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RAPPORT
MISSION BILATÉRALE EN ÉTHIOPIE ET AU RWANDA
L’Association parlementaire Canada-Afrique (« l’Association ») a effectué des visites bilatérales à Addis-Abeba, en Éthiopie, et à Kigali, au Rwanda, du 10 au 16 mars 2019. La délégation était dirigée par les coprésidents de l’Association, l’honorable sénatrice Raynell Andreychuk, et le député Robert Oliphant, et comprenait l’honorable sénateur Jim Munson, l’honorable sénateur René Cormier, la députée Pam Damoff, le député Greg Fergus et le député Ramez Ayoub. La délégation était accompagnée de Grant McLaughlin, secrétaire de l’Association, et de Brian Hermon et Offah Obale, conseillers de l’Association.
OBJECTIFS DE LA MISSION
Il s’agissait de la deuxième mission bilatérale de l’Association en Éthiopie et au Rwanda, suivant une première visite dans chacun de ces pays en 2011 et 2008, respectivement.
En Éthiopie, les objectifs de l’Association étaient les suivants :
· donner suite à sa mission de 2011 et resserrer les relations bilatérales et la coopération parlementaire;
· discuter avec les parlementaires de questions liées à la démocratie multipartite, à la gouvernance, aux droits de la personne et à la primauté du droit;
· s’entretenir avec des représentants du gouvernement pour sensibiliser davantage les membres de l’Association sur les réformes politiques et économiques entreprises dans le pays;
· aborder l’enjeu de la sécurité régionale, y compris la situation des pays frontaliers de la Somalie, du Kenya et du Soudan du Sud;
· connaître les progrès réalisés en vue de la mise en œuvre de la déclaration commune de paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée;
· rencontrer les représentants de l’Union africaine (UA) pour s’informer du travail de l’UA, notamment en matière de droits de la personne, de paix et de sécurité, et d’intégration économique régionale;
· discuter avec les organisations de la société civile de questions liées aux droits de la personne, à la liberté de la presse et à la primauté du droit;
· s’informer sur le soutien au développement et l’aide humanitaire que le Canada apporte à l’Éthiopie.
Au Rwanda, les objectifs de l’Association étaient les suivants :
· donner suite à sa mission bilatérale de 2008 et obtenir une mise à jour sur la situation politique, économique et sociale actuelle au Rwanda;
· discuter avec les parlementaires de questions liées à la démocratie multipartite, à la gouvernance, aux droits de la personne et à la primauté du droit;
· commémorer le 25e anniversaire du génocide contre les Tutsis au Rwanda et sensibiliser davantage les membres de l’Association sur le processus de réconciliation nationale au Rwanda;
· s’entretenir avec des gens d’affaires et des parties intéressées pour discuter de la situation économique au Rwanda;
· discuter avec les organisations de la société civile de questions liées aux droits de la personne, à la liberté de la presse et à la primauté du droit;
· s’informer sur le rôle joué par les femmes à la Chambre des députés et au Sénat du Rwanda; et
· en apprendre davantage sur le soutien dans les domaines du développement, de la paix et de la sécurité que le Canada apporte au Rwanda.
En appui à ses objectifs en Éthiopie, la délégation s’est entretenue avec des parlementaires, des représentants du gouvernement et des membres de la société civile. Elle a également visité le siège social de l’Union africaine dans le cadre de réunions avec des représentants de l’UA. Au Rwanda, la délégation s’est entretenue avec des parlementaires des deux Chambres du Parlement ainsi qu’avec de hauts responsables gouvernementaux, notamment le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Rwanda. La visite au Rwanda a eu lieu moins d’un mois avant la date commémorative du 25e anniversaire du génocide contre les Tutsis. Au cours de leur visite, les membres de l’Association ont eu l’occasion de visiter le monument commémoratif du génocide à Kigali pour y rendre hommage aux victimes du génocide et entendre parler du processus de réconciliation nationale du Rwanda.
Le présent rapport résume les réunions de la délégation tenues en Éthiopie et au Rwanda, et contient les observations principales issues des discussions qui ont eu lieu lors de ces réunions.
A. Note spéciale concernant l’écrasement du vol 302 de la compagnie Ethiopian Airlines
La délégation est arrivée en Éthiopie dans la matinée du dimanche 10 mars 2019, peu avant que le vol 302 d’Ethiopian Airlines (ET) quitte Addis-Abeba à destination de Nairobi, au Kenya. Tragiquement, à 8 h 44, heure locale, seulement six minutes après le décollage, l’avion s’est écrasé près de la ville de Bishoftu, tuant les 157 personnes à bord, parmi lesquelles se trouvaient 18 Canadiens. Parmi les victimes se trouvaient des passagers qui avaient été à bord du même vol que la délégation, entre Toronto et Addis-Abeba, dont l’avion avait atterri à Addis-Abeba seulement 90 minutes avant le départ du vol 302 d’Ethiopian Airlines.
La délégation a été bouleversée et attristée par l’écrasement et offre ses plus sincères condoléances à toutes les personnes touchées par la tragédie, au Canada et partout dans le monde. La délégation tient à souligner le travail extraordinaire d’Antoine Chevrier, ambassadeur du Canada en Éthiopie, et de toute l’équipe de l’ambassade du Canada à Addis-Abeba, qui a agi avec diligence pour fournir un soutien consulaire et d’autres services aux proches des victimes du vol 302 d’Ethiopian Airlines, et ce, immédiatement après l’écrasement et au cours des jours qui ont suivi. Le professionnalisme et la compassion dont a fait preuve le personnel de l’ambassade tout au long du processus d’intervention après l’écrasement ont impressionné les délégués. Ceux-ci tiennent également à remercier les fonctionnaires éthiopiens qui, malgré cette tragédie, ont trouvé le temps de tenir les réunions prévues.
RÉGIME POLITIQUE DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DÉMOCRATIQUE D’ÉTHIOPIE
A. Système de gouvernance
L’Éthiopie est une République fédérale dotée d’un système bicaméral. La Constitution fédérale, en vigueur depuis 1995, définit la structure du pays comme une fédération multiculturelle fondée sur la représentation de ses valeurs ethnonationales[1]. Le pays comprend neuf États régionaux ethniques et deux villes-États[2]administrées par le gouvernement fédéral, Addis-Abeba et Dire Dawa.
Le pouvoir exécutif est dévolu au premier ministre et à son conseil des ministres (cabinet), qui sont tenus de rendre compte à la Chambre des représentants du peuple. Le premier ministre est élu par les députés de la Chambre des représentants du peuple et doit provenir du parti politique ou de la coalition des partis politiques qui ont la majorité à la Chambre.
Le Parlement bicaméral est composé de la Chambre des représentants du peuple et de la Chambre de la Fédération. La Chambre des représentants du peuple est composée de 547 membres qui sont directement élus par vote majoritaire uninominal pour un mandat de cinq ans. La Chambre des représentants du peuple est chargée d’adopter des lois dans les domaines de compétence fédérale. Les 153 membres qui siègent à la Chambre de la Fédération sont soit élus indirectement par les assemblées d’État, soit directement par la population si les assemblées d’État en décident ainsi. Chaque nation, chaque nationalité et chaque peuple est représenté à la Chambre de la Fédération par au moins un membre[3]. Les députés sont élus pour des mandats de cinq ans. La Chambre de la fédération est responsable de l’interprétation de la Constitution et des questions fédérales-régionales.
B. RÉCENTS ÉVÉNEMENTS POLITIQUES
L’Éthiopie a été témoin d’une agitation à l’échelle nationale entre 2015 et 2017. Cette agitation est attribuable à plusieurs facteurs, dont la colère par rapport aux restrictions sur les droits fonciers, la corruption et la frustration causée par le manque de libertés civiles et politiques. La colère populaire a également été alimentée par les griefs de longue date des deux plus grands groupes ethniques du pays, les Oromos et les Amharas, qui estiment être marginalisés sur le plan politique depuis longtemps. Le 15 février 2018, dans ce qui est décrit comme une tentative de mettre fin à l’agitation et de faciliter la réforme, le premier ministre Hailemariam Desalegn a annoncé son intention de démissionner en attendant une transition du pouvoir. Après six semaines de délibérations au sein de la coalition au pouvoir, en avril 2018, Abiy Ahmed a été choisi par le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE)[4] pour devenir le prochain premier ministre de l’Éthiopie.
Depuis son entrée en fonction, le premier ministre Abiy Ahmed a introduit plusieurs réformes politiques et économiques et a annoncé une série d’initiatives visant à réduire les divisions dans le pays et la région. Il a souligné son désir d’adopter une démocratie multipartite, et son gouvernement a libéré un nombre inconnu de prisonniers politiques, dont des chefs de l’opposition, des journalistes et des militants en faveur des droits de la personne[5]. Les restrictions imposées aux médias et à Internet se sont également assouplies quelque peu sous le mandat du premier ministre Abiy Ahmed[6].
Le premier ministre Abiy Ahmed a également mentionné son intention d’améliorer les relations avec l’Érythrée voisine, dès son arrivée au pouvoir. Ce changement a culminé par une réunion le 8 juillet 2018 entre le premier ministre Abiy Ahmed et le président de l’Érythrée Isaias Afwerki à Asmara, en Érythrée, où les deux dirigeants ont signé une déclaration commune qui mettait fin officiellement au conflit bilatéral commencé en 1998. Le 18 juillet 2018, une liaison commerciale aérienne vers l’Érythrée a été assurée par la compagnie Ethiopian Airlines pour la première fois depuis 1998. Depuis, des vols entre Addis-Abeba et Asmara ont lieu quotidiennement[7].
Sur le plan économique, le gouvernement du premier ministre Abiy Ahmed a proposé des réformes visant à accroître l’investissement privé et la propriété dans plusieurs secteurs clés, dont les télécommunications, l’énergie et le transport aérien[8]. Depuis 2007, l’Éthiopie jouit de l’une des économies dont la croissance est la plus rapide au monde, avec un taux de croissance annuel moyen du produit intérieur brut (PIB) d’environ 10 %. Malgré la croissance de l’économie, l’Éthiopie fait piètre figure par rapport aux indices mondiaux qui mesurent l’environnement des entreprises et leur compétitivité. L’Éthiopie se classe au 159e rang sur 190 pays quant à l’indice de « Facilité à mener des affaires » de 2018 du Groupe de la Banque mondiale, et occupe le 122e rang sur 140 pays quant au Rapport sur la compétitivité mondiale de 2018 présenté par le Forum économique mondial.
C. Situation humanitaire
L’Éthiopie est l’un des 47 pays classés dans la catégorie des « pays les moins avancés » (PMA), un indice créé par les Nations Unies (ONU). Les PMA sont des pays à faible revenu qui sont confrontés à de « graves obstacles structuraux au développement durable » et sont considérés comme « hautement vulnérables aux chocs économiques et environnementaux[9] ». Selon le Programme des Nations Unies pour le développement, le taux de pauvreté en Éthiopie est passé d’environ 45,5 % en 2000 à 23,5 % en 2016[10]. Malgré cette réduction, le taux actuel de pauvreté se traduit par environ 25 millions d’Éthiopiens vivant sous le seuil international de la pauvreté, établi à 1,90 $ par jour (en termes de parité du pouvoir d’achat), sur une population totale de quelque 108 millions d’habitants. Les enfants sont touchés de manière disproportionnée par la pauvreté en Éthiopie.
L’insécurité alimentaire a toujours été, au cours de l’histoire, l’un des défis humanitaires les plus importants de l’Éthiopie. Selon les estimations du gouvernement éthiopien, près de 8 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire[11]. Bien que l’ONU ait salué les efforts du gouvernement éthiopien pour réagir aux récentes sécheresses, l’insécurité alimentaire demeure une menace constante. À 38,4 %, le taux de retard de croissance des enfants de moins de cinq ans en Éthiopie est considéré comme « élevé » et presque « très élevé » selon les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé[12].
La situation humanitaire en Éthiopie a été exacerbée par la violence intercommunale et ethnique, ainsi que par les bouleversements climatiques. L’estimation du nombre de personnes qui ont été déplacées récemment en Éthiopie en 2018 est plus élevée que partout ailleurs dans le monde[13]. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) des Nations Unies, environ trois millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur de l’Éthiopie[14]. L’Éthiopie accueille également plus de 900 000 réfugiés, dont 90 % proviennent du Soudan du Sud, de la Somalie, de l’Érythrée et du Soudan[15].
En dépit de ces défis, pour ne nommer que ceux-là, l’Éthiopie a réalisé des progrès importants en matière de développement au cours des dernières décennies. Par exemple, selon le Fonds monétaire international, le nombre de décès maternels par 100 000 naissances vivantes est passé de 1 080 en 1995 à 253 en 2015 [16]. L’Éthiopie a également connu une accélération significative de l’accès à l’éducation primaire. Selon l’UNICEF, le taux de scolarisation primaire en Éthiopie a triplé de 2000 à 2016 et celle-ci est maintenant universelle[17].
D. Relations étrangères et mobilisation
L’Éthiopie a toujours joué un rôle important en matière de coopération multilatérale et d’intégration en Afrique, et en ce qui a trait à la paix et à la sécurité régionales. L’Éthiopie a été l’un des membres fondateurs et l’hôte de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), qui a précédé l’Union africaine. Lorsque l’OUA a été dissoute et remplacée par l’UA en 2002, l’Éthiopie en est demeurée le siège, avec la ville d’Addis-Abeba comme siège de la Commission de l’Union africaine. L’Éthiopie est aussi membre du Marché commun de l’Afrique australe et orientale (COMESA) et de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD)[19].
L’Éthiopie est le plus important contributeur de personnel en uniforme aux opérations de maintien de la paix de l’ONU dans le monde. Au 31 mars 2019, l’Éthiopie comptait 7 519 personnes en uniforme servant principalement dans les missions de maintien de la paix de l’ONU au Soudan du Sud, au Darfour (Soudan) et à Abyei (une région administrative spéciale à la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud)[19] . L’Éthiopie fournit également plus de 4 000 militaires à la Mission de l’Union africaine en Somalie.
Outre son déploiement de troupes pour la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud, l’Éthiopie a été l’hôte de plusieurs rondes de pourparlers de paix entre les parties belligérantes du Soudan du Sud suivant l’éclatement de la guerre civile dans ce pays en 2013. L’Éthiopie était garante de l’accord de paix négocié par l’IGAD, qui a été signé en 2015, mais qui n’a finalement pas tenu. L’Éthiopie a été l’hôte des pourparlers de paix renouvelés en 2017 et 2018. Ces pourparlers ont abouti à un accord de paix renouvelé et signé à Addis-Abeba, en septembre 2018, par le président du Soudan du Sud Salva Kiir, l’ancien vice-président Riek Machar et des partis d’opposition.
RÉUNIONS DE LA DÉLÉGATION EN ÉTHIOPIE
1. Séance d’information du personnel de l’ambassade
La séance a été animée par Alyssa Nunes, deuxième secrétaire (politique) et agente adjointe de sécurité de la mission, et Lajos Àrendàs, conseiller et consul. L’ambassadeur Antoine Chevrier, qui devait diriger la séance d’information, n’y a pas participé puisqu’il gérait les mesures prises par l’ambassade en réponse à l’écrasement du vol 302 d’Ethiopian Airlines.
Mme Nunes et M. Àrendàs ont donné un aperçu de la situation politique et économique en Éthiopie. Ils ont notamment résumé les réformes amorcées par le premier ministre Abiy depuis avril 2018, et ont parlé des préparatifs en vue des élections parlementaires de 2020. La délégation a également été informée des relations bilatérales entre le Canada et l’Éthiopie, y compris l’aide humanitaire et l’aide au développement apportées par le Canada en Éthiopie.
2. Séance d’information de l’Institut pour les études sur la paix et la sécurité
La séance a été animée par Michelle Ndiaye, directrice du Programme pour la paix et la sécurité en Afrique à l’Institut pour les études sur la paix et la sécurité (IPSS). L’IPSS a été créé en Éthiopie en 2007 en tant qu’institut pour l’éducation, la recherche et le dialogue politique sur les questions de paix et de sécurité en Afrique. Mme Ndiaye a abordé le travail de l’institut et donné un aperçu de certains des principaux enjeux contemporains auxquels l’Union africaine est confrontée. Par exemple, elle a expliqué que, conformément à une décision prise en juillet 2016, l’UA travaille à la mise en œuvre d’un prélèvement de 0,2 % sur toutes les marchandises admissibles importées en Afrique. Ce levier vise à fournir un appui sûr et durable pour financer les activités, le programme et les opérations de soutien de la paix de l’UA[20]. Au moment de la visite de la délégation, 22 pays avaient entamé le processus de mise en œuvre de cette redevance. Au sujet de la réforme institutionnelle, elle a mentionné que l’UA consolide actuellement les portefeuilles de ses huit commissaires en six portefeuilles d’ici 2021.
Mme Ndiaye a déclaré à la délégation que l’Accord de libre-échange continental africain, qui a été signé en mars 2018, est envisagé comme un mécanisme clé pour l’intégration économique africaine. Cet accord vise à créer un marché unique de biens et de services à travers l’Afrique et à faciliter la libre circulation des gens d’affaires et des investissements partout sur le continent. Au moment de sa présentation, Mme Ndiaye déclarait que 19 pays avaient ratifié l’accord, et que 15 autres pays étaient en voie de le ratifier.[21] Mme Ndiaye a également abordé le sujet du programme de paix et de sécurité de l’Union africaine, y compris des efforts déployés par les États membres pour élaborer et renforcer des mécanismes de prévention des conflits, ainsi que la reconstruction et le développement après les conflits.
Les membres de la délégation ont posé des questions sur le rôle que le Canada pourrait jouer pour mieux soutenir l’Union africaine et nouer des liens avec elle. Mme Ndiaye estime que le Canada pourrait jouer un rôle particulièrement important en matière de renforcement des capacités et du soutien à l’éducation dans le cadre du travail de l’UA. Elle a souligné deux domaines pratiques où l’aide canadienne serait utile : en recherche dans le domaine de l’agriculture et en formation sur la gestion de conflits. Elle a également souligné qu’un soutien canadien profiterait aux femmes architectes de la paix et aux médiatrices de conflits.
Après la présentation, la délégation a observé une minute de silence en compagnie de l’ambassadeur Chevrier et du personnel de l’ambassade du Canada pour rendre hommage aux victimes du vol 302 d’Ethiopian Airlines.
3. Réunion avec El-Ghassim Wane, chef de cabinet du président de la Commission de l’Union africaine et d’autres représentants de l’UA
La délégation a visité le siège de la Commission de l’Union africaine (CUA) pour y tenir une réunion avec El-Ghassim Wane, le chef de cabinet du président de la CUA. Étaient également présents à la réunion : l’ambassadrice Nyirinkindi Katungye, conseillère en intégration régionale au Bureau du président; l’ambassadeur Salah S. Hammad, conseiller au Département des affaires politiques; Nadine El-Hakim, conseillère technique, Partenariats stratégiques; et Frank Mugyenyi, conseiller au ministère du Commerce et de l’Industrie.
M. Wane a commencé son allocution en remerciant le Canada pour son engagement historique envers l’UA et l’Afrique, en particulier dans les domaines de la paix et de la sécurité. En outre, il a souligné le rôle que le Canada a joué dans la négociation et la mise en œuvre de la Convention sur l’interdiction de l’utilisation, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, ainsi que l’appui du Canada à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali. M. Wane a ensuite abordé certaines des possibilités primordiales en Afrique. Il a noté, par exemple, que l’Afrique possède la main-d’œuvre la plus jeune du monde et que les États membres de l’UA cherchent à renforcer leur intégration économique. Il a informé la délégation que de nombreux pays africains ont récemment pris des mesures pour assouplir les restrictions de déplacement en vue de favoriser la mobilité et l’accroissement des possibilités commerciales et touristiques.
M. Wane a expliqué que l’UA mise sur un programme de réforme pour renforcer les relations avec les communautés économiques régionales (CER) de l’Afrique. D’ailleurs, pour la première fois, l’UA consacrera un sommet en mi-année, en 2019, pour travailler avec les CER sur les façons d’approfondir l’intégration. L’ambassadrice Katungye a souligné l’importance de l’intégration régionale au regard de l’infrastructure. Elle a mentionné que la CUA travaille avec les États membres de l’UA pour stimuler le commerce intra-africain en s’attaquant aux obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce. Pour sa part, M. Mugyenyi a dit que la CUA cherche des moyens pour que les vastes richesses minérales de l’Afrique contribuent mieux aux résultats du développement social. Il a souligné que la CUA élaborait une stratégie relative aux produits de base pour s’assurer que les pays qui dépendent des ressources minérales sont protégés contre les grandes fluctuations des prix. Les membres de la délégation ont discuté avec M. Wane et les autres représentants de l’Union africaine des façons dont le Canada pourrait approfondir ses relations commerciales et d’investissement avec les pays africains.
4. Table ronde avec le président de la Chambre de la fédération, des parlementaires éthiopiens et des représentants du Forum des fédérations
La délégation a participé à une table ronde avec l’honorable Keria Ibrahim, présidente de la Chambre de la fédération, des parlementaires éthiopiens, et des représentants du Forum des fédérations étaient présents à cette table ronde. Le Forum des fédérations est une organisation internationale qui réunit des parlementaires, des fonctionnaires et des experts du fédéralisme. Le Forum a été fondé par le gouvernement du Canada en 1999. Son siège social se trouve à Ottawa et ses bureaux sont établis dans six pays, dont l’Éthiopie. Une dizaine de gouvernements, dont ceux du Canada et de l’Éthiopie, ont signé des accords de partenariat avec le Forum. Son principal objectif est de « renforcer la gouvernance inclusive et réactive, y compris le pluralisme et l’égalité des sexes, dans les pays fédéraux, décentralisés et en transition »[22].
La présidente Keria a formulé des observations sur les relations bilatérales entre le Canada et l’Éthiopie et a exprimé son souhait de voir des relations parlementaires et économiques plus étroites entre les deux pays. Elle a donné un aperçu de la situation politique en Éthiopie, incluant les récentes réformes du gouvernement Abiy. Elle a mentionné que le gouvernement s’efforce de nommer davantage de femmes à des postes de haut niveau; tente d’élargir l’espace démocratique pour la société civile, les groupes d’opposition et les anciens prisonniers politiques; et privatise les entreprises d’État. Elle a aussi abordé le récent rapprochement entre l’Éthiopie et l’Érythrée.
La présidente Keria a remercié le Canada pour ses efforts de développement et son aide humanitaire en Éthiopie, et pour son soutien au projet de renforcement de la gouvernance fédérale et du pluralisme mis en œuvre par le Forum des fédérations. Les représentants du Forum ont parlé des objectifs de ce projet, dont son financement à hauteur de 5,7 millions de dollars octroyé par le Canada sur cinq ans (2017-2022). La délégation a su que les principaux objectifs du projet sont d’améliorer et d’institutionnaliser la gestion des relations intergouvernementales en Éthiopie dans le contexte de la fédération multiculturelle du pays. Le projet vise aussi à améliorer la compréhension des citoyens éthiopiens quant à la constitution et à leurs droits civils et politiques[23]. Dans le cadre de ce projet, plusieurs ateliers ont été organisés entre les membres des gouvernements fédéral et régionaux en Éthiopie et auprès d’intervenants de la société civile et d’organismes gouvernementaux.
Au cours de la discussion qui a suivi, les délégués ont abordé avec les participants de questions liées à la démocratie parlementaire, à la gouvernance et au fédéralisme. La discussion a également porté sur des sujets liés aux déplacements, aux droits fonciers dans le contexte des récentes manifestations en Éthiopie et au mandat du nouveau ministère de la Paix.
5. Rencontre avec le ministre d’État des Affaires étrangères, l’honorable Markos Tekle Rike
La délégation a rencontré le ministre des Affaires étrangères de l’Éthiopie, l’honorable Markos Tekle Rike, à l’occasion d’une réunion sur la situation politique en Éthiopie et les relations bilatérales entre le Canada et l’Éthiopie. Le ministre d’État Tekle Rike a dit que le premier anniversaire de l’assermentation du premier ministre Abiy en Éthiopie approchait. Il a souligné les changements rapides qui se sont produits au cours de cette période, notamment quant à l’ouverture de l’espace politique et économique. En outre, il a dit que, au cours de la dernière année, de nombreux dirigeants de l’opposition sont retournés en Éthiopie, puis la capacité des journalistes et des organisations de la société civile à fonctionner librement s’est grandement améliorée.
Les délégués ont posé des questions sur la façon dont le Canada pourrait mieux soutenir et mobiliser l’Éthiopie. Le ministre d’État Tekle Rike a souligné que l’Éthiopie accueillerait favorablement le resserrement des relations commerciales et d’investissement avec le Canada. Il a suggéré que le Canada et l’Éthiopie renforcent leurs liens académiques en établissant des partenariats entre les universités. Il a ajouté que l’Éthiopie serait favorable au soutien électoral du Canada en vue des élections parlementaires de 2020. Finalement, il a déclaré que le soutien continu du Canada au développement était primordial pour que l’Éthiopie puisse répondre aux besoins des nombreuses personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDIP) et de réfugiés qui y résident.
6. Réunion avec l’Institut pour les études sur la sécurité (ISS)
La délégation a rencontré Meressa Kahsu Dessu, chercheuse principale et coordonnatrice de la formation, et Omar S. Mahmood, chercheur principal, à l’Institut pour les études sur la sécurité (ISS). L’ISS est une organisation non gouvernementale africaine ayant des bureaux en Afrique du Sud, au Kenya, en Éthiopie et au Sénégal. Ses travaux sont axés sur la recherche dans les domaines de la criminalité transnationale, de la migration, de la sécurité et du développement maritimes, du maintien et de la consolidation de la paix, de la prévention du crime et de la justice pénale, et de l’analyse des conflits et de la gouvernance. L’ISS fournit des services de renforcement des capacités et de formation technique aux gouvernements et à la société civile.
Les délégués ont participé à une vaste discussion avec des chercheurs de l’ISS sur des questions liées au maintien et à la consolidation de la paix, aux femmes, à la paix et à la sécurité, puis à la sécurité régionale. Ces discussions englobaient la situation dans plusieurs pays, y compris la Somalie. Il a été question du plan de transition actuel qui prévoit le transfert des responsabilités relatives à la sécurité de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) aux forces somaliennes fédérales d’ici 2021. Les chercheurs ont discuté des relations entre l’Éthiopie et l’Érythrée dans le contexte de la déclaration commune de paix, signée en 2018. La délégation a été informée du fait que malgré que l’accord soit une étape positive, les chercheurs de l’ISS estiment que sa mise en œuvre est très tributaire des relations personnelles entre les dirigeants des deux pays et qu’elle aurait avantage à être institutionnalisée.
Les délégués ont posé des questions à M. Mahmood et à M. Deesu au sujet du barrage de la Renaissance en Éthiopie, au sujet des déplacements régionaux et des changements climatiques. Sur le plan des changements climatiques, la délégation a su que les conditions météorologiques dans la Corne de l’Afrique sont de plus en plus imprévisibles, ce qui entraîne des sécheresses et des inondations plus fréquentes et cause des difficultés de sécurité alimentaire. La situation au Soudan du Sud a aussi été abordée pour savoir si l’accord de paix revitalisé a plus de chances d’être mis en œuvre que les accords de paix précédents ayant échoué. La délégation a appris que malgré l’appui de l’Ouganda et du Soudan qui sont garants de l’accord (un élément positif en soi), la mise en œuvre de l’accord demeure fragile et incertaine.
7. Rencontre avec la ministre du Commerce et de l’Industrie, l’honorable Fetlework Gebregziabher
La délégation s’est entretenue avec l’honorable Fetlework Gebregziabher, ministre du Commerce et de l’Industrie, pour en apprendre davantage sur les possibilités et les défis économiques qui attendent l’Éthiopie. La ministre Gebregziabher a entamé la rencontre en parlant de la situation économique du pays. Elle a dit que le gouvernement éthiopien privatise des secteurs spécifiques de l’économie comme les télécommunications, l’énergie et les transports. Elle a ajouté que le Parlement éthiopien devrait ratifier l’Accord de libre-échange continental africain au cours des prochains mois, ce qui créera de nouveaux débouchés commerciaux pour le pays[24]. Elle a expliqué que l’Éthiopie est en train d’adhérer à l’Organisation mondiale du commerce.
Après cette entrée en matière, les délégués ont posé des questions à la ministre Gebregziabher sur les possibilités de commerce et d’investissement pour les entreprises canadiennes en Éthiopie. Mme Gebregziabher a déclaré que l’Éthiopie et le Canada ont signé un protocole d’entente (PE) sur le système généralisé de préférences, en 2003, en vertu duquel le Canada accorde un accès en franchise de droits aux importations en provenance de l’Éthiopie. Elle rapporte que le gouvernement de l’Éthiopie souhaite que les relations commerciales progressent au-delà du protocole d’entente jusqu’à un accord commercial bilatéral avec le Canada. La délégation a appris que les entreprises canadiennes peuvent investir dans les secteurs minier et agricole et dans la production et le transport d’électricité. Le ministre d’État à l’Investissement, qui était également présent à cette rencontre, a ajouté que les investisseurs pourraient bénéficier de mesures incitatives, comme d’une période d’exonération de l'impôt sur le revenu pouvant aller jusqu’à six ans.
8. Rencontre avec les membres de la Commission éthiopienne des droits de la personne
La délégation a visité les bureaux de la Commission éthiopienne des droits de la personne (CEDP) dans le cadre d’une réunion avec Eshet Gebre, le commissaire en chef. M. Gebre a expliqué que la CEDP, composée de 11 commissaires, rend compte à la Chambre des représentants du peuple. La CEDP a pour mandat de faire rapport sur la situation des droits de la personne dans le pays, de sensibiliser le public et de promouvoir les droits de la personne. M. Gebre a souligné que la CEDP a le pouvoir de recevoir des plaintes et de mener des enquêtes sur les allégations de violation des droits de la personne.
Pendant la rencontre, les délégués ont posé des questions sur les droits des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des personnes transgenres en Éthiopie, et sur la situation humanitaire des PDIP à Oromia et dans le sud du pays. En ce qui concerne les PDIP, M. Gebre a dit que la CEDP a tenu une enquête sur le terrain à Oromia et dans la région du Sud et qu’elle remettra au gouvernement un rapport sur les conditions des personnes déplacées dans ces régions.
9. Rencontre sur la coopération du Canada en matière de développement avec l’Éthiopie
La délégation a organisé un déjeuner de travail avec Ivan Roberts, ministre-conseiller et directeur principal du développement, et Darren Brazeau, agent de projet pour l’égalité des sexes et la gouvernance, à l’ambassade du Canada en Éthiopie. MM. Roberts et Brazeau ont donné un aperçu de l’aide au développement et des programmes humanitaires du Canada en Éthiopie. La délégation a su que l’Éthiopie est le plus important bénéficiaire d’aide internationale bilatérale du Canada en Afrique. L’état de préparation de l’Éthiopie aux prochaines élections parlementaires en 2020 a aussi été abordé. La question d’une éventuelle aide technique que le gouvernement du Canada pourrait fournir en prévision du vote a été posée.
10. Rencontre avec l’honorable Shitaye Minale, vice-présidente de la Chambre des représentants du peuple
La délégation a visité la Chambre des représentants du peuple dans le cadre d’une réunion avec la vice-présidente Shitaye Minale. Des membres du Comité permanent des affaires étrangères et de la paix de la Chambre des représentants du peuple étaient également présents. La vice-présidente Minale a informé la délégation de l’évolution du contexte politique en Éthiopie depuis qu’Abiy Ahmed est devenu premier ministre en avril 2018. Elle a décrit les réformes politiques que mène le gouvernement, notamment la libération des prisonniers politiques et les efforts de promotion des droits de la personne.
Mme Minale a informé les délégués que le gouvernement a encore du travail à faire pour ce qui est de relever les défis économiques de l’Éthiopie, dont le taux élevé de chômage chez les jeunes. Elle a souligné que la coalition au pouvoir du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) doit améliorer sa collaboration avec les partis politiques régionaux et nationaux dans le cadre du processus de réforme. À cet égard, elle a souligné son intérêt envers les parlementaires canadiens, le modèle de fédéralisme canadien et les pratiques exemplaires dans le domaine de l’analyse comparative entre les sexes.
11. Table ronde avec les médias et les organisations de la société civile
La délégation a participé à une table ronde sur les réformes politiques éthiopiennes et la situation des droits de la personne en Éthiopie avec des représentants des médias et des organisations de la société civile. Après l’allocution d’ouverture, dans laquelle un représentant de chaque organisation a donné un aperçu de ses activités et priorités respectives, la délégation a entamé une discussion avec les participants sur la situation politique et des droits de la personne en Éthiopie. Les délégués ont été informés que, bien que les Éthiopiens appuient largement les réformes politiques proposées par le premier ministre Abiy, bon nombre d’entre eux demeurent préoccupés par le respect de la primauté du droit. De plus, la délégation a appris que les conflits intercommunaux continuent de toucher les régions rurales et urbaines du pays, et ceux-ci pourraient s’être intensifiés au cours des derniers mois.
Les participants ont discuté du prochain recensement national de la population éthiopienne et de son impact potentiel sur les élections législatives de 2020. Les défis techniques liés à la tenue du recensement et les difficultés associées au dénombrement des quelque trois millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ont été soulignés. Les délégués ont été informés qu’un recensement inexact pourrait entraîner une surreprésentation ou une sous-représentation de certains groupes ethniques à la Chambre de la fédération[25].
12. Entretien avec des représentants des agences des Nations Unies
La délégation a rencontré les représentants suivants des agences des Nations Unies :
· Alexandra de Sousa, administratrice générale du Bureau pour l’Éthiopie, Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (BCAH);
· Shalini Bahuguna, représentante adjointe, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Bureau de l’Éthiopie;
· Vincent Kwesi Parker, représentant adjoint du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Bureau de l’Éthiopie.
La discussion était axée sur la situation des réfugiés et des PDIP en Éthiopie. La délégation a appris que l’Éthiopie accueille environ 900 000 réfugiés, qui viennent principalement des pays voisins, ce qui en fait le deuxième pays d’Afrique en importance à ce chapitre après l’Ouganda. Plus de 90 % des réfugiés viennent du Soudan du Sud, de la Somalie, de l’Érythrée et du Soudan, et ils dépendent de l’aide humanitaire. La délégation a appris que le gouvernement de l’Éthiopie a adhéré au Cadre global d’intervention pour les réfugiés, une série d’engagements visant à protéger les personnes en déplacement, qui ont été énoncés par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa Déclaration de New York de 2016 sur les réfugiés et les migrants.
Selon les représentants de l’ONU, la violence intercommunale déclenchée par les tensions ethniques et les conflits fonciers, en plus de la sécheresse, sont les principales causes des déplacements internes. Les représentants de l’ONU ont fait remarquer que la violence intercommunale et les chocs climatiques ont causé de l’insécurité alimentaire.
LA RÉPUBLIQUE DU RWANDA
A. Régime politique et développements politiques récents
Le pouvoir exécutif au Rwanda est exercé par le président, qui est le chef d’État et commandant en chef des Forces armées. Le président est élu au suffrage universel majoritaire uninominal à un tour. En 2015, une modification constitutionnelle a été approuvée par référendum (avec un appui de 98 pour cent) pour réduire la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans, avec la possibilité d’une réélection. Toutefois, l’amendement comprenait une exception qui permettait au président Paul Kagame, qui dirige le pays depuis 2000, de se présenter aux élections pour un autre mandat de sept ans en 2017. Le président Kagame a remporté ces élections avec 99 pour cent des voix.
Le président nomme le premier ministre, qui devient le chef du gouvernement, ainsi que les membres du cabinet, sur consultation du premier ministre. En octobre 2018, le président Kagame a formé un cabinet de 26 ministres, dont 13 femmes. Le Rwanda, l’Éthiopie et l'Afrique du Sud sont les seuls pays africains à avoir des cabinets paritaires.
Le pouvoir législatif est composé d’une chambre des députés et d’un sénat. La chambre des députés compte 80 sièges. De ce nombre, 53 sièges sont occupés par des députés qui sont élus directement par représentation proportionnelle à partir de listes de parti fermées. Sur les 27 sièges restants, 24 sont réservés aux femmes, 2 aux jeunes et 1 aux personnes handicapées. Tous les membres ont un mandat de cinq ans. La Constitution exige que les femmes occupent au moins 30 pour cent des sièges à la Chambre des députés.
Les dernières élections à la Chambre des députés du Rwanda ont eu lieu en septembre 2018. Lors de l’élection, la coalition du FPR a remporté 40 des 53 sièges par élection directe[26]. Les femmes détiennent 61 pour cent des sièges à la Chambre des députés, ce qui fait du Rwanda le meilleur pays au monde pour ce qui est de la représentation des femmes dans une chambre monocamérale ou une chambre basse du Parlement[27]. Les prochaines élections à la Chambre des députés auront lieu en 2023.
Le Sénat est composé de 26 membres, dont 14 sont élus indirectement, tandis que 12 sont nommés. Parmi les 14 sénateurs élus, 12 sont choisis par les membres des conseils locaux et 2 par les établissements d’enseignement supérieur. Huit membres du Sénat sont nommés par le Président, tandis que les quatre autres sont choisis par le Forum consultatif national des organisations politiques (National Consultative Forum of Political Organisations)[28]. Les sénateurs siègent pendant huit ans. Les dernières élections pour les 14 sénateurs élus indirectement au Sénat ont eu lieu en 2011. Au moins 30 pour cent des sièges doivent être occupés par des femmes. Au dernier renouvellement de mandat, 10 des 26 sièges au Sénat (38 pour cent)[29] étaient occupés par des femmes.
B. Justice et réconciliation
Le Rwanda et la communauté internationale ont cherché à obtenir justice pour les victimes du génocide de 1994 contre les Tutsis, au cours duquel environ 800 000 personnes, majoritairement des Tutsis et des Hutus modérés, ont été tués. Dans une décision de l’Assemblée générale des Nations Unies rendue en 2018, « dans la foulée du génocide de 1994 contre les Tutsis, les Hutus et d’autres opposants ont également été tués[30] » En novembre 1994, le Conseil de sécurité de l’ONU a créé le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) chargé de poursuivre les personnes responsables du génocide et d’autres violations graves du droit international humanitaire. Situé à Arusha, en Tanzanie, le TPIR a procédé à ses premières mises en accusation en 1995 et a tenu ses premiers procès en 1997. De 1997 jusqu’à sa fermeture en 2015, le TPIR a mis en accusation 93 personnes pour génocide et autres violations graves du droit international humanitaire commises en 1994[31].
En plus du TPIR, le Rwanda a instruit des causes de génocide devant ses tribunaux nationaux, ainsi que par le truchement d’un mécanisme communautaire de règlement des différends appelé Gacaca. Ces tribunaux ont été mis à contribution en partie en raison de l’importante population carcérale qui avait émergé dans les années qui ont suivi le génocide. De 2005 jusqu’à leur fermeture en 2012, les tribunaux Gacaca ont traité plus d’un million de cas liés au génocide[32]. Des milliers de génocidaires sont toujours emprisonnés au Rwanda.
En plus de ces processus judiciaires, le Rwanda a entrepris un processus national de réconciliation qui a commencé à la fin des années 1990. En 1997, la Commission rwandaise de démobilisation et de réintégration a été créée en tant qu’institution gouvernementale autonome chargée de planifier et de mettre en œuvre la démobilisation et la réintégration des anciens combattants[33]. Selon la Banque mondiale, depuis sa création, la Commission a facilité la démobilisation et la réintégration de plus de 70 000 anciens combattants[34]. En 1999, une Commission pour l’unité nationale et la réconciliation a été créée par une loi du Parlement ayant pour mandat de promouvoir l’unité nationale et la réconciliation et de « proposer des mesures et des actions qui peuvent contribuer à l’éradication du divisionnisme parmi les Rwandais[35] ».
C. Développement économique et social
En 2000, le Rwanda a lancé une stratégie de développement intitulée « Vision 2020 », qui a ciblé les objectifs de développement du pays pour les 20 prochaines années[36]. Dans le cadre de cette stratégie, le Rwanda s’est efforcé de passer d’une économie à faible revenu, axée sur l’agriculture, à une économie de savoir, de services et à revenu moyen d’ici 2020[37]. Bien que les observateurs laissent entendre que le Rwanda n’atteindra pas cet objectif d’ici 2020, on a observé une augmentation constante du PIB par habitant au cours des deux dernières décennies[38]. À l’avenir, le Rwanda s’est fixé un nouvel objectif de développement à long terme : atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire dans la tranche supérieure d’ici 2035, puis de pays à revenu élevé d’ici 2050[39].
Malgré le rythme rapide de la croissance économique que le Rwanda a connu dans la dernière décennie, il continue d’afficher un taux élevé de pauvreté et de sous-développement. Le Rwanda se classe au 158e rang sur 189 pays selon l’Indice du développement humain 2018 des Nations Unies, qui est une mesure composée des indicateurs de la santé, de l’éducation et du revenu[40]. Le Rwanda figure également sur la liste des « pays les moins avancés » établie par l’ONU. Selon les estimations de la Banque mondiale, 47 pour cent de la population rwandaise vit sous le seuil international de pauvreté de 1,90 dollar par jour (en fonction de la parité des pouvoirs d’achat en valeurs de 2011). Toutefois, ce chiffre est en baisse par rapport aux 56 pour cent enregistrés en 2013[41].
La sécurité alimentaire et la malnutrition font partie des problèmes de développement que connaît le Rwanda. Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime qu’environ un cinquième de la population souffre d’insécurité alimentaire[42]. Les niveaux de malnutrition chez les enfants de 6 à 59 mois sont élevés, à 35 pour cent. Selon le PAM, les faibles précipitations, les sécheresses, les inondations et la superficie limitée des terres qui convient à l’agriculture sont autant de facteurs qui posent un risque pour la sécurité alimentaire[43]. Le gouvernement du Rwanda s’est fixé comme objectif de réduire les taux de malnutrition chez les enfants de moins de 60 mois à 18 pour cent d’ici 2024[44].
Selon l’ONU, l’insécurité alimentaire est plus prononcée dans les régions rurales, ainsi que dans les camps de réfugiés. Le Rwanda accueille environ 150 000 réfugiés; au 31 mars 2019, il avait accueilli près de 80 000 réfugiés de la RDC et plus de 70 000 du Burundi[45]. Selon le PAM, bon nombre de ces réfugiés sont au Rwanda depuis des décennies « et ont des perspectives limitées de rapatriement dans un avenir immédiat ». Le PAM indique en outre que ces réfugiés dépendent presque entièrement de l’aide alimentaire du PAM[46].
D. Relations et mobilisation à l’étranger
Le Rwanda joue un rôle important dans les efforts régionaux de paix et de sécurité. Avec plus de 6 500 militaires déployés dans des missions de maintien de la paix de l’ONU, le Rwanda est le troisième acteur en importance en ce qui a trait aux efforts de maintien de la paix de l’ONU dans le monde, après l’Éthiopie et le Bangladesh. Plus de la moitié de ces militaires sont déployés dans le cadre de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud. Le Rwanda a également déployé de grands contingents de soldats dans le cadre des missions de l’ONU en République centrafricaine et au Darfour, et un plus petit contingent a été déployé dans le cadre de la mission de l’ONU en Haïti[47].
Le président Kagame a été président de l’Union africaine du 28 janvier 2018 au 10 février 2019, période au cours de laquelle il a accordé la priorité à la réforme institutionnelle et à l’intégration économique régionale[48]. En plus d’être membre des Nations Unies, de l’Union africaine et de plusieurs organisations régionales et internationales, le Rwanda est également membre du Commonwealth et de la Francophonie. Le Rwanda s’est joint au Commonwealth en 2009, devenant ainsi l’un des 10 pays seulement (dont le total inclut le Canada) à devenir membres à part entière à la fois du Commonwealth et de la Francophonie[49]. Le 12 octobre 2018, Louise Mushikiwabo a été élue secrétaire générale de la Francophonie. Avant son élection, Mme Mushikiwabo était ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Rwanda, poste qu’elle occupait depuis 2009.
RÉUNIONS DE LA DÉLÉGATION AU RWANDA
1. Réunion avec l’honorable Donatille Mukabalisa, présidente de la Chambre des députés
La délégation a visité la Chambre des députés dans le cadre d’une réunion avec l’honorable Donatille Mukabalisa. L’honorable Musa Fazil Harerimana, l’honorable John Ruku Rwabyoma et l’honorable Marie Claire Mukasine étaient également présents à la réunion. La présidente Mukabalisa a accueilli la délégation et a donné un aperçu de l’histoire récente, des affaires actuelles et des projections d’avenir du Rwanda.
La délégation a eu une discussion avec le président Mukabalisa au sujet de la réconciliation et de la reconstruction après le génocide au Rwanda et du rôle de chef de file du pays dans la prévention de génocides. Elle a mentionné que par le passé, le Rwanda a été caractérisé par une mauvaise gouvernance, des violations des droits de la personne et une exclusion qui ont abouti au génocide des Tutsis. En revanche, la présidente Mukabalisa a précisé que les Rwandais avaient choisi, après le génocide, de devenir une nation unifiée et indivisible.
2. Séance d’information de la haute-commissaire Lisa Stadelbauer et du personnel de la mission
La haute-commissaire Lisa Stadelbauer et Julie Crowley, chef du Bureau du Haut-Commissariat du Canada à Kigali, ont présenté à la délégation un exposé sur les relations entre le Canada et le Rwanda, y compris en ce qui concerne le soutien au développement du Canada pour le Rwanda. La haute-commissaire Stadelbauer a également traité de la situation politique et économique actuelle et du processus de réconciliation nationale au Rwanda.
En ce qui concerne le développement socio-économique du Rwanda, il a été expliqué à la délégation que son PIB avait augmenté à un taux moyen de 7,5 pour cent au cours de la dernière décennie. Malgré une forte croissance économique, les délégués ont toutefois appris que le taux de pauvreté national demeure élevé. En effet, la délégation a appris que, selon les statistiques de la cinquième Enquête intégrale sur les conditions de vie des ménages, environ 70 pour cent des ménages rwandais ont acheté moins de nourriture à la mi-2017 comparativement à la fin de 2016 en raison de la hausse des prix des aliments.
3. Visite du monument commémoratif du génocide de Kigali
La délégation a visité le monument commémoratif du génocide à Kigali. Inauguré en 2004, le monument abrite un musée et constitue le lieu de sépulture de plus de 250 000 victimes du génocide contre les Tutsis. Le monument commémoratif du génocide à Kigali comprend trois sections d’exposition, dont une qui documente le génocide de 1994 contre les Tutsis. On y trouve aussi un monument commémoratif pour les enfants et une exposition sur l’histoire de la violence génocidaire dans le monde.
La délégation a déposé une couronne et observé un moment de silence en souvenir des victimes du génocide. La délégation a ensuite parcouru les expositions commémoratives pour en apprendre davantage sur l’histoire du génocide. L’exposition décrit en détail les causes et les conséquences du génocide contre les Tutsis et fournit des renseignements sur la réconciliation et la reconstruction post-génocide au Rwanda.
4. Réunion avec l’honorable Bernard Makuza, président du Sénat
La délégation s’est réunie avec l’honorable Bernard Makuza, président du Sénat, ainsi que d’autres membres de la Chambre haute. Le président Makuza a informé la délégation des responsabilités du Sénat rwandais, qui comprennent le suivi de l’application des principes fondamentaux énoncés à l’article 10 de la Constitution rwandaise. Ces principes fondamentaux consistent à combattre l’idéologie du génocide, à travailler à l’éradication des divisions ethniques et régionales et à promouvoir l’unité nationale. Le président Makuza a informé la délégation que le Sénat approuve également la nomination de hauts fonctionnaires et de juges à la Cour suprême.
Au nom des Rwandais, le président Makuza a exprimé sa gratitude à la Chambre des communes du Canada pour la décision qu’elle a prise en 2004 de déclarer le 7 avril Journée en mémoire des victimes du génocide rwandais de 1994. Il a également salué la décision du Canada d’expulser au Rwanda une personne reconnue coupable, par un tribunal canadien, d’incitation au génocide au Rwanda. Il a également reconnu le rôle du Canada dans la création de l’Université nationale du Rwanda en 1963.
Le président Makuza a exprimé le souhait de voir les relations entre le Canada et le Rwanda aller au-delà de l’aide au développement et s’orienter vers un partenariat bilatéral plus étroit en matière de commerce et d’investissement. Il a aussi parlé de l’importance d’établir des liens diplomatiques avec le Canada dans le cadre de l’adhésion commune des deux pays au Commonwealth, à la Francophonie et à l’Union interparlementaire.
5. Réunion avec les membres du Comité permanent des affaires étrangères, de la coopération et de la sécurité et du Forum des femmes rwandaises parlementaires
La délégation s’est réunie avec les membres du Comité permanent des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Sécurité de la Chambre des députés et du Forum des femmes rwandaises parlementaires. Au total, plus de 20 membres du Parlement rwandais ont participé à la réunion.
Les discussions ont commencé par une présentation du président du Comité permanent des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Sécurité au sujet des principales responsabilités législatives et en matière de surveillance de la Chambre des députés, M. Fidèle Rwigamba. Le président du Comité a expliqué que le président de la République et la présidente de la Chambre des députés doivent appartenir à différents partis politiques. Les délégués ont également été renseignés sur le mandat du Comité permanent des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Sécurité. Entre autres attributions, le Comité est responsable des questions liées aux relations internationales, aux relations et à la coopération avec d’autres parlements, aux accords de prêt et de subvention entre le Rwanda et des pays étrangers ou des organisations internationales, des accords internationaux signés par le Rwanda, de la sécurité et de l’intégrité territoriales, de la coopération en matière militaire, ainsi que de la déclaration et de la cessation de la guerre.
La délégation a entamé une discussion avec des parlementaires rwandais sur plusieurs sujets, y compris les progrès réalisés par le pays pour promouvoir l’égalité des sexes. La délégation a été informée que les femmes détiennent 61 pour cent des sièges à la Chambre des députés et 38 pour cent des sièges au Sénat.
6. Déjeuner de travail avec les représentants de la société civile
Dans le cadre d’un déjeuner de travail, la délégation s’est entretenue avec des membres de la société civile pour discuter de la situation des droits de la personne. Bien que la liberté de presse soit garantie par la Constitution du Rwanda, la délégation a appris que les journalistes s’abstiennent souvent d’analyser certains sujets jugés politiquement ou socialement sensibles, ou de faire des reportages sur des questions complexes liées à la sécurité nationale. Pourtant, la délégation a également appris que les journalistes et d’autres membres des médias ont fait le choix d’exercer leur profession dans ce contexte et ont donc adopté une approche collaborative plutôt que conflictuelle à l’égard du gouvernement.
Les participants ont souligné que les principes qui guident les Rwandais depuis le génocide sont la réconciliation, le dialogue constructif et le consensus. Au cours des discussions, les participants ont approfondi la question du contexte juridique au Rwanda, notamment en ce qui concerne les droits à l’application régulière de la loi et le droit à une défense.
7. Réunion avec le Conseil de développement du Rwanda
La délégation s’est réunie avec Mark Nkurunziza, dirigeant principal des finances, et Karim Tushabe, chef de l’unité d’affaires de l’Office rwandais du développement (ORD). M. Tushabe a traité de la situation économique au Rwanda et de la stratégie de croissance du pays. Il a expliqué que le Rwanda a connu une croissance économique soutenue au cours de la dernière décennie. La délégation s’est fait expliquer que l’objectif de l’ORD est de permettre au secteur privé de créer des emplois qui permettront à une grande partie de la population de passer de l’agriculture de subsistance à des emplois hautement spécialisés. Il a également indiqué que l’ORD s’efforce d’attirer davantage d’investissements au Rwanda, de soutenir les entreprises rwandaises qui cherchent à exporter vers les marchés régionaux et mondiaux et de remplacer les importations par des produits fabriqués ou produits localement.
Il a été expliqué à la délégation que le Rwanda est une plaque tournante pour l’intégration rapide de l’Afrique. Le Rwanda fait partie de la Communauté d’Afrique de l’Est, un marché de plus de 132 millions de personnes, et une signataire de l’Accord de libre-échange continental africain. M. Tushabe a expliqué que le gouvernement du Rwanda veut transformer le Rwanda en un centre régional pour les affaires, l’investissement et l’innovation. Il a noté que le Rwanda se classe au deuxième rang en Afrique selon l’indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale. Pour donner un exemple de l’efficacité du milieu des affaires au Rwanda, M. Tushabe a expliqué qu’il faut six heures pour enregistrer une entreprise au Rwanda. Les délégués ont également été informés du guichet unique de l’ORD, un portail centralisé qui offre des services de certification d’investissement, d’immigration et de notariat, pour ne nommer que ceux-là.
8. Réunion avec le groupe Pro-Femmes/Twese Hamwe
La délégation s’est réunie avec Emma Marie Bugingo, secrétaire administrative de Pro-Femmes/Twese Hamwe et d’autres représentants de l’organisation. Pro-Femme/Twese Hamwe est une organisation de la société civile qui vise à améliorer le statut socio-économique des femmes et à promouvoir « la culture de la paix pour le développement durable par la coordination et le renforcement des capacités des associations membres[50] ».
Mme Bugingo a donné un aperçu de Pro-femmes/Twese Hamwe, de son histoire et de ses objectifs, ainsi que de certains de ses principaux programmes. Elle a parlé d’un projet intitulé « Women can do it », qui vise à renforcer la capacité des femmes à devenir des leaders dans leur communauté et dans les institutions décisionnelles. Elle a expliqué que le travail de Pro-Femmes/Twese Hamwe a contribué à la révision des lois discriminatoires et à l’adoption de nouvelles politiques sur les questions liées au congé de maternité. Mme Bugingo a également traité de plusieurs défis auxquels le Rwanda continue de faire face dans le domaine des droits et de l’autonomisation des femmes. Elle a expliqué, par exemple, qu’il existe toujours une culture du silence entourant les questions relatives à la violence sexuelle et fondée sur le sexe (VSS) et un manque de services pour les victimes de VSS.
Les délégués ont pris part à une discussion avec les membres du groupe Pro-Femmes/Twese Hamwe sur plusieurs questions, notamment les mariages précoces et forcés d’enfants, la grossesse chez les adolescentes et le VIH/sida. En ce qui concerne le VIH/sida, les délégués ont été informés que le gouvernement du Rwanda s’attaque au problème de la stigmatisation et s’efforce de prévenir la transmission du VIH. Selon ONUSIDA, les cas de nouvelle infection par le VIH au Rwanda ont chuté de 20 pour cent entre 2010 et 2017[51].
9. Visite du Centre de santé Ruhombo à Burera
La délégation a visité un Centre de santé Ruhombo à Burera, un district situé dans la province du Nord du Rwanda à deux heures de route de Kigali, où se déroule un projet de santé maternelle et infantile financé par le Canada. Le projet est mis en œuvre par Primate’s World Relief and Development Fund Canada en collaboration avec Partners in Health Rwanda. Antoinette Habinshuti, directrice générale adjointe de Partners in Health, a expliqué à la délégation que le projet est axé sur l’amélioration de la santé des nouveau-nés, des enfants de moins de cinq ans et des femmes en âge de procréer.
La délégation a visité l’installation et a posé des questions au personnel. La délégation a appris que le projet adopte une approche holistique pour améliorer la santé des patients en investissant dans le soutien social dans le cadre des soins.
La délégation a profité de cette occasion pour s’entretenir avec des représentants de la Butaro Maize Cooperative, composée de 529 familles œuvrant dans le domaine agricole. Dans le cadre d’un effort de lutte contre la malnutrition chez les enfants et les femmes, les représentants de la coopérative ont expliqué qu’ils reçoivent des semences, du fumier et une formation sur les méthodes de culture maraîchère. La délégation a également pu écouter le récit d’expériences de certains membres de la communauté pendant le génocide. Les délégués ont terminé leur visite par la plantation d’arbres au Centre de santé Ruhombo en présence des deux groupes.
10. Réunion avec l’honorable Richard Sezibera, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale
La sénatrice Andreychuk, qui était accompagnée de la haute-commissaire, s’est entretenue avec le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Rwanda, l’honorable Richard Sezibera, en même temps que les autres délégués à Burera. Le ministre Sezibera et la sénatrice Andreychuk ont discuté de divers sujets, dont les relations bilatérales entre le Canada et le Rwanda et la coopération multilatérale. Le ministre Sezibera a exprimé le souhait que le Canada et le Rwanda renforcent leur coopération en matière de développement, d’enseignement et d’économie. Il s’est également réjoui à l’idée d’une coopération bilatérale qui profiterait de l’élan donné par la Réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth, que le Rwanda accueillera en 2020.
La sénatrice Andreychuk et le ministre Sezibera ont échangé leurs points de vue sur l’intégration régionale en Afrique. Ils ont notamment discuté du travail de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), que le président Kagame préside en 2019. M. Sezibera, ancien secrétaire général de la CAE, a expliqué que l’organisation travaille activement sur des questions liées à l’harmonisation fiscale, à la politique monétaire et à la facilitation du commerce. Le ministre Sezibera a également discuté des récentes tensions qui se sont développées entre le Rwanda et l’Ouganda. Il a indiqué que les deux pays s’efforçaient de résoudre leurs différends qui, au moment de la visite de la délégation, avaient entraîné la fermeture de plusieurs points de transit le long de leur frontière commune.
11. Réunion avec la Commission nationale des droits de l’homme
La délégation a rencontré Madeleine Nirere, présidente de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) du Rwanda, ainsi que d’autres membres de la Commission. Mme Nirere a présenté un aperçu des objectifs et des activités de la CNDH. Comme il a été expliqué à la délégation, la Commission, établie en vertu de la Constitution, a pour mandat de promouvoir et de protéger les droits de la personne au Rwanda. Parmi ses fonctions, la CNDH s’efforce d’éduquer et de sensibiliser la population sur les questions relatives aux droits de la personne et veille à ce que les lois et règlements nationaux soient conformes aux principes fondamentaux des droits de la personne. Selon Mme Nirere, la CNDH dispose d’un processus de réception, d’examen et d’enquête des plaintes relatives aux violations des droits de la personne au Rwanda, et de recommandations visant à assurer un recours efficace pour le traitement de ces plaintes.
Des questions ont été posées à Mme Nirere au sujet de l’efficacité et de l’influence de la Commission et de certains des principaux défis en matière de droits de la personne auxquels fait face le Rwanda. La délégation s’est fait expliquer, par exemple, que bon nombre des plaintes reçues par la CNDH concernent les biens, l’éducation, la justice et la violence sexuelle. Mme Nirere a informé la délégation que la CNDH s’efforce de mieux surveiller les questions liées à la protection de l’enfance, tant à la maison qu’à l’école. Elle a ajouté que la CNDH défend les droits des personnes handicapées.
12. Réunion avec la Commission nationale de lutte contre le génocide
Les délégués ont participé à une table ronde avec Jean-Damascène Bizimana, secrétaire administratif, et Diogene Bideri, conseiller juridique principal de la Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG). La CNLG a été créée par la loi en 2007 en tant qu’institution indépendante, nationale et permanente jouissant d’une autonomie administrative et financière. Son objectif général est de « prévenir et de combattre le génocide, son idéologie et ses conséquences[52] ».
M. Bizimana a déclaré que l’objectif principal de la CNLG est de soutenir le souvenir du génocide contre les Tutsis et les initiatives d’éducation connexes. Il a expliqué que la plupart des Rwandais ont moins de 25 ans et qu’ils n’étaient donc pas vivants au moment du génocide. Il a expliqué que la CNLG enseigne aux jeunes ce qu’est le génocide et ses conséquences, notamment en mobilisant directement les survivants. M. Bizimana a précisé que la CNLG appuie les travaux des chercheurs pour documenter le génocide et raconter l’histoire des survivants. Il a ajouté que la CNLG entretient des relations avec des institutions semblables dans d’autres pays, comme le Cambodge, qui ont été victimes de génocide ou d’autres atrocités de masse.
M. Bizimana a décrit comment le génocide a touché tous les Rwandais. L’omniprésence du souvenir du génocide dont fait mention M. Bizimana explique toute l’importance des tribunaux Gacaca. Il explique que les tribunaux Gacaca ont été établis partout au pays et ont permis aux résidents des collectivités de s’exprimer et d’expliquer le traumatisme qu’ils ont vécu. Les membres de la délégation ont également été informés de l’attention portée à l’enjeu des victimes et leurs assaillants qui ont repris le cours de leur vie dans les mêmes collectivités.
Selon M. Bizimana, bien que le Rwanda soit aujourd’hui un pays pacifique, il persiste encore un problème par rapport à l’idéologie du génocide. En effet, certaines personnes demeurent déterminées à promouvoir le « divisionnisme et le révisionnisme » à l’égard du génocide. À cet égard, il s’est prononcé en faveur de la décision prise par l’Assemblée générale des Nations Unies en janvier 2018 de désigner le 7 avril Journée internationale de réflexion sur le génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda. Cette décision rappelait une résolution adoptée en 2003 par l’Assemblée générale des Nations Unies, qui désignait le 7 avril comme Journée internationale de réflexion sur le génocide au Rwanda[53]. M. Bizimana a indiqué qu’en soulignant explicitement que le génocide avait été commis contre les Tutsis, la décision de 2018 témoigne de la réalité de ce qui s’est passé au Rwanda en 1994. Il a encouragé le Canada et d’autres membres de la communauté internationale à parler du génocide de 1994 de la même façon.
13. Réunion avec Musa Gbow, Initiative Enfants soldats de Roméo Dallaire
La délégation s’est réunie avec Musa Gbow, gestionnaire régionale de la formation en Afrique, Initiative Enfants soldats de Roméo Dallaire, pour une séance d’information sur le travail de l’Initiative et sur la question de la protection des enfants en Afrique en général.
M. Gbow a expliqué que l’Initiative Dallaire a signé un protocole d’entente avec le ministère de la Défense du Rwanda en 2016 pour offrir de la formation aux membres des Forces rwandaises de défense (FRD). La formation vise à faire en sorte que les membres des FRD possèdent les connaissances et les compétences pratiques nécessaires pour prévenir efficacement le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats. Comme M. Gbow l’a expliqué, le Rwanda est l’un des pays membres de l’ONU qui contribue le plus au maintien de la paix. Il a informé la délégation que l’Initiative Dallaire a donné sept cours de formation au cours de la dernière année. M. Gbow souligne que l’Initiative Dallaire souhaite également établir un centre d’excellence pour la formation et l’apprentissage sur les questions liées à la protection des enfants pour les troupes de la région.
Selon M. Gbow, le recrutement d’enfants dans les forces armées des pays africains a diminué dans les dernières années. Cependant, il a également indiqué que les enfants continuent d’être recrutés et utilisés comme soldats en grand nombre par des acteurs non étatiques, y compris par des milices et des groupes terroristes. Il a traité de la nécessité de s’assurer que les gouvernements et les organisations de la société civile offrent des services de soutien liés au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration des enfants soldats.
Enfin, M. Gbow a expliqué que l’Initiative Dallaire cherchait à obtenir du gouvernement du Canada de nouveaux fonds supplémentaires qui lui permettraient d’élargir ses travaux dans le domaine de la protection des enfants à un nombre accru de pays. Il a expliqué que ce financement s’harmonisera avec l’appui du Canada aux Principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats[54].
OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS
L’Association a choisi de se rendre en Éthiopie et au Rwanda pour donner suite aux missions bilatérales précédentes et dresser un portrait à jour de la situation dans deux pays dynamiques d’Afrique subsaharienne. La mission a également permis de jeter un regard plus large sur la situation dans deux parties différentes de l’Afrique, à savoir la Corne de l’Afrique et la région des Grands Lacs. Grâce à des réunions avec des représentants du gouvernement, des parlementaires, des organisations de la société civile et d’autres intervenants, la délégation a pu réfléchir aux façons dont le Canada peut approfondir son partenariat avec l’Éthiopie et le Rwanda d’un point de vue parlementaire, bilatéral et multilatéral. Les sections ci-dessous présentent les observations et conclusions principales de la délégation à la suite de sa mission en Éthiopie et au Rwanda.
E. Éthiopie
L’Éthiopie a été témoin de réformes politiques et économiques rapides depuis qu’Abiy Ahmed est devenu premier ministre, en avril 2018. Parmi ces réformes, il y a surtout eu des mesures visant à élargir l’espace démocratique, à libérer des prisonniers politiques et à encourager d’anciens opposants politiques à rentrer chez eux. Ces réformes comprennent également des efforts visant à accroître la liberté des médias, à réformer la législation régissant les activités des organisations de la société civile et à créer les conditions propices à la tenue d’élections multipartites libres et équitables en 2020. La mission bilatérale de la délégation lui a donné l’impression que l’engagement du premier ministre Abiy à l’égard de ces réformes est authentique et que des progrès sont réalisés.
La vitesse à laquelle l’Éthiopie assiste à la réforme démocratique ne devrait toutefois pas obscurcir les défis qui l’attendent. Les membres de la délégation ont appris que des décennies de restrictions sur les activités et les opérations des organisations de la société civile et des médias indépendants ont favorisé le cynisme et la méfiance de la plupart des citoyens à l’égard de l’État. En outre, la délégation a été informée du fait que la magistrature éthiopienne demeure faible et est toujours considérée avec un certain scepticisme populaire. La fragmentation continue de l’opposition et la faible capacité d’institutions indépendantes comme la Commission électorale nationale d’Éthiopie (CENE) sont également considérées comme des défis qui entravent la tenue d’élections parlementaires authentiques multipartites et libres en 2020.
L’aide électorale a été l’une des demandes les plus fréquentes des interlocuteurs éthiopiens durant la mission de la délégation. Il a été signifié aux délégués que l’Éthiopie a besoin d’une aide institutionnelle pour des organismes comme la CENE, ainsi que d’un soutien axé sur le renforcement des systèmes électoraux et des lois. Plusieurs responsables éthiopiens ont également appelé au renforcement des capacités et au soutien à la formation dans le domaine des élections. On a expliqué à la délégation que ce type d’aide est d’autant plus crucial dans le contexte des attentes accrues que le premier ministre Abiy a suscitées à l’égard d’élections multipartites et libres en 2020. Comme ces élections approchent à grands pas, l’Association exhorte le gouvernement du Canada à examiner la demande de l’Éthiopie en matière d’appui électoral.
L’Association encourage également le gouvernement du Canada à continuer d’appuyer l’Éthiopie dans les domaines de la gouvernance inclusive et du pluralisme. Au cours de sa mission, la délégation a constaté que la coopération intergouvernementale et fédérale-régionale sera essentielle pour faire face à la crise des déplacements du pays. Comme il a été mentionné précédemment, l’Éthiopie compte environ trois millions de personnes déplacées, en majorité en raison de conflits et de tensions intercommunautaires et ethniques. Les délégués ont été ravis d’entendre parler du projet visant à améliorer les relations intergouvernementales et à assurer une plus grande inclusivité dans le contexte de la fédération multiculturelle de l’Éthiopie, qui arrive à point nommé et que le Canada appuie par le truchement du Forum des fédérations. L’Association croit fermement que les projets de ce genre, qui visent à favoriser l’inclusion, le pluralisme et la réconciliation, sont d’une importance cruciale et méritent l’appui soutenu du Canada.
La paix et la sécurité régionales étaient un autre thème central de la mission de l’Association. Bien que la situation de la sécurité régionale dans la Corne de l’Afrique demeure préoccupante, la délégation a été encouragée par les efforts soutenus du premier ministre Abiy pour améliorer les relations avec l’Érythrée. Cela dit, malgré les progrès importants réalisés depuis la signature de la déclaration commune de paix en juillet 2018, les délégués se sont fait expliquer que le rapprochement entre l’Éthiopie et l’Érythrée demeure fragile. Plus particulièrement, la délégation a entendu que des efforts supplémentaires étaient nécessaires pour institutionnaliser la paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée. Autrement dit, il faut mettre en place des mécanismes officiels pour superviser et surveiller la mise en œuvre de l’accord de paix et pour établir la paix. L’Association encourage le gouvernement du Canada à collaborer avec ses partenaires de l’UA et de l’IGAD pour appuyer la mise en œuvre de l’accord de paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée.
Enfin, l’Association estime que le gouvernement du Canada devrait explorer des façons de resserrer les liens commerciaux avec l’Éthiopie. En 2018, le Canada a exporté pour 130,2 millions de dollars de marchandises vers l’Éthiopie, ce qui en fait la 74e destination en importance pour les exportations canadiennes. Alors que les exportations canadiennes de marchandises vers l’Éthiopie ont augmenté de plus de 30 pour cent en 2018 par rapport à 2017 (où elles s’établissaient à 87,8 millions de dollars), les exportations ont en fait diminué par rapport à leur total de 2014 (où elles s’établissaient à 136,9 millions de dollars[55]). En outre, bien qu’elle soit la deuxième nation la plus peuplée d’Afrique, l’Éthiopie était la neuvième destination en importance pour les exportations canadiennes sur le continent en 2018[56].
L’Association estime que les relations commerciales du Canada avec l’Éthiopie sont nettement sous-développées par rapport à un marché de cette taille. Au cours de sa mission, la délégation a entendu parler des nombreux débouchés commerciaux qui s’offrent aux entreprises canadiennes en Éthiopie, notamment dans les secteurs de l’agriculture, des mines, de l’énergie, de l’infrastructure et de l’aérospatiale. La délégation a également été informée des débouchés accessibles aux entreprises canadiennes dans le secteur des technologies de l’information et des communications, particulièrement en ce qui concerne les télécommunications. L’Association estime que le gouvernement du Canada devrait accroître ses efforts, notamment par l’intermédiaire de son Service des délégués commerciaux, pour appuyer les entreprises canadiennes qui désirent exporter des produits et faire des affaires en Éthiopie.
F. Union africaine
La visite de la délégation à la Commission de l’Union africaine et son entretien avec le chef de cabinet du président de l’organisation, M. El-Ghassim Wane, ont été une occasion importante d’entendre parler des priorités de l’UA et des défis actuels auxquels l’organisation est confrontée. Les deux principales priorités de l’UA qui ont été mentionnées par M. Wane et d’autres représentants de la CUA étaient le désir d’approfondir l’intégration économique régionale et de renforcer l’architecture de la paix et de la sécurité de l’UA. À cet égard, la délégation a pris note de l’élan qui s’est développé autour de l’Accord de libre-échange continental africain. Elle a aussi été ravie de constater l’engagement de l’Union africaine envers le maintien de la paix, la prévention des conflits et le développement après-conflit.
La visite à la CUA et la réunion avec l’Institute for Peace and Security Studies ont permis aux délégués de comprendre que le Canada devrait établir un partenariat plus solide avec l’UA. Comme Michelle Ndiaye de l’IPSS l’a expliqué à la délégation, l’UA a besoin d’aide et cherche de l’aide dans plusieurs domaines où le soutien du Canada pourrait être utile, y compris dans le domaine de la gouvernance. Une partie de ce soutien a déjà été mis en place. La délégation souligne que le Canada fournit cinq millions de dollars (2017-2019) à l’appui d’un projet visant à améliorer la gestion de la capacité de la CUA et à faire progresser l’intégration et la collaboration continentales[57]. Ce financement est également utilisé pour soutenir les efforts de la CUA visant à autonomiser les femmes et les filles, à lutter contre les changements climatiques et à promouvoir la bonne gouvernance.
La délégation est d’avis que le gouvernement du Canada devrait chercher des occasions de renforcer son engagement auprès de l’UA et de rendre cette relation plus visible et institutionnalisée. À cet égard, l’Association suggère que le gouvernement du Canada étudie la possibilité de nommer un ambassadeur dévoué à l’Union africaine, distinct du poste d’ambassadeur du Canada en Éthiopie. Cette étape pourrait s’inspirer de la décision prise en 2014 par le gouvernement du Canada de créer un poste d’ambassadeur canadien dédié à l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE).
Cette décision a découplé les positions de l’ambassadeur du Canada auprès de l’ANASE et de l’ambassadeur du Canada en Indonésie, où l’ANASE a son siège social[58]. L’Éthiopie est un pays vaste et complexe qui mobilise de multiples niveaux d’engagement de la part du Canada et qui, par conséquent, exige une attention et des ressources diplomatiques importantes. Selon l’Association, le fait d’avoir un ambassadeur canadien dédié à l’Union africaine contribuerait à renforcer l’engagement et la présence diplomatique du Canada auprès de l’Union africaine et à resserrer les liens bilatéraux avec les pays africains.
G. Rwanda
Puisque la mission avait lieu quelques semaines avant le 25e anniversaire du génocide contre les Tutsis, la délégation a pu rendre hommage aux victimes du génocide et se souvenir de la souffrance des survivants. Dans le cadre de son programme, la délégation a visité le monument commémoratif du génocide de Kigali et y a déposé une couronne de fleurs, lieu du dernier repos de plus de 250 000 victimes. Bien qu’il s’agisse d’une expérience difficile et émouvante, la visite a été essentielle pour que la délégation comprenne l’ampleur de ce qui s’est produit en 1994. Elle nous a aussi rappelé que la communauté internationale doit tirer des leçons du génocide pour que son inaction ne se reproduise plus jamais.
La visite a également permis à la délégation de se renseigner sur le processus de réconciliation nationale du Rwanda. La délégation a été stupéfaite de constater l’immense courage, la persévérance et la résilience dont les Rwandais ont fait preuve au cours des 25 dernières années. Lors de rencontres avec des parlementaires, des membres de la société civile et des organisations telles que la Commission nationale de lutte contre le génocide, la délégation a entendu parler des nombreuses façons dont le Rwanda travaille à promouvoir la réconciliation et à rétablir la confiance entre les collectivités. La délégation a été informée, par exemple, des efforts déployés pour lutter contre l’idéologie du génocide et en évaluer les conséquences. Elle a également entendu parler des efforts courageux des Rwandais pour essayer de pardonner et de collaborer pour surmonter la violence et les traumatismes. La capacité et la volonté des survivants d’accepter la réconciliation devraient être une source d’inspiration pour tous.
La délégation tient également à souligner les immenses progrès socioéconomiques réalisés par le Rwanda depuis 1994. Au cours des 25 dernières années, le Rwanda a fait des progrès importants pour ce qui est de réduire l’extrême pauvreté et les infections au VIH, en plus d’améliorer les résultats dans les domaines de la santé maternelle, néonatale et infantile et de l’éducation. Son économie a également connu une croissance rapide au cours de la même période, avec un taux de croissance de 7,6 pour cent en dix ans[59]. Le PIB par habitant à parité de pouvoir d’achat (en dollars internationaux courants) a également augmenté, passant de 1 100 $ en 2007 à 2 000 $ en 2017, en grande partie grâce à l’amélioration de la productivité dans les secteurs de l’agriculture et de la fabrication, à l’augmentation des investissements publics dans l’infrastructure et aux entrées constantes de l’aide étrangère[60].
Malgré ces progrès, le Rwanda continue de faire face à d’importants défis en matière de développement, dont la délégation a entendu parler en détail lors de sa visite sur le terrain à Burera. Ceux-ci comprennent la pauvreté, l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Le gouvernement du Rwanda a fixé des objectifs ambitieux pour relever ces défis, tout en poursuivant une stratégie de développement plus large qui vise à transformer le pays d’une économie agricole à faible revenu en une économie fondée sur le savoir et les services à revenu intermédiaire. L’Association croit fermement que le Canada devrait s’associer au Rwanda pour atteindre cet objectif. L’Association encourage le gouvernement du Canada à améliorer sa coopération au développement avec le Rwanda et à chercher des occasions d’appuyer les entreprises canadiennes qui désirent investir dans ce pays.
La délégation croit que les liens parlementaires constituent un mécanisme important pour renforcer les relations entre le Canada et le Rwanda. Lors de réunions avec les présidents des deux Chambres du Parlement et d’autres parlementaires rwandais, les membres de la délégation ont constaté l’intérêt que suscite le renforcement de cette coopération par des projets de renforcement des capacités et la mise en commun de pratiques exemplaires. À cet égard, la délégation souhaite souligner le leadership mondial du Rwanda en matière d’autonomisation politique des femmes. Le Rwanda est le meilleur pays au monde pour ce qui est de la représentation des femmes dans une chambre basse ou unicamérale du Parlement[61]. L’Association estime que le Canada peut tirer des leçons des efforts déployés par le Rwanda pour veiller à ce que les femmes soient représentées de façon appropriée et significative au Parlement. Pour sa part, l’Association est d’avis que le Canada et les parlementaires canadiens pourraient mettre l’accent sur les pratiques exemplaires dans les domaines du pluralisme, de la démocratie multipartite et de la surveillance législative du pouvoir exécutif du gouvernement dans le cadre de l’engagement du Canada auprès du Rwanda.
L’Association souhaite également souligner le leadership émergent du Rwanda aux échelles mondiale et régionale. Tout comme l’Éthiopie, le Rwanda est l’un des principaux contributeurs de soldats aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Le Rwanda a fait preuve de leadership à l’échelle régionale grâce à la récente présidence de l’Union africaine par le président Kagame et à la présidence actuelle de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Un Rwandais dirige la Francophonie à titre de secrétaire général et le pays accueillera la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth en 2020. L’Association encourage le gouvernement du Canada à continuer d’entretenir des relations avec le Rwanda dans le cadre de tribunes multilatérales portant sur un large éventail de questions, y compris les changements climatiques, la paix et la sécurité. S’il désirait déployer une initiative particulière dans ce domaine, l’Association estime que le gouvernement du Canada devrait envisager d’accroître son soutien à l’Initiative Enfants soldats de Roméo Dallaire soldats pour permettre à l’organisation d’élargir ses activités au Rwanda, qui sont axées sur la protection des enfants.
Enfin, l’Association souhaite conclure en se reportant au rapport qui a suivi sa mission au Rwanda en 2008. Dans ce rapport, l’Association soulignait qu’elle a été « frappée par le sentiment d’optimisme et d’espoir qui régnait au pays au moment de sa visite[62]. Cette même observation prévaut encore aujourd’hui. Comme un Rwandais l’a dit à la délégation pendant sa mission, « l’espoir en nous est plus grand que vous ne pouvez le voir ». La délégation croit que le Canada devrait aider le Rwanda à nourrir cet espoir, alors qu’il bâtit un avenir prometteur.
REMERCIEMENTS
La délégation tient à remercier l’ambassadeur Antoine Chevrier, Ivan Roberts (ministre-conseiller et directeur principal chargé du développement), Alyssa Nunes (deuxième secrétaire [affaires politiques] et agente adjointe de la sécurité de la mission), Lajos Àrendàs (conseiller et consul), Sébastien Moffett (spécialiste [affaires politiques] – Union africaine) et le reste de l’équipe à l’ambassade du Canada en Éthiopie pour leur soutien avant et pendant la mission en Éthiopie.
La délégation exprime également sa gratitude à la haute-commissaire Lisa Stadelbauer, à Julie Crowley (chef de cabinet, Bureau du Haut-commissariat du Canada à Kigali) et à Rick Steenweg (deuxième secrétaire), pour leur travail diligent et leur dévouement pour ce qui est d’organiser et de faciliter la mission de la délégation au Rwanda.
La délégation remercie tous les interlocuteurs qu’elle a rencontrés en Éthiopie et au Rwanda, qui ont pris le temps de partager leurs précieuses connaissances et expériences.
Respectueusement soumis,
L’honorable Raynell Andreychuk, sénatrice Coprésidente Association parlementaire Canada-Afrique | M. Robert Oliphant, député Coprésident Association parlementaire Canada-Afrique |