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Rapport
INTRODUCTION
Du 21 au 25 janvier 2019, l’Association interparlementaire Canada‒Royaume-Uni (RUUK) a envoyé une délégation de huit parlementaires pour assister aux réunions bilatérales à Londres, en Angleterre, au Royaume-Uni, et à Bruxelles, en Belgique. Cette délégation, dirigée par l’honorable John McKay, député, était formée de l’honorable Patricia Bovey, sénatrice; de l’honorable Léo Housakos, sénateur; de M. John Barlow, député; de M. Matt Jeneroux, député; de M. Michael Levitt, député; de M. James Maloney, député. La délégation était accompagnée de la secrétaire de l’Association, Mme Miriam Burke, et de la conseillère de l’Association, Mme Laura Barnett.
VISITE À LONDRES, EN ANGLETERRE, AU ROYAUME-UNI
Du 21 au 23 janvier, la délégation a pris part à des réunions bilatérales à Londres. Ces trois jours ont commencé par une séance d’information de la haute-commissaire du Canada au Royaume-Uni, Son Excellence Janice Charrette, et de différents représentants de la Maison du Canada. Les délégués ont également pu rencontrer divers parlementaires, dont le Président de la Chambre des communes, le très honorable John Bercow, l’envoyé spécial du premier ministre pour le commerce au Canada, M. Andrew Percy, de même que divers représentants de groupes de réflexion, de Universities UK ainsi que Sir David Wootton, conseiller municipal de la Ville de Londres.
A. Séance d’information à la Maison du Canada
1. Délégué commercial principal
La délégation a commencé sa mission à la Maison du Canada, le Haut-commissariat du Canada au Royaume-Uni. M. Taylor Hladik, délégué commercial principal, a ouvert la voie à la délégation; il a donné un aperçu des travaux du Service des délégués commerciaux et souligné la relation commerciale entre les deux pays; il a entre autres parlé des répercussions du Brexit. M. Hladik a fait valoir que le Royaume-Uni est la sixième économie au monde et la troisième de l’Union européenne (UE). Vingt-cinq pour cent du commerce bilatéral du Canada se fait avec le Royaume-Uni ‒ témoignage d’un lien historique étroit ‒ et le commerce entre les deux pays s’est intensifié en 2018 en raison de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) et de la chute de la valeur de la livre. Le Brexit pourrait représenter un défi pour le Canada, bien que ce dernier cherche également à profiter des débouchés. Le Canada fait partie des pays avec lesquels le Royaume-Uni cherchera à resserrer ses liens au moment où il ira de l’avant avec sa politique étrangère Global Britain. Les deux pays tentent actuellement de mettre en place un cadre qui régira leurs relations commerciales une fois que le Royaume-Uni aura quitté l’AECG (bien que cet accord continuera de s’appliquer tant que le Royaume-Uni fera partie de l’UE et pendant l’éventuelle période de transition). Le Royaume-Uni n’a pas souvent mené de négociations commerciales seul puisqu’il fait partie de l’UE, certaines difficultés pratiques et logistiques sont donc à prévoir. M. Hladik a insisté pour dire que de nombreuses sociétés devraient conserver leur siège social à Londres et au Royaume-Uni malgré le Brexit, bien que certaines déplacent leur personnel ailleurs et que d’autres ouvrent des bureaux dans l’UE pour répondre à des exigences réglementaires. Le personnel du Haut-commissariat est en train d’analyser les documents techniques du Royaume-Uni et de l’UE pour savoir à quoi s’attendre dans divers domaines thématiques post-Brexit et pour préparer les sociétés canadiennes. Il a également fait remarquer que le nombre de migrants qui arrivent au Royaume-Uni depuis l’UE a diminué dans les deux dernières années. Cette situation a créé un manque de main-d’œuvre dans certains secteurs, dont les soins infirmiers. Les citoyens de l’UE qui vivent déjà au Royaume-Uni auront donc l’occasion de présenter une demande de résidence après le Brexit.
2. La haute-commissaire du Canada au Royaume-Uni
Son Excellence Janice Charrette a donné un aperçu des récents événements entourant le Brexit et de l’état actuel des politiques et de l’économie du Royaume-Uni. Le pays et les parlementaires traversent une période particulièrement difficile. En effet, ce ne sont plus les considérations partisanes qui divisent les politiciens, mais leurs points de vue quant au Brexit et à la voie à suivre. Certains sont encore fermement convaincus que le Royaume‑Uni devrait rester au sein de l’UE, d’autres tentent de faire valoir une certaine vision du Brexit et d’autres encore veulent simplement aller de l’avant avec le Brexit et passer à autre chose. Mais au-delà du Brexit, le Parti travailliste britannique est assez divisé sur son leadership. Ajoutons que l’Irlande du Nord est privée de gouvernement depuis deux ans parce que le Parti unioniste démocrate et le Sinn Féin n’arrivent pas à s’entendre sur le partage du pouvoir. De façon plus générale, les divisions en Irlande du Nord sont encore palpables malgré l’Accord du Vendredi saint de 1998 et il est préoccupant de constater que le reste du Royaume-Uni ne comprend pas bien ces tensions. L’Écosse a profité des discussions entourant le Brexit pour faire valoir ses arguments en faveur de la sécession. À cause de toute cette incertitude, les entreprises ont diminué leurs investissements au Royaume-Uni et on craint la pénurie de talents dans certains secteurs.
En ce qui concerne les récents développements, la haute-commissaire a souligné les termes du projet d’accord de sortie de l’UE et les déclarations politiques mises de l’avant en novembre 2018. Elle a insisté sur l’importance du filet de sécurité, une disposition touchant l’Irlande du Nord. Le 15 janvier, la Chambre des communes a rejeté cette entente par une forte majorité de 230 voix, bien que la première ministre ait survécu à une motion de défiance. Il semble qu’elle a su conserver le soutien envers son leadership malgré l’opposition face à l’accord en tant que tel. Désormais, la première ministre discute avec les leaders des autres partis dans l’espoir de trouver un compromis (le leader du Parti travailliste a jusqu’à maintenant refusé de la rencontrer), mais il est de plus en plus probable qu’à la date butoir du 29 mars, il n’y aura pas d’accord, à moins que les 27 autres pays de l’UE (UE27) acceptent une prolongation. La première ministre pourrait aussi révoquer la décision sur l’article 50 ou lancer un deuxième référendum, mais aucune de ces possibilités ne serait bien accueillie. Si aucun accord n’est conclu, les tarifs de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’appliqueront et les droits de douane augmenteront radicalement.
