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Rapport
COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION CANADIENNE
Une délégation canadienne a participé à la 13e Conférence des parlementaires de la région arctique (CPRA)[1] et à la réunion du Comité permanent des parlementaires de la région arctique (le « Comité permanent »)[2] qui se sont déroulées à Inari, en Finlande, du 16 au 19 septembre 2018. Les membres de la délégation comprenaient :
- l’honorable Larry Bagnell (député du Yukon, chef de la délégation, vice-président du Comité permanent);
- le sénateur Dennis Patterson (Nunavut);
- la sénatrice Patricia Bovey (Manitoba);
- Mme Yvonne Jones (députée du Labrador);
- M. Larry Maguire (député de Brandon—Souris);
- Mme Georgina Jolibois (députée de Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill).
La délégation comprenait également M. Thai Nguyen, du Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement, qui agissait à titre de conseiller, et Mme Guyanne Desforges, qui agissait à titre de secrétaire d’association.
La CPRA biennale et le Comité permanent[3] constituent un forum parlementaire pour les enjeux connexes aux travaux du Conseil de l’Arctique[4]. Le forum comporte des délégations de huit États arctiques (Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède, États-Unis) en plus du Parlement européen. La CPRA et le Comité permanent accueillent également des participants permanents représentant les peuples autochtones, ainsi que des observateurs (voir l’Annexe 1).
COMPTE RENDU DE LA RÉUNION
A. SÉANCE DE PLANIFICATION DU COMITÉ PERMANENT ET RÉUNION DU COMITÉ PERMANENT ET DES OBSERVATEURS DE LA CPRA
Le 16 septembre 2018, l’hon. Larry Bagnell a présidé la séance de planification du Comité permanent. Faisant écho aux points de vue exprimés par ses collègues, il a insisté sur le fait que les parlementaires de la région arctique ont comme objectif commun de préserver la région à titre de zone de collaboration et de paix. L’hon. Larry Bagnell a également rappelé aux délégués que toutes les décisions à la Conférence sont prises par consensus. La séance de planification a été suivie de la première réunion du Comité de rédaction chargé de mettre la dernière main à la déclaration de la Conférence qui doit être adoptée à la fin de la Conférence. Les membres du Comité permanent ont également rencontré les délégations d’observateurs afin de discuter des sujets qui suivent.
1. Représentation des organisations autochtones
M. Grigorii Ledkov, qui représente l’Association russe des populations autochtones du Nord (ARPAN) a fait remarquer que les organisations et les peuples autochtones sont sous-représentés dans de nombreux parlements et forums parlementaires. Le représentant de l’ARPAN a ajouté qu’à cette 13e CPRA, seuls le Conseil du Parlement sami et l’ARPAN sont présents, tandis que d’autres organisations autochtones, comme le Conseil circumpolaire inuit et l’Arctic Athabaskan Council, n’ont pu y participer probablement à cause de fonds insuffisants pour leurs déplacements.
2. Efficacité des déclarations de la Conférence
M. Sjurdur Skaale, député du Danemark/îles Féroé, a critiqué l’efficacité des déclarations précédentes de la Conférence puisqu’à son avis, son gouvernement national ne semble pas être au courant du contenu de la déclaration de la 12e Conférence. M. Eirik Sivertsen, député de la Norvège et président de la CPRA et du Comité permanent, a rappelé aux parlementaires qu’il leur incombe de transmettre la déclaration de la Conférence à leur gouvernement et à leur parlement respectifs.
Mme Aaja Chemnitz Larsen, députée du Danemark/Groenland, a ajouté qu’étant donné que les gouvernements se succèdent, les parlementaires de la région arctique doivent assumer la responsabilité de sensibiliser leurs collègues de leur parlement respectif aux réalités de l’Arctique. Elle souligne que la chasse au phoque est un bon exemple de manque de compréhension, de la part des non-résidents de l’Arctique, des traditions et des moyens de subsistance des peuples autochtones de la région arctique.
3. Université de l’Arctique
M. Lars Kullerud, qui représente l’Université de l’Arctique, a fait remarquer que le réseau d’universités, de collèges, d’instituts de recherche et d’autres organisations qui se consacrent à l’éducation et à la recherche dans l’Arctique et sur l’Arctique existe grâce au soutien de la CPRA et du Comité permanent. Les étudiants des établissements participant au programme de mobilité des étudiants North2North peuvent présenter leur candidature pour l’obtention d’une subvention d’échange à une autre université partenaire[5]. L’Université de l’Arctique a insisté sur la nécessité d’accroître les échanges d’étudiants entre les nations de l’Arctique et demandé aux parlementaires d’appuyer l’appel lancé par l’Université pour améliorer le financement de son programme de mobilité.
Selon le délégué de l’Université de l’Arctique, la recherche en sciences économiques dans l’Arctique et sur l’Arctique est présentement insuffisante. L’Université de l’Arctique appuie de tout cœur l’entente conclue par le Conseil de l’Arctique intitulé Agreement on Enhancing International Arctic Scientific Cooperation[6]. Cet accord renforcera la diplomatie scientifique de l’Arctique et améliorera la collaboration entre les scientifiques de la Russie et de l’Ouest dans le contexte des tensions existant entre les États de l’Arctique se trouvant à l’extérieur de la région arctique.
M. Ari Trausti Gudmundsson, député de l’Islande, est d’accord avec cette évaluation et a souligné la nécessité de regrouper les connaissances découlant de travaux de recherche exécutés dans différentes régions de l’Arctique. Il a fait remarquer qu’il est difficile pour les scientifiques non russes d’avoir accès aux publications de recherche russes, car celles-ci sont souvent publiées uniquement en russe. Selon le sénateur Igor Chernyshenko de la Russie, des initiatives de recherche conjointes, comme le programme de recherche Russie-Chine sur la construction navale, favorisent l’échange de connaissances. La délégation russe a également proposé la mise sur pied d’une banque de données conjointe pour améliorer l’état des connaissances sur l’Arctique circumpolaire.
L’hon. Larry Bagnell a indiqué aux participants que le Collège du Yukon, qui est membre de l’Université de l’Arctique, deviendra l’Université du Yukon au printemps de 2020 et sera la première université de l’Arctique du Canada[7]. L’Université du Yukon se consacrera à l’éducation et à la recherche pertinentes pour les populations de l’Arctique canadien, apportant ainsi une contribution à une société et à une économie adaptées, résilientes et polyvalentes.
Selon la sénatrice Patricia Bovey du Canada, l’un des enjeux essentiels dans le domaine de l’éducation dans la région arctique est l’intégration des connaissances traditionnelles autochtones au programme d’études en sciences. Le sénateur Valerii Markov de la Russie a ajouté que pour éviter d’accuser du retard dans la transition mondiale vers la numérisation et l’économie du savoir, il faut accroître la coopération dans l’Arctique circumpolaire dans les domaines de l’éducation et de l’intégration des connaissances traditionnelles.
4. Changements climatiques
Plusieurs délégations, notamment le Conseil du Parlement sami, le Fonds mondial pour la nature – Programme arctique mondial, le Royaume-Uni, le Conseil nordique et Singapour, ont insisté sur le fait que les changements climatiques représentent un défi social, économique et environnemental courant pour les résidents et les non-résidents de l’Arctique. Par conséquent, elles ont mis l’accent sur le développement de sources d’énergie renouvelable pour atténuer les effets des changements climatiques. Les changements climatiques peuvent également présenter des occasions dans des secteurs comme la pêche, le tourisme et l’agriculture. Toutefois, pour pouvoir tirer profit de ces occasions, il est essentiel d’améliorer l’infrastructure numérique et de transport dans l’Arctique.
Lors des discussions entre les parlementaires de la région arctique et les délégations d’observateurs, la nécessité de mieux financer les activités scientifiques servant à la prise de décisions a été mentionnée à de nombreuses reprises. M. Sam Tan, député de Singapour, a souligné que Singapour, à titre d’observateur du Conseil de l’Arctique, apporte un soutien en matière d’éducation et de formation dans de nombreux domaines touchant la gestion de l’environnement (déversements de pétrole, expédition et navigation maritime) aux organisations des peuples autochtones de l’Arctique, comme le Conseil du Parlement sami et l’ARPAN. Singapour sollicite également les commentaires des dirigeants autochtones de l’Arctique afin de mieux comprendre les réalités de l’Arctique du point de vue des peuples autochtones.
5. Prise en compte des intérêts autochtones dans les projets de développement économique
Selon Mme Tiina Sanila–Aikio, présidente du Parlement sami de Finlande, les projets de développement économique dans l’Arctique doivent respecter les droits et les intérêts des autochtones. Pour le Conseil du Parlement sami, le développement économique n’est pas uniquement synonyme de croissance industrielle, mais il doit également englober l’expansion et le développement des économies traditionnelles autochtones (la chasse, la pêche et le piégeage).
Selon M. Eirik Sivertsen, président de la CPRA et du Comité permanent, les évaluations des incidences environnementales des projets industriels dans l’Arctique doivent tenir compte des préoccupations et des connaissances traditionnelles des peuples autochtones. Il a donné l’exemple de l’étude effectuée par l’Université de Tromso sur les rennes qui s’éloignent de plusieurs kilomètres des lignes électriques haute tension[8]. Ce comportement avait été prédit par des Autochtones locaux, mais laissait perplexes les Norvégiens non autochtones, car les câbles suspendus ne constituent pas un obstacle physique infranchissable et ne sont pas associés à la présence d’humains. L’étude, qui allie la science aux connaissances traditionnelles, a fourni des preuves incontestables que ce comportement des rennes peut s’expliquer par la capacité des animaux de déceler les décharges de lumière ultraviolette sur les lignes électriques.
B. DISCUSSIONS GÉNÉRALES
1. Thèmes de la Conférence
Mme Katri Kulmuni, députée de la Finlande représentant la Laponie et présidente de la Société Finlande-Russie, a ouvert la 13e CPRA en insistant sur le rôle joué par le Parlement sami autochtone en Finlande. À son avis, les quatre thèmes choisis pour la présente Conférence (infrastructure numérique et développement économique, changements climatiques, responsabilité sociale d’entreprise et bien-être social) sont importants, car ils représentent des occasions et des défis communs pour tous les résidents de l’Arctique.
2. Défis liés à l’utilisation du territoire
M. Toni Laine, maire d’Inari, a indiqué aux délégués qu’Inari connaissait un essor touristique et une croissance dans le secteur des services. Pour ce faire, Inari a fait la promotion de sa ressource la plus importante : la nature. Cependant, comme de nombreuses autres régions de l’Arctique, il y a des défis liés à la planification de l’utilisation du territoire, car le développement industriel peut nuire aux activités d’élevage des rennes sami.
3. La coopération dans l’Arctique comme modèle
M. Eirik Sivertsen, président de la CPRA et du Comité permanent, a indiqué que la CPRA représente une occasion unique de tenir des discussions ouvertes entre les parlementaires sur des enjeux auxquels sont confrontés les résidents de l’Arctique. Il a fait remarquer que chaque pays de l’Arctique travaillant en vase clos ne peut relever les défis dans la région arctique. Il faut miser sur une collaboration multilatérale dans des domaines comme l’adaptation aux changements climatiques et leur atténuation, et la construction d’infrastructures. M. Sivertsen a ajouté que la CPRA et le Conseil de l’Arctique sont considérés comme un modèle de stabilité et de collaboration internationale dont s’inspirent les huit États de la région de l’Himalaya et de l’Hindou Kouch[9].
Pour M. Sivertsen, l’un des enjeux fondamentaux dans l’Arctique, c’est de savoir qui bénéficie des retombées du développement économique et de l’exploitation des ressources naturelles. Par conséquent, il est essentiel de compter sur une approbation sociale pour les projets industriels et le renforcement de la capacité des résidents locaux afin de s’assurer que les résidents de l’Arctique tirent profit de ce développement. À son avis, le Protocole d’investissement dans l’Arctique du Forum économique mondial constitue une étape importante en vue d’un développement inclusif, transparent, mesurable et durable de l’Arctique[10].
4. Langues autochtones
Mme Tiina Sanila-Aikio, présidente du Parlement sami de la Finlande, a souligné l’importance vitale des langues pour la préservation et l’épanouissement des cultures autochtones[11]. Elle a fait remarquer que 2019 sera l’Année internationale des langues autochtones, et que la diversité linguistique est aussi importante que la diversité biologique. À son avis, la langue est le miroir d’une culture et de ses valeurs, et renferme les connaissances traditionnelles d’un peuple. Pour Mme Sanila-Aikio, la mise en œuvre du principe de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est essentielle pour garantir l’autodétermination des peuples autochtones de l’Arctique[12]. Elle estime qu’il faut obtenir ce consentement lors de la proposition de tout projet industriel ayant des répercussions sur les territoires des peuples autochtones. « Ne faites rien pour nous sans nous » est une phrase qui décrit bien les objectifs du développement durable vus par les peuples autochtones de l’Arctique.
L’hon. Larry Bagnell a indiqué que le gouvernement canadien prévoit présenter bientôt un projet de loi pour promouvoir et protéger les langues autochtones du Canada. Il a également mentionné que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, dont il est le président, a publié un rapport en juin 2018 recommandant que l’utilisation des langues autochtones soit reconnue à la Chambre des communes. Mme Tiina Sanila-Aikio a salué les initiatives du Canada et ajouté que la numérisation des langues autochtones demeure un défi, car de nombreux caractères autochtones ne sont pas encore reconnus par bon nombre de logiciels de traitement de texte commerciaux.
5. Activités du Conseil de l’Arctique
M. Timo Soini, ministre des Affaires étrangères de la Finlande et président du Conseil de l’Arctique, a informé les délégués de l’avancement des travaux du Conseil de l’Arctique sous la présidence finlandaise. Il a indiqué que le Conseil de l’Arctique et le Conseil économique de l’Arctique ont intensifié leur collaboration dans l’élaboration d’infrastructures météorologiques et de télécommunications. L’Organisation météorologique mondiale, qui a obtenu le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique en 2017, s’efforce de mettre sur pied un réseau de centres climatiques régionaux afin d’améliorer la diffusion de renseignements météorologiques dans les communautés locales[13]. M. Soini a également mentionné que les feux de forêt qui ont touché plusieurs pays de l’Arctique au cours de l’été 2018 ont mis en lumière la nécessité d’accroître la capacité de prédire et de prévoir de tels événements.
L’importance de la collaboration météorologique dans l’Arctique a également été soulignée par M. Juhani Damski, directeur général de l’Institut météorologique finlandais. Il a informé les délégués de la parution du rapport du Forum économique mondial intitulé « Global Risks Report 2018 »[14]. Ce rapport lance une mise en garde contre une certaine complaisance et souligne la nécessité de se préparer à des perturbations spectaculaires attribuables à des événements météorologiques extrêmes et des catastrophes naturelles au cours des dix prochaines années. M. Damski a indiqué que les connaissances autochtones dans la collaboration météorologique de l’Arctique sont essentielles et a mentionné qu’une activité secondaire portant sur les connaissances autochtones en météorologie sera organisée par le Conseil de l’Arctique dans le cadre de la réunion ministérielle qui aura lieu en 2019. Il a également donné l’exemple d’une initiative de collaboration fructueuse entre la Finlande, la Russie et les États-Unis pour mettre sur pied une infrastructure de surveillance météorologique en Sibérie à l’appui de la navigation maritime dans l’Arctique.
6. Prochaine présidence du Conseil de l’Arctique par l’Islande
M. Ari Trausti Gudmundsson, député de l’Islande, a informé les délégués des priorités de l’Islande relativement à sa prochaine présidence du Conseil de l’Arctique de 2019 à 2021 : la gestion des océans, les changements climatiques et la production d’énergie verte, et le développement d’infrastructures pour soutenir le bien-être social des résidents de l’Arctique.
M. Timo Soini, ministre des Affaires étrangères de la Finlande et président du Conseil de l’Arctique, a expliqué qu’au cours de la visite du président de la Finlande en Russie à l’été de 2018, la Russie avait accepté l’initiative de la Finlande d’organiser un sommet de l’Arctique réunissant des chefs d’État et des gouvernements des États membres du Conseil de l’Arctique, ainsi que les chefs des participants permanents. Il a souligné l’importance de la collaboration dans l’Arctique circumpolaire et mentionné que pour une gestion efficace et réussie de l’océan Arctique, il faut compter sur la collaboration de toutes les nations de l’Arctique.
C. SÉANCES THÉMATIQUES
1. Accès numérique et développement économique de l’Arctique
Mme Aaja Chemnitz Larsen, députée du Groenland/Danemark, à titre de rapporteure pour la présente séance thématique, a indiqué aux délégués que l’élaboration d’infrastructures de télécommunications constitue un élément essentiel pour un certain nombre de secteurs dans l’Arctique, notamment pour la préparation aux situations d’urgence, les opérations de recherche et de sauvetage, l’éducation et l’entrepreneuriat, dans une économie mondiale de plus en plus branchée. Le climat froid de l’Arctique peut être un avantage dans l’économie numérique s’il existe des infrastructures de télécommunications, de transport et d’énergie. Par exemple, la ville de Lulea, en Suède, a été choisie en 2013 par Facebook pour l’établissement de son centre de données géant, le Node Pole[15]. Ce centre de données éloigné peut se refroidir de lui-même en utilisant l’air froid de l’extérieur.
Selon M. Janne Seurujarvi, directeur général de Test World, grâce à son infrastructure numérique et de transport bien développé, Inari a été choisie par son entreprise comme site pour la mise à l’essai de véhicules et de pneus. La disponibilité d’une infrastructure de transport et de télécommunications dans la région d’Inari a facilité la diversification de l’économie locale et permis l’établissement d’une industrie haute technologie et axée sur la recherche pour la mise à l’essai de véhicules.
La rapporteure a mentionné le dossier de l’élaboration fructueuse d’une infrastructure de télécommunications en Finlande, où le gouvernement national offre un accès à l’Internet dans des régions où il n’existe aucune option commerciale. M. Fedot Tumusov, député de la Russie, a ajouté qu’il n’est pas approprié de tenir compte uniquement des prix du marché pour élaborer une infrastructure de télécommunications, en raison de la faible densité de population et de la vaste étendue de la région. Selon Mme Aili Keskitalo du Parlement sami de la Norvège, le fossé numérique affecte également la survie des langues autochtones, car les normes de télécommunications privilégient les langues non autochtones dominantes.
Mme Yvonne Jones, députée du Canada, et le sénateur russe Igor Chernyshenko ont tous deux souligné l’importance de l’infrastructure de télécommunications pour améliorer la qualité et réduire les coûts des services de santé dans l’Arctique. Ils ont aussi insisté sur le fait qu’il faut une plus grande collaboration dans l’Arctique circumpolaire pour l’élaboration d’une infrastructure de télécommunications.
2. Changements climatiques
À titre de rapporteur pour la séance thématique sur les changements climatiques, M. Ari Trausti Gudmundsson, député de l’Islande, a souligné le rôle des parlementaires de la région arctique dans la sensibilisation de leur parlement respectif aux répercussions des changements climatiques. Les parlementaires de la région arctique doivent rappeler à leurs homologues du sud que les changements climatiques dans l’Arctique ont des répercussions mondiales et affecteront les villes, l’infrastructure et les populations du sud.
M. Lassi Heininen, de l’Université de Laponie, a indiqué que les messages géopolitiques transmis dans les médias sur l’Arctique peuvent être trompeurs, puisque les États de l’Arctique ont en commun l’intérêt de préserver la région à titre de zone de collaboration et de stabilité. M. Heininen a expliqué la notion d’exceptionnalisme négocié de l’Arctique et indiqué que la protection de l’environnement et le développement durable étaient les principaux facteurs favorisant la collaboration dans l’Arctique circumpolaire. À son avis, la question de la sécurité dans l’Arctique doit être analysée du point de vue de la sécurité environnementale mondiale, comme le souligne la Déclaration du groupe circumpolaire inuit traitant des principes régissant le développement des ressources naturelles dans le Nunaat Inuit de 2009[16].
M. Per-Olof Nutti, du Parlement sami de la Suède, a expliqué aux délégués les répercussions des changements climatiques sur les traditions et les moyens de subsistance des éleveurs de rennes sami. Pour le peuple sami, les changements climatiques sont également un enjeu de sécurité alimentaire. Mme Yvonne Jones, députée du Canada, a indiqué aux délégués que les parlementaires de la région arctique sont conscients des répercussions des changements climatiques sur les résidents de l’Arctique, mais il est difficile de susciter un changement d’attitude chez certains politiciens et dans certaines populations du sud. Mme Jones a illustré son point de vue en donnant l’exemple de la réglementation proposée par le Canada concernant les zones marines protégées et la tarification du carbone, qui constituent des enjeux controversés.
M. Sam Tan, député de Singapour, a expliqué aux délégués qu’il faudra compter sur la politique pour changer l’attitude des gens. Les gouvernements doivent adopter une approche prudente dans l’élaboration de politiques et investir dans l’éducation du public. M. Sjurdur Skaale, député du Danemark/Îles Féroé, est d’avis que les politiques doivent être axées sur l’économie pour connaître du succès. À son avis, les politiques environnementales doivent miser sur la carotte, et non sur le bâton.
3. Responsabilité sociale d’entreprise
L’hon. Larry Bagnell, député du Canada, a prononcé une allocution sur la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) à titre de rapporteur pour la présente séance thématique. Il a rappelé aux délégués que la RSE a été un enjeu d’intérêt spécial lors des CPRA précédentes. L’hon. Bagnell a également indiqué que le rapport de 2013 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, préparé par James Anaya, l’ancien rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, reconnaissait la nécessité de développer une RSE significative, et insisté sur le fait qu’il n’est pas suffisant de compter sur les gouvernements pour faire respecter les droits territoriaux des Autochtones[17]. Dans son allocution, l’hon. Bagnell a parlé de l’initiative Vers le développement minier durable de l’Association minière du Canada[18], des ententes sur les répercussions et les avantages dans l’Arctique canadien, et de la création d’un poste d’ombudsman canadien indépendant pour la responsabilité des entreprises[19].
M. Lars Kullerud, président de l’Université de l’Arctique, a indiqué que les lignes directrices internationales actuelles en matière de RSE, sauf peut-être le Protocole d’investissement dans l’Arctique, ne comprennent aucune disposition touchant particulièrement les peuples autochtones de l’Arctique. Il a souligné l’accent mis par la présidence finlandaise du Conseil de l’Arctique sur les objectifs des Nations Unies en matière de développement durable, qui tiennent compte des dimensions environnementales, humaines et économiques[20]. Pour Mme Aili Keskitalo du Parlement sami de la Norvège, l’absence de lignes directrices en matière de RSE portant particulièrement sur l’Arctique est peut-être moins un problème que la mise en œuvre appropriée des lignes directrices internationales existantes. Elle a également souligné la nécessité de concevoir un cadre juridique pour garantir un équilibre équitable de pouvoirs entre les grandes multinationales et les peuples autochtones.
Mme Georgina Jolibois, députée du Canada, a expliqué aux délégués qu’au Canada, la réglementation des projets de développement des ressources naturelles variait dans les territoires et les provinces. Dans le nord de la Saskatchewan, ces projets ont eu très peu de retombées dans la région, et la croissance record des produits de base et le cycle de prospérité ont plutôt causé de nombreux problèmes de santé mentale dans les collectivités autochtones locales. Le sénateur canadien Dennis Patterson a indiqué qu’en raison de l’existence de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, qui définit clairement le rôle des Inuits au sein des conseils de cogestion, ainsi que la réglementation et le processus d’octroi des permis, les projets industriels exécutés au Nunavut ont eu des retombées plus positives pour la population locale. Les ententes sur les répercussions et les avantages dans le territoire mettent également l’accent sur le partage des redevances et veillent à ce que les projets profitent aux collectivités locales.
Le sénateur russe Valerii Markov a souligné que la Russie a toujours été attentive à la riche expérience du Canada en matière de développement des ressources humaines sur des territoires autochtones. Il a mentionné que la Russie tient des ateliers avec des experts canadiens sur la question et suivra avec beaucoup d’intérêt l’évolution du bureau nouvellement créé de l’ombudsman canadien indépendant pour la responsabilité des entreprises. M. Lars Kullerud, de l’Université de l’Arctique, a indiqué que la Russie possédait un avantage sur certains États de l’Arctique puisqu’elle compte sur un système d’éducation bien développé dans l’Arctique, mais aussi parce qu’elle doit relever des défis similaires à ceux de ses voisins de l’Arctique en ce qui concerne les droits autochtones et l’utilisation du territoire.
4. Bien-être social des résidents de l’Arctique
Mme Elena Kudryashova, rectrice de l’Université fédérale de l’Arctique de Russie, a présenté un exposé sur la coopération dans l’Arctique dans le domaine de la recherche en sciences sociales à titre de rapporteure pour la présente séance. Elle a indiqué que le 5e Forum international de l’Arctique intitulé « Arctic: Territory of Dialogue » se déroulera à Arkhangelsk, en Russie, les 9 et 10 avril 2019. Les présidents de l’Islande, de la Finlande et de la Russie ont confirmé leur participation au forum qui portera sur l’amélioration du niveau de vie des résidents de l’Arctique, sur la protection de l’environnement de la région, sur la stimulation d’une croissance économique durable et sur le renforcement de la collaboration internationale[21].
M. Janne Nakkalajarvi, du Sami Education Institute de la Finlande, a présenté un exposé sur l’importance de l’éducation et des langues dans la protection de la culture sami. À son avis, l’élaboration d’une infrastructure numérique est une solution à la pénurie actuelle d’enseignants de la langue sami en Finlande. Toutefois, le facteur le plus important dans la préservation de la langue sami demeure les activités d’élevage des rennes et les traditions, car elles sont au cœur de la culture et de l’identité sami.
Selon M. Per-Olof Nutti du Parlement sami de la Suède, bien-être social est synonyme de contrôle de sa propre destinée. Les institutions culturelles et les établissements d’enseignement dirigés par des Autochtones sont essentiels au rétablissement du système social, qui a été anéanti par les traumatismes liés au colonialisme. Il a également mentionné que la Commission de vérité et réconciliation était nécessaire au peuple sami dans les pays nordiques.
La sénatrice canadienne Patricia Bovey s’est dite d’accord avec M. Per-Olof Nutti et a renseigné les délégués sur les rapports de la Commission de vérité et réconciliation du Canada[22]. Elle a ajouté que la réconciliation doit aller plus loin et devenir une « réconciliation ». À son avis, les arts et la culture jouent un rôle vital dans le bien-être social, et les arts doivent être perçus comme un moyen de guérir les traumatismes et les problèmes de santé mentale. En favorisant la culture et les arts autochtones, on peut également améliorer les résultats en matière de santé, d’éducation et d’économie. M. Larry Maguire, député du Canada, a ajouté que le développement des arts autochtones peut jouer un rôle pour sensibiliser davantage les populations non autochtones aux enjeux autochtones.
Le sénateur Igor Chernyshenko de la Russie a indiqué que le peuple sami en Russie connaît des difficultés similaires à celles des peuples qui vivent dans les pays nordiques, ainsi que d’autres peuples autochtones dans la région arctique. Par conséquent, il a suggéré d’intensifier la collaboration circumpolaire entre les organisations autochtones de l’Arctique.
Le sénateur canadien Dennis Patterson a salué l’initiative de l’Islande d’inclure le bien-être social dans les priorités de sa prochaine présidence du Conseil de l’Arctique. À son avis, certaines des politiques actuellement proposées au Canada doivent être examinées dans l’optique du bien-être social. Par exemple, il estime que la légalisation du cannabis peut créer des problèmes de toxicomanie supplémentaires dans les collectivités de la région arctique, qui sont déjà mal outillées pour faire face aux problèmes de santé mentale et à d’autres défis d’ordre social.
D. 25e ANNIVERSAIRE DU COMITÉ PERMANENT
L’année 2018 marque le 25e anniversaire du Comité permanent[23]. Un groupe de discussion a souligné plusieurs facteurs pour expliquer le succès que connaissent le Comité permanent et la CPRA :
- l’accent sur des enjeux pertinents pour les peuples qui vivent dans la région arctique;
- la volonté des parlementaires de la région arctique de trouver un terrain d’entente;
- la participation des parlementaires, des universitaires, des participants permanents autochtones et des décideurs;
- le dévouement des présidences, compte tenu des cycles électoraux dans les divers pays membres;
- le rôle de M. Clifford Lincoln (président du Comité permanent de 1998 à 2004) du Canada au cours des premières années d’existence du Comité.
Selon Mme Aili Keskitalo du Parlement sami de la Norvège, les forums de collaboration de l’Arctique, comme la CPRA, le Comité permanent et le Conseil de l’Arctique, sont les organisations internationales les plus inclusives. Dans ces forums, les organisations autochtones peuvent participer et contribuer sur un pied d’égalité avec les autres membres. Elle a toutefois fait remarquer que les déclarations antérieures de la Conférence semblaient porter davantage sur les enjeux autochtones comparativement aux plus récentes. M. Grigorii Ledkov, qui représente l’ARPAN, a indiqué que les organisations autochtones ont encore des problèmes de capacité et de financement qui les empêchent de contribuer efficacement à toutes les réunions de collaboration de l’Arctique circumpolaire.
M. Lassi Heininen, de l’Université de Laponie, a énuméré quelques réalisations du Comité permanent au cours des 25 dernières années :
- la mise sur pied du Conseil de l’Arctique;
- la création de l’Université de l’Arctique;
- le lancement du Conseil économique de l’Arctique;
- la publication des Rapports sur le développement humain dans l’Arctique par le Conseil de l’Arctique, sur les recommandations du Comité permanent;
- la mise sur pied d’un Secrétariat permanent du Conseil de l’Arctique à Tromso, en Norvège.
E. ADOPTION DE LA DÉCLARATION DE LA CONFÉRENCE
Au terme de trois réunions, le Comité de rédaction[24] a adopté à l’unanimité la Déclaration de la Conférence de 2018. L’ébauche finale a alors été présentée à tous les délégués et adoptée sans modification par la Conférence le 19 septembre 2018[25]. Revenant sur les discussions menées au cours de la présente CPRA, M. Eirik Sivertsen, président de la CPRA et du Comité permanent, a expliqué qu’à son avis, les trois méga-tendances qui façonneront la région de l’Arctique au cours des prochaines années seront les changements climatiques, l’urbanisation et la numérisation.
F. ÉLECTION DU PRÉSIDENT ET DU VICE–PRÉSIDENT DU COMITÉ PERMANENT
M. Eirik Sivertsen et l’hon. Larry Bagnell ont été réélus pour un autre mandat de deux ans à titre de président et de vice-président du Comité permanent. M. Sergei Kotkin, député de la Russie, a proposé au Comité permanent de créer un deuxième poste de vice-président et indiqué qu’il faudrait avoir la parité hommes-femmes pour les postes de vice-président. Puisqu’il faudra modifier les procédures et les règles du Comité permanent pour permettre la création d’un deuxième poste de vice-président, le Comité a décidé d’ajouter ce point à l’ordre du jour de la prochaine réunion.
G. RÉUNIONS ULTÉRIEURES
La prochaine réunion du Comité permanent est prévue pour la fin de janvier ou le début de février 2019 à Naryan-Mar, en Russie. La 14e CPRA aura lieu en Norvège en 2020.
Respectueusement soumis,
M. Scott Simms, président
Association parlementaire Canada-Europe