REGS Rapport du Comité
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CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6
Déposé au Sénat : le 7 février 2002.
Présenté
à la Chambre des communes : le 8 février 2002.
Le Comité
mixte permanent d’examen de la réglementation a l’honneur de présenter son (Rapport no 70)
Conformément à son ordre de renvoi permanent, l’article 19 de la Loi
sur les textes réglementaires, L.R.C. 1985, c. S‑22, et à
l’ordre de renvoi approuvé par le Sénat le 15 mars 2001 et par la
Chambre des communes le 27 mars 2001, le Comité mixte attire
l’attention des Chambres sur les Règles de procédure de l’évaluateur,
édictées par le DORS/87‑65.
La Loi sur l’indemnisation pour dommages causés par les pesticides prévoit
une indemnisation lorsque des produits agricoles sont interdits de vente parce
qu’ils ont été contaminés par des pesticides dans des circonstances
indépendantes de la volonté du producteur. La Loi sur la santé des animaux et
la Loi sur la protection des végétaux envisagent elles aussi
l’indemnisation pour certaines pertes découlant de l’application de ces lois.
Dans tous les cas, les personnes insatisfaites du montant d’une indemnisation
peuvent en appeler à un évaluateur nommé en vertu de la Loi sur
l’indemnisation pour dommages causés par les pesticides. Les Règles de
procédure de l’évaluateur (Règles) établissent la marche à suivre pour la
présentation et la conduite des appels relatifs aux décisions d’indemnisation. Un certain nombre de
réserves concernant les Règles ont été exprimées pour la première fois en 1988.
Elles portaient sur des divergences entre les versions anglaise et française,
sur la nécessité de clarifier ou d’étoffer des dispositions particulières et
sur d’autres problèmes de rédaction. Le bien-fondé de ces réserves a été
confirmé tant par l’évaluateur intérimaire de l’époque que par le ministère de
l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. En fait, en novembre 1988, le
Comité mixte recevait un projet de modification des Règles. Même s’il n’y a pas
eu de suite dans ce dossier, des modifications apportées au moyen de la
L.C. 1990, c. 8, à la Loi sur l’indemnisation pour dommages causés
par les pesticides recevaient la sanction royale le 29 mars 1990.
Ces modifications législatives prévoyaient la nomination d’un évaluateur et
d’évaluateurs adjoints seulement parmi les juges des cours supérieures, de
district et de comté des provinces, plutôt que parmi ces derniers et les juges
de la Cour fédérale comme c’était le cas en vertu de la loi précédente. Elles
transféraient aussi le pouvoir d’édicter les règles de procédure en matière
d’appel, de l’évaluateur au gouverneur en conseil. Après l’adoption des
modifications législatives, l’évaluateur intérimaire a déclaré que, vu ces
changements, il considérait que la participation de la Cour fédérale était
terminée.
Bien que les modifications législatives de 1990 soient entrées en vigueur le
2 février 1992, ni l’évaluateur ni les évaluateurs adjoints n’ont été
nommés parmi les juges des cours des provinces. Qui plus est, les défauts des
Règles ne sont toujours pas corrigés même si tous les intéressés conviennent
depuis 13 ans que des modifications s’imposent. Ce sont évidemment ces défauts
des actuelles Règles qui préoccupent avant tout le Comité. Outre que les
questions soulevées pour la première fois en 1988 n’ont pas encore été réglées,
des développements survenus ces dernières années ont suscité de nouveaux
problèmes.
Le premier a trait au pouvoir des juges de la Cour fédérale de continuer à agir
comme évaluateur ou évaluateurs adjoints. Avant l’entrée en vigueur de la
L.C. 1990, c. 8, en 1992, le paragraphe 14(1) de la Loi sur
l’indemnisation pour dommages causés par les pesticides se lisait comme
suit : « 14. (1) Le gouverneur en conseil peut, parmi les
juges de la Cour fédérale et des cours supérieurs des provinces, nommer un
évaluateur ainsi que le nombre d’évaluateurs adjoints qu’il estime nécessaires
pour juger les appels des décisions d’indemnisation rendues sous le régime de
la présente loi ou de toute autre loi à laquelle la présente partie s’applique.
Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, il peut également définir
leur compétence. » En vertu du pouvoir conféré par
cette disposition, le gouverneur en conseil a nommé, au moyen du décret
C.P. 1972‑12 : “the
person from time to time holding the office of Associate Chief Justice of the Federal
Court of Canada to be an Assessor and all those persons from time to time
holding judicial office as members of the Federal Court of Canada – Trial
Division to be Deputy Assessors to hear and determine appeals from compensation
awards.” Le Comité doute que le
paragraphe 14(1) de la Loi sur l’indemnisation pour dommages causés par
les pesticides, dans sa version antérieure, ait prévu la nomination d’une
succession de personnes occupant un poste donné. Le paragraphe 14(1)
prévoyait la nomination d’un évaluateur et d’évaluateurs adjoints « parmi
les juges de la Cour fédérale et des cours supérieures des provinces ». De
l’avis du Comité, le paragraphe 14(1) envisageait la nomination de
personnes précises comme évaluateur et évaluateurs adjoints plutôt que la désignation
d’un poste dont les titulaires deviendraient évaluateur et évaluateurs
adjoints à leur entrée en fonction. Le cas échéant, il faut considérer le
décret C.P. 1972‑12 comme invalide par rapport au
paragraphe 14(1) de la Loi sur l’indemnisation pour dommages causés par
les pesticides. Lorsque le Parlement délègue un pouvoir de nomination, on
s’attend à ce qu’il soit dûment tenu compte des circonstances particulières et
des qualifications de la ou des personnes qu’on se propose de nommer. Or, ce
n’est pas ce qui se produit lorsqu’on prévoit la nomination de toute personne
qui s’adonne à occuper un poste désigné à un moment donné. L’opinion du Comité
selon laquelle, en l’absence d’indication contraire dans la loi habilitante, un
pouvoir de nomination doit s’exercer en rapport avec une ou des personnes en
particulier trouve écho dans les dispositions de la Loi d’interprétation
sur les nominations. Les articles 23 et 24 de cette loi énoncent diverses
règles applicables à la nomination de fonctionnaires, lesquelles supposent
manifestement que le pouvoir de nomination est exercé en rapport avec des
personnes déterminées. C’est pourquoi le
Comité estime que le gouverneur en conseil, en prenant le décret C.P. 1972‑12,
n’a pas correctement exercé le pouvoir discrétionnaire dont l’avait investi le
Parlement.
Même si tel n’était pas le cas, rien ne pouvait autoriser une succession de
juges de la Cour fédérale à entendre et à trancher des appels à titre
d’évaluateur après l’entrée en vigueur en 1992 des modifications apportées à
l’article 14 de la Loi sur
l’indemnisation pour dommages causés par les
pesticides. À cet égard, le ministre de l’Agriculture et de
l’Agroalimentaire a invoqué l’alinéa 44a) de la Loi
d’interprétation, lequel prévoit que, s’il y a abrogation et remplacement
d’une loi, « les titulaires des postes pourvus sous le régime du texte
antérieur restent en place comme s’ils avaient été nommés sous celui du nouveau
texte, jusqu’à la nomination de leurs successeurs ». L’alinéa 44a)
de la Loi d’interprétation ne peut s’appliquer qu’à l’égard d’une
personne qui agit validement sous le régime d’une loi qui est abrogée et
remplacée. Si le Comité interprète bien l’article 14 de la Loi sur
l’indemnisation pour dommages causés par les pesticides, dans sa version
antérieure à la L.C. 1990, c. 8, et si sa conclusion concernant
l’invalidité du décret 1972‑12 est correcte, il en découle qu’il n’y
avait pas d’évaluateur et d’évaluateurs adjoints validement désignés en vertu
du texte abrogé au moment de l’entrée en vigueur du nouveau texte. Celà étant dit,
l’alinéa 44a) de la Loi d’interprétation est d’application
restreinte, ne servant qu’à proroger l’autorité de la personne qui agit en
vertu du texte abrogé au moment de son abrogation. L’alinéa 44a)
n’avalisera pas l’exercice continu d’un pouvoir en vertu d’un texte abrogé par
les successeurs de la personne qui exerçait cette autorité au moment de
l’abrogation. Même si l’on accepte que la personne occupant le poste de juge en
chef adjoint en 1992 a été légalement désigné comme évaluateur, l’entrée en
vigueur des modifications à la Loi sur l’indemnisation pour dommages causés
par les pesticides a eu pour effet de mettre fin à la nomination, sous
réserve uniquement de l’alinéa 44a) de la Loi d’interprétation.
Cet alinéa permet une transition ordonnée en habilitant la personne qui agit
sous le régime d’une disposition abrogée à poursuivre l’exercice de ses
fonctions jusqu’à la nomination de son successeur sous le régime de la nouvelle
disposition. Le Comité est convaincu que l’alinéa 44a) pouvait, au
mieux, permettre seulement à la personne occupant le poste d’évaluateur en 1992
de continuer à entendre des appels. Il ne permettait et ne pouvait permettre à
personne d’autre de le faire. Donner un autre sens à l’alinéa 44a)
de la Loi d’interprétation équivaudrait à permettre l’utilisation de
cette règle d’interprétation pour aller à l’encontre de la volonté du
Parlement. Il est évident que
plusieurs juges de la Cour fédérale se sont succédés à la fonction d’évaluateur
depuis l’entrée en vigueur, en 1992, des modifications de 1990 à la Loi sur
l’indemnisation pour dommages causés par les pesticides. Au moment de
l’entrée en vigueur de ces modifications, le juge en chef adjoint de la Cour
était l’honorable James Jerome, lequel a cessé d’occuper ce poste le
4 mars 1998. Il a été remplacé par l’honorable John Richard,
qui a lui-même été remplacé par l’honorable Allan Lutfy, juge en chef
adjoint depuis décembre 1999. Le ministre de l’Agriculture et de
l’Agroalimentaire a déclaré à plusieurs reprises qu’il se fie à l’avis voulant
que le juge en chef adjoint de la Cour fédérale est habilité à agir comme
évaluateur en vertu de l’alinéa 44a) de la Loi
d’interprétation, mais jamais, malgré des demandes répétées, cet avis n’a
été justifié en détail. Suivant les informations dont il dispose, le Comité
mixte reste convaincu que seule une personne légalement nommée au poste
d’évaluateur au 2 février 1992 – date d’entrée en vigueur de la
L.C. 1990, c. 8, – peut être autorisée à continuer d’exercer
cette fonction en vertu de l’alinéa 44a) de la Loi
d’interprétation. Par conséquent, tous ceux qui se sont succédés en cette
capacité n’y étaient pas légalement habilités. Même si le juge Jerome avait
occupé légalement le poste d’évaluateur le 2 février 1992, hypothèse
douteuse pour les raisons susmentionnées, personne après son départ en 1998 ne
pouvait légalement remplir lesdites fonctions autre qu’une personne nommée en
vertu de la L.C. 1990, c. 8. Il est malheureux que les choses en
soient arrivées là. Nous devons toutefois souligner que, si les modifications
de 1990 à la Loi sur l’indemnisation pour dommages causés par les pesticides,
exprimant la volonté du Parlement, avaient été mises en application en temps
opportun, jamais l’actuelle situation ne se serait produite, et ce qui arrive
est nettement la responsabilité du gouvernement. Ce qui nous amène à un
autre problème, soit le défaut d’appliquer les modifications de 1990 à la Loi
sur l’indemnisation pour dommages causés par les pesticides, entrées en
vigueur en 1992. De l’avis du Comité, il incombe au gouvernement de prendre
toutes les mesures nécessaires pour donner, dans un laps de temps raisonnable,
effet aux dispositions législatives, une fois la loi en vigueur. Même si
l’alinéa 44a) de la Loi d’interprétation régissait la
situation en cause, cette disposition est manifestement destinée à avoir un
effet provisoire et n’a pas pour but de prolonger indéfiniment l’application du
texte abrogé. Le Comité est
particulièrement troublé par l’une des raisons données pour justifier que les
modifications de 1990 à la Loi sur l’indemnisation pour dommages causés par
les pesticides n’aient pas été mises en application. Il semblerait que, de
l’avis du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire puis de l’Agence
canadienne d’inspection des aliments, les modifications n’étaient pas
judicieuses. Des représentants de l’Agence ont comparu devant le Comité le
30 avril 1998 pour discuter de l’absence de progrès dans la
résolution des préoccupations du Comité à l’égard des Règles et, au cours de
leur témoignage, le Comité a appris ce qui suit : « Nous collaborions, à ce
moment‑là [en 1992], avec le ministère de la Justice dans le but de
donner suite à cette modification qui, en 1988, avait été rejetée par le
sous-ministre de l’Agriculture. Il l’a rejetée pour les mêmes raisons que nous,
soit parce que nous continuons de penser que la Cour fédérale est le meilleur
endroit pour entendre ces appels. » Plus tard, les témoins
ont dit au Comité : « […] que la modification avait
été approuvée parce que l’Association du Barreau canadien souhaitait que ce
soit des juges provinciaux qui jugent les causes dans leur propre province.
Comme je vous l’ai dit, le sous-ministre de l’Agriculture a émis une objection.
Il a dit expressément que le ministère n’avait rien à redire de la cohérence et
de l’expérience au fil des ans des juges de la Cour fédérale et qu’il s’oppose
à cette modification qui a tout de même été apportée. » Il va sans dire que les
fonctionnaires chargés d’appliquer les lois adoptées par le Parlement ont
l’obligation de veiller à ce
qu’elles soient mises en œuvre intégralement. Qu’un sous-ministre puisse essayer
d’empêcher l’application d’une loi après son entrée en vigueur parce qu’il ne
la trouve pas judicieuse est très inquiétant, et le Comité en arrive à la
conclusion que, dans ce cas‑ci, la volonté du Parlement a été
contrecarrée par l’inaction du gouvernement. Les prétendues difficultés et
complications ultérieures ne peuvent excuser ni justifier le retard à donner
effet aux modifications adoptées par le Parlement il y a plus d’une décennie. Dans une lettre du
27 juin 2000, le ministre de
l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a fait savoir qu’il avait écrit à la
ministre de la Justice lui demandant de prendre des mesures pour que des juges
des cours supérieures, de district et de comté des provinces soient nommés
évaluateur ainsi qu’évaluateurs adjoints conformément aux modifications de 1990
à la Loi sur l’indemnisation pour dommages causés par les pesticides.
Dans sa lettre du 26 juillet 2001, le ministre a précisé qu’il ferait
un suivi de sa demande afin de savoir quels progrès ont été accomplis. Il a
également déclaré ce qui suit : « Étant donné que l’autorité
administrative à l’égard de la Loi sur l’indemnisation pour dommages causés
par les pesticides revient au ministre de la Santé,
je demanderai que ce dernier abroge les actuelles règles de l’évaluateur et que
les fonctionnaires de l’Agence canadienne d’inspection des aliments se mettent
immédiatement à les réécrire de façon qu’elles soient disponibles au moment de
l’abrogation des règles existantes.» Plus récemment, le ministre
informait le Comité le 5 décembre 2001 qu’une ébauche de nouvelles règles avait
été préparée et soumise au ministère de la Justice pour examen. Le
ministre exprimait l’espoir que ces nouvelles règles puissent entrer en vigueur
au début 2002, suite à la nomination de juges des cours des provinces à titre
d’évaluateur et d’évaluateurs adjoints.
Le Comité se réjouit de l’annonce que les modifications de 1990 à la Loi sur
l’indemnisation des dommages causés par les pesticides seront mises en
application et que les lacunes relevées dans les Règles il y a plus de 13 ans
seront finalement corrigées. Le Comité apprécie les efforts du ministre
de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire dans le but d’accélérer le règlement
de ces questions. Ceci dit, le défaut, pour ne pas dire le refus, d’appliquer
les modification léglislatives de 1990 avant aujourd’hui inquiète votre Comité,
surtout qu’il semble que la volonté du Parlement ait été délibérément ignorée
parce que des hauts fonctionnaires
estimaient que ces modifications n’étaient pas judicieuses.
Conformément à l’article 109 du Règlement de la Chambre des communes, le Comité
mixte demande au gouvernement de déposer une réponse globable au présent
rapport. Votre Comité s’attend à ce que cette réponse confirme la mise en
œuvre par le gouvernement des modifications législatives de 1990 à
la Loi sur l’indemnisation des donnages causés par les pesticides.
Un exemplaire des Procès-verbaux et témoignages pertinents (fascicule no 11,
première session, trente-septième législature) est déposé à la Chambre des
communes. Respectueusement soumis, Coprésidents Céline Hervieux-Payette, C.P. Gurmant Grewal, députéCINquième rapport