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Association parlementaire Canada-Europe

Report

INTRODUCTION

M. Larry Bagnell, député du Yukon, a représenté le Parlement canadien à la réunion du Comité permanent des parlementaires de la région arctique (le Comité permanent ou CPPRA)[1] qui s’est déroulée à Mourmansk, en Russie, les 27 et 28 mars 2019 (voir la liste des participants à l’annexe 1). M. Bagnell a été réélu vice-président du Comité permanent en septembre 2018. M. Thai Nguyen, du Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement, accompagnait M. Bagnell à titre de conseiller.

Entre les réunions biennales de la Conférence des parlementaires de la région arctique (CPRA), c’est le Comité permanent qui facilite la coopération entre les parlementaires de la région de l’Arctique[2].La CPRA et le Comité permanent servent de tribune parlementaire pour l’examen des questions qui se rapportent aux travaux du Conseil de l’Arctique. Le forum comporte des délégations de huit Parlements arctiques (Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède, États-Unis), en plus du Parlement européen. La CPRA et le CPPRA comprennent aussi des participants permanents représentant les peuples autochtones, ainsi que des observateurs.

RÉSUMÉ DE LA RÉUNION DU COMITÉ PERMANENT

A. RÔLE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE DANS L’ARCTIQUE    

Dans leur allocution de bienvenue, M. Andrey Chibis, gouverneur de la région de Mourmansk, et M. Sergey Dobovoy, Président de la Douma régionale de Mourmansk, ont souligné l’importance de la coopération internationale dans l’Arctique. Ils ont mentionné que Mourmansk est la porte d’entrée de la région arctique russe, et la coopération internationale dans l’Arctique est essentielle au développement responsable de l’infrastructure et des ressources de l’Arctique. M. Chibis et M. Dobovoy ont également mis en lumière les défis environnementaux similaires que doivent relever toutes les nations de l’Arctique dans le contexte du développement des ressources naturelles.

B. POLITIQUE POUR L’ARCTIQUE DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE   

M. Nikolay Korchunov, ambassadeur pour la coopération internationale dans la région arctique et haut représentant de l’Arctique, a décrit aux délégués les principales caractéristiques de la Politique pour l’Arctique de la Fédération de Russie. La priorité de cette politique consiste à promouvoir le développement social et économique. Il a indiqué que la région de l’Arctique compte pour environ 10 % du PIB total de la Russie, et pour près de 20 % de toutes les exportations russes. M. Korchunov a également fait remarquer que deux millions de personnes vivent dans l’Arctique russe.

Pour soutenir le développement social et économique dans l’Arctique russe, M. Korchunov a souligné le rôle vital de la route maritime du Nord (RMN). La RMN devient de plus en plus viable, étant le chemin le plus court entre l’Asie et l’Europe. Il a mentionné que le Parlement russe avait adopté une nouvelle loi réglementant les activités de transport maritime sur la RMN en 2018. La société d’État nucléaire de la Russie, Rosatom, s’est vue accorder le contrôle opérationnel de la RMN, tandis que le ministère du Transport conserve le rôle administratif qu’il exerçait antérieurement sur cette route. Rosatom, qui exploite la flotte de brise‑glaces nucléaires de la Russie, aura tous les pouvoirs sur l’infrastructure, l’accessibilité, la sécurité et le transport maritime de la RMN, puisque la Russie souhaite ouvrir dans l’Arctique ses eaux à la navigation commerciale à longueur d’année.

M. Korchunov a insisté sur l’importance de la collaboration dans l’Arctique dans plusieurs domaines liés au développement social et économique : les pêches, la recherche et le sauvetage, les sciences et l’infrastructure de soutien au transport maritime. Soulignant le fait que la plupart des délégués sont arrivés à Mourmansk en passant par la capitale, Moscou, il a indiqué que les États de l’Arctique pourraient également intensifier leur coopération dans le développement des corridors de transport aérien nord‑nord. Le quasi‑naufrage en mars 2009 du navire de croisière Viking Sky dans le nord de la Norvège a exposé au grand jour l’insuffisance des ressources de sauvetage dans l’Arctique et le besoin critique de coopération entre les États arctiques.

Selon M. Korchunov, la Russie a commencé à préparer sa présidence du Conseil de l’Arctique de 2021 à 2023. La présidence russe mettra l’accent sur le développement social et économique de l’Arctique, ainsi que sur les occasions de coopération avec la zone Asie‑Pacifique. M. Korchunov a terminé son exposé en mentionnant que les présidents de la Russie, de l’Islande et de la Finlande, ainsi que les premiers ministres de la Norvège et de la Suède, participeront à l’International Arctic Forum à Saint-Pétersbourg en avril 2019. Ce forum est une plateforme pour discuter d’enjeux liés au développement socioéconomique de l’Arctique et pour élaborer des mécanismes multilatéraux pour la mise sur pied de partenariats dans le développement des ressources naturelles.

M. Larry Bagnell a indiqué au Comité que le haut représentant de l’Arctique du Canada dirigera une délégation à l’International Arctic Forum. La délégation canadienne assistera également à l’événement « Canada and Russia: the Arctic Giants » organisé par l’Université d’État de Saint‑Pétersbourg. De plus, Savoir polaire Canada a accueilli un jeune scientifique de l’Arctique russe à la Station canadienne de recherche dans l’Extrême‑Arctique de Cambridge Bay, au Nunavut, en 2018.

À l’initiative de M. Bagnell et de la députée du Danemark/Groenland, les membres du Comité ont échangé des renseignements concernant les répercussions des changements climatiques sur les pêches dans l’Arctique, notamment les changements observés dans la distribution des espèces. Le député du Parlement de l’Islande a également soulevé la question du transport maritime vert. M. Nikolay Korchunov a fait remarquer que l’utilisation de plus en plus répandue du gaz naturel liquéfié (GNL) comme carburant maritime représente une occasion de transport maritime plus écologique en Russie.

C. DÉVELOPPEMENT DE L’INFRASTRUCTURE DE TRANSPORT DANS L’ARCTIQUE   

M. Vladimir Arutiunyan, chef du service opérationnel de la flotte – chef du quartier général des opérations maritimes de l’entreprise unitaire fédérale d’État « Atomflot », a expliqué aux membres du Comité les responsabilités relatives au déglaçage assumées par Atomflot dans le développement de l’infrastructure de transport dans l’Arctique russe. Atomflot fait partie du groupe Rosatom, établi à Mourmansk, et exploite la seule flotte de brise‑glaces nucléaires du monde.

Atomflot possède une flotte de brise‑glaces de classe Arktika qui sont en mesure de briser de la glace mesurant entre quatre et cinq mètres d’épaisseur. À l’heure actuelle, on estime à 10 millions de tonnes de marchandises les activités de transport maritime sur la RMN, et la Russie compte augmenter ces activités à 40 millions de tonnes au cours des cinq prochaines années. L’augmentation prévue des activités de transport maritime découle de l’élaboration de projets de GNL dans la péninsule de Yamal. La flotte alimentée en GNL de Yamal comprend 15 pétroliers qui sont escortés sur la RMN par des brise‑glaces nucléaires.

Pour répondre au besoin de développer l’infrastructure de transport sur la RMN, M. Arutiunyan a indiqué au Comité que la Russie prévoyait lancer une nouvelle flotte de brise‑glaces nucléaires pour remplacer des navires mis hors service. Le nouveau navire Arktika devrait entrer en service en 2019, suivi par le nouveau navire Sibir en 2021. En collaboration avec la Finlande, la Russie mettra également au point une flotte de brise‑glaces alimentés en GNL.

Pour répondre à la question de M. Bagnell concernant l’accent que met la Russie sur la mise au point de brise‑glaces nucléaires, M. Arutiunyan a mentionné qu’en plus de pouvoir briser des glaces épaisses, les brise‑glaces nucléaires n’émettent aucun gaz à effet de serre.

D. COOPÉRATION DANS LA RÉGION EURO-ARCTIQUE DE BARENTS   

Mme Elena Tikhonova, ministre du Développement économique de la région de Mourmansk, a expliqué aux membres du Comité que l’économie de Mourmansk ne reposait pas sur un seul secteur. Le transport, les mines, les pêches et le tourisme sont tous des secteurs qui contribuent à la croissance de la région de Mourmansk. Elle a fait remarquer que le secteur du tourisme avait connu un essor au cours des dernières années avec l’arrivée annuelle de 400 000 touristes asiatiques désirant vivre l’expérience de l’Arctique. La plupart des touristes en provenance de l’Asie sont des Chinois, mais Mourmansk attire également des visiteurs de la Malaisie, du Vietnam, de Singapour et des Philippines.

On a présenté la région Euro‑Arctique de Barents comme un bon exemple de coopération transfrontalière dans l’Arctique. Pendant la Guerre froide, la région de Barents était soumise à des tensions. Toutefois, la mise sur pied au niveau intergouvernemental du Conseil Euro‑Arctique de Barents et, au niveau interrégional, du Conseil régional de Barents a contribué à intensifier la coopération entre les régions et les États membres.

M. Eirik Sivertsen, président du Comité permanent et député du Parlement de la Norvège, a ajouté que 2019 marquait le 75e anniversaire de la libération de la région la plus au nord de la Norvège de l’occupation nazie par l’Armée rouge. Des hauts représentants de la Norvège et de la Russie assisteront aux activités soulignant cet anniversaire. Il a insisté sur le fait que cet événement démontre de façon manifeste la coopération interpersonnelle entre les deux nations arctiques dans le contexte des tensions géopolitiques actuelles à l’extérieur de la région de l’Arctique.

E. LETTRE À LA NOUVELLE PRÉSIDENCE DU CONSEIL DE L’ARCTIQUE   

Les membres du Comité ont modifié et adopté à l’unanimité l’ébauche d’une lettre qui sera présentée à la nouvelle présidence islandaise du Conseil de l’Arctique. Dans cette lettre, le Comité souligne que « la coopération permanente entre les pays de l’Arctique est d’une importance vitale pour relever efficacement les défis auxquels tous les pays sont confrontés dans la région, y compris les enjeux environnementaux, non seulement pour atténuer les conséquences négatives des changements climatiques, mais aussi pour créer des conditions favorables à un développement économique durable » [traduction].

Le Comité a également encouragé la présidence islandaise à mettre en œuvre les recommandations formulées par la CPRA dans la Déclaration de la conférence adoptée à Inari, en Finlande, en 2018.

F. RAPPORTS NATIONAUX   

1. Canada   

M. Larry Bagnell a présenté une vidéo sur les Jeux d’hiver de l’Arctique qui se dérouleront à Whitehorse, au Yukon, en 2020. Ces Jeux comprennent des délégations circumpolaires de l’Alaska, du Groenland, de l’Arctique canadien, du Sapmi (région habitée depuis toujours par le peuple sami dans le nord de l’Europe) et de Yamal (Russie).

Il a également présenté un rapport canadien sur les activités dans l’Arctique depuis la dernière réunion du CPPRA à Inari, en septembre 2018.

• Création du premier secrétariat permanent lié au Conseil de l’Arctique du Canada

Le 19 mars 2019, le gouvernement fédéral a annoncé dans son budget de 2019 la création du premier secrétariat permanent lié au Conseil de l’Arctique du Canada. Cette initiative renforce l’engagement du Canada à l’égard du Conseil de l’Arctique en mettant sur pied un secrétariat permanent pour le Groupe de travail sur le développement durable du Conseil de l’Arctique. Le secrétariat devrait permettre d’accroître la participation des résidents de l’Arctique du Canada aux activités du Conseil de l’Arctique et aux activités de recherche dans l’Arctique, et offrir aux jeunes de la région arctique des occasions d’apprentissage de niveau international.

• Présentation de la Loi sur les langues autochtones

Le 5 février 2019, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-91, Loi sur les langues autochtones, pour « se réapproprier les langues autochtones et […] les revitaliser, les maintenir et les renforcer [au Canada] ». Ce projet de loi a été élaboré pour soutenir la mise en œuvre de recommandations formulées par la Commission de vérité et réconciliation du Canada, des éléments de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et de l’engagement du gouvernement fédéral à renouveler ses relations avec les peuples autochtones.

Il convient de noter que :

  • l’année 2019 a été déclarée l’Année internationale des langues autochtones par l’UNESCO;
  • en 2016, seulement 15 % des Autochtones au Canada pouvaient soutenir une conversation dans une langue autochtone, comparativement à 17 % en 2011 et à 21 % en 2006. Toutefois, la situation dans l’Arctique est beaucoup plus positive, puisque 64 % des Inuits canadiens peuvent converser en inuktitut.

2. Danemark/Groenland   

La déléguée du Parlement danois représentant le Groenland a informé les membres que l’Organisation maritime internationale allait rendre publiques très bientôt ses recommandations concernant le dossier du mazout lourd dans l’Arctique. À son avis, il est essentiel d’évaluer les répercussions économiques, sociales et environnementales d’une possible interdiction du mazout lourd.

3. Finlande   

Le délégué du Parlement de la Finlande a indiqué aux membres que la Finlande assumera la présidence du Conseil de l’Union européenne au deuxième semestre de 2019. À titre de prochaine présidente du Conseil de l’Union européenne et de présidente sortante du Conseil de l’Arctique, la Finlande inscrira à l’ordre du jour des réunions de l’Union européenne les questions liées à l’Arctique. Elle mettra également l’accent sur les déchets marins.

4. Islande   

Le député islandais a expliqué au Comité que l’Islande est bien préparée pour assumer la prochaine présidence du Conseil de l’Arctique. Les priorités de la présidence islandaise comprennent notamment la pollution par le plastique dans l’environnement marin, le développement de l’économie bleue, des solutions d’énergie verte pour les petites communautés, et l’établissement de liens plus solides entre le Conseil de l’Arctique et le Conseil économique de l’Arctique.

Le Parlement de l’Islande a amorcé le processus de ratification de l’Accord international pour la prévention d’activités non réglementées de pêche en haute mer dans le centre de l’océan Arctique signé en 2018 par le Canada, le Danemark, l’Islande, la Norvège, la Russie, les États‑Unis, l’Union européenne, la Chine, le Japon et la Corée du Sud.

Le député a également exprimé sa déception concernant le faible engagement parlementaire du Congrès des États‑Unis et du Parlement européen au cours des dernières années à l’égard des enjeux de l’Arctique.

5. Norvège   

Le président du CPPRA et député du Parlement de la Norvège a fait part de ses préoccupations concernant l’insuffisance des ressources en recherche et sauvetage dans l’Arctique observée lors de l’incident mettant en cause le navire de croisière Viking Sky dans les eaux norvégiennes en mars 2019. L’Accord de coopération en matière de recherche et de sauvetage aéronautiques et maritimes dans l’Arctique du Conseil de l’Arctique définit la sphère de responsabilité de chaque État partie en matière de recherche et sauvetage. À son avis, les sphères de responsabilité dans ce domaine sont trop vastes pour qu’un État puisse se fier uniquement à ses propres ressources, et il est donc prioritaire d’accroître la collaboration circumpolaire.

Le député norvégien a également mentionné des signaux « inquiétants » provenant des États‑Unis préalablement à la tenue de la réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique en mai 2019. À son avis, les négociations menées dans le cadre du processus de rédaction de la Déclaration de Rovaniemi, qui doit être adoptée par le Conseil de l’Arctique, sont difficiles. M. Eirik Sivertsen a fait remarquer que les mesures pour lutter contre les changements climatiques sont à la base du mandat du Conseil de l’Arctique. Il a encouragé ses collègues à accroître la sensibilisation aux changements climatiques et aux enjeux dans l’Arctique auprès de leurs contacts américains.

M. Larry Bagnell a suggéré aux membres de rappeler à leurs collègues des États‑Unis que les changements climatiques touchent toute la planète. Cependant, il demeure optimiste puisque les États‑Unis continuent de participer aux négociations du Conseil de l’Arctique.

6. Suède   

Le député de la Suède a indiqué qu’un nouveau gouvernement a finalement été formé en janvier 2019 après les élections qui se sont déroulées en Suède en septembre 2018. Le pays a l’intention de mettre à jour sa stratégie pour l’Arctique au cours des prochains mois.

VISITE DU PORT COMMERCIAL DE MOURMANSK ET DU BRISE-GLACE LENIN

Le 28 mars 2019, les membres du Comité ont eu l’occasion de visiter le port commercial de Mourmansk. Selon son directeur, le traitement par le port de marchandises pour l’Arctique connaîtra une croissance de 15 % pour atteindre 400 000 tonnes en 2019. La principale marchandise traitée dans le port est le charbon. Le port achemine également des marchandises à d’autres ports de l’Arctique russe (Sabetta, Dikson, Khatanga), chargeant et déchargeant des porte-conteneurs et des brise‑glaces nucléaires, ainsi que des navires d’approvisionnement pour des projets pétroliers et gaziers en mer.

Le Comité a également visité le Lenin, le premier brise‑glace nucléaire de la Russie et du monde. Le navire a été en service de 1959 à 1989. Il a maintenant été transformé en navire-musée basé en permanence à Mourmansk.

PROCHAINE RÉUNION DU COMITÉ PERMANENT

La prochaine réunion du Comité permanent se tiendra en mai 2019 au Canada.

Respectueusement soumis,

M. Scott Simms, député
Président, Association parlementaire Canada-Europe



[1] Conférence des parlementaires de la région arctique, http://www.arcticparl.org/ [en anglais seulement].
[2] La 13e CPRA a eu lieu à Inari, en Finlande, en septembre 2018. La déclaration de la Conférence d’Inari se trouve ici : http://www.arcticparl.org/conferences.aspx?id=6862 [EN ANGLAIS SEULEMENT].