SJQS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SPECIAL JOINT COMMITTEE TO AMEND SECTION 93 OF THE CONSTITUTION ACT, 1867 CONCERNING THE QUEBEC SCHOOL SYSTEM
COMITÉ MIXTE SPÉCIAL POUR MODIFIER L'ARTICLE 93 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867 CONCERNANT LE SYSTÈME SCOLAIRE AU QUÉBEC
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 27 octobre 1997
Le coprésident (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)): Bienvenue à cette réunion du comité spécial mixte convoqué pour modifier l'article 93 de l'Acte constitutionnel de 1867 au sujet du système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.
[Français]
Le sénateur John Lynch-Staunton (Grandville, PC): Une simple question, monsieur le président. Les invitations ont-elles été envoyées au gouvernement du Québec et à l'opposition officielle?
Le coprésident (M. Denis Paradis): Oui, les lettres d'invitation ont été envoyées à M. Bouchard, lui demandant que lui-même ou quelqu'un de son gouvernement vienne nous rencontrer, de même qu'à M. Johnson, pour que lui-même ou quelqu'un de l'opposition officielle se rende ici.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Parfait. Il avait été question, la semaine dernière, d'inviter des représentants des évêques du Québec, suite à la comparution de certains prêtres de langue anglaise de la région de Montréal. Est-ce que cela a été fait?
Le coprésident (M. Denis Paradis): Ce sont bien les évêques du Québec que vous mentionnez, monsieur le sénateur?
Le sénateur John Lynch-Staunton: Oui. Les évêques du Québec avaient été cités par le ministre Dion comme étant en faveur de la résolution, mais il y avait une certain ambiguïté dans leur lettre et nous voulions connaître plus précisément leur opinion en leur demandant de venir nous l'exprimer directement eux-mêmes. Nous avions parlé de...
[Traduction]
Vous souvenez-vous du nom du monsieur que...
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Mme la greffière me dit qu'ils n'ont pas été contactés. Madame la greffière.
La cogreffière du comité (Mme Martine Bresson): Un des membres du comité a contacté la Conférence des évêques catholiques du Canada. Ceux-ci nous ont dit qu'ils n'étaient pas intéressés à venir. C'est tout ce que je peux vous dire.
Maintenant, si vous voulez qu'on contacte l'Assemblée des évêques du Québec, j'aimerais avoir des ordres très précis concernant les démarches à faire.
Le sénateur John Lynch-Staunton: J'ai ici ce qu'il faut; c'est l'Assemblée des évêques du Québec dont le président est Mgr Pierre Morissette.
Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord. Madame la greffière, on peut les contacter aujourd'hui.
Le sénateur John Lynch-Staunton: J'aurais une dernière question. Quand on nous envoie de temps à autre une liste des témoins qui doivent comparaître, est-ce que tous ces témoins ont été avertis qu'ils seront invités à comparaître au jour indiqué?
La cogreffière (Mme Martine Bresson): Oui.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Parce que j'ai reçu—et d'autres l'ont peut-être aussi reçue—une lettre
[Traduction]
de l'organisation pentecôtiste qui a dit avoir été invitée à comparaître mais dont la comparution ensuite a été annulée.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): De quel organisme s'agit-il, sénateur?
Le sénateur John Lynch-Staunton: Je le cherche; donnez-moi une minute.
[Traduction]
Je suis désolé. L'Evangelical Fellowship of Canada a dit avoir été invitée à comparaître le 27 et avisée ensuite qu'elle ne comparaîtrait pas.
[Français]
La cogreffière (Mme Martine Bresson): Monsieur le sénateur, cet organisme nous a écrit pour nous demander de comparaître. Nous leur avons dit de se tenir prêts en attendant que tous les membres du comité nous donnent le feu vert. Il y a plusieurs organisations qui n'ont pas été invitées comme cela.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Qui n'ont pas été invitées. Mais eux prétendent qu'ils ont été invités pour le 27 et que, par la suite, leur invitation aurait été annulée:
[Traduction]
... alors que cette semaine on nous avait dit que nous comparaîtrions le 27, aujourd'hui la greffière du comité m'a informé que nous ne comparaîtrions pas.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Savez-vous à quelle heure on leur avait dit...
Le sénateur John Lynch-Staunton: J'ai simplement «comparaître le 27». Cela devait avoir lieu à 16 h 30. La note est adressée à Mme Bresson:
-
Ayant été informé par votre bureau le lundi 20 octobre que nous
comparaîtrions devant le comité spécial le 27 octobre à 16 h 30, je
suis très troublé par votre appel de ce matin m'informant que cette
invitation a été retirée.
La cogreffière (Mme Martine Bresson): Je ne me souviens pas de ce cas particulier, monsieur. Il est possible que...
Le sénateur John Lynch-Staunton: Je ne voudrais pas que nous nous attardions longtemps là-dessus car nous avons des choses plus importantes qui nous attendent, mais pourriez-vous voir s'il y a eu confusion de l'autre côté?
La cogreffière (Mme Martine Bresson): D'accord, mais les membres du comité veulent-ils les voir?
Le sénateur John Lynch-Staunton: Je n'ai pas de parti pris pour ou contre mais s'ils ont été invités, il serait intéressant de savoir pourquoi on les a ensuite annulés.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Il y a beaucoup de témoins qui sont immédiatement touchés par le débat qui se tient au Québec et qui n'ont pas pu se faire entendre. Je pense qu'il y en a d'autres que celui que mentionne l'honorable sénateur qui devraient être cités à comparaître avant celui-là. Il y a plusieurs témoins qui sont vraiment partie prenante au débat.
Je vous rappelle, monsieur le président, que l'on a convenu que c'était une formule d'amendement bilatérale. Donc, il me semblerait logique, selon ce qu'on a décidé en comité, de privilégier d'abord les témoins du Québec. Cela ne devrait pas exclure des gens qui ont une expertise très pointue comme c'est le cas, je pense, de la Faculté d'éducation de l'Université de l'Alberta. Toutefois, si tous les groupes religieux de tout le Canada peuvent se faire entendre en place et lieu des témoins qui sont immédiatement concernés, nous n'y arriverons jamais.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Y a-t-il d'autres commentaires? Nous allons vérifier aujourd'hui ce qui est arrivé. Est-ce que, madame la greffière, la nouvelle liste que nous avons ici, qui comporte toutes les invitations de cette semaine-ci, a été mise à jour à l'intention des membres du comité?
La cogreffière (Mme Martine Bresson): Tous les témoins ont confirmé sauf celui du du 29 octobre à 15 h 30 et celui du 30 octobre. La mention «à confirmer» signifie que nous avons laissé des messages auxquels on ne nous pas encore répondu.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.)): J'espère aussi que chacun a bien reçu sa liste. Voudriez-vous le leur demander, s'il vous plaît?
La cogreffière (Mme Martine Bresson): Tout le monde a dû recevoir la liste. Nous l'avons envoyée par courrier électronique et par fax.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): À quelle date?
La cogreffière (Mme Martine Bresson): Vendredi dernier, 14 heures.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Est-ce que ça va? Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: La liste n'est peut-être pas à jour, mais je croyais que nous avions convenu que personne du comité ne souhaitait entendre le mouvement REAL Women. Ce mouvement n'a en effet aucune expertise particulière en rapport avec le sujet. Je suppose aussi que M. Caldwell, qui a déjà été entendu, n'est pas censé revenir.
Peut-être n'ai-je pas la bonne liste, mais celle qui a...
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Si on n'a pas la bonne liste, c'est étonnant. Je me suis préoccupée moi-même de voir à ce que chacun la reçoive par courrier électronique ou qu'elle soit livrée par messager vendredi après-midi. Je suis partie vendredi soir afin de m'assurer que tout le monde ait ses documents.
M. Réal Ménard: D'abord, je voudrais vous en remercier infiniment. Je pense que sur le point suivant, nous allons nous entendre, madame la sénatrice Pépin; nous avions convenu, dès la première réunion du comité, que le groupe REAL Women n'avait pas un type d'expertise susceptible d'éclairer le débat. J'en déduis que nous ne souhaitons pas les recevoir.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Il semble que la présidente, celle qui viendrait faire une présentation, soit une spécialiste en droit constitutionnel. Elle a insisté pour venir faire sa présentation dans cette optique.
M. Réal Ménard: De mon côté, je vous fais valoir que cela n'aurait pas d'avantage direct. Je ne comprendrais pas que des témoins comme le Mouvement national des Québécois ou d'autres types de témoins qui ont demandé à être entendus ne le soient pas. Si vous voulez voir le Québec se mobiliser à propos d'une dispute concernant les témoignages, la meilleure voie à emprunter, c'est d'inviter le mouvement REAL Women et de refuser les témoins du Mouvement national des Québécois, mouvement qui a participé au débat pendant 30 ans. REAL Women n'a pas cette expertise.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin); Je suis bien d'accord, monsieur Ménard, mais je pense que nous ne devons pas revenir en arrière. Ce programme que vous avez entre les mains a été approuvé la semaine dernière. Je ne veux pas recommencer.
M. Réal Ménard: Il n'y a jamais eu de consensus sur ce point.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): On vous a distribué la liste à trois reprises la semaine dernière, dont la dernière fois vendredi. Je ne veux pas repartir à zéro et remanier le programme, parce qu'alors nous ne pourrons pas respecter nos échéances.
M. Réal Ménard: Non, pas recommencer.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Regardez ce que vous avez et vous allez vous apercevoir que nous avons essayé de satisfaire autant que possible tout le monde, soit les députés et les sénateurs qui sont ici. Nous ne pouvons pas faire davantage étant donné les délais que nous avons à respecter. Vous m'en voyez désolée.
M. Réal Ménard: Et moi je vous dis, en terminant, qu'il n'est pas possible que le groupe REAL Women soit invité si le Mouvement national des Québécois ne l'est pas. J'en ai fait l'observation dès le début au président. La meilleure façon de mobiliser les groupes serait celle-là.
Je soulèverai deux points. Garry Caldwell, qui n'est pas pour les États généraux puisqu'il a signé un rapport dissident, et qui était ici vendredi ne devrait vraiment pas revenir le 30 octobre. Il faut quand même se montrer un peu sérieux. Donnons une chance à chacun des témoins, pas deux à Garry Caldwell.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ménard, on prend note de vos observations et on avisera. Si vous le permettez, nous allons commencer immédiatement à entendre les témoins qui sont parmi nous.
[Traduction]
Nous avons le plaisir ce matin de souhaiter la bienvenue à M. Martin Murphy et à M. Wilkins du Conseil catholique d'expression anglaise. Bonjour.
Voici à peu près comment nous procédons: nous vous demanderons de faire un exposé de huit à dix minutes. Nous passerons ensuite aux questions des membres du comité. Si vous voulez donc commencer, nous vous écoutons.
M. Robert Wilkins (membre, conseil d'administration, Conseil catholique d'expression anglaise): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis un avocat de Montréal et, à l'heure actuelle, je suis également membre du conseil d'administration du Conseil catholique d'expression anglaise. Je suis ravi et honoré d'être avec vous ce matin avec le directeur exécutif de ce conseil, M. Martin Murphy.
Le Conseil catholique d'expression anglaise a été fondé en décembre 1980 à Montréal. Il est le point de convergence—le porte-parole, si vous voulez—de tout près d'un quart de million de catholiques d'expression anglaise vivant dans l'agglomération de Montréal. Il a notamment pour fonction de définir les besoins des ressources de cette très nombreuse collectivité, d'analyser les sujets de préoccupation qui intéressent cette collectivité, de présenter des instances sur son compte et d'aider à trouver des solutions aux problèmes que peuvent rencontrer ces 240 000 Catholiques d'expression anglaise.
• 1020
Le conseil d'administration—dont M. Murphy et moi-même sommes
membres—est composé exclusivement de bénévoles appartenant à ce
groupe. Il s'agit d'hommes et de femmes qui consacrent énormément
de temps et d'énergie à cette population et qui mettent à sa
disposition leurs compétences pour défendre ses intérêts, étudier
les questions qui lui importent et, dans la mesure du possible,
régler les problèmes qu'elle rencontre au fur et à mesure. Ces
bénévoles hommes et femmes viennent tant du secteur privé que du
secteur public.
Mesdames et messieurs, parce que le Conseil catholique d'expression anglaise a pour mandat particulier de représenter les Catholiques d'expression anglaise de la région de Montréal, il ne peut évidemment rester indifférent devant un projet d'amendement à la Constitution du Canada. À notre humble avis, cet amendement représenterait une sérieuse menace pour l'éducation religieuse au Québec, et en particulier pour l'éducation religieuse catholique dans cette province.
C'est la raison pour laquelle M. Murphy et moi sommes très heureux aujourd'hui d'avoir cette occasion de vous présenter notre mémoire sur le projet d'amendement à l'article 93 de l'Acte constitutionnel de 1867 demandé par l'Assemblée nationale du Québec. Sans m'étendre davantage, je demanderais à M. Murphy de vous expliquer les raisons pour lesquelles les membres de notre conseil et les gens que nous représentons sont très inquiets.
M. Martin P. Murphy (directeur exécutif, Conseil catholique d'expression anglaise): Bonjour, mesdames et messieurs. Je sais que le président m'a demandé de ne pas dépasser huit à 10 minutes pour cet exposé. Toutefois, j'ai préparé mon texte pensant que je disposerais d'un quart d'heure. Je ferai de mon mieux néanmoins.
Il y a beaucoup de points essentiels concernant la Constitution du Canada sur lesquels j'aimerais m'arrêter. Afin d'aller plus vite, si vous voulez suivre mon texte, je vous demanderais de passer directement à la troisième page. Je ne vais évidemment pas lire tout le mémoire, mais je voudrais souligner les points qui nous préoccupent particulièrement.
À la troisième page, le troisième paragraphe fait allusion à la ministre de l'Éducation Mme Marois qui a dit en juin 1996 que le gouvernement québécois ne demanderait pas d'amendement à la Constitution parce que cela retarderait de trois ou quatre ans la mise en oeuvre des commissions scolaires linguistiques. Elle avait alors invité 20 groupes pour s'assurer qu'elle pouvait procéder de cette façon. Remarquez que lorsqu'on leur a posé la question précise concernant l'abrogation de l'article 93, 15 de ces 20 groupes ont dit qu'ils n'y étaient pas favorables. Notamment, l'Assemblée des évêques du Québec ainsi que la Fédération des comités de parents de la province du Québec.
Je tiens à souligner que cette initiative particulière n'est pas nécessaire pour la mise en oeuvre de la Loi 107 qui a été déclarée constitutionnelle par la Cour suprême. Malheureusement, beaucoup de personnalités politiques, au palier tant fédéral que provincial, font croire à la population que le projet d'amendement est nécessaire pour que l'on puisse créer ces commissions linguistiques.
Par exemple, j'ai ici une lettre du premier ministre. J'y lis qu'un tel amendement permettra aux Québécois de créer des commissions scolaires linguistiques. Or, vous savez bien que cet amendement n'est pas nécessaire pour cela.
À plusieurs occasions, M. Dion aurait également déclaré que l'amendement «devait permettre la création de commissions scolaires linguistiques au Québec». Là encore, nous savons que cet amendement n'est pas nécessaire pour ce faire.
Nous déplorons le fait qu'il n'y ait pas eu d'audiences publiques au Québec à propos de cette modification à la Constitution. En fait, nous aurions été tout à fait prêts à collaborer à la recherche d'une solution acceptable pour les enfants. On ne nous a pas offert cette possibilité.
• 1025
Nous nous sommes félicités de voir que le gouvernement fédéral
allait organiser des audiences publiques. Mais, là encore, dans le
Global and Mail du 20 septembre, nous apprenons que M. Dion aurait
dit: «Les audiences doivent avoir lieu. Cela ne changera pas la
décision du gouvernement.»
J'espère que notre gouvernement respectera au contraire le processus démocratique et que cet exercice sera considéré comme tout à fait légitime.
Le mandat qu'a obtenu le gouvernement du Parti québécois ne comprenait pas une réforme de l'éducation confessionnelle par la voie d'un amendement à la Constitution. Aucun membre de l'opposition officielle n'a non plus consulté officiellement ses électeurs avant d'appuyer une telle mesure. Donc, lorsque l'on parle de consensus, je pense que cela signifie consensus parmi les 202 membres de l'Assemblée nationale; c'est le seul consensus qui existe.
Le problème que nous voyons pour l'avenir de l'éducation se trouve en caractères gras à la page 5. Il y a un an, les États généraux ont recommandé que la religion soit enseignée dans des endroits plus appropriés que les écoles bien que 74 p. 100 de la population sondée par SOM, La Presse et Télé-Québec le jour où a été publié ce rapport aient répondu non à la question suivante: «Doit-on sortir complètement la religion des écoles québécoises?»
