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Association interparlementaire Canada - Royaume-Uni

Rapport

Introduction

Une délégation canadienne composée de huit membres de l’Association interparlementaire Canada Royaume Uni (RUUKRUUK) et de cinq membres de l’Association parlementaire Canada Europe (CAEUCAEU) a participé à une visite bilatérale au Royaume Uni (plus précisément à Londres, en Angleterre, et à Édimbourg, en Écosse), du 13 au 17 mars 2017. Sonya Norris, du Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement, accompagnait la délégation à titre de conseillère. François Pagé et Guyanne Desforges étaient également présents à titre de secrétaire de l’RUUK et de secrétaire de l’CAEU, respectivement.

Le 23 juin 2016, le Royaume Uni a tenu un référendum (sur ce qui a été appelé le Brexit) pour déterminer si le pays devait rester au sein de l’Union européenne (UE). Le taux de participation a été de 72,2 %; chez les personnes ayant voté, 51,9 % ont dit vouloir quitter l’UE. Les résultats décortiqués par région indiquent que la majorité des électeurs de Londres, de l’Irlande du Nord et surtout de l’Écosse (dans une proportion de 62 %) souhaitait demeurer dans l’UE. Alors que le Royaume Uni entreprend les démarches pour répondre au souhait de sa population, il devient toutefois évident que la procédure et les conséquences futures d’un retrait de l’UE sont remplies d’inconnus.

Parallèlement, l’Accord économique et commercial global Canada Union européenne (AECG) en est à l’étape d’approbation finale pour mise en œuvre provisoire. L’AECG, qui couvre pratiquement tous les secteurs et aspects du commerce entre le Canada et l’UE, serait le premier accord qui permettrait à ces deux joueurs de tisser des liens économiques étroits. Les conséquences du retrait du Royaume Uni de l’UE sur l’AECG, de même que ses conséquences sur les relations commerciales entre le Canada et le Royaume Uni, sont une autre inconnue.

Étant donné l’importance de ces initiatives pour les deux associations, l’RUUK et l’CAEU se sont entendues pour envoyer une délégation conjointe à la visite bilatérale.

Visite à Londres, en Angleterre (Royaume-Uni)

Du 13 au 15 mars, notre délégation a participé à plusieurs rencontres à Londres, en Angleterre, dont une séance d’information avec des représentants de la Maison du Canada et du Haut-commissariat du Canada au Royaume Uni, qui a été suivie de discussions bilatérales avec des députés, des lords, des analystes de recherche de la Bibliothèque de la Chambre des communes et la directrice d’un centre d’études et de recherches sur les politiques.

A. Séance d’information à la Maison du Canada

La délégation a d’abord fait la visite de la Maison du Canada puis assisté à une séance d’information animée par Alan Kessel, le haut-commissaire adjoint, qui était accompagné du personnel du Haut-commissariat du Canada au Royaume Uni. M. Kessel a insisté sur la tension considérable qui s’observe au sein de l’UE dans son ensemble, de même qu’au Royaume Uni, dans la foulée du Brexit. Il a également souligné que personne ne s’attendait à ce résultat et que l’avenir serait semé d’embuches. Il a rappelé que la stabilité politique et économique en Europe est importante pour le Canada, puisque l’UE est son deuxième partenaire commercial en importance et le Royaume-Uni, son plus grand partenaire commercial au sein de l’UE.

Concernant le Brexit, on a expliqué aux délégués que la Cour suprême du Royaume Uni a récemment statué que le référendum n’était pas juridiquement contraignant, mais plutôt de nature consultative. Le gouvernement a donc déposé à la Chambre des communes, le 26 janvier 2017, le projet de loi de l’Union européenne (notification de retrait), qui permettra au Parlement de conférer à la première ministre du Royaume Uni le pouvoir de notifier le Conseil européen de l’intention du Royaume Uni de se retirer de l’UE en vertu de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne. Au moment où la délégation assistait à la séance d’information avec M. Kessel, la Chambre des communes devait se pencher sur deux amendements au projet de loi adoptés à la Chambre des lords.

Maintenant que l’intention du Royaume Uni de se retirer de l’UE est exprimée, on a expliqué que le vrai travail de négociation allait commencer. La première ministre Theresa May a déjà indiqué l’intention du Royaume Uni d’effectuer une rupture claire et nette avec l’Union européenne, c’est à dire la sortie de l’Espace économique européen (marché unique) et de l’union douanière. Les négociations se feront en trois étapes.

