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RAPPORT
La 18e session annuelle du Forum parlementaire transatlantique est le plus grand rassemblement de législateurs des pays membres de l’OTAN à s’être tenu à Washington en 2018. Le Parlement du Canada était représenté par Borys Wrzesnewskyj, député et chef de la délégation, l’hon. Joseph A. Day, sénateur et Rachel Blaney, députée. Les sujets suivants ont été discutés:
• Relations commerciales transatlantiques
• Attitude des États-Unis vis-à-vis de la Russie
Incidences des élections de mi-mandat sur la politique intérieure et extérieure des États-Unis
• Relations transatlantiques et partage des charges
La National Defense University et l’Atlantic Council étaient les hôtes de la session. Quant aux débats, ils étaient soumis aux règles de Chatham House : à ce titre, le présent rapport de mission rend compte de la teneur des échanges autour des principaux points de l’ordre du jour sans nommer les auteurs des divers points de vue et prises de position.
RENCONTRE AVEC L’AMBASSADEUR KURT VOLKER, REPRÉSENTANT SPÉCIAL DES ÉTATS-UNIS POUR L’UKRAINE
Avant de participer au Forum parlementaire transatlantique, la délégation a rencontré l’ambassadeur Volker afin de discuter des récents développements en Ukraine. La discussion a porté sur les événements dans le détroit de Kerch et dans la mer d’Azov et de la saisir de navires ukrainiens et son équipage par la Russie.
Au cours de la discussion, M. Volker a réitéré le soutien des États-Unis envers l’Ukraine et a souligné l’importance des élections présidentielles du 31 mars 2019. S’ensuivit une discussion générale sur la situation politique ukrainienne et des différentes candidatures pour la présidence du pays.
À cet égard, M. Wrzesnewskyj a informé M. Volker de la décision du gouvernement du Canada d’envoyer un fort contingent d’observateurs pour les élections présidentielles afin d’assurer un vote libre de toute ingérence externe.
RELATIONS COMMERCIALES TRANSATLANTIQUES
À l’intérieur du système d’échange international, les États-Unis, l’Union européenne et le Canada ont des intérêts communs et ont joué un rôle de pionniers dans l’édification d’un ordre commercial ouvert tel que l’incarne l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont le fonctionnement repose sur des règles communes. Ils ont aussi élaboré entre eux des dispositions commerciales particulièrement libérales qui ont engendré une prospérité et une harmonie politique considérables. Cependant, les stratégies régissant le libre-échange se sont modifiées et l’ordre commercial qui s’est bâti au cours des 60 dernières années est confronté à une série de graves défis.
En raison du Brexit, l’Union européenne perd un joueur de première importance mais ses États membres espèrent continuer à entretenir de solides relations commerciales avec le Royaume-Uni, peu importe le résultat des négociations.
Un présentateur a expliqué que l’UE a conclu avec le Canada un accord qui bénéficiera aux deux parties. Des milliers d’emplois européens résultent des échanges commerciaux avec le Canada, ce qui annonce une nouvelle génération de relations commerciales fondées sur la préservation de l’environnement et sur la protection des droits humains et du travailleur.
L’UE représente la plus grande zone de libre-échange au monde et ses relations commerciales avec les États-Unis forment le tout premier couloir commercial à l’échelle mondiale. Le volume de ses échanges avec ce pays dépasse de loin celui de ses échanges avec n’importe quel autre partenaire : 46 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, la moitié des investissements étrangers directs (IED) mondiaux et un tiers des flux commerciaux mondiaux.
Par contre, il a été mentionné que la toute première source de préoccupation des responsables américains au commerce est la Chine, dont l’économie repose sur un capitalisme d’État qui s’est révélée hautement déstabilisatrice pour les marchés mondiaux. Depuis longtemps, les normes sont définies par l’Union européenne, le Canada et les États-Unis ; ces trois acteurs peuvent donc peser d’un grand poids pour parer au problème que pose l’attitude chinoise, attitude relevant de l’interventionnisme d’État plutôt que de l’économie de marché libérale.
De son côté, le Canada apporte à la table des négociations d’autres perspectives encore, compte tenu de son intérêt pour le maintien d’étroites relations commerciales tant avec les États-Unis qu’avec l’Union européenne. Son économie repose fondamentalement sur les échanges commerciaux, clé de sa prospérité. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) est la pierre angulaire du commerce canadien et, depuis sa signature, les échanges du pays avec les États-Unis et le Mexique ont été multipliés par trois.
Le moteur le plus puissant de son économie est de loin constitué par les échanges avec les États-Unis, dont le Canada est le premier partenaire commercial. La libéralisation des échanges favorise la croissance et c’est précisément pour cette raison que le Canada est tellement attaché à l’élimination des obstacles auxdits échanges.
ATTITUDE DES ÉTATS-UNIS VIS-À-VIS DE LA RUSSIE
Le débat autour de cette question a porté sur la grande variété de sujets et de problèmes à l’origine des divergences entre la Russie et les États-Unis et, plus généralement, entre la Russie et les autres pays membres de l’OTAN.
L’Alliance n’a pas pris immédiatement toute la mesure des tentatives menées par la Russie pour saper l’ordre euro-atlantique en 2008, lorsqu’elle a envahi la Géorgie. Aujourd’hui, tous les Alliés ont pris conscience de ces agissements et les condamnent. La Russie a interféré dans de nombreux scrutins pour miner les systèmes démocratiques des puissances qu’elle juge capables de la défier (États-Unis, Royaume-Uni et France). Elle a aussi pris pour cibles des centrales électriques américaines, aidé des rebelles à abattre des avions en Europe, utilisé des armes chimiques au Royaume-Uni, bombardé des civils innocents en Syrie, etc.
L’enseignement majeur qui ressort du débat est que les États-Unis doivent adopter une meilleure stratégie: quels sont les objectifs et les voies et moyens susceptibles de battre en brèche la désinformation russe ? Les spécialistes ont préconisé le lancement d’une campagne nationale pour combattre les efforts étrangers de déstabilisation des institutions démocratiques.
Dans l’ensemble, les intervenants ont préconisé l’adoption d’une attitude claire, ferme et cohérente vis-à-vis de Moscou. Ils ont recommandé aux participants de placer le camp d’en face devant ses responsabilités à tous les niveaux pour obtenir un changement de comportement de sa part malgré son refus de leur prêter attention et en dépit du caractère répétitif d’une telle démarche : c’est le seul moyen de rester clair quant à la position des États-Unis et des autres Alliés. Les intervenants ont par ailleurs souligné la nécessité de ne pas exclure toute possibilité de dialogue pour faire comprendre à quel point toutes les provocations russes sont dangereuses, certes, mais aussi pour manifester la volonté de préserver la transparence en ce qui concerne, d’une part, les intérêts des États-Unis et du reste des pays alliés et, d’autre part, les mesures à prendre pour préserver ces intérêts. Cependant, le sentiment a prévalu qu’il convenait d’être en position de force avant de songer à rouvrir le dialogue avec Moscou.
INCIDENCES DES ÉLECTIONS DE MI-MANDAT SUR LA POLITIQUE INTÉRIEURE ET EXTÉRIEURE DES ÉTATS-UNIS
Des spécialistes ont indiqué que les Alliés ne devaient pas attendre des Américains qu’ils jouent un rôle directeur sur la scène internationale comme ils ont pu le faire autrefois. Cela est dû principalement à la personnalité de leur président actuel, qui se soucie beaucoup plus de ce qui le concerne personnellement que des intérêts du pays. Les spécialistes ont également parlé de l’évolution au fil du temps de la place de l’appareil exécutif dans la politique étrangère et de l’amenuisement des pouvoirs du Congrès dans ce domaine, en dépit de la fonction que la Constitution lui accordait à l’origine. Aujourd’hui, le président intervient très librement dans le domaine de la politique étrangère, tandis que les connaissances des représentants et des sénateurs dans le même domaine connaissent un recul relatif. Cela s’explique en partie par le fait que les parlementaires qui s’occupent des affaires internationales n’en tirent aucun avantage sur le plan national. Il a été reconnu que les démocrates comme les républicains continuaient à apporter à l’OTAN un soutien aussi ferme que sincère dont on constate qu’il existe aussi dans l’opinion publique. Toutefois, les propos de M. Trump remettant en question l’OTAN et son utilité eu égard à la situation sécuritaire qui prévaut dans le monde et aux intérêts américains ébranlent les convictions du camp républicain – parlementaires et électeurs confondus – à ce sujet. Les spécialistes ont lancé une mise en garde : le soutien à long terme de l’Alliance par les États-Unis serait en mauvaise posture si cette question devait être débattue sur une scène politique où les divisions partisanes se multiplient.
RELATIONS TRANSATLANTIQUES ET PARTAGE DES CHARGES
La grande diversité des défis lancés à la sécurité des Alliés dans la situation actuelle met en évidence le caractère vital d’une Alliance transatlantique forte et unie. La multiplication des menées aventuristes à l’Est du fait du retour d’une Russie révisionniste et compétente sur le devant de la scène et les innombrables problèmes de sécurité qui se posent au Sud contraignent l’OTAN à revisiter son dispositif de défense collective et de dissuasion.
L’OTAN s’emploie à mettre en place de nouvelles initiatives ambitieuses pour adapter sa posture de défense et de dissuasion en réponse à l’environnement de sécurité international complexe en rapide évolution. Parallèlement, les attentes vont croissant à l’égard de tous les pays de l’Alliance pour qu’ils investissent davantage dans la réussite de ces initiatives.
Le fait que les États-Unis attendent de plus gros efforts de la part de leurs alliés met une pression supplémentaire sur le changement d’approche déjà substantiel opéré au niveau du débat sur le partage des charges lors du sommet du pays de Galles de 2014, au cours duquel les Alliés se sont engagés à se rapprocher des 2 % du PIB consacrés aux investissements de défense d’ici 2024, sachant que 20 % de cette hausse des dépenses devront être consacrés à l’achat de nouveaux équipements ainsi qu’à la recherche et au développement.
Parmi les Alliés, le débat sur le partage des charges s’est intensifié en raison de la baisse persistante des dépenses de défense effectuées par les pays membres européens de l’OTAN et le Canada après la guerre froide, alors que les États-Unis ont fait le choix inverse après les attentats du 11 septembre 2001. Les pressions accrues pesant sur les États-Unis au niveau mondial et la façon dont ont été perçues certaines décisions des Alliés de ne plus participer à telle ou telle opération ou tâche de l’OTAN au cours des dernières années n’a fait qu’échauffer le débat autour des contributions des Alliés.
Malgré les critiques essuyées par la directive des 2 % pour cause de lacunes définitionnelles et conceptuelles, l’engagement pris au pays de Galles en matière de dépenses de défense a arrimé l’Alliance à cet indicateur de référence.
Tous les intervenants ont souligné que l’OTAN est un pilier central de la politique transatlantique américaine ; la paix et la sécurité en Europe et en Amérique du Nord exigent une détermination sans faille de la part de tous les Alliés. L’Assemblée parlementaire de l’OTAN est donc essentielle à l’instauration et au maintien d’une compréhension commune des politiques et des défis qui se trouvent devant nous : en établissant un lien entre les parlements et les populations, elle joue le rôle de centre d’information qui peut fournir aux parlementaires comme à leurs électeurs des renseignements sur les grandes questions concernant l’OTAN.
Respectueusement soumis,
M. Borys Wrzesnewskyj, député
Président de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN