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Rapport
L’Association parlementaire canadienne de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (CANA ou l’association) a l’honneur de présenter ce rapport sur sa participation à la visite conjointe de la Sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité (DSCTC) de la Commission de la défense et de la sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de la Sous-commission sur la résilience et la sécurité civile (CDSRCS) de la Commission sur la démocratie et la sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) à Copenhague, au Danemark, et à Nuuk, au Groenland, du 12 au 16 septembre 2022. L’association était représentée par la sénatrice Jane Cordy, présidente de la CDSRCS et une des conseillères de CANA.
L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L’OTAN
Fondée en 1955, l’AP-OTAN est une organisation interparlementaire qui réunit des législateurs des parlements nationaux des 31 pays membres de l’OTAN[1], et des 10 pays associés[2]. Si, sur le plan institutionnel, l’Assemblée est distincte de l’OTAN, elle constitue toutefois un lien essentiel entre cette dernière et les parlements des pays membres de l’Alliance[3]. L’AP-OTAN vise à mieux sensibiliser les milieux parlementaires aux enjeux liés à la défense et à la sécurité, ainsi qu’à renforcer leur surveillance de ces dossiers, tout en favorisant une transparence accrue des politiques de l’OTAN. L’Assemblée joue aussi un rôle de premier plan dans le renforcement des relations transatlantiques qui sous-tendent l’Alliance.
L’AP-OTAN compte cinq commissions thématiques :
- la Commission de la défense et de la sécurité
- la Commission politique
- La Commission sur la démocratie et la sécurité
- la Commission des sciences et des technologies
- la Commission de l’économie et de la sécurité
Chacune d’elles a une ou deux sous-commissions. Les membres des commissions de l’AP-OTAN entendent les exposés d’experts en matière de défense et de sécurité, et effectuent tout au long de l’année des missions d’enquête qui débouchent sur la rédaction de rapports et de résolutions. Les projets de rapport et de résolution sont examinés lors des sessions de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.
Connu à l’origine sous le nom de « Commission militaire », le mandat élargi de la Commission de la défense et de la sécurité (DSC) porte sur les aspects militaires de la sécurité de l’Alliance. D’une manière générale, la Commission examine la transformation de l’Alliance, ses capacités, les opérations en cours, les perspectives relatives aux menaces à court et à long terme, ainsi que les partenariats et les programmes, afin de déterminer comment l’OTAN peut améliorer continuellement son état de préparation, son efficacité et son interopérabilité.
Créée en 1956 sous le nom de « Commission culturelle », la Commission sur la démocratie et la sécurité a été renommée à plusieurs reprises, le dernier nom en date étant celui adopté en 2021. Malgré les modifications successives effectuées au titre, cette Commission a manifesté une attention soutenue quant aux aspects liés à la sécurité euroatlantique qui, directement ou indirectement, portent sur les responsabilités, la protection et le bien-être des civils.
INTRODUCTION
Du 12 au 16 septembre 2022, deux sous-commissions de l’AP-OTAN (la Sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité de la Commission de la défense et de la sécurité et la Sous-commission sur la résilience et la sécurité civile de la Commission sur la démocratie et la sécurité) se sont rendues à Copenhague, au Danemark et à Nuuk, au Groenland. La délégation était composée de 18 parlementaires de 11 États membres de l’OTAN. La sénatrice Cordy était à la tête de la délégation, en sa qualité de présidente de la Sous-commission sur la résilience et la sécurité civile de la Commission sur la démocratie et la sécurité.
Les changements climatiques et les répercussions de la guerre menée par la Russie en Ukraine ont sensibilisé davantage le monde entier à l’Arctique. La compréhension de ces changements géopolitiques et climatiques et de leurs répercussions sur le Royaume du Danemark était l’objet de la visite conjointe.
La visite de la délégation au Danemark et au Groenland a été organisée par le Parlement danois à Copenhague et le Naalakkersuisut (gouvernement du Groenland) à Nuuk. Au cours de cette visite de quatre jours, la délégation a rencontré des fonctionnaires, des parlementaires et des experts de l’Institut météorologique du Danemark ainsi que des universités de Copenhague et du Groenland.
Les sujets abordés lors des visites concernaient notamment :
- l’Arctique en mutation;
- | les priorités du Danemark en matière de sécurité |
- | les nouveaux défis liés à la sécurité sur le flanc nord de l’OTAN |
- | le révisionnisme régional russe |
- | la militarisation de l’Arctique |
- les efforts et l’évolution de la coopération nordique en matière de défense;
- | l’OTAN et l’Arctique : exercices, entraînement et politique future |
- | la coopération nordique en matière de défense (NORDEFCO) |
- | la coopération entre les forces militaires scandinaves |
- | les relations avec la Russie |
- | la coordination de la recherche et du sauvetage |
- | la coopération avec les États-Unis en matière de sécurité dans l’Arctique |
- les changements climatiques et la sécurité;
- | lles changements climatiques et la sécurité dans l’Arctique |
- | les répercussions des changements climatiques sur la sécurité et la résilience des sociétés alliées |
- | ll’adaptation aux changements climatiques dans l’Arctique |
- l’interdépendance entre développement et sécurité;
- l’approche adoptée par le Danemark en matière de cybersécurité.
COPENHAGUE (DANEMARK)
LUNDI 12 SEPTEMBRE 2022
Avant le début du programme officiel, la sénatrice Cordy a rencontré Denis Robert, ambassadeur du Canada auprès du Royaume du Danemark (qui comprend le Groenland et les îles Féroé).
La discussion a porté sur le Groenland et les pressions exercées sur le pays pour développer l’extraction minière. Le Groenland est riche en gisements minéraux recherchés, et il devient de plus en plus facile d’accéder à ceux-ci mesure que le réchauffement climatique s’accélère. La Chine s’est montrée particulièrement intéressée par l’accès à ces ressources.
Le Conseil de l’Arctique, les perturbations causées par la guerre Russe en Ukraine sur les travaux du Conseil et la sécurité dans l’Arctique ont également été abordés.
Le Conseil de l’Arctique est le principal forum multilatéral en matière de coopération circumpolaire et le lieu où le Canada défend ses intérêts dans l’Arctique à l’échelle internationale[4].Il a été créé à Ottawa en 1996 par la Déclaration d’Ottawa. Le Conseil de l’Arctique comprend les huit États de l’Arctique : le Canada, le Royaume du Danemark (qui comprend les pays constitutifs autonomes du Groenland et des îles Féroé), les États-Unis, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie et la Suède, ainsi que six organisations internationales de peuples autochtones à titre de participants permanents.
Le Canada a été le premier pays à assurer la présidence du Conseil de l’Arctique, de 1996 à 1998, puis de nouveau de 2013 à 2015.
Le Conseil de l’Arctique s’engage envers les populations de l’Arctique, y compris les peuples autochtones et leurs communautés, qui apportent des contributions et des connaissances uniques au Conseil en raison de leur relation privilégiée avec l’Arctique. Le Conseil s’emploie à promouvoir le développement durable, notamment le développement économique et social, ainsi que le bien-être culturel. Le Conseil est tout aussi engagé dans la protection de l’environnement arctique, y compris la santé de ses écosystèmes, le maintien de la biodiversité de la région ainsi que la conservation et l’utilisation durable de ses ressources naturelles.
Un aspect unique du Conseil de l’Arctique vient de la participation de six organisations internationales de peuples autochtones à titre de participants permanents. Ils siègent à la table de plein droit. Trois des six organisations comportent des membres canadiens.
Au moment de la visite, c’était la Russie qui assurait la présidence du Conseil de l’Arctique. Les autres pays du Conseil étant fermement opposés à l’action militaire de la Russie en Ukraine, leurs relations avec la Russie sont tendues. Pour cette raison, le Conseil de l’Arctique ne s’était pas réuni dans sa capacité officielle souvent. Les membres s’étaient toutefois réunis sans la participation de la Russie.
La délégation a appris que l’agression de la Russie contre l’Ukraine avait entraîné une détérioration des relations entre la Russie et les autres pays membres du Conseil de l’Arctique. Si certains membres du Conseil de l’Arctique ne coopèrent que de façon limitée avec la Russie, il a été noté qu’il est impossible d’ignorer la forte présence de la Russie dans l’Arctique européen et sa volonté d’être une force perturbatrice au sein du Conseil de l’Arctique.
En mai 2023, la Norvège a pris la présidence du Conseil de l’Arctique.
Lors de la visite, l’importance de préserver le Conseil de l’Arctique a été soulignée de même que la nécessité d’une gouvernance multinationale et responsable de l’Arctique.
Historiquement, l’Arctique fait l’objet d’une coopération unique pour garantir un développement pacifique. La guerre en Ukraine a occasionné des changements en ce qui a trait à la situation de sécurité mondiale, et le réchauffement climatique a accru l’intérêt international pour les ressources naturelles de l’Arctique.
La délégation a appris que la Chine s’intéresse de plus en plus à l’Arctique. Si la présence de la Chine dans la région est essentiellement scientifique et économique pour le moment, a-t-on expliqué à la délégation, il est probable qu’elle sera suivie d’une présence militaire stratégique dans un avenir proche.
Les experts ont déclaré à la délégation que la Chine n’avait pas encore d’intérêts militaires dans l’Arctique, mais les efforts récents de la Russie pour accroître ses capacités militaires dans la région arctique ont, en revanche, été considérables, Moscou ayant réactivé ou construit plus de 50 nouvelles bases et installations. Bien que les nouveaux investissements dans l’Arctique aient été essentiellement défensifs, des systèmes aériens et de missiles avancés ont été déployés dans la région au cours des dernières années. La stratégie nationale de la Russie en ce qui concerne l’Arctique indique clairement que Moscou entend exercer une influence économique et politique significative dans la région.
Au final, l’objectif commun du Danemark et du Groenland est de veiller à ce que l’Arctique se développe d’une manière à la fois responsable, prospère et sûre.
En ce qui concerne le lien entre les changements climatiques et l’Arctique, le message était clair : les changements climatiques et le réchauffement planétaire affectent l’Arctique de manière considérable. Il est prouvé que l’Arctique se réchauffe beaucoup plus rapidement que la moyenne mondiale. Il en résulte une réduction et un amincissement de la couverture glaciaire, un raccourcissement de la saison d’enneigement, une augmentation de la fonte des glaciers qui se déversent dans les eaux arctiques, un dégel du pergélisol et une modification des écosystèmes.
Tous ces éléments placent les pays de l’Arctique et les peuples qui y vivent face à des défis concernant leur mode de vie et la préservation de l’écosystème. Ceux-ci présentent également des occasions favorables, notamment l’accès aux ressources naturelles mentionné plus haut.
NUUK (GROENLAND)
MERCREDI 14 SEPTEMBRE et JEUDI 15 SEPTEMBRE 2022
Après la visite à Copenhague, la délégation s’est rendue à Nuuk, au Groenland, pour participer à deux jours de réunions avec des représentants du gouvernement et du Commandement conjoint de l’Arctique (CCA) au Danemark.
Le CCA au Danemark est un commandement territorial opérationnel conjoint composé de personnel de tous les services des forces armées royales danoises : la marine, l’armée de l’air, les forces spéciales et l’armée de terre. Elle emploie également des civils du Danemark, du Groenland et des îles Féroé. Son administration centrale se trouve à Nuuk.
La tâche principale du commandement est la surveillance, l’affirmation de la souveraineté et la défense militaire du Royaume du Danemark, y compris le Groenland et les îles Féroé[5]. Cette responsabilité considérable, qui s’étend sur cinq fuseaux horaires, contribue notamment à la sécurité des voies de communication maritimes de l’OTAN dans l’Atlantique Nord par la surveillance du fossé entre le Groenland, l’Islande et le Royaume-Uni (GIUK). En outre, le commandement interarmées de l’Arctique participe aux opérations de recherche et de sauvetage, à la surveillance de la pollution, aux efforts de recherche scientifique, au contrôle de la pêche et au soutien de la police.
Le Danemark, le Groenland et les îles Féroé entretiennent une relation de gouvernance unique. La loi sur l’autonomie du Groenland a été adoptée au Groenland le 21 juin 2009[6]. En vertu de cette loi, le Groenland a le droit d’élire son propre parlement et son propre gouvernement. Alors que le Groenland est souverain et administre des domaines tels que la pêche, l’environnement, le climat et les ressources naturelles, le Danemark conserve certaines responsabilités, comme la défense nationale.
Au moment même où les changements climatiques réchauffent l’Arctique et facilitent ainsi l’accès aux navires commerciaux, aux paquebots de croisière et aux navires militaires, et où les tensions internationales demeurent vives entre l’OTAN et la Russie, la Chine accroît sa présence dans la région. Le Royaume du Danemark a une responsabilité importante dans la sécurité de l’Arctique.
Les représentants de Copenhague et de Nuuk ont clairement exprimé leur intérêt commun pour une politique conjointe dans l’Arctique qui, en plus de garantir leurs intérêts respectifs, prend également en compte l’impact du changement climatique dans la région et évalue l’évolution de l’intérêt mondial croissant pour le développement régional.
Les délégués ont appris que la militarisation croissante de l’Arctique et la diminution des mécanismes de dialogue posent un dilemme de plus en plus important en matière de sécurité. C’est pourquoi les alliés de l’OTAN dans l’Arctique ont publié de nouvelles stratégies pour l’Arctique ces dernières années, ont intensifié leurs patrouilles et leurs exercices dans l’Arctique et ont augmenté les investissements dans leur capacité à avoir une meilleure connaissance de la situation dans la région.
À l’instar de ses alliés de l’OTAN, le Danemark s’intéresse de plus en plus à l’Arctique. Les représentants danois ont fait part à la délégation de l’engagement récent du Danemark, en accord avec les autorités groenlandaises et féroïennes, de renforcer ses capacités dans l’Arctique afin d’avoir une meilleure vision des activités dans la vaste zone de responsabilité du Royaume du Danemark dans l’Arctique. L’accord se traduira par l’allocation d’environ 250 millions de dollars américains pour investir dans des drones à longue portée, des systèmes radars et dans la surveillance par satellite. Dans l’accord, les autorités du Danemark, des îles Féroé et du Groenland ont souligné leur responsabilité particulière en matière de défense et de sécurité dans l’Arctique européen et l’Atlantique Nord.
Les représentants du ministère des Affaires étrangères du Groenland ont souligné l’importance d’investir dans les capacités arctiques et ont insisté sur le fait que la poursuite du dialogue et de la coopération avec les États-Unis et les autres alliés était essentielle.
Un représentant a insisté sur le fait que la Russie est bien consciente que le Groenland fait partie de l’OTAN et qu’il entretient une relation spéciale avec les États-Unis. Il a également fait remarquer que, bien qu’il n’y ait pas de réelle menace de guerre dans l’Arctique, la région reflète de plus en plus la politique de sécurité mondiale.
Les représentants du Groenland ont déclaré que les tensions accrues dans l’Arctique ont poussé le gouvernement du Groenland à plaider en faveur d’une meilleure place à la table des négociations lorsqu’il s’agit de questions de sécurité dans la région. Récemment, le Groenland a réussi à obtenir l’affectation d’un fonctionnaire au sein de la mission danoise auprès de l’OTAN à Bruxelles. En outre, le Groenland a pris publiquement position contre l’agression de la Russie en Ukraine et, bien qu’il ne fasse pas partie de l’Union européenne (UE), il coopère avec le Danemark pour mettre en œuvre les sanctions de l’UE à l’encontre de la Russie.
La délégation a appris que si le Groenland ne prend généralement pas position sur les conflits internationaux, la lutte pour l’indépendance de l’Ukraine a suscité une grande sympathie.
RÉSUMÉ
Les tensions accrues entre l’OTAN et la Russie se font sentir dans l’Arctique. La réactivation ou la construction par la Russie de plus de 50 nouvelles bases et installations dans l’Arctique est une raison de s’inquiéter. L’invasion de l’Ukraine par Moscou a porté les tensions avec la Russie à un niveau inégalé depuis la Guerre froide. La sécurité dans l’Arctique est une préoccupation majeure car la Russie a montré sa volonté d’être un acteur perturbateur en tant que présidente du Conseil de l’Arctique.
Tous ces facteurs contribuent à créer un environnement de sécurité complexe qui peut trop facilement conduire à une situation dangereuse. L’Arctique continuera d’être un lieu de compétition militaire accrue dans les années à venir et, en tant que membre de l’OTAN, le Canada a l’obligation de travailler avec ses partenaires internationaux pour protéger la souveraineté et la sécurité des nations avec lesquelles il partage l’Arctique.
Respectueusement soumis,
Mme Julie Dzerowicz, députée
Présidente de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN