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Association parlementaire Canada-Europe

RAPPORT

Du 5 au 9 juin 2023, l’Association parlementaire Canada-Europe (CAEU) a envoyé une délégation de cinq parlementaires en Normandie et à Paris, en France, et à Bruxelles, en Belgique. La délégation a participé aux cérémonies et aux activités commémorant le débarquement du Jour J sur la plage Juno et la libération de la France pendant la Seconde Guerre mondiale; elle a rencontré des représentants de l’ambassade du Canada en France et des législateurs français; elle a rencontré des représentants de la mission canadienne auprès de l’Union européenne; elle a participé à la 42e Réunion interparlementaire avec la délégation du Parlement européen pour les relations avec le Canada; et elle a eu une réunion au siège de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Les membres de la délégation étaient : Francesco Sorbara, député et président de la CAEU; l’honorable David Wells, sénateur et vice-président; l’honorable Percy Downe, sénateur; l’honorable Éric Forest, sénateur; et Stéphane Bergeron, député. La délégation était accompagnée de Jessica Kulka, secrétaire de la CAEU, et de B.J. Siekierski, conseiller de la CAEU.

Participation aux cérémonies et aux activités commémorant le débarquement sur la plage Juno et la libération de la France pendant la Seconde Guerre mondiale

Sur invitation de Stéphanie Yon-Courtin, présidente de la délégation du Parlement européen pour les relations avec le Canada (D-CA) et originaire de la région de la Normandie en France, quatre membres de la délégation ont participé, les 5 et 6 juin 2023, à plusieurs cérémonies et activités commémorant la contribution du Canada à la libération de la France pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ces cérémonies et activités sont, par ordre chronologique, les suivantes :

  • visite guidée du Centre Juno Beach;
  • cérémonie de commémoration à l’abbaye d’Ardenne;
  • visite du monument érigé en hommage aux Canadiens libérateurs de la commune de Rots;
  • souper au château de Rots;
  • cérémonie à la Maison des Canadiens;
  • cérémonie internationale à la plage Juno;
  • dîner avec des maires locaux;
  • visite du cimetière de guerre canadien de Bretteville-sur-Laize.

A.   Visite guidée du Centre Juno Beach

Le 5 juin 2023, en fin d’après-midi, la délégation a visité le Centre Juno Beach, « lieu de mémoire et centre culturel » canadien de la Seconde Guerre mondiale, situé dans la ville de Courseulles-sur-Mer, en Normandie[1]. Nathalie Worthington, directrice du Centre Juno Beach, a proposé à la délégation une visite guidée du musée, qui comprenait des explications sur les expositions détaillées et le visionnage de deux courts métrages. Elle a indiqué à la délégation que le Centre a accueilli son millionième visiteur en 2019 et que plus d’un quart des visiteurs à ce jour ont moins de 18 ans.

B.   Cérémonie de commémoration à l’abbaye d’Ardenne

Du Centre Juno Beach, la délégation s’est rendue à l’abbaye d’Ardenne, à Saint Germain-la-Blanche-Herbe, pour participer à une cérémonie commémorant la mort de 20 soldats canadiens qui y ont été exécutés par la Waffen-SS en juin 1944. Stéphane Le Helley, maire de Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, a accueilli la délégation et a prononcé le discours d’ouverture, après quoi le sénateur Wells et M. Bergeron ont pris la parole, et la délégation a déposé des couronnes.

C.   Visite du Monument érigé en hommage aux Canadiens libérateurs de la commune de Rots

La délégation s’est ensuite rendue dans la commune de Rots, où elle a été accueillie par son maire, Michel Bourguignon, devant un monument commémorant les 33 soldats canadiens morts en libérant la commune. Le maire a prononcé le discours d’ouverture, après quoi des couronnes ont été déposées. Le sénateur Wells a ensuite lu les noms des 33 soldats, et M. Bergeron a lu l’Acte du souvenir.

D.   Souper au château de Rots

Ce soir-là, le conseil municipal de Rots et plusieurs maires locaux ont accueilli la délégation pour un souper au château de Rots, une grande propriété du milieu du XIXe siècle actuellement utilisée comme espace événementiel[2].

E.   Cérémonie à la Maison des Canadiens

Le matin suivant, le 6 juin 2023, la délégation a assisté à une cérémonie à la Maison des Canadiens, la première maison libérée par les soldats canadiens le Jour J, dans le village de Bernières-sur-Mer[3].

F.   Cérémonie internationale à la plage Juno

Ensuite, la délégation a participé à une cérémonie internationale célébrant le 79e anniversaire du débarquement et le 20e anniversaire de l’ouverture du Centre Juno Beach. Nathalie Worthington, directrice du Centre Juno Beach, Anne Marie Philippeaux, mairesse de Courseulles-sur-Mer, et Joya Donnelly, ministre conseillère aux Affaires politiques et culturelles à l’ambassade du Canada en France, ont prononcé des discours, et de jeunes guides canadiens ont présenté le Centre[4].

Les cérémonies se sont déroulées en présence, entre autres, de Michèle Boisvert, déléguée générale du Québec en France, d’Isabelle Brais, épouse du premier ministre du Québec, François Legault, du vice-amiral Scott Bishop, représentant militaire canadien auprès de l’OTAN, et d’Albert Fenton, ancien combattant britannique qui, rattaché à la 2e brigade blindée canadienne, a débarqué sur la plage Juno le 7 juin 1944.

Accompagnée de Corinne Féret, sénatrice française du département du Calvados, en Normandie, la délégation a déposé des couronnes à la sculpture commémorative « Le Souvenir Ranimé » située à l’extérieur du Centre Juno Beach.

G.   Dîner avec des maires locaux

Plusieurs maires, dont Anne-Marie Philippeaux (Courseulles-sur-Mer), Thierry Lefort (Douvres-la-Délivrande), Thomas Dupont Federici (Bernières-sur-Mer) et Philippe Chanu (Luc-sur-Mer), ont ensuite accueilli la délégation, ainsi qu’Isabelle Brais et Stéphanie Yon-Courtin, pour un dîner dans un restaurant de Courseulles-sur-Mer.

H.   Visite du cimetière de guerre canadien de Bretteville-sur-Laize

Avant de quitter la Normandie, la délégation et Mme Yon-Courtin ont visité le cimetière de guerre canadien de Bretteville-sur-Laize, dans le village de Cintheaux, où reposent plus de 2 800 soldats canadiens morts lors de la bataille de Normandie.

Marcel Jaeger, maire de Cintheaux, et Michel Le Baron, président d’honneur du Comité Juno, ont accueilli la délégation. Dans son allocution, Mme Yon-Courtin a rappelé que les Normands n’ont pas oublié les sacrifices des soldats canadiens et rendent régulièrement hommage aux soldats enterrés dans le cimetière. Gabriel-M. Lessard, ambassadeur du Canada à la retraite, était également présent et a rendu hommage aux soldats canadiens qui ont perdu la vie lors de la bataille de Normandie[5]. La délégation a ensuite déposé des couronnes.

Réunions à Paris à l’ambassade du Canada, à l’Assemblée nationale et au Sénat

A.   Séance d’information à l’ambassade du Canada à Paris

Le matin du 7 juin 2023, le président de la CAEU, Francesco Sorbara, a rejoint la délégation à Paris pour une réunion à l’ambassade du Canada. Vincent Garneau, conseiller et chef de la section politique, Frédérique Delaprée, conseillère aux affaires économiques, et Cyrille Michel Sanchez, chef d’unité, politique intérieure et défense des intérêts, ont renseigné la délégation sur les élections présidentielles françaises de 2022, les élections législatives françaises de 2022, les prochaines élections sénatoriales françaises, en septembre 2023, et la perspective de la ratification par le Sénat français de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, à la suite de sa ratification par l’Assemblée nationale, en juillet 2019.

M. Garneau a noté qu’Emmanuel Macron était le premier président français à être réélu depuis Jacques Chirac plus de 20 ans auparavant, mais que sa coalition parlementaire n’avait pas réussi à obtenir une majorité lors des élections à l’Assemblée nationale qui ont suivi, ce qui a compliqué la mise en œuvre de son programme. Néanmoins, malgré les protestations en cours liées à la politique de réforme des retraites de son gouvernement, M. Sanchez a observé que la cote d’approbation du président Macron remontait lentement et que son mouvement politique était effectivement parvenu à dominer le centre de l’échiquier politique français – réduisant sa principale opposition aux partis d’extrême gauche et d’extrême droite. Ni M. Garneau ni M. Sanchez ne s’attendent à des changements significatifs lors des élections sénatoriales de septembre 2023, en raison de la manière dont les élections sénatoriales françaises sont organisées.

En ce qui concerne le statut du processus de ratification de l’AECG au Sénat, Mme Delaprée a expliqué que le Sénat a essentiellement mis de côté l’Accord pour le moment et que les principales objections restent liées aux mythes sur la sécurité alimentaire canadienne et au système proposé de Cour des investisseurs qui entrerait en vigueur une fois que tous les États membres de l’Union européenne (l’UE) auraient ratifié l’accord. Étant donné que l’application provisoire de l’accord a déjà permis des avancées significatives, Mme Delaprée a expliqué que le gouvernement canadien a préféré plaider discrètement en faveur de la ratification de l’accord au Sénat.

B.   Réunion à l’Assemblée nationale

De l’ambassade du Canada, la délégation s’est rendue à l’Assemblée nationale française. Après une visite guidée, la délégation et Mme Yon-Courtin ont rencontré des députés, dont certains sont également membres de l’Association interparlementaire France-Canada et du groupe d’amitié parlementaire France-Québec. Il s’agit de :

  • Christopher Weissberg, député du parti Renaissance du président Macron, qui représente les citoyens français vivant en Amérique du Nord;
  • Stéphane Travert, député du parti Renaissance, qui représente une circonscription du département de la Manche;
  • Arthur Delaporte, député du Parti socialiste, qui représente une circonscription du département du Calvados;
  • Marie-Noëlle Battistel, députée du Parti socialiste, qui représente une circonscription du département de l’Isère.

M. Weissberg a commencé la réunion en notant que l’Association interparlementaire Canada-France du Parlement canadien avait effectué une visite fructueuse en avril. La conversation a ensuite porté sur la ratification de l’AECG. Certains députés ont expliqué que les producteurs de bœuf français, bien que préoccupés par l’augmentation des importations de bœuf canadien, étaient plus inquiets de l’impact potentiel d’un accord de libre-échange de l’UE avec le Mercosur – un bloc commercial composé de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay. Ils ont indiqué que les discussions sur l’AECG en France avaient eu tendance à associer ces deux accords commerciaux.

M. Bergeron a suggéré que si la France ne peut pas soutenir un accord de libre échange avec le Canada, il pourrait être difficile pour elle de soutenir un accord avec n’importe quel pays et a noté que les producteurs de lait et de fromage du Canada ont eu leurs propres préoccupations au sujet de l’AECG. M. Travert, qui a été ministre français de l’Agriculture, a souligné que l’UE négocie un accord commercial avec le Mercosur depuis 25 ans et qu’il peut être très difficile de convaincre les producteurs et les consommateurs français que le bœuf étranger répond aux normes européennes.

M. Sorbara a ensuite demandé quelle était la position de la France et de l’Europe sur l’intelligence artificielle (IA). Mme Yon-Courtin a fait remarquer que l’Italie avait bloqué Chat GPT pour des raisons de protection de la vie privée et a affirmé que la loi européenne sur l’IA – que le Parlement européen est sur le point d’adopter – serait la première tentative de réglementation exhaustive de l’intelligence artificielle du monde. Elle a ajouté que la loi tentait de trouver un juste équilibre entre la promotion de l’innovation et la protection des citoyens des États membres de l’UE.

C.   Dîner à l’ambassade du Canada

Après la visite de l’Assemblée nationale, la délégation s’est rendue à l’ambassade du Canada pour un dîner. Vincent Garneau, conseiller et chef de la section politique, et Cyrille Michel Sanchez, chef d’unité, politique intérieure et défense des intérêts, représentaient l’ambassade. Outre la délégation, le dîner s’est déroulé en présence du député Weissberg et de Mme Yon-Courtin.

D.   Réunion au Sénat

La délégation et Mme Yon-Courtin ont ensuite visité le Sénat français et assisté aux questions d’actualité au Gouvernement (QAG), décrites comme l’équivalent au Sénat français de la période des questions à la Chambre des communes canadienne[6]. Après les QAG, la délégation a rencontré trois sénateurs français :

  • Pascal Allizard, sénateur républicain, représentant le département du Calvados;
  • Michel Dagbert, sénateur du parti Renaissance, représentant le département du Pas de-Calais;
  • Yan Chatrel, sénateur socialiste, représentant les Français établis hors de France.

La réunion a porté sur le blocage de la ratification de l’AECG au Sénat. Le sénateur Allizard, qui a été rapporteur sur l’AECG au Sénat, a mené la conversation et a réitéré les préoccupations que la délégation avait entendues à l’Assemblée nationale au sujet du bœuf canadien et du Mercosur. Cependant, il a ajouté qu’il y avait également des préoccupations en France il y a plusieurs années – lorsque la perspective que l’UE puisse mettre en œuvre un accord de libre-échange avec les États Unis (le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement) semblait plus probable – selon lesquelles l’AECG pourrait servir de cheval de Troie, facilitant l’adoption de l’accord avec les États Unis, dont les répercussions seraient plus importantes.

Enfin, le sénateur Allizard a prévenu que le rejet de l’AECG par le Sénat le renverrait à l’Assemblée nationale, où l’accord pourrait ne plus être soutenu.

E.   Visite guidée d'Europa Experience

La délégation a conclu son séjour à Paris avec une visite guidée d’Europa Experience – une installation immersive qui montre aux visiteurs comment fonctionne UE[7].

Séance d’information à la mission canadienne auprès de l’Union européenne à Bruxelles

Dans la matinée du 8 juin 2023, avant la 42e Réunion interparlementaire, des représentants de la mission canadienne auprès de l’Union européenne à Bruxelles ont informé la délégation des sujets inscrits à l’ordre du jour de la Réunion interparlementaire et ont répondu à ses questions.

Ces représentants étaient notamment :

  • Rachna Mishra, conseillère, chef de la section des affaires politiques et publiques, mission du Canada auprès de l’Union européenne;
  • Gizem Eras, conseillère, cheffe de la section de l’agriculture, de la pêche et de l’environnement, mission du Canada auprès de l’Union européenne;
  • Karen Kennedy, conseillère, cheffe de la section du commerce et de l’économie, commissaire principale au commerce, mission du Canada auprès de l’Union européenne;
  • Veronica Coulter, ministre conseillère, cheffe de la section de la migration, mission du Canada auprès de l’Union européenne;
  • Jarrett Reckseidler, agent principal aux affaires politiques, mission du Canada auprès de l’Union européenne;
  • Matthew John Cross, agent de politique et de développement, mission du Canada auprès de l’Union européenne;
  • Olivier Mercier, agent principal des politiques, mission du Canada auprès de l’Union européenne;
  • Aliénor Fagette, commissaire au commerce, mission du Canada auprès de l’Union européenne;
  • Olivier Poulin, conseiller, chef de la section politique, délégation conjointe du Canada à l’OTAN.

Mme Mishra a commencé la séance d’information en disant à la délégation que le Canada et l’UE ont maintenant 51 dialogues en cours dans le cadre de l’Accord de partenariat stratégique et de l’AECG, et a informé la délégation que le prochain sommet des dirigeants Canada-UE aura probablement lieu à l’automne 2023.

Elle a également évoqué la collaboration récente entre le Canada et l’UE, en soulignant la coordination des sanctions contre les collaborateurs russes en Moldova et l’annonce imminente de la mobilisation de pompiers européens pour aider le Canada à lutter contre les grands feux de forêt.

En réponse à une question du sénateur Wells, Mmes Mishra et Kennedy ont indiqué à la délégation que le 11e ensemble de sanctions de l’UE, qu’elle est en train d’adopter, devrait inclure un outil anti-contournement. M. Sorbara a posé une question sur l’adhésion du Canada à Horizon Europe – le principal programme de financement de l’UE pour la recherche et l’innovation – et on lui a répondu que les négociations étaient en cours.

La délégation a également posé des questions sur la collaboration entre l’UE et l’OTAN, sur les différends commerciaux entre le Canada et l’UE, sur le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’UE et sur la coopération entre le Canada et l’UE en matière de migration et d’asile.

M. Poulin a indiqué à la délégation que l’UE et l’OTAN ont des mandats très complémentaires. Il a toutefois ajouté que le Canada surveillait les ambitions de l’UE de renforcer ses capacités de défense et qu’il s’inquiétait des chevauchements, étant donné que tous les États membres de l’UE, à l’exception de cinq, sont également membres de l’OTAN.

En ce qui concerne les irritants commerciaux, Mme Kennedy a noté que l’UE continue de soulever des questions relatives aux indications géographiques, à l’accès aux quotas tarifaires canadiens et aux actions des sociétés des alcools provinciales. Elle a déclaré que la position du gouvernement canadien est que le Canada a pleinement mis en œuvre les dispositions de l’accord.

En ce qui concerne le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’UE – un droit de douane sur les importations à forte émission de carbone –, les représentants ont indiqué que le règlement sur le MACF était entré en vigueur le 16 mai 2023.

Enfin, Mme Coulter a expliqué que la Direction générale de la migration et des affaires intérieures (DG-HOME) de la Commission européenne, qui est responsable de la politique de l’UE en matière de migration, tient des consultations conjointes avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et qu’ils travaillent ensemble sur le plan technique. Elle a ajouté que l’approche du Canada en matière de réinstallation est l’un des principaux domaines d’intérêt de l’Europe.

42e Réunion interparlementaire

Après la séance d’information à la mission canadienne, la délégation s’est rendue au Parlement européen pour la Réunion interparlementaire. La réunion était présidée par Mme Yon-Courtin et M. Sorbara et consistait en un exposé à l’OTAN et en des séances de discussion sur les sujets suivants :

  • la coopération entre le Canada et l’UE en matière de politique étrangère et de défense;
  • la coopération entre le Canada et l’UE en matière de sécurité énergétique et de matières critiques;
  • l’AECG;
  • la réglementation de l’intelligence artificielle;
  • la désinformation et l’ingérence étrangère.

Outre Mme Yon-Courtin, les membres du Parlement européen suivants ont participé à la Réunion interparlementaire :

  • Javier Moreno Sánchez, vice-président de D-CA, groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (Espagne);
  • Hildegard Bentele, Groupe du Parti populaire européen (Allemagne);
  • Damian Boeselager, Groupe des Verts/Alliance libre européenne (Allemagne);
  • Ondřej Kovařík, Groupe Renouveau Europe (Tchéquie);
  • Dorien Rookmaker, Groupe des Conservateurs et Réformistes européens (Pays Bas);
  • Edina Tóth, Membres non inscrits (Hongrie);
  • Javier Zarzalejos, Groupe du Parti populaire européen (Espagne).

A.   Séance de discussion 1 : Coopération entre le Canada et l’UE en matière de politique étrangère et de défense

La première séance de discussion, sur la coopération en matière de politique étrangère et de défense entre le Canada et l’UE, était dirigée par Ruth Bajada, Service européen pour l’action extérieure (SEAE), cheffe de division pour les États-Unis et le Canada, et par Urmas Paet (Estonie), vice-président de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen. Mme Bajada a commencé son discours d’ouverture en reprenant une phrase de l’allocution prononcée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, devant le Parlement canadien le 7 mars 2023. Mme Bajada a déclaré que « les temps difficiles révèlent les vrais amis » et a souligné l’annonce faite ce jour-là que 300 pompiers de France, du Portugal et d’Espagne avaient été mobilisés pour aider à lutter contre les feux de forêt au Canada.

Elle a ensuite donné un aperçu de la coopération récente en matière de politique étrangère et de défense. Elle a notamment évoqué le nombre important de dialogues de politique étrangère dans le cadre de l’Accord de partenariat stratégique, la coordination des sanctions et la participation du Canada à deux projets de défense de la Coopération structurée permanente (CSP) de l’UE[8].

M. Paet, qui était auparavant ministre des Affaires étrangères de l’Estonie, a déclaré qu’il souhaitait que toutes les relations de l’UE soient semblables à celle qu’elle entretient avec le Canada. Il a ensuite axé ses remarques sur les questions en suspens liées à la guerre en Ukraine, notamment l’utilisation des biens russes confisqués pour la reconstruction de l’Ukraine et l’indemnisation des victimes, les mesures visant à remédier à l’augmentation des exportations de pays tiers vers la Russie, et le type de relations que l’UE et le Canada pourraient avoir avec la Russie à l’avenir si le régime politique actuel reste en place.

Au cours de la conversation qui a suivi, Mme Bajada et M. Paet ont été interrogés sur la politique de l’UE à l’égard de Taïwan, sur le concept de « réduction des risques » dans les échanges avec la Chine, sur les dépenses européennes en matière de développement dans les pays du Sud, sur les dépenses européennes en matière de défense et sur la mise en œuvre de sanctions.

Mme Bajada et M. Paet ont expliqué que l’UE dispose d’un bureau économique et commercial à Taipei, mais qu’elle n’en fait pas la publicité afin d’éviter toute confrontation avec la Chine; que la réduction des risques commerciaux avec la Chine, par opposition au « découplage », consiste à poursuivre des échanges de biens et de services mutuellement bénéfiques et à faible risque, tout en limitant les échanges dans les domaines qui posent des risques stratégiques et de sécurité nationale; qu’il y a eu un changement majeur dans les attitudes européennes en faveur de l’augmentation des dépenses militaires, mais que les dépenses en la matière relèvent de la compétence des États membres de l’UE; que les dépenses de l’UE en matière de développement sont déterminées dans des budgets septennaux qui sont difficiles à expliquer efficacement aux pays du Sud; et que l’envoyé spécial de l’UE pour l’application des sanctions, David O’Sullivan, nommé en décembre 2022, travaille activement à améliorer la mise en œuvre des sanctions et à sévir contre le contournement des sanctions.

B.   Séance de discussion 2 : Coopération entre le Canada et l’UE en matière de sécurité énergétique et de matières critiques

La deuxième séance de discussion était animée par Peter Handley, chef de l’unité chargée des industries à forte consommation d’énergie, des matières premières et de l’hydrogène au sein de la Direction générale du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME de la Commission européenne, et par la députée européenne Hildegard Bentele, rapporteuse fictive sur la législation européenne sur les matières premières critiques.

M. Handley a commencé par donner un aperçu de la législation européenne sur les matières premières critiques, que la Commission européenne a proposée le 16 mars 2023. Il a expliqué que la loi vise à assurer la sécurité de l’approvisionnement et qu’elle comporte un solide chapitre sur la durabilité. Il a ensuite évoqué la coopération entre l’UE et le Canada qui a lieu dans le cadre du dialogue bilatéral sur les matières premières de l’AECG et l’augmentation des investissements au Canada qui a été facilitée par le partenariat stratégique UE-Canada sur les matières premières. Il a mentionné la visite de la présidente de la Commission européenne, Mme von der Leyen, en mai 2023, à l’installation de recyclage de batteries lithium-ion Li-Cycle – une entreprise canadienne – à Kingston, et il a souligné que l’entreprise avait l’intention de construire une installation en Sardaigne, en Italie, pour produire des matériaux critiques pour les batteries.

Pour sa part, Mme Bentele, députée européenne, a souligné la nécessité d’encourager l’exploitation nationale des minerais critiques en Europe, et elle a déclaré qu’il y avait beaucoup trop d’obstacles bureaucratiques. Elle a indiqué que les cibles pour 2030 de la Commission européenne concernant les matières premières stratégiques étaient audacieuses, en particulier en ce qui concerne la transformation nationale, mais elle a exprimé la crainte qu’elles ne découragent les partenariats internationaux.

Dans la partie « questions et réponses » de la séance de discussion, la délégation a demandé comment l’UE gère ses priorités simultanées en matière de sécurité de l’approvisionnement et de développement durable. M. Handley a répondu que, si elle était obligée de choisir, l’UE devrait donner la priorité à la sécurité de l’approvisionnement. Il a ajouté que si l’UE se conduit de façon « plus catholique que le pape », elle n’obtiendra pas les ressources dont elle a besoin alors que des pays comme la Chine les obtiendront.

C.   Dîner d’affaires avec la directrice des Affaires internationales et du Financement climatique de la Commission européenne

Après la deuxième séance de discussion, il y a eu un dîner d’affaires pour les participants à la Réunion interparlementaire en compagnie de la directrice des Affaires internationales et du Financement climatique de la Commission européenne, Diana Acconcia.

Mme Acconcia a expliqué que l’UE n’est pas un gros émetteur de gaz à effet de serre et qu’elle vise la « neutralité climatique » d’ici 2050. Le programme « Objectif 55 » de l’UE constitue une étape clé dans la réalisation de cet objectif. Il s’agit d’un ensemble de propositions visant à garantir que l’UE atteigne son objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030.

Elle a également abordé la nécessité de fournir un financement climatique aux pays en développement, en soulignant l’importance de l’Initiative de Bridgetown et du prochain sommet français sur les finances et le climat.

En ce qui concerne la coopération entre l’UE et le Canada, elle a mentionné le soutien de l’UE à l’initiative canadienne du Défi mondial sur la tarification du carbone – un effort visant à étendre l’utilisation de la tarification du carbone dans le monde –, et elle a indiqué qu’elle attendait avec impatience les prochains dialogues de haut niveau sur l’environnement et les changements climatiques.

D.   Séance de discussion 3 : Accord économique et commercial global

Après le dîner d’affaires, la Réunion interparlementaire s’est poursuivie au Parlement européen avec une séance de discussion sur l’AECG. La discussion a débuté par une présentation de Matthias Jorgensen, chef de l’unité États-Unis et Canada à la Direction générale du commerce de la Commission européenne.

M. Jorgensen a commencé par souligner que le commerce bilatéral dans pratiquement tous les secteurs, la création d’emplois et les liens entre les peuples ont tous augmenté de manière considérable depuis l’application provisoire de l’accord. Il a également souligné la réalisation de l’Accord de reconnaissance mutuelle concernant les qualifications professionnelles des architectes, qui devrait entrer en vigueur dans le courant de l’année 2023.

Parallèlement, il a reconnu que, du point de vue de l’UE, il existe actuellement plusieurs « irritants ». Il s’agit de : la gestion par le Canada de son système de quotas tarifaires pour le fromage, l’application administrative des indications géographiques du Canada et les effets discriminatoires de la taxe sur les produits de luxe du Canada sur les importations de véhicules à moteur et de bateaux européens. Il s’est également dit déçu que le Canada ait pris la décision, en août 2022, de ne pas renouveler un engagement temporaire de l’AECG en matière de marchés publics concernant l’Agence spatiale canadienne.

M. Moreno Sánchez, député européen et rapporteur permanent de la Commission du commerce international du Parlement européen pour l’AECG, a ensuite réitéré les succès de l’application provisoire de l’AECG tout en exprimant sa frustration quant au fait que 10 États membres de l’UE n’ont toujours pas ratifié l’accord. Il a estimé qu’il fallait en faire plus pour donner de la « visibilité » à l’accord et que ses effets positifs – notamment en matière de création d’emplois – devaient être mieux communiqués. Il a ensuite informé la délégation qu’il se rendrait dans le courant du mois à Ottawa et à Montréal en sa qualité de rapporteur et qu’il ferait part de ses conclusions à la Commission du commerce international.

Lors de la partie « questions et réponses » de la séance de discussion, le sénateur Downe a demandé des éclaircissements concernant les conséquences potentielles sur la ratification de l’AECG du rejet de l’accord par le Parlement d’un État membre, et le sénateur Forest a demandé plus de détails sur les effets de la taxe sur les produits de luxe. M. Jorgensen a expliqué que dans le cas où le Parlement d’un État membre de l’UE rejetterait l’AECG, il devrait communiquer cette décision au Conseil européen, qui devrait alors décider si cette décision est « définitive », et comment procéder. Selon lui, un scénario dans lequel l’application provisoire de l’AECG serait annulée est très improbable. En ce qui concerne la taxe sur les produits de luxe, il a fait remarquer que 30 % des exportations européennes de véhicules (plus d’un milliard de dollars de marchandises) vers le Canada sont concernées.

E.   Séance de discussion 4 : Réglementation de l’intelligence artificielle

La quatrième séance de discussion a été menée par Lucilla Sioli, directrice de l’intelligence artificielle et de l’industrie numérique à la Direction générale des réseaux de communication, du contenu et de la technologie de la Commission européenne, et par Sophia Fallaha, directrice générale du Centre international d’expertise de Montréal en intelligence artificielle.

Dans son discours d’ouverture, Mme Sioli a affirmé que les récentes percées dans le développement de l’IA avaient forcé les gouvernements et les organismes de réglementation à agir. Elle a expliqué que l’approche de l’UE – la Législation sur l’intelligence artificielle –, qui devrait être achevée d’ici la fin de l’année, est fondée sur les risques. En d’autres termes, plutôt que d’essayer de tout couvrir, la législation impose des obligations aux utilisateurs et aux fournisseurs en fonction du niveau de risque posé par l’intelligence artificielle qu’ils utilisent. Elle a ajouté que l’approche législative du Canada – dans le projet de loi sur l’intelligence artificielle et les données – est similaire.

Mme Fallaha a commencé par expliquer que le Centre d’expertise international de Montréal sur l’IA est une organisation internationale à but non lucratif qui a été créée dans le cadre du Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle. Ce partenariat, a-t-elle ajouté, est une initiative multipartite élaborée par le G7 et fondée sur un engagement commun à l’égard de la recommandation de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur l’intelligence artificielle. Le Canada et l’UE en sont membres.

Mme Fallaha a indiqué aux participants que le Centre d’expertise avait publié, en février 2023, un rapport comparant la politique réglementaire en matière d’IA dans cinq pays, mais qu’il y avait eu d’importants changements depuis lors. L’un de ces changements, selon elle, est la progression de la législation de l’UE sur l’intelligence artificielle. Une fois en vigueur, la loi pourrait être le dernier exemple en date de « l’effet Bruxelles », qui désigne les scénarios dans lesquels les entreprises multinationales choisissent volontairement de suivre des règles européennes plus strictes pour simplifier leurs procédures de mise en conformité. Elle a convenu avec Mme Sioli que les approches européenne et canadienne proposées pour réglementer l’IA étaient similaires, mais elle a décrit l’approche du Canada comme étant plus axée sur les conséquences que celle de l’UE. En revanche, elle a décrit les approches américaine et britannique actuelles en matière de réglementation de l’IA comme étant légères et sectorielles.

Lors de la partie « questions et réponses » de la séance de discussion, le sénateur Forest a notamment posé des questions sur la lettre ouverte du 22 mars, signée par des chercheurs et des cadres du secteur de l’intelligence artificielle, appelant à une pause immédiate d’au moins six mois sur certaines formations de systèmes d’IA; M. Moreno Sánchez, député européen, a posé des questions sur les efforts déployés pour lutter contre le plagiat dans les écoles et les universités; et Mme Yon-Courtin a posé des questions sur les doutes des États Unis quant à l’efficacité de la réglementation.

En réponse, Mme Fallaha a expliqué que la lettre ouverte avait pour but de sensibiliser le public et que les signataires savaient qu’il était peu probable que cette pause ait lieu. Elle a également souligné le fait qu’il existe déjà des logiciels permettant de déterminer si un texte est plagié. En ce qui concerne les points de vue américains sur la réglementation de l’IA, Mme Sioli a souligné que des États comme la Californie vont au-delà de ce que fait le gouvernement fédéral américain et qu’ils pourraient, de ce fait, contribuer à ce que le gouvernement fédéral modifie son approche.

F.   Visite du Parlement européen et conversation enregistrée sur les relations entre le Canada et l’UE dans le studio Vox Box du Parlement européen

Après la quatrième séance de discussion, trois membres de la délégation – les sénateurs Downe et Forest et M. Bergeron – ont participé à une visite guidée du Parlement européen. Au même moment, M. Sorbara et le sénateur Wells ont participé à une discussion enregistrée sur les relations entre le Canada et l’UE avec Mme Yon Courtin et M. Moreno Sánchez. La discussion a été animée par Sarah Sheil, cheffe de l’unité de communication et de sensibilisation de la Direction générale des politiques extérieures du Parlement européen[9].

G.   Souper officiel au Parlement européen

Plus tard dans la soirée, Mme Yon-Courtin et M. Moreno Sánchez ont accueilli la délégation pour un souper officiel dans le salon présidentiel de l’édifice Paul Henri Spaak du Parlement européen. Mme Yon-Courtin et M. Sorbara ont tous deux prononcé des allocutions célébrant la Réunion interparlementaire et la coopération entre le Canada et l’UE.

H.   Réunion au siège de l’OTAN

Le lendemain matin, le 9 juin, la délégation et Mme Yon-Courtin se sont rendues au siège de l’OTAN à Bruxelles et ont rencontré James Appathurai, sous-secrétaire général adjoint pour les défis de sécurité émergents. M. Appathurai a fait un bref exposé avant de répondre aux questions des membres de la délégation.

M. Appathurai a expliqué à la délégation que l’OTAN était actuellement confrontée à plusieurs problèmes. Il s’agit notamment du retour, à la suite de la véritable invasion de l’Ukraine par la Russie, à sa mission première de défense collective, de la concurrence stratégique avec la Chine et de la préparation pour l’avenir.

En ce qui concerne le premier point, il a affirmé que l’OTAN a désormais un problème générationnel ou à long terme avec la Russie, qui enfreint régulièrement et de manière flagrante le droit international. Il a fait remarquer qu’à ses débuts à l’OTAN, la communication avec la Russie était fréquente et productive, alors que l’UE et l’OTAN ne communiquaient pratiquement pas. Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit. Outre les efforts en cours pour renforcer le flanc est de l’OTAN, il a ajouté que le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, avait fait de l’augmentation des stocks de munitions de l’alliance une priorité et qu’il souhaitait que les membres envoient un signal clair à l’industrie de la défense quant à ses besoins en matière de production.

En ce qui concerne la concurrence stratégique avec la Chine, M. Appathurai a fait remarquer que l’Occident rattrapait son retard en matière de nouvelles technologies essentielles. Il a cité le Critical Technology Tracker de l’Australian Strategic Policy Institute, qui montre que la Chine est en tête de la recherche à fort impact dans 37 des 44 technologies essentielles, allant de la robotique à l’IA, en passant par l’informatique quantique[10]. Il a toutefois ajouté que les membres de l’OTAN réagissaient, et il a souligné le travail de l’accélérateur d’innovation pour la défense dans l’Atlantique Nord (DIANA) et du nouveau fonds d’innovation de l’OTAN, doté d’un milliard de dollars américains.

En ce qui concerne les défis à venir, M. Appathurai a mentionné la sécurité énergétique et les changements climatiques, mais il a également souligné la nécessité – à la suite du sabotage du gazoduc Nord Stream – pour l’alliance de porter son attention sur la protection des infrastructures sous-marines. Il a rappelé que 10 billions de dollars de transactions financières sont transmis chaque jour par des câbles sous-marins et que cette infrastructure a besoin d’une meilleure protection.

Les membres de la délégation ont notamment demandé à M. Appathurai quand il pensait que la Suède pourrait adhérer à l’alliance, et ce qu’il pensait des intentions de la Chine à l’égard de Taïwan et des menaces internes qui pèsent sur le président russe Vladimir Poutine.

M. Appathurai a dit que la Türkiye subissait une pression énorme pour cesser de bloquer l’adhésion de la Suède à l’OTAN et qu’il s’attendait à ce que la question soit résolue lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN en juillet. En ce qui concerne Taïwan, il a indiqué que l’on craignait que la Chine ne se prépare à l’envahir en 2027, mais que les Chinois suivaient de près les luttes de la Russie en Ukraine. Enfin, M. Appathurai a minimisé la probabilité d’un changement à la tête de la Russie. Dans la mesure où des menaces internes pèsent sur M. Poutine, elles proviennent d’éléments d’extrême droite. Il existe une mentalité russe unique, a-t-il ajouté, et un grand nombre de Russes partagent la vision du monde du président Poutine.

I.   Séance de discussion 5 : Désinformation et ingérence étrangère

La délégation est ensuite retournée au Parlement européen pour la cinquième et dernière séance de discussion de la Réunion interparlementaire, qui était animée par Lutz Güllner, chef des communications stratégiques (manipulation de l’information et ingérence étrangère) au SEAE, et par Javier Zarzalejos, député européen et vice président de la commission spéciale du Parlement européen sur l’ingérence étrangère dans tous les processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation, et le renforcement de l’intégrité, de la transparence et de la responsabilité au sein du Parlement européen.

M. Güllner a expliqué à la délégation que son équipe se compose de 40 personnes et qu’elle travaille en étroite collaboration avec Affaires mondiales Canada. Il a indiqué que son équipe analyse la désinformation – ce qu’elle préfère appeler les menaces de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère – en utilisant le cadre ABCDE de l’universitaire James Pamment, dont le sigle signifie, en anglais, Acteur, Comportement, Contenu, Degré et Effet. Ce cadre est expliqué en détail dans le premier rapport du SEAE sur la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère, qui date de février 2023. Ce rapport, qui analyse 100 incidents survenus entre octobre et décembre 2022, révèle que la Russie – et notamment ses diplomates – est la plus grande source et le plus grand diffuseur d’informations étrangères manipulées[11].

Un exemple récent, a-t-il dit, concerne des rapports selon lesquels un nuage radioactif flottait vers l’Europe après qu’une attaque de drone russe en Ukraine eut détruit des munitions à l’uranium appauvri fournies par l’Occident. M. Güllner a déclaré que, comme c’est souvent le cas, cet incident de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère n’était pas complètement erroné. Il a précisé que les rapports contenaient des éléments de vérité, qui ont été manipulés sur les médias sociaux, puis validés par le secrétaire du Conseil de sécurité russe. L’Agence France-Presse a rapidement vérifié les faits et réfuté cette information, mais il est impossible de vérifier toutes les manipulations de l’information[12].

En ce qui concerne l’avenir, M. Güllner n’est pas trop inquiet au sujet de la manipulation de l’information et de l’ingérence étrangère dans la période précédant les élections du Parlement européen en juin 2024. Une campagne d’ingérence russe à grande échelle comme celle mise en œuvre aux États-Unis avant les élections présidentielles de 2016 ne sera pas tentée à nouveau, a-t-il affirmé, car l’UE connaît la stratégie et y est préparée. Toutefois, M. Güllner a ajouté qu’il fallait rester vigilant, car les acteurs russes ont commencé à employer de nouvelles tactiques, telles que le clonage de sites d’information populaires et crédibles.

Pour sa part, M. Zarzalejos a résumé les travaux en cours de la deuxième commission spéciale sur l’ingérence étrangère, qui s’appuie sur les travaux de la première commission, qui s’est achevée en mars 2022. M. Zarzalejos a énuméré les principaux domaines d’intérêt de la Commission, à savoir :

  • le renforcement de la résilience de l’UE par la sensibilisation aux problèmes, l’éducation aux médias et l’enseignement;
  • l’ingérence étrangère à l’aide de plateformes en ligne;
  • les infrastructures essentielles et les secteurs stratégiques;
  • l’ingérence étrangère dans les processus électoraux;
  • la cybersécurité et la résilience face aux cyberattaques;
  • l’ingérence par des acteurs mondiaux à travers la captation des élites, les diasporas nationales, les universités et les événements culturels;
  • la dissuasion, l’attribution et les contre-mesures collectives, y compris les sanctions.

Tout en précisant que l’objectif n’est pas d’établir un « ministère de la vérité », il a ajouté – paraphrasant le regretté sénateur américain Daniel Patrick Moynihan – que les gens ont droit à leurs propres opinions, mais pas à leurs propres faits.

La délégation a ensuite interrogé M. Güllner sur, entre autres, la menace des hypertrucages, la comparaison entre la Chine et la Russie dans leur utilisation de la désinformation, et les solutions à long terme.

En ce qui concerne les hypertrucages, M. Güllner a déclaré que, sans vouloir minimiser la menace qu’ils pourraient représenter pour les profanes, il n’avait pas encore observé leur utilisation généralisée en tant qu’outil de manipulation de l’information. Il a ajouté que les tactiques de la Chine différaient de celles de la Russie, en ce sens qu’elles préféraient supprimer des voix – tant dans le pays que dans la diaspora – plutôt que d’en ajouter.

Enfin, pour ce qui est des solutions, il a insisté sur la nécessité de ne plus se concentrer sur les menaces les plus catastrophiques. Il a ajouté qu’il fallait plutôt se concentrer sur la menace constante et envisager les choses sous forme de réseau où tout est connecté. Certains médias contrôlés par l’État, comme RT, exercent une influence disproportionnée en ligne, mais cela est attribuable en grande partie aux plateformes de médias sociaux. Citant la lauréate du prix Nobel Maria Ressa, il a dit que ces plateformes mettent leur doigt sur la balance de la distribution et jouent donc un rôle essentiel dans la diffusion d’informations manipulées[13]. Il a ajouté que les initiatives de démystification et de vérification des faits peuvent facilement être politisées et ne constituent pas une solution miracle.

J.   Signature de la déclaration commune

Immédiatement après la cinquième et dernière séance de discussion, M. Sorbara et Mme Yon-Courtin ont signé une déclaration commune, concluant la 42e Réunion interparlementaire[14].




Respectueusement,




Francesco Sorbara, député

Président, Association parlementaire Canada-Europe



[1] Centre Juno Beach, À propos de nous.
[3] Anciens Combattants Canada, Maison des Canadiens.
[7] Parlement européen, Europa Expérience Paris.
[8] Service européen pour l’action extérieure, Questions et réponses : participation d’États tiers à des projets de la CSP, 23 mai 2023 [EN ANGLAIS].
[9] Site multimédia du Parlement européen, Réunion interparlementaire de la Délégation pour les relations avec le Canada, 8 juin 2023 [EN ANGLAIS].
[10] Jamie Gaida, Jennifer Wong Leung, Stephan Robin et Danielle Cave, ASPI’s Critical Technology Tracker – AUKUS updates, Institut australien de politique stratégique, 2 mars 2023.