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Rapport
Introduction
Une délégation canadienne a participé à la réunion parlementaire organisée par l’Union interparlementaire (UIP) en collaboration avec ONU Femmes, l’entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, à l’occasion de la 60e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW ONU). Cette réunion s’est tenue le 15 mars 2016 au siège de l’ONU, à New York. Des parlementaires de parlements nationaux et régionaux, ainsi que des représentants de gouvernements et d’organisations internationales y ont participé.
Ordre du jour[1]
Pour sa réunion, l’UIP a choisi pour thème Légiférer pour l’autonomisation des femmes et le développement durable, lequel s’inscrit dans le cadre du thème prioritaire de la CSW ONU pour la 60e session, soit l’Autonomisation des femmes et lien avec le développement durable. Le thème de la réunion de l’UIP se déclinait en trois volets : 1) L’état des lois discriminatoires dans le monde; 2) Le pouvoir des parlements dans la lutte contre les lois discriminatoires; 3) Les défis en matière d’application, de mise en œuvre et de contrôle. Cette réunion a donné aux parlementaires canadiens l’occasion d’en savoir plus sur les lois discriminatoires toujours présentes dans le monde, et sur les efforts déployés par les autres pays, ONU Femmes et l’UIP en vue de lutter contre cette forme de discrimination et de recourir à la voie législative pour l’autonomisation des femmes.
Délégation canadienne
La délégation canadienne se composait des parlementaires suivants :
- L’honorable Yonah Martin, sénatrice
- Mme Pamela Damoff, députée
- Mme Sheila Malcolmson, députée
La délégation était accompagnée de Mme Laura Munn-Rivard, analyste à la Division des affaires juridiques et sociales de la Bibliothèque du Parlement.
Ouverture
Mme M. Mensah-Williams, présidente du Conseil national de Namibie et présidente du Comité de coordination des femmes parlementaires de l’UIP, a ouvert la réunion. Après avoir souhaité la bienvenue aux participants, elle a souligné la collaboration constante entre l’UIP et ONU Femmes. Mme Mensah-Williams a fait valoir que c’est aux parlementaires qu’il incombe de relever le défi qui consiste à légiférer pour garantir l’autonomisation des femmes. Selon elle, plus de 150 pays comptent au moins une mesure législative discriminatoire à l’égard des femmes. Elle a fait part de quatre points qu’elle juge essentiels pour s’attaquer aux lois discriminatoires : 1) les parlementaires ont des comptes à rendre sur les droits des femmes; 2) les lois justes doivent être assorties de stratégies visant à promouvoir l’égalité et l’autonomisation des femmes dans la société; 3) l’égalité des sexes est du ressort des hommes comme des femmes; 4) l’égalité des sexes est la condition préalable à la fin d’autres inégalités.
M. Y. Glemarec, Sous-Secrétaire général des Nations Unies et Directeur exécutif adjoint aux politiques et programmes d’ONU Femmes, a reconnu l’importance des lois pour l’autonomisation des femmes à l’échelle mondiale. Il a salué l’inclusion d’un objectif visant précisément l’égalité des sexes dans le nouveau Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, ainsi que l’inclusion de l’égalité des sexes dans les 16 autres objectifs. M. Glemarec a expliqué qu’on ne peut instaurer un avenir durable que si toutes les formes de discrimination et de violence envers les femmes et les filles sont éliminées et que ces dernières jouissent de chances égales dans tous les aspects de la vie. Pour atteindre cet objectif, il a recommandé aux parlementaires de nouer le dialogue avec les organisations de femmes de la société civile, de veiller à la collecte de données ventilées par sexe et d’intégrer pleinement les préoccupations liées à l’égalité des sexes dans les budgets et les lois. Pour conclure, M. Glemarec a rappelé aux participants que les parlementaires peuvent agir en tant que principaux agents du changement.
La suite de la réunion s’est déroulée sous la présidence de Mme M. Mensah-Williams et Mme J. Taylor Kennedy, du Carnegie Council for Ethics in International Affairs, a agi à titre de modératrice.
Session 1 : L’état des lois discriminatoires dans le monde
La première session, qui avait pour thème L’état des lois discriminatoires dans le monde, portait sur les cadres juridiques discriminatoires qui présentent un obstacle majeur à l’atteinte de l’égalité, minent les efforts en matière de développement et limitent le bien-être de toutes les personnes, c’est-à-dire des hommes et des femmes.
Mme Y. Hayashi, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, a parlé des difficultés d’amener les États à signer et à ratifier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), un traité international pour les droits des femmes adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1979. Elle a expliqué que la ratification de la Convention doit être précédée de changements sociaux à l’égard de l’égalité des sexes dans les pays concernés, et que l’ONU et la communauté internationale sont en mesure de donner l’impulsion aux mouvements locaux pour instaurer ces changements. Grâce à l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, et en particulier de l’objectif visant l’égalité des sexes, la volonté de remédier aux inégalités touchant les femmes gagne du terrain dans la société. Par conséquent, Mme Hayashi a invité les parlementaires à unir leurs efforts pour promouvoir la CEDAW.
M. A. Lopez-Claros, Directeur du Groupe des indicateurs mondiaux, Économie du développement, Groupe de la Banque mondiale, a commencé son exposé en soulignant l’effet positif que peuvent avoir les lois pour faire progresser l’égalité des femmes. À cet égard, il a précisé que l’espérance de vie des femmes est plus élevée dans les pays bénéficiant d’une protection juridique contre la violence domestique, et que 46 pays ne disposent toujours pas de mesure législative en ce sens.
M. Lopez-Claros a parlé de l’importance que des femmes occupent des postes décisionnels. Reconnaissant que l’imposition de quotas de représentation des femmes soulève la controverse, M. Lopez-Claros a tout de même déclaré que les pays qui en imposent au sein de leur assemblée législative ont aussi tendance à afficher des taux plus élevés de participation des femmes au marché du travail, et à bénéficier d’une meilleure allocation des ressources dans les régions socialement défavorisées. De plus, les données indiquent que les conseils d’administration où le taux de participation des femmes est plus élevé sont moins vulnérables aux cas de fraude et de mauvaise gestion, et qu’ils jouissent d’une plus grande stabilité financière.
M. Lopez-Claros a ajouté que les hommes ont semé la pagaille dans le monde, et que le moment est venu d’autonomiser les femmes pour qu’elles participent à la gestion du monde et de ses économies. Pour conclure, il a recommandé que les pays donateurs rendent l’aide financière qu’ils accordent à d’autres pays conditionnelle à la présence de dispositions sur l’égalité des sexes dans leurs lois.
Mme Y. Hassan, directrice globale d’Égalité maintenant, a indiqué que son organisation a relevé quatre types de lois discriminatoires à l’égard des femmes, à savoir les lois portant sur le statut économique (droits de succession et de propriété), le statut personnel (droits de voyager, de voter, de témoigner), le régime matrimonial (droit de contracter mariage et de divorcer, obéissance de l’épouse, garde), et la violence envers les femmes (lois qui n’érigent pas en crimes le meurtre d’une épouse, la violence domestique ou le viol conjugal). Mme Hassan a fait valoir que ces lois peuvent avoir de graves répercussions. En guise d’exemple, elle a raconté l’histoire d’une Libanaise vivant au Liban qui n’a pas pu obtenir la citoyenneté libanaise pour son mari égyptien et leur fille en raison d’une loi sur la nationalité discriminatoire à l’égard des femmes. Par conséquent, cette femme et sa famille ont vécu dans la pauvreté, car elle était seule à pouvoir subvenir à leurs besoins, et sa fille a été mariée à un jeune âge.
Pour s’attaquer aux lois discriminatoires, Mme Hassan a dit que les parlementaires doivent collaborer avec la société civile afin d’instaurer un changement au sein d’un pays, d’autant plus que la culture et les traditions servent souvent à opprimer les femmes. Lorsque les gouvernements créent une mesure législative qui autonomise les femmes, celle-ci doit s’accompagner de campagnes de sensibilisation lancées par la société civile.
Pour conclure, Mme Hassan a expliqué que la paix et l’égalité des sexes sont indissociables et que, pour faire face aux dangers du monde d’aujourd’hui, les parlementaires auraient tout avantage à axer leurs efforts sur la promotion de l’égalité.
Mme B. Duncan, Conseillère juridique et constitutionnelle, Leadership et gouvernance à ONU Femmes,a parlé de la base de données sur les dispositions constitutionnelles concernant l’égalité des sexes d’ONU Femmes, qui recueille l’ensemble des dispositions constitutionnelles à cet égard dans les divers pays du monde. Elle a expliqué qu’à terme, la base de données tiendra compte de l’évolution de ces textes législatifs au fil du temps, ce qui permettra aux utilisateurs de voir les révisions et les modifications qui y sont apportées.
S’il est vrai que 192 des 194 constitutions comportent des dispositions sur l’égalité des sexes et la non‑discrimination, Mme Duncan a tout de même précisé que ces engagements ne sont pas respectés et qu’ils n’entraînent pas l’égalité réelle. Selon elle, le droit de la famille est le plus difficile à changer, car il tire ses origines dans la religion et la culture.
Après ces exposés, les délégués ont participé à un débat ouvert sur le thème examiné.
Mme Sheila Malcolmson, députée, a reconnu que, par comparaison avec bien des pays, le Canada fait bonne figure au chapitre de l’égalité des femmes, qui est en général bien protégée par les lois canadiennes. Elle a toutefois fait part d’obstacles à l’égalité auxquels se heurtent certaines Canadiennes.
Mme Malcolmson a expliqué que les Canadiennes ont eu à contester des lois discriminatoires devant les tribunaux pour garantir un changement. En guise d’exemple, elle a mentionné une contestation judiciaire de près de 30 ans contre Postes Canada afin que la société d’État établisse l’équité salariale pour les femmes, au terme de laquelle la cour a tranché en faveur des employées. Mme Malcolmson a aussi donné l’exemple d’une loi discriminatoire à l’égard de certaines femmes autochtones et de leurs enfants qui les privait de leur droit au statut d’Indien au Canada. Cette disposition a été invalidée par les tribunaux.
Session 2 : Le pouvoir des parlements dans la lutte contre les lois discriminatoires
Au cours de la deuxième session, qui avait pour thème Le pouvoir des parlements dans la lutte contre les lois discriminatoires, les délégués se sont penchés sur le pouvoir des parlementaires de légiférer, de modifier et d’abroger les lois et pratiques institutionnelles en matière d’égalité des sexes et de non-discrimination. Ils ont examiné les moyens par lesquels le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies adopté récemment, et plus particulièrement l’objectif de développement durable no 5 visant à parvenir à l’égalité des sexes, pourrait appuyer les parlementaires au titre de l’autonomisation des femmes.
Mme N. Skalli, députée de la Chambre des représentants du Maroc et ancienne ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité, a parlé des améliorations récentes sur le plan de l’égalité des sexes au Maroc. Elle a souligné qu’à présent, les femmes détiennent 65 sièges au Parlement, alors qu’elles n’en détenaient qu’une poignée en 2002. Elle a expliqué l’antagonisme profond qui oppose les parlementaires désireux d’améliorer la condition de la femme en modifiant les lois discriminatoires et ceux qui affirment que, comme les lois s’inspirent de la religion, elles sont par conséquent immuables. Mme Skalli a déclaré qu’une mesure législative historique, déposée en 2003, a accordé aux femmes davantage de droits, et qu’elle a ouvert la voie à d’autres réformes législatives visant à promouvoir l’égalité des sexes. Il y a maintenant une plus grande collaboration entre les parlementaires et les organisations de la société civile, les groupes de femmes en particulier. Au titre des réformes, Mme Skalli a mentionné l’instauration de la Journée nationale de la femme marocaine, célébrée le 10 octobre, les efforts visant à intégrer les questions d’égalité des sexes dans l’élaboration des politiques publiques et le processus budgétaire, et l’adoption d’une stratégie de lutte contre la violence envers les femmes.
Pour conclure, Mme Skalli a déclaré que les femmes doivent délaisser la rivalité au profit de la solidarité et se soutenir les unes les autres pour changer le rapport de force.
Mme M. O. Emaase, députée de l’Assemblée nationale du Kenya, a parlé de son expérience à titre de membre du caucus parlementaire des femmes au Kenya. Elle a expliqué que ce caucus, établi en 2011, se compose de députées de tous les partis politiques et qu’il a contribué à ce que les femmes soient bien représentées au Parlement. Par suite de l’adoption d’une nouvelle constitution en 2010, on a procédé à certaines réformes législatives en vue d’éliminer les dispositions discriminatoires et d’autonomiser les femmes. Mme Emaase a donné comme exemple la loi kenyane sur le mariage, qui autorisait le mariage des mineurs sous réserve du consentement de leur tuteur légal, et fixe maintenant à 18 ans l’âge minimum pour se marier.
Mme Emaase a ajouté que des femmes sont à la tête de comités, qu’elles assument les fonctions de vice-présidente de l’Assemblée, et que le fait d’occuper ces postes de direction les habilite à exercer des pressions auprès de leurs collègues dans le cadre du processus législatif. De plus, leurs collègues masculins sont plus enclins à parrainer des mesures législatives qui autonomisent les femmes, ce qui entraîne davantage d’appuis parmi les parlementaires. Enfin, Mme Emaase a rappelé aux délégués l’importance de faire participer les hommes parlementaires à l’élaboration des lois sur l’égalité des sexes, pour qu’ils en comprennent les répercussions et les avantages.
M. C. Chauvel, Chef d’équipe, Processus politiques inclusifs, Bureau des politiques et de l’appui aux programmes du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a expliqué que le PNUD dépend de la collaboration et de l’échange de connaissances avec les parlementaires, et que cette pratique se révèle un moyen efficace de lever les obstacles à l’égalité des sexes qui persistent un peu partout dans le monde.
En sa qualité d’ancien député néo-zélandais, M. Chauvel a aussi parlé des obstacles à l’atteinte de l’égalité des sexes qui demeurent dans son pays d’origine. Il a dit que la Nouvelle-Zélande doit se concentrer sur les domaines suivants : 1) la lutte contre la violence domestique envers les femmes; 2) l’atteinte de l’équité salariale; 3) l’accroissement de la représentation des femmes dans les postes décisionnels; 4) le suivi de la situation des femmes handicapées; 5) l’analyse des répercussions des lois sur les femmes; 6) la création et le suivi de points de comparaison et de cibles pour l’atteinte de l’égalité des sexes; 7) l’accroissement de la sensibilisation à l’égard de la CEDAW; 8) la prise en compte des répercussions des catastrophes naturelles sur le bien-être des femmes.
M. Chauvel a expliqué que, pour être en mesure de lever les obstacles à l’égalité, les parlementaires et les intervenants ont besoin d’un meilleur système de collecte de données ventilées. Il a déclaré que la collecte de données statistiques peut être perçue comme un enjeu féministe. Selon M. Chauvel, il faut que les parlementaires s’intéressent aux bureaux de statistique de leur pays respectif, et qu’ils veillent à ce que ces bureaux disposent des ressources nécessaires à la collecte de données nationales ventilées selon des facteurs d’identité.
Après ces exposés, les délégués ont participé à un débat ouvert sur le thème examiné.
Mme Pamela Damoff, députée, a souligné que la participation des hommes est essentielle à l’atteinte de l’égalité des sexes. Elle a indiqué qu’au Canada, le premier ministre se désigne comme un féministe et qu’il a nommé un cabinet paritaire. En réaction aux propos de M. Chauvel selon lesquels les données statistiques constituent un enjeu féministe, Mme Damoff a ajouté que le Canada venait de rétablir le questionnaire détaillé de recensement, et que cela pouvait être considéré comme une initiative féministe. Les données ventilées par sexe peuvent et doivent éclairer l’élaboration des politiques et des lois.
Mme Damoff a également dit à ses collègues que de petits changements peuvent avoir un impact important. À cet égard, elle leur a parlé d’une jeune fille qu’elle avait rencontrée à l’aéroport. La jeune fille avait entendu parler de la récente initiative canadienne visant à choisir une femme qui figurera sur un billet de banque, ce qui l’a incitée à former un groupe avec ses amis pour en apprendre davantage sur les Canadiennes qui ont marqué l’histoire du pays. Mme Damoff a donc rappelé à ses collègues que même les décisions mineures prises par les parlements et les gouvernements peuvent avoir un impact important sur les filles et les jeunes femmes.
Mme Damoff a conclu en demandant aux panélistes leur avis sur les moyens de garantir que les ministères appliquent une analyse comparative entre les sexes lorsqu’ils élaborent des politiques.
Pour répondre à la question de Mme Damoff, M. Chauvel a expliqué qu’en Nouvelle-Zélande, on exige que les répercussions de certaines propositions législatives sur les femmes soient examinées dans les documents du Cabinet. Selon lui, l’établissement et le soutien d’un poste de vérificateur général, qui pourrait produire des analyses des lois et des politiques sous l’angle de l’égalité des sexes, s’avère un outil efficace pour l’application d’analyses comparatives entre les sexes.
Session 3 : Les défis en matière d’application, de mise en œuvre et de contrôle
La troisième session, qui avait pour thème Les défis en matière d’application, de mise en œuvre et de contrôle, a porté sur le rôle des parlementaires dans l’adoption de lois qui autonomisent les femmes et le contrôle de leur mise en œuvre et de leur application.
Mme S. Markham, Coordinatrice principale pour l’égalité des sexes et pour l’émancipation des femmes à USAID, a dit que les parlementaires doivent s’assurer le concours des intervenants, des organisations de la société civile et des médias pour remédier aux inégalités touchant les femmes. Grâce à l’établissement de telles relations de collaboration, les parlementaires peuvent assurer le suivi de la mise en œuvre des lois sur l’égalité des sexes et déterminer où il reste encore du chemin à faire.
Mme Markham a également parlé des obstacles à la mise en œuvre et à l’application des lois sur les quotas de représentation à l’échelle nationale. Elle a expliqué que certaines de ces lois présentent de grandes lacunes du fait qu’elles ne sont pas convenablement intégrées au régime politique en place, qu’elles comportent d’importantes échappatoires, ou qu’elles ne prévoient aucun mécanisme d’application.
Mme C. A. Thomas, Directrice exécutive à Global Rights for Women, a salué la récente vague de nouvelles lois pour lutter contre la violence envers les femmes à l’échelle mondiale. Elle a cependant fait remarquer que leur application a posé un défi de taille. Mme Thomas a rappelé aux parlementaires que le travail n’est pas terminé dès qu’une loi est adoptée; encore faut-il mettre en place un processus de contrôle et consacrer suffisamment de fonds pour renforcer la capacité du personnel gouvernemental de première ligne. Les lois traitant de la violence envers les femmes sont particulièrement complexes, et le personnel de première ligne a besoin de formation technique pour protéger les victimes et tenir les agresseurs responsables de leur crime. Selon Mme Thomas, la violence demeure l’outil le plus efficace pour maintenir et entretenir l’asservissement des femmes et des filles à tous les niveaux.
Mme P. Locatelli, députée de la Chambre des députés d’Italie, a parlé de l’évolution des lois italiennes en matière de violence envers les femmes. Pendant des décennies, a-t-elle expliqué, il n’y avait aucune loi visant précisément la violence envers les femmes, parce que lorsqu’une femme était agressée, l’agression était considérée comme une atteinte à la moralité publique, et non comme un cas de violence à l’encontre d’une personne. Mme Locatelli a félicité le nouveau parlement pour l’adoption d’une loi portant ratification de la Convention d’Istanbul, une convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la violence envers les femmes et la violence domestique.
Mme Locatelli a relevé deux problèmes majeurs relatifs à l’application des lois : 1) les citoyens doivent connaître et comprendre le contenu des lois; 2) les normes culturelles peuvent s’opposer aux principes d’une mesure législative. Elle a dit que, dans un premier temps, il faut établir une alliance avec les médias, car ce sont les principaux messagers qui transmettent ce type d’information au grand public. Mme Locatelli a expliqué qu’un caucus de femmes parlementaires a récemment été mis sur pied en Italie. Le caucus a invité des rédacteurs en chef à un colloque visant à les informer les médias sur les conséquences du langage sur l’égalité des sexes et sur la façon de désigner les cas de violence envers les femmes dans les médias (par exemple, ne pas faire référence à la violence domestique en tant que crime passionnel).
M. C. Chauvel, Chef d’équipe, Processus politiques inclusifs, Bureau des politiques et de l’appui aux programmes du PNUD, a indiqué trois éléments essentiels à la mise en œuvre et au contrôle des lois : 1) un solide système de comités parlementaires, lequel permet de surveiller l’exécutif; 2) des examens annuels systématiques et obligatoires des lois par les comités parlementaires; 3) une collaboration entre les parlementaires, la société civile, les médias, et une autorité d’audit qui, surtout, fait régulièrement rapport sur la mise en œuvre des principales mesures législatives.
M. Chauvel a soutenu que tous les parlementaires devraient recevoir une formation de sensibilisation au sexisme. Il a ajouté que les parlementaires devraient envisager de procéder à un examen approfondi pour savoir si les lois qui protègent les femmes et favorisent leur autonomisation sont mises en œuvre correctement et dûment appliquées.
Après ces exposés, les délégués ont participé à un débat ouvert sur le thème examiné.
L’honorable Yonah Martin, sénatrice, a pris la parole durant le débat et a remercié les législatrices et leurs collègues masculins présents de leur précieuse contribution. La sénatrice Martin a reconnu que, en dépit de leur grande diversité, les parlementaires présents avaient tous des forces en commun. Elle a déclaré que les parlementaires jouent un rôle essentiel. En effet, ils sont en mesure de discuter avec les nombreux groupes influents de la société, comme les forces de l’ordre, les travailleurs sociaux et les médias, et de porter les connaissances tirées des discussions avec ces acteurs clés sur la scène nationale pour créer des lois.
La sénatrice Martin a aussi parlé du défi consistant à garantir le respect des droits des femmes à l’ère de la mondialisation. Elle a donné l’exemple d’une Coréenne en instance de divorce au Canada, où elle est protégée contre la discrimination par les lois et la culture, mais dont les beaux-parents, qui vivent dans un milieu législatif et culturel différent, empiètent sur ses droits. La sénatrice Martin a demandé à ses collègues d’envisager les défis en matière de mise en œuvre des lois lorsque deux cultures – ou plus – s’entrechoquent.
Discours de clôture
Mme M. Mensah-Williams a reconnu que de multiples formes de discrimination juridique fondée sur le sexe persistent dans le monde, et que cela constitue un obstacle majeur au plein exercice des droits des femmes. Elle a ajouté qu’il y a toutefois lieu d’être optimiste, car plus de la moitié des lois discriminatoires recensées en 1979 ont été abrogées ou modifiées depuis. Pour conclure, elle a rappelé aux parlementaires que lorsqu’ils élaborent des lois, ils doivent s’assurer qu’elles respectent les principes de la CEDAW, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing de 1995 et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies.
Respectueusement soumis,
L’honorable Nathaniel Erskine-Smith, député,
président
Groupe canadien de l’Union
interparlementaire (UIP)