Sur le plan des relations entre le Canada et le Royaume-Uni, la haute-commissaire a souligné que son équipe est en train de convertir différentes ententes entre le Canada et l’UE (touchant par exemple l’aviation civile et les dossiers des passagers) en des ententes bilatérales avec le Royaume-Uni. Il a également entrepris des dialogues commerciaux (les négociations officielles ne peuvent avoir lieu tant que le Royaume-Uni n’a pas quitté l’UE) et se concentre sur des enjeux comme la mobilité de la main-d’œuvre et les produits laitiers pour tenter de convertir l’AECG en une entente commerciale bilatérale. Quelques pays ont progressé jusqu’à maintenant pour garantir une éventuelle entente commerciale avec le Royaume-Uni. La haute-commissaire a en outre mentionné que la stratégie Global Britain du Royaume-Uni est une bonne occasion pour le Canada de consolider ses relations avec ce pays dans beaucoup de domaines, y compris la sécurité et la défense.
Les discussions ont aussi porté sur l’évolution des pouvoirs du parlement et la discipline de parti qui est devenue évidente pendant le débat sur le Brexit.
B. Rencontre avec des représentantes de Universities UK
La délégation a rencontré des représentantes de Universities UK : la professeure Julia Buckingham, vice-chancelière de l’Université Brunel; Mme Vivienne Stern, directrice de Universities UK International; Mme Lucy Shackleton, directrice de l’engagement international à Universities UK International. La discussion portait principalement sur le rôle des universités et les études supérieures au Royaume‑Uni. La professeure Buckingham a fait valoir que le pays a un excellent bilan pour ce qui est de la recherche et que depuis longtemps, il collabore étroitement avec des partenaires internationaux. Le cadre d’excellence en recherche mesure l’incidence des études supérieures au Royaume-Uni et le gouvernement a indiqué qu’il entendait augmenter les investissements dans la recherche et le développement à 2,4 % du PIB. Elle a souligné que de plus en plus de jeunes au pays vont à l’université et que ces établissements s’efforcent de mener leurs étudiants vers des carrières intéressantes.
Universities UK trouve important de maintenir un haut pourcentage d’étudiants internationaux, comme il importe de maintenir de solides relations internationales avec l’UE, le Canada et d’autres pays. Les chercheurs canadiens collaborent souvent avec leurs homologues britanniques. Tous les participants ont insisté sur l’importance de la mobilité des étudiants et des échanges de professeurs. Le financement de l’UE par l’entremise du programme Horizon 2020 est capital et la professeure Buckingham espère que le Royaume-Uni trouvera le moyen de poursuivre ce financement après 2020 pour continuer à stimuler la recherche. La professeure Buckingham et Mme Stern ont souligné que le Brexit offre différentes possibilités, mais Universities UK devra recruter des étudiants ailleurs que dans l’UE, son bassin habituel. Il a ensuite été question de la raison pour laquelle les Canadiens et les Britanniques sont moins nombreux que les autres à étudier à l’étranger. Selon Mme Stern, la situation s’explique en partie par le fait que beaucoup d’étudiants souhaitent s’instruire à l’étranger à la fois pour apprendre l’anglais et pour avoir accès à un meilleur niveau d’éducation que dans leur pays d’origine ‒ aucun de ces deux facteurs n’est déterminant pour les Canadiens et les Britanniques. Pour changer cette manière de penser, il importe de faire connaître les avantages des études à l’étranger.
Les participants ont aussi parlé des implications de l’émergence de la Chine en tant que superpuissance dans le domaine de la recherche.
C. Table ronde avec des économistes
La délégation a rencontré un groupe d’experts pour parler de l’économie du Royaume-Uni : Mme Annie Gascoyne, directrice de la politique économique de la Confédération de l’industrie britannique, une voix pour les entreprises du Royaume‑Uni; M. Alan Lockey, directeur de la recherche du groupe de réflexion DEMOS; M. Richard Rumbelow, conseiller en politiques de l’Europe à EEF, un groupe de pression du secteur manufacturier; le professeur Tony Travers de la London School of Economics and Political Science. On a constaté une grande convergence dans les points soulevés par ces intervenants, qui ont souligné que de nos jours, la productivité est un véritable enjeu au Royaum‑Uni ‒ on observe un écart important entre les sociétés de pointe et celles qui sont beaucoup moins productives. Pour remédier à la situation, il faudra mettre en place un régime fiscal et un régime de réglementation stables, s’attaquer aux inégalités régionales au moyen d’une stratégie industrielle qui met l’accent sur les compétences et l’infrastructure, améliorer l’infrastructure de connectivité en plus de donner plus d’importance aux compétences techniques et à la formation d’apprentis dans le système d’éducation. Les intervenants ont fait remarquer que les salaires n’avaient pas augmenté depuis 15 ans. M. Lockey a mentionné que les inégalités étaient devenues un enjeu politique même si l’écart ne s’est pas nécessairement accentué.
Soulignons que le débat entourant le Brexit représente un véritable défi pour le système politique et économique. Le pays doit centrer ses efforts sur ses industries, surtout sur les petites et moyennes entreprises (PME) et saisir les occasions d’explorer de nouveaux marchés par l’intermédiaire du commerce. M. Rumbelow a mentionné que dans les dernières années, le secteur manufacturier et le secteur de l’ingénierie ont profité de l’arrivée de travailleurs qualifiés de l’UE. Malheureusement, ce nombre a chuté en raison de l’incertitude qui règne et de la faible valeur de la livre. Le Royaume-Uni perd donc un bassin de travailleurs qu’il ne peut pas recréer à l’échelle nationale. A suivi une discussion sur l’importance de l’immigration et de l’intégration. Le professeur Travers a fait remarquer que dans les dernières années, moins de migrants arrivent de l’UE, en revanche, ils sont plus nombreux à arriver d’ailleurs, surtout de pays comme la Chine.
D. Rencontre avec l’envoyé commercial pour le Canada
La délégation a rencontré le député Andrew Percy, l’envoyé commercial pour le Canada, qui a présenté une analyse de l’évolution de l’opinion publique et de la prise de position politique au regard du Brexit. Il y a un an, un accord de sortie à l’amiable aurait pu être envisageable, mais maintenant, ceux qui veulent quitter l’UE sont en colère et n’accepteront rien de moins qu’un Brexit dur. À l’approche du vote sur le plan B de la première ministre (qui a eu lieu plus tard en journée), il est d’avis qu’il pourrait y avoir des développements sur l’entente sur le filet de sécurité du côté de l’UE et que les partisans du Brexit dur pourraient assouplir leur position suffisamment pour en arriver à un compromis. La plupart des parlementaires s’opposent toujours au Brexit, mais de bien des manières, ils représentent une élite qui n’est pas en phase avec l’ensemble de la population qui souhaite quitter l’UE. Il n’y a pas de majorité en faveur d’une autre option, qu’il s’agisse de l’accord de sortie faisant actuellement l’objet de négociations, d’un accord de sortie à l’amiable, du scénario de non-accord, de la révocation de l’article 50 ou d’une élection (surtout en raison de la discorde au sein du Parti travailliste). On constate aussi beaucoup de colère à l’idée d’un deuxième référendum. Quant à la discipline de parti, elle se détériore depuis quelque temps à Westminster, mais avec le Brexit, aucune des anciennes normes ne s’applique. Dans ce contexte, le vote de confiance remporté par la première ministre a été décisif pour l’unité du parti.
Quant aux relations Canada–Royaume-Uni, M. Percy est d’avis qu’il est peu probable que le Brexit change quoi que ce soit. Les deux pays peuvent mettre l’accent sur leurs relations bilatérales. Une entente commerciale est à venir et on espère qu’elle ira encore plus loin que l’AECG et que la coopération en ce qui concerne la mobilité de la main‑d’œuvre s’intensifiera. Le resserrement des liens peut aussi être envisageable sur le plan des initiatives parlementaires, des études supérieures et de la sécurité.
E. Visite de la BBC Broadcasting House
La délégation a eu droit à une visite guidée de la BBC Broadcasting House avec le producteur Jay Marques.
F. Exposé à la Chatham House
La première journée de la délégation à Londres s’est conclue par un exposé de Mme la professeure Margaret MacMillan et de Sir Lawrence Freedman intitulé 100 Years After the Paris Peace Conference (100 ans après la Conférence de paix de Paris), qui a eu lieu à la Chatham House et qui était animé par Mme la professeure Leslie Vinjamuri. La professeure McMillan a commencé par donner un aperçu de la réalité des relations internationales et des concepts qui dans une certaine mesure existent toujours 100 ans après la Première Guerre mondiale (nationalisme des grandes puissances, mondialisation, résistance au changement) et d’autres qui ont changé (plus d’acteurs non étatiques, nouvelles formes d’organisations politiques internationales, pouvoir de convaincre). Elle a également fait des mises en garde quant à l’avenir (comment le monde perçoit-il l’acceptabilité de la guerre à l’heure actuelle?). Sir Freedman a poursuivi dans la même veine. Il faut comprendre l’histoire et la façon dont elle façonne les normes. Même après la Première Guerre mondiale, on a continué de croire qu’on peut résoudre les problèmes sur le champ de bataille. Il remet donc en question l’existence d’une norme à l’encontre de la guerre dans les relations internationales d’aujourd’hui.
G. Événement de l’Association parlementaire du Commonwealth
Le mardi, la délégation a assisté à un événement à Westminster, organisé par l’Association parlementaire du Commonwealth et intitulé Shaping and Scrutinising Future UK Trade Policy: Stakeholder engagement and lessons from around the world (Façonner et examiner l’avenir de la politique commerciale du Royaume-Uni : mobilisation des intervenants et leçons d’autres pays). Le député Chris Leslie a d’abord présenté le récent rapport du Comité du commerce international, UK trade policy transparency and scrutiny (Transparence et examen de la politique commerciale du Royaume-Uni). Il a souligné que les négociations commerciales et l’examen des ententes qui en découlent sont nouveaux pour le Parlement puisque le pays fait depuis longtemps partie de l’UE. Ce rapport donne des pistes de réflexion axées sur la mobilisation des parlementaires. Ce comité reconnaît que la conduite de négociations commerciales est la prérogative du gouvernement, mais ultimement, le Parlement doit participer au processus et toutes les consultations doivent être transparentes. Le député et ancien ministre d’État pour le Commerce international, Greg Hands, a répété qu’il faut que les parlementaires participent à la ratification de traités commerciaux et que le gouvernement fasse le point régulièrement tout au long du processus. Il a ajouté que la confidentialité est de mise dans de telles négociations. Il est d’avis que dans son rapport, le Comité a laissé trop de place aux groupes qui s’opposent au commerce. Il doit s’intéresser autant à un point de vue qu’à une autre lorsqu’il entreprend un examen ou des consultations. Le chef de la délégation, M. McKay, a dit quelques mots sur l’expérience du Canada dans la négociation d’ententes commerciales, soulignant que dans le contexte canadien, il faut consulter et mobiliser les provinces.
H. Rencontre avec le Président de la Chambre des communes
La délégation a rencontré le très honorable John Bercow, Président de la Chambre des communes et acteur important dans le débat entourant le Brexit à Westminster. Le Président Bercow a souligné à quel point ce débat consume le pays et divise le Parlement. La première ministre veut accepter le résultat du référendum et trouver le moyen de faire sortir le Royaume-Uni de l’UE. En sa qualité de Président, il voit son rôle comme celui de facilitateur dans la prise de décision à la Chambre des communes. En ce qui concerne l’évolution des procédures parlementaires et la discipline de parti, il constate qu’il y a une véritable tendance chez les parlementaires du Royaume-Uni à ne plus suivre aveuglément les directives du whip du parti.
I. Table ronde avec des experts de la migration
La délégation a rencontré un groupe d’experts à la Maison du Canada : le professeur David Coleman de l’Université d’Oxford; M. Rob McNeil, chercheur et directeur adjoint au Migration Observatory, COMPAS; M. Marley Morris, agrégé supérieur de recherche à l’Institute for Progressive Policy Research; Mme Julia Purcell, directrice de programme à Wilton Park; Mme Jill Rutter, directrice de la stratégie du groupe de réflexion British Future; M. Peter Starkings, du groupe de réflexion Global Future; Mme Maddy Thimont-Jack, chercheuse au groupe de réflexion Institute for Government. La discussion a mis en évidence un enjeu qui a alimenté le débat ayant mené au vote sur le Brexit, c’est-à-dire la mesure dans laquelle le Royaume-Uni devrait s’ouvrir à la migration. M. Starkings a d’abord souligné les travaux du Comité consultatif sur la migration portant sur l’immigration dans l’UE. Selon cet organisme, dans l’ensemble, l’immigration est une bonne chose ‒ pour la productivité et les salaires. En réponse, le gouvernement a publié un Livre blanc pour mettre un terme à la migration de travailleurs peu qualifiés et mettre l’accent sur les migrants hautement qualifiés. Depuis, l’arrivée de migrants de l’UE a ralenti, ce qui va dans le sens de la politique du gouvernement. Mme Thimont-Jack à donné suite à cette discussion sur le Livre blanc en faisant valoir qu’à l’heure actuelle, le gouvernement n’a pas de véritable stratégie en matière de migration (M. Morris a également mentionné que chaque ministère semble adopter sa propre approche dans ce domaine), qu’il n’utilise pas efficacement les données et qu’il y a souvent un écart entre la politique et les opérations. Elle a ajouté qu’il faut un meilleur contrôle parlementaire ‒ trop de modifications s’effectuent au moyen de règlements au lieu de s’effectuer au moyen de lois. Ce fut ensuite au tour de Mme Rutters, qui a indiqué que son organisation tente de changer l’opinion publique sur la migration. Les arguments qui s’appuient sur les avantages économiques sont rarement efficaces, c’est pourquoi British Future se concentre sur d’autres renseignements stratégiques pour changer les perceptions : l’apport des migrants dans la société britannique et l’intégration pour combler le fossé social.
Le professeur Coleman n’abonde pas dans le même sens que les autres intervenants, affirmant que son point de vue est une critique de la migration à grande échelle. Le Royaume-Uni est un petit pays qui ne peut pas faire face à la croissance de la population due à la migration. Ce phénomène accroît la demande de logements et perturbe l’économie en entraînant une diminution de la productivité. A suivi une discussion sur la xénophobie sous-jacente dans les débats entourant l’immigration, on constate aussi que la migration n’est pas perçue de la même façon au Royaume-Uni et au Canada. En effet, le Royaume-Uni envisage souvent l’immigration à court terme, et les médias l’abordent comme un problème alors qu’en général, le Canada y voit plutôt un phénomène à long terme et l’éclairage n’est pas aussi négatif. Cette différence de point de vue s’explique peut-être par le fait que le Canada est depuis longtemps un pays d’immigration, contrairement au Royaume-Uni. Il n’en reste pas moins que la migration est aussi sujet à controverse dans les élections au Canada.
Cette rencontre s’est terminée par une conversation sur la liberté de mouvement dans l’UE, la capacité de surveillance et la viabilité du règlement de Dublin, qui oblige les demandeurs d’asile à présenter leur demande au premier pays à les accueillir. Il a également été question de la traite des personnes et de la difficulté liée à la conformité qui découle de l’utilisation de chaînes d’approvisionnement.
J. Rencontre avec un conseiller de la Ville de Londres et intermédiaire pour le Canada
La deuxième journée de la délégation s’est terminée par une rencontre avec Sir David Wootton, conseiller de la Ville de Londres et intermédiaire pour le Canada; Mme Lisa Dimon, directrice de comptes principale pour Global Experts and Investment à la Ville de Londres; M. Charles French. Sir Wootton a souligné que le commerce et le talent étaient au cœur des préoccupations de la Ville et a fait valoir les efforts de celle-ci pour promouvoir les liens avec les marchés émergents ou bien développés, surtout au sein du Commonwealth. Dans le contexte canadien, ces efforts se traduisent par un grand intérêt envers le secteur numérique et technologique, les caisses de retraite et le soutien aux entreprises canadiennes à Londres. Il a également été fait mention de l’intérêt de la Ville envers le financement vert et les investissements dans les produits écologiques. En ce qui concerne les répercussions du Brexit sur Londres et sur les entreprises au Royaume-Uni, Sir Wootton indique que dans l’ensemble, les banques souhaitent toujours exercer leurs activités à Londres et qu’il y a encore beaucoup d’investissements dans la Ville et au Royaume-Uni. M. French a toutefois fait remarquer qu’au cours des deux dernières années, on constate une diminution des investissements à l’extérieur de Londres. Sur le plan du Brexit, les entreprises se préparent au scénario le plus pessimiste et certaines ont déjà quitté Londres ‒ bien que la plupart soient restées. Les questions de la délégation portaient également sur d’autres enjeux, comme l’intelligence artificielle, le secteur de l’énergie canadienne et l’agrandissement de l’aéroport Heathrow.
K. Rencontre avec le sous-secrétaire d’État parlementaire au ministère du Brexit
La délégation a commencé ses rencontres du mercredi au 9, Dowining Street avec M. Chris Heaton-Harris, député et sous-secrétaire d’État parlementaire au ministère du Brexit. Celui-ci a indiqué qu’à l’heure actuelle, son but était d’aider le Royaume-Uni à se préparer à sa sortie de l’UE sans accord et de se pencher sur les enjeux du contrôle frontalier et de la reconduction des ententes commerciales. Les économies respectives du Royaume-Uni et de l’UE sont étroitement liées, c’est pourquoi la Commission européenne a annoncé une série de mesures pour favoriser le déroulement harmonieux des choses au lendemain du Brexit. Son ministère doit également se préparer au scénario le plus pessimiste, bien qu’il semblerait que le conflit puisse se régler. Il a fait remarquer qu’au Royaume-Uni, le Parlement doit disposer de 21 jours de séance entre le dépôt d’une entente commerciale et l’étape de la ratification. Il faut donc que ces ententes soient négociées le plus tôt possible après la sortie pour qu’elles puissent entrer rapidement en vigueur.
Soulignant la discorde au sein des partis politiques sur la question du Brexit, il a mentionné qu’il est rare que le Parlement soit si loin de ses électeurs. En ce moment, il doute qu’il y ait assez de soutien au Parlement pour l’une ou l’autre des options actuellement sur la table. Aucune entente négociée n’est susceptible d’être acceptable et la prolongation de la période de deux ans de l’article 50 risque fort de déplaire à la population.
Faisant référence à son ancienne carrière comme député européen, M. Heaton-Harris a abordé la question des prochaines élections européennes. Dans les dernières années, beaucoup de députés européens d’origine britannique ont quitté le groupe du Parti populaire européen (PPE), un parti de droite, pour se joindre au groupe des conservateurs et réformistes européens (CRE). Par conséquent, lorsque le Royaume‑Uni quittera l’UE, le CRE perdra une grande partie de ses membres. Les partis populistes gagnent aussi du terrain en Europe et il y a lieu de se demander si le PPE et l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates seront en mesure de maintenir leur très large appui au Parlement.
L. Rencontre avec le président du Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes
À Westminster, la délégation a rencontré le président du Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes, le député Tom Tugendhat. À propos des défis auxquels font actuellement face le Canada et le Royaume-Uni sur le plan géopolitique, M. Tugendhat a indiqué que l’émergence de la Chine comme nouvelle superpuissance mondiale a de nombreuses répercussions sur la communauté internationale. S’il est indéniable que la Chine est l’une des plus grandes économies au monde, les conséquences sur le Canada et le Royaume-Uni sont complexes. Il a également été question du pouvoir de convaincre et des universités dans un tel contexte.
M. Tugendhat a également mentionné qu’il est parfois difficile de travailler avec des pays qui n’ont pas les mêmes valeurs en matière de droit de la personne. À cause des complications géographiques, il n’est pas facile d’importer du pétrole de pays aux vues similaires comme le Canada. Le Royaume-Uni doit donc faire preuve de prudence dans ses négociations avec d’autres pays tout en faisant activement valoir les droits de la personne. L’importation d’énergie verte est en définitive la seule option si le Royaume‑Uni veut s’approvisionner en énergie dans des pays ayant les mêmes valeurs. Selon lui, le débat actuel entourant Nord Stream 2 illustre bien à quel point l’énergie peut être utilisée ou perçue comme une menace.
M. Tugendhat a également insisté sur l’importance des médias véritablement internationaux. BBC est devenue l’une des seules voix internationales à l’extérieure des États‑Unis. CBC et l’australienne ABC se sont retirées et ciblent principalement un public national. Ainsi, les médias américains peuvent prendre toute la place et ils se concentrent souvent sur des enjeux nationaux.
M. Questions à la première ministre
La délégation a assisté à la période des questions à la première ministre depuis la tribune de la Chambre des communes.
N. Déjeuner avec les membres du Groupe parlementaire multipartite Britannique–Canada
La mission de la délégation à Londres s’est terminée par un déjeuner de travail avec le Groupe parlementaire multipartite Britannique–Canada, présidé par le député Andrew Rosindell. Des représentants de la Chambre des communes et de la Chambre des lords étaient présents. La discussion a porté principalement sur la relation commerciale Canada‒Royaume-Uni post-Brexit. Les parlementaires britanniques se sont informés de l’état des négociations entre les deux pays. Il a été confirmé qu’il faudra attendre après le 29 mars pour entamer ces négociations, bien que des discussions soient déjà en cours sur le commerce et sur d’autres ententes pour assurer une transition harmonieuse. Il a également été question des leçons opérationnelles que le Royaume‑Uni peut tirer de la frontière entre le Canada et les États-Unis. Les parlementaires ont discuté du rôle du Parlement, qui a évolué au cours du débat entourant le Brexit, et de la vraisemblance d’un second référendum.
Il a ensuite été question des relations internationales et du rôle important que doit jouer le Royaume-Uni dans le resserrement des liens avec les autres pays à l’approche du Brexit. Les parlementaires ont beaucoup insisté sur l’importance des relations étroites avec les pays du Commonwealth, comme le Canada, et ont évoqué l’idée de créer une association parlementaire Canada‒Nouvelle-Zélande‒Australie. Ils ont souligné le rôle que joue le Commonwealth of Learning de Vancouver. Enfin, la discussion a porté sur les travaux en cours à Westminster et dans les édifices du Parlement à Ottawa ainsi que la relation Canada‒États-Unis.
VISITE À BRUXELLES, BELGIQUE
Les 24 et 25 janvier, la délégation a participé à des réunions bilatérales à Bruxelles. Au programme de ces premières réunions figurait une séance d’information avec l’ambassadeur du Canada auprès de l’Union européenne, Son Excellence Dan Costello, qui était accompagné de l’envoyé spécial du Canada auprès de l’Union européenne, l’honorable Stéphane Dion. Les délégués ont également rencontré une représentante de l’European Policy Centre, des représentants du groupe de travail de la Commission européenne sur les négociations de l’article 50 et différents députés du Parlement européen, dont le coordonnateur du groupe de pilotage du Parlement européen sur le Brexit. Ces réunions ont été suivies d’une séance d’information organisée par la chargée d’affaires du Canada à l’OTAN et de rencontres avec différents représentants permanents auprès de l’OTAN et de responsables de l’OTAN.
A. Rencontre avec la représentante du European Policy Centre
La première journée de la délégation à Bruxelles a commencé par une réunion avec Mme Larissa Brunner, analyste subalterne des politiques au sein du groupe de réflexion European Policy Centre. Pour faire suite aux rencontres de la délégation à Londres, Mme Brunner a donné un aperçu de la perspective européenne sur le Brexit. Elle a indiqué qu’après la défaite de la première ministre May lors du vote du 15 janvier, l’avenir du Brexit est très incertain, bien que les ambassadeurs des États membres auprès de l’UE semblent résignés à ce qu’il n’y ait pas d’accord étant donné la faible probabilité d’en arriver à une entente sur une autre proposition. Mis à part les quelques commentaires imprévus, l’UE27 est unie dans son approche : l’accord de sortie ne peut pas être négocié, bien qu’il soit possible de modifier la déclaration politique. Voici les autres options à l’heure actuelle : un second référendum au Royaume-Uni (peu probable en raison de la grande dissension à Westminster); la prolongation de la période de deux ans prévue à l’article 50 pour repousser la date du Brexit (ne ferait que remettre à plus tard le même résultat); la révocation de l’article 50 (peu probable parce que les conservateurs du Royaume-Uni ont promis de mettre le Brexit à exécution et le parti a trop à perdre); un autre type d’accord, comme celui avec la Norvège (mais il faudrait encore négocier un certain accord, ce qui prendrait du temps). Si le Royaume-Uni sort de l’UE le 29 mars, les règles de l’OMC s’appliqueront à la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord.
En ce qui concerne la mobilité de la main-d’œuvre, Mme Brunner est d’avis qu’il est peu probable que le Brexit déclenche un exode, mais on observera une baisse constante de la migration nette. La question n’est pas de savoir si les résidents de l’UE pourront rester au Royaume-Uni après le Brexit, mais plutôt s’ils voudront rester. On constate déjà un changement dans le débat entourant cet enjeu au Royaume-Uni parce que la migration est à la baisse et le manque de main-d’œuvre dans certains secteurs, comme les soins infirmiers et l’agriculture, commence à se faire sentir.
Il a ensuite été question de l’avenir de l’UE après le Brexit, avec la perte du Royaume‑Uni, un important contributeur financier. Mme Brunner indique que le Royaume-Uni a tendance à voir l’UE d’un point de vue économique, mais les États membres comme l’Allemagne et la France ont un lien beaucoup plus émotionnel avec l’UE, qui n’est pas étranger à l’importance du multilatéralisme et à la gestion des pouvoirs politiques depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Il est probable que l’UE survivra au Brexit, elle sera peut-être même plus forte parce que les États membres devront coopérer plus activement dans différentes sphères, même s’il faudra possiblement sacrifier certains programmes de dépense importants, comme la Politique agricole commune. L’Allemagne et la France hériteront sûrement plus de pouvoir. Après le Brexit, les plus grands enjeux qui attendent l’UE toucheront la primauté du droit en Pologne et en Hongrie et la polarisation des politiques, loin de la gauche et de la droite traditionnelles, axées sur les désaccords sur la question des sociétés ouvertes et fermées.
B. Séance d’information de l’ambassadeur du Canada auprès de l’Union européenne et de l’envoyé spécial auprès de l’Union européenne
La délégation a assisté à une séance d’information animée par l’ambassadeur du Canada auprès de l’UE, Son Excellence Dan Costello. Plus tard, l’envoyé spécial du Canada auprès de l’UE, l’honorable Stéphane Dion, est venu le rejoindre. L’ambassadeur Costello a d’abord donné un aperçu du rôle de l’ambassade du Canada auprès de l’UE. Le réseautage avec les représentants de pays membres est important puisque le Canada ne fait pas partie de l’UE et de ce fait, il ne peut pas assister aux réunions. Cette semaine‑là, l’ambassade avait participé activement aux conférences sur l’AECG, sur les changements climatiques et sur l’exemple du Canada en matière de parrainage et d’établissement des réfugiés.
Sur la question du Brexit, l’ambassadeur Costello a parlé des différentes options auxquelles font face l’UE et le Royaume-Uni, et des diverses perspectives qui entrent en ligne de compte dans les négociations. Même si la période prévue à l’article 50 était prolongée, ça ne serait pas de beaucoup étant donné que se profilent des élections au Parlement européen. Les États membres font front commun face au Brexit. La prospérité de l’UE est intimement liée à un seul marché et la divergence quant aux règles de ce marché pourrait donner à d’autres l’idée d’emboîter le pas au Royaume-Uni. L’ambassadeur a également parlé des implications du Brexit pour le Canada. Pour que l’Alliance transatlantique soit ouverte vers l’extérieur et pour y maintenir la cohésion, le Canada doit miser autant sur ses liens avec l’UE que sur ceux avec le Royaume-Uni. Pour ce faire, il faut entre autres de solides partenariats en matière d’innovation et de recherche. Quant à la sécurité, malgré une collaboration étroite en défense, il est peu probable que l’UE crée son armée. En effet, sa force c’est la sécurité « non militaire » et la stabilisation post-conflit.
Il a ensuite été question de l’AECG et des répercussions négatives du Brexit sur cet accord commercial. À l’heure actuelle, le Royaume-Uni représente le principal partenaire commercial du Canada au sein de l’UE, mais la plupart des marchandises ne font que passer par le Royaume-Uni, qui sert de porte d’entrée vers le marché de l’UE. Jusqu’à maintenant, on constate que l’AECG est un succès. Le Canada a atteint ses contingents de fromage, sinon ses contingents de bœuf, et on constate une hausse de 9,1 % des échanges bilatéraux depuis l’entrée en vigueur de l’AECG. La plupart de ces marchandises arrivent au Canada en provenance de l’UE et vice versa, mais ces chiffres ne disent pas tout. L’ambassade et le gouvernement fédéral s’emploient à promouvoir le commerce dans les marchés prioritaires des pays membres de l’UE et à faire connaître les avantages de cet accord commercial pour que les PME puissent aussi en profiter, pas seulement les sociétés internationales.
La discussion a ensuite porté sur les élections au Parlement européen et la transformation qui s’opère actuellement dans la structure traditionnelle des partis. Le mouvement En marche du président français, Emmanuel Macron, ne s’harmonise pas encore avec un groupe de l’UE, le CRE se décimera avec le départ des députés britanniques et le controversé premier ministre hongrois Viktor Orbán comme membre du PPE pourrait scinder ce groupe politique. L’ambassadeur Dion s’est joint à la conversation sur l’avenir de l’UE. Selon lui, cette union est plus solide qu’on pourrait le croire ‒ les difficultés entourant le Brexit pourraient avoir convaincu les États qui remettaient en question leur adhésion de rester. Les sondages montrent actuellement que de plus en plus de gens ont une impression favorable de l’UE. De fait, l’UE est souvent plus populaire que les gouvernements nationaux eux-mêmes.
C. Réunion avec Dr. Charles Tannock, député du Parlement européen
La délégation a participé à une série de réunions au Parlement européen. La première a eu lieu avec Dr. Charles Tannock, député du parlement européen et rapporteur pour l’Accord de partenariat stratégique Canada UE. La discussion a surtout porté sur le Brexit et les différentes options sur la table à la suite du rejet de la proposition de la première ministre May, le 15 janvier, entre autres les modifications proposées par la Chambre des communes. Dr. Tannock a souligné à quel point la situation est changeante et complexe ‒ l’UE et le Royaume-Uni vivent un moment historique. Malheureusement, il y a tellement de limites à ne pas franchir dans les négociations qu’il est extrêmement difficile d’en arriver à un compromis. Quant à la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, s’il n’y a pas d’accord le 29 mars, il y aura un retour à une frontière dure et les règles de l’OMC s’appliqueront.
D. Rencontre avec le coordonnateur et président du groupe de pilotage du Parlement européen sur le Brexit
La délégation a rencontré M. Guy Verhofstadt, député du Parlement européen et coordonnateur et président du groupe de pilotage du Parlement européen sur le Brexit. Il a expliqué le rôle de ce groupe et ajouté qu’il rencontre toutes les semaines Michel Barnier, négociateur en chef et responsable du groupe de travail de la Commission chargé de la conduite des négociations au titre de l’article 50. Il doit ensuite faire rapport à la plénière du Parlement européen. Cette approche a permis de créer une position unie et cohérente au sein de l’UE face aux négociations. M. Verhofstadt a indiqué que les limites de la première ministre May ont beaucoup influé sur la version finale de l’accord de sortie et sur la déclaration politique, mais on ne sait toujours pas quelle proposition sera jugée acceptable par Westminster. S’il n’y a pas d’accord le 29 mars, les règles de l’OMC s’appliqueront. Quoi qu’il en soit, l’UE comprend que l’établissement d’une frontière dure aura des implications politiques et économiques importantes. C’est pourquoi elle fera tout ce qu’elle peut pour atténuer les répercussions, y compris proposer des contrôles techniques effectués en retrait de la frontière pour éviter l’établissement d’une frontière physique entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. Quant à la possibilité de prolonger la période prévue à l’article 50 au-delà du 29 mars, M. Verhofstadt est d’avis qu’il ne serait pas impossible d’obtenir l’approbation de l’UE27, mais il faudrait que ce soit en vue d’un vote sérieux sur un accord qui se conclurait rapidement à Westminster. En définitive, M. Verhofstadt garde espoir étant donné la volonté manifeste d’un côté comme de l’autre. L’accord de sortie ne peut être renégocié, mais il est toujours possible de modifier la déclaration politique, y compris une entente sur de futures relations commerciales qui élimineraient la nécessité du filet de sécurité. Les limites de l’UE dans ces négociations visent à assurer l’harmonisation de la réglementation et l’établissement de règles équitables pour l’avenir.
En réponse aux questions de la délégation, M. Verhofstadt a indiqué que l’UE et les États membres se préparent à l’éventualité d’une absence d’accord. Des mesures de préparation et des plans d’urgence sont mis en place et doivent être approuvés avant le 29 mars pour atténuer les perturbations. Il a également souligné les répercussions qu’aura le Brexit sur le Parlement européen. En effet, celui-ci se prépare à des élections en mai, sans les députés britanniques, ce qui réduit le nombre de sièges, qui passe de 751 à 705. Il faudra redistribuer 27 autres sièges parmi les autres États membres.
E. Réunion avec la délégation du Parlement européen portant sur les relations avec le Canada
La dernière réunion au Parlement européen s’est tenue avec les députés de la délégation pour les relations avec le Canada : M. Bernd Kölmel, président, et M. Paul Brannen, vice‑président. M. Kölmel a ouvert cette rencontre sur de bons mots concernant les relations Canada-UE, notamment l’efficacité de l’AECG jusqu’à maintenant, les occasions permanentes de dialogue avec l’UE27 et les réunions périodiques de sa délégation avec l’Association parlementaire Canada-Europe. Au sujet des répercussions du Brexit et de l’avenir de l’UE, M. Brannen a indiqué qu’avec la sortie du Royayme-Uni, il est probable que l’UE renforcera l’intégration économique. M. Kölmel fait toutefois remarquer que des tensions au sein de la zone euro se font encore sentir. M. Brannen a fait valoir que traditionnellement, l’Allemagne s’est toujours montrée plus disposée que d’autres à verser ses contributions parce qu’elle est très consciente que l’UE est en fait un projet de paix. Quoi qu’il en soit, l’Allemagne doit se montrer prudente, car l’euroscepticisme est à la hausse au pays et l’extrême droite gagne des adeptes. L’UE doit faire preuve de circonspection dans un environnement où les partis populistes gagnent du terrain ‒ l’intégration doit se faire au rythme des participants les plus lents. M. Kölmel a poursuivi en faisant valoir que sans le Royaume-Uni, l’UE s’affaiblira inévitablement et les pays membres auront plus de difficulté à atteindre un consensus sur des enjeux comme l’orientation de la politique étrangère. M. Brannen a souligné que la France et l’Allemagne semblent vouloir combler le vide laissé par le Royaume-Uni, mais compte tenu du départ prochain de la chancelière Merkel et de la relative impopularité du président Macron chez lui, les autres États membres ont une belle occasion d’assumer davantage un rôle de leadership.
Quant au Royaume-Uni en tant que tel, M. Brannen a souligné l’absence de cohésion au pays à l’heure actuelle. Il est d’avis que l’Écosse poursuivra son parcours vers l’indépendance et qu’il n’est pas impossible que l’Irlande et l’Irlande du Nord s’unissent d’ici quelques générations. En réponse à une question sur la tenue d’un deuxième référendum sur le Brexit, il a indiqué qu’il est peu probable que la population britannique soit prête à une telle éventualité, puis il a avancé des hypothèses sur le libellé du bulletin de vote. Quant à la question de la recherche et du développement, M. Brannen a indiqué que bien que les universités britanniques ne prennent pas l’initiative de demander des fonds pour des partenariats de recherche, de nouvelles méthodes de collaboration dans l’intérêt collectif devraient donc être mises de l’avant à moyen ou à long terme.
Enfin, en réponse aux questions sur la loi Magnitski, au titre de laquelle les gouvernements peuvent imposer des sanctions à ceux qui contreviennent aux droits de la personne, M. Adam Isaacs, chef de l’Unité Relations transatlantiques et G8, a souligné l’enthousiasme du Parlement européen face à de telles dispositions.
F. Rencontre avec le groupe de travail de la Commission européenne sur les négociations au titre de l’article 50
La dernière journée de la mission de la délégation a commencé par une rencontre sur le Brexit avec des représentants du groupe de travail de la Commission européenne sur les négociations au titre de l’article 50 : M. Antonio Fernandez-Martos, chef du groupe consacré aux accords internationaux, au commerce et aux douanes, et M. Nicolas Von Lingen, agent de politiques. M. Fernandez-Martos a d’abord parlé de la structure des activités du groupe de travail, ensuite, M. Von Lingen a parlé de la collaboration avec le Canada pour assurer la continuité des relations post-Brexit sur des enjeux comme l’AECG et pour analyser les pratiques exemplaires en ce qui concerne la gestion des frontières. M. Fenrandez-Martos a présenté les différentes possibilités et leurs ramifications pour le Canada. Si le Royaume-Uni sort de l’UE le 29 mars sans être parvenu à un accord, toutes les ententes entre le Canada et l’UE se poursuivront comme avant, mais sans la participation du Royaume-Uni. Si au contraire un accord est conclu, il y aura une période de transition d’au moins deux ans durant laquelle sera maintenu le statu quo: le Royaume-Uni demeurera un État membre, mais ne pourra pas participer aux décisions. Une fois terminée la période de transition, les ententes entre le Canada et l’UE se poursuivraient comme avant, mais sans la participation du Royaume-Uni. Il a ensuite été question de ce qu’impliquerait concrètement le Brexit pour les marchandises canadiennes acheminées à l’UE via le Royaume-Uni. MM. Fernandez-Martos et Von Lingen ont expliqué que ces marchandises passeraient deux contrôles douaniers (d’abord au Royaume-Uni puis en UE), mais la question importante sera de savoir si elles sont transformées en de nouvelles marchandises au Royaume-Uni. Si tel n’est pas le cas et qu’elles demeurent des marchandises canadiennes, les règles de l’AECG continueront de s’appliquer.
