LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES
COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 2 mai 2000
La coprésidente (Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.)): Veuillez prendre vos places, messieurs et mesdames les membres du comité.
Bonjour. Nous sommes aujourd'hui le mardi 2 mai de l'an 2000. Il s'agit de la dixième séance du Comité mixte permanent des langues officielles. Conformément à l'alinéa 108(4)b) du Règlement, nous poursuivons l'étude des politiques et des programmes de langues officielles.
Aujourd'hui, nous avons invité l'honorable Jean-Maurice Simard, sénateur, qui est venu en compagnie de deux autres témoins pour nous parler du rapport qu'il a présenté l'automne passé au Sénat. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le sénateur. Je vous invite à présenter les personnes qui vous accompagnent, après quoi nous vous accorderons 15 minutes pour cette première présentation. Nous passerons ensuite aux questions des membres de l'opposition officielle, puis à celles des membres du gouvernement. S'il nous reste du temps, nous reviendrons peut-être à d'autres éléments de présentation. Nous disposons quand même d'assez de temps puisque plusieurs personnes sont absentes, mais elles viendront peut-être un peu plus tard. Je sais que le Sénat siège en ce moment et qu'il faut quelques minutes aux sénateurs pour arriver jusqu'ici.
Encore une fois, je vous souhaite la bienvenue, sénateur. La parole est à vous.
Le sénateur Jean-Maurice Simard (Edmundston, PC, témoigne à titre personnel): Madame la présidente et chers collègues parlementaires, je vais d'abord vous présenter Pierre LeBlanc, président de PRAXIS Conseillers en gestion, qui a contribué grandement à la rédaction de mon rapport; et M. Jean Poirier, ancien député libéral à la Législature de l'Ontario et président de l'ACFO de Prescott-Russell, un vrai patriote.
[Traduction]
Vous devez comprendre que j'ai un problème d'élocution. Je ne répondrai pas à vos questions.
[Français]
J'ai des problèmes d'élocution et je ne pourrai donc pas répondre à vos questions. Mon texte sera lu par Pierre LeBlanc. MM. Poirier et LeBlanc vont répondre à vos questions.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, sénateur.
La parole est à vous, monsieur LeBlanc.
M. Pierre LeBlanc (président, PRAXIS Conseillers en gestion): Mesdames les coprésidentes et chers collègues parlementaires, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous en vue de donner suite à l'étude De la coupe aux lèvres: un coup de coeur se fait attendre que j'ai déposée au Sénat du Canada le 17 novembre 1999.
Permettez-moi de rappeler que ma démarche avait débuté 17 mois plus tôt, soit le 17 juin 1998, alors que je déposais une motion d'interpellation devant le Sénat canadien pour saisir mes collègues de l'érosion sérieuse des assises de la dualité linguistique qui me préoccupait au plus haut point, et qui me préoccupe toujours, et pour les inviter à débattre de ces questions d'intérêt national.
J'ai alors annoncé mon intention d'entreprendre une étude approfondie de ces questions et de procéder à des consultations dans l'ensemble du pays en vue de déterminer ce qu'il fallait faire pour remédier à la situation.
Mes analyses et ma quête de solutions pratiques m'ont convaincu plus que jamais que le sort des communautés minoritaires de langue officielle du Canada et le sort de la fédération canadienne elle-même sont profondément liés l'un à l'autre. Ma réflexion m'a aussi convaincu que l'épanouissement des communautés francophones et acadiennes constitue une responsabilité fondamentale du Canada, l'État et la société civile.
Ce qui m'inquiète le plus, chers collègues, c'est l'indifférence d'un grand nombre de chefs de file au pays à l'égard de cette responsabilité fondamentale du Canada, leur négligence à l'égard de leur responsabilité. Il arrive aussi que, par inadvertance, les médias de langue anglaise méprisent le Canada. Ils menacent l'avenir du Canada par leur manque d'intérêt à un enjeu aussi fondamental et leur indifférence à l'endroit de l'autre moitié de la dualité linguistique canadienne, qu'ils ignorent.
Voici une illustration de ce que j'avance. Comme vous le savez, j'ai tenu à ce que le lancement de mon étude ait lieu à Fredericton, la capitale de la province officiellement la plus bilingue au pays. J'avais invité des députés du gouvernement et de l'opposition, ainsi que quelques ministres, notamment celui de la Francophonie. Pas un seul n'est venu. J'avais aussi invité la presse, la radio et la télévision de langue anglaise. Pas un seul journaliste des médias de langue anglaise, CBC compris, n'est venu. Assez curieusement, un seul fonctionnaire fédéral, venu de Moncton, était présent, soit Mme Jeanne Renault, représentante de la commissaire aux langues officielles en Atlantique.
Parfois, l'indifférence tue à petit feu.
[Traduction]
Bien qu'il se soit agi d'un lancement peu encourageant à cet égard pour mes collaborateurs et moi, à cause des efforts considérables que nous avions consacrés à cette étude, le vent a néanmoins tourné et l'intérêt des uns nous a fait oublier pendant un certain temps l'indifférence des autres.
D'abord, les porte-parole des communautés minoritaires de langue officielle d'un bout à l'autre du pays ont applaudi d'une seule voix la qualité de notre analyse et la pertinence de nos recommandations.
La couverture médiatique s'est aussi avérée très favorable, comme en témoigne l'échantillon de la presse écrite que j'ai annexé à la présente déclaration. L'éditorial de Murray Maltais, par exemple, dans Le Droit m'a fait chaud au coeur. Le sénateur Rivest, que je remercie bien sincèrement de m'avoir prêté sa voix pour présenter notre étude au Sénat le 17 novembre, a donné une dizaine d'entrevues aux médias électroniques. L'intérêt qu'a soulevé De la coupe aux lèvres a dépassé mes attentes. Pour répondre à la demande, nous avons dû réimprimer le rapport, même après que plus d'un millier d'intéressés furent venus le chercher sur Internet, et la deuxième impression a été entièrement liquidée.
De nombreux organismes m'ont invité à présenter un coup de coeur se fait attendre et à discuter de ses conclusions et recommandations. Il m'a été possible d'accepter un certain nombre d'invitations, mais j'ai malheureusement dû en refuser plusieurs autres. J'ai reçu de nombreux appels téléphoniques et plusieurs dizaines de lettres de félicitations et d'appui. Des gens que je n'ai jamais vus et que je ne connais pas m'ont dit avoir beaucoup apprécié la lucidité de mon rapport et ont tenu à me remercier d'avoir eu le courage de dire tout haut ce qu'ils pensent depuis longtemps et que la pression sociale les empêche de dire. Ils m'ont remercié d'avoir redonné à l'esprit critique ses lettres de noblesse. Et je leur avais redonné la parole libre.
Mesdames les coprésidentes, permettez-moi de parler franc. Le Comité mixte permanent des langues officielles peut jouer un rôle très important dans la progression vers l'égalité du français et de l'anglais à laquelle nous convie l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1982. Toutefois, l'effet des témoins qui se suivent les uns les autres devant votre comité, qu'ils soient ministres ou simples citoyens, ne dure que l'espace d'un matin, le temps d'une rose. Vous pouvez délibérer pendant des mois et des années, et vos travaux peuvent n'avoir que peu de conséquences. À vrai dire, l'impact des travaux de ce comité et des efforts de ses membres se résume aux suites que le gouvernement donne aux rapports et recommandations que vous lui présentez.
En novembre 1996, ce comité a présenté un rapport sur la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Le protocole signé entre le président du Conseil du Trésor et la ministre du Patrimoine canadien qui en a résulté a permis de mieux intégrer cette partie clé de la loi dans le régime de planification des ministères de l'ensemble du gouvernement. Sans cela, il n'en serait rien. Voilà une plume à votre chapeau, membres du comité, que personne ne peut vous enlever.
Dans mon rapport, j'ai fait plusieurs recommandations. À mes yeux, elles sont toutes suffisamment importantes au point qu'aucune d'elles ne devrait être ignorée. Le développement des communautés est multidimensionnel de telle sorte qu'en agissant dans un seul secteur, on a peu de chances de pouvoir changer la situation. Je sais par ailleurs que la tradition veut que ce comité se limite à quelques recommandations clés.
J'ai donc longuement réfléchi à la question et je vous invite par conséquent à vous concentrer sur quelques questions fondamentales à partir desquelles votre comité pourrait présenter au gouvernement un rapport court et percutant.
[Traduction]
La première question concerne les droits à l'instruction dans la langue de la minorité garantis depuis 1982 par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. À cet égard, je vous invite à lire le texte du discours que la commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam, a présenté aux États généraux de la petite enfance à Toronto le 29 janvier dernier.
D'abord, vous vous souviendrez que la Cour suprême du Canada a rappelé dans l'arrêt Arsenault-Cameron que le but de l'article 23 est de remédier, à l'échelle nationale, à l'érosion historique progressive de groupes de langue officielle et d'en faire des partenaires égaux dans le domaine de l'éducation.
Ensuite, près de la moitié des enfants ayant droit à l'école française au Canada étudie dans le réseau des écoles de langue anglaise. Le pire, c'est qu'il n'y a eu pratiquement aucun progrès à ce chapitre.
Enfin, il y a dix ans déjà, la Cour suprême statuait, dans l'arrêt Mahé, que l'article 23 est la clé de voûte de l'engagement du Canada envers le bilinguisme.
Vous comprendrez dès lors que le gouvernement du Canada a une responsabilité fondamentale en vertu de l'article 23 et qu'il serait temps, 18 ans après l'entrée en vigueur de ces droits constitutionnels, qu'il se donne un plan de mise en oeuvre de ces droits capable de réaliser le but de l'article 23 avant que la Charte ne fête son 25e anniversaire.
[Français]
La deuxième question concerne l'immigration. La raison en est fort simple. La force d'attraction de l'anglais sur les Canadiens d'expression française, qui conduit à leur assimilation, est connue de tous. Avec un taux de natalité parmi les plus bas au pays, le groupe francophone en situation minoritaire a cessé de croître. Pourtant, si l'immigration à l'extérieur du Québec profitait aux francophones autant qu'elle profite aux anglophones, proportionnellement à leur poids démographique respectif, on enrayerait les effets qu'entraîne l'anglicisation sur le nombre de francophones au pays. La discrimination systémique qui prévaut à l'heure actuelle en ce qui concerne la promotion, l'accueil et l'intégration des immigrants mine la vitalité démographique des communautés francophones et acadiennes et doit être corrigée de toute urgence. C'est une injustice historique à laquelle le gouvernement du Canada doit remédier avec diligence.
• 1555
La troisième question concerne le régime d'application
de la partie VII de la loi, que le commissaire aux
langues officielles qualifiait d'«inapproprié» dans les
toutes premières pages de son dernier rapport annuel. Il y a
bien eu quelques améliorations depuis, mais elles ne
suffisent pas pour renverser le verdict.
Pourtant, il y a de l'espoir. Un vent nouveau, plus respectueux de la règle de droit, semble souffler sur la dualité linguistique canadienne. Je me réjouis au plus haut point du sens des responsabilités et du leadership qui semblent se dégager des actions du Comité des sous-ministres responsables des langues officielles. J'incite ce dernier à ajouter les trois questions traitées ci-haut aux quatre priorités actuelles de son plan d'action. La réponse du gouvernement aux recommandations de la commissaire aux langues officielles concernant le français sur Internet et le projet de loi concernant la transformation du transport aérien suggèrent que le gouvernement peut mâcher de la gomme et marcher en même temps. C'est un bon signe. La présidente du Conseil du Trésor inspire davantage confiance, et la ministre du Patrimoine canadien est mieux appuyée par son sous-ministre.
Il est grand temps de passer aux actes. Les trois domaines d'intervention ci-dessus concernent la mise en oeuvre par l'État des droits fondamentaux des Canadiens. Les violations répétées de la loi, voire de la loi suprême, ne peuvent continuer de rester impunies et sans conséquences car ce serait mettre en danger les fondements mêmes de l'ordre social.
Je suis heureux que vous ayez accepté l'invitation de la commissaire aux langues officielles d'étudier mon rapport et de vous pencher sur ses recommandations en vue de stimuler le gouvernement à y donner suite.
Mesdames les coprésidentes, la balle est maintenant entre vos mains.
[Traduction]
Je vous remercie de votre attention.
[Français]
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur LeBlanc et sénateur Simard. Je voudrais répondre en vous disant simplement que si nous vous rencontrons si tard dans l'année, ce n'est certainement pas par manque d'intérêt. Au contraire, c'est simplement que nous avons, comme vous le savez, eu un calendrier extrêmement chargé. Je m'en excuse. Sénateur, nous savons que votre rapport est extrêmement important, non seulement en raison de ce qu'il analyse, mais aussi à cause des recommandations dont il fait état.
Je cède maintenant la parole à M. Hill, à qui j'accorde sept minutes, qui comprendront autant sa question que votre réponse. Monsieur Hill, s'il vous plaît.
M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Je vous remercie de votre témoignage, monsieur le sénateur.
À la page 6 des coupures de presse qu'on nous a remises, on lit: «Ottawa devrait imposer le bilinguisme officiel». Il s'agit d'un article de Denis Gratton paru dans Le Droit. Est-ce le message qu'on devrait retenir de votre rapport?
M. Pierre LeBlanc: Puis-je vous demander, monsieur Hill, de préciser où nous devrions imposer le bilinguisme officiel, selon vous?
M. Grant Hill: C'est le titre de cette coupure de presse. Je désire savoir si c'est le message que nous a transmis le sénateur dans son rapport.
M. Pierre LeBlanc: La loi est claire là-dessus: les deux langues officielles sont partie intégrante du fondement du pays et le bilinguisme officiel s'applique donc à tout l'appareil gouvernemental fédéral. À notre avis, dans la mesure où les provinces adhèrent aux principes fondamentaux du pays, elles devraient également assumer le statut du bilinguisme officiel.
M. Grant Hill: Vous dites donc qu'Ottawa devrait imposer le bilinguisme officiel.
Le sénateur Jean-Maurice Simard: Oui, c'est la loi du pays.
M. Grant Hill: La loi du pays dit clairement que le bilinguisme officiel s'applique là où le nombre le justifie. C'est la loi. Ce n'est pas à Ottawa d'imposer cette loi aux provinces. C'est difficile à comprendre pour les gens de l'Ouest, où il n'y a... Dans ma circonscription, il y a moins de 1 p. 100 des gens qui parlent le français. Est-ce qu'Ottawa devrait imposer le bilinguisme officiel à cet endroit?
M. Pierre LeBlanc: Je vous ferai remarquer deux choses, monsieur Hill. D'abord, je suis Fransaskois. Est-ce que vous savez ce que c'est qu'un Fransaskois? Un Fransaskois, c'est un francophone de la Saskatchewan. Donc, je suis de l'Ouest, moi aussi.
M. Grant Hill: Il y a des endroits où il serait raisonnable qu'on ait un statut bilingue.
M. Pierre LeBlanc: La clause «là où le nombre le justifie» fait partie de l'article 23 de la Charte, qui s'applique au droit à l'éducation. C'est très différent de la Loi sur les langues officielles et de la politique des langues officielles qui s'appliquent à l'échelle du pays.
M. Grant Hill: C'est bien.
Voici une autre question. Dans la province de Québec, il y a 0,6 p. 100 des employés de la fonction publique qui parlent l'anglais, qui sont des anglophones. Quelle est la position du sénateur sur ce problème qui en est un, quant à moi, pour les minorités de la province de Québec? Quelle est sa position?
M. Pierre LeBlanc: Monsieur Poirier, est-ce que vous voulez...
M. Jean Poirier (président, ACFO Prescott-Russell): Vous parlez de 0,6 ou 0,7 p. 100 des fonctionnaires. Parlez-vous de fonctionnaires fédéraux ou provinciaux qui s'expriment en anglais?
M. Grant Hill: Ce sont les fonctionnaires du gouvernement québécois.
M. Jean Poirier: Nous parlons du gouvernement fédéral, premièrement. Je pense qu'on doit s'en tenir aujourd'hui au gouvernement fédéral. Je ne suis sûrement pas ici pour parler de bilinguisme officiel au sein des différents gouvernements provinciaux à cause du peu de temps dont nous disposons. Mais à l'échelle du gouvernement fédéral, je pense qu'au Québec—corrigez-moi si je me trompe—le pourcentage de fonctionnaires fédéraux capables de desservir la communauté minoritaire de langue anglaise au Québec est autrement plus élevé que 0,6 ou 0,7 p. 100.
Monsieur le député, si je pouvais, comme francophone hors Québec, avoir autant de services en français que les anglophones du Québec en ont du gouvernement fédéral, je pense que ce serait déjà un bon départ. Il ne faut pas comparer des oranges et des pommes. Contentons-nous de comparer les services offerts aux minorités de langue officielle au Canada hors Québec aux services offerts à la communauté de langue anglaise au Québec. À ce moment-là, la comparaison sera équitable.
Je ne sais pas pourquoi on fait intervenir le gouvernement provincial du Québec dans la discussion, monsieur le député.
M. Grant Hill: Pour moi, le problème qui se pose ici, c'est qu'une province du Canada désire une seule langue dans le milieu de travail, alors que dans le reste du Canada, on désire que les personnes soient bilingues. C'est un problème pour les gens de l'Ouest parce que c'est évident que ce n'est pas équitable.
M. Jean Poirier: Je ne sais pas comment on pourrait définir le mot «équitable». Peut-être en avons-nous une interprétation différente, monsieur le député. Je pense toutefois que, lorsqu'on parle du gouvernement fédéral au Québec, on n'a pas à s'inquiéter de la qualité et de la quantité des services qui sont offerts à la communauté de langue anglaise. Il n'y a pas de comparaison possible.
Si on va dans l'Ouest, je pense qu'on va avoir beaucoup plus de difficulté, en Saskatchewan, en Alberta, dans les territoires ou ailleurs, à obtenir des services en français du gouvernement fédéral que les Anglo-Québécois en ont à obtenir des services en anglais du gouvernement fédéral au Québec, monsieur le député. Il n'y a pas de comparaison.
Mais si on parle de respect, je suis parfaitement d'accord avec vous que la communauté anglophone du Québec devrait obtenir, en qualité et en quantité, des services en langue anglaise du gouvernement fédéral au Québec. Je suis convaincu qu'ils les obtiennent, contrairement aux communautés francophones hors Québec qui, la plupart du temps, n'obtiennent pas ailleurs au Canada des services de qualité en quantité suffisante. Il y a encore des lacunes, d'où les recommandations de la commissaire aux langues officielles et des personnes qui l'ont précédée dans ce poste.
M. Grant Hill: C'est bien.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Hill. Monsieur Plamondon s'il vous plaît.
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Merci.
• 1605
D'abord, monsieur le sénateur, je voudrais vous
féliciter. Je sais que vous avez reçu vendredi
dernier l'Ordre des francophones d'Amérique. C'est
peu commun d'avoir un tel hommage. Tous les membres
du comité peuvent se joindre à moi pour vous offrir nos
félicitations pour cet hommage qui vous a été conféré.
Il se trouve que, dans votre rapport, vous avez très bien établi la différence entre le bilinguisme et la dualité linguistique. Depuis les cinq ou six ans que je siège à ce comité, je remarque que la philosophie d'approche du ministère responsable des langues officielles, que ce soit le Conseil du Trésor ou le ministère du Patrimoine canadien, est devenue un hymne au bilinguisme: tout va bien, il y a de plus en plus de gens bilingues. C'est la réponse que nous donne toujours la ministre responsable, l'honorable Sheila Copps: il y a plus de gens bilingues. Quand on lui fait remarquer que dans sa circonscription, le taux d'assimilation a été de 80 p. 100 l'année dernière, elle nous répond que ce n'est pas grave, car il y a plus de gens bilingues. C'est toujours sa réponse.
Or, l'esprit de la Loi sur les langues officielles, que vous avez bien saisi, n'est pas de faire la promotion du bilinguisme, mais bel et bien de promouvoir la dualité linguistique et, comme vous l'avez dit dans votre rapport, de faire en sorte qu'un francophone ou un anglophone sente que ses droits sont respectés dans chacune des parties de ce pays.
Or, après 30 ans de cette Loi sur les langues officielles, après des milliards de dollars investis, on se rend compte que la communauté francophone est plus faible et que le taux d'assimilation est très élevé. Charles Castonguay parlait de disparition tendancielle de six minorités après l'analyse du dernier rapport de Statistique Canada. C'est quand même grave.
Je lis deux courts extraits de votre rapport. Vous avez dit:
-
Il est indéniable que la continuité linguistique et
culturelle des minorités linguistiques francophones du
Canada n'est pas acquise. Le renouvellement, le
développement et l'épanouissement de ces communautés ne
sont pas assurés. Pas plus que la pleine reconnaissance
de l'égalité d'usage
du français et de l'anglais dans la
société canadienne.
C'est ce que vous dites à la page 27 de votre rapport. Vous allez même jusqu'à dire ceci à la page 54:
-
La dualité linguistique n'est pas synonyme de
bilinguisme individuel. La dualité linguistique
signifie que le citoyen francophone ou anglophone peut
se retrouver dans son pays, se reconnaître dans ses
symboles et ses rituels, se faire servir, vivre,
s'éduquer et travailler dans sa langue. Il ne faut pas
confondre les deux.
Vous dites également, et je pense que cela pourrait répondre à question de M. Hill:
-
Il faut également faire la
distinction
entre le bilinguisme étatique et le bilinguisme
individuel. Il est évident que la dualité linguistique
comprend le bilinguisme de nos institutions
gouvernementales. Et nos gouvernements ont tout un
boulot à accomplir avant que leurs institutions soient
effectivement bilingues aux termes de notre régime
constitutionnel et législatif.
Ce paragraphe résume bien votre pensée et tout votre rapport. J'ai envie de vous demander si vous voulez élaborer un peu là-dessus. Il me semble que ce message n'est compris ni ici, au comité, ni par les dirigeants ou ceux qui doivent appliquer cette loi dans notre pays, et je dis «dans notre pays» entre guillemets.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): «Notre pays» va convenir.
M. Pierre LeBlanc: Merci bien, monsieur Plamondon. Heureusement que vous n'avez pas glissé dans l'érotique et dans l'erratique.
M. Louis Plamondon: Ai-je dit «erratique» alors que c'était «étatique»?
Des voix: Ah, ah!
M. Pierre LeBlanc: Effectivement, la distinction a toujours été, que ce soit en Saskatchewan ou en Ontario... Je me souviens que dans les années 1980, alors qu'on travaillait très fort à l'établissement des collèges francophones en Ontario, on était toujours bloqués par cette notion. Sur le plan de la politique canadienne, et dans ce cas-là de la politique ontarienne, on cherchait toujours à produire des gens bilingues et on était persuadé qu'on y arriverait par le biais d'institutions bilingues. On n'avait pas compris à ce moment-là que la meilleure façon de produire des francophones unilingues anglophones était effectivement de passer par des institutions bilingues.
• 1610
Donc, on n'avait pas compris que la notion centrale
était effectivement la capacité des
individus et des collectivités de parler leur langue et
d'avoir les moyens de le faire.
La distinction qu'on doit faire entre le bilinguisme officiel étatique, c'est-à-dire les deux langues officielles et la responsabilité du gouvernement fédéral d'assurer le développement et l'épanouissement des communautés minoritaires, et la dualité linguistique des citoyens canadiens, c'est-à-dire la capacité des individus de parler leur langue et de s'exprimer au niveau de la culture, n'est pas toujours comprise. On confond souvent les deux.
M. Louis Plamondon: Est-ce que j'ai encore du temps, madame?
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je vous donne tout le temps que vous voulez aujourd'hui.
M. Louis Plamondon: Vous aviez quelque chose à ajouter, monsieur Poirier?
M. Jean Poirier: Oui. Ayant siégé comme député à Queen's Park, à Toronto, pendant plus de 10 ans et étant moi-même Franco-Ontarien, je peux vous assurer que les gens ont parfois de la difficulté à s'entendre sur la définition du bilinguisme. Ça veut dire quoi, le bilinguisme?
Le bilinguisme, c'est quoi pour qui, par exemple? Je sais bien que moi, je ne suis pas un bilingue. Je suis un francophone bilingue. D'ailleurs, j'en suis fier. Mais pour les gens de la majorité chez nous, être bilingue n'a pas la même signification que pour moi, Franco-Ontarien, de conserver ma langue maternelle.
J'ai rencontré nombre de personnes qui sont bilingues, à qui je dis «bravo». Elles sont bilingues anglais-français, bien sûr, puisque le terme «bilingue» pourrait s'appliquer à deux autres langues. Parmi ces personnes, certaines ne comprennent absolument rien à la spécificité, aux besoins que nous, francophones, avons de recevoir des services en français de notre gouvernement et de vivre dans des conditions qui nous permettent de nous développer tout en restant francophones.
Comme j'ai souvent dû l'expliquer à Queen's Park à mes collègues, en réponse à la célèbre question «What do the French want?», peut-être que si elles regardaient comme il le faut, ces personnes verraient que nous avons des besoins en rapport avec une spécificité. Si j'étais toujours là aujourd'hui, je dirais peut-être que nous sommes une société distincte pour leur faire comprendre que nos besoins et nos attentes linguistiques et culturelles sont différents des leurs.
Quand on parle de bilinguisme, cela veut dire être au service de la communauté francophone et de la communauté anglophone du Canada selon des besoins qui peuvent être différents, mais dans le respect des différences et aussi des choses qu'elles ont en commun.
Je crois que par rapport à cette politique de bilinguisme, comme vous l'avez si bien dit, des gens qui sont de bonne foi, qui veulent bien aider, qui croient au bilinguisme s'y prennent de la mauvaise façon, d'une façon qui n'est pas toujours utile, utilisable et réaliste dans la lutte que nous menons pour demeurer francophones en dehors du Québec.
M. Louis Plamondon: J'ai une question à vous poser qui n'a pas pour but de vous piéger ou de faire dévier le débat. Je la pose souvent et je n'ai jamais obtenu de réponse satisfaisante.
M. Pierre LeBlanc: On est là pour ça.
M. Louis Plamondon: Chaque fois que j'ai eu à questionner des gens très importants de la communauté francophone, que j'appellerai encore «hors Québec» même si on n'aime plus l'appeler comme ça, ou plutôt des communautés francophones canadiennes et acadienne, on lie toujours l'existence même des droits de cette minorité à l'unité nationale. Ça me fatigue un peu. Si les francophones hors Québec croient au Canada, croient qu'il y a une Charte, croient qu'il y a une Constitution, pourquoi craignent-ils que ces droits puissent devenir caducs advenant la souveraineté du Québec, comme vous le dites à la page 73 de votre rapport?
Pourquoi ne serait-il pas temps de changer de langage et de dire que vos droits sont là, qu'ils sont nécessaires, que vous êtes un des peuples fondateurs des autres provinces également? Vous étiez majoritaires dans les provinces de l'Ouest lorsqu'elles ont été fondées et vous avez des droits qui sont reconnus dans la Constitution et qui devraient continuer de l'être même s'il y a avènement de la souveraineté.
Les souverainistes disent, et c'est bien clair dans les programmes du Parti Québécois et dans tous les discours qui ont été prononcés, que les droits des anglophones actuels seront conservés et même davantage protégés. Comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, les droits dont jouit la minorité anglophone du Québec font l'envie de la minorité francophone hors Québec et de nombreuses autres minorités dans le monde.
• 1615
Serait-il possible de parler des droits des
francophones hors Québec en termes de droit à l'éducation,
de droit à la santé et de droit aux services sociaux
sans les lier à la question de
l'unité nationale? Il ne me semble pas y avoir de
rapport entre ces deux questions. À mon avis, il n'y a
pas de lien entre la souveraineté et les droits des
anglophones du Québec. Ces derniers savent fort bien
qu'ils bénéficieront des mêmes droits, qu'ils soient à
l'intérieur du Canada ou pas. Alors, pourquoi ne
serait-ce pas la même chose pour vous
autres?
Il s'agit peut-être d'une question que le sénateur pourra prendre en délibéré, comme nous le suggère Mme la présidente. Il pourrait me répondre par écrit.
M. Jean Poirier: Nous sommes en mesure de vous répondre tout de suite. Nous livrons à domicile, comme une pizzeria. Il n'y a pas de problème.
M. Louis Plamondon: Ah, ah!
M. Jean Poirier: Tout comme le dit la devise de l'ACFO, Nous sommes, nous serons, nous voulons être aujourd'hui et nous serons là demain. Peu importe que ces deux questions soient liées ou pas, nous avons déjà suffisamment de difficulté aujourd'hui à vivre au quotidien. On nous demande de faire le développement de notre communauté et de faire respecter de nos droits. On débat actuellement de l'écart qui existe entre ce qui est écrit sur papier quant à nos droits et ce que nous avons réellement. Si on respectait nos droits qui sont inscrits sur papier, on ne serait pas ici devant vous aujourd'hui.
Peu importe la forme que prendra le Canada à l'avenir, que ce soit lié à gauche ou à droite, peu importe ce que décidera le peuple québécois, quand on est francophone hors Québec, mon cher ami et monsieur le député, on sait ce que signifie l'expression «être un pion dans l'échiquier politique». On fait toujours l'objet d'un marchandage. Un de mes collègues à Queen's Park disait, alors que je siégeais au Comité de l'administration de la justice:
[Traduction]
«Quand le Québec cessera de maltraiter les anglophones, nous envisagerons peut-être de mieux vous traiter, vous, les Canadiens français».
[Français]
Combien de fois ai-je entendu ça! On est toujours des biens qu'on marchande. C'est très fatigant lorsqu'on essaie d'assurer sa survie et son épanouissement que d'avoir à éteindre tout le temps des feux qui sont allumés par les pyromanes de la langue. Il est très difficile de penser à l'avenir de nos droits quand on a de la difficulté à les faire respecter aujourd'hui, peu importe où on se trouve et peu importe le palier de gouvernement dont on parle. Le respect n'est pas le monopole de quiconque. Tous devraient respecter les textes législatifs et juridiques. On ne devrait pas se contenter de les consigner sur papier; les gens devraient respecter leurs dispositions et les mettre en oeuvre. On doit respecter l'esprit de la loi afin que nous, francophones dans nos communautés, ne soyons pas obligés de venir devant votre comité pour vous dire qu'il y a des problèmes au niveau de l'application de ces célèbres droits, chartes, constitutions, etc. J'espère voir le jour où nous ne serons plus obligés de vous dire qu'il y a un grand écart entre ces deux choses-là. Que ce soit lié ou non, on a des droits et des besoins que doivent combler nos gouvernements.
M. Louis Plamondon: J'aime votre réponse.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur Plamondon, si vous me le permettez, je vous donnerai la parole au deuxième tour.
Monsieur LeBlanc, vous vouliez répondre à M. Plamondon?
M. Pierre LeBlanc: J'allais ajouter quelques précisions.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je vous en prie. Je donnerai ensuite la parole à M. Godin.
Je vous en prie, monsieur LeBlanc.
M. Pierre LeBlanc: Il y a effectivement eu un glissement face au respect de nos droits actuels. Il y a un écart entre les droits sur papier et la réalité. Il y a également des reculs qui se sont fait sentir au niveau des droits comme tels et de l'expression des droits. Donc, dans un sens, je suis d'accord avec vous qu'on ne devrait aucunement nier ou affaiblir l'essence de ces droits.
J'aimerais également soulever un autre élément qui est relié à cette question, à savoir l'appui que peut apporter le Québec aux communautés francophones hors Québec. Cet appui a malheureusement été parfois chambranlant dans le passé, en fonction des ordres du jour.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur LeBlanc.
Monsieur Godin, la parole est à vous.
M. Yvon Godin: J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue au sénateur, d'autant plus qu'il vient de ma province, le Nouveau-Brunswick. Je me rappelle que quand j'étais tout petit, j'avais entendu le sénateur parler des droits des francophones. J'admire tout le travail qu'il a fait pour les francophones du Nouveau-Brunswick et je tenais à le souligner publiquement.
• 1620
Quand je lis son rapport et certaines
choses, je comprends ses inquiétudes
pour les francophones au Canada. À la manière dont
les gens sont traités, on a encore pas mal de chemin à
faire, surtout qu'on n'est même pas encore
prêt à reconnaître que la ville d'Ottawa est bilingue.
On a un bon bout de chemin à faire.
Ça, c'est une chose. Quand on voit toute la chicane qu'il y a eu au sujet de l'hôpital Montfort, et ce n'est même pas terminé, on est forcé de se poser des questions. Le Nouveau-Brunswick est une province bilingue, la seule au Canada, et on ne sait pas si la GRC va nous offrir un service en français. On est encore obligés de se questionner quant au service et on a été obligés de porter plainte auprès du commissaire aux langues officielles. On en a parlé dans les nouvelles et ce n'est pas réglé. Pour ce qui est de la fermeture des écoles françaises à Saint-Sauveur et à Saint-Simon, le gouvernement a envoyé la GRC avec des chiens, des bâtons de base-ball et du gaz lacrymogène. On sait quel a été le traitement réservé aux francophones au Canada et on peut en donner des exemples.
Je regarde votre recommandation:
-
Nous recommandons la
nomination d'un ministre d'État au développement des
communautés de langue officielles.
Ensuite il y a une autre recommandation:
-
Nous recommandons la
création au sein du Bureau du Conseil privé d'un
Secrétariat au développement des communautés
francophones et acadiennes.
Ne pensez-vous pas que si le gouvernement était vraiment sérieux et voulait régler le problème des langues officielles au Canada, on n'aurait pas vraiment besoin d'un ministre des langues officielles et il ne serait pas nécessaire de jouer à la balle avec le président du Conseil du Trésor, le ministre du Patrimoine et même celui de la Justice, sans que personne n'ait jamais de réponses à nos questions? C'est un de nos problèmes. Pourquoi ne pas avoir un ministère qui s'occuperait précisément des deux peuples fondateurs reconnus au niveau des langues officielles, qui sont le français et l'anglais? On pourrait s'adresser à un ministère qui ne pourrait pas passer la balle à un autre. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
M. Pierre LeBlanc: Si j'ai bien compris, monsieur Godin, ce que vous suggérez, c'est qu'il y ait un ministère qui soit responsable des deux populations majoritaires au niveau des langues.
M. Yvon Godin: Oui.
M. Pierre LeBlanc: Ce ministère assumerait toutes les fonctions gouvernementales en matière de justice et autres. Dans un monde idéal, cela pourrait se faire. En principe, un tel ministre pourrait être plus fort. Si nous avons recommandé qu'il y ait un ministre de la Francophonie, c'est que nous nous retrouvions devant rien. Nous trouvions que c'était une étape qui était valable et faisable. Dans le rapport, nous avons voulu faire des recommandations réalisables qui, en même temps, généreraient des bénéfices précis et immédiats.
Si on a décidé d'ajouter une unité fonctionnelle au niveau du Conseil privé, c'est parce que le rôle du Conseil privé est de chapeauter et de diriger l'appareil gouvernemental au niveau des politiques et des priorités, et non au niveau opérationnel. Si nous la situons là, c'est pour donner au Conseil privé les postes de commande pour encadrer et assurer la convergence des fonctions des institutions fédérales en matière de dualité linguistique.
M. Yvon Godin: C'est tout pour le moment.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je passe la parole à M. Bélanger.
Excusez-moi, monsieur Bélanger. Je vous en prie, monsieur Poirier.
M. Jean Poirier: Merci. J'en ai pour deux secondes.
Ce que Pierre a dit est extrêmement important en ce sens qu'il faut mettre des personnes clés dans des postes clés et que ces personnes aient un pouvoir décisionnel.
Il y a un autre volet. On a sensibilisé tous les élus, peu importe de quel côté de la Chambre ils se trouvent, au fait qu'il ne suffit pas de créer des postes. Il y a des attitudes à changer en l'an 2000. Même si vous aviez tous les postes avec tous les pouvoirs, si les attitudes ne changent pas et qu'il n'y a pas un désir de comprendre la spécificité des communautés francophones et acadiennes du Canada de la part de ceux et celles qui doivent décider collectivement du sort des communautés, surtout celles en situation minoritaire, on se dirige vers une situation intenable, surtout pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Donc, il y a deux volets aux changements à faire, et cela s'impose parce que le statu quo ne peut plus être maintenu ainsi. Ceux qui luttent pour la survie de leur langue, comme chez nous, dans la francophonie hors Québec, madame la présidente, messieurs et mesdames les députés et sénateurs, sont fatigués d'essayer d'expliquer, de justifier, de quémander, de pousser, de recommander, de demander. On est tannés de remplir des formulaires et d'expliquer qui nous sommes et pourquoi nos besoins sont spécifiques. Il faut que les attitudes changent une fois pour toutes. Cela a assez duré.
M. Yvon Godin: Pour que les attitudes changent—et je reviens à ma première question—, n'aurait-on pas besoin d'un ministère qui serait totalement responsable de cela et qui ne pourrait pas passer la balle à un autre ministère? Il ne pourrait pas dire que ce n'est pas sa responsabilité, que c'est la responsabilité de Patrimoine Canada ou celle du Conseil du Trésor ou encore celle du ministère de la Justice.
Ce ministre serait totalement responsable de cela en vertu d'un mandat que lui confierait le premier ministre et selon lequel il devrait voir au respect des deux langues officielles au Canada.
M. Jean Poirier: Il y a deux conditions à cela. Premièrement, il faut qu'il ait les outils législatifs, techniques et matériels nécessaires pour la mise en application de ce qu'il veut bien mettre en application et deuxièmement, il faut qu'il jouisse d'un mandat politique clair, net, précis et sans équivoque. Son mandat ne devrait pas être comme celui de la commissaire aux langues officielles ou de ses prédécesseurs, qui ont dit dans le passé qu'ils ne se sentaient pas appuyés dans leur mandat. Il faudrait que cette équipe sente que tout le Parlement est complètement derrière elle, qu'il y a une volonté politique de la gauche et de la droite, de l'opposition et du gouvernement pour que ça marche. S'il n'y a pas de volonté politique, peu importent les outils, cela ne marchera pas.
Merci, madame la présidente.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur Poirier.
Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): J'aimerais faire un commentaire plutôt que poser une question, madame la présidente, si vous me le permettez.
Je veux, moi aussi, remercier le sénateur Simard pour le travail qu'il a fait. Je m'en tiens aux recommandations, parce que j'ai parfois cru percevoir une partisanerie un peu trop poussée à mon goût dans les commentaires.
Outre ces commentaires, je dois avouer que dans l'ensemble, les recommandations reflètent les aspirations de la communauté francophone du Canada hors Québec, comme on l'appelle. Elles reflètent certainement la direction dans laquelle ces communautés voudraient voir le pays évoluer. Là-dessus, je crois que la plupart des gens peuvent s'entendre. Du moins, je l'espère.
Je suis surtout content que le sénateur ait parlé, dans la présentation de ce matin, d'un vent nouveau. Je pense qu'on sent un ressaisissement à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Je crois qu'on peut voir qu'on a entrepris une reconnaissance qui était nécessaire. Il y a encore du travail à faire, et je suis très heureux que vous ayez signalé la relance du Comité des sous-ministres sur les langues officielles.
Je pense qu'on peut fonder beaucoup d'espoir dans ce comité des sous-ministres. On a déjà vu des résultats. La commissaire aux langues officielles nous en a fait part la dernière fois qu'on a siégé pour discuter du projet de loi sur le transport aérien au pays. Il s'agit d'un exemple d'intervention, où on peut voir que le Comité des sous-ministres sur les langues officielles s'est imposé. J'espère qu'on en verra plusieurs autres.
Pour revenir à ce que mon collègue disait, est-ce que le fait de mettre des outils entre les mains d'un ministre quelconque plutôt que de les diffuser dans tout l'appareil constituerait une des solutions de ressaisissement? Personnellement, je préférerais que le respect de la dualité linguistique soit intégré à tout l'appareil gouvernemental, de A à Z. C'est probablement plus difficile à faire que de créer un ministère qui, lui, imposerait ce respect pour un certain temps, mais pour ce qui est du long terme, je pense qu'un débat devrait être tenu. À long terme, quelle est la meilleure approche? Est-ce l'intégration dans les mandats et les responsabilités des ministères? On peut avouer que pour certains, ça commence à bien aller. D'autres sont moins conscients de la situation et quelques-uns, peut-être, n'en sont pas conscients. C'est la première chose.
Toujours en ce qui concerne les mesures à prendre à long terme, il y a une question sur laquelle je suis d'accord à 100 p. 100: c'est la question de l'immigration. Je suis de ceux qui favorisent l'immigration au pays. Il y a des documents qui démontrent que l'accueil d'immigrants a été avantageux pour le pays. La ministre de l'Immigration, dans une déclaration qu'elle a faite il y a quelques mois, mentionnait qu'on devait peut-être augmenter les niveaux d'immigration pour les porter de 200 000 à 300 000.
• 1630
S'il y avait un pourcentage ou une proportion qui
reflétait un peu la démographie canadienne, je serais
moins inquiet que je ne le suis actuellement. Mais on
ne l'a pas. J'aimerais savoir quelle sorte
d'encouragement vous entrevoyez, que vous pourriez
proposer sur
la place publique, afin de saisir le pays de ce dilemme,
parce que c'en est un. Si, à long terme, l'immigration
a pour effet de polariser le pays encore davantage et
même de réduire le rapport de force entre
francophones et anglophones, je ne crois pas que ce soit
bien avantageux.
J'aimerais donc entendre des commentaires là-dessus de la part des représentants du sénateur s'ils le veulent bien.
M. Pierre LeBlanc: Premièrement, par rapport à l'engagement du gouvernement fédéral sur la façon de s'organiser pour qu'il y ait effectivement coïncidence entre les beaux discours et la réalité, force est de constater que l'éveil de certains ministères et le renouveau dans certains autres sont souvent contredits par certains événements. Ce renouveau ne se reflète pas toujours dans la réalité, loin de là, et c'est inquiétant.
Est-ce que créer un ministère spécialement chargé de la question, comme le suggérait M. Godin, aurait été préférable à la disperser dans tous les ministères afin de l'intégrer à chacun d'eux? À la longue, une des solutions pourrait toujours être un éventail complet de ministres francophones et de ministres anglophones avec des dossiers particuliers pour les deux communautés.
Je pense que le problème le plus fondamental, comme le disait Jean, en est un de volonté politique. Il s'agirait que le Conseil des ministres, le Parlement, etc. soient effectivement engagés et se donnent les moyens de leurs convictions. En ce sens-là, pour nous, il est essentiel que le Conseil privé soit entièrement saisi de cette responsabilité et en prenne la direction beaucoup plus activement qu'il ne le fait actuellement. Il est essentiel aussi qu'il se donne les moyens de donner la commande et de faire les vérifications qui s'imposent dans tous les ministères.
Évidemment, on sait que le Conseil du Trésor a techniquement la responsabilité des vérifications, mais je parle de la responsabilité politique en ce qui a trait aux décisions, aux attentes, à la vérification du rendement des sous-ministres, etc.
Nous aussi sommes contents du travail du comité. Enfin! Nous sommes contents qu'il y ait un genre de virage au comité des sous-ministres. Cependant, nous croyons qu'il est très, très loin d'avoir accompli son travail et qu'il lui reste beaucoup de pain sur la planche, beaucoup de boulot à faire.
Je voudrais aussi qu'on élargisse un peu le débat. Jusqu'ici, on a parlé surtout de langues mais on veut aussi parler de culture. On veut parler non seulement de bilinguisme mais aussi de biculturalisme. On veut parler de la culture francophone et s'assurer que l'engagement du gouvernement fédéral vis-à-vis des francophones soit fondamental sur le plan culturel également.
Pour ce qui est de l'immigration, évidemment, il y a toutes une série de choses qui peuvent être faites, pour finir, en ce qui concerne les mécanismes d'accueil des immigrants. Mais, au point de départ, il faut une décision consciente de la part du gouvernement fédéral de peupler des communautés minoritaires avec des immigrants. Cela se fait par le biais de politiques qu'on annonce dans les services outre-mer qui font la sélection des immigrants. Cela se fait par la désignation des personnes, des agents canadiens qu'on nomme là-bas, et par leur engagement vis-à-vis de cette politique.
• 1635
Cela se fait par des quotas et par toutes sortes de
mécanismes. Ce n'est pas nouveau. On l'a mentionné
dans le rapport. Cela s'est fait à l'inverse par le
ministre responsable de l'immigration
à partir de 1896, M.
Clifford Sifton, qui a appliqué cela
carrément à l'inverse. Cela se
fait. Le Canada, dans sa politique d'immigration, a
déjà toutes sortes de quotas et toutes sortes de
normes. Il s'agit tout simplement de changer la
mécanique. C'est une question d'abord de volonté
politique.
D'ailleurs, le gouvernement du Québec est un bon exemple du travail exemplaire qui peut se faire.
M. Mauril Bélanger: Madame la présidente, je voudrais parler du plan culturel. Je n'en avais pas parlé, mais je vais le faire puisque vous soulevez la question.
De ce côté, je dois louer les efforts du gouvernement. Il faut reconnaître que la notion de la diversité culturelle est très présente et très actuelle. Le gouvernement du Canada a vraiment mis les bouchées doubles pour créer une coalition internationale, qui regroupe maintenant une quarantaine de pays, pour vraiment s'afficher dans le monde par des moyens internationaux visant à protéger la possibilité pour les nations d'avoir, d'exercer et de vivre leur propre culture au lieu de vivre le monoculturalisme.
De ce côté-là, il est indéniable que des initiatives ont été mises en oeuvre, dont découle une coalition pancanadienne complètement biculturelle. M. Robert Pilon, qui en est le directeur exécutif, vient de se greffer également à la Fédération culturelle canadienne-française. C'est une coalition qui est vraiment très représentative de la dualité linguistique canadienne.
Il y a aussi le décret que le Cabinet a émis, il n'y a pas tellement longtemps, à l'intention du CRTC, lui demandant de faire ses devoirs, de se pencher sur la situation de la radiodiffusion francophone au pays et de lui revenir d'ici la fin décembre, je crois. Le gouvernement désirait que le CRTC soit plus conscient de l'importance du rôle qu'il a à jouer dans ce domaine.
Je vous ferai remarquer qu'un forum a eu lieu en fin de semaine dernière, jeudi ou vendredi dernier, à Montréal, forum sur l'espace culturel francophone au Canada, auquel participaient une centaine de personnes. Je dois reconnaître en être sorti très enthousiasmé par les propos que diverses personnes y ont tenus, les recommandations qu'elles ont faites et la volonté, du moins telle que je la perçois, du gouvernement d'y donner suite.
De ce côté-là, beaucoup de choses ont été faites strictement au niveau national, sans parler des projets ponctuels de diverses communautés un peu partout au pays. De ce côté-là, le blason n'est pas mal. Il y a du travail à faire, mais ce n'est pas trop mal.
M. Pierre LeBlanc: Je suis d'accord avec vous que beaucoup de choses ont été faites. C'est bien là le problème. Ce sont des choses. Il faut penser en termes systémiques à l'échelle du pays.
On pourrait parler des coupures qui ont été faites dans le passé à Radio-Canada, coupures qui ont affaibli toute la programmation dans les régions. Je le sais parce que je suis de la Saskatchewan; elle a été coupée d'à peu près 100 p. 100.
On pourrait parler de l'inexistence d'un programme approprié pour la jeune enfance de niveau préscolaire, ainsi que de la dimension culturelle, de la réintégration culturelle et de l'enrichissement culturel pour que ces gens-là puissent s'intégrer au système scolaire. Parlons du besoin que soit créé... Effectivement, il y a de bonnes choses qui ont été faites au point de vue de l'expression culturelle, et Dieu sait à quel point l'expression culturelle est riche dans la francophonie hors Québec et dans les communautés acadiennes.
Toutefois, et là je vais faire un lien avec Patrimoine canadien, il n'y a pas la notion d'une approche systémique. En effet, il y a la notion paradoxale ou opposée qui est de fonctionner par projets, par choses, par événements, qui nous rend les choses difficiles et qui est même contre-productive pour le développement culturel fondamental de la communauté ou des communautés.
M. Mauril Bélanger: Vous permettrez peut-être qu'on soit en désaccord là-dessus.
M. Pierre LeBlanc: Ça ne sera pas la première fois.
M. Mauril Bélanger: Exactement.
M. Jean Poirier: Si vous me le permettez, madame, je voudrais dire quelque chose.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur Poirier, allez-y, je vous en prie.
M. Jean Poirier: Oui, on peut faire une liste de choses accomplies. Il y a certaines choses qui sont bien.
Par exemple, j'ai vu que la ministre du Patrimoine canadien avait demandé au CRTC de lui faire des suggestions avant le 31 décembre. C'est une bonne nouvelle parce que je n'ai plus de place dans mes classeurs pour mettre des dossiers du CRTC. La lutte que les francophones ont faite au CRTC est telle que je n'ai plus de place dans mes classeurs. J'ai l'impression que les solives du plancher de ma maison ne pourraient pas supporter un autre classeur pour le CRTC, juste pour le CRTC. J'en ai ras le bol de m'en prendre au CRTC pour qu'il serve mieux les francophones.
Donc, si Mme la ministre du Patrimoine canadien exige du CRTC qu'il cesse, une fois pour toutes, son harcèlement à l'endroit de la communauté francophone et qu'il passe à l'action pour trouver des moyens de mieux nous servir, tant mieux.
Pour revenir à votre question initiale, la réponse est C, c'est-à-dire A plus B. Est-ce qu'on devrait avoir un ministre responsable ou est-ce qu'on devrait imposer aux 128 agences de servir directement la communauté francophone? La réponse, c'est que l'on devrait avoir les deux. Nous, les francophones hors Québec, on ne veut pas se faire dire d'aller frapper à une seule porte sous prétexte que le mandat de Patrimoine Canada est de nous servir. Pour les autres, on sait comment ça fonctionne: quand on va aller frapper aux 3 292 autres portes, on va nous dire d'aller frapper à la porte qui est réservée aux petits francos. Dans le passé, cela a permis à des fonctionnaires et à des politiciens de se faufiler et de ne pas offrir les services de qualité auxquels on avait droit.
Je vous ai dit le mois passé, mon cher collègue, qu'un des ministères fédéraux qui, pour une fois, étaient passés à l'action en collaboration avec les francophones était le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Mieux vaut tard que jamais. Ils ont brillé par leur absence dans le passé, mais quand on a tenu notre premier colloque national d'agriculteurs et d'agricultrices francophones à Alfred, dernièrement, on a obtenu une superbe collaboration de la part de ce ministère parce que, finalement, il y a un groupe de fonctionnaires du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire qui ont compris qu'ils avaient le mandat de travailler main dans la main avec nous. Mais il ne s'agit là que d'un ministère. Il y en a bien d'autres.
Quant à l'autre aspect du fonctionnement que vous proposez, je ne doute pas de la bonne foi des politiciens qui veulent bien servir les communautés francophones hors Québec. La question que je me pose et sur laquelle je vous invite à vous pencher, c'est de savoir si vous faites tout ce que vous pouvez faire. Est-ce que vous faites l'essentiel pour maintenir la situation? C'est bien d'avoir une politique de défense de la culture et j'admire cela, mais la question est de savoir de quelle culture il s'agit. C'est bien d'avoir pour politique d'encourager l'immigration de plus de francophones, que ce soit au Québec ou hors Québec. Bravo! Mais restera-t-il une communauté francophone pour accueillir ces gens qui viendront d'ailleurs?
La même chose vaut pour mes collègues anglophones de Toronto, qui disent prendre des cours de français langue seconde. C'est bien, mais j'espère que lorsqu'ils auront une connaissance suffisante de la langue française pour tenir une conversation, il va encore y avoir une communauté francophone. Sinon, ils vont se faire une table ronde à l'Alliance française pour y tenir des cocktails où ils pourront pratiquer leur langue seconde, le français.
Quant à la dernière politique de projets de Patrimoine Canada, c'est bien. C'est bien d'ajouter des projets à ce qui existe normalement, mais ça l'est moins de dire qu'on fonctionna seulement par projets et qu'on ne financera pas nos activités permanentes. La communauté francophone ne se penche pas seulement sur des projets. On a passé l'automne, madame la présidente, messieurs les députés, monsieur le sénateur, à éteindre des feux. On a aidé TFO au Québec, mais maintenant, on est obligés de tout laisser tomber parce que le gouvernement provincial a dit qu'il voulait fermer le collège d'Alfred. On a dû laisser tomber aussi pour venir à la défense de l'hôpital Montfort. On a tout laissé tomber aussi parce que le gouvernement provincial de l'Ontario n'a même pas daigné accorder le statut officiel de ville bilingue à la capitale fédérale, madame la présidente.
On a dans nos poches nos certificats de pompiers volontaires. On va éteindre des feux. Le gouvernement nous demande de faire du développement communautaire et on voudrait bien en faire, mais on a les bottes pleines d'eau à force de combattre des incendies allumés par des pyromanes qui ne veulent pas que ça fonctionne dans les communautés. Nous vivons des situations très difficiles et nous voudrions que le gouvernement fédéral, la Chambre des communes et le Sénat essaient de mieux comprendre ce qui se passe et aident davantage les communautés à se développer afin qu'elles ne fassent pas un pas en avant et deux pas de reculons.
• 1645
Donc, oui, nous sommes en faveur de la défense de la
culture, mais quant à l'intégration...
M. Mauril Bélanger: Oui, mais moi, madame...
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je vous donne un temps de réplique là-dessus, mais je voudrais ensuite continuer le tour, monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: J'accepte les critiques qui sont dirigées...
M. Jean Poirier: Ce sont des critiques constructives.
M. Mauril Bélanger: Oui, oui, mais je ne veux absolument pas que quiconque nous écoute ou lira les comptes rendus de cette séance plus tard suppose pour un instant que j'accepte cette critique qui devrait être adressée au gouvernement Harris. L'histoire de l'hôpital Montfort, de la proclamation de la ville d'Ottawa comme ville bilingue et du collège d'Alfred, madame la présidente, on va mettre cela dans la cour de M. Harris, s'il vous plaît.
M. Jean Poirier: Oui. C'est pour cette raison que nous comptons tant sur votre aide; il n'y a plus de portes qui s'ouvrent à nous au gouvernement provincial. L'aide du gouvernement fédéral est encore plus importante pour nous qui sommes membres de la communauté francophone hors Québec. Lorsqu'on a un gouvernement comme celui qu'on a chez nous...
M. Mauril Bélanger: Notre ami Plamondon va vous dire qu'il faut le faire dans le respect des juridictions.
M. Jean Poirier: Tout en étant respectueux du mandat de la province, ça nous fera plaisir de nous rendre également à Queen's Park dire à l'oncle Mike que l'aide qu'on nous donne est nettement insuffisante et qu'il devrait venir prendre place à vos côtés. Mais cela ne veut pas dire que vous qui êtes au palier fédéral pouvez vous péter les bretelles et dire que votre mission est accomplie. Ce n'est pas le cas.
M. Mauril Bélanger: Personne n'a dit cela.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur Poirier.
M. Jean Poirier: Personne n'a dit cela, mais nous sommes venus vous dire de continuer votre travail parce que, bien que nous reconnaissions vos réalisations louables, il y a encore bien du chemin à faire.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur LeBlanc, vous voulez ajouter quelque chose aux propos de M. Poirier?
M. Pierre LeBlanc: À la suite des propos de M. Bélanger, je voulais tout simplement souligner qu'il y a une politique canadienne sur les langues officielles et qu'elle doit être maintenue. Quoiqu'il y ait partage des pouvoirs entre les provinces et le fédéral, le gouvernement fédéral a non seulement une responsabilité à ce chapitre, mais il dispose également d'outils. Il peut avoir recours à ces instruments et il les utilise dans d'autres domaines quand bon lui semble. Même s'il ne les utilisait pas et refusait de transférer des fonds—ce qu'il pourrait faire et qu'il a d'ailleurs fait—, il pourrait revoir son discours face à ce dossier-là. Il tient un discours extrêmement faible. Quand on parle de la volonté politique, cela revient effectivement à reconstituer le body politic, la psyché politique canadienne et la psyché médiatique canadienne.
Les acteurs fédéraux, que ce soient les députés, le premier ministre ou les membres de son Conseil des ministres, ont tous la responsabilité d'intervenir et de recréer la psyché politique afin qu'elle reflète fidèlement la politique canadienne des langues officielles. Ce n'est que lorsqu'il la reflétera qu'on aura l'espace politique et administratif nécessaire pour prendre les décisions qui s'imposent. On ne peut pas se dérober à ses obligations devant des principes aussi fondamentaux. On ne peut pas se cacher derrière des principes de répartition des pouvoirs et se laisser glisser vers un laissez-faire à la 1899.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, monsieur LeBlanc. Si vous me le permettez, je poserai deux ou trois questions avant de céder la parole à mon collègue Plamondon pour qu'il puisse conclure.
J'ai peut-être mal compris votre recommandation au sujet d'un guichet unique puisqu'il me semble y avoir une contradiction entre la création d'un nouveau ministère ou secrétariat d'État et, d'autre part, le mandat transversal qui traverserait plusieurs ministères.
• 1650
J'ai travaillé comme présidente
du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration
du Québec. Nous nous étions posé exactement la même
question. Bien que nous travaillions au niveau des
minorités ethniques plutôt que
culturelles et linguistiques, nous nous étions demandé
comment les minorités seraient le mieux desservies.
Devraient-elles s'adresser
à une seule porte, à un ministère en
l'occurrence, qui aurait un pouvoir sur les autres
ministères? Ce n'est pas évident non plus, n'est-ce
pas? Comme le disait M. Poirier
tout à l'heure, devrait-on diriger tous les gens à ce
ministère qui s'occuperait de tout, tandis que les
autres ministères diraient qu'ils n'ont plus de
responsabilités à cet égard? Devrait-on plutôt confier
des responsabilités en la matière à
chacun des ministères, comme c'est
plus ou moins le cas présentement, en espérant que
chacun d'eux va oeuvrer dans la même direction et
assumer la responsabilité entière
par rapport à l'intégration ou
à la reconnaissance des minorités
linguistiques?
Pour moi, c'est un débat qui ne nous mène pas à un résultat évident. Il me semble y avoir du blanc et du noir; il y a de bons et de mauvais côtés aux deux options. M. Poirier nous disait tout à l'heure que si on les envoie frapper à cette porte-là, tous les autres ministères seront relevés de toute responsabilité. C'est justement là que je vois le danger. Il y a des bons côtés à la recommandation que vous faites, sénateur, quant à la création, d'une part, d'un secrétariat d'État et, d'autre part, au rapatriement de la responsabilité sous la tutelle du Conseil privé, mais j'y vois aussi des dangers. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de cet équilibre et des dangers que je crains de part et d'autre?
M. Pierre LeBlanc: Je veux m'assurer que vous avez bien compris notre recommandation. Nous ne voyons pas de contradiction, mais plutôt une complémentarité. D'abord, si nous avions proposé qu'on nomme un ministre responsable du développement des communautés francophones et qu'il soit appuyé d'une bureaucratie de 30 000 ou 40 000 personnes, là on pourrait effectivement dire qu'on crée un ministère de la Francophonie et qu'on permet à tous les autres ministères d'abdiquer.
Nous avons précisé que nous recommandions que l'unité fonctionnelle soit constituée au sein du Conseil privé afin qu'elle ne vienne pas assumer les responsabilités qui appartiennent à chacun des ministères. Nous avons voulu que le leadership et l'aspect impératif soient logés au niveau du Conseil privé. Cette unité, de taille relativement petite, maintiendrait un lien direct avec le Conseil des ministres; elle aurait la responsabilité de diriger tous les ministères et de les guider dans leurs actions. Ce n'est donc pas un mécanisme parallèle, ni un substitut. C'est une unité qui dicte la direction à suivre. Je ne sais pas si cela peut vous aider, mais on parle d'un ministre d'appui au développement des communautés et non pas d'un secrétaire d'État.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): En d'autres termes, vous parlez d'un ministre ou d'un secrétaire d'État responsable d'un dossier transversal à travers les autres ministères.
M. Pierre LeBlanc: C'est exact.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je comprends mieux maintenant. Je vous en remercie.
M. Pierre LeBlanc: Il aurait autorité au niveau ministériel, ainsi qu'au sein du Conseil privé, qui lui donnerait la direction sur l'ensemble des autres ministères et institutions fédérales.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Très bien. Je vous remercie de cet éclaircissement. J'aimerais vous poser une deuxième question. Là encore, je me base sur l'expérience que j'ai acquise avant d'être élue députée. J'ai beaucoup travaillé avec les groupes ethnoculturels partout au Québec, ainsi qu'au Canada. Je me suis rendu compte qu'il y a une faiblesse structurelle dans ces groupes, plus précisément au niveau de leur leadership. Il arrive souvent, mais pas toujours, que le leadership soit faible et qu'il soit élu soi-disant par les membres de la communauté. À la lumière de mon expérience, il me semble que peu de membres de la communauté participent aux élections. De fait, c'est une petite coterie qui a tendance à élire un, deux ou trois individus à l'exécutif de ce groupe.
• 1655
Au point 4,6.4 de votre rapport,
vous traitez de l'optique de coercition du
gouvernement fédéral. Vous y dites à peu près ce que je
viens de dire, c'est-à-dire:
-
À quelques exceptions
près, les organismes soi-disant
porte-parole des communautés francophones
sont totalement isolés de leurs communautés et leur
leadership est inefficace.
De plus, les
organismes ont cessé d'informer et de sensibiliser les
membres des communautés sur les enjeux cruciaux...
J'avoue que cela représente bien ma perception de plusieurs groupes, qui sont parfois assez bien organisés, mais où il n'y a finalement qu'une petite coterie de personnes qui participe réellement aux prises de décisions et à la discussion politique. À la recommandation 8, on lit que vous recommandez la refonte de la formule de financement des organismes dédiés au développement des communautés.
Compte tenu de la faiblesse structurelle des organismes qui représentent les communautés francophones d'un bout à l'autre du Canada—et je ne compte pas le Québec ici—, comment percevez-vous la refonte de cette formule de financement, alors que le financement est assuré par des ONG et des groupes communautaires qui, à votre avis, ne représentent pas leurs communautés de par leur élection et n'assument pas en retour leurs responsabilités envers la communauté?
M. Pierre LeBlanc: Il faut tenir compte d'un certain nombre d'éléments. J'aimerais d'abord vous dire que je suis heureux que vous ayez soulevé ce point. Le rapport du sénateur ne s'adressait pas uniquement au gouvernement fédéral; il s'adressait également aux gouvernements provinciaux et aux communautés. Il a fait une analyse de la réalité des communautés et identifié ce qu'il fallait faire pour améliorer la situation.
Si les organismes porte-parole ont généralement tendance à être plutôt faibles—le rapport en traite pendant plusieurs pages—, c'est parce qu'on a en partie voulu qu'il en soit ainsi. On a tracé l'évolution de la politique canadienne par rapport aux communautés francophones en remontant au début des années 1970. On a constaté qu'il y avait eu un changement de cap au début des années 1980 au chapitre de la politique du gouvernement fédéral par rapport aux communautés. Depuis l'avènement de la première Loi sur les langues officielles, on avait appuyé intégralement le développement des communautés. Le gouvernement fédéral a peut-être été surpris de constater que les communautés francophones l'avaient alors identifié comme étant un obstacle à leur développement et critiqué les actions de certains ministères. À partir de ce moment-là, il y a eu un changement de cap et on a commencé à se servir justement de la bourse pour limiter, contrôler et encadrer l'action des communautés. On a évolué progressivement vers la politique de financement par projets qu'on connaît aujourd'hui, laquelle est vraiment un coupe-gorge incroyable qui essouffle les gens et qui ne leur donne que peu d'oxygène. Autant au niveau de l'enveloppe que de l'approche, c'est comme un respirateur qu'on brancherait sur un mort. Si nous bénéficiions au moins des mêmes sommes d'argent et si on adoptait une approche qui appuie le développement plutôt qu'une approche de quincaillerie, ce serait déjà beaucoup mieux.
Jean pourra certainement vous parler de la représentativité au sein des organismes francophones. Il faut faire bien attention lorsqu'on aborde cette question et se rappeler que le président des États-Unis, soi-disant l'homme le plus démocratique et le plus puissant au monde, ne récolte que 20 ou 21 p. 100 du vote populaire. Donc, la représentativité est fonction du nombre de gens qui se présentent pour aller voter démocratiquement. C'est ainsi que cela s'exprime.
• 1700
Je ne pense pas que la notion de représentativité
soit tellement significative. Par contre, la notion de
leadership est très significative et si
on suggère dans le document, entre autres recommandations,
un processus de régénération d'un nouveau leadership,
c'est parce qu'effectivement, on peut constater qu'à
chaque fois qu'il y a un leadership fort dans une
communauté donnée—et il y en a encore dans
des sous-communautés, dans différentes régions du
pays—, les francophones hors Québec
ont soif de vivre. Ils ont soif de s'épanouir. Ils
attendent. Tout ce qu'ils attendent, c'est ceci:
de l'information, de l'inspiration, du leadership.
Lorsqu'on permet à leurs leaders de
faire cela et qu'ils ne sont pas égorgés par des tâches
administratives—et je laisserai à Jean le soin de parler
du pourcentage de temps consacré aux négociations des
soi-disant ententes Canada-communauté—, ça peut
mener à une situation autre que celle qui existe
actuellement.
M. Jean Poirier: Je comprends ce que vous dites, madame la présidente, lorsque vous parlez de votre expérience avec des groupes ethnoculturels et communautaires. Je vois ça très bien, moi aussi. Chez nous, c'est peut-être plutôt que le leadership est épuisé, crevé, drainé.
Qui comprend l'histoire comprend le présent. Si vous regardez l'histoire de plusieurs communautés francophones à l'extérieur du Québec, madame la présidente, vous verrez que dans le passé, il n'y avait même pas lieu d'espérer. Aujourd'hui, c'est un cas de «tlm»: toujours les mêmes. Les gens sont fatigués et il y a un aspect frustrant découlant de toute la paperasse administrative, cela à un point tel—et je vous le dis aujourd'hui bien honnêtement, avec candeur et sans méchanceté—que je pense que je n'aurai pas l'énergie nécessaire, l'année prochaine, pour faire une autre demande d'appui à Patrimoine Canada. Je vais laisser à quelqu'un d'autre le plaisir d'aller chercher les «pinottes». Et je dis bien les «pinottes». J'en ai ras le bol de courir après cela.
C'est la raison pour laquelle je vous dis à vous, les parlementaires, de vous regarder dans le miroir et de vous demander, même si vous pensez bien faire les choses, si c'est la meilleure façon de nous aider dans les moments difficiles que nous traversons. C'est difficile de trouver des gens qui veulent s'impliquer, parce qu'il y en a qui sont crevés. Il y en a qui constatent que pour chaque pas qu'on fait en avant, on en fait deux de reculons. Je pense aux négociations pour le renouvellement de l'entente Canada-communauté en Ontario. Comme je le disais vendredi à l'émission Ontario 30, il y a plein de gens qui ressentent de la frustration, madame la présidente, mais qui n'osent pas le dire par crainte—c'est leur perception, je l'admets—que cela nuise à leur petit octroi.
Il y a plein d'organismes qui vont fermer leurs portes cet été, dont le nôtre, madame la présidente, faute de fonds. On n'a pas d'employés. On n'a pas de local permanent. Je fais 80 heures par semaine de bénévolat, parfois 90 heures, parfois 115 et parfois même 120 heures, parce qu'on n'a pas d'employés et qu'on vient de fermer notre bureau. Et on va commencer, en ce début d'année, à dépenser notre marge de manoeuvre, madame la présidente. On va commencer à dépenser notre marge de crédit le 2 mai.
Comme le dit la publicité—excusez le langage—, ça n'a pas de maudit bon sens. Ce n'est pas une façon de nous aider, ça. Il faut que l'appui soit là, dès le 1er avril. Il faut que nous puissions savoir combien d'argent nous allons recevoir et quand nous allons le recevoir. J'ai reçu ma troisième et dernière part de financement de Patrimoine Canada le 10 mars de l'année dernière. L'exercice financier se termine le 31 mars. J'ai été obligé de faire une autocritique, comme dans la Chine de Mao, pour expliquer pourquoi ma programmation n'avait pas fonctionné l'année passée. C'est parce que je ne savais pas combien d'argent je recevrais. Je n'avais aucune idée de la date à laquelle je le recevrais. J'ai dû me départir de mon employé et mettre des choses en veilleuse. Mais je dois faire un mea-culpa. Je n'ai pas pu faire ce que j'avais dit à Mme la ministre du Patrimoine canadien que je prévoyais faire dans le dernier exercice financier.
Ce sont des frustrations de ce genre, madame la présidente, qui nous incitent à tout jeter par-dessus bord et à dire que le diable emporte tout. Si c'est ce genre d'aide que vous voulez nous donner l'année prochaine, en dépit de votre bonne foi, je vous dis de laisser tomber. Je vais même proposer à l'ACFO de ne pas demander un seul cent à Patrimoine Canada. Je vais leur proposer que l'on s'arrange avec nos propres «pinottes», chez nous. La frustration, messieurs et madame les membres du comité, a atteint ce point-là. Et si vous pensez que je suis le seul à penser cela, allez faire votre propre enquête. Il y a plein de gens qui en ont ras le bol, qui n'ont pas l'impression que vous nous aidez dans les faits à continuer notre travail communautaire.
• 1705
Ils ne vous le diront peut-être pas, mais ils nous le
disent sans équivoque en privé. Pour ma part, je ne me suis
pas gêné pour vous le dire
publiquement, parce que je vous parle du fond du coeur. Je
vous parle sincèrement. Si vous voulez nous aider,
revoyez la façon dont vous le faites. La façon
actuelle est loin d'être la bonne. Je vous dis cela
malgré tout le respect que je vous dois, individuellement
et collectivement.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je veux simplement ajouter, monsieur Poirier, à l'intention de nos trois témoins, que nous n'avons pas tous été députés toute notre vie et que nous avons eu une vie antérieure. Pour ma part, j'ai travaillé avec des ONG et je reconnais la frustration que vous ressentez. Je l'ai déjà vécue. Ce système de subventions par projet ne s'adresse pas seulement aux communautés francophones minoritaires, mais à tous les organismes communautaires canadiens. C'est une façon, à mon avis, d'obliger les groupes communautaires à refaire un travail qui me semble souvent inutile et à passer leur temps à faire des demandes de subventions plutôt qu'à faire le vrai travail. Là-dessus, je vous rejoins tout à fait.
Monsieur Plamondon, vous avez la parole.
M. Louis Plamondon: Ce ne sont pas des groupes communautaires, que je sache. Les francophones hors Québec sont des gens qui appartiennent à un des peuples fondateurs et ils devraient avoir la confiance du gouvernement fédéral, qui devrait leur remettre l'argent et les laisser décider de ce qu'ils en feront. Vous dites que vous n'êtes pas députée depuis longtemps, madame la présidente. Je ne sais pas si on peut dire que cela fait longtemps, mais pour ma part, je suis député depuis 15 ans—cela fera 16 ans le 4 septembre prochain—, et ce cri du coeur de M. Poirier est le reflet de ce que j'entends lorsque je côtoie des francophones hors Québec, pas nécessairement chez les leaders. Vous en avez parlé, monsieur LeBlanc, et malheureusement, certains leaders se voient placés dans une situation qui ressemble à du chantage s'ils veulent une subvention.
Je pense que dans votre livre, sénateur Simard, vous parlez d'inféodation, de gens inféodés. Il y a là un danger. Disons que nous leur prêterons bonne foi, mais il y a un danger que ces leaders de communautés deviennent un peu dépendants de la vision du gouvernement fédéral, à cause de ce bonbon. Vous avez parlé de «pinottes»; je parlerai de bonbon. Ce bonbon viendra régulièrement leur permettre de sauver leurs organismes pour quelques mois, alors que la vision devrait être plus généreuse, comme vous le dites.
Vous avez un langage franc, et je pense que c'est celui que la minorité francophone hors Québec devrait toujours tenir, sur toutes les tribunes et, surtout, auprès des élus. Malheureusement, on n'est pas nombreux ici pour l'entendre et malheureusement, ce n'est pas ce que la presse trouve le plus croustillant à se mettre sous la dent. Donc, il n'y aura pas de retombées à tout casser demain. Mais il ne faut peut-être pas désespérer et il faut continuer de le dire. Au moins aurez-vous le sentiment du devoir accompli.
Je voudrais maintenant vous poser une question au sujet d'une recommandation qui m'apparaît assez spectaculaire, celle d'un fonds compensatoire. Vous parlez dans votre rapport d'un fonds compensatoire de 600 millions de dollars.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur Plamondon, je dois vous interrompre juste un moment. Veuillez poser votre question directement, parce que j'ai encore une liste de quatre personnes qui veulent prendre la parole après vous.
M. Louis Plamondon: Je n'ai eu que cinq minutes plus tôt, alors que M. Bélanger en a eu sept ou huit. Vous avez pris sept ou huit minutes
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Monsieur Plamondon.
M. Louis Plamondon: Je parle depuis deux minutes.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Excusez-moi, mais je pense que vous avez eu beaucoup plus que cinq minutes, monsieur Plamondon. Allez-y. Je vous demande simplement de poser votre question directement.
M. Louis Plamondon: C'est ce que j'allais faire, madame la présidente. Je faisais seulement un préambule.
J'allais parler de votre fonds de 600 millions de dollars qui est directement relié à votre rapport. Ce fonds serait réservé—et c'est là qu'intervient, d'après moi, le principe de l'asymétrie—aux minorités francophones et acadienne exclusivement, à titre de compensation pour ce que le gouvernement fédéral leur fait vivre depuis quelque temps.
• 1710
Vous parlez également de dévolution
oblique dans votre rapport, et cela m'amène à vous poser
une question. Je ne sais pas si vous aurez le temps
d'y répondre. Je l'ai écrite. Je vais la lire,
madame la présidente, et j'aurai ensuite fini. Si vous
êtes capable d'y répondre par écrit
ou de me donner une indication, ça ira.
Dois-je conclure de cette demande de fonds compensatoire que vous favorisez une politique d'asymétrie en ce qui a trait au traitement que le gouvernement fédéral doit réserver aux minorités francophones hors Québec et anglophones du Québec? Si oui, quels sont les fondements qui permettent de justifier cette asymétrie et jusqu'où peut-elle aller?
Vous affirmez également que le gouvernement fédéral a un rôle déterminant à jouer pour assurer la survie et le développement des communautés francophones. Jusqu'où peut-il aller dans ce sens? Peut-il conclure des ententes avec les communautés pour leur transférer les services de formation professionnelle, par exemple, qui leur sont refusés par les provinces? Quelles seraient les conditions requises pour que de telles ententes puissent être conclues? Est-ce que les provinces devraient donner leur aval, par exemple?
M. Pierre LeBlanc: Vous voulez que je vous réponde en 30 secondes ou moins?
M. Louis Plamondon: C'est comme vous voulez. Je ne suis pas pressé par le temps. Mme la présidente est plus pressée que moi.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Vous avez deux minutes.
M. Louis Plamondon: Vous avez deux minutes.
M. Pierre LeBlanc: Bon, je répondrai assez rapidement. D'abord, pour ce qui est de l'asymétrie, la question me fait un peu rire. L'asymétrie existe déjà. On la connaît très bien. Au Québec, le gouvernement fédéral a implanté, il y a de nombreuses années, des programmes de santé, par exemple, pour la minorité anglophone, chose qu'il n'a pas songé à faire pour la francophonie hors Québec.
Donc, la question de l'asymétrie—et c'est assez drôle—, se pose plutôt en termes de prétexte pour limiter ce qu'on pourrait faire pour rendre justice aux francophones. La question du droit compensatoire et du fonds compensatoire n'est pas une question de politiques. C'est une question de justice. C'est une question de droits qui ont été lésés. Or, que le fédéral, le Cabinet ou le Conseil des ministre le reconnaissent ou non, il se peut très bien qu'un jour, les cours de justice leur dictent de le faire.
Si on nous force à avoir recours à la justice, ce n'est pas la façon intelligente de le faire. Ce n'est pas ce que l'on veut. Ce que l'on veut, ce sont des décisions politiques par lesquelles on reconnaîtrait que les gens ont été blessés, que la collectivité a été amenuisée de façon systématique dans le passé et qu'une compensation doit être versée.
Si le gouvernement fédéral choisit de ne pas le faire, cela m'inquiète énormément, mais ça m'inquiète peu en même temps, parce que tôt ou tard, les cours de justice vont l'imposer. Donc, ce n'est pas une question de politiques, mais une question de droit compensatoire.
Pour ce qui est de la formation professionnelle, il est évident que la notion de délégation oblique est toujours une question qu'on doit aborder avec énormément de précautions. On peut essayer—et ça se fait déjà—de transférer des responsabilités à des communautés sans leur transférer les ressources et les moyens de développer une capacité organisationnelle et professionnelle pour gérer ces responsabilités.
Donc, on voudrait s'assurer que dans le cadre de la délégation oblique, on ne crée pas une situation où on demande aux gens de gérer leur propre misère, n'est-ce pas?
Mais ça peut se faire. Idéalement, ça pourrait se faire en ayant une relation tripartite. On l'a demandé il y a sept ans à l'ACFO provinciale.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je passe la parole à M. Bélanger, ensuite au sénateur Beaudoin et ensuite à M. Godin. Je voudrais vous rappeler qu'il est passé 17 h 15 et que la cloche va sonner à 17 h 30 pour un vote. Alors, je demanderais à ceux qui ont leur nom sur la liste d'être assez brefs et je le demanderais aussi aux personnes qui vont répondre.
Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Je ferai deux brefs commentaires sur le plaidoyer de M. Poirier.
Je trouve aussi frustrant que vous le fait que le ministère du Patrimoine et la communauté n'aient pu encore en venir à une entente pour l'Ontario. Vous semblez jeter tout le blâme sur le ministère. Je ferai remarquer aux gens qu'il y a neuf provinces avec lesquelles une entente a été signée, de même que trois territoires. À un moment donné, il est légitime de se demander si le ministère est entièrement responsable de cet état de chose.
Deuxièmement, on affirme à la légère qu'il ne s'agit que d'argent attribué à des projets, somme toute de miettes. Il faudrait s'entendre sur les chiffres dont on parle. Le montant de départ était de 3 millions de dollars et il augmente de 4,5 millions de dollars par année. De cela, 10 p. 100 serait affecté aux projets et le reste à l'appui opérationnel. Alors, il faudrait reconnaître les faits tels qu'ils sont quand on se permet de telles déclarations.
J'ai le même sang que vous, monsieur Poirier. Il est latin, mon sang.
Tout à l'heure, on a parlé de la faiblesse du discours du gouvernement. J'espère que l'intervenant qui a fait cette remarque est conscient qu'un gouvernement peut parler de diverses façons et à travers plusieurs voix. Par exemple, il peut parler par les gestes qu'il pose. Je pense à un geste particulier. Je fais allusion au renvoi de la Cour suprême sur la sécession. Je fais allusion à Beaulac et aux décisions sur Summerside. Vous irez voir qui sont les juges de la Cour suprême du Canada et les décisions qui ont découlé de ce geste. Je pense que même vous, monsieur LeBlanc, auriez de la difficulté à dire que c'est faible.
Merci.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je préférerais, si cela ne vous dérange pas, passer la parole au sénateur Beaudoin, et vous permettre de réagir à la fin si vous le désirez.
Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald-A. Beaudoin (Rigaud, PC): Vous avez parlé tout à l'heure d'asymétrie et de principes. Maintenant, vous parlez de renvoi. Il y a tout de même une distinction à faire. La cour peut intervenir pour dire quelles sont les obligations du gouvernement canadien. Par contre, pour ce qui est de l'argent, le plus loin qu'elle peut aller, c'est de dire au gouvernement qu'il doit dépenser et remplir ses obligations.
Ma question est la suivante: est-ce une question de principe ou une question de sommes d'argent? Si c'est une question de principe, évidemment, on peut toujours s'adresser aux tribunaux. Mais si c'est une question du montant d'argent qui doit être dépensé, les cours ne se prononcent pas là-dessus en principe. Autrement dit, la cour va dire au gouvernement qu'il est obligé de remplir ses obligations, qu'elles soient politiques ou constitutionnelles, mais je ne vois pas comment elle pourrait déclarer qu'il doit dépenser trois ou quatre millions de dollars, à moins qu'il s'agisse d'une action en dommage, ce qui n'est sûrement pas le cas.
J'aimerais que vous éclairiez ma lanterne sur ce plan.
M. Pierre LeBlanc: C'est vous qui êtes constitutionnaliste et non pas moi.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, mais les faits, je ne les connais pas aussi bien que vous.
M. Pierre LeBlanc: Lorsque je parlais des fonds compensatoires, je ne parlais pas des politiques de financement des groupes communautaires, etc. Je parlais de la responsabilité du gouvernement fédéral de compenser les torts et les omissions du passé.
À ce que je comprends, à la suite d'interpellations ou de recours en Cour fédérale, en vertu de l'article 24 de la Charte des droits, cette instance fédérale pourrait, comme elle le fait dans les recours en droits de dotation ou autres, faire des calculs, consulter des experts et déterminer les montants de compensation.
Le sénateur Gérald Beaudoin: L'article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés, c'est une chose. Mais ici, on parle de droits linguistiques. C'est différent. De quel article parlez-vous? L'article 24 s'applique lorsqu'on a brimé une liberté fondamentale, auquel cas une cour de justice peut se prononcer. Mais ici, est-ce que ce n'est pas d'abord et avant tout une question linguistique?
M. Pierre LeBlanc: C'est une question linguistique, mais aussi une question de droit selon l'article 16.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Ah, bon. Pour le Nouveau-Brunswick.
M. Pierre LeBlanc: Pour le Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Et d'égalité des deux langues.
M. Pierre LeBlanc: Oui.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Là je dois reconnaître que le rôle de la cour est plus grand à cause de l'article 24 qui lui permet d'intervenir dans un cas comme celui-là.
M. Pierre LeBlanc: À cause du lien entre l'article 16 et l'article 24.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Ah, ce n'est donc pas simplement une pure question d'argent. C'est plus que cela.
M. Pierre LeBlanc: Oui, oui.
Le sénateur Gérald Beaudoin: D'accord.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci, sénateur.
Monsieur Godin, s'il vous plaît.
M. Yvon Godin: Madame la présidente, je vais essayer d'être bref. Je veux seulement adresser une couple de commentaires à mes confrères qui ne sont pas du Nouveau-Brunswick, surtout à ceux de la Saskatchewan et de l'Ontario.
J'aimerais seulement avoir vos commentaires sur la responsabilité de Radio-Canada, d'autant plus que vous représentez des groupes francophones. Vous parliez plus tôt du CRTC. Vous aviez peur que le plancher défonce. Il vaudrait peut-être mieux mettre le dossier dans le soubassement, parce qu'il est presque rendu là. C'est du moins mon impression.
Je veux dire rapidement que Radio-Canada, selon moi, existe pour les francophones de partout au Canada. J'ai dit une fois que c'était Radio-Québec et je me suis fait reprendre. En fait, c'est Radio-Montréal. C'est là qu'est le contact. Un chat traverse la rue à Montréal, et on l'apprend aux nouvelles nationales. Quant à nous, il peut nous arriver tout ce qu'on voudra, il faudrait quasiment mettre le feu sur les chemins pour qu'on en parle aux nouvelles nationales de Radio-Canada. C'est comme ça que sont servis ici, au Canada, les francophones hors Québec.
M. Mauril Bélanger: Hors Montréal.
M. Yvon Godin: Vous parlez des francophones hors Québec, mais disons hors Montréal. À CBC, c'est Toronto qui est le problème, parce que tout vient de Toronto.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. En même temps, pour ce qui est du service dans le domaine culturel, en dehors de RDI, il n'y a pas grand-chose qui se passe au Canada d'après Radio-Canada. Il aurait quand même un grand rôle à jouer de ce côté-là. C'est la responsabilité du gouvernement fédéral que de voir à ce que cette chaîne de télévision fasse la promotion du fait français à la grandeur du pays. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
M. Jean Poirier: Il y a eu tellement de coupures à la Société Radio-Canada, madame la présidente et messieurs les députés et sénateurs, que maintenant le gouvernement, dans sa sagesse, nous donne un octroi pour démarrer des radios communautaires. Nous, les bénévoles, les chevaux bénévoles, on doit prendre 50 000 $ et lancer une radio communautaire parce qu'on pense que la Société Radio-Canada n'a plus les moyens et le mandat de faire son travail. Il me semble que si Radio-Canada pouvait refaire le travail qui lui revient auprès des communautés francophones hors Montréal—c'est bien dit—, on pourrait peut-être avoir à ce moment-là des services de qualité en quantité suffisante.
Bien que je sois Franco-Ontarien, je n'ai même pas droit au bulletin de nouvelles de l'Ontario émis par Radio-Canada en provenance d'Ottawa. Mes concitoyens et concitoyennes du reste de l'Ontario ont un bulletin spécial pour l'Ontario que tous les Franco-Ontariens, à l'échelle de la province peuvent capter, sauf nous, dans l'est. Nous n'avons même pas ça, nous autres. Nous recevons le bulletin qui est produit à Ottawa surtout pour Hull et Buckingham, afin que ces pauvres gens n'entendent pas trop parler de Hearst et de Kapuskasing.
Ainsi, France Beaudoin anime, à 18 heures, une version de l'émission Ce Soir qui s'adresse à l'ensemble des Franco-Ontariens, mais que nous ne voyons jamais, jamais.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Excusez-moi. Dans l'est de l'Ontario?
M. Jean Poirier: Dans l'est de l'Ontario. On n'a pas droit au bulletin de nouvelles de l'Ontario. Vous ne le saviez pas, n'est-ce pas? Eh bien, je vous l'annonce en grande primeur. Au lieu de nous passer, à 12 h 30, une reprise des Détecteurs de mensonges, on pourrait peut-être nous passer le bulletin de nouvelles de l'Ontario, à notre chaîne de notre télévision nationale, qui est là grâce à ce qui reste de nos taxes.
C'est la piètre qualité du service que nous avons, à force de coupures. Comme l'a déclaré un ancien vice-président exécutif de Radio-Canada, tout le programme des radios communautaires, madame la présidente, emploie du cheap labour. Pour compenser les coupures de Radio-Canada, on va demander à de pauvres concombres de bénévoles, quelque part, d'établir une radio communautaire avec 50 000 $ qu'on va leur donner et on va leur souhaiter bonne chance, surtout qu'ils ne demandent pas de surplus pour en assurer le fonctionnement. On les aide à se lancer et ensuite c'est goodbye.
Donc, c'est le genre de problèmes que nous avons. Je suis certain que vous allez tous travailler ensemble pour nous aider à les régler une fois pour toutes. Merci, monsieur Godin, et merci, madame la présidente.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je vous en prie.
Monsieur LeBlanc.
M. Pierre LeBlanc: Est-ce l'heure de la clôture ou s'il y a d'autres questions?
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Oui, c'est....
M. Louis Plamondon: J'allais vous demander si vous seriez disponible pour venir interroger la ministre quand elle comparaîtra comme témoin.
M. Jean Poirier: Avec plaisir.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Il nous reste en fait deux minutes et j'allais justement vous demander, monsieur Poirier et monsieur LeBlanc, si vous vouliez faire un commentaire de clôture.
M. Pierre LeBlanc: Oui, madame la présidente. J'aimerais dire au sénateur Simard que je m'estime privilégié d'avoir pu travailler avec lui à la rédaction de ce rapport où on fait état de la réalité des communautés francophones hors Québec et où on dénonce les iniquités et le manque de volonté. On y démontre à quel point le Canada est vulnérable en raison de ce manque de volonté. Il nous propose des solutions qui doivent être chapeautées par une politique intégrale de développement des communautés francophones hors Québec. Je me souviens qu'en 1994, le Bloc québécois avait proposé une politique de développement des communautés francophones hors Québec. Il y a un ensemble de découpage d'éléments, entre autres la Loi sur les langues officielles et les jugements de la Cour suprême, qui sont d'ailleurs de très bons jugements, mais il n'y a pas une volonté ferme de s'engager dans une direction claire, avec des objectifs précis qui nous permettront d'espérer la pleine réalisation des politiques énoncées dans la Loi sur les langues officielles. Tous les éléments dont on a parlé, dont les 42 recommandations et toutes les analyses, doivent être chapeautés sous ce genre de politique intégrale. Je suis certain que le sénateur écrirait volontiers cette politique pour le gouvernement fédéral.
M. Jean Poirier: Madame la présidente, je baisse mon chapeau bien bas pour reconnaître tout ce qu'on a réalisé jusqu'à maintenant, mais on ne peut maintenir le statu quo. Vous êtes en train de nous avoir à l'usure. Il faut repenser le tout. Vous pouvez faire encore beaucoup mieux et beaucoup plus si vous voulez vraiment nous aider. Si les politiciens et les politiciennes avaient bien fait leur travail, la réalité des communautés francophones hors Québec serait tout autre. Bien qu'elle rende de bonnes décisions, faut-il constamment porter notre cause devant la Cour suprême? Demandez donc aux Acadiens de l'Île-du-Prince-Édouard combien d'énergie ils ont dû dépenser pour qu'on finisse par rendre une décision qui est frappante de réalité. Pourquoi doit-on monter constamment aux barricades pour s'assurer qu'on respecte nos acquis? Ne pensons même pas à l'avenir puisqu'il faut maintenant combattre des incendies pour maintenir nos acquis.
Si les élus font bien leur travail, on pourra faire autre chose que se présenter, de génération en génération, devant la Cour suprême pour lui demander d'interpréter des lois qui ont autant de trous qu'un fromage suisse. Autant j'adore le fromage suisse, autant je ne raffole pas des trous. Ces lois sont souvent pleines de trous. On manque de bonne volonté, on manque le bateau et on est obligés de dépenser des énergies folles pour défendre à gauche et à droite nos communautés. De grâce, examinez la réalité et mettez fin au statu quo. Faites mieux et faites davantage avec ce que vous avez.
Merci, madame la présidente.
M. Pierre LeBlanc: Un petit mot très rapide.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je vous en prie, monsieur LeBlanc.
M. Pierre LeBlanc: Lors de notre présentation, nous avons souligné l'impact certain que vous pouvez livrer avec un rapport. Si je ne m'abuse, vous avez déposé votre dernier rapport officiel en 1996. Nous vous exhortons à émettre un nouveau rapport officiel au Parlement canadien puisque c'est, à notre avis, outre les éléments d'éducation et de recherche, l'instrument qui vous permettra de nous aider et d'aider le Canada.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Je voudrais tout d'abord vous remercier, sénateur, monsieur Poirier et monsieur LeBlanc, d'être venus non seulement nous présenter ce rapport, mais également nous expliquer la situation complexe et délicate qui sous-tend ce rapport. Il était très important que nous vous rencontrions. Je peux vous dire que notre comité a l'intention de présenter un rapport à la fin de ses débats. Nous pourrons peut-être même présenter un document, qui ne sera pas un rapport final, avant l'été. C'est une possibilité dont discuteront les membres de ce comité.
• 1730
Je vous remercie encore une fois tous les trois.
Sénateur, est-ce que
vous voulez dire quelques mots? Je vous en prie.
Le sénateur Jean-Maurice Simard: Je veux remercier les membres du comité ainsi que MM. LeBlanc et Poirier.
La coprésidente (Mme Raymonde Folco): Merci beaucoup, sénateur.
Je voudrais rappeler aux membres du comité que Mme Françoise Bertrand, la présidente du CRTC, a confirmé sa présence parmi nous le mardi 9 mai. Nous aurons l'occasion de lui poser plusieurs questions. Je vous remercie.
La séance est levée.