échange avec les quatre pays de l’entente existante : les États-Unis, l’Australie, le Pérou et le Vietnam en 2008, la Malaisie en 2010, le Canada et le Mexique en 2012, et le Japon en 2013. Il a continué en disant que le spectre des États-Unis a rôdé autour de l’AECG.

Selon M. Marie, afin d’arriver à une entente, le Canada et l’UE ont fait des concessions, et ce, notamment en établissant des contingents tarifaires et en incluant dans l’Accord 140 indications géographiques, dont 40 en France. Il a expliqué que les indications géographiques sont en quelque sorte la propriété intellectuelle associée à la production d’un produit comme le champagne ou le fromage gruyère. Il existe quelque 3 000 indications géographiques en Europe. Il a ajouté qu’un élément important de l’Accord pour la France est que le Canada ait reconnu les indications géographiques.

M. Marie a souligné le travail de l’ambassade du Canada en France, qui s’est mobilisée afin de démentir les fausses rumeurs visant l’AECG. Il a poursuivi en disant que l’OMC aurait dû trouver un accord mondial et que pour compenser l’absence d’un tel accord, l’UE a négocié de nombreux accords bilatéraux.

En réponse à une question d’un délégué concernant le Brexit, M. Marie a soutenu que le Royaume-Uni est le troisième partenaire commercial en importance de la France et a dit douter que ce pays arrive à négocier sa sortie de l’UE en deux ans.

Par ailleurs, M. Marie a répondu à une question d’un délégué que la France fait face à une crise agricole touchant les éleveurs. Selon lui, les contingents tarifaires octroyés au Canada pour les secteurs bovins et porcins dans l’AECG accentuent les inquiétudes des éleveurs français, car contrairement au lait, ce ne sont pas tous les pays qui élèvent du bétail pour sa consommation. Il a souligné que la communication concernant l’Accord n’a pas été simple, ce qui a également accentué les inquiétudes des producteurs agricoles. Toutefois, il a expliqué que le secteur laitier se porte mieux et qu’il y a une ouverture d’autres marchés pour la viande porcine.

Au sujet de la consommation de viande bovine en France, M. Marie a répondu à un délégué que cette consommation diminue en raison d’un souci du bien-être animal ainsi que de l’augmentation du nombre de personnes adhérant à une culture alimentaire végétalienne.

Enfin, les délégués ont offert leurs remerciements aux membres du cabinet du ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et aux représentants de la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises de les avoir généreusement reçus.

LES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES FRANÇAISES

A. Contexte   

Étant donné que la réunion annuelle s’est déroulée durant la campagne électorale entourant les élections présidentielles françaises, les délégués canadiens ont eu la chance d’assister à deux réunions publiques organisées par deux des cinq principaux candidats et de visiter les quartiers généraux d’un troisième candidat.

Le 9 avril 2017, plusieurs délégués canadiens ont assisté
à la réunion publique du candidat Jean-Luc Mélenchon du mouvement « La France insoumise » qui a eu lieu sur la rue Canebière à proximité du Vieux-Port de Marseille.
Durant son discours, M. Mélenchon a parlé des principaux éléments de son programme électoral. Il a notamment parlé d’immigration en invoquant la paix et a annoncé son intention de sortir la France de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Au total, on estime qu’entre
40 000 et 70 000 personnes étaient présentes à cette réunion publique.

Le 11 avril 2017, des délégués canadiens se sont rendus au parc Chanot de Marseille pour assister à la réunion publique du candidat François Fillon, chef du parti politique Les Républicains. Avant le discours de M. Fillon qui s’est notamment prononcé sur certains éléments des programmes politiques de ses adversaires, plusieurs élus locaux se sont exprimés, dont Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, sénateur des Bouches-du-Rhône et vice-président du Sénat français. L’auditoire a été estimé à plus de 3 000 personnes.

En outre, le 14 avril 2017, des délégués canadiens ont visité les quartiers généraux de l’équipe du candidat Emmanuel Macron du mouvement En Marche! situés dans le 15e arrondissement de Paris. Le quartier général de M. Macron, employait une cinquantaine d’employés permanents en plus d’une centaine de bénévoles. M. Macron a été élu huitième président de la Ve République le 7 mai 2017.

Enfin l’ambassade du Canada en France a organisé une rencontre avec des analystes politiques pour les délégués canadiens afin de discuter des élections françaises.

B. Rencontre avec des analystes politiques sur les élections françaises   

Le 12 avril 2017, les délégués canadiens ont été reçus à la résidence officielle de l’ambassadeur du Canada en France, Son Excellence Monsieur Lawrence Cannon, pour un entretien avec Bruno Cautrès, chercheur au Centre national de la recherche scientifique et au Centre de recherches politiques de Sciences Po, et Philippe Moreau Defarges, politicologue, chercheur à Institut français des relations internationales et chargé d’enseignement à l’Université Paris-II Panthéon-Assas et à l’Institut d’études politiques de Paris.

M. Berthiaume a ouvert la discussion en expliquant le rôle de l’AICF et en présentant les délégués canadiens. Il a ensuite demandé aux deux analystes politiques de décrire les élections françaises de 2017.

M. Cautrès a tout d’abord qualifié la campagne et les élections présidentielles de folles et a dit que plusieurs utilisent le terme « élections crazydentielles » en raison des nombreux rebondissements survenus. Il a précisé parmi ces rebondissements la décision du président sortant François Hollande de ne pas se représenter, et ce, même s’il avait envoyé des signaux contradictoires à ce sujet. Cette décision a obligé son parti, le Parti socialiste, à organiser des primaires afin de trouver un nouveau chef. Selon lui, la gauche s’est ainsi retrouvée au pouvoir dans un moment d’incertitude entourant le parti.

Pour ce qui est de la droite, M. Cautrès a décrit le programme de Fillon comme étant radical, soit de la même façon que ce candidat le décrit lui-même. Il a ensuite expliqué que les révélations du journal satirique Le Canard enchaîné concernant M. Fillon et les emplois fictifs qu’il aurait donné à sa femme et à ses deux enfants en utilisant des fonds publics l’ont percuté de plein fouet. Selon M. Cautrès, la campagne électorale de M. Fillon a été dominée par le scandale et il n’a jamais vraiment eu l’occasion de mettre l’accent sur son programme. Il a enchaîné en disant que le parti le Front National offre une politique à double message étant donné que le parti mise sur la fermeture des frontières au sens économique et social tout en affirmant que l’aide sociale pour les Français est une bonne chose.

Selon M. Cautrès, il y a rarement eu autant d’incertitude avant le premier tour de l’élection présidentielle. Il a donné trois raisons expliquant cette incertitude :

  • la faible proportion des Français qui voteront, les enquêtes d’opinion en ligne estiment que l’abstention jouera un rôle décisif dans l’élection;
  • l’indécision et la fluidité de certains électorats comme ceux penchant pour les candidats Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon;
  • la proportion de l’électorat de droite qui n’acceptera pas de perdre les élections.

Il a ajouté qu’il est exceptionnel qu’Emmanuel Macron ait réussi à devenir le candidat favori alors qu’il était un inconnu il y a 12 à 18 mois. L’électorat pourrait, selon lui, pencher vers Le Pen, car bien que les deux présidents de la République précédents étaient différents, certains problèmes persistent en France et il y a un clivage entre la gauche et la droite française.

M. Moreau Defarges a expliqué que depuis 1950 la France éprouve certaines difficultés avec l’Europe et que des signes de dégradation concernant les élections sont visibles depuis plusieurs années. Il a poursuivi en parlant de trois candidats aux élections présidentielles qu’il dit trouvé surprenants, à savoir Nathalie Arthaud du mouvement Lutte ouvrière, François Asselineau de l’Union populaire républicaine et Jacques Cheminade du mouvement Solidarité et progrès.

En réponse à une question de M. Cannon concernant la présence de leadership et de pragmatisme en France, M. Moreau Defarges a affirmé que la campagne électorale française était dépourvue de leader naturel. M. Cautrès a souligné que les questions liées aux finances publiques n’ont aucunement été abordées durant la campagne électorale alors que le président sortant François Hollande était le premier à dire à son parti de réduire le déficit.

En outre, en réponse à des délégués, M. Cautrès a affirmé que la France a plusieurs « jeunesses » et que celle ne possédant aucun diplôme avait tendance à voter pour Marine Le Pen. Il a ajouté que les jeunes ont tendance à moins voter et que certains votent la première fois, mais ne récidive pas par la suite. Concernant le parallèle que certains font entre le premier ministre canadien et Emmanuel Macron, il a indiqué qu’ils se ressemblent sur quelques points, dont leur côté pragmatique. Selon lui, la France se doit d’innover davantage et doit réformer son système de transport. Il a également dit que les élections de 2017 sont sous le thème de la nouveauté, et ce, notamment en raison du fait que plusieurs députés connus ne se représenteront pas. Selon lui, peu importe les résultats, il y aura d’importants changements au lendemain des élections.

Concernant les médias sociaux, M. Cautrès a indiqué que ceux-ci jouent un rôle dans la campagne électorale. Il a donné l’exemple de l’hologramme qu’a utilisé Jean-Luc Mélenchon pour tenir deux réunions publiques simultanées dans deux villes différentes le 5 février 2017. Selon lui, ce candidat intéresse beaucoup les jeunes même s’il est le plus âgé.

Concernant les pronostics, M. Moreau Defarges a prédit qu’Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’affronteraient au deuxième tour de l’élection présidentielle, alors que M. Cautrès a dit qu’il ne pouvait exclure aucun scénario en ajoutant qu’Emmanuel Macron serait positif pour l’UE. Il a toutefois dit qu’il serait impossible que Benoît Hamon remporte l’élection et que Marine Le Pen pourrait gagner si les trois conditions suivantes étaient réunies : l’obtention de résultats très forts pour le Front National au premier tour, un taux d’abstention élevé au sein de l’électorat et un duel entre Marine Le Pen et François Fillon au deuxième tour.

En conclusion, les délégués ont grandement apprécié leur rencontre avec les analystes et leur ont exprimé leurs remerciements pour l’entretien de même qu’à l’ambassadeur et à son équipe pour l’organisation.

AUTRES ACTIVITÉS

A. Contexte   

Durant leur visite à Marseille et Paris, les délégués ont également profité de l’occasion pour visiter certains des attraits culturels et touristiques de ces deux villes, à savoir le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le quartier le Panier de Marseille, l’île Ratonneau de l’archipel des îles Frioul et le Musée du Louvre. De plus, ils ont eu le privilège de rencontrer le maire de la ville de Marseille et de dîner à la résidence officielle de l’ambassadeur du Canada en France.

B. Visites de sites et rencontre   

1. Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée   

En lien avec le thème de l’immigration, les délégués ont visité, le 10 avril 2017, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée afin de mieux comprendre l’histoire entourant l’immigration dans cette région.

Ce musée national, appuyé par le ministère de la Culture et des Communications et dont les collections sont composées d’un million d’œuvres et d’objets traditionnels, a ouvert en juin 2013 dans le cadre de la désignation de Marseille comme Capitale européenne de la Culture pour l’année 2013 sur le site d’un ancien fort, le fort Saint-Jean. Il est le premier musée national consacré aux civilisations de Méditerranée pour le XXIe siècle et est réparti sur trois sites :

  • le J4, un nouveau bâtiment construit sur l’ancien môle portuaire J4, comprend deux expositions, soit La Galerie de la Méditerranée présentant les principales étapes des civilisations de cette région et une exposition temporaire;
  • le fort Saint-Jean, un monument historique datant du XIIe qui a été restauré et qui est relié au J4 au moyen d’une passerelle au-dessus de la mer offrant un panorama sur celle-ci;
  • le Centre de conservation et de ressources, qui, comme son nom l’indique, est le lieu de conservation des collections du musée et qui comprend des espaces ouverts au public, dont des réserves accessibles, un espace de documentation et de consultation et un lieu d’expositions temporaires.

Les délégués ont visité avec une guide du musée La Galerie de la Méditerranée, soit la collection permanente du musée, qui raconte l’évolution des sociétés de la région méditerranéenne sous les quatre thèmes suivants : l’agriculture, les religions monothéistes (le christianisme, le judaïsme et l’islam), la citoyenneté et les grandes découvertes.

À la fin de la visite, les délégués ont chaleureusement remercié la guide du musée pour ses explications entourant l’histoire de la Méditerranée et les nombreux objets présentés.

2. Le quartier Le Panier de Marseille   

Le 11 avril 2017, les délégués ont visité certains quartiers de la ville de Marseille accompagnés de Corinne Semercyian, guide touristique.

Mme Semercyian a d’abord expliqué l’origine de l’hôtel Intercontinental de Marseille qui a été construit en 1188 et avait au départ la vocation d’hôpital pour soigner les malades et accueillir les enfants abandonnés. Il est ensuite devenu l’Hôtel‑Dieu en 1753 et a été reconstruit par Napoléon III dans le milieu des années 1800. Il a été un hôpital jusqu’en 2006, année où il a fermé ses portes. La ville de Marseille en a fait l’acquisition en 2007 et l’hôtel a officiellement ouvert en 2013. Selon Mme Semercyian, quelque 100 millions d’euros ont été investis pour transformer l’ancien hôpital en un luxueux hôtel.

Elle a ensuite parlé de l’histoire de la ville de Marseille, à savoir la plus vieille ville de France fondée par des marins grecs 600 ans avant J.-C. Marseille, qui s’appelait à ses origines Massalia, était avant tout une ville portuaire. Ce sont les Grecs qui ont apporté certains produits comme les vignes et les oliviers à Marseille. Elle a ajouté que l’agglomération de Marseille compte une population s’élevant à 1,1 million de personnes et qu’elle est trois fois plus grande que la ville de Paris en superficie. Selon elle, le port de Marseille agit comme moteur économique de la région et est un lieu patrimonial où se déroulent des activités touristiques.

Elle a montré la Basilique Notre-Dame de la Garde qui fait face à l’hôtel Intercontinental et est jonchée sur la Colline de la Garde. Celle-ci est appelée par les Marseillais la « Bonne mère » parce qu’elle veille sur eux ainsi que sur les marins et les pêcheurs.

Par la suite, les délégués se sont rendus dans le quartier Le Panier, situé derrière l’hôtel de ville. Ce quartier constitue le cœur historique de Marseille et son nom proviendrait de l’enseigne d’une auberge installée au XVIIe qui s’appelait « Le logis du Panier ». Mme Semercyian a expliqué qu’une partie du quartier a été démoli au cours de l’hiver 1943 sous l’ordre des autorités allemandes sous le prétexte qu’il y avait de la résistance dans la ville. De plus, 50 000 Marseillais ont été déplacés dans des camps de concentration. Elle a ajouté que, durant le XIXe siècle, Marseille a subi des vagues d’immigration en commençant par les Italiens puis les Algériens et les Arméniens se sont déplacés à Marseille. La communauté corse venait aussi travailler à Marseille. Selon Mme Semercyian, la ville compte aujourd’hui 70 consulats. La ville de Marseille avec l’aide de la Commission européenne a entrepris la réhabilitation du quartier Le Panier depuis 1983.

Enfin, les délégués se sont rendus à la Vieille Charité qui était un ancien asile inspiré de l’art baroque situé dans quartier Le Panier. Mme Semercyian a expliqué que l’édifice a été construit entre 1671 et 1745 pour enfermer les mendiants. Cet édifice a été conçu par Pierre Puget, qui venait du quartier et qui était l’architecte du roi Louis XIV, pour enfermer les mendiants. Aujourd’hui, l’édifice accueille des institutions culturelles.

3. L’île Ratonneau   

Toujours le 11 avril 2017, les délégués se sont rendus en bateau en compagnie de Mme Semercyian pour visiter l’île Ratonneau, qui est l’une des quatre îles de l’archipel des îles Frioul. Ces îles d’une superficie de 200 hectares sont situées à proximité de la ville de Marseille et rattachées à celle-ci. Mme Semercyian a expliqué que le nom Frioul provient d’un terme latin qui signifie le passage et évoque le passage naturel qui existe entre les îles.

Mme Semercyian a expliqué que l’archipel était un terrain militaire du ministère de la Défense jusqu’aux années 1970. C’est en 1974 que le maire de Marseille, Gaston Defferre, rachète les îles et décide d’en faire un nouveau quartier de la ville capable d’accueillir 1 500 habitants muni d’un port. Selon Mme Semercyian, l’archipel compte aujourd’hui 150 habitants.

Elle a ensuite expliqué la formation géologique qui a mené aux calanques que l’on retrouve sur l’île Ratonneau et à proximité de Marseille. Puis, elle a parlé du port de Marseille en précisant qu’il est le plus grand de France et le deuxième en importance en Méditerranée après le port d’Alger.

Enfin, en guise de remerciement, les délégués ont invité Mme Semercyian à déjeuner avec eux et ont profité de l’occasion pour poursuivre la discussion sur l’historique de la ville.

4. Musée du Louvre   

Le 13 avril 2017, les délégués se sont entretenus avec Serge Leduc, directeur de l’accueil du public et de la surveillance, et Nicolas Feau, conseiller auprès du président- directeur du Musée du Louvre de Paris, sur la question de la sécurité du musée. Cette rencontre fait suite aux thèmes entourant la sécurité qui ont été étudiés lors des deux précédentes réunions annuelles de l’AICF, soit la 43e réunion qui a eu lieu en 2015 à Paris et dans le département du Pas‑de‑Calais et la 44e réunion qui s’est tenue en Colombie‑Britannique en 2016.

Le Louvre, un ancien palais des rois, est le musée le plus visité au monde avec près de 10 millions de visiteurs en 2012. Il a été construit en 1793 comme un musée universel. Ses collections « figurent parmi les plus belles au monde, couvrent plusieurs millénaires et un territoire qui s’étend de l’Amérique aux frontières de l’Asie » et sont « [r]éparties en huit départements, elles contiennent des œuvres universellement admirées, comme La Joconde, la Victoire de Samothrace ou la Vénus de Milo[43] ».

Le 3 février 2017, un Égyptien de 29 ans, inconnu des services du renseignement français, a blessé des militaires à l’entrée de la galerie Carrousel du Louvre au moyen de deux machettes. Il serait arrivé en France le 26 janvier 2017 en provenance de Dubaï après l’obtention d’un visa[44].

Après avoir visité certaines des plus populaires galeries du musée, les délégués ont discuté de la sécurité du musée. M. Leduc a tout d’abord expliqué que le Louvre se doit d’appliquer les mesures développées par le gouvernement français et que chaque ministère, y compris le ministère de la Culture et des Communications responsable du musée, a de hauts fonctionnaires responsables de la défense et la sécurité. Ainsi, ce sont ces hauts fonctionnaires qui donnent les instructions relatives à la sécurité. À la suite de l’attaque de février 2017 au Louvre, des mesures de sécurité additionnelles ont été déployées comme le déplacement des files d’attente afin de les éloigner de la circulation et l’ajout de blocs de béton sur le terrain du musée pour éviter que des camions ou des véhicules puissent y circuler.

M. Leduc a aussi expliqué que le musée a dû organiser un plan de confinement dans le bâtiment en cas d’attaques extérieures ainsi qu’un plan d’évacuation en cas d’attaques à l’intérieur du musée. Ainsi, une douzaine de zones de confinement ont été établies pour accueillir 5 000 personnes, car le musée peut contenir jusqu’à 5 000 visiteurs en même temps en plus de ses 250 employés. Ces zones doivent disposées des quatre éléments suivants : des espaces sanitaires et un point d’eau, des fermetures mécaniques résistantes, un moyen de liaison par fil comme un téléphone et une issue de secours protégée.

Concernant l’attaque du 3 février 2017, M. Leduc a indiqué qu’au moment de l’attaque, il y avait près de 1 400 visiteurs dans le musée. Selon lui, le confinement s’est fait rapidement et tout le monde a bien réagi. L’assaillant a été neutralisé par les militaires qu’il a attaqués au moyen de deux machettes. Il a ajouté que c’est par hasard que l’assaillant s’est retrouvé devant trois militaires et que le militaire blessé a survécu.

En réponse à une question d’un délégué, M. Leduc a expliqué que le musée n’a pas changé ses mesures de sécurité à la suite de cette attaque parce que la sécurité de cette zone située avant la zone commerciale n’est pas assurée par le Louvre. Il a toutefois ajouté que le musée a la capacité de détecter des armes de poing comme les pistolets.

En outre, M. Leduc a expliqué que le gouvernement français a donné de nouvelles instructions relatives à la sécurité aux responsables de ses institutions depuis novembre 2015. Il a poursuivi en disant qu’en raison des attentats, c’est la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale qu’il y a autant de morts en France et que la population française est en état de choc face à toute cette violence.

En réponse à une autre question d’un délégué, M. Leduc et M. Feau ont indiqué que le musée n’avait pas offert de séances de soutien psychologique à ses employés à la suite de l’attaque de février 2017 puisque ceux-ci n’ont pas été confrontés ou impliqués dans l’attaque. Ils ont cependant dit que le musée est doté de deux médecins et d’une psychologue au service des employés.

Sur le plan de la sécurité entourant les œuvres d’art, M. Leduc a soutenu que les 14 km de galeries ouvertes au public sont surveillées par 430 à 440 agents de sécurité quotidiennement. En plus de la sécurité, ces agents sont formés pour aider les visiteurs qui ont perdu leur groupe à le retrouver. Les œuvres d’art sont munies de systèmes de détection de choc et de mouvement et un total de six rondes par heure est effectué jour et nuit dans le musée afin de vérifier la présence des œuvres. En ce qui concerne les œuvres dans la réserve du musée, les délégués ont été étonnés d’apprendre que leur présence n’est vérifiée qu’au dix ans.

Enfin, les délégués ont tenu à remercier M. Leduc et M. Feau pour la visite des galeries et leurs explications concernant la sécurité des visiteurs et des œuvres du Louvre.

5. Rencontre avec le maire de Marseille    

Le 10 avril 2017, les délégués ont été reçus à la mairie de Marseille et y ont rencontré Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, sénateur des Bouches-du-Rhône et vice-président du Sénat, et Jean Roatta, adjoint au maire, délégué aux Relations internationales et à la Coopération euro‑méditerranéenne et Conseiller métropolitain.

À la suite d’un tour de table où les délégués canadiens et français se sont présentés, M. Gaudin a parlé des liens entre Marseille et le Canada et s’est dit enchanté de recevoir les délégués et leur a souhaité la bienvenue dans sa ville. Il a indiqué avoir, dans le passé, reçu le président de la Chambre des communes, Geoff Regan, et le président de l’Assemblée nationale du Québec, Jacques Chagnon. Il a ajouté avoir visité la ville de Montréal et que ce voyage lui avait beaucoup plu. Il a dit avoir invité le maire de la ville de Montréal, Denis Coderre, à participer aux festivités entourant la fête nationale de la République française le 14 juillet 2017. En outre, M. Roatta a indiqué qu’il se déplacera à Montréal du 20 au 22 juin 2017 pour participer au congrès de l’Association internationale des maires francophones. Il a poursuivi en disant que Marseille reçoit beaucoup de délégations et que la ville s’apprête à signer un partenariat avec la ville de Miami en Floride.

Mme Coutelle a expliqué le rôle de l’AICF qui vise, entre autres, à permettre aux parlementaires français et canadiens d’échanger sur les politiques publiques de leur pays. Elle a ajouté que la 45e réunion annuelle de l’AICF se déroule en partie à Marseille afin d’étudier l’immigration et l’intégration des immigrants.

Les délégués ont appris que Marseille a 26 siècles d’existence. M. Gaudin a expliqué que la construction de l’Hôtel de Ville a duré vingt ans, de 1653 à 1673, et qu’elle a été réalisée par un architecte italien selon les plans de Mathieu Portal et Gaspard Puget, le frère de Pierre Puget. Il a poursuivi en disant que le roi Louis XIV a fait construire deux forts à l’entrée du port de Marseille, soit le fort Saint-Jean et le fort Saint-Nicolas, et que ces deux fortifications n’étaient auparavant pas ouvertes au public.

Sur la question de l’intégration des immigrants, M. Gaudin a expliqué que Marseille était une ville cosmopolite et d’accueil historique de populations immigrées. Elle comporte aujourd’hui 300 000 habitants de confession musulmane, 80 000 de confession juive, 80 000 personnes d’origine arménienne et 70 000 personnes d’origine corse. Il a poursuivi en disant que beaucoup de familles marseillaises vivent en situation de précarité économique et que 53 000 enfants doivent recourir à la cantine pour se nourrir. Selon lui, Marseille est un port avant tout et il a soutenu avoir essayé de transformer la ville, mais que cela était très difficile. Il a néanmoins dit avoir développé le tourisme, ce qui a fait reculer le chômage, et que quelque deux millions de passagers de croisiéristes visitent Marseille chaque année.

En réponse à une question d’un délégué concernant la réputation de la ville, M. Gaudin a expliqué qu’après la Deuxième Guerre mondiale, la ville a été reconstruite rapidement et que certains édifices se sont dégradés avec le temps. Il a ajouté que la ville compte de nombreux immigrants et qu’une certaine partie de la population s’oppose à l’immigration. De plus, en raison du port, il a un important réseau de trafic de drogues et d’armement dans la ville, ce qui engendre des règlements de compte. Pour pallier ces défis, M. Gaudin a précisé que la police municipale est armée.

M. Gaudin a indiqué qu’avec l’entrée en vigueur en 2017 de la Loi du 14 février 2014 qui vise à interdire le cumul des mandats, c’est-à-dire d’interdire à un parlementaire d’exercer simultanément une fonction de maire ou de maire-adjoint, il allait quitter le Sénat après 28 ans et avait choisi de demeurer à la mairie de Marseille. Il a remercié les délégués pour leur visite et s’est dit heureux de les avoir rencontrés.

Enfin, M. Paradis a tenu à offrir, au nom de tous les délégués, des remerciements à M. Gaudin et à M. Roatta pour leur accueil et l’entretien.

6. Dîner à la résidence officielle de l’ambassadeur du Canada en France   

Le 12 avril 2017, les délégués ont été reçus par Son Excellence Monsieur Lawrence Cannon, ambassadeur du Canada en France, à sa résidence officielle pour le dîner. Afin de souligner la fin d’un chapitre de l’histoire de l’AICF avec le départ à la retraite de Mme Coutelle, les anciens membres français de l’AICF ont également été invités.

M. Cannon a souhaité la plus cordiale des bienvenues aux membres présents et passés de l’AICF tout en précisant qu’ils ont été des acteurs clés des relations entre les deux pays et que les activités de l’AICF ont contribué à la solidité de ces relations. Il a remercié l’ensemble des délégués pour leur travail assidu au développement des relations entre le Canada et la France et a également offert des remerciements au personnel travaillant auprès de l’AICF.

Mme Coutelle a tenu à saluer ses prédécesseurs et prédécesseures en soulignant que leur travail a assuré la continuité de l’AICF. Elle a poursuivi en disant que depuis les dernières élections canadiennes, il y avait de nouveaux membres du côté canadien et que ceux-ci avaient assisté à deux réunions publiques avec deux candidats aux présidentielles françaises et a remercié le personnel de l’ambassade d’avoir organisé ces rencontres. Puis, elle a soutenu que les deux thématiques à l’étude durant cette réunion annuelle étaient deux sujets passionnants, à savoir l’intégration des immigrants et l’impact de l’AECG sur le secteur agricole et agroalimentaire. Elle a aussi parlé de l’importance de l’amitié franco-canadienne qui existe depuis de nombreuses années et a remercié l’ambassade pour son accueil. Finalement, elle a remis à tous les invités un document intitulé Bilan de l’activité de l’AICF sous la XIVe législature, et a remercié les deux parlements pour leur soutien.

M. Paradis a pris la parole et a tout d’abord chaleureusement remercié l’ambassadeur pour son accueil. Il a dit que les membres de l’AICF apprécient grandement sa volonté de poursuivre les rencontres amicales avec l’ambassade du Canada en France. Il a souligné le travail exceptionnel et l’engagement envers l’AICF de Mme Coutelle, qui prendra sa retraite cette année. Il a dit avoir aimé travailler avec elle et être très reconnaissant du dévouement dont elle a fait preuve envers le renforcement de la collaboration entre le Canada et la France par l’entremise de sa contribution à l’AICF. Il a ensuite ajouté qu’elle serait toujours la bienvenue au Canada. Enfin, il a tenu à saluer les prédécesseurs de l’AICF.

CONCLUSION

La 45e réunion annuelle de l’AICF a été comme à l’habitude un très grand succès. Les réunions de travail ont donné l’occasion aux délégués d’échanger et d’en apprendre davantage sur les perspectives respectives des deux pays en ce qui concerne les thématiques étudiées. De plus, les délégués ont pu renforcer leurs connaissances et apprécier les enjeux et défis en rencontrant des experts dans les domaines étudiés lors des visites de sites et des nombreux entretiens. Les délégués estiment cependant qu’un travail important au Canada et en France reste à faire en matière d’intégration des immigrants et vont poursuivre leur travail respectif relativement à l’AECG.

Les délégués ont saisi l’occasion pour souligner le départ de Mme Coutelle. La sénatriceLepage a dit que ce départ était la fin d’un cycle et a remercié Mme Coutelle pour sa contribution à l’avancement de l’AICF. Puis, la sénatrice Tardif a également offert des remerciements à Mme Coutelle. Elle a dit avoir eu le privilège de travailler avec elle, et ce, pendant plus de dix ans, dont cinq en tant que coprésidente. Elle a mentionné en garder des souvenirs très précieux. Selon elle, Mme Coutelle s’est totalement dévouée au succès de l’AICF et à connaître non seulement le Canada, mais également la francophonie canadienne d’un océan à l’autre. Elle l’a remerciée d’avoir compilé un bilan des activités des dernières années de l’AICF et a conclu en disant qu’elle a fait avancer la relation entre le Canada et la France tout en dirigeant l’AICF avec doigté.

Enfin, les membres de deux délégations ont tenu à exprimer leurs remerciements envers les fonctionnaires des parlements français et canadien pour leur soutien aux activités de l’AICF tout en soulignant leur sens du professionnalisme et leur bon travail.

Respectueusement soumis,
L’hon. Denis Paradis, C.P., député
Président, Association interparlementaire Canada-France




[2] Statistique Canada, 150 ans d’immigration au Canada, 29 juin 2016.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[6] Ces pays sont : l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni.
[7] Gouvernement du Canada, « Section 3 : Partenaires fédéraux-provinciaux-territoriaux », dans Rapport annuel au Parlement sur l’immigration, 2016.
[9] Le Québec doit accueillir un pourcentage fixe du nombre total de réfugiés accueillis par le Canada.
[11] Ibid.
[12] Pour plus de renseignements, voir Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), « 2.3 Qui peut présenter une demande de parrainage privé? », dans Guide du Programme de parrainage privé de réfugiés – 2. Programme de parrainage privé de réfugiés.
[13] Gouvernement du Canada, « Appendice A – Lignes directrices financiers [sic] », dans Guide de demande de parrainage privé de réfugiés (IMM 5413).
[14] Le Québec dispose d’un programme similaire d’embauche de travailleurs étrangers temporaires. Pour plus de renseignements, voir Gouvernement du Québec, Immigration, Diversité et Inclusion, Embaucher un travailleur étranger temporaire.
[16] Les 28 pays de l’Union européenne (UE) sont : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède. Il est à noter que le Royaume-Uni a voté en faveur de la sortie du pays de l’Union européenne le 23 juin 2016 et des démarches en ce sens pour réaliser ce souhait sont en cours.
[17] Frontex est l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes et a pour rôle d’aider « les États membres de l’UE et les pays associés à l’espace Schengen à gérer leurs frontières extérieures. Elle contribue également à harmoniser les contrôles aux frontières au sein de l’UE. Elle facilite la coopération entre les autorités de surveillance des frontières dans les différents pays de l’UE, en leur fournissant une expertise et un soutien technique. » Pour plus d’information, voir Union européenne, Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex).
[18] L’espace Schengen est composé de 26 pays européens dont 22 sont membres de l’UE : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la France, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays‑Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, et la Suède, ainsi que l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. Pour plus de renseignements, voir Commission européenne, Une Europe sans frontières : L’espace Schengen.
[20] Le terme « Roms » utilisé au Conseil de l’Europe désigne les Roms, les Sintés (Manouches), les Kalés (Gitans) et les groupes de population apparentés en Europe, dont les Voyageurs et les branches orientales (Doms, Loms); il englobe la grande diversité des groupes concernés, y compris les personnes qui s’auto-identifient comme « Tsiganes » et celles que l’on désigne comme « Gens du voyage ». Pour plus de renseignements, voir Conseil de l’Europe, Glossaire terminologique raisonné du Conseil de l’Europe sur les questions roms, 18 mai 2012.
[21] Gouvernement de la République française, Ministère de l’Intérieur, Immigration, asile, accueil et accompagnement des étrangers en France, L’immigration professionnelle: Le passeport-talent, 10 novembre 2016.
[22] Agriculture et Agroalimentaire Canada, Vue d’ensemble du système agricole et agroalimentaire canadien 2016, avril 2016, p. 7.
[23] Ibid., p. 7, 8 et 33.
[24] Agriculture et Agroalimentaire Canada, Faire des affaires en Europe.
[27] Chambre des communes, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, L’agriculture canadienne et l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, 2e session, 41e législature, décembre 2014, p. 4 à 5.
[28] Ibid.
[29] Ibid., p. 5
[31] Chambre des communes, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages, 2e session, 41e législature, 11e réunion, 10 décembre 2013, 1540 (Dan Paszkowski, président et chef de la direction, Association des vignerons du Canada).
[32] La gestion de l’offre est :
un moyen pour les producteurs agricoles canadiens – plus précisément ceux de produits laitiers, avicoles ou ovocoles – de contrôler, par l’intermédiaire des offices de commercialisation, l’offre ou la quantité de leurs produits commercialisés. Pour avoir le droit de commercialiser sa production, l’agriculteur doit détenir un permis – communément appelé “quota” – sans lequel il ne pourra pas vendre ses produits à une usine de transformation.
Pour plus de renseignements, voir : Khamla Heminthavong, Le mécanisme de la gestion de l’offre au Canada, publication no 2015-138-F, Ottawa, Service d’information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 17 décembre 2015, p. 1.
[33] Chambre des communes, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, L’agriculture canadienne et l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, 2e session, 41e législature, décembre 2014, p. 8.
[34] Ibid.
[35] L’« indication géographique protégée » de l’Union européenne est une étiquette de qualité attestant « les traditions et qualités spécifiques des produits alimentaires et agricoles, des vins, des boissons spiritueuses et des vins aromatisés produits dans l’Union européenne (UE) ou dans d’autres pays ». Cette indication a un lien spécifique avec la région d’où provient le produit et est utilisée pour les produits alimentaires, les vins et les boissons spiritueuses et les vins aromatisés. Pour plus de renseignements, voir : Commission européenne, Agriculture et développement rural, Politique de qualité : Labels de qualité de l’UE.
[36] Commission européenne, L’AECG – Synthèse des résultats définitifs des négociations, février 2016, p. 17.
[37] Ibid., p. 5.
[39] Parlement européen, CETA : le Parlement adopte l’accord commercial UE-Canada, communiqué, 15 février 2017.
[40] Le projet de loi C-30 a reçu la sanction royale le 16 mai 2017.
[41] Le poids équivalent carcasse « fait référence à un animal non désossé, tandis que le poids du produit correspond à un animal désossé ». Pour plus d’information, voir Commission européenne, L’AECG – Synthèse des résultats définitifs des négociations, février 2016, p. 6.
[42] 4 pour 1000: Les sols pour la sécurité alimentaire et le climat, Comprendre.