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Association parlementaire Canada-Europe

RAPPORT

Du 24 au 28 juin 2019, une délégation de l’Association parlementaire Canada-Europe composée de six parlementaires s’est rendue à Strasbourg, en France, et à Rome, en Italie, afin de participer à la troisième partie de la Session ordinaire de 2019 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et dans le cadre d’une mission parlementaire bilatérale en Italie. Étaient délégués M. Francesco Sorbara, député et chef de la délégation; l’hon. Mohamed-Iqbal Ravalia, sénateur; l’hon. David Wells, sénateur; Mme Marjolaine Boutin-Sweet, députée; M. David Tilson, député; et Mme Salma Zahid, députée. La délégation était accompagnée de la secrétaire de l’Association, Mme Josée Thérien, et du conseiller de l’Association, M. Maxime-Olivier Thibodeau.

PARTICIPATION À LA TROISIÈME PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2019 DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE

Les 24 et 25 juin, la délégation a participé à la troisième partie de la Session ordinaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), dans le cadre de laquelle le Canada jouit du statut d’observateur. M. Alan Bowman, chef adjoint de la Mission du Canada auprès de l’Union européenne et observateur permanent du Canada auprès du Conseil de l’Europe, a rejoint la délégation à Strasbourg.

A.   Aperçu de l’ordre du jour de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

Au cours des deux journées pendant lesquelles la délégation a participé à la partie de session, les sujets suivants ont fait l’objet de discussions à l’Assemblée et dans ses comités et groupes politiques :

  • le renforcement du processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote;
  • le rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente;
  • le budget et les priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2020-2021 et les dépenses de l’Assemblée parlementaire pour l’exercice biennal 2020-2021 (débats conjoints);
  • la Convention d’Istanbul sur la violence à l’égard des femmes : réalisations et défis et Vers un agenda politique ambitieux du Conseil de l’Europe pour l’égalité de genre (débats conjoints).

L’Assemblée a également entendu l’intervenante suivante :

  • Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de France, chargée des Affaires européennes, représentant la présidence française du Comité des ministres.

B.   Activités des délégués canadiens durant la session

1.   Aperçu

Les membres de la délégation ont participé aux délibérations de l’APCE, y compris aux séances plénières et aux réunions des comités. Ils ont aussi assisté aux réunions des groupes politiques représentés à l’Assemblée.

En outre, la délégation a rencontré un représentant de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), a assisté à une séance d’information offerte par M. Bowman et a rencontré le secrétaire de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, mieux connue sous le nom de « Commission de Venise ».

2.   Rencontre avec une représentante de la Cour européenne des droits de l’homme

Le 24 juin, la délégation a rencontré MmePamela McCormick, avocate du Greffe à la CEDH. Fondée en 1959, la CEDH est une cour internationale qui statue sur des requêtes individuelles ou étatiques alléguant des violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention européenne des droits de l’homme (Convention européenne). Depuis 1998, elle siège à temps plein et accueille directement les requêtes individuelles. Mme McCormick a expliqué que les juges de la CEDH sont élus au nom des États membres du Conseil de l’Europe, mais qu’ils ne représentent pas ces derniers; ils se représentent eux-mêmes.

Mme McCormick a insisté sur l’importance du droit de requête individuelle et fait remarquer que ces requêtes – auxquelles ne participent pas les gouvernements – constituent la plupart des causes entendues par la CEDH. La Cour entend aussi des causes inter-États, ce qui est plus rare. Elle a expliqué que les requêtes présentées à la Cour peuvent être rejetées pour des raisons d’ordre administratif, par exemple, lorsqu’elles n’ont pas été faites comme il se doit, ce qui représente entre 15 et 20 % des causes. Dans pareilles circonstances, le requérant peut faire une nouvelle requête.

Mme McCormick a expliqué que les requêtes peuvent aussi être rejetées pour des raisons d’ordre juridique, notamment lorsque les recours internes n’ont pas tous été épuisés. Elle a aussi fait remarquer que nombre d’affaires frivoles sont présentées à la CEDH (des cas de santé mentale; des requêtes faites par des adeptes de la théorie du complot; de tristes affaires qui ne sont pas du ressort de la Convention européenne, etc.).

Mme McCormick a précisé que l’arriéré actuel de la Cour est problématique – arriéré attribuable au simple nombre de requêtes, soit 43 000 en 2018 (environ 60 000 requêtes, dont celles qui ont été rejetées). Plus de la moitié d’entre elles ont été présentées contre quatre pays : la Russie, l’Ukraine, la Turquie et la Roumanie.

Mme McCormick a ajouté que l’arriéré de la CEDH peut aussi s’expliquer par le fait que certains États membres croulent sous les requêtes. Elle estime que la Cour essaie de surmonter cet arriéré et que celle-ci n’est pas toujours responsable des retards. Dans certains cas, elle a noté qu’il arrive que les parties demandent le renvoi de leur cause et, dans d’autres, les procédures judiciaires à l’échelon d’un État membre peuvent être à l’origine des retards. En Italie, par exemple, les variations régionales jouent sur la longueur des procédures judiciaires.

Selon Mme McCormick, le droit à un procès équitable – prévu à l’article 6 de la Convention européenne – est le motif le plus souvent invoqué dans les requêtes présentées à la CEDH. Elle a, en outre, indiqué que les questions de propriété étaient aussi assez communes.

En réponse aux questions des délégués elle a mentionné que le Brexit avait fait en sorte que les juges du pays nommés à la Cour ne puissent pas occuper des postes aussi haut placés que les juges d’autres États membres.

En réponse aux questions des délégués concernant l’incidence sur la CEDH de la contribution financière lacunaire de la Russie au Conseil de l’Europe, Mme McCormick a fait valoir que cette incidence se ferait plus sentir ailleurs qu’à la Cour. Ce manque de contribution a toutefois influé sur le recrutement, le fonctionnement de la Cour et sa capacité à traiter la grande quantité d’affaires.

3.   Séance d’information de l’observateur permanent du Canada auprès du Conseil de l’Europe

Les membres de la délégation ont ensuite rencontré M. Bowman, qui leur a rappelé le rôle que joue le Canada à titre d’observateur au Conseil de l’Europe, tant au sein du Comité des ministres qu’à l’Assemblée parlementaire. M. Bowman estime que le Conseil de l’Europe est, pour le Canada, une excellente fenêtre sur la politique européenne.

M. Bowman a mentionné que le Canada a eu tendance à verser de l’aide au développement aux plus pauvres des pays défavorisés d’Asie et d’Afrique plutôt que de l’offrir aux pays de l’Europe orientale par l’intermédiaire de contributions au Conseil de l’Europe. Il a prétendu que l’Ukraine est une exception à cet égard en raison de la contribution spéciale du Canada.

Selon M. Bowman, le Conseil de l’Europe est un forum intéressant pour les nouvelles questions émergentes, comme en témoigne la Convention sur la cybercriminalité – que le Canada a ratifiée en 2015. Le Conseil de l’Europe favorise également la coopération culturelle. M. Bowman a parlé de la contribution annuelle canadienne d’un million de dollars au Fonds de soutien au cinéma européen pour la coproduction et la distribution d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, aussi appelé « Eurimages » et a affirmé que les réalisateurs canadiens obtiennent plus en retour.

M. Bowman a fait observer que le Canada était membre à part entière de la Commission de Venise depuis le début de juin 2019. Warren Newman, expert en droit constitutionnel de Justice Canada, travaille maintenant pour celle-ci.

S’agissant du débat conjoint prévu à l’APCE au sujet de la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique – la Convention d’Istanbul – et sur l’égalité des sexes, M. Bowman a souligné que le programme canadien sur la violence faite aux femmes et l’égalité des sexes est exemplaire pour plusieurs pays européens. Il a expliqué que la Convention d’Istanbul a vu le jour en quelque sorte parce que la violence à l’égard des femmes est perçue différemment de la violence « sexo-spécifique » dans certains pays européens. Certaines personnes s’opposent à la Convention d’Istanbul en raison de la définition de « famille » ou de « mariage » qui est utilisée dans certains pays. Répondant aux questions des délégués à cet égard, M. Bowman a fait valoir que, en théorie, le Canada pourrait adhérer à la Convention d’Istanbul et a ajouté qu’aucun pays non européen ne l’a signée à ce jour.

En réponse à des questions sur les implications du Brexit à la lumière du prochain changement de leadership, M. Bowman a expliqué que différentes équipes de négociateurs à Bruxelles et à Londres pourraient aboutir à un résultat différent. Il est d’avis que l’incidence de l’élection du Parlement européen sur le Conseil de l’Europe sera probablement minime.

M. Bowman a rappelé l’application provisoire actuelle de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, qui est un processus inhabituel pour le Canada, et le processus en deux étapes requis pour sa ratification dans l’Union européenne. Il a noté que 13 États membres de l’Union européenne avaient ratifié l’Accord à ce jour et que l’Italie n’était pas du nombre. À titre de comparaison, il a signalé qu’il a fallu cinq ans pour que l’accord de libre-échange Union européenne-Corée – qui est similaire à l’AECG – soit ratifié. M. Bowman a argué que, en théorie, l’AECG pouvait être appliqué provisoirement pour une durée indéterminée.

Pour sa part, le gouvernement italien a déclaré que la protection des indications géographiques était insuffisante. Pour ce qui est de la situation économique de l’Italie, M. Bowman a souligné le problème de la dette et du déficit du pays, ainsi que du secteur bancaire, qui est également une source de préoccupations, car la faillite d’une banque pourrait avoir un effet domino. M. Bowman a également noté que, même si elle connaît des problèmes économiques, l’Italie dispose d’une base de production très importante.

4.   Rencontre avec le secrétaire de la Commission de Venise

Le 25 juin, la délégation a rencontré M. Thomas Markert, secrétaire de la Commission de Venise, organe consultatif du Conseil de l’Europe en matière constitutionnelle.

M. Markert a expliqué que la Commission de Venise a pour mandat de fournir des conseils juridiques à ses États membres et, en particulier, d’aider les États qui souhaitent faire en sorte que leurs structures juridiques et institutionnelles soient en phase avec les normes européennes et les expériences internationales en matière de démocratie, de droits de la personne et de primauté du droit.

Il a rappelé que le Canada est partie à certains accords partiels du Conseil de l’Europe, comme la Commission de Venise. Le Canada était observateur auprès de la Commission de Venise depuis 1991 quand il en est devenu membre à part entière le 12 juin 2019. M. Markert a fait remarquer que la contribution du Canada à la Commission de Venise, qui est d’environ 50 000 euros par année, est supérieure à celle de nombreux pays.

M. Markert a expliqué que, au départ, les pays non européens n’étaient pas autorisés à être membres à part entière de la Commission de Venise. Les règles ont changé depuis, permettant ainsi au Canada de le devenir.

Selon M. Markert, les droits fondamentaux qui sont le plus souvent en jeu dans les travaux de la Commission de Venise sont la liberté de réunion, l’obligation de créer une cour constitutionnelle (qui peut donner des directives aux gouvernements) – ou de donner à la Cour suprême les pouvoirs d’une cour constitutionnelle – et l’indépendance du pouvoir judiciaire, qui s’accompagne du besoin de garanties institutionnelles. Il a noté que cette dernière obligation a posé problème dans des pays comme la Pologne et la Hongrie. Dans le même ordre d’idées, il a affirmé que la limitation des pouvoirs des procureurs et l’obligation qui leur est imposée de respecter une structure hiérarchique stricte sont également problématiques.

M. Markert a expliqué que les travaux de la Commission de Venise se fondent sur la Convention européenne; la Commission applique également certaines normes du Conseil de l’Europe concernant les juges, dont plusieurs recommandations du Comité des ministres à cet égard. Dans le domaine de la démocratie, il s’est dit préoccupé par les pays qui adoptent un système présidentiel à l’image du système français (dans lequel le président dispose de pouvoirs étendus) en raison du risque qu’il permette la création d’un gouvernement autoritaire. Il a ajouté que ces préoccupations s’appliquaient en particulier aux pays de l’ex-Union soviétique. Il existe notamment un conflit en Ukraine entre le Parlement et la présidence.

M. Markert a mentionné que la Commission de Venise a été très active à l’égard de l’Ukraine ces dernières années. Parmi les questions problématiques dans ce pays, il a mentionné la corruption et l’approche des tribunaux ukrainiens qui n’osent pas poursuivre les politiciens ou les gens d’affaires influents et puissants. Il a noté que l’Ukraine avait mis en place des mesures anticorruption appropriées, mais a fait valoir que les affaires ne sont pas portées devant les tribunaux comme elles le seraient normalement au titre de ces mesures.

M. Markert a expliqué que la Commission de Venise a recommandé de limiter la durée des mandats présidentiels, mais que ces limites ont été abolies dans certains pays, notamment en Amérique latine. Il a expliqué que la Commission de Venise formule aussi souvent des avis sur la législation électorale. À cet égard, elle a recommandé un système proportionnel dans de nombreux cas; M. Markert estime que le système mixte a entraîné des abus dans certains cas, comme en Ukraine et en Moldavie.

M. Markert a souligné l’importance de l’indépendance de la magistrature dans les travaux de la Commission de Venise. Il a expliqué que, en temps normal, le travail de la Commission de Venise commence à la suite d’une demande d’un État membre, mais qu’il peut aussi le faire suite à une demande d’un organe du Conseil de l’Europe (généralement l’APCE ou la Commission de suivi, qui respecte les obligations des États membres).

En réponse à des questions concernant les États membres du Conseil de l’Europe qui s’opposent à la Convention d’Istanbul, M. Markert a expliqué que les responsables bulgares, par exemple, soutiennent que leur constitution ne peut respecter certains aspects de la Convention d’Istanbul qui ne sont pas clairs, comme la définition du mot « genre », qui est, selon eux, subjective.

C.   Interventions des délégués canadiens dans le cadre des débats de l’Assemblée

M. Sorbara, le sénateur Ravalia, le sénateur Wells, Mme Boutin-Sweet et Mme Zahid ont participé aux débats de l’Assemblée au cours de la partie de session, faisant au total six interventions sur un large éventail de sujets. Des liens vers les discours des délégués se trouvent sur le site Web de l’APCE . [1]

1.   Le lundi 24 juin 2019

Le sénateur Ravalia a prononcé un discours sur « le renforcement du processus décisionnel de l’Assemblée [parlementaire] concernant les pouvoirs et le vote ».

2.   Le mardi 25 juin 2019

Le sénateur Ravalia a prononcé un discours dans le cadre du débat conjoint sur « le budget et les priorités du Conseil de l’Europe pour l’exercice biennal 2020-2021 » et « les dépenses de l’Assemblée parlementaire pour l’exercice biennal 2020-2021 », dans lequel il a rappelé la nature de la participation canadienne au Conseil de l’Europe et les différentes formes de contribution financière du Canada à cette organisation.

Dans son mot de la fin, le rapporteur – M. Mart van de Ven – a déclaré ce qui suit :

Cela dit [concernant l’augmentation du budget de l’APCE], je crois que je peux remercier M. Ravalia pour son discours. Je remercie le Canada de l’appui, de l’aide financière, mais aussi du soutien que le Canada accorde à cette très importante institution internationale des droits de la personne.

M. Sorbara, le sénateur Wells, Mme Boutin-Sweet et Mme Zahid ont tous prononcé une allocution dans le cadre du débat commun sur La Convention d’Istanbul sur la violence à l’égard des femmes : réalisations et défis et Vers un agenda politique ambitieux du Conseil de l’Europe pour l’égalité de genre.

La rapporteuse qui a rédigé le rapport sur la Convention d’Istanbul, Mme Zita Gurmai, a observé dans ses remarques finales que le coût de la violence à l’égard des femmes est d’environ 1,5 billion de dollars américains, ce qui est comparable à la taille de l’économie canadienne. Elle a également exprimé ses remerciements pour le fait que « tant de Canadiens » se soient exprimés sur cette question à l’Assemblée.

MISSION PARLEMENTAIRE EN ITALIE

Les 27 et 28 juin, la délégation a participé à une mission parlementaire en Italie, à Rome. Au cours de cette mission, les membres ont rencontré des parlementaires italiens, un représentant du gouvernement italien, des représentants d’organisations internationales, des universitaires ayant une expertise en politique italienne et des représentants du secteur privé. De plus, la délégation a assisté à des séances d’information offertes par des représentants de l’ambassade du Canada en Italie.

Les discussions tenues au cours de ces réunions ont porté sur des questions clés concernant les relations Canada-Italie et Canada-Union européenne, y compris l’AECG, et d’autres questions importantes auxquelles l’Italie et l’Union européenne sont confrontées, notamment les migrations.

Séance d’information à l’ambassade du Canada en Italie

Le 27 juin, les membres de la délégation ont rencontré Son Excellence, Alexandra Bugailiskis, ambassadrice du Canada en Italie, ainsi que représentante permanente auprès de trois institutions spécialisées des Nations Unies basées à Rome : l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds international de développement agricole (FIDA). L’ambassadrice Bugailiskis a été accompagnée tout au long de la mission par le personnel de l’ambassade : M. Christopher Burton, ministre-conseiller (Section de la politique étrangère et de la diplomatie); Mme Anna Kapellas, conseillère (Section politique, économique et des affaires publiques); et Mme Cristina Faessler, spécialiste des affaires politiques.

Pour ce qui est des relations entre le Canada et l’Italie, l’ambassadrice Bugailiskis a rappelé à la délégation que les Italiens de l’étranger votent pour des représentants en Italie; c’est Francesca La Marca qui représente actuellement l’Amérique du Nord et l’Amérique centrale. Elle a également rappelé l’importance des accords entre le Canada et l’Italie sur le permis de conduire et la mobilité des jeunes.

Elle a également rappelé que c’est le 70e anniversaire de la participation du Canada à la Deuxième Guerre mondiale et qu’une piazza à Rome a été baptisée en l’honneur de Canadiens. Elle a souligné l’importance de la coopération en matière de défense au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Au chapitre de la coopération culturelle, l’ambassadrice Bugailiskis a mentionné que le Canada a récemment été nommé pays d’honneur à La Biennale de Venise.

Rencontre avec les membres de la Commission permanente des affaires étrangères et européennes de la Chambre des députés

La délégation a ensuite rencontré Mme Marta Grande (M5S), présidente de la Commission permanente des affaires étrangères et européennes de la Chambre des députés, ainsi que des membres de cette commission : M. Andrea Colletti (M5S), M. Vito Comencini (Lega), Mme Michaela Biancofiore (Forza Italia) et Mme Francesca La Marca (Partito Democratico).

Mme Grande a mentionné que certains États membres de l’Union européenne n’ont pas encore ratifié l’AECG en raison de problèmes liés à la propriété intellectuelle et aux relations entre investisseurs et États. Elle a fait observer que la balance commerciale entre l’Italie et le Canada représente 2,6 milliard d’euros, en faveur de l’Italie. Mme Grande a également mentionné que les questions des indications géographiques et des produits contrefaits comptent beaucoup pour l’Italie. Elle a souligné l’importance de la contribution de la communauté italienne à la croissance économique du Canada. Elle a également confié que le gouvernement italien bénéficie d’une excellente collaboration avec l’ambassade du Canada.

M. Colletti a affirmé que l’Italie et le Canada partagent des valeurs et des principes semblables, en plus d’être liés par l’histoire, et a rappelé les nombreuses vies sacrifiées parmi les ressortissants de chaque pays durant les deux guerres mondiales. Il a aussi noté qu’il s’agit actuellement d’une période de changement au sein du Parlement italien, où de nouvelles personnes sont nommées aux commissions, par exemple.

Selon M. Comencini, l’Union européenne devrait adopter une approche différente à l’endroit de l’Italie, notamment en ce qui concerne la culture, l’agro-alimentaire et l’immigration. Selon lui, elle ne traite pas correctement les questions liées à ces domaines. Il a également fait valoir que des menaces pèsent sur l’Union européenne, mais que l’OTAN ne se concentre pas sur les bonnes priorités pour y faire face. Il a avancé que les raisons pour lesquelles l’Italie s’oppose à l’AECG sont claires, mais il estime qu’il existe une certaine marge de manœuvre pour parvenir à un accord futur.

Mme Biancofiore a mentionné que l’Italie et le Canada sont confrontés aux mêmes défis en ce qui concerne leurs relations avec l’Afrique et l’Europe orientale. Elle a soutenu que la cessation des exportations d’armes des deux pays vers ces régions, entre autres, pourrait avoir un impact réel. Elle a également mentionné le cas de la Libye, qui présente des défis importants et complexes pour l’Italie. Selon elle, l’Italie est très active dans la région du Sahel et dans les pays d’Afrique subsaharienne sur des questions telles que l’immigration et le terrorisme. Elle est d’avis que l’Italie doit appuyer le développement de ces pays. Alors que le terrorisme resurgit dans les pays d’Afrique subsaharienne et qu’un nouveau Daech se forme, Mme Biancofiore a affirmé que nous devions combattre ces phénomènes ensemble. Elle a, par ailleurs, mentionné que certains problèmes découlent des changements démographiques : l’exode des personnes fuyant les situations de guerre, mais aussi l’augmentation de la population. L’Éthiopie, par exemple, aura une population d’environ 200 millions d’habitants d’ici 2050.

En réponse aux questions des délégués canadiens sur la situation actuelle de la Russie à l’APCE, Mme Grande rappelle que son parti, le M5S, a toujours considéré que la délégation russe devait avoir une place à l’APCE. Elle a mentionné que la délégation italienne à l’APCE était divisée sur la question et que le gouvernement actuel en Italie aimerait élaborer une approche différente à l’égard de la dynamique de l’APCE. Pour elle, la présence de la délégation russe est importante, car elle permet la tenue d’un dialogue dans un forum international, raison d’être du Conseil de l’Europe.

En ce qui concerne le vote à l’APCE cette semaine sur la Russie, M. Colletti a ajouté que certaines questions soulevées par les sanctions renouvelées récemment contre la Russie ne profitent pas à l’Italie. Il a fait valoir qu’il est dans l’intérêt de l’Italie et de l’Union européenne que l’on entretienne des relations avec la Russie. Il a aussi soutenu, s’agissant des relations avec la Chine, que l’Italie était en retard sur le plan commercial et que la Chine est un marché énorme et en expansion sur lequel l’Italie et l’Union européenne devraient se positionner comme partenaires. Selon lui, l’Union européenne n’est pas suffisamment présente dans ce domaine, et la nouvelle Commission européenne devra prendre des mesures importantes à cet égard.

En réponse aux questions des délégués canadiens sur la question des migrations, M. Colletti soutient qu’il est difficile de convaincre les gens que l’Italie est un pays d’immigration et non plus d’émigration. Il a révélé que le règlement de Dublin devrait tenir compte du grand nombre de demandes d’asile reçues par l’Italie. Selon lui, l’Italie écope de l’immigration désorganisée, qui a eu un impact négatif sur la population italienne. Il a dit espérer que la nouvelle Commission européenne fasse des avancées en matière d’immigration, car l’Italie estime qu’elle a été laissée seule face à ce problème.

Enfin, Mme La Marca a souligné que 140 000 Italiens vivent au Canada et qu’un grand nombre de Canadiens parlent l’italien comme langue maternelle. En ce qui concerne l’AECG et les tentatives de réforme concernant les travailleurs qualifiés et le marché du travail, elle a fait valoir que nous devrions nous concentrer sur les besoins concrets des personnes concernées. Elle a également souligné l’importance de la contribution des jeunes Italiens qui reviennent en Italie après avoir fait leurs études à l’étranger.

Rencontre avec la section d’amitié bilatérale Italie-Canada de la Chambre des députés

Les membres de la délégation ont rencontré ceux de la section de l’amitié bilatérale Italie‑Canada de la Chambre des députés. M. Colletti, président de ce groupe, a suggéré que nous relevions ensemble les défis posés par les changements climatiques, mais que nous aurons de la difficulté à collaborer avec les pays en développement. Il estime que ce débat devrait avoir lieu aux Nations Unies. Il a également insisté sur l’importance d’améliorer l’accord actuel sur la mobilité des jeunes entre l’Italie et le Canada.

M. Gianluca Rizzo (M5S), qui est également président de la Commission permanente de défense de la Chambre des députés, a souligné l’importance des relations amicales entre l’Italie et le Canada. Il a évoqué l’existence d’une coopération industrielle entre les deux pays, sur les navires de guerre, par exemple. Il a également soutenu qu’il est important pour l’Italie et le Canada de contrôler l’espace maritime.

M. Colletti a noté que le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États‑Unis négocié sans conclusion entre 2013 et 2016) a eu des conséquences négatives sur le débat concernant l’AECG.

Réunion avec des représentants du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de l’Organisation internationale pour les migrations

Les membres de délégation ont eu un déjeuner de travail avec M. Roland Schilling, représentant du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en Italie, et M. Federico Soda, représentant du bureau italien de l’Organisation internationale pour les migrations. M. Martin Doucet, conseiller à l’ambassade du Canada (Section de l’immigration) a également participé à cette rencontre.

M. Doucet a affirmé que les questions de migration et de commerce sont interreliées. M. Doucet a présenté le Canada comme un exemple international à suivre sur la façon de gérer les migrations et a insisté sur les avantages du programme de parrainage privé. Il a également souligné l’importance d’un accord renouvelé sur l’emploi des jeunes entre l’Italie et le Canada.

M. Soda a rappelé qu’il est à Rome depuis le milieu de l’année 2014, lorsque la question des migrations en provenance de la Méditerranée est devenue problématique pour l’ensemble de l’Union européenne. Toutefois, ce serait une erreur, à son avis, de penser que les migrations ne posaient pas problème auparavant. La détérioration de la situation en Libye et la législation de l’Union européenne qui a été modifiée pour interdire aux États membres de repousser les migrants s’inscrivent dans les principaux changements dont il a été témoin au cours de ces dernières années. M. Soda a signalé que 170 000 migrants ont été secourus l’année de ces modifications législatives. Il a également noté que l’immigration est une question qui divise beaucoup l’Europe à l’heure actuelle; elle menace l’accord de Schengen.

M. Soda a également mentionné qu’il y a environ un an, la politique gouvernementale a changé en Italie. Il a soutenu que le fait que l’Aquarius – navire de recherche et de sauvetage exploité par Médecins Sans Frontières (qui a mis fin à ses opérations en décembre 2018) – n’ait pas été autorisé à faire débarquer les passagers auxquels on avait porté secours a été un enjeu majeur à ce moment-là. Selon M. Soda, la question des migrations en est une sur laquelle les États membres de l’Union européenne sont aux antipodes; elle est instrumentalisée pour des raisons politiques par certains groupes ou elle peut créer des tensions entre société civile et gouvernements.

M. Schilling s’est dit peu préoccupé par la décision de la CEDH voulant que l’Italie n’ait pas l’obligation de se munir d’embarcations de sauvetage, car il comprend le point de vue de la Cour. Selon lui, le régime d’asile européen commun – selon lequel le premier État membre en contact avec les migrants est responsable de ceux-ci – est injuste : ce serait l’équivalent de tenir l’Arizona responsable des migrations irrégulières dans tous les États‑Unis. Lorsque l’accord de Dublin a été conclu, l’Union européenne était d’avis que tous les pays méditerranéens s’occuperaient des migrations. La réalité était tout autre : à titre d’exemple, la Grèce a ouvert un bureau durant une heure pendant une semaine, alors que l’Espagne a mis en place des contrôles frontaliers très rigoureux.

Aux dires de M. Schilling, la Libye revêt une importance stratégique particulière pour l’Italie. Il a comparé les trois millions de personnes qui ont été acceptées par la Turquie – et qui ont été relativement bien traitées – aux personnes qui sont passées par la Libye, dont la plupart sont traumatisées pour avoir, entre autres, été réduites en esclavage et victimes d’exactions, d’actes de torture et de violences sexuelles. Pour ces raisons, M. Schilling a argué qu’un État membre de l’Union européenne qui renverrait des personnes en Libye irait à l’encontre de ses obligations en vertu de la Convention européenne.

M. Soda a soutenu que même si le Canada sélectionne ses immigrants et joue un rôle relativement modeste dans la gestion internationale des migrations, son rôle sur la scène mondiale demeure très important dans ce dossier, car il fait contrepoids aux pays dont les positions à l’égard de l’immigration sont très rigides. Il a expliqué que les migrants irréguliers ont très peu de voies légales pour migrer, très peu d’options. Il a prétendu que l’on parle peu des quelque cinq millions de personnes qui ont immigré légalement en Italie; les 500 000 migrants irréguliers ont éclipsé cette réalité. Selon M. Soda, la question des migrations montre qu’il y a une crise d’identité au sein des États membres de l’Union européenne.

En réponse aux questions des délégués sur les modèles que les États membres de l’Union européenne pourraient suivre à cet égard, M. Schilling a donné l’exemple du Portugal pour l’intégration des migrants. M. Soda a ajouté les exemples de la Norvège, des Pays-Bas et du Royaume-Uni. Il fait valoir que ces pays travaillent sur cette question depuis longtemps, mais que leurs capacités et leur savoir-faire sont limités; ils sont très peu expérimentés en pratique.

M. Soda a soutenu que la question du passage de la Méditerranée sera plus facile à gérer lorsque la Libye sera plus sûre et plus stable. Il a rappelé à la délégation que l’Italie est le pays le plus engagé en Libye, dans la Corne de l’Afrique et en Afrique occidentale. Selon lui, la gestion des migrations concerne également les relations bilatérales et doit être abordée en gardant à l’esprit les grandes questions du pays, telles que la réforme fiscale, le lent déclin économique qui a commencé il y a 15 ou 20 ans et la faible mobilité professionnelle en Italie.

M. Soda a expliqué que l’essentiel du travail d’intégration des migrants se fait à l’échelon municipal et a souligné l’importance du rôle de la diaspora à cet égard. Il a évoqué la nécessité d’un dialogue plus approfondi en Italie tout en reconnaissant que plus de 60 nationalités différentes immigrent dans ce pays (on y a dénombré 70 nationalités l’an dernier). Selon lui, il n’y a rien de comparable dans le monde et l’Italie a tendance à travailler davantage au niveau national qu’à celui de l’Union européenne.

M. Schilling estime que le Canada peut contribuer à la discussion sur les migrations en véhiculant des messages clés, par exemple en expliquant les points forts du programme de parrainage privé. Il est d’avis que le Canada est considéré comme un patriarche en matière d’immigration.

Rencontre avec les membres de la Commission permanente des affaires et de l’émigration du Sénat

La délégation a rencontré M. Vito Rosario Petrocelli (M5S), président de la Commission permanente des affaires étrangères et de l’émigration du Sénat, et d’autres membres de cette commission.

S’agissant de la question des migrations, M. Petrocellli a soutenu que l’approche du gouvernement est basée sur la théorie des contrats : pour traiter le problème, il faut travailler dans les pays par où passent les migrants, comme la Libye. M. Petrocellli a expliqué que la position du Parlement italien est que la responsabilité des migrations devrait être partagée par tous les États membres de l’Union européenne. Il argue que l’Italie n’est plus disposée à supporter la charge découlant du règlement de Dublin et que l’Union européenne devrait être un lieu de solidarité, solidarité qui ne peut se réaliser qu’avec la contribution de chaque État membre.

M. Tony Chike Iwobi (Lega) a fait valoir que le problème actuel de l’Italie n’a rien à voir avec l’immigration qu’elle veut, celle dont il est lui-même issu. Il a pris position contre l’immigration clandestine et incontrôlée et soutenu qu’elle ne devrait pas coûter plus de 50 millions d’euros aux pays d’accueil et qu’il ne devrait pas y avoir 14 000 corps en Méditerranée à cause de cette situation. M. Iwobi a ajouté que l’Italie ne devrait pas être laissée seule face à ce problème.

M. Alberto Airola (M5S) a affirmé que les immigrants légaux s’intègrent à la société italienne. Il a insisté sur l’importance d’investir dans les écoles et d’aider les jeunes afin de faciliter leur intégration.

M. Petrocellli a observé que plus de personnes émigrent des villes du Nord que des villes du Sud en Italie : le mouvement des personnes a changé, mais il n’a pas cessé. Il a également fait remarquer qu’un grand nombre d’Italiens partaient à l’étranger.

Rencontre avec Ricardo Merlo, sous-secrétaire du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale et fondateur du Mouvement associatif Italiens de l’étranger

La délégation a ensuite rencontré M. Ricardo Antonio Merlo (Gruppo Misto – MAIE), sous-secrétaire du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale et fondateur du Mouvement associatif Italiens de l’étranger. M. Merlo, qui a dit être né en Argentine, représente l’Amérique du Sud au Sénat italien. Il est responsable des Italiens à l’étranger, en général, et des relations canado-italiennes, en particulier.

M. Sorbara a rappelé que juin est le Mois du patrimoine italien au Canada et que le gouvernement canadien est en train de rouvrir à Milan un consulat fermé depuis 2007. M. Sorbara a aussi mentionné que la finalisation de l’accord sur la mobilité des jeunes entre l’Italie et le Canada permettrait à l’Italie d’être en conformité avec les autres États membres de l’Union européenne et que ce serait important pour la communauté italienne au Canada.

M. Merlo a discuté de la situation politique actuelle au Venezuela, arguant qu’il s’agit d’une question importante pour l’Italie, car il y a près de deux millions de Vénézuéliens d’origine italienne. Selon lui, il n’y a pas d’État de droit au Venezuela à l’heure actuelle. Il a également noté que la position officielle du gouvernement italien concernant la situation au Venezuela est d’essayer de trouver une solution pacifique sans recourir à une action militaire. M. Merlo a exprimé le souhait que des élections aient lieu prochainement dans ce pays, sous la supervision d’organisations internationales.

S’agissant de la mise en œuvre de l’AECG, M. Sorbara a fait observer que les exportations de l’Italie se portent bien au Canada. M. Merlo est d’avis que la protection des indications géographiques, question très importante pour les agriculteurs italiens, pose problème dans le contexte de l’AECG. Selon lui, si la question des indications géographiques pouvait être réglée, le commerce entre l’Italie et le Canada pourrait s’améliorer. L’ambassadrice Bugailiskis a expliqué que la question a déjà été résolue par l’intermédiaire d’un processus permettant aux producteurs italiens de présenter une demande et d’ajouter des produits à la liste des indications géographiques protégées par l’AECG. Elle a indiqué qu’un produit a été ajouté depuis le début de ce processus, le Prosciutto di Campagna. Elle a également fait remarquer que les 42 indications géographiques protégées par l’AECG couvrent 96 % des exportations italiennes.

Rencontre avec le professeur Paolo Guerrieri, de l’Université La Sapienza, et le professeur Francesco Clementi, de l’Université de Pérouse

La délégation a eu un souper de travail avec le professeur Paolo Guerrieri, de l’Université La Sapienza, et le professeur Francesco Clementi, de l’Université de Pérouse. L’ambassadrice Bugailiskis a présenté le professeur Guerrieri comme un ancien sénateur italien et l’un des plus éminents économistes italiens, et le professeur Clementi – expert en droit constitutionnel et fédéralisme qui vient de lancer un livre sur le droit au Vatican – comme ancien conseiller auprès de quatre différents premiers ministres italiens.

Le professeur Guerrieri a expliqué qu’après de nombreuses années de dynamique bipartite, le paradigme centre droit contre centre gauche en Italie a pris fin lors des dernières élections. Sous ce vieux paradigme, il y avait une certitude quant à savoir qui formerait l’opposition, mais ce n’est plus le cas. Il a noté que les deux partis formant le gouvernement de coalition actuel s’opposent sur de nombreuses questions et a indiqué que le premier ministre Giuseppe Conte représente maintenant une sorte de tiers parti au gouvernement, n’étant membre ni de la Lega ni du M5S. Même si les deux partis formant le gouvernement de coalition s’opposent sur de nombreuses questions, le professeur Guerrieri a soutenu qu’il est peu probable qu’il y ait des élections dans un avenir proche.

Le professeur Clementi a expliqué que le système électoral italien est très proportionnel. Il a observé que Silvio Berlusconi avait essayé sans succès de le changer pour un système qui permettrait l’obtention d’une majorité. Pour illustrer son propos, le professeur Clementi a fait valoir, par exemple, que le M5S est un parti proportionnel classique et que le Parti démocrate-chrétien est un parti majoritaire classique. Selon lui, les Italiens doivent d’abord décider du système électoral qu’ils veulent avant d’en choisir les acteurs. Il a argué que dans un système différent, il n’est pas évident de savoir si le M5S serait un parti de gauche ou de droite. Pour ce qui est de la Lega, il a affirmé que le parti joue un double rôle : les électeurs italiens sont actuellement très sceptiques; ils ne savent pas si leur vote va à la droite ou à la gauche, s’ils votent pour le gouvernement ou pour l’opposition.

Le professeur Guerrieri a abordé la question des régions et des provinces. Il a expliqué que la Lega veut mettre à nouveau les provinces au premier plan, car ce sont les seules à offrir des services à la population. Autrefois, les gens étaient en faveur de l’élimination des provinces, mais ils favorisent maintenant leur maintien parce qu’ils souhaitent une meilleure gestion de leurs services (p. ex. les écoles). Il a également relevé un changement de style dans la politique italienne : les politiciens ne s’adressent plus à leurs collègues du Parlement, ils s’adressent plutôt directement à la population. Il a affirmé que les populistes ont dit que les problèmes ne sont pas complexes, qu’il existe des solutions simples : ce sont les partis traditionnels qui ont prétendu que les problèmes étaient complexes pour servir leurs propres intérêts.

Selon le professeur Guerrieri, le Canada, les États-Unis, l’Australie, la France et l’Allemagne, entre autres, croyaient que le commerce réglerait tous les problèmes de la société : ce fût une grave erreur qui a eu d’importants coûts sociaux et économiques.

Le taux de participation au scrutin est traditionnellement très élevé en Italie (jusqu’à 96 %); il était d’environ 60 % aux dernières élections. Il a également constaté une différence importante entre les niveaux de participation dans le Nord et dans le Sud (les taux étant plus faibles dans ce dernier). Dans la partie sud du pays, où le taux de chômage des jeunes se situe à 52 %, l’économie est la question qui occupe la première place, alors que dans le Nord de l’Italie, c’est l’immigration. Le professeur Guerrieri a soutenu que la différence entre le Nord et le Sud s’accentue. La Lega est considérée comme un parti de centre droit, car sa politique économique est populiste (et non de droite) et sa politique sociale est de droite.

Selon le professeur Guerrieri, les problèmes économiques liés à la croissance sont tous internes, ils n’ont rien à voir avec l’euro ou l’Union européenne. Il estime que les trois principaux problèmes de l’Italie sont :

  1. l’état de ses infrastructures (l’Italie est classée 25e dans l’Union européenne);
  2. le retard dans la numérisation;
  3. la difficulté pour les entreprises familiales de se conformer aux exigences de la mondialisation.

Le professeur Guerrieri a soutenu qu’il y a encore un consensus national en Italie sur la voie à suivre, mais que la réputation du gouvernement italien est très mauvaise au niveau international. La croissance économique est nulle, et même si le M5S récolte maintenant le nombre de voix que récoltait auparavant la Lega et réciproquement, la somme des deux est toujours la même, ce qui montre que les gens continuent à blâmer les gouvernements précédents pour leurs problèmes actuels.

Le professeur Guerrieri a noté qu’un sondage récent montre que 58 % de la population italienne est favorable à l’euro, contre 48 % il y a un an. Il a également fait remarquer que le ministre des Finances est un fervent partisan de l’euro et d’un budget équilibré. Le professeur Guerrieri a avancé que le seul intérêt du gouvernement italien dans le cadre du G20 qui se déroule en ce moment est de savoir comment éviter les sanctions liées au déficit et à la dette de l’Italie. Il a rappelé à la délégation que les Italiens sont actuellement responsables de la politique étrangère à la Commission européenne, à la Banque européenne, au Parlement européen et à d’autres postes stratégiques. Le professeur Guerrieri indiqué que la situation sera probablement différente au sein de la nouvelle Commission européenne.

Au chapitre des relations de l’Italie avec la Russie et la Chine, le professeur Clementi a soutenu que l’Italie utilise l’économie pour se faire de nouveaux alliés. À cet égard, il a avancé que si l’Union européenne impose des sanctions à l’Italie en ce qui concerne son déficit et sa dette, elle sait que celle-ci pourrait changer sa position sur le plan géopolitique.

Visite au cimetière de guerre de Rome et dépôt de couronnes

Le matin du 28 juin, la délégation a visité le cimetière de guerre de Rome, où un certain nombre de Canadiens sont inhumés. L’ambassadrice Bugailiskis et M. Sorbara ont participé à une cérémonie de dépôt de couronnes.

Séance d’information avec Edith St-Hilaire, déléguée commerciale principale à l’ambassade du Canada

La délégation a ensuite rencontré Mme Edith St-Hilaire, déléguée commerciale principale à l’ambassade du Canada. Mme Anita Baidwan, deuxième secrétaire et déléguée commerciale à l’ambassade du Canada, a également pris part à la réunion.

L’ambassadrice Bugailiskis a expliqué que Mme St-Hilaire est chargée de la mise en œuvre de l’AECG en Italie . Mme St-Hilaire a expliqué que le taux de chômage en Italie est de 11 % et que la dette de ce pays représente 130 % de son produit intérieur brut (PIB). Elle a également noté que l’Italie est la 8e économie en importance dans le monde et la 4e dans l’Union européenne. Elle possède des industries fortes : la fabrication dans le Nord (où certaines régions sont les plus riches de toute l’Union européenne) et la production agricole dans le Sud.

Mme St-Hilaire a constaté une certaine similitude entre le Canada et l’Italie en termes de pourcentage des exportations par rapport au PIB (environ 35 % dans les deux cas). Elle a noté que le commerce entre les deux pays représente 12 milliards de dollars. Elle a informé la délégation que le gouvernement canadien emploie des experts en défense et en sécurité, ainsi qu’en technologies propres, par exemple, pour aider les entreprises canadiennes à faire des affaires en Italie. Elle a relevé que les principaux concurrents de l’Italie sont les autres pays de l’Union européenne et les États-Unis.

Mme St-Hilaire a rappelé que Confindustria, que la délégation devait rencontrer par la suite, représente de nombreuses entreprises et plusieurs associations, et qu’elle milite en faveur du changement de certaines règles et de la réforme sociale. Elle est d’avis que le rôle des membres de Confindustria est semblable à celui des délégués commerciaux : aider les entreprises italiennes à investir au Canada. Mme St-Hilaire a indiqué que Confindustria a récemment organisé une exposition itinérante pour parler des avantages de l’AECG.

Rencontre avec Giovani Imprenditori (Jeunes entrepreneurs) de Confindustria

La délégation a pris part à un déjeuner de travail avec des membres des Giovani Imprenditori (Jeunes entrepreneurs) de Confindustria : M. Nicola Altobelli, vice‑président, M. Gaetano La Rocca, Mme Sara Cuccù, Mme Roberta Maldacca et Mme Angelica Krystle Donati.

L’ambassadrice Bugailiskis a présenté les Jeunes entrepreneurs comme étant l’avenir de l’Italie. Elle a souligné que certains membres se sont rendus à Montréal en janvier 2019, pour la réunion du G20. Elle a également souligné l’importance de l’intelligence artificielle (IA) pour Montréal et le Québec. Elle a mentionné la création de « super grappes » et le fait que 9 000 étudiants étudient actuellement l’IA au Canada, principalement à Montréal. L’ambassadrice Bugailiskis a également insisté sur l’importance de la mobilité des jeunes et a évoqué l’existence de barrières non tarifaires à cet égard.

M. Altobelli a expliqué que le groupe des Jeunes entrepreneurs a été fondé il y a plus de 50 ans; il s’occupe d’un mélange de questions sociales et commerciales et cherche des solutions aux problèmes mondiaux. Il a également expliqué que ce groupe s’efforce d’établir des contacts avec des organisations similaires dans d’autres pays. À titre d’exemple, dans le contexte de la réunion du G20 à Montréal, ses membres ont participé à la première réunion des « jeunes entrepreneurs du G8 », où il y avait une assemblée de leadership. Il a rappelé qu’à cette occasion, le Canada s’était engagé à faire des affaires, mais d’une manière durable, dans une perspective à plus long terme. M. Altobelli a expliqué que l’Alliance des jeunes entrepreneurs du G20 a réuni 400 jeunes entrepreneurs du monde entier et a insisté sur l’importance de faire entendre la voix des jeunes entrepreneurs.

M. La Rocca a expliqué qu’il travaille dans l’entreprise de construction de sa famille et qu’il soumissionne à des appels d’offres publics et privés. L’entreprise compte environ 100 employés et dispose d’un actif de 20 millions d’euros.

Mme Krystle Donati dit qu’elle travaille aussi dans l’entreprise de construction de sa famille. Elle voit le Canada comme un partenaire avec lequel elle peut faire des affaires durables.

Mme Cuccù a confié qu’elle possède une entreprise de chaussures, Loriblu, qui a des liens avec Toronto et Montréal. L’ambassadrice Bugailiskis a signalé que l’AECG avait réduit les droits de douane sur les chaussures.

M. Altobelli a fait valoir qu’il existe une autre façon de faire des affaires et a insisté sur les recommandations suivantes, destinées au gouvernement italien :

  1. promouvoir le libre-échange et la mobilité (par la délivrance de visas spéciaux pour les jeunes entrepreneurs, par exemple);
  2. donner accès au crédit, ce qui est particulièrement important pour les femmes qui commencent sans aucun financement (il a noté à cet égard qu’un programme de la Banque centrale européenne aidait beaucoup et que c’était aussi un moyen de résoudre les problèmes sociaux résultant de la mondialisation);
  3. reconnaître la nécessité d’une infrastructure numérique afin de contribuer à libérer la puissance du marché numérique au profit des industries italiennes et de leur permettre d’être plus concurrentielles (il a donné l’exemple du Ghana et d’autres pays africains qui investissent fortement dans leur infrastructure numérique).

En réponse aux questions des délégués sur l’intégration sociale des nouveaux immigrants en Italie, Mme Krystle Donati a parlé d’un programme d’intégration pour les nouveaux arrivants et a précisé que plusieurs travailleurs du secteur du bâtiment sont originaires de Hongrie et de Pologne.

M. Altobelli a signalé que l’Italie compte la deuxième population la plus âgée du monde (après le Japon), que l’enseignement public est gratuit et d’excellente qualité, mais que de nombreuses personnes quittent le pays après leurs études. Selon lui, le groupe des Jeunes entrepreneurs est sur la ligne de front de cette bataille, alors qu’il cherche à obtenir des avantages fiscaux pour les entreprises qui emploient des personnes âgées de moins de 35 ans. Il a prétendu que le pays est en voie de perdre une partie de sa « meilleure énergie ». De son point de vue, la Lega a trouvé des solutions faciles à des problèmes complexes, en abaissant l’âge de la retraite de 67 à 65 ans, par exemple, mais ces mesures ont un coût imposé aux jeunes générations. Il a souligné les différences entre le Sud et le Nord de l’Italie en faisant remarquer que le PIB de la région de la Lombardie, en Italie du Nord, est supérieur à celui de la région de Munich, en Allemagne.

S’agissant de la question des migrations, M. Altobelli a déclaré qu’il est difficile pour les Italiens de considérer les migrations vers l’Italie comme un atout en raison du nombre élevé de migrants qui sont arrivés. Il est d’avis qu’il faut changer les mentalités pour voir les possibilités et tirer parti de l’immigration. Il a également précisé que de nombreuses petites et moyennes entreprises sont acquises par des sociétés étrangères, en particulier celles qui sont exposées au commerce international, ce qui modifie le contexte dans lequel le pays se trouve. Il a mentionné l’existence d’un décalage entre l’offre et la demande qui entraîne une hausse du taux de chômage ainsi qu’un nombre trop important de postes à pourvoir. Il a également parlé du coût très élevé de la main‑d’œuvre. Mme Cuccù a ajouté qu’il est actuellement très difficile pour les jeunes de trouver du travail en Italie.

Rencontre avec des représentants de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

La délégation a terminé sa mission en Italie en rencontrant des représentants de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. En septembre 2015, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté l’Agenda 2030 pour le développement durable qui comprend 17 objectifs de développement durable (ODD), l’objectif 2 étant « Faim “zéro” ».

M. Roberto Ridolfi, sous-directeur général de la FAO chargé de l’appui aux programmes et de la coopération technique, a expliqué qu’il souhaitait intégrer les ODD dans le développement agricole afin de veiller à ce que les investissements se fassent de manière durable. Il a également exprimé le souhait de les intégrer dans les dossiers des systèmes alimentaires, de l’emploi et du genre. S’agissant des ODD, M. Ridolfi a expliqué que le premier objectif de la FAO est de favoriser la mise en place d’un environnement réglementaire propice à l’investissement. Le second objectif est d’aider le secteur privé à créer des emplois durables et décents.

M. Maximo Torero, sous-directeur général adjoint pour le développement économique et social et économiste en chef à la FAO, a mis l’accent sur les questions de la sécurité des femmes et des pertes et gaspillages alimentaires. Il a expliqué que la FAO a une politique sur l’égalité entre les sexes et qu’elle s’appuie sur les quatre objectifs clés suivants pour guider son travail :

  1. la participation égale des femmes aux institutions rurales et à l’élaboration des lois, des politiques et des programmes;
  2. l’égalité d’accès des femmes à un emploi et à un revenu décents, à la terre et à d’autres ressources productives, ainsi qu’au contrôle de ces ressources;
  3. l’égalité d’accès des femmes aux biens, aux services et aux marchés;
  4. la réduction de 20 % de la charge de travail des femmes grâce à l’amélioration des technologies, des services et de l’infrastructure.

M. Torero a mentionné qu’un autre objectif important pour la FAO est de réduire le gaspillage et les pertes alimentaires et d’élaborer une plate-forme avec le FIDA et le PAM à cet égard. Il a mentionné qu’ils travaillent à des politiques visant à réduire les déchets, en particulier dans le secteur commercial. M. Torero a affirmé que la FAO se penche également sur les questions de nutrition et collabore avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à cet égard.

Mme Marcela Villarreal, directrice de la Division des partenariats à la FAO, a affirmé que la tendance concernant les ODD est très préoccupante : nous nous éloignons des objectifs à atteindre. Elle a mentionné que l’obésité est un problème de santé important dans certains pays alors que d’autres subissent des pénuries de nourriture. Elle a rappelé qu’un tiers des aliments qui pourraient être consommés sont jetés, ce qui cause du gaspillage et des pertes. Elle a également relevé que 20 lois relatives à la faim et à la malnutrition avaient été adoptées aux échelons national et infranational. Elle a donné l’exemple du Parlement japonais, qui a récemment adopté une loi contre le gaspillage alimentaire. Elle a mentionné que le premier Sommet parlementaire mondial contre la faim et la malnutrition avait eu lieu en 2018, à Madrid, et que 200 parlementaires de différents pays y avaient participé. Les 10 recommandations suivantes – qui s’adressent aux parlementaires – ont notamment découlé de ce sommet :

  1. établir les principes qui guident les politiques visant à éliminer la faim et la malnutrition;
  2. définir les règles du jeu pour superviser les lois et organiser leur mise en œuvre;
  3. rédiger des lois qui intègrent la sécurité alimentaire et nutritionnelle, tout en prenant en compte les besoins de tous les secteurs;
  4. exploiter les connaissances des institutions académiques;
  5. entretenir le dialogue avec la société civile, les entreprises et les membres du gouvernement;
  6. suivre une formation spécialisée;
  7. partager les connaissances et l’expérience;
  8. sensibiliser et informer le public;
  9. former des alliances inclusives;
  10. poursuivre un objectif commun : construire une alliance mondiale pour la #FaimZéro.

En réponse aux questions des délégués concernant le plus grand défi de la FAO, M. Ridolfi a affirmé que celui-ci réside dans le système financier mondial, qui est construit sur les profits et le rendement. Selon lui, les projets doivent être transformés pour modifier ce système. Il a mentionné un autre défi important : l’asymétrie. À titre d’exemple, il faudra peut-être deux ans au Canada pour atteindre les ODD, alors qu’il pourrait falloir 20 ans au Malawi pour arriver au même point.

Respectueusement soumis,



M. Scott Simms, député
Président
Association parlementaire Canada-Europe



[1] Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Comptes rendus, 2019 – Troisième partie de session.