J'attire votre attention sur le renvoi no 16 à la page 5 de notre mémoire. À l'instar de nombre de ses partenaires, le Conseil catholique d'expression anglaise a présenté dix boîtes de pétitions au nom de 283 000 personnes, le 10 décembre 1996. J'y étais et j'étais accompagné par le président de la Fédération des comités de parents de la province de Québec, M. Stranach, qui a témoigné ici la semaine dernière.
De nombreux politiciens nous garantissent que nous n'avons rien à craindre, car après tout, il y a toujours l'article 41 de la Charte du Québec. Toutefois, cet article n'offre pas de protection constitutionnelle; il fait partie de la législation provinciale. Deuxièmement, il ne fait qu'assurer une instruction religieuse et non pas nécessairement une éducation religieuse dans les écoles désignées institutions catholiques ou protestantes.
Étant donné la position du gouvernement du Parti québécois quant à la valeur du rôle que joue l'école dans l'éducation religieuse, nous doutons que ce qui existe et qui fait l'objet de promesses aujourd'hui puisse durer bien longtemps, surtout si les garanties constitutionnelles de nature confessionnelle sont éliminées.
On a invoqué la clause «nonobstant» en 1989 et en 1994. En passant, l'opposition péquiste avait alors voté contre la motion en question à deux reprises. Il s'agissait en effet de mettre la Loi sur l'instruction publique à l'abri de procédures juridiques visant l'application des chartes.
Cette mesure doit être renouvelée en 1999 et j'espère que mon collègue abordera la question de la clause «nonobstant» au cours de la période de questions.
«Attendu que l'article 23 de la Charte des droits et libertés garantit partout au Canada des droits à l'instruction dans la langue de la minorité...». L'article 23 ne s'applique pas intégralement partout au Canada. Comme 'indique l'article cité, le gouvernement du Québec a résolument refusé d'élargir sa portée afin qu'elle soit applicable au Québec.
Je tiens à souligner que l'article 23 de la Charte canadienne offre aux minorités de langue française hors Québec des droits plus importants que ceux accordés à la minorité de langue anglaise au Québec.
• 1030
M. Bouchard dit que le gouvernement fédéral ne peut accorder
à la minorité anglophone du Québec des garanties qu'il refuse à la
minorité francophone hors Québec. M. Bouchard a omis de préciser
que le droit à l'instruction dans la langue de la minorité sur la
base de la première langue apprise et encore comprise, tel que
précisé dans l'article 23(1) de la Charte canadienne, a été adopté
par toutes les provinces du Canada, à l'exception du Québec.
Plusieurs affirment que l'article 23 offre une protection plus grande que l'article 93. Nous savons que l'article 23 porte sur les droits linguistiques et que l'article 93 porte sur les droits confessionnels. Cela sous-entend qu'il faut faire un choix entre l'une ou l'autre disposition. Or ce n'est pas le cas—nous connaissons tous les dispositions de l'article 23.
Dans le préambule où l'on demande que le gouvernement fédéral modifie la Constitution canadienne, on affirme que l'amendement ne constitue en aucune façon une reconnaissance de la Loi constitutionnelle... Je crains que certains croient toujours que le Québec n'est pas lié par la Loi constitutionnelle de 1982, n'y ayant pas apposé sa signature. Imaginez.
Au sujet de l'amendement de Terre-Neuve, le 6 mars 1996, 15 membres du conseil permanent de la Conférence canadienne des évêques catholiques, dont six évêques du Québec, se sont entendus sur la recommandation suivante:
-
La Conférence canadienne des évêques catholiques demande aux
membres de la Chambre des communes et aux membres du Sénat du
Canada de mesurer soigneusement les conséquences de cette
proposition et d'affirmer qu'ils ne peuvent s'associer à l'adoption
d'une législation qui aurait pour effet de priver les minorités de
droits religieux et scolaires.
Au cours du débat sur l'établissement de commissions scolaires linguistiques—ce que nous avons toujours appuyé, qu'il s'agisse du projet de loi 40 en 1983, du projet de loi 3 en 1984 ou du projet de loi 107 en 1988—les catholiques de langue anglaise ont toujours appuyé l'établissement de commissions scolaires linguistiques assorties de garanties de nature confessionnelle. Les parents d'enfants fréquentant les écoles catholiques de langue anglaise ont maintes fois parlé, et continuent à le faire, avec une conviction éloquente, de la légitimité des écoles catholiques et des mérites de leur rôle dans la société québécoise. Au sein de notre Comité sur l'éducation, nous comptons des parents qui assistent à nos réunions. Ils viennent de sept commissions scolaires catholiques de la région géographique du Grand Montréal métropolitain que nous desservons.
Le Conseil catholique d'expression anglaise s'oppose à l'amendement constitutionnel à l'article 93 tel que proposé par l'Assemblée nationale pour étude par le gouvernement du Canada. Cet amendement, s'il est adopté, aurait non seulement pour effet d'éliminer les garanties constitutionnelles de nature confessionnelle, mais mettrait en péril l'existence même des écoles catholiques dans l'avenir. En outre, cela diminuerait les droits religieux et linguistiques des minorités du Québec.
À notre avis, il n'existe aucun consensus appuyant cette mesure. En fait, il existe beaucoup d'opposition, notamment de l'Assemblée des évêques du Québec qui continue de demander une garantie constitutionnelle pour assurer que les parents puissent avoir droit à une école confessionnelle lorsque le nombre le justifie.
Monsieur le président, à ce sujet, j'aimerais abandonner mon texte quelques instants. J'ai ici un exemplaire du mémoire de l'Assemblée des évêques du Québec présenté à la commission parlementaire.
[Français]
-
...nous continuons de demander que des garanties réelles soient
reconnues:
Parmi ces garanties, il y a celle-ci:
-
- une garantie
constitutionnelle pour assurer que les parents
puissent «lorsque le nombre le justifie» avoir droit à
une école confessionnelle.
Voulez-vous que je dépose ce document?
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Oui.
M. Martin Murphy: D'accord.
C'est la dernière page qui est importante.
Le gouvernement péquiste n'a pas révélé ce qui l'a motivé à chercher un amendement à la Constitution qui viendrait éliminer la protection de l'éducation confessionnelle, d'autant que la Cour suprême a jugé constitutionnelle la Loi sur l'instruction publique qui, en fait, est en voie d'être mise en oeuvre. On prend actuellement des mesures afin que les commissions scolaires linguistiques soient en place le 1er juillet 1998. En vertu de la Loi 107, on a déjà nommé les membres, qui sont déjà au travail, des conseils provisoires.
Le gouvernement péquiste n'a pas fourni de raisons substantielles pour expliquer pourquoi il s'oppose si fortement à l'élargissement des droits inclus dans la Constitution pour englober les garanties scolaires linguistiques ou encore pour quelle raison il refuse catégoriquement d'accorder à la minorité d'expression anglaise du Québec les droits à l'éducation déjà accordés aux minorités d'expression française de toutes les autres provinces.
L'article 93 de l'Acte constitutionnel de 1867 est le produit d'un compromis historique sans lequel le Canada n'aurait pas été possible. La modification de la Constitution d'un pays ne peut être traitée à la légère. Cela exige plutôt une étude attentive de la question qui tienne compte des conséquences d'une telle modification pour notre société et les générations à venir.
L'évêque Leonard Crowley, notre président honoraire, nous rappelle notre devoir en ce qui a trait à l'instruction religieuse:
-
Il est très important que le conseil souligne avec insistance que
les valeurs qui ont fait partie intégrante de nos écoles
catholiques doivent conserver une place dans tout modèle scolaire
susceptible d'émerger dans l'avenir. Faillir à cette tâche serait
renoncer à notre héritage et à nos responsabilités liées à l'avenir
de la foi au Québec.
Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Murphy.
Nous allons passer à la période de questions. Nous entendrons d'abord M. Peter Goldring.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci de cet exposé.
J'ai peut-être raté cette information, mais avez-vous été consultés avant l'adoption de cette résolution par l'Assemblée législative du Québec?
M. Martin Murphy: Oui. Notre conseil d'administration se réunit régulièrement et ses 25 membres sont élus, à tous les ans, lors de l'assemblée générale annuelle. Ils sont donc représentatifs de la communauté dans la mesure du possible.
M. Peter Goldring: Votre groupe était-il d'accord pour abroger l'article 93?
M. Martin Murphy: Nous nous opposons à l'amendement proposé par l'Assemblée nationale du Québec. Ça c'est la première chose. Deuxièmement, nous ne sommes pas un anachronisme. Nous sommes prêts à examiner l'ensemble des options afin de voir si... Nous tentons toujours d'apporter des améliorations et c'est la raison pour laquelle nous déplorons le fait que nous n'avons pas eu l'occasion de travailler avec l'Assemblée nationale pour parvenir à la meilleure solution.
M. Peter Goldring: J'ai une question supplémentaire.
À votre avis, pensez-vous que l'alinéa 93(3) prévoit un meilleur mécanisme d'appel, un meilleur recours en prévoyant un processus d'appel au gouverneur en conseil alors que l'article 23 permet d'en appeler aux tribunaux? En d'autres termes, convenez-vous que le processus d'appel prévu à l'article 93 est préférable ou supérieur?
M. Robert Wilkins: Notre organisme estime que la meilleure garantie pour l'éducation confessionnelle au Québec serait celle qui figurerait dans la Constitution, et non pas celle qu'offrirait une quelconque procédure d'appel. C'est pourquoi je ne peux que réitérer les propos de M. Murphy, à savoir que le conseil ne s'oppose pas à la création de commissions scolaires linguistiques au Québec. Nous y sommes favorables, depuis des années, du reste, comme l'indique le dossier de la question.
• 1040
Ce que nous contestons, c'est la création de commissions
scolaires linguistiques sans garanties constitutionnelles sur le
maintien des droits confessionnels en éducation qui, à notre avis,
sont des droits acquis pour les catholiques romains et les
protestants du Québec, et qui semblent toujours correspondre aux
aspirations de la majorité des Québécois. En tout cas, ils sont
bien conformes aux souhaits et aux aspirations de tous ceux que
notre conseil représente.
Il convient d'indiquer très clairement au comité que nous sommes favorables à des commissions scolaires linguistiques, mais sous réserve de garanties confessionnelles inscrites dans la Constitution. Nous ne nous contentons pas des «dispositions» qui ne figurent que dans la législation québécoise et qui, n'étant que des dispositions législatives, pourraient être éliminées tout à loisir par le gouvernement actuel ou par un futur gouvernement de la province de Québec.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Wilkins.
Nous allons maintenant écouter le sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Ne le prenez pas en mauvaise part, mais comment pouvez-vous revendiquer une protection qui ne s'appliquerait qu'à deux confessions? Dans la société actuelle, pourquoi ces deux confessions devraient-elles continuer de bénéficier d'un privilège spécial aux termes de la Constitution? Pourquoi ce même privilège devrait-il être refusé aux autres confessions? Ne convient-il pas de le leur accorder?
M. Martin Murphy: C'est une question de droits ancestraux. La prérogative constitutionnelle de l'accès à des écoles catholiques et protestantes a été consentie par la Couronne britannique en 1774, puis consacrée dans la Constitution de 1867 par toutes les parties concernées. Quoi qu'on puisse penser de ces droits, ils existent. Je peux vous retourner la question dans ces termes: faut- il que les catholiques abdiquent leurs droits sous prétexte que d'autres en revendiquent de semblables?
Nous ne faisons pas campagne pour refuser des droits aux autres. Pourquoi les autres font-ils campagne pour nous priver de ce que nous avons? Le pluralisme en éducation est le prétexte invoqué par ceux qui veulent imposer le plus petit dénominateur commun—de façon à n'offenser personne. En réalité, le pluralisme en éducation exige que l'on prête attention à tous et à chacun, et non pas que les différences religieuses et culturelles soient émoussées de façon qu'on puisse imposer le même système unique à tout le monde. Au lieu d'exiger la disparition de l'école catholique, le respect de la démocratie et du pluralisme social et religieux en justifie l'existence même.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Ce n'est pas vraiment la question.
Il se trouve que je suis très sensible aux droits des minorités, et je n'appuierai aucun changement avant d'en avoir étudié toutes les implications. Votre argument m'aurait impressionné davantage si vous aviez reconnu le caractère pluraliste de la société dans laquelle nous vivons, en disant qu'il ne faut pas faire de cette protection notre prérogative exclusive, mais qu'il convient au contraire de l'appliquer aux autres confessions religieuses.
Pourquoi les étudiants juifs, musulmans ou de quelque autre confession n'auraient-ils pas droit à l'éducation religieuse dans le cadre du programme d'enseignement des écoles publiques, si cela ne porte pas atteinte à l'enseignement religieux qui existe déjà?
M. Martin Murphy: Nous sommes tout à fait favorables à l'octroi des mêmes droits aux autres confessions. Comment pourrions-nous exiger le respect de nos droits si nous les refusons aux autres?
La Loi 107, dont la validité constitutionnelle a été reconnue, permet précisément le modèle que vous proposez. Chaque école doit proposer en permanence des cours d'instruction religieuse catholique et de morale ainsi que des cours d'instruction religieuse protestante, et une disposition de la loi précise que là où le nombre le justifie, il peut précisément y avoir les cours d'instruction religieuse juive dont vous parlez.
Les catholiques anglophones ont été très sensibles à la question que vous soulevez. J'ai déjà été directeur des programmes dans une commission scolaire à laquelle étaient inscrits des enfants des autres confessions, juifs, musulmans, etc. Nous avons consulté les parents pour trouver une formule qui leur serait acceptable, et nous avons proposé différents modèles. Par exemple, pendant le cours d'instruction religieuse, l'enfant pouvait rester en classe et se livrer à d'autres travaux, sous réserve du consentement des parents. Certains parents ont même indiqué que leur enfant pouvait suivre des cours de religion catholique, dans la mesure où l'école n'imposait pas de pratiquer la religion. On a ainsi appliqué plusieurs modèles, ce qui montre bien que nous sommes très sensibles au sort de ceux qui ne bénéficient pas de la même prérogative que nous.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Mais vous ne faites pas confiance à la Loi 107. C'est pourquoi vous ne voulez pas renoncer à l'article 93.
M. Martin Murphy: Nous approuvons pleinement la Loi 107— c'est-à-dire les commissions scolaires linguistiques accompagnées des garanties confessionnelles prévues dans la loi—mais n'oubliez pas que la loi s'inscrit dans le contexte de la Constitution actuelle. Nous n'avons jamais imaginé qu'on puisse demander la suppression de tout l'article 93 sans proposer une contrepartie acceptable pour notre communauté.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Vous êtes donc favorables à la Loi 107 dans la mesure où l'article 93 est préservé.
M. Martin Murphy: Oui, à quelques variantes près. Le paragraphe 93.2 serait peut-être suffisant, sous réserve de certains aménagements ou de certains compromis, mais on ne peut pas renoncer intégralement à l'article sans rien obtenir en contrepartie.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Le prochain intervenant est M. Ménard.
M. Réal Ménard: Bonjour. Avec tout le respect que je vous dois, je crois que prétendre qu'il n'y a pas eu de consultation n'est pas le meilleur argument que vous puissiez invoquer devant ce comité. Depuis les années 1980, il y a eu quatre projets de loi et, bien sûr, la tenue des États généraux. Si on faisait la liste de tous les gens qui ont pu s'exprimer en rapport avec la problématique des commissions scolaires linguistiques, on pourrait facilement en venir à la conclusion que chacun des témoins qui comparaît devant nous a eu l'occasion de s'exprimer deux ou trois fois au Québec sur la question. Je vous soumets donc ce premier commentaire.
Mon deuxième commentaire est celui-ci. Êtes-vous d'accord avec moi pour reconnaître qu'en réalité, aucun droit confessionnel ne vous sera enlevé? Je veux dire par là que la Loi sur l'instruction publique vous permet et permet à chaque parent, en début d'année scolaire, de faire un choix et de signifier ce choix-là aux autorités scolaires.
Deuxièmement, le statut confessionnel est conféré par deux comités: le comité protestant et le comité catholique qui relèvent du ministère et qui vont continuer à être en exercice. Je trouve, par conséquent, que les conclusions sont bien vite tirées entre la modification de l'article 93 et la disparition de l'accès à des droits religieux dans les écoles qui pourrait en découler.
Troisièmement, et je termine là-dessus, il n'y a pas actuellement de droit linguistique en jeu. Vous le savez très bien. L'alinéa 23(1)a) ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de l'accès à la langue d'enseignement de la minorité. C'est à la Loi 101 qu'il faut se reporter. Vous savez très bien que les jugements des différents tribunaux, particulièrement ceux de la Cour suprême, ont fait en sorte que la clause Québec qui s'appliquait en 1977 a été remplacée par la clause Canada. Cela n'est pas remis en cause.
Alors, le lien que vous établissez avec l'accès d'une minorité à sa langue d'enseignement n'entre pas dans la balance dans ce débat-ci. J'aimerais que vous soyez capable de l'admettre, car autrement, il s'établit une confusion dans l'esprit de nos concitoyens.
Ce qui fait l'objet du débat, c'est la structure scolaire confessionnelle dans le cas de ces entités administratives que sont les commissions scolaires. C'est de cela qu'on discute.
[Traduction]
M. Martin Murphy: Tout d'abord, pour ce qui est des états généraux, j'y ai fait des interventions en août 1995 et en septembre dernier, puis j'ai participé à une autre réunion importante. À ma connaissance, lors des états généraux, personne n'a fait référence à la possibilité que le Québec demande que le dossier des commissions scolaires linguistiques soit lié à l'abrogation de l'article 93. Il n'en a pas été question dans le contexte des états généraux. Donc, en ce qui concerne les liens que j'aurais pu faire, selon vous, il n'y a aucun rapport entre le débat des états généraux et le débat actuel.
En ce qui concerne une éventuelle suppression des droits confessionnels du fait de l'article 41, je vais demander à mon collègue de vous fournir une réponse.
Quant à votre troisième question sur le statut confessionnel conféré par les deux comités, c'est-à-dire le comité catholique et le comité protestant, ce statut existe effectivement aujourd'hui. Je veux dire que nous avons l'obligation, aussi bien envers la génération actuelle qu'envers les générations futures, de mener ces études à leur terme.
• 1050
Le 15 mars, la ministre Marois a annoncé qu'elle allait
constituer un groupe de travail pour étudier la pertinence de
l'enseignement religieux dans les écoles, faisant ainsi un lien
avec la recommandation des états généraux quant au lieu...
Autrement dit, elle estime que l'enseignement religieux devrait
être dispensé dans un lieu plus approprié que l'école.
Vous remarquerez la chronologie des événements, qui mine quelque peu notre confiance. Le groupe de travail a été constitué, et il doit présenter son rapport à l'automne 1998. Nous prévoyons la tenue d'audiences publiques au printemps 1999. Il est donc possible que la suppression des deux comités actuels soit recommandée par ce groupe de travail et par la commission parlementaire qui doit tenir des audiences publiques au printemps 1999.
Je vais maintenant demander à mon collègue de parler des implications des droits confessionnels, car elles sont liées à la question de la clause nonobstant.
M. Robert Wilkins: Merci, monsieur Murphy.
Ce que nous craignons, si l'on abroge l'article 93 tel qu'il s'applique au Québec sans proposer de contrepartie en échange—nous insistons sur ce point-c'est qu'une fois que l'article 93 cessera de s'appliquer au Québec, il n'y aura plus de garantie constitutionnelle de l'enseignement confessionnel proprement dit.
Il est vrai, comme l'a indiqué M. Ménard, qu'en vertu de l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, les parents peuvent exiger des cours d'enseignement religieux pour leurs enfants. Mais il s'agit non pas d'une garantie constitutionnelle, mais d'une disposition législative, qui est donc assujettie au bon vouloir du législateur. Comme l'a indiqué M. Murphy, la ministre de l'Éducation a déjà émis des doutes quant à la pérennité de l'enseignement confessionnel au Québec, ou du moins, elle se demande s'il a encore un sens et s'il est toujours opportun. Elle a constitué un groupe de travail sur ce sujet et elle a déclaré que dans les deux ans qui suivront la création des commissions linguistiques, chaque école sera invitée à s'interroger sur son statut confessionnel pour déterminer s'il est toujours de mise.
Si l'on place cette évolution dans le contexte des recommandations des états généraux, demandant notamment que les cours de religion chrétienne soient dispensés dans des lieux plus appropriés que l'école, les membres du comité comprendront aisément que notre organisme et tous ceux que nous représentons en éprouvent de graves inquiétudes. On en déduit que cet enseignement sera assujetti à l'article 41; or, il ne s'agit que d'une disposition législative susceptible d'être modifiée.
C'est également une disposition qui s'adresse aux parents plus qu'aux écoles, qui porte sur l'instruction religieuse plus que sur l'éducation religieuse dans le sens large du terme, y compris l'animation pastorale, les services religieux, et d'autres éléments qui nous semblent indispensables à une véritable éducation religieuse.
De plus, la clause nonobstant qui pourrait être invoquée par le Parti québécois pour assurer la survie des écoles confessionnelles au Québec, ne sera probablement pas invoquée par ce même parti comme elle l'a été par l'ancien gouvernement libéral du Québec en 1989 et en 1994, à l'époque où l'article 726 de la Loi sur l'instruction publique a été adopté puis ensuite réaffirmé cinq ans plus tard.
Lorsqu'il était dans l'opposition pendant ces deux années, le Parti québécois avait voté contre l'application de la clause nonobstant pour sauvegarder les écoles religieuses du Québec. Dans ces conditions, lorsque l'article 726 de la Loi sur l'instruction publique sera réexaminé, comme il doit l'être en 1999, il est probable que le Parti québécois, qui est actuellement au pouvoir dans la province, ne sera pas en faveur de ce maintien.
Autrement dit, la plus haute loi du pays, la Charte canadienne des droits et libertés, l'emporterait sur la Charte du Québec et sur l'article 41 de celle-ci. La Charte canadienne pourrait fort bien être invoquée pour sortir la religion des écoles du Québec, interdire les pratiques religieuses, interdire les offices religieux et attaquer le service d'animation pastorale, tout comme cette charte a déjà été invoquée, apparemment avec succès, lors de nombreux litiges en Ontario concernant les écoles publiques.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Wilkins.
Nous allons maintenant donner la parole à Nick Discepola.
[Français]
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président.
Les témoins ont souligné un point important et je voudrais encore insister pour que soit invitée à comparaître l'Assemblée des évêques du Québec. En effet, dans leurs témoignages, les témoins nous lisent des extraits de ce qu'elle a dit devant la commission parlementaire au Québec et il me semble y voir des contradictions.
[Traduction]
Monsieur Murphy, je m'interroge; vous avez cité le mémoire, je le cite moi-même:
[Français]
-
- une garantie constitutionnelle pour assurer que les
parents puissent «lorsque le nombre le justifie» avoir
droit à une école confessionnelle.
[Traduction]
Et pourtant, dans une lettre adressée à l'honorable Stéphane Dion, ils ont dit:
[Français]
-
Notre acceptation du changement du statut des
commissions scolaires a toujours été accompagnée par
une condition: que
les garanties confessionnelles que la Loi 107 a
établies soient maintenues.
[Traduction]
Ils semblent dire qu'ils sont satisfaits de la protection que leur accorde le projet de loi 107. Pourquoi cette protection ne vous semble-t-elle pas suffisante en ce qui concerne l'instruction religieuse?
Vous avez parlé d'«instruction religieuse» et d'«éducation religieuse», comme s'il y avait une différence entre les deux. Pouvez-vous m'expliquer en quoi consiste cette différence. J'aurai ensuite une autre question.
M. Martin Murphy: Merci.
En mars, nous avons rencontré Monseigneur Gaumond, de Sherbrooke, qui était alors président de l'Assemblée des évêques du Québec. Nous lui avons demandé quelle était la position de l'assemblée, et à l'époque, nous étions tous en faveur des commissions scolaires linguistiques assorties de garanties confessionnelles.
M. Nick Discepola: Mais tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir, surtout pas les évêques.
M. Martin Murphy: Je ne sais pas si c'est par accident ou à dessein, mais il se trouve que certains politiciens en ont profité et n'ont cessé de répéter par la suite que les évêques n'étaient pas contre l'article 93. J'aurais préféré qu'ils finissent la phrase: «Ils ne sont pas pour non plus». Il y a un point juste après «ils ne sont pas contre non plus». Voilà pour une chose.
Je sais que le 30 septembre, le nouveau président, Pierre Morrissette, a envoyé une lettre à M. Dion, dans laquelle il explique clairement que l'Assemblée des évêques du Québec, tout en étant en faveur des commissions scolaires linguistiques, ne s'est jamais prononcée en faveur de l'abrogation de l'article 93. Je n'étais pas là, mais on m'a dit que le premier ministre a vu la lettre, ou peut-être que M. Dion...
M. Nick Discepola: Je viens tout juste de citer cette même lettre, celle du 30 septembre, dans laquelle les évêques disent qu'ils sont satisfaits de la protection que leur accorde le projet de loi 107. Pourquoi cette protection ne vous semble-t-elle pas suffisante, à vous?
M. Martin Murphy: Le projet de loi 107 est assujetti aux réserves de la clause nonobstant. Si la clause nonobstant n'est pas invoquée en 1999, la charte sera le document juridique qui régira nos droits en priorité. Un résidant de votre circonscription dans l'ouest de l'Île de Montréal peut prétendre que ses droits sont violés et intenter des poursuites, et la charte doit confirmer l'existence de ce droit individuel. Le résultat net, c'est qu'on ne pourra plus enseigner la religion dans cette école.
M. Nick Discepola: Mais est-ce qu'on l'enseigne pour l'instant?
M. Martin Murphy: Bien sûr qu'on l'enseigne.
M. Nick Discepola: Expliquez-moi la différence entre instruction religieuse et éducation religieuse.
M. Martin Murphy: Pour commencer, bien qu'on enseigne la religion dans nos écoles, je ne prétendrais certainement pas que nous sommes au royaume de la perfection. Nous pouvons développer ce qui existe déjà, mais si les parents envoient leurs enfants dans des écoles catholiques lorsqu'ils en ont la possibilité, c'est parce que dans ces écoles on leur donne une formation importante, un système de valeurs qui sera utile aux enfants toute leur vie.
La différence, c'est que l'instruction religieuse se limite à 60 ou 50 heures par année d'après le programme d'études officiel, selon le régime pédagogique, et c'est le minimum d'instruction religieuse offerte dans les commissions scolaires où il n'y a pas d'école catholique autonome. Une école catholique ne se contente pas de juxtaposer les sujets religieux et les sujets séculiers, mais elle transmet une philosophie et un système de valeurs qui sont conformes à la mission de Jésus-Christ.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Murphy.
Nick, si vous le voulez bien, je vais maintenant donner la parole à Paul DeVillers.
[Français]
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Pour commencer, il y a la question de la position des évêques. Pratiquement tous les témoins nous en parlent. Comme M. Discepola l'a observé, dans cette lettre du 30 septembre, les évêques déclaraient qu'ils n'étaient ni pour ni contre, je parle de l'abrogation de l'article 93, à condition qu'il y ait des garanties. Ils ne précisent pas si ces garanties doivent être constitutionnelles ou autres.
Aujourd'hui, vous nous avez apporté le texte de votre intervention devant la commission parlementaire provinciale. Nous avons également entendu l'entrevue de Monseigneur Turcotte la semaine dernière sur RDI; il disait qu'il était satisfait des garanties offertes par les lois québécoises. Il y a donc une certaine contradiction et nous ne savons toujours pas si ces garanties doivent être constitutionnelles ou pas.
À ce sujet, vous nous dites que vous ne voyez pas d'inconvénient à ce que d'autres groupes revendiquent une protection. Est-ce que cela veut dire que toutes les religions ou tous les droits religieux doivent être garantis dans la Constitution, que tout cela doit être enchâssé? Dans ce cas, est-ce que cela est bien réalisable? Par exemple, à Terre-Neuve, on a jugé que ce n'était pas possible.
M. Martin Murphy: Vous revenez encore une fois à la position des évêques et il faut que je vous réponde, car cette lettre a été signée par l'évêque de Baie-Comeau qui venait d'être élu. Il venait tout juste d'être élu président de l'Assemblée des évêques du Québec.
Je vous rappelle qu'au mois d'août, c'est Monseigneur Jean- Pierre Blais, le président du Comité épiscopal de l'éducation, qui avait parlé de l'importance des garanties constitutionnelles. Je vous pose une question de pure forme: est-ce que le président qui venait d'être élu avait eu suffisamment de temps pour bien s'informer des circonstances et de la position du président de son Comité de l'éducation?
Je me contente de vous expliquer les faits. J'imagine que les évêques ne vont pas répondre que ce n'est pas ce qu'ils voulaient dire, qu'ils ne parlaient pas vraiment de garanties constitutionnelles. Après tout, c'est noir sur blanc.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci.
[Traduction]
M. Martin Murphy: Soit dit en passant, la lettre du 6 mars 1996 porte la signature de six personnes, dont l'archevêque Turcotte, qui avaient mis en garde la Chambre des communes et le Sénat, leur disant de mesurer soigneusement les conséquences de la proposition de Terre-Neuve.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Murphy.
[Français]
Nous devons encore entendre Mme Gagnon, Mme Jennings, le sénateur Lynch-Staunton, Mme Finestone et M. Goldring. Donc, est-ce que je peux faire appel à votre coopération pour que vous soyez brefs, s'il vous plaît, de façon à ce que tous les membres du comité puissent avoir l'occasion de s'exprimer?
M. Paul DeVillers: Je n'ai pas eu de réponse à ma question
[Traduction]
sur la façon dont nous inscririons dans la Constitution tous les droits religieux. Cela m'intéresse beaucoup.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Wilkins.
[Français]
M. Robert Wilkins: J'aurais voulu tout simplement souligner qu'au Québec, on parle assez souvent de l'établissement de commissions scolaires linguistiques avec garanties confessionnelles. Mais les garanties confessionnelles auxquelles on fait allusion par cette tournure de phrase-là ne sont rien d'autre que les dispositions de la Loi sur l'instruction publique du Québec telle qu'elle se lit actuellement.
Quand on s'exprime par les mots «commissions scolaires linguistiques avec garanties confessionnelles», on fait surtout allusion aux lois provinciales, aux lois provinciales qui ne sont pas entérinées dans la Constitution canadienne au niveau fédéral. Il y a peut-être là un léger malentendu qui risque de se glisser.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci de votre précision, monsieur Wilkins.
Madame Gagnon, brièvement.
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Bonjour.
Vous semblez mettre en doute le consensus qui s'est établi au Québec, bien que la plupart des associations ou fédérations de parents et d'enseignants et des commissions scolaires se soient exprimées.
Je vous rappellerai que de 1973 à 1994, il y a eu 12 enquêtes publiques afin de sonder l'opinion de la population et qu'actuellement, il y a plus de 60 p. 100 des gens de la région de Montréal et de la région de Québec qui considèrent la langue comme valeur prédominante de leur identité.
• 1105
Je pense que cela aussi doit être respecté. Si
aujourd'hui on faisait un sondage, je pense que les
résultats indiqueraient que 60 p. 100 de la population
se définit en fonction de la langue plutôt qu'en
fonction de la religion
et souhaite qu'il y ait des commissions scolaires
linguistiques ainsi que de l'enseignement
religieux dans ses écoles anglaises et françaises. Ce
serait beaucoup plus réaliste par rapport à la société
moderne dans laquelle nous vivons, société
respectueuse des diverses cultures et d'autres
religions.
Est-ce que vous reconnaissez qu'il y a de 58 à 60 p. 100 des gens qui... Un sondage de la maison Léger & Léger assez récent l'a aussi démontré. Je me dis que s'il y avait un référendum aujourd'hui, c'est l'opinion qui serait dominante dans notre société.
M. Robert Wilkins: Je pense que là, vous rejoignez carrément la position du English Speaking Catholic Council, la position traditionnelle voulant que nous aussi, nous appuyions l'établissement de commissions scolaires linguistiques, mais...
Mme Christiane Gagnon: Les sondages et les enquêtes publiques révèlent que les parents, les gens veulent des commissions scolaires d'abord linguistiques et qu'ensuite il y ait de l'enseignement religieux, mais que les structures ne soient plus confessionnelles au Québec. D'ailleurs, en 1861,...
M. Robert Wilkins: Exactement.
Mme Christiane Gagnon: ...c'était aussi la démarche qu'on voulait faire.
M. Robert Wilkins: Nous n'exigeons pas le maintien des commissions scolaires confessionnelles. Nous avons essayé aujourd'hui de souligner cela de façon assez claire. Notre position est de nous opposer à l'amendement proposé si on n'associe pas à cet amendement une protection d'un autre genre. Ce qui compte vraiment, à notre avis, c'est le maintien de l'école confessionnelle, non pas des commissions scolaires confessionnelles.
Il faut aussi souligner que, dans les sondages auxquels M. Murphy a fait allusion, 74 p. 100 des parents québécois semblent s'opposer à l'élimination de l'instruction religieuse dans les écoles québécoises. Et même, comme l'a souligné l'Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec à la page 5 de son mémoire présenté devant ce comité la semaine dernière, 2 500 écoles de la province de Québec ont consulté les parents concernant la révision du statut confessionnel et moins de cinq communautés scolaires ont choisi d'éliminer le statut confessionnel de leurs écoles.
De plus, parmi 200 nouvelles écoles qui viennent d'ouvrir leurs portes au cours des dernières années, moins de 5 p. 100 ont demandé un statut non confessionnel. Je pense qu'il y a là une indication qu'il existe bien un attachement chez la grande majorité des Québécois, peut-être pas aux commissions scolaires confessionnelles, mais bien aux écoles confessionnelles et à l'éducation, au sens large du terme, qui y est dispensée.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Wilkins. Madame Finestone.
[Traduction]
L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib): Je suis d'accord avec l'opinion que vous venez d'exprimer. Cela semble être l'opinion de la grande majorité. Est-ce que je me trompe ou bien est-ce que la grande majorité voudrait garder des écoles confessionnelles—des écoles, et non des commissions? C'est bien la situation?
M. Robert Wilkins: C'est également ce que je comprends.
L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Murphy, monsieur Wilkins, je pars du postulat que nous vivons dans une société très évoluée. Je ne suis pas d'accord lorsqu'il s'agit de protéger deux confessions seulement, sans égard aux droits inhérents qui doivent être respectés dans la structure du Canada. Je souhaiterais que ce droit soit élargi pour tenir compte de la société actuelle.
J'aimerais qu'il soit compris sans équivoque que j'appuie le régime scolaire linguistique, surtout celui des écoles en langue anglaise, puisque j'estime que les anglophones du Québec ne sont pas traités comme les autres anglophones du Canada dans le régime scolaire. Cela me fâche beaucoup et j'aimerais bien que l'alinéa 23(1)a) soit inclus, mais je ne crois pas que les voeux pieux soient suffisants pour cela.
Il faut, je crois, trouver le moyen de respecter les droits des enfants—à ce propos, nous avons signé un accord international relatif à ces droits—tout autant que le droit des parents de choisir.
• 1110
Dans l'un des nombreux documents qui accompagnaient votre
mémoire, on exprimait l'opinion qu'il faudrait reconnaître le
pouvoir de la province de Québec de continuer à légiférer en
matière confessionnelle dans le régime scolaire. Ce mémoire était
l'un des nombreux documents que nous avons ramenés chez nous pour
les étudier, et je croyais que ce document représentait votre
opinion.
Appuieriez-vous un amendement ou un élargissement de la protection sous le régime de l'article 93 ou préféreriez-vous une modification au libellé, ce que nous ne pouvons faire, comme vous le savez bien?
M. Martin Murphy: Puisque l'article 23 existe, il ne s'agit pas de choisir l'un ou l'autre. Deuxièmement, vous ne souhaitez pas limiter les possibilités d'instruction religieuse pour les catholiques et les protestants, mais j'ai répondu à cette préoccupation—peut-être pas directement à la question, mais j'en ai parlé avec le sénateur Lynch-Staunton—quand j'ai dit que je ne voyais pas comment on pouvait insister pour obtenir quelque chose pour soi si on le refuse à quelqu'un d'autre. Nous sommes tout à fait d'accord avec ce que vous faites valoir. J'ai mentionné que cela serait possible dans l'application de certains articles du projet de loi 107.
L'hon. Sheila Finestone: Vous parlez des écoles conformes à l'intérêt public?
M. Martin Murphy: Oui, et lorsque le nombre le justifie. S'il n'y a que cinq enfants dans une localité, ce n'est pas possible, mais on peut fournir à ces cinq enfants... il s'agit de respecter le choix des parents en matière de culture et d'identité, du point de vue religieux, et je sais que c'est possible d'après mon expérience.
L'hon. Sheila Finestone: Voici ma dernière question. Tant que nous n'avons pas de garantie que le projet de loi 107, tel que modifié par le projet de loi 109, repose sur une structure constitutionnelle, tant qu'il n'y a pas une telle structure constitutionnelle en place, nous devons continuer d'appliquer l'article 93. Il y a un manque de confiance...
M. Martin Murphy: Tout à fait.
L'hon. Sheila Finestone: ... un manque de souci, l'avenir et l'histoire nous montreront qu'il faut avoir des structures constitutionnelles. À une certaine époque, on avait des droits, puis on n'en avait plus et j'ai été la première à m'en débarrasser. C'est un célèbre Premier ministre du Québec qui...
M. Martin Murphy: Je tiens à indiquer que nous avons eu des audiences publiques au Québec... Nous étions tout à fait prêts à collaborer pour trouver une bonne solution pour les enfants, mais on nous a refusé cette possibilité. Nous ne sommes pas des dinosaures. Nous sommes prêts à travailler avec les autres pour respecter le souhait des gens qui accordent une grande valeur à l'éducation religieuse, à titre de choix dans notre société.
L'hon. Sheila Finestone: Appuyez-vous tout comme moi l'enseignement des langues, l'enseignement de l'anglais et du français?
M. Martin Murphy: Tout à fait.
M. Robert Wilkins: Tout à fait.
Nous respectons également le pluralisme en matière de religion. Dans un certain nombre d'écoles catholiques romaines de Montréal, les enfants d'autres religions sont bienvenus et respectés. On ne leur fait pas de lavage de cerveau et on ne les oblige pas non plus à se convertir par des pressions ouvertes ou cachées. En outre, madame Finestone, dans certaines écoles catholiques romaines de Montréal, certaines salles sont réservées aux étudiants musulmans comme salles de prière. C'est vrai surtout des écoles catholiques anglophones.
Nous croyons que le maintien des écoles catholiques, loin de nuire au pluralisme contemporain de notre société, répond très bien, au Québec du moins, à cet objectif louable et peut même dans certains cas faire davantage que les écoles non confessionnelles pour ce qui est de reconnaître et de favoriser ce climat très sain au Canada.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Wilkins.
L'hon. Sheila Finestone: Puis-je faire une observation?
C'est un vrai plaisir d'entendre cela. J'ai vécu au Québec à une époque où ce n'était pas possible. Cela montre bien comment notre fédération peut évoluer. Nous devrions appuyer cette évolution.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Peter Goldring.
M. Peter Goldring: Ma question s'adresse à M. Murphy.
Votre groupe représente quelque 240 000 membres. Nous avons entendu la semaine dernière un groupe qui en représentait 650 000. Compte tenu de l'ambiguïté que l'on trouve même dans les déclarations de l'évêque et compte tenu des doutes sérieux au sujet du consensus mentionné dans cette demande, pourriez-vous nous dire en gros, puisqu'il n'est pas possible d'être précis, quel pourcentage des Québécois s'opposerait, d'après vous, à l'abolition de l'article 93?
M. Martin Murphy: Avant de répondre à votre question, j'aimerais dire ce qui suit. Le comité doit tenir compte du fait que s'il existe un sentiment de consensus à l'égard de l'amendement, ce consensus pourrait bien émaner de la majorité de la population. Toutefois, ce sont les droits des minorités qui sont en cause ici. Nous sommes des catholiques de langue anglaise et bien que, à titre de catholiques, nous faisions partie d'une majorité, nous constituons en fait une minorité quant à notre participation en matière d'enseignement dans une commission scolaire catholique. À titre d'anglophones au Québec, nous constituons une autre minorité.
Pour répondre à votre question, les résultats d'un sondage très crédible réalisé il y a un an pourraient même montrer que plus de 74 p. 100 des gens souhaitent que la religion reste une option dans les écoles du Québec. Il faut se rappeler que ces 74 p. 100 représentaient la population francophone.
M. Peter Goldring: Cela signifie donc que 74 p. 100 de la population seraient en faveur du maintien de l'article 93?
M. Martin Murphy: Eh bien, non. Robert, réponds à cette question.
M. Robert Wilkins: Non, 74 p. 100 des gens estimaient que les parents devraient continuer de pouvoir choisir l'enseignement religieux dans les écoles du Québec. Cela n'a rien à voir avec la question des commissions scolaires confessionnelles.
Ce qui nous inquiète, c'est que l'élimination de l'article 93 mettrait en péril le maintien de l'enseignement religieux au Québec, d'une façon générale—qu'il s'agisse d'enseignement catholique, protestant, musulman ou autre—dans les écoles publiques.
Éliminer l'article 93 sans accorder de garantie constitutionnelle à l'égard des droits à l'enseignement religieux serait à notre avis contraire à l'opinion de 74 p. 100 de la population, qui veut s'assurer que l'enseignement religieux n'est pas éliminé des écoles du Québec.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Murphy. Merci beaucoup, monsieur Wilkins,
[Français]
pour cette présentation au nom du Conseil catholique d'expression anglaise. Vous m'avez appris plus tôt le décès de l'épouse de M. Harrington, votre président. Au nom des membres du comité, je vous demanderais de lui transmettre nos condoléances.
[Traduction]
M. Martin Murphy: Merci beaucoup. Je vous remercie de votre accueil et vous offre mes meilleurs voeux dans la réalisation de cette tâche très difficile.
[Français]
M. Robert Wilkins: Merci, monsieur le président. Nous nous ferons un plaisir de transmettre à M. Harrington vos condoléances et celles des membres de cet honorable comité. Permettez-moi d'ajouter mes remerciements pour votre audition calme et intense de notre présentation.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association provinciale des enseignants et enseignantes protestants du Québec.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Je vous informe que nous avons communiqué avec les membres de l'Assemblée des évêques du Québec qui, lors de leur réunion, ont convenu à l'unanimité qu'ils ne voulaient pas se présenter devant le comité. Je vous communique simplement leur réponse. Merci.
[Traduction]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous sommes maintenant prêts à entendre notre second groupe de la matinée, l'Association provinciale des enseignantes et enseignants protestants du Québec.
[Français]
À vous la parole.
Mme Jan Langelier (présidente, Association provinciale des enseignantes et enseignants protestants du Québec): Je m'appelle Jan Langelier et je suis présidente de l'Association provinciale des enseignantes et enseignants protestants du Québec. Je suis accompagnée de M. Alan Lombard, directeur exécutif de notre association.
Je crois comprendre qu'on vient de distribuer les versions anglaise et française de notre document. Question d'efficacité, je parlerai en anglais puisque c'est ma langue maternelle et que j'arrive à parler plus vite ainsi. Par contre, je serai prête à répondre à vos questions en français si vous le désirez.
[Traduction]
L'Association provinciale des enseignantes et enseignants protestants du Québec est la plus ancienne association d'enseignants, puisqu'elle a été créée en 1864. L'APEP est une fédération regroupant 12 syndicats d'enseignantes et d'enseignants de toute la province de Québec. Elle compte près de 6 500 membres, est non confessionnelle et bilingue.
• 1120
Je tiens également à souligner que notre association est une
fédération démocratiquement constituée de syndicats d'enseignants.
Nous représentons les enseignants francophones et anglophones à
tout le moins, issus d'une multitude de groupes culturels et
religieux ou non religieux. Nous adoptons nos politiques après
avoir consulté nos membres. L'APEP est un syndicat indépendant qui
travaille toutefois en étroite relation avec les deux autres
organismes d'enseignants de la province—la Centrale de
l'enseignement du Québec et l'Association provinciale des
enseignants catholiques.
Avant d'en arriver à l'essentiel de notre exposé, je voudrais commencer par dire deux choses. La première est que notre association se préoccupe de cette question depuis longtemps et même très longtemps. Nous ne pensons pas que le gouvernement agisse de façon trop précipitée. Il s'agit peut-être d'un fait nouveau pour certains, mais certainement pas pour nous.
À une époque plus moderne, depuis le rapport Parent, nous avons cherché à contourner l'obstacle que représentaient les garanties confessionnelles prévues à l'article 93, un obstacle, soit dit en passant, qui a surtout été dressé, selon nous, par les deux commissions scolaires confessionnelles de l'île de Montréal, la Commission scolaire protestante du Grand Montréal et la Commission scolaire catholique de Montréal. L'APEP a réclamé cette modification bien avant le gouvernement du Québec. Nous nous préoccupons depuis longtemps du genre d'enseignement que nous offrons dans nos écoles.
Deuxièmement, quand nous avons vu le mouvement de protestation s'amorcer de nouveau au cours de cette dernière série de pourparlers, nous avons jugé très important de clarifier la situation pour le milieu anglophone de l'éducation du Québec. Par conséquent, nous avons coparrainé avec la Faculté de droit et la Faculté d'éducation de l'Université McGill un symposium au cours duquel Pierre Foucher, de l'Université de Moncton, nous a présenté un exposé sur les garanties qu'offre la Constitution canadienne. M. Foucher milite depuis longtemps pour les droits énoncés à l'article 23 dans les autres provinces.
Ce symposium visait à informer honnêtement et ouvertement le milieu éducatif anglophone au sujet de la position que nous appuyons depuis longtemps.
Cela dit, je passe maintenant à notre mémoire.
Au risque de répéter ce que des analystes mieux qualifiés ont déjà dit, il vaut sans doute la peine de souligner que, de toute évidence, l'article 93 accorde très peu de protection à qui que ce soit. Il ne contient pas grand-chose, si ce n'est des dispositions qui rendent la mise en place de commissions linguistiques inutilement difficile et compliquée.
Les paragraphes 3 et 4 de l'article 93 n'ont, en fait, jamais été utilisés et sont périmés à toutes fins utiles. Tous les problèmes d'interprétation portaient sur les paragraphes 1 et 2 qui ont largement fourni aux avocats et juristes, l'occasion de se fourvoyer et de nous induire en erreur. Heureusement, les choses sont maintenant beaucoup plus claires qu'elles ne l'étaient il y a quelques années.
Vingt ans de litige ont abouti à l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada à la suite du renvoi concernant le projet de loi 107, en 1993. Cette décision fait suite à une série d'interprétations que la Cour suprême avait données dans des affaires antérieures. Par conséquent, cela n'a pas surpris tout le monde autant que certains groupes. À partir de ce moment-là, il est devenu clair, même pour ceux qui au départ jugeaient le projet de loi 107 inconstitutionnel, que la question était tranchée une fois pour toutes. Il est donc d'autant plus étonnant que certains commentateurs aient récemment jugé nécessaire de donner de l'article 93 une interprétation qui a été rejetée par la plus haute cour de justice du pays.
Pour notre contribution à ce débat, nous préférons clarifier la question en commençant par établir ce qui n'est pas protégé de façon à simplifier les choses. À la page 5, nous dressons une liste de ce qui n'est pas couvert, selon nous, par l'article 93. Les commissions scolaires comme telles ne sont pas protégées. Les droits linguistiques non plus. Les droits linguistiques minoritaires ne le sont pas davantage. Le droit des minorités de gérer des écoles ou des commissions scolaires n'est pas non plus protégé. L'enseignement de la religion dans les écoles n'est pas garanti. L'article 93 ne vise pas la désignation des écoles comme écoles catholiques romaines ou protestantes. Il n'englobe pas non plus le droit d'imposer des taxes ni le droit de superviser le programme scolaire.
• 1125
Quels sont les droits protégés? Il s'agit du droit de
dissidence d'une minorité catholique romaine ou protestante et de
certains droits des protestants et des catholiques romains qui
résident dans les limites de la ville de Montréal ou de la ville de
Québec.
Pourquoi notre association opte-t-elle pour les commissions scolaires linguistiques? Nous croyons que la forme d'organisation la plus raisonnable pour régir les écoles doit se fonder sur la langue. La question de la gestion et du droit de regard de la minorité ne s'est pas posée pour les anglophones au sein des commissions protestantes, mais elle a posé un problème pour les anglophones des commissions catholiques et pour les francophones des commissions protestantes.
Le désir de changement est tellement évident et tellement répandu qu'à notre avis, il ne reste pas grand-chose à ajouter. Il s'agit seulement de savoir avec quelle rapidité nous pourrons supprimer les obstacles qui s'opposent à la mise en place rapide et facile des commissions linguistiques.
Quel problème le statu quo pose-t-il? Un certain nombre de personnes ont laissé entendre que cette modification n'était pas vraiment nécessaire ou souhaitable. Nous sommes absolument convaincus du contraire.
Le projet de loi 109, qui établit les commissions scolaires linguistiques, contient des dispositions pour la création de conseils confessionnels de façon à respecter les exigences constitutionnelles de l'article 93. Comme nous l'avons dit lors de notre témoignage sur ce projet de loi devant la commission parlementaire, nous croyons que ces conseils représentent la meilleure solution possible à court terme.
Nous émettons toutefois de sérieuses réserves quant à la viabilité de ces structures à long terme. Selon nous, un organisme qui pourrait sembler relativement inoffensif au cours de ses premiers mois d'existence, chercherait certainement à exercer de véritables pouvoirs par la suite. D'autre part, nous voudrions beaucoup éviter des contestations interminables qui créeraient des perturbations dans le nouveau système scolaire.
Étant pragmatiques, nous savons combien il serait impossible de maintenir la protection qu'accorde l'article 93, surtout à Montréal. Rares sont les gens qui voudraient que les enfants qui fréquentent la même école aient des droits différents. Je ne parle même pas des enseignants qui, même s'ils sont au service des nouvelles commissions scolaires linguistiques, devront suivre les ordres du conseil confessionnel pour certains étudiants, mais pas tous, et seulement tant que les étudiants en question resteront sur le territoire de la ville de Montréal.
Par exemple, nous trouvons tout à fait anachronique dans le Québec d'aujourd'hui que le droit de dissidence soit accordé uniquement à une minorité protestante ou catholique. Nous n'appuyons pas ce droit et nous savons que s'il est maintenu cela risque de fragmenter davantage un système scolaire déjà fragile.
Il y a quelques personnes pour qui il s'agit d'une option importante du point de vue religieux. Néanmoins, lorsque ce droit a été exercé, c'était la plupart du temps dans un but non religieux. Nous constatons également que certains de ceux qui voudraient garder ce droit ne comprennent pas qu'ils font partie de la majorité et qu'ils n'ont donc pas droit à la dissidence.
Prenons l'article 23 de la charte canadienne. Nous croyons que cet article confère des garanties considérables à la minorité linguistique pour ce qui est de la gestion du système d'éducation en langue minoritaire et qu'il reconnaît le droit à cette éducation lorsque le nombre le justifie. Il s'agit d'un droit très important pour les anglophones du Québec et pour les francophones des neuf autres provinces.
Notre association est le seul organisme du Québec qui soit membre de la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants. Cela nous a permis de suivre de près la mise en oeuvre des dispositions de l'article 23 à la suite de l'entrée en vigueur de la stipulation de nos amis francophones du pays. En dehors de ces milieux, on ne se rend pas vraiment compte des progrès accomplis du fait que les groupes francophones ont réussi à convaincre les divers tribunaux que l'article 23 conférait des obligations bien réelles aux gouvernements provinciaux récalcitrants.
La victoire des francophones et les diverses décisions rendues par les tribunaux nous ont montré que ces protections étaient réelles et utiles contrairement à ce qu'offrait l'article 93. L'article 23 pourrait peut-être être amélioré, mais cette modification constitutionnelle devrait s'appliquer à l'ensemble du pays.
Nous savons également que l'alinéa 23(1)a) n'est pas appliqué au Québec. Cela prive un petit nombre d'anglophones du droit à l'éducation dans la langue dans laquelle ils se sentent à l'aise.
Nous sommes convaincus que ce changement aura beaucoup moins d'effet réel que ne se l'imaginent ceux qui le souhaitent ou s'y opposent énergiquement. Nous regrettons que cette disposition soit sans effet uniquement au Québec et nous l'avons dit à de nombreuses reprises au gouvernement du Québec. Néanmoins, c'est à ce dernier et non pas à ce gouvernement-ci que nous pouvons continuer à faire des instances.
• 1130
Pour conclure, l'APEP appuie la demande du gouvernement du
Québec concernant l'abrogation des paragraphes 1 à 4 de l'article
93 de la Constitution canadienne. Nous sommes convaincus que le
milieu de l'éducation, tant francophone qu'anglophone, appuie
largement cette modification. Nous souhaitons vivement que le
gouvernement canadien adopte les motions nécessaires d'ici le 1er
janvier 1998. Ce serait un grand service à rendre aux enfants et
aux parents que nous desservons de même qu'aux enseignants que nous
représentons.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame Langelier. Un bref commentaire?
M. Alan Lombard (Association provinciale des enseignantes et enseignants protestants du Québec): Comme Mme Langelier, pour des raisons d'efficacité, je vais parler en anglais.
[Traduction]
Je voudrais ajouter une ou deux choses. Le mythe qui était sans doute le plus répandu dans le système scolaire protestant, à mes débuts, il y a des années, lorsque j'étais un jeune professeur, voulait que l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique accorde une protection considérable. Je me souviens—et je pense que le professeur Smith, qui est venu témoigner ici la semaine dernière, s'en souviendra également—qu'on m'a dit que la Commission scolaire protestante du Grand Montréal avait obtenu une opinion juridique secrète qui réduirait à néant les efforts qu'un gouvernement du Québec pourrait déployer pour modifier, etc., etc. Il est devenu très clair, depuis 20 ans, que même si cette opinion existait, elle était tout à fait erronée et c'est ce que les tribunaux nous ont dit.
L'autre conclusion que nous avons tirée—et je tiens à souligner l'importance de notre témoignage de ce matin, car nous prenons cela très au sérieux—est que l'article 93 nous empêche d'atteindre notre but commun. À moins de l'avoir vécu comme je le fais depuis 20 ans, vous ne pouvez pas imaginer le nombre de fois où les efforts déployés pour créer des commissions scolaires linguistiques ont été réduits à néant à cause de l'article 93. Le nombre de contestations judiciaires est révélateur. Chaque fois qu'on essaie de changer les choses, même si c'est un changement fondamental que tout le monde appuie, vous vous retrouvez avec le problème qu'a connu l'Île de Montréal... Je vais parler de ces problèmes séparément. Quelqu'un trouve un moyen de chercher un recours devant les tribunaux pour un droit imaginaire ou un tort imaginaire en invoquant l'article 93 et cela retarde encore les choses de cinq, six, huit ou dix ans.
Voilà pourquoi nous sommes ici. Nous voulons vous implorer non seulement d'accéder à cette demande, mais de le faire rapidement et avant le 1er janvier 1998. Nous voulons désespérément avoir une situation claire et simple pour tous les étudiants, parents, et surtout les professeurs que nous représentons.
Enfin, nous sommes très clairs quant aux gens que nous représentons. Nous représentons ceux qui nous paient des cotisations pour défendre leurs intérêts et qui surveillent de près les opinions que nous exprimons. Nous ne prétendons pas représenter plus de gens que ce n'est le cas, mais vous pouvez croire que nous représentons effectivement ceux que nous disons représenter.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Lombard.
Nous allons passer à la période de questions. Nous commencerons par M. Peter Goldring.
M. Peter Goldring: Merci pour votre exposé. Si j'ai bien compris, vous représentez une fédération regroupant 12 syndicats d'enseignants du Québec.
Croyez-vous que l'article 93 pourrait être amélioré au lieu d'être seulement annulé ou abrogé? Ne serait-il pas possible de l'améliorer en améliorant la Constitution de façon permanente? Ne peut-on pas l'améliorer au lieu de l'abroger?
Mme Jan Langelier: Non, il est impossible de l'améliorer. Il faut s'en débarrasser, à notre avis. L'article 23 est suffisant.
M. Alan Lombard: J'ajouterai qu'au moment de la Confédération, les quatre provinces fondatrices, c'est-à-dire la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Bas-Canada et le Haut-Canada, étaient toutes assujetties à l'article 93. Nous tentons seulement de faire ce que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont fait dès le début, c'est-à-dire ne pas appliquer l'article 93.
M. Peter Goldring: Dans votre mémoire, vous dites qu'un certain nombre de gens sont touchés par l'alinéa 23(1)a), qui n'a pas été adopté par le gouvernement du Québec. Est-ce que l'article 93 ne prend pas le relais, d'une certaine manière? Autrement dit, si l'on supprime l'article 93 sans que l'alinéa 23(1)a) soit adopté par le gouvernement provincial... Pourquoi le gouvernement a-t-il refusé de l'adopter et cela n'a-t-il pas une incidence sur les droits d'un certain nombre de gens?
M. Alan Lombard: Je tiens à être bien clair là-dessus. Je ne crois pas qu'une seule personne visée par l'alinéa 23(1)a) ait quoi que ce soit à gagner de l'article 93, dans le sens où vous l'entendez dans votre question.
Deuxièmement, vous devez comprendre la culture du Québec pour comprendre que l'alinéa 23(1)a) est et a toujours été une question épineuse. Je crois que la communauté anglophone en exagère grandement la valeur de symbole des torts qui lui sont causés et que la communauté francophone exagère grandement la menace que cela pourrait représenter pour la Charte de la langue française. Je suis d'avis que c'est un fléau pour les deux parties. Ce n'est pas un problème tellement important, mais c'est un problème symbolique pour les deux camps.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Lombard.
La parole est au sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Je suis content d'entendre un point de vue différent, car on a de plus en plus tendance à mettre l'article 93 sur un piédestal, bien que je ne croie pas que l'article mérite d'être foulé au pied comme vous le faites.
En quoi l'existence de l'article 93—et je cite vos propres paroles—«rend-elle la mise en place de commissions linguistiques inutilement difficile et compliquée»?
Mme Jan Langelier: Il me semble que nous en avons donné un exemple. Aujourd'hui même, dans les limites de la ville de Montréal, on pourrait créer une commission scolaire linguistique chapeautée d'un conseil confessionnel qui verrait à répondre aux besoins confessionnels des enfants protestants, dans notre cas, besoins exprimés par les parents protestants de ces enfants. Il faut commencer par identifier les protestants.
Le sénateur John Lynch-Staunton: C'est donc plutôt un problème administratif.
Mme Jan Langelier: Oui, c'est cela. Il y a aussi la question de ce que doit faire un enseignant qui compte dans sa classe des enfants protégés par l'article 93 et d'autres qui ne le sont pas et qui doit enseigner aux deux catégories d'enfants.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Dois-je comprendre de votre mémoire que, bien que vous ne le disiez pas explicitement, vous n'êtes pas en faveur d'une composante religieuse dans le système scolaire public du Québec?
Mme Jan Langelier: Nous ne nous sommes pas prononcés en faveur de l'enseignement religieux confessionnel comme tel. Nous avons dit qu'il y a place pour la pluralité, une certaine compréhension de la religion dans un sens général et l'inclusion d'une foule de religions dans nos écoles. En fait, le système protestant du Québec a une tradition de pluralité beaucoup plus forte que celle du système catholique au Québec. Depuis longtemps, des protestants et des enfants «d'autres religions» fréquentent nos écoles.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Vous préféreriez donc un système étatique dont la composante religieuse serait le plus neutre possible et n'identifierait aucun groupe religieux en particulier, que ce soit les musulmans, les juifs, les catholiques, les protestants, etc.
Mme Jan Langelier: Exactement.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Donc, des valeurs spirituelles plutôt que l'appui à un groupe religieux en particulier ou à un certain nombre de groupes religieux.
Mme Jan Langelier: Exactement.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Vous voudriez donc qu'on laisse tomber l'article 93 parce que vous estimez qu'il ne répond plus...
Mme Jan Langelier: C'est l'une des raisons.
Le sénateur John Lynch-Staunton: L'une des raisons. Merci.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Christiane Gagnon.
Mme Christiane Gagnon: Bonjour. Plusieurs personnes qu'on a entendues depuis une semaine nous ont dit qu'elles craignaient surtout qu'on n'ait pas d'enseignement religieux dans les écoles. Elles ont peur d'une dégradation sans cet enseignement religieux.
Je me demande s'il y a d'autres exemples ailleurs, dans d'autres sociétés, où on n'a pas d'enseignement confessionnel comme c'est le cas au Québec, mais où la pratique religieuse est perpétuée à cause des valeurs que la famille apporte à la société. Je pense qu'en France, la pratique religieuse n'est pas en péril bien qu'il n'y ait pas ce genre de structure confessionnelle. J'aimerais savoir ce qui se passe ailleurs.
Mme Jan Langelier: Justement vous venez de nommer un exemple, celui de la France. D'autre part, aux États-Unis, la religion est carrément écartée de l'école publique. Dans d'autres provinces canadiennes, cet écart existe aussi.
M. Alan Lombard: La plupart des autres provinces, dont la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta, ont établi un système d'écoles séparées et, bien qu'elles soient quand même soumises à l'article 93, elles ne l'ont jamais appliqué, ne s'étant pas retrouvées devant cette obligation en vertu de la Loi constitutionnelle. En Ontario, c'est un peu plus mixte à cause de la position des écoles séparées. Les dispositions de ce même article 93 s'appliquent, et on a développé un système au Québec et en Ontario en s'appuyant théoriquement sur la même loi.
Mme Christiane Gagnon: Vous n'êtes pas du tout inquiets quant à la perpétuation des valeurs et de l'enseignement religieux dans les écoles. Il semble qu'un très fort pourcentage de la population du Québec désire continuer ainsi et que cela se maintiendrait dans les deux ans qui suivraient si on voulait garder le statut confessionnel d'une école. Vous ne voyez pas là un danger, contrairement à certains groupes qui nous ont fait connaître leur peur de voir disparaître l'enseignement religieux, bien qu'ils soient en faveur des deux structures. Ils sont en faveur de la gestion linguistique, mais aussi du maintien de la gestion confessionnelle; il y aurait donc une superposition des structures. Ils ne croient pas que cela nuirait à l'efficacité de l'administration.
M. Alan Lombard: La question de la confessionnalité ou de la religion dans les écoles peut se régler dans la province. Il s'agira d'un désir, d'un choix politique que nous ferons, mais nous n'avons aucune raison de maintenir l'article 93 pour garder la religion dans les écoles. D'ailleurs, l'article 93 ne garantit pas la religion dans les écoles, du moins de notre point de vue. Je crois que notre position est solide.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Lombard. Madame Jennings.
[Traduction]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Bonjour, et merci pour votre présentation. Je l'ai trouvée très intéressante et il y a un point qui a vraiment soulevé des questions dans mon esprit.
À la page 8, vous parlez du droit de dissidence, dont seules peuvent se prévaloir les minorités protestantes et catholiques dans la province de Québec. Vous dites qu'il y a un petit nombre pour qui cette option a été très importante d'un point de vue religieux.
-
Plus souvent qu'autrement, l'exercice de ce droit, le cas échéant,
l'a été à des fins non confessionnelles. Nous sommes également
d'avis que parmi ceux et celles qui souhaitent préserver ce droit
pour eux-mêmes, certains feignent de comprendre qu'ils sont
minoritaires, ce qui en sot infirme leur droit de dissidence.
Je voudrais vous demander une précision. Est-ce que vous parlez de groupes catholiques et qui sont intervenus devant le comité pour demander que l'article 93 ne soit pas abrogé, mais qu'il soit maintenu? Toutefois, ils sont majoritaires et il s'agit donc de catholiques francophones?
M. Alan Lombard: Oui, nous parlons de catholiques francophones ou anglophones.
Je crois que les catholiques anglophones sont également en majorité, puisqu'un bon nombre de gens que l'on désigne sous le nom de protestants dans notre bizarre interprétation du mot «protestant» ne sont pas en fait protestants, quel que soit le sens que l'on veut donner à ce mot. C'est-à-dire qu'ils sont juifs, musulmans ou athées, mais tous ces gens-là se retrouvent dans la catégorie des «protestants».
Mais si l'on interprète correctement la Constitution, pour pouvoir se définir comme un protestant dissident, il faut être protestant au sens étroit du terme. Je ne pense pas que l'on puisse trouver... sauf chez un groupe particulier qui est vraiment inquiet—mais je ne crois pas que ce soit à juste titre—à savoir les protestants francophones.
Mme Marlene Jennings: D'accord.
M. Alan Lombard: C'est le groupe auquel nous faisons allusion.
Je voudrais aussi vous faire remarquer que les deux commissions scolaires dissidentes qui existent aujourd'hui sont des commissions scolaires catholiques majoritaires. Il y a des commissions scolaires protestantes dissidentes à Baie-Comeau et à Sainte-Agathe, mais à Baie-Comeau, il y a 100 catholiques sur 104 élèves dans une école. Ce n'est certainement pas le sens qu'il faut donner à la dissidence prévue à l'article 93. À Sainte-Agathe, la commission scolaire protestante dissidente compte environ 85 p. 100 d'élèves catholiques. Je me demande bien ce que nous préservons en préservant cela.
Mme Marlene Jennings: Je voudrais une deuxième précision, à laquelle vous avez partiellement répondu. Le groupe qui serait véritablement touché par l'abrogation de l'article 93 serait celui des protestants francophones, qui sont une véritable minorité.
• 1145
Nous avons entendu des groupes de protestants francophones qui
sont venus nous dire qu'ils ne sont pas en faveur de cette
abrogation, précisément parce qu'ils seraient alors tout à fait
noyés dans une commission scolaire francophone. Qu'avez-vous à
répondre à cela, pour essayer de les rassurer ou de leur faire
changer d'avis?
Mme Jan Langelier: Eh bien, nous savons pertinemment qu'il y a dans nos propres rangs un très petit nombre d'enseignants qui proclament que l'enseignement de la religion protestante en français est l'élément le plus important de leur programme pédagogique. Ils sont toutefois très peu nombreux. Par conséquent, quand nous faisons nos consultations, et dans le cadre de notre processus démocratique, ils sont assurément très loin d'exercer une influence dans le sens qu'ils peuvent démocratiquement dicter nos positions.
Chose certaine, nous comprenons que certains de nos membres pourraient être de cet avis, mais pas en nombre suffisant pour nous amener à changer notre position, qui a toujours été très ferme.
Mme Marlene Jennings: Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup. La prochaine intervention, Sheila Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout d'abord, permettez-moi de vous féliciter pour l'un des rapports les plus clairs, les plus concis et les mieux rédigés que j'aie vus jusqu'ici. Non seulement je suis d'accord avec la totalité de ce que vous dites dans le rapport, mais je pense qu'il est extrêmement succinct et bien fait.
Il y a cependant un problème à propos... j'ai quelques inquiétudes au sujet de votre mémoire. Ne craignez-vous pas que, si le Québec veut appliquer le projet de loi 107, c'est-à-dire le nouveau projet de loi 109, il devra constamment avoir recours à la clause dérogatoire, c'est-à-dire à l'article 33? Est-ce vraiment démocratique de devoir constamment déroger à la charte qui définit les valeurs de notre société?
C'est ma première question. Je vous laisse réfléchir un instant parce que cela m'inquiète beaucoup que quelqu'un appuie le recours constant à la clause dérogatoire. Je préférerais qu'on trouve un mécanisme, et j'espère que vous en trouverez un, pour éviter d'avoir à recourir à la clause dérogatoire.
Je suis bien d'accord que l'article 93 ne veut pas dire grand chose. Tout à fait. D'après moi, les paragraphes 3 et 4 sont périmés. Je voudrais cependant savoir comment nous pouvons garantir un système linguistique que j'appuierais.
Je suis moi-même le produit de l'exclusion. Je préférerais être le produit de l'inclusion. Je voudrais donc que vous m'expliquiez un passage qui se trouve à la page 9 de votre mémoire. Vous parlez du fait que c'est l'alinéa 23 (1)a) n'est pas en vigueur au Québec et qu'il ne permet donc pas l'égalité des citoyens ou l'égalité des citoyens anglophones au Québec et je trouve cela révoltant. Vous dites que cela prive de leur droit un petit nombre d'anglophones.
Qu'est-ce que vous considérez comme un petit nombre? Si je suis venue m'établir... si l'économie s'améliore et si nous pouvons nous débarrasser de l'épée de Damoclès du référendum, peut-être que plus d'Américains, de Britanniques, d'Australiens et de gens de Hong Kong voudront venir travailler et vivre ici et contribuer à une société vivante et dynamique, à une société bilingue comme celle du Québec.
M. Nick Discepola: Pourquoi pas plus d'Albertains ou d'habitants de la Colombie-Britannique?
L'hon. Sheila Finestone: Non, ces gens pourraient venir au Québec déjà.
Je trouve cette phrase vraiment déplacée dans un rapport que je considère comme équilibré sinon. Je voudrais donc savoir pourquoi vous dites cela.
Mme Jan Langelier: Je vais d'abord répondre à la deuxième question et Alan pourra vous parler de la clause dérogatoire. Il pourra aussi compléter ce que je vais dire au sujet de cet article.
Bien entendu, nous nous préoccupons de l'avenir de l'enseignement en anglais au Québec. Cela ne fait aucun doute. D'après notre expérience jusqu'ici, nous avons l'impression que peu de gens ont été défavorisés par le fait que l'alinéa 23(1)a) n'est pas appliqué au Québec.
Cela ne veut pas dire que nous sommes d'accord. Pas du tout. D'ailleurs, nous continuons de demander au gouvernement du Québec de modifier cette disposition. Il s'agit cependant d'une question relativement secondaire par rapport au reste. Bien sûr que nous devons continuer d'y travailler à l'avenir, comme vous l'avez dit. Mais ce n'est pas à notre avis une raison pour arrêter net l'instauration d'un système linguistique dans la province.
L'hon. Sheila Finestone: Sauf votre respect, je vous prie de tenir compte de ce que je décrirais comme étant l'intérêt public... Vous avez répondu à la question de ma collègue à propos de la page 8. Est-ce que cela s'applique aux écoles qui existent déjà et qui ont été déclarées comme étant dans l'intérêt public? Il s'agit des écoles arméniennes et grecques et des écoles de jour juives, des écoles qui, selon vous, ne devraient plus avoir le droit de faire partie d'un système linguistique, que l'enseignement s'y fasse en français, en ladino ou en anglais.
M. Alan Lombard: Nous ne nous sommes pas penchés de façon particulière sur les écoles qui sont...
L'hon. Sheila Finestone: Vous avez répondu à la question de ma collègue. C'est pour cela que je veux une précision.
M. Alan Lombard: D'accord. Nous n'avons pas examiné de façon particulière la question des écoles privées qui sont déclarées comme étant dans l'intérêt public et qui reçoivent un financement de l'État ou qui, dans quelques cas, reçoivent certains de leurs services des conseils scolaires. Nous ne nous y sommes pas opposés dans le passé et je ne pense pas que nous voudrons le faire à l'avenir.
De façon générale, nous nous opposons à ce que l'enseignement privé soit financé par l'État, si c'est ce que vous vouliez savoir, mais cela s'applique au financement par l'État de toutes les écoles privées, qu'il s'agisse du collège Brébeuf, du Lower Canada College ou d'une école arménienne. Je crois que c'est la meilleure façon de répondre à votre question.
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.
M. Alan Lombard: Pour revenir à votre toute première question, nous nous sommes opposés au recours à la clause dérogatoire chaque fois qu'on l'a fait pour retirer les droits garantis par la Charte à qui que ce soit, y compris à nous-mêmes dans le cas des mesures spéciales. Et nous nous opposons à ce qu'on y ait recours dans le cas de la Loi sur l'instruction publique. Il faut cependant comprendre que l'on a recours à la clause dérogatoire non pas parce que l'article 93 accorde une protection particulière à quelqu'un, mais plutôt parce qu'il faut s'en servir pour éviter que l'on conteste l'application de la Loi sur l'instruction publique aux termes de la Charte du Québec ou de la Charte canadienne.
Autrement dit, je ne pense pas qu'il y ait un lien entre l'abrogation des paragraphes 93(1), (2) (3) et (4) et le recours à la clause dérogatoire. Le projet de loi 107 prévoit de toute façon un recours à la clause dérogatoire pour permettre certaines exceptions positives dans le cas des catholiques et des protestants.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Très bien, monsieur Lombard. Nous allons maintenant donner la parole à Val Meredith.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Pouvez-vous me préciser s'il existe déjà des conseils scolaires linguistiques au Québec?
M. Alan Lombard: En théorie, il n'y a pas de conseils scolaires linguistiques au Québec.
En réalité, bon nombre de conseils scolaires sont effectivement linguistiques parce qu'ils sont, par exemple, à Chicoutimi. Un conseil scolaire pour les catholiques à Chicoutimi sera fort probablement un conseil scolaire pour les francophones parce qu'il y a très peu d'anglophones à Chicoutimi. Nous avons une école là-bas. Il s'agit donc essentiellement d'un conseil scolaire francophone. C'est la même chose dans une bonne partie de la province à l'extérieur des grandes villes.
Bon nombre des supposés conseils scolaires protestants à l'extérieur de Montréal ou de la communauté urbaine de Montréal sont par la force des choses des conseils scolaires anglophones. Il y a longtemps, le conseil scolaire catholique a cédé ses droits d'instruction en anglais au conseil scolaire protestant. Dans la pratique, bon nombre des conseils scolaires ruraux sont anglophones, même si on les appelle encore des conseils scolaires protestants.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Je pense que Mme Meredith veut poser une question supplémentaire.
Mme Val Meredith: S'il y a effectivement déjà des conseils scolaires linguistiques au Québec, pourquoi faut-il faire en sorte que l'article 93 cesse de s'appliquer au Québec si l'on peut déjà instaurer le système linguistique selon l'article 93?
M. Alan Lombard: Il y a deux raisons principales à cela. Il y a d'abord l'Île de Montréal, qui jouit d'une protection spéciale en vertu de l'article 93.
La Cour suprême nous a dit que, dans la ville de Montréal, des groupes de citoyens qui sont ou bien protestants ou bien catholiques ont des droits spéciaux. Ces gens peuvent faire en sorte qu'il serait très difficile sinon impossible de créer un conseil scolaire linguistique à l'intérieur de la ville de Montréal. C'est un peu ce que demandait M. Lynch-Staunton tantôt: où est le problème?
Si vous habitez NDG, comme moi, vous avez davantage de droits que quelqu'un qui habite à Montréal-Ouest, là où est l'école que fréquente ma fille. Montréal-Ouest ne fait pas partie de la ville de Montréal alors que Notre-Dame-de-Grâce, où j'habite, en fait partie. C'est assez étrange pour des endroits séparés par dix pâtés de maisons.
Voilà le genre de problème, de problème constitutionnel, créé par de petits groupes qui représentent très peu de gens mais qui ont beaucoup d'influence.
J'ai lu les journaux la semaine dernière. Nombre de ceux qui ont témoigné devant le comité seraient les premiers à se présenter devant un tribunal pour contester les modifications constitutionnelles auxquelles se résume le nouveau projet de loi sur l'éducation, le projet de loi 109. Mais il faut bien comprendre que la création de comités confessionnels est une suggestion que nous avons faite au ministre, avec McGill. Cette suggestion était destinée à nous faire traverser sans encombres la période cauchemardesque où l'on s'efforce de faire quelque chose de nouveau, alors que les vieilles dispositions nous en empêchent.
• 1155
Je ne suis pas convaincu que ces conseils confessionnels
seraient contestés.
Le deuxième problème est celui du droit à la dissidence. Beaucoup de gens voudraient immédiatement invoquer ce droit pour créer des conseils scolaires parallèles qui ne seraient pas linguistiques mais qui seraient axés sur la religion, dans bien des secteurs. Nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci. Nous allons passer à M. Clifford Lincoln. Je vous redonnerai la parole pour une courte question.
[Traduction]
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): J'aimerais vous poser une question. Tout cet exercice repose sur la question du consensus au Québec. Pensez-vous qu'il y a consensus là-dessus au Québec? Si c'est le cas, comment expliquez-vous que divers groupes qui ont comparu ici—le Conseil catholique anglophone, Alliance Québec et bien d'autres—ne croyaient pas qu'il y a consensus. Sont-ils mal renseignés?
M. Alan Lombard: Si vous voulez une courte réponse, je crois bien que oui. C'est l'une des choses que nous avons constatées alors que ce dossier évoluait, qu'il y avait une opposition très forte. Cette opposition s'est modifiée chaque fois qu'on retirait... On a commencé avec les protections linguistiques en vertu de l'article 93, nous en sommes maintenant aux protections religieuses de l'article 93 qui sont aussi très importantes à nos yeux. En cours de route, nous avons constaté que nous luttions contre un groupe de personnes qui s'exprimaient pour des raisons qui ne sont toujours pas très claires.
Le seul groupe qui est à mon avis parfaitement logique et cohérent est celui des Protestants francophones. Leurs arguments ont une certaine logique. Pour les autres, je n'y comprends rien et je n'y ai jamais rien compris.
Soit dit en passant, dans la communauté que nous représentons, pour laquelle nous travaillons beaucoup, la communauté anglophone, nous avons probablement été les seuls au début à être immédiatement en faveur de l'amendement. Nous avons vu le consensus croître au sein de notre propre communauté au point où maintenant, nous assumons que tous les joueurs les plus importants du secteur de l'éducation, les gens qui sont directement intéressés sont presque tous, sinon tous, en faveur de l'amendement.
M. Clifford Lincoln: Diriez-vous que la position, disons du Conseil catholique anglophone, qui représente plus de 200 000 personnes et estime avoir des droits acquis en vertu de l'article 93, le droit de se défendre comme tout autre, est mal éclairé et que seuls les Protestants francophones peuvent prétendre au titre de minorité en vertu de l'article 93 et dans le cadre de cet exercice?
M. Alan Lombard: Oui, c'est essentiellement ce que je dis. Il y aura évidemment certains cas... Je ne voudrais pas qu'on me reproche plus tard d'avoir dit qu'il n'y avait pas de situations particulières. Mais en gros, si je comprends bien le droit à la dissidence, le groupe minoritaire serait celui des Protestants francophones.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Lombard. Si vous n'avez pas d'objections, nous allons passer à une courte question du sénateur Lynch-Staunton, puis au sénateur Beaudoin.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Merci.
J'ai écouté votre description du système d'éducation au Québec et votre réponse à Mme Meredith au sujet de ses aspects linguistiques. Ne diriez-vous pas que l'évolution linguistique du système scolaire au Québec résulte en grande partie de l'article 93? En d'autres mots, sans l'article 93, nous aurions aujourd'hui un système scolaire totalement différent, au lieu d'un système où l'anglais et le français sont bien respectés dans divers secteurs de la province en tant que langues d'enseignement. Est-ce que cela n'est pas attribuable à l'article 93?
M. Alan Lombard: Je crois que l'article 93 a plutôt constitué un obstacle qu'un avantage, si c'est là votre question.
Dans les régions rurales, on en est venu à la situation actuelle parce que les gens ont reconnu qu'il était préférable d'avoir 450 étudiants dans une école, avec un gymnase décent, plutôt que 201 dans une école et 250, dans une autre. Les gens ont décidé de passer outre leurs différends et de contourner les problèmes juridiques, parce que les intérêts des enfants et le système d'éducation étaient plus importants.
Soit dit en passant, d'après mon expérience qui remonte à quelque 25 ans, chaque communauté a vécu ce genre de questionnement, avec quelques variantes. Qu'allons-nous faire de la religion? Comment allons-nous fonctionner? Comment allons-nous cohabiter? La réponse a toujours été la même, après six mois, les problèmes anticipés ou appréhendés ne se présentaient pas.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Non, ma question... Vous minimisez l'importance de l'article 93. J'aimerais qu'on revienne en arrière. Je dis que le Conseil des écoles protestantes de Montréal ne serait pas la commission scolaire anglophone qu'elle est aujourd'hui si ce n'était de l'article 93. Est-ce raisonnable de le croire?
M. Alan Lombard: Et bien, je ne dirais pas qu'en ce moment même il s'agisse d'une commission scolaire anglophone. Elle compte probablement 42 ou 43 p. 100 de francophones.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Bon, les choses évoluent continuellement.
M. Alan Lombard: La commission compte une majorité d'enseignants francophones. La plupart des personnes que nous représentons à la CEPGM sont francophones et demandent de la documentation en français. Ces réserves mises à part, je présume que l'article 93 a eu un rôle à jouer, même si la commission scolaire protestante existait avant la Confédération.
Le sénateur John Lynch-Staunton: L'article 93 n'a fait que le confirmer.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Le prochain intervenant sera le sénateur Beaudoin.
[Traduction]
Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): J'ai une petite question.
Vendredi dernier, nous avons discuté de la fameuse question du consensus. Au sujet des commissions scolaires linguistiques, je crois comprendre qu'il y a un fort consensus partout au Québec. Mais au sujet du maintien ou de la suppression des articles 93(1), 93(2), 93(3) et 93(4), les opinions sont différentes. Une question qui n'a pas été beaucoup approfondie, est celle de savoir si l'enseignement de la religion dans les écoles devrait être résolu au moyen d'une solution constitutionnelle ou législative.
Je comprends que vous êtes contre la solution constitutionnelle, mais que pensez-vous de la solution législative? Pensez-vous qu'il y a quelque chose à faire de ce côté-là?
Mme Jan Langelier: En ce qui me touche, l'évolution de l'enseignement de la religion dans nos écoles doit être décidée par les parents et par ceux qui envoient leurs enfants dans nos écoles. Actuellement, à Montréal, par exemple, où il y a beaucoup de diversité dans nos écoles, on ne peut pas dire que la religion protestante ou la religion catholique devrait jouer le rôle important que souhaitent des parents de Montréal. À l'école que je connais, les parents veulent que leurs enfants apprennent d'une manière générale ce qu'est la religion afin de comprendre et d'accepter les différences, pour que nous puissions vivre ensemble d'une façon multiculturelle acceptable pour tous. Je pense que c'est ainsi que les choses continueront d'évoluer, et c'est ainsi qu'elles doivent être. Nous ne devrions pas avoir un système coulé dans le béton. Le système doit pouvoir évoluer. Je crois donc que la solution législative serait la plus appropriée.
Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est donc une solution législative, dans une société pluraliste.
Mme Jan Langelier: Oui.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame Langelier et monsieur Lombard, de votre présentation aux membres du comité.
Nos prochains invités seront les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Nous allons suspendre pendant une minute ou deux, le temps qu'ils prennent place.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Veuillez prendre place, s'il vous plaît. Nous poursuivons les auditions du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec. Nous allons maintenant entendre les représentants de la Confédération des syndicats nationaux, soit son président, M. Gérald Larose, accompagné de... Pourriez-vous, monsieur Larose, nous présenter les gens qui vous accompagnent?
M. Gérald Larose (président, Confédération des syndicats nationaux): Je suis accompagné de M. Jean-Guy Fournier, du service de la recherche de la CSN, et de Pierre Bonnet, du service des campagnes à la CSN.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Larose. Nous vous écoutons.
M. Gérald Larose: Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités. Comme nous sommes en Ontario, je voudrais saluer particulièrement les professeurs qui défendent d'arrache-pied le bien le plus précieux de notre société, soit le système d'éducation.
Pour ceux à qui les institutions du peuple québécois ne sont pas familières, je voudrais rappeler que la CSN est une organisation syndicale regroupant 250 000 membres, dont 45 000 dans le secteur de l'éducation. Elle est présente dans les garderies de même qu'à l'université, sauf chez les professeurs de l'élémentaire et du secondaire, et dans toutes les autres catégories majoritaires de ces groupes.
La CSN fait aussi partie de la Coalition pour la déconfessionnalisation du système d'éducation du Québec, qui réunit 43 groupes, pour un total d'au-delà de 2 millions de personnes.
Après 30 ans de débats et de projets législatifs imaginatifs, l'Assemblée nationale, le 15 avril dernier, décidait de demander au gouvernement fédéral l'abrogation des paragraphes (1), (2), (3) et (4) de l'article 93. Le gouvernement du Canada a décidé de tenir un débat et, d'après ce qu'on a pu observer à ce jour, il nous semble que trois enjeux s'en dégagent, autour desquels je voudrais structurer notre présentation.
Premier enjeu: y a-t-il un consensus au Québec? Deuxième enjeu: quelle est la vraie nature de la question débattue? Troisième enjeu: ce débat en cache-t-il un autre?
Premier enjeu: existe-t-il un consensus? Si consensus ne veut pas dire unanimité, il existe un véritable consensus au Québec. Je rappelle que la Commission Parent, qui n'était pas présidée par Trotski ou Mordecai Richler, mais par un monseigneur, dès le début des années 1960, prônait des commissions scolaires linguistiques.
Je rappelle les multiples prises de position du Conseil supérieur de l'éducation, qui a toujours réitéré que l'article 93 constituait un obstacle à la mise en place des commissions linguistiques; les multiples commissions parlementaires, à l'occasion de la Loi 107, de la Loi 109, et toute l'imagination déployée par tous les ministres de l'Éducation, y compris M. Claude Ryan, pour essayer de contourner l'obstacle toujours présent de l'article 93.
Je rappelle la Commission Bélanger-Campeau où il en a été question; la Commission sur l'avenir constitutionnel du Québec, les États généraux de l'éducation tout récemment où, alors qu'a été soulevée la question de l'article 93 lors de la séance finale, l'immense majorité des participants autour de la table—nous étions près de 80— a dit qu'il fallait abolir l'article 93. Les évêques eux-mêmes ont pris position dans le débat.
Finalement, c'est l'Assemblée nationale, qui est l'instance légitime et autorisée pour poser un jugement sur le consensus au Québec, qui en est arrivée à l'unanimité, à dire qu'il fallait abroger l'article 93.
• 1210
Soit dit en passant, on connaît des gouvernements qui
légifèrent sans s'en faire, alors qu'il existe un
consensus beaucoup moins large que celui-là.
Deuxième point: la vraie nature de la question débattue ici. Qu'est-ce qui est véritablement en cause? Un élément déterminant, une caractéristique d'un système d'éducation, ou bien les droits fondamentaux d'une ou des minorités? Le libellé du texte est clair. Il y est question de la confessionnalité d'un système d'éducation, donc d'un attribut d'un système d'éducation et non pas des droits fondamentaux des minorités.
Il faut reconnaître par ailleurs qu'en 1867, il y avait une convergence d'intérêts entre francophones et catholiques, entre anglophones et protestants. Mais 130 ans plus tard, on constate que les protestants sont eux-mêmes minoritaires dans leurs propres commissions scolaires. Ils n'occupent même pas la deuxième place, mais la troisième. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'un système scolaire confessionnel qui produit une minorité de cette même confession est un signe que quelque chose ne tourne pas rond.
Les anglophones se déclarent protestants dans seulement 10 p. 100 des cas. La religion, en 1997, n'est plus l'indice social qu'elle pouvait être en 1867. Cent trente ans plus tard, il faut bien reconnaître que la société québécoise a évolué, que la société canadienne a dû évoluer également. L'esprit de 1789 de la séparation de l'Église et de l'État a fait quand même du chemin, même si on se trouve encore dans une monarchie constitutionnelle.
L'esprit de 1789 proposant l'égalité des droits des groupes et des individus a quand même connu un essor extraordinaire dans notre propre société, sans compter qu'il s'est produit des modifications de la composition de nos populations, qui sont devenues pluralistes et cosmopolites. Ce pluralisme et ce cosmopolitisme imposent à notre propre population et exigent d'elle, pour éviter la ghettoïsation, l'isolement des différents groupes, le développement de tensions et l'éclatement, des structures accueillantes et ouvertes, qui intègrent en ce sens qu'elles doivent véhiculer en même temps la culture commune. Or, le réseau scolaire est le premier des véhicules de la culture commune.
Je veux aussi insister pour dire que la déconfessionnalisation de notre société est un courant historique. La CSN elle-même en est un exemple. En 1921, elle s'appelait la Confédération des travailleurs catholiques du Canada. Depuis les années 1940, il y a eu un débat qui a conduit la CSN à se déconfessionnaliser en 1960. Donc, la déconfessionnalisation est un courant historique.
Dernier élément; il ne faut pas confondre déconfessionnalisation et laïcisation de l'école. Ce qui est demandé, c'est la déconfessionnalisation des structures, mais la Loi 107 elle-même donne un caractère pérenne à l'approche religieuse dans les écoles.
Enfin, une dernière interrogation à laquelle j'aimerais donner une réponse: ce débat en masque-t-il un autre? C'est sûr qu'un certain nombre d'intervenants vont faire ici de la grande et de la petite politiques. Affirmer que l'article 93 est un élément essentiel à la protection de la communauté anglophone, c'est vouloir faire flèche de tout bois. C'est surtout tenter de rassembler toutes les alliances anti-Québec qui se sont formées depuis bon nombre de mois et d'années.
La communauté anglophone du Québec n'a pas besoin de l'article 93 pour garantir sa pérennité. Elle a la Charte canadienne des droits et libertés, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, son propre réseau institutionnel—au-delà de 100 garderies, 26 établissements privés, subventionnés et non subventionnés, 19 commissions scolaires, 5 cégeps et 3 universités— son réseau complet de santé, 107 municipalités, 2 quotidiens et 17 hebdomadaires, 9 postes de radio et 3 canaux de télévision, son réseau économique, son réseau politique et son réseau associatif.
• 1215
Me direz-vous que la communauté anglophone du Québec
a besoin de l'article 93 pour garantir sa survie?
Nous ne sommes pas des valises. Cela n'a rien à voir
avec le sort de la communauté anglophone.
Si ce comité veut tenir un débat sur cet enjeu, la CSN est prête à le faire aussi. Elle mettra alors sur le tapis le sort des autres communautés minoritaires au Canada, celui de la communauté francophone, dont on sait que les institutions sont mises en péril, comme l'hôpital Montfort qui va devenir un gros CLSC et l'hôpital général de Saint-Boniface où 90 p. 100 du personnel est incapable de donner des services en français. Nous tiendrons les vrais débats quand il y aura lieu de les tenir.
Si le gouvernement fédéral veut porter un jugement sur le consensus au Québec concernant l'article 93, je rappellerai qu'il le fait en contradiction de l'attitude qu'il a lui-même adoptée lorsqu'il a rapatrié la Constitution du Canada contre la volonté du Québec. A-t-il permis au Parlement britannique de poser un jugement sur le consensus qui existait au Canada? Non. Et il avait raison.
Nous sommes en matière de compétence exclusivement provinciale. La seule autorité apte à juger du consensus, c'est l'Assemblée nationale du Québec, laquelle a constaté une évolution dans le consensus québécois, a formulé la demande et est la seule à pouvoir l'interpréter. Le fédéral étant fiduciaire du texte, il doit, comme le gouvernement britannique à l'époque, répondre à la demande du gouvernement québécois.
Voilà comment les choses peuvent être dites simplement, monsieur le président. J'ai essayé de synthétiser mon exposé et je suis prêt à répondre à vos questions.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons donner la parole à un premier intervenant, M. Peter Goldring.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Merci de votre exposé.
J'ai une question pour M. Larose. J'aimerais que vous clarifiiez une chose au sujet de votre exposé: vous avez parlé d'alliances anti-Québec, puis de la communauté anglophone. Pourriez-vous expliquer ce que vous vouliez dire?
[Français]
M. Gérald Larose: J'ai fait allusion à ce courant politique qui vise à faire un sort négatif à l'ensemble du Québec. Il y a quelques jours, des ministres fédéraux mettaient en doute la qualité démocratique de la société québécoise. J'estime que nous assistons effectivement à une campagne anti-québécoise, massivement alimentée.
D'aucuns se sont présentés devant votre comité avec l'intention de profiter d'une demande toute simple, celle de déconfessionnaliser les structures scolaires, pour alimenter ce débat. C'est ce que j'ai voulu insinuer.
[Traduction]
M. Peter Goldring: J'ai une question complémentaire. Lorsque vous parliez de l'assemblée législative du Québec, vous disiez «nous» et je me demande si vous représentez le point de vue de l'assemblée législative du Québec sur ce sujet? Représentez-vous l'assemblée législative elle-même?
[Français]
M. Gérald Larose: J'ai présenté notre organisme comme étant une composante du mouvement ouvrier au Québec. La CSN est une institution au Québec, une institution syndicale. Sur la question de la déconfessionnalisation, notre point de vue, ainsi que celui de 43 autres groupes totalisant 2 millions de personnes au Québec, a été effectivement confirmé par l'Assemblée nationale du Québec et la position de cette dernière est effectivement notre position. Mais je ne suis pas un représentant de l'Assemblée nationale du Québec.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Goldring. Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Je voudrais d'abord dire un mot à propos de l'article 93. Les gens disent qu'on veut abolir l'article 93. Ce n'est pas le cas; ce sont les paragraphes (1), (2), (3) et (4) de l'article 93. Il est en effet impossible que quiconque du Québec puisse s'opposer à l'article 93 pour l'essentiel, puisque c'est lui qui confère la compétence aux provinces en matière d'éducation.
Cela étant dit, nous sommes tous d'accord là-dessus. Il est vrai que si on abolit les paragraphes (1), (2), (3) et (4) de l'article 93, on se trouve à déconfessionnaliser les structures scolaires. Vous avez raison. C'est l'effet immédiat. Et même si on voulait conserver ces paragraphes, dans un contexte moderne, à mon humble avis, il faudrait quand même les modifier. Je dis toujours que les paragraphes (3) et (4) ne répondent plus aux besoins d'aujourd'hui parce qu'on ne s'en sert plus depuis un siècle. Il faudrait s'en remettre tout simplement aux tribunaux.
Quant aux paragraphes (1) et (2), dans un contexte moderne, si on protège un groupe religieux, il faut protéger tous les groupes religieux. Je dis cela en manière de préambule.
Votre position est claire; vous dites qu'en écartant les paragraphes (1), (2), (3) et (4), on déconfessionnalise le système d'éducation. C'est exact. Ce qui est moins clair, c'est le sujet de l'enseignement de la religion dans les écoles. À ce jour, on a entendu des gens dire... J'écarte la question de l'école confessionnelle parce que si ces paragraphes sont écartés, il n'y a plus de structure confessionnelle. Il peut y avoir de l'enseignement religieux dans les écoles, ce qui est une autre histoire, et c'est là-dessus que j'aimerais vous interroger.
Vous dites qu'il y a consensus au Québec sur la déconfessionnalisation. Toutefois, existe-t-il un consensus sur l'enseignement de la religion? Moi, je ne le sais pas. Je vous pose la question. Cela m'apparaît moins clair. J'ai l'impression que certains se disent que oui, l'enseignement religieux va se poursuivre en vertu de l'article 41 de la Charte du Québec, lequel existe toujours. Il y a aura toujours des cours d'instruction religieuse. Je pense que oui. Est-ce que ce sera de façon très précise pour une, deux, trois ou quatre religions? Je ne le sais pas.
Vous n'êtes pas contre, j'imagine, mais j'aimerais savoir si vous pensez qu'il y a consensus sur cette question au Québec.
M. Gérald Larose: Le débat sur la laïcisation, sur le fait d'extraire des écoles l'enseignement religieux est un débat qui a cours au Québec depuis bon nombre d'années. Il n'y a pas de consensus pour laïciser le système.
Il y a des groupes qui souhaitent effectivement la laïcisation du régime, mais le gouvernement du Québec estime qu'il n'y a pas de consensus. Donc, la pérennité de l'enseignement religieux est garantie par la loi. Je dirais que c'est effectivement une sorte de consensus, que cela demeure l'opinion d'une majorité. L'ensemble des groupes souhaitent qu'il y ait un apport des grandes valeurs, qui puisse emprunter aussi la voie de l'enseignement religieux.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Et la solution serait législative et non pas constitutionnelle.
M. Gérald Larose: Exactement. Il faut quand même constater qu'il y a discrimination dans le fait que les catholiques et les protestants jouissent d'une garantie sur le plan constitutionnel. Qu'en est-il des musulmans? Qu'en est-il de l'ensemble des autres religions? Est-ce que leurs tenants sont des Québécois de seconde zone?
Le sénateur Gérald Beaudoin: Comme je le disais il y a un instant, si jamais quelqu'un voulait plaider en faveur du maintien de ces paragraphes, il faudrait quand même amender l'article 93, parce que ces paragraphes ne correspondent pas tellement aux situations modernes, notamment les paragraphes (3) et (4).
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur. Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: Bonjour. Je n'ai pas besoin de vous dire que votre témoignage est très apprécié. Je voudrais vous expliquer trois difficultés qui se posent dans le cadre de ce comité, monsieur Larose, et faire appel à vos talents de pédagogue pour préciser un certain nombre de choses.
Vous savez à quel point cette idée de l'absence d'un consensus au Québec est revenue souvent sur le tapis. Toute la question serait artificielle et le débat dont nous sommes saisis—et que vous avez très bien défini comme la déconfessionnalisation des entités administratives que sont les commissions scolaires—ne serait que le produit de la biogenèse, qu'on n'en aurait pas discuté et qu'il n'aurait aucune racine dans la société québécoise.
J'aimerais donc que vous reveniez, pour le bénéfice de nos collègues, sur le consensus et sur ses racine profondes.
LA PRISE 37 a ÉTÉ EFFACÉE (FIN DE LA SÉANCE)
Cela n'a pas été inventé récemment.
• 1225
Deuxièmement, j'aimerais que vous nous rappeliez la
lecture que vous faites, très juste d'ailleurs, des
droits et privilèges de la communauté anglophone. On
ne voudrait pas, de part et d'autre, qu'il en
soit autrement. On reconnaît que les droits et
privilèges de la communauté anglophone doivent être
maintenus à l'intérieur de certaines balises. Je pense
que la recherche mentionnée dans votre
mémoire mérite d'être à nouveau citée.
Si jamais cet amendement-là était défait, ce qu'on n'envisage pas à ce moment-ci, qu'est-ce que cela voudrait dire, dans votre compréhension, pour l'avenir du système scolaire québécois?
M. Gérald Larose: Revenons-en d'abord au consensus. Des trésors d'imagination ont été dépensés par tous les ministres de l'Éducation du Québec au cours des 30 dernières années pour essayer de contourner l'application des quatre paragraphes de l'article 93. Il faut aussi se dire que les gens tiennent pour acquis que la Constitution canadienne n'est pas amendable, qu'elle présente un défi insurmontable et que si on emprunte cette voie-là, on n'y arrivera jamais. C'est terrible, ce que les gens ont essayé de mettre au point, en fait de formules, pour contourner l'article 93. À chaque fois, on en est arrivé à un projet législatif bancal, y compris la Loi 107.
Je passe tout de suite à votre troisième question. Quels seraient les effets concrets de ne pas amender l'article 93? Ce serait la superposition de commissions scolaires linguistiques et des commissions scolaires confessionnelles. Je puis vous dire que si on impose à notre système public ce genre de superposition, on s'illusionne grandement si on croit pouvoir réaliser ce qui se dit même ici autour de cette table, soit le simplifier, le rendre plus efficace, moins coûteux, etc. Donc, il sera impossible de moderniser notre dispositif d'éducation, qui demeure un dispositif social, un dispositif fondamental de société.
Je reviens maintenant à la deuxième question: cela causera-t-il un problème concernant les droits des anglophones? Pas du tout. Le prétendre est un prétexte dont on se sert pour tenir un autre débat. Cet autre débat, je le soutiens, nous sommes prêts à le tenir. Mais ce n'est pas vrai que dans la vraie vie, alors que 10 p. 100 des anglophones se déclarent protestants et qu'en tant que protestants ils sont eux-mêmes minoritaires dans leurs commissions scolaires protestantes, qu'il y va de l'avenir de la communauté anglophone, surtout quand on tient compte, comme je le disais plus tôt, de tous les moyens à la disposition de cette communauté. C'est davantage cela qui va garantir leur survie.
M. Réal Ménard: Si je vous comprends bien, monsieur Larose, si cet amendement n'était pas accepté, il pourrait en résulter, à Montréal par exemple, le maintien de quatre ou six commissions scolaires. Le sénateur Beaudoin est d'accord sur le chiffre six. Donc, on devrait sûrement pouvoir compter sur lui. Ce serait six.
M. Gérald Larose: Au minimum.
M. Réal Ménard: C'est ce que je pense. On sait ce que cela veut dire en termes d'imbrication des réseaux et des écoles et ce que cela veut dire pour le trésor public. Les contribuables et les enfants seraient bien mal servis par une formule comme celle-là.
M. Gérald Larose: Le ripple effect serait d'instaurer un système qui demeurerait très replié, très recroquevillé sur des entités, alors que ce qu'il nous faut, dans une société moderne, c'est une école républicaine, pourrais-je dire, une école pour tous.
M. Réal Ménard: Dites-le.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Larose. Mme Marlene Jennings.
Mme Marlene Jennings: Monsieur Larose, représentants de la CSN, je vous salue et vous remercie pour la présentation que vous nous avez faite aujourd'hui.
Je vais commencer, dans un court préambule, par vous dire qu'à mon avis, l'amendement constitutionnel demandé par l'Assemblée nationale du Québec serait une bonne chose pour la société québécoise.
Toutefois, et là je vais en venir au point que je veux aborder, vous dites qu'il n'appartient pas aux députés et sénateurs membres du Comité mixte de juger de la qualité du consensus existant au Québec sur le sujet ni de contribuer à ce que Ottawa s'immisce encore une fois dans le champ de l'éducation, qui est de compétence exclusivement provinciale. Vous admettrez sans doute que ce ne sont pas les seuls députés du Québec et les seuls sénateurs provenant du Québec qui devront voter sur la motion déposée devant la Chambre et devant le Sénat.
• 1230
Donc, si ce comité veut
mener à bien ses travaux, il a l'obligation d'entendre
toutes les opinions et de présenter un rapport qui
contienne des recommandations convaincantes pour les
autres députés de tous les partis qui siègent à la
Chambre et pour les autres sénateurs qui siègent au
Sénat, quant au bien-fondé de la demande de l'Assemblée
nationale.
Donc, quand on dit que ce n'est pas à nous de juger de la qualité du consensus qui existe au Québec, je pense qu'au contraire, nous avons effectivement ce devoir. C'est seulement en le faisant que nous allons pouvoir convaincre les autres députés et les sénateurs de toutes couleurs politiques que l'Assemblée nationale du Québec appuie vraiment sa démarche sur un consensus réel.
Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Larose, un court commentaire.
M. Gérald Larose: J'insiste sur ce point. Comment se fait-il que le gouvernement canadien a pu dire au gouvernement britannique qu'il n'avait pas à s'immiscer dans les affaires internes du Canada et à se prononcer sur le consensus relatif au rapatriement de la Constitution, puisque c'était de juridiction canadienne? Le texte se trouvait en Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne devait procéder aux écritures et a fait son travail.
On demande au gouvernement canadien de faire son travail, pas de remettre en question le consensus qui a été validé par la seule institution qui puisse le faire en matière de juridiction provinciale, soit l'Assemblée nationale du Québec. Dans ce sens, oui, vous devez faire votre travail.
Cependant, vous ne pouvez pas mettre sur le même pied le jugement de l'Assemblée nationale et l'opinion de quatre ou cinq groupes qui irait contre la décision de l'Assemblée nationale. C'est une question de démocratie et de respect des institutions.
Mme Marlene Jennings: Monsieur Larose, il n'y a personne ici, au comité, qui a mis en doute la volonté de l'Assemblée nationale du Québec. Personne. Toutefois, nous avons une obligation. C'est à la demande de l'Assemblée nationale que la motion a été déposée en Chambre et ensuite devant le Sénat. C'est à la demande de l'Assemblée nationale. Et c'est à la demande de l'Assemblée nationale qu'une motion a mis ce comité sur pied.
Nous avons une obligation, celle de faire des recommandations à la Chambre et au Sénat à la suite de consultations tenues auprès de gens du Québec et même de gens de l'extérieur du Québec, qui prétendent, par exemple, que l'amendement ne devrait pas être fait bilatéralement et qu'il n'est pas vrai qu'il existe un consensus au Québec. Vous venez ici nous dire qu'on s'immisce dans un domaine de compétence provinciale. Je regrette, mais c'est à la demande du gouvernement du Québec que ce comité a eu le feu vert.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Jennings. Madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Félicitations, madame Jennings.
Monsieur Larose, je suis complètement d'accord qu'on doit rayer l'article 93 de la Constitution, à cause des paragraphes (1) à (4) qu'il contient et à cause de toutes les raisons que vous avez énumérées et que tout le monde a énumérées. Vous avez commencé en disant qu'on devait examiner cette proposition à l'aide de trois loupes. Vous avez mentionné le consensus, et il se pose plusieurs questions à cet égard. Pour moi, il ne s'en pose pas, mais il s'en pose pour plusieurs autres personnes.
Vous avez ajouté qu'on ne devait pas politiser ce débat. Or, dès le début, vous avez parlé du peuple du Québec. Je suis très fière d'être Québécoise, mais je fais partie du peuple canadien qui inclut les Québécois.
• 1235
Si vous vous présentez ici
pour exprimer votre opinion sur cette proposition qui
nous a été soumise par le Québec, je pense que vous
devez au moins respecter le fait qu'il s'agit de la
Constitution de tous les Canadiens et que ce sont tous
les Canadiens qui seront touchés par ce projet de loi.
Pour ma part, je n'ai trouvé ni nécessaire ni très gentil mais plutôt disgracieux que vous ayez fait allusion à M. Mordecai Richler et à d'autres. Cela est inacceptable.
Pour ma part...
M. Gérald Larose: C'est sorti à la séance de la Chambre des communes.
L'hon. Sheila Finestone: Il n'était pas nécessaire de mentionner l'un ou l'autre, monsieur Larose. C'est ce que je veux dire.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Votre question, madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Ma question, monsieur Larose, la voici: devrait-on continuer de se servir de la clause nonobstant pour s'assurer que les Lois 107 et 109, acceptables aux yeux de la Cour suprême, puissent être mises en vigueur?
M. Gérald Larose: Puis-je me permettre de vous proposer l'idée qu'il n'existe pas un peuple, mais plusieurs peuples au Canada?
L'hon. Sheila Finestone: Il y en a un au Québec et dans les régions, mais il y a un peuple ...
M. Gérald Larose: Il y a un peuple québécois notamment, qui a ses propres prérogatives, et le pays est né du contrat historique de deux peuples. Mais nous pourrons y revenir devant un autre comité.
À votre question sur la clause nonobstant, je répondrai ceci: si c'est une maladie honteuse que la clause nonobstant, il faudrait que le gouvernement du Canada la retire de la Constitution. Cependant, si c'est un outil démocratique, permettant d'affirmer les droits des peuples et de faire en sorte que s'appliquent les prérogatives d'institutions comme le Parlement fédéral et le Parlement du Québec de façon prioritaire par rapport à d'autres instances, notamment les instances juridiques, je vous dirai que je suis d'accord sur la clause nonobstant. C'est un instrument de la démocratie canadienne.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Larose. La prochaine intervention viendra de Mme Val Meredith.
[Traduction]
Mme Val Meredith: Merci.
Je vois très bien quelle est votre position. D'après les commentaires de Mme Jennings, je note la préoccupation selon laquelle l'article 93 a été mis dans la Constitution pour arriver à un équilibre entre le Haut Canada et le Québec. Comme deux parties essaient d'arriver à cet équilibre, peut-être qu'on ne pourrait changer les choses sans le consentement de l'autre partie.
Vos remarques au sujet du consensus et votre allusion aux témoins anti—-Québec que nous avons reçus, dont vous avez laissé entendre qu'ils étaient des anglophones m'inquiètent. Ce n'était peut-être pas votre intention. Pour moi, l'article 93 garantit que les Québécois protestants—que vous dites anglophones—auront une éducation publique, c'est-à-dire payée par le public. Je pense qu'on craint qu'un jour, la majorité des Québécois francophones refuseront cette protection et que les deniers publics ne serviront plus à financer le système d'éducation protestant ou anglophone. Diriez-vous à ceux qui expriment ces craintes que ce n'est pas un problème et qu'ils ne doivent pas s'inquiéter?
[Français]
M. Gérald Larose: Je rappellerai les façons de faire historiques du peuple québécois. Il n'y a pas eu au Québec de Règlement 17; il n'y a pas eu au Québec d'abolition des droits des minorités, d'interdiction de parler dans sa langue. Il y a des façons exemplaires de traiter la minorité linguistique, et je prétends même que la Loi 101 protège davantage la communauté anglophone que la Loi sur les langues officielles ne le fait, parce qu'il n'y a pas dans la Loi 101 de critère concernant le nombre.
• 1240
Pour qu'on craigne que le Québec exerce un
ostracisme, il faut que cette crainte soit alimentée
par un courant politique anti-Québec, parce que la
pratique historique concrète du peuple québécois à
l'égard de ses minorités, elle est exemplaire dans ce
pays.
J'en veux pour preuve qu'il n'y a pas chez nous 69 p. 100 d'assimilation comme en Colombie-Britannique. Il n'y a pas chez nous, comme en Saskatchewan, 63 p. 100 d'assimilation. La communauté anglophone vit avec des instruments que nous réclamons pour l'ensemble des minorités dans ce pays: un réseau d'éducation complet, un réseau de santé complet, de la garderie à l'université, des instruments économiques, de postes de radio, des canaux de télévision, etc., tout ce qu'il faut pour qu'une communauté vive. C'est ce qu'elle a, et ce sont les garanties de sa pérennité.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Le prochain intervenant sera Mauril Bélanger.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur Larose, je m'accorde entièrement avec vous sur le fait que la communauté anglophone du Québec est bien traitée. Il n'y a aucun doute là-dessus. Elle a son réseau d'institutions, son réseau associatif, etc. Ce qui me chagrine un peu, c'est qu'on tende à se servir du fait que des minorités francophones hors Québec, dans le reste du pays, n'ont pas ce qu'ont les anglophones au Québec pour tendre vers le dénominateur commun le plus bas.
C'est un débat qui m'offusque passablement. C'est cette tendance à aller vers le dénominateur commun le plus bas que je vous encouragerais à ne pas adopter.
Deuxièmement, à propos d'un amendement à la Constitution, vous dites que le gouvernement fédéral n'a qu'à accéder à la demande de l'Assemblée nationale. C'est un amendement bilatéral et non unilatéral. Comme parlementaires, nous avons la responsabilité de nous assurer, par souci de la paix intérieure, qu'il y a effectivement consensus parmi la population visée ou préoccupée par la question. C'est ce que nous tentons de faire ressortir ici.
L'unanimité règne, il semble, pour la création de commissions scolaires linguistiques. Là n'est plus la question. Il s'agit de faire ressortir le consensus qu'on nous dit effectivement exister.
Malheureusement, au cours de la première semaine d'audiences, plusieurs questions ont été posées sur la sagesse, le désir ou la nécessité d'amender l'article 93. Je pense qu'au fil de la semaine qui suit, il va peut-être se manifester un meilleur équilibre entre les positions. C'est à ce moment-là que les parlementaires fédéraux auront à porter un jugement.
Il ne faudrait pas amoindrir inutilement le rôle des parlementaires qui siègent ici. Ils ont quand même un rôle à jouer lorsqu'il s'agit d'un amendement bilatéral. Par exemple, on fait ressortir la fameuse liste qu'on commence à voir dans tous les brefs qu'on nous présente, dans ceux des 20 groupes qui ont été consultés, dont 15 auraient été contre l'idée d'amender l'article 93. On se rend compte que ce ne sont peut-être pas 15 qui sont contre et que deux ou trois l'appuient maintenant.
J'aimerais aussi souligner que le travail qui se fait ici n'est pas fait dans un esprit anti-québécois. Il y a peut-être des gens autour de cette table qui sont anti-séparation. Disons-le franchement. Mais si on dit qu'être contre la séparation, c'est être contre le Québec, comme vous avez tendance à le faire, moi je décroche. Merci.
M. Gérald Larose: De mon côté, je vous dirai que j'ai beaucoup de difficulté à composer avec la remise en question de l'unanimité de l'Assemblée nationale du Québec.
M. Mauril Bélanger: Et nous de même.
M. Gérald Larose: Oui, pour moi, le Parti Égalité a le droit de s'exprimer et il s'exprime, mais que vous, en tant que parlementaires, banalisiez une démarche de 30 ans qui a mené notre Assemblée nationale à se dire: assez de tâtonnements et de tentatives pour contourner les exigences de l'article 93... Rendons-nous à l'évidence et demandons ce qu'il semble normal d'obtenir, soit une modification de l'article 93.
S'il fallait qu'il ne soit pas modifié, ce serait comme un coup de canon tiré dans votre canot. C'est clair. Il n'est pas possible qu'un tel consensus de la société québécoise, validé par l'Assemblée nationale, soit remis en question par d'autres parlementaires. Vous devriez, et c'est là votre travail, dire aux gens qui remettent cela en question qu'un débat démocratique a lieu depuis 30 ans. À un moment donné, il faut se faire une idée et avancer. C'est cela, votre travail, et non pas reprendre ce débat qui dure depuis 30 ans.
Le coprésident (M. Denis Paradis): M. Bélanger vous a fait remarquer que c'est une décision qui doit être bilatérale, monsieur Larose.
• 1245
Je vais passer immédiatement la parole au sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est exact que c'est impressionnant. Je suis impressionné, moi, par le fait que le vote, à l'Assemblée nationale, a été unanime. C'est un parlement qui, dans le domaine de l'éducation, a les pleins pouvoirs.
Cela étant dit, on ne peut tout de même pas nous reprocher à nous, les parlementaires fédéraux, de nous assurer qu'il y a vraiment consensus. L'unanimité de l'Assemblée nationale constitue déjà un très bon départ, parce qu'elle compte plus d'un parti.
Nous avons entendu plusieurs témoignages la semaine dernière. Ceux de cette semaine s'orientent différemment, je crois. Nous sommes là pour prendre nos décisions. Vous savez, tout le monde s'accorde sur les structures linguistiques. Personne n'est venu parler contre cela, absolument personne.
Il y a encore un débat sur les quatre paragraphes de l'article 93, mais je pense que les arguments de part et d'autre, on les connaît maintenant. Ils sont très clairs. On peut être pour, on peut être contre, mais on continue quand même, parce que c'est notre rôle de nous assurer que, si on change un article aussi intéressant que l'article 93, ce soit parce qu'il existe un consensus incontournable.
Vous plaidez avec éloquence quand vous dites qu'il existe bien un consensus. Nous vous entendons et vous écoutons. Mais vous ne pouvez pas, par ailleurs, nous reprocher de regarder les deux côtés de la médaille. C'est pourquoi je suis revenu tout à l'heure sur la question de l'enseignement. Ce que vous avez dit m'est apparu très clair. Il semble exister plusieurs points de vue au Québec sur l'enseignement. Je ne parle pas de la déconfessionnalisation selon les termes contenus dans les quatre paragraphes. Vous avez résumé la question et avez fait valoir votre point de vue.
Sur l'enseignement dans les écoles, le consensus se dégage moins clairement. Je pense qu'il y a plusieurs opinions possibles. Je vous ai demandé si vous vouliez qu'on s'en remette à une décision législative. Vous avez dit oui. D'autres soutiennent qu'il devrait y avoir un enseignement confessionnel. Cela pose un problème, car si on écarte les paragraphes (1), (2), (3) et (4), il n'y aura pas d'enseignement confessionnel. Il peut y avoir un enseignement de la religion, mais il n'y aura pas de structure confessionnelle.
J'aimerais bien qu'on situe le débat dans sa juste perspective. Je pense que ce que vous dites est très utile, parce que c'est clair. Mais encore une fois, je pense qu'il ne faut pas s'imaginer qu'on ne joue pas notre rôle. On joue notre rôle. On est un corps législatif ici, et la Constitution du Canada dit bel et bien qu'il faut le consentement du Québec et celui des deux Chambres fédérales, quoique pour le Sénat, c'est un dépôt suspensif de six mois seulement.
M. Réal Ménard: Monsieur Larose, vous qui connaissez bien le Québec...
Le sénateur Gérald Beaudoin: [Note de la rédaction: Inaudible].
M. Réal Ménard: Est-ce que c'est une question ou un cours universitaire?
Le sénateur Gérald Beaudoin: Ce n'est pas un cours. Je ne passe pas mon temps à donner des cours.
M. Réal Ménard: Parce que nous avons pris des notes, nous.
Le coprésident (M. Denis Paradis) Monsieur Larose, un commentaire sur les commentaires du professeur Beaudoin.
M. Gérald Larose: Effectivement, je ne pense pas que dans une Constitution, on doive consacrer les privilèges de certaines confessions