En attendant que le Royaume-Uni propose une solution, alors qu’il n’y a pas d’accord en vue, l’UE se prépare au scénario d’absence d’accord et met en place nombre de mesures d’urgence et diffuse des avis de préparation sur les douanes, l’aviation, etc. Les perturbations seront inévitables, mais ces mesures en atténueront les conséquences. Il a ensuite été question des répercussions du Brexit sur l’innovation et la recherche. M. Fernandez-Martos a indiqué qu’on ignore encore comment les choses se passeront dans ce domaine après le Brexit, mais l’UE se penche actuellement sur des plans d’urgence en ce qui concerne les subventions aux projets de recherche et il n’est pas exclus que le Royaume-Uni puisse continuer à participer à Horizon 2020 comme pays tiers.
G. Réunions – siège de l’OTAN
1. Séance d’information de la chargée d’affaires du Canada et du représentant militaire adjoint du Canada à l’OTAN
La mission de la délégation s’est terminée par une série de réunions au siège de l’OTAN. D’abord, Mme Vera Alexander, chargée d’affaires du Canada à l’OTAN, et le colonel Greg Ivey, représentant militaire adjoint du Canada à l’OTAN, ont animé une séance d’information. Mme Alexander a parlé du rôle de la représentante permanente du Canada à l’OTAN et des avantages de la coordination découlant de notre présence politique et militaire au siège. Elle a parlé du contexte géopolitique post-2014 dans lequel l’OTAN exerce ses activités : relations avec la Russie depuis l’invasion de la Crimée; importance qu’accorde l’OTAN à la dissuasion et à la défense; renforcement des partenariats avec un grand nombre de pays. À l’heure actuelle, l’OTAN collabore avec l’UE dans différents domaines liés à la sécurité et à la défense pour assurer l’efficacité de la synergie et éviter le chevauchement d’initiatives. Mme Alexander a parlé de la dynamique mondiale qui oriente les décisions de l’OTAN. Le colonel Ivey a poursuivi sur certains de ces sujets. Il a souligné que l’OTAN suit les développements dans les pays comme la Russie et la Chine et souhaite intensifier sa collaboration avec l’UE étant donné les ressources que chacune peut apporter pour améliorer les capacités de défense et de sécurité européennes.
2. Réunions et déjeuners avec des représentants permanents à l’OTAN
La délégation a organisé une série de réunions et de déjeuners de travail avec des représentants permanents et des représentants permanents adjoints de l’Estonie, de la France, de l’Allemagne, de la Lettonie, de la Pologne, de la Norvège, de la Roumanie, de l’Espagne et du Royaume-Uni. Les participants se sont penchés sur certains grands thèmes, dont le changement du contexte géopolitique depuis l’invasion de la Russie en Crimée, soulignant que la Russie semble faire fi du droit et des accords internationaux, et les répercussions des difficultés économiques et politiques de ce pays. Beaucoup ont souligné l’importance de la résilience sur les plans politique et technique et de la cohésion parmi les États membres de l’OTAN, surtout face à la complexité des nouvelles menaces à la sécurité, comme le terrorisme, les cyberattaques et les autres formes de guerre hybride telle que les campagnes de désinformation. Dans un tel contexte, les participants ont fait valoir l’amélioration des capacités de défense et de dissuasion en Europe, ont remercié le Canada pour sa présence en Lettonie et en Roumanie, mis l’accent sur l’importance de la collaboration étroite entre l’OTAN et l’UE, du partage du fardeau et du respect des engagements quant au financement de l’OTAN. Certains ont souligné la prépondérance de la coopération pour préserver le régime de contrôle des armements, d’autres celle du dialogue avec les pays comme la Russie ou encore la Chine, laquelle souhaite vivement intervenir davantage dans les dossiers touchant l’Arctique. Enfin, certains participants ont parlé de la possibilité d’inclure d’autres États, comme la Macédoine, la Géorgie et l’Ukraine.
3. Rencontre avec des représentants de la Division Défis de sécurité émergents ‒ OTAN
La délégation a rencontré M. Christian Liflander, chef de la Section de la cyber défense, et Mme Juliette Bird, chef de la Section Contre-terrorisme, tous les deux de la Division Défis de sécurité émergents. M. Liflander a parlé de l’évolution de l’approche de l’OTAN face aux cyberattaques, surtout depuis celle ayant ciblé l’infrastructure de l’Estonie, en 2007. Les cybermenaces posent un autre type de défi pour la sécurité, qui exige la participation d’acteurs étatiques et non étatiques. Au bout du compte, l’OTAN serait prête à invoquer l’article 5 en réponse aux cyberattaques, selon les circonstances. M. Laflander a entamé une discussion avec la délégation sur la définition d’une cyberattaque, sur les nouveaux facteurs de vulnérabilité qui apparaissent sans cesse avec la prolifération des technologies intelligentes et sur l’importance de la vigilance et de l’état de préparation pour se défendre contre une éventuelle attaque.
Mme Bird a parlé du travail de l’OTAN dans le dossier de la lutte contre le terrorisme et de l’évolution des choses dans les 30 dernières années. Ultimement, la plus grande partie du travail s’effectue à l’échelle nationale; l’OTAN ne veut pas interférer avec ces activités, mais elle a un rôle à jouer lorsque les domaines civils et militaires se rejoignent. L’organisation se concentre sur la sensibilisation aux menaces, sur les capacités et la résilience et sur l’appui aux partenaires extérieurs à l’OTAN et leur mobilisation. Le contre-terrorisme ne fait pas partie des principales fonctions de l’OTAN, mais l’organisation peut mettre à profit ses compétences dans ce dossier, surtout en ce qui concerne le renforcement des capacités et la diffusion des leçons apprises tant dans la sphère civile que militaire. La délégation a également participé à une discussion sur le rôle de l’OTAN dans le partage du renseignement.
Respectueusement soumis,
L’hon. John McKay, C.P., député
Président
Association interparlementaire Canada–Royaume-Uni