  1. Les négociations en vertu de l’article 50 à l’intérieur d’un délai de deux ans, présentées comme des procédures de divorce pouvant compromettre tout le reste.
  2. Les futures relations entre le Royaume Uni et l’UE (relations économiques et relations en matière de sécurité).
  3. Le Great Repeal Bill, qui doit être adopté par le Parlement du Royaume Uni avant la fin des négociations en vertu de l’article 50. Ce projet de loi abrogerait la Loi de 1972 sur les Communautés européennes (qui applique automatiquement les lois européennes au Royaume Uni) afin de permettre l’intégration des lois européennes dans la législation britannique au cas par cas.

Concernant l’AECG, on a expliqué aux délégués qu’il s’agirait de l’accord de libre-échange le plus moderne à ce jour. Une fois ratifié, l’AECG sera plus ambitieux que l’ALENA, puisqu’il régira un plus grand nombre d’enjeux commerciaux et s’appliquera à un plus grand marché. Toutefois, les délégués ont appris que le Service des délégués commerciaux du Canada s’interrogeait sur trois « inconnues » liées aux conséquences du Brexit sur les activités commerciales du Canada.

  1. Les futures relations commerciales avec le Royaume Uni. Bien qu’un accord similaire à l’AECG soit envisagé, on ne sait pas à quel moment il pourrait être conclu. D’ici là, des tarifs douaniers pourraient continuer d’être imposés.
  2. Rien n’est encore défini en ce qui concerne la circulation des personnes et des talents d’un pays à l’autre.
  3. La gestion des données d’un pays à l’autre pourrait nécessiter l’adoption de nouvelles lois, mais rien n’a été déterminé.

Il a également été question du transfert des compétences, soit la cession – par le Parlement britannique – du pouvoir de légiférer sur certaines questions aux législatures de l’Écosse, de l’Irlande du Nord et du Pays de Galles. Les délégués ont appris que, dans ce contexte, l’indépendance de l’Écosse risquait de redevenir un enjeu aussi important que lors du référendum de 2014. Pendant la séance d’information, la première ministre de l’Écosse, Nicola Sturgeon, a fait une déclaration selon laquelle l’Écosse demanderait au Parlement britannique d’autoriser la tenue d’un nouveau référendum sur l’indépendance de son pays entre l’automne 2018 et le printemps 2019.

Les délégués ont aussi été informés de la question de la frontière entre l’Irlande du Nord, au Royaume Uni, et la République d’Irlande (pays membre de l’UE). Ces dernières années, la frontière était ouverte et souple entre ces deux pays, qui jouissaient d’une « zone de circulation commune ». Les négociations du Brexit devront inclure des discussions concernant cette frontière.

B. Rencontre avec le président du Comité des affaires avec l’Irlande du Nord (Northern Ireland Affairs Committee)

La délégation a rencontré Laurence Robertson, député et président du Comité des affaires avec l’Irlande du Nord de la Chambre des communes, un comité multipartite créé dans le but d’étudier les dépenses, l’administration et les politiques du Bureau de l’Irlande du Nord (Northern Ireland Office) et de ses organismes associés. M. Robertson a expliqué que le comité choisit lui-même les enquêtes qui l’intéressent et qu’il soumet ensuite ses recommandations au gouvernement, qui doit y répondre dans les deux mois subséquents. Il a tenu à préciser que le Comité cherche, dans la mesure du possible, à obtenir le consensus dans ses rapports.

Il a décrit la structure de l’Assemblée de l’Irlande du Nord où, après l’élection générale, le parti ayant obtenu le plus de sièges élit le premier ministre, alors que le parti arrivé en deuxième place élit le vice-premier ministre. Il a par ailleurs expliqué qu’après la dernière élection générale, le 2 mars dernier, le Parti démocratique unioniste, qui a obtenu le plus grand nombre de sièges, a nommé Arlene Foster comme première ministre, mais que le parti arrivé en deuxième place, le Sinn Féin, a refusé de nommer un vice-premier ministre pour protester contre la nomination de Mme Foster. En absence d’entente pour former un gouvernement de coalition, il pourrait y avoir déclenchement d’une nouvelle élection générale ou administration provisoire de l’Irlande du Nord par le Parlement britannique.

C. Présentation par des analystes de recherche de la Bibliothèque de la Chambre des communes sur les répercussions du Brexit dans divers secteurs stratégiques

Vaughne Miller, une analyste de recherche de la Bibliothèque de la Chambre des communes, a expliqué les étapes subséquentes du Brexit. Elle a décrit le projet de loi de l’Union européenne (notification de retrait), qui devrait recevoir la sanction royale très bientôt. La première ministre May pourra ensuite entreprendre rapidement les démarches en vertu de l’article 50. Mme Miller a aussi expliqué que la période de deux ans prévue pour les négociations commencera aussitôt l’article 50 invoqué. Elle a précisé que le Royaume Uni a deux priorités : l’union douanière et les droits du Royaume Uni et des citoyens européens par-delà les frontières. Elle a toutefois insisté sur le fait que la structure et les procédures des négociations n’avaient pas encore été convenues et que la réponse aux nombreuses questions concernant ces négociations est invariablement « on ne sait pas ».

Un autre analyste, Dominic Webb, a discuté de l’AECG et des conséquences du Brexit sur les relations commerciales du Royaume Uni. L’AECG a été signé en octobre 2016 et le Parlement européen a voté en faveur de sa ratification le 15 février 2017. Lorsque le Canada aura adopté la loi pour mettre en œuvre l’AECG, ce qui devrait se faire au printemps 2017, le nouvel accord de libre échange pourra être appliqué provisoirement (environ 98 % de son contenu) en attendant sa ratification finale par les États membres de l’UE. M. Webb a indiqué que le Royaume Uni souhaite poursuivre sa politique de libre échange avec le Canada après son retrait de l’UE. Il a insisté sur le fait qu’aucune discussion officielle ne peut avoir lieu sur le sujet avant le retrait complet du Royaume Uni de l’UE, mais a précisé que des discussions préliminaires pourraient commencer au début de l’année 2017.

D. Rencontre avec des membres du Comité particulier de la Chambre des communes sur le retrait de l’Union européenne (Select Committee on Exiting the European Union)

Les délégués ont rencontré Alistair Carmichael, député et membre du Comité particulier de la Chambre des communes sur le retrait de l’Union européenne, et James Reis, greffier du Comité. Le rôle de ce comité est d’examiner les dépenses, l’administration et les politiques du ministère responsable de la sortie de l’UE. Le président du Comité, nommé par les whips des partis, est un député travailliste. Les délégués ont appris que le Comité comptait deux fois plus de membres que les autres comités particuliers, soit 21 personnes au total (12 ont voté pour demeurer au sein de l’UE et 9 ont voté contre). Malgré le nombre important de membres ayant souhaité rester dans l’UE, M. Carmichael a précisé que le président s’efforçait de faire en sorte que les discussions dépassent l’opinion de tous, dans l’objectif ultime de rédiger des rapports unanimes.

Le premier rapport du Comité, intitulé The process for exiting the European Union and the Government’s negotiating objectives, a été publié le 14 janvier 2017. Son deuxième rapport, publié le 5 mars dernier, s’intitule The Government’s negotiating objectives : the rights of UK and EU citizens. Les deux rapports étaient unanimes. Enfin, les délégués ont appris que le Comité poursuivrait ses activités après le retrait du Royaume Uni de l’UE, mais qu’il aurait un mandat différent, à savoir superviser le travail du ministère chargé du retrait de l’UE, qui devra créer des organismes gouvernementaux correspondant aux organismes européens.

E. Rencontre avec la présidente du Groupe parlementaire multipartite Royaume-Uni-Europe (UK-Europe All Party Parliamentary Group) et des membres d’Open Britain

Après une visite des deux chambres du Parlement au palais de Westminster, les délégués ont rencontré Anna Soubry, présidente du Groupe parlementaire multipartite Royaume-Uni Europe (GPM), ainsi que des membres de ce groupe et des représentants d’Open Britain, un organisme non gouvernemental. Les deux groupes défendaient le maintien du Royaume Uni dans l’UE lors du référendum. D’une seule voix, les présentateurs ont signifié leur inquiétude concernant les effets, sur le Royaume-Uni, d’une rupture nette avec l’Union européenne, mais ont précisé que le gouverneur de la Banque d’Angleterre menait habilement la barque jusqu’ici, malgré les nombreuses incertitudes. Les deux groupes auraient préféré que le Royaume Uni reste dans le marché unique et étaient sceptiques quant à la capacité du Royaume Uni de négocier avantageusement sa sortie de l’UE. Pour ces deux groupes pro-Europe, les deux grandes sources de préoccupation sont le grand nombre d’inconnues nécessitant des éclaircissements rapides, ainsi que les problèmes internes concernant la frontière souple de l’Irlande du Nord et les visées indépendantistes de l’Écosse.

F. Dîner de travail avec les membres du Groupe parlementaire multipartite Angleterre-Canada (British-Canada All Party Parliamentary Group)

La délégation a été rejointe par une délégation du gouvernement de l’Ontario pour un dîner de travail en compagnie de plusieurs membres du Groupe parlementaire multipartite Angleterre Canada. Ce groupe encourage l’intérêt pour les politiques canadiennes en rencontrant des politiciens canadiens et fait la promotion des relations avec le Canada en organisant des rencontres avec des représentants au Haut-commissariat du Canada au Royaume Uni.

Les membres du Groupe ont exprimé différents points de vue sur la décision du Royaume Uni de quitter l’UE : « un référendum entaché d’irrégularités », « tout se passera bien », « nous sommes en train de désunifier le Royaume Uni », etc. Malgré cet éventail de points de vue et les tensions apparentes, tous les membres du Groupe sont unis dans leur volonté de maintenir de solides relations avec le Canada et les autres pays du Commonwealth. En fait, on a dit aux délégués que les relations Canada Royaume Uni étaient plus solides que le Brexit.

G. Rencontre avec les membres du Comité particulier de la Chambre des lords sur l’Union européenne (House of Lords European Union Select Committee)

Les délégués ont rencontré plusieurs membres du Comité particulier de la Chambre des lords sur l’Union européenne. Ce comité, qui étudie les politiques du Royaume Uni concernant l’UE et qui cherche à influer sur les politiques et les lois de l’UE, compte six sous-comités. Le président du Comité, Lord Boswell of Aynho, a expliqué que le travail du Comité et de ses sous-comités se concentrait surtout sur le Brexit. Plusieurs lords ont dit qu’ils n’avaient pas prévu le Brexit, que plusieurs questions restaient encore sans réponse concernant les procédures de retrait, et qu’il serait très difficile de respecter le délai de deux ans imposé pour les négociations.

Le Brexit a provoqué la production, par le Comité, d’une cascade d’enquêtes et de rapports, dont l’examen public des négociations du Brexit, l’évaluation des procédures juridiques du retrait de l’UE, les conséquences de la décentralisation, etc. Le gouvernement du Royaume-Uni est tenu de répondre à tous les rapports produits par le Comité. Lord Boswell a insisté sur le fait qu’il sera très important de maintenir de bonnes relations avec l’UE lorsque le retrait de l’UE sera chose faite.

H. Rencontre avec les membres du Comité particulier de la Chambre des communes sur le commerce international (House of Commons Select Committee on International Trade)

Les délégués ont rencontré les députés Angus MacNeil (président), Liam Byrne et Nigel Evans pour discuter du travail du Comité particulier de la Chambre des communes sur le commerce international, qui a pour mandat d’examiner l’administration, les politiques et les dépenses du ministère du Commerce international et de ses organismes publics connexes.

Même si les travaux de ce comité ne portent pas précisément sur des sujets entourant le Brexit ou l’AECG, M. MacNeil a indiqué que son comité venait de mener une enquête sur les activités commerciales du Royaume Uni post-Brexit. On a expliqué à la délégation que la frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord pose particulièrement problème. Même si le Royaume Uni a affirmé viser une rupture claire et nette avec l’Union européenne et un retrait de l’union douanière et du marché unique, bien des gens sont convaincus que l’Accord du Vendredi Saint de 1998, qui a joué un rôle central dans la résolution du conflit en Irlande et qui prévoit une zone commune de circulation et une frontière ouverte entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, sera honoré. La façon de régler ces deux enjeux reste cependant encore nébuleuse. Les délégués ont aussi appris que le Brexit, même s’il risque de nuire au commerce et à la mobilité des travailleurs au moins temporairement, ne devrait pas faire obstacle à l’entrée de visiteurs au Royaume Uni.

I. Rencontre avec le président d’Open Europe

Les délégués ont rencontré le président d’Open Europe, Henry Newman, qui a dit que son centre d’études et de recherches – qui constitue un groupe non partisan, indépendant et de centre droit – était resté neutre pendant le référendum. Open Europe fait des recherches pour alimenter les discussions stratégiques concernant les nouvelles relations du Royaume Uni avec l’UE et le reste du monde.

M. Newman est d’avis que la première ministre May, après un référendum qui a divisé les camps, a su réunifier le Parti conservateur en faisant des démarches pour une rupture claire et nette avec l’UE, c’est-à-dire un retrait non seulement de l’UE, mais également de l’Espace économique européen et de l’union douanière. Il a souligné que la première ministre met de l’avant les trois avantages du Brexit pour le Royaume Uni : une politique d’immigration souveraine, la fin des énormes contributions financières à l’UE et l’indépendance à l’égard de la Cour européenne de justice (le plus haut tribunal de l’UE).

M. Newman a également décrit les mouvements politiques actuels en France, aux Pays Bas et en Allemagne, qui ajoutent à l’incertitude de la situation du Royaume Uni. Il a expliqué que l’équilibre des pouvoirs actuels dans l’UE est un « triangle » composé du Royaume Uni, de la France et de l’Allemagne, et que le retrait du Royaume Uni affecterait cet équilibre. Il a ajouté que les changements politiques dans ces pays et dans d’autres pays pourraient nuire à la stabilité de l’UE.

J. Séance du Comité particulier de la Chambre des communes sur le retrait de l’Union européenne (Select Committee on Exiting the European Union)

Les membres de la délégation ont eu la chance d’assister brièvement à une séance du Comité particulier de la Chambre des communes sur le retrait de l’Union européenne à titre de suivi d’une rencontre préalable avec des membres du même comité. David Davis, le secrétaire d’État responsable du retrait de l’UE, témoignait devant le Comité. Il a été questionné sur les procédures du Brexit et sur ses conséquences sur le commerce, l’économie, la main-d’œuvre, etc. Pendant son témoignage, il a révélé qu’aucune évaluation des coûts du retrait de l’UE n’avait été faite. Il a aussi affirmé que l’absence d’accord au terme des deux années de négociations serait préférable à un « mauvais accord » pour le Royaume Uni.

K. Rencontre avec des membres du Comité de la Chambre des communes sur les affaires écossaises (House of Commons Select Committee on Scottish Affairs)

La délégation a rencontré plusieurs membres du Comité de la Chambre des communes sur les affaires écossaises, dont son président, le député Peter Wishart. Ce comité est chargé d’examiner l’administration, les politiques et les dépenses du Bureau de l’Écosse, notamment les relations avec le Parlement écossais et l’avocat général d’Écosse. Comme le Bureau est chargé de défendre les intérêts de l’Écosse au sein du Royaume Uni, le Comité se penche sur la place de l’Écosse au sein de l’Europe et sur la possibilité que les négociations du Brexit tiennent compte du fait qu’elle souhaite rester dans le marché unique européen. Les membres du Comité ont aussi parlé de la « décentralisation asymétrique » au Royaume Uni, c’est à dire du fait que les législatures décentralisées n’ont pas les mêmes pouvoirs et que l’Écosse pourrait faire des pressions sur le Parlement britannique pour obtenir plus de pouvoirs, sinon son indépendance, après le Brexit.

L. Dîner avec Lord Kilclooney

Lord Kilclooney d’Armagh s’est joint aux délégués pour le dîner. Il souhaitait discuter avec eux parce qu’il s’intéresse depuis longtemps au dossier du commerce et de l’industrie, ainsi qu’à celui des affaires étrangères et du Commonwealth.

Visite d’Édimbourg, en Écosse (Royaume Uni)

Les 16 et 17 mars, les délégués ont participé à plusieurs activités à Édimbourg, en Écosse. Ils ont notamment visité le Parlement écossais monocaméral et assisté à la période de questions générales et à la période de questions adressées à la première ministre. Ils ont aussi participé à des discussions bilatérales avec des députés écossais, le président, le chef exécutif adjoint, le chef du Bureau d’information du Parlement européen et le directeur adjoint du Centre sur les changements constitutionnels (Centre on Constitutional Change).

A. Rencontre avec le Comité sur l’économie, l’emploi et le travail équitable (Economy, Jobs and Fair Work Committee)

Les délégués ont rencontré, Gordon Lindhurst, député écossais et responsable du Comité sur l’économie, l’emploi et le travail équitable, ainsi que deux autres députés membres du Comité (Bill Bowman et Andy Wightman) et sa greffière, Alison Walker. M. Lindhurst a parlé de la récente enquête du Comité sur les conséquences économiques du retrait du Royaume Uni de l’UE.

Il a expliqué que le Comité est chargé d’examiner les activités du gouvernement écossais et de mener des enquêtes sur les sujets de son choix. L’objectif de la récente enquête du Comité sur le retrait de l’UE était d’en étudier les effets sur l’Écosse, comparativement à l’Angleterre. L’enquête a surtout porté sur les répercussions et les possibilités pour les exportateurs écossais et les entreprises non européennes qui investissent en Écosse, ainsi que sur les enjeux liés au marché du travail (migration des travailleurs et droits des travailleurs, par exemple). Il a expliqué que 4 % de la main-d’œuvre écossaise est composée d’Européens. De plus, la population écossaise est vieillissante, et les jeunes quittent le pays. M. Lindhurst et ses collègues ont exprimé leur frustration concernant le manque de contrôle de l’Écosse sur bien des dossiers écossais, dont l’économie. Ils ont fait des comparaisons sur la décentralisation asymétrique et exprimé la volonté de l’Écosse d’avoir plus de pouvoirs, à l’image du nationalisme asymétrique canadien.

B. Rencontre avec la responsable et les membres du Comité de la culture, du tourisme, de l’Europe et des relations extérieures (Culture, Tourism, Europe and External Relations Committee)

Les délégués ont rencontré Joan McAlpine, la responsable du Comité de la culture, du tourisme, de l’Europe et des relations extérieures, ainsi que Lewis Macdonald, membre du Comité, la greffière, Katy Orr, et le recherchiste, Iain McIver. Le mandat du Comité est vaste et couvre tous les sujets qui relèvent du Secrétariat de la culture, du tourisme et des relations extérieures, de même que les enjeux européens pertinents. Toutefois, Mme McAlpine a souligné que, depuis le référendum, le Comité se penchait exclusivement sur des enjeux liés au retrait du Royaume Uni de l’UE et avait reçu plus de 160 documents concernant les conséquences du Brexit.

Les délégués ont appris que la majorité des électeurs écossais avaient non seulement choisi de rester au sein de l’UE, mais que tous les comtés écossais avaient fait le même choix. C’est dans ce contexte que le Comité a produit, en janvier 2017, son premier rapport sur la question, intitulé Brexit : What Scotland Thinks. Depuis, le Comité a produit d’autres rapports : EU migration and EU Citizen Rights (qui fait des parallèles avec les politiques canadiennes en matière d’immigration, c’est à dire les pouvoirs qui sont accordés aux provinces et aux territoires dans la sélection des immigrants en vertu des ententes conclues avec le gouvernement fédéral afin de répondre aux besoins régionaux) et Determining Scotland’s Future Relationship with the European Union. Mme McAlpine a précisé qu’un autre rapport, portant cette fois sur le commerce et la préférence marquée de l’Écosse de rester au sein du marché unique, sera publié très bientôt.

C. Rencontre avec le président

Les délégués ont eu le privilège de rencontrer de façon brève et imprévue le président du Parlement écossais, Ken Macintosh. Ce dernier a expliqué que le vote pour le Brexit a donné lieu à des « bouleversements constitutionnels » et que personne ne peut prédire la suite de l’histoire. Il a présenté la brève histoire du Parlement écossais, qui ne siège que depuis cinq sessions. Les deux premières ont été dirigées par des gouvernements de coalition. Par la suite, le gouvernement a été mené par le Parti national écossais, d’abord élu de façon minoritaire, ensuite de façon majoritaire puis une autre fois de façon minoritaire. Le président a également indiqué qu’étant donné que le Parlement écossais n’est pas bicaméral (il ne compte pas deux chambres), les comités parlementaires ne sont pas là pour faire contrepoids ou exiger des comptes au Parlement, mais plutôt pour contribuer à ses activités.

D. Rencontre avec le chef exécutif adjoint du Parlement écossais

Les délégués ont rencontré Ken Hughes, chef exécutif adjoint du Parlement écossais, qui a expliqué les changements législatifs qui pourraient être requis après le retrait du Royaume Uni de l’UE. Il a expliqué qu’il dirigeait l’équipe chargée d’étudier les scénarios et les résultats possibles et de déterminer les conséquences potentielles du Brexit sur l’examen parlementaire. M. Hughes doit également déterminer les trois catégories de mesures législatives subordonnées (autorité accordée aux ministres d’adopter des décrets-lois) après le Brexit, à savoir : 1) les mesures législatives subordonnées existantes pouvant être transposées; 2) les mesures législatives subordonnées ne pouvant être transposées; et 3) les nouvelles mesures législatives subordonnées qui devront être rédigées. Il a confié qu’il est difficile pour le moment d’évaluer ces catégories, car le Parlement britannique n’est pas clair en ce qui a trait aux pouvoirs qu’il décidera de déléguer ou de conserver après les avoir récupérés à la suite du Brexit.

Les délégués ont aussi appris que l’Écosse ne défendra pas ses propres intérêts pendant les négociations du Brexit. Comme les négociations seront menées par le Parlement britannique, M. Hughes est d’avis que seulement 10 % de ce qui sera négocié répondra aux intérêts écossais.

E. Rencontre avec le représentant des Relations internationales du gouvernement écossais

Les délégués ont rencontré Edward Thomson, le représentant du cadre de travail international du gouvernement écossais et de sa stratégie d’engagement du Canada. M. Thomson a décrit la Direction des affaires internationales du gouvernement écossais, qui compte entre 70 et 80 employés. La majorité se trouve à Bruxelles, mais également dans les 25 bureaux de développement international situés un peu partout dans le monde, dont à Toronto. Il a expliqué que le travail de la Direction consistait à positionner le gouvernement écossais sur la scène internationale, notamment par l’entremise de la stratégie économique écossaise de mars 2015. Cette stratégie mondiale précise les priorités générales de l’Écosse, notamment pour positionner le pays sur la scène internationale.

Ce positionnement, qui constitue une priorité de la stratégie économique écossaise, nécessitera l’élaboration de stratégies adaptées en fonction des pays concernés. L’Écosse a donc un plan d’engagement pour le Canada depuis sept ou huit ans. La stratégie d’engagement du Canada, qui a été mise à jour en décembre 2016, comprend trois grands objectifs stratégiques : 1) maintenir une perspective globale encourageant les affaires, les investissements, les exportations et les échanges de talents et de savoirs avec le Canada; 2) créer des liens et des partenariats avec d’autres pays; et 3) utiliser la publicité et d’autres outils de relations publiques pour promouvoir les attraits et la réputation de l’Écosse au Canada. M. Thomson a expliqué que, grâce à cette stratégie, des protocoles d’entente avaient été conclus avec certaines provinces dans le secteur de l’énergie, de l’énergie renouvelable et des technologies spatiales. De plus, des partenariats entre l’Écosse et le Canada ont facilité l’organisation de différents événements, dont des festivals, et offert des plateformes pour les entreprises à la recherche de talents.

F. Rencontre avec le Bureau d’Information du Parlement européen à Édimbourg

Per Johansson, le chef du Bureau d’Information du Parlement européen à Édimbourg, a rencontré la délégation pour expliquer la fonction du Bureau et le rôle du Parlement européen dans le Brexit. Il a aussi expliqué que le Parlement européen a des bureaux d’information dans tous les États membres, ainsi que six bureaux d’attache, dont un en Écosse et un en Irlande du Nord. Il a dit que ces bureaux étaient très polyvalents et travaillaient à différentes activités : aider les députés du Parlement européen à organiser des événements, tenir des points de presse pour tenir les médias informés des activités du Parlement européen, fournir du matériel éducatif à la population, aux enseignants et aux organismes éducatifs, collaborer avec les intervenants qui s’intéressent aux affaires européennes et agir comme ambassadeur en Écosse (assurer les liaisons avec le gouvernement écossais).

En ce qui concerne le rôle du Parlement européen dans le Brexit, M. Johansson a expliqué que rien n’avait encore vraiment changé dans les faits et que les lois européennes continuaient à s’appliquer au Royaume Uni. Il a précisé que l’article 50 du Traité sur l’Union européenne est purement procédural et qu’il ne contient aucun libellé de fond, ce qui provoque le climat d’incertitude évoqué à de nombreuses reprises pendant la visite. Invoquer l’article 50, a expliqué M. Johansson, marque automatiquement le coup d’envoi de l’échéancier de deux ans pour les négociations entre le Royaume Uni et l’UE devant mener à une entente sur les modalités du retrait du Royaume-Uni de l’UE, ainsi que celles des futures relations entre les deux parties. Il a ajouté que si aucune entente n’était conclue d’ici deux ans, le Royaume Uni quitterait l’UE sans accord. Il a toutefois confirmé que cet échéancier pouvait être prolongé si le Royaume Uni et tous les autres membres de l’UE en convenaient ainsi.

G. Rencontre avec la directrice adjointe du Centre sur les changements constitutionnels (Centre on Constitutional Change)

Les délégués ont rencontré Nicola McEwen, du Centre sur les changements constitutionnels, qui mène des recherches multidisciplinaires en sciences politiques, en économie, en politiques sociales et en droit constitutionnel sur la transformation des relations constitutionnelles du Royaume Uni. Mme McEwen a parlé du référendum sur l’indépendance de l’Écosse de 2014 et de la défaite du camp du « oui ». Elle a précisé que ce référendum avait été organisé en l’absence de catalyseur particulier et qu’il se comparaît davantage au référendum québécois de 1980 qu’à celui de 1995. Elle a expliqué que le Parti national écossais était majoritaire à cette époque, mais que sa présence n’était pas liée au souhait de se séparer du Royaume Uni. Malgré tout, les résultats du référendum de 2014 (55 % des électeurs ayant répondu non et 45 % ayant répondu oui à la question suivante : L’Écosse devrait-elle être un pays indépendant?) ont été suffisamment serrés pour assurer la survie du mouvement indépendantiste.

Mme McEwen a ajouté que le Brexit avait changé la dynamique et fourni un catalyseur pour relancer le projet d’indépendance de l’Écosse. Elle a expliqué que les événements récents avaient laissé peu de choix à la première ministre de l’Écosse, qui devait maintenant envisager de mener un deuxième référendum sur l’indépendance. Pourquoi? En raison du refus du Royaume Uni de répondre aux trois souhaits de l’Écosse, soit : 1) pouvoir s’exprimer sur le choix du type de Brexit (une rupture claire et nette avec l’Union européenne ou un retrait plus modéré); 2) que le Royaume Uni demande à l’UE que l’Écosse demeure dans le marché unique; et 3) pouvoir acquérir son indépendance du Royaume Uni et rester dans le marché unique. Toutefois, le gouvernement écossais, comme l’a souligné Mme McEwen, voudra s’assurer de pouvoir remporter le référendum sur l’indépendance avant d’en tenir un.

Conclusion

Une délégation conjointe composée de membres de l’Association interparlementaire Canada Royaume Uni et de l’Association parlementaire Canada Europe s’est rendue au Royaume Uni à un moment crucial de l’histoire récente de ce pays. Au cours de cette visite de cinq jours, pendant laquelle les délégués ont participé à des rencontres bilatérales, le projet de loi de l’Union européenne (notification de retrait) a été adopté et a reçu la sanction royale; la première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, a fait une déclaration selon laquelle elle demanderait au Parlement britannique l’autorisation de tenir un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse; la première ministre du Royaume Uni, Theresa May, a répondu que le Parlement britannique n’autoriserait pas un autre référendum sur l’indépendance de l’Écosse pour l’heure; il y a eu une annonce selon laquelle l’article 50 du Traité sur l’Union européenne serait invoqué à la fin du mois de mars 2017.

Les membres de la délégation ont observé que le Royaume Uni vit une période d’incertitude et que les tensions et les émotions demeurent fortes au lendemain du vote pour le Brexit. L’avenir du Royaume Uni et de l’UE est actuellement très incertain et caractérisé par un méandre juridique sans précédent. Néanmoins, les délégués ont entendu à plusieurs reprises que le Royaume Uni, y compris l’Écosse, est déterminé à maintenir des relations étroites avec le Canada, non seulement dans le domaine du commerce, mais également en ce qui concerne les investissements publics, la mobilité de la main-d’œuvre, l’éducation, le tourisme, etc.

Le Canada, en raison de ses relations étroites avec le Royaume Uni, est dans une position unique pour soutenir ses collègues britanniques au cours des deux prochaines années. La conjoncture évoluera rapidement, dans le contexte où le Royaume Uni tentera de résoudre les différends qui surgiront tout au long des procédures de retrait de l’UE. Il serait profitable que la délégation canadienne fasse deux autres voyages au cours de la prochaine année afin d’aider le Royaume Uni à gérer les questions commerciales et le dossier de l’indépendance de l’Écosse.

Le tout respectueusement soumis,

Frank Baylis, député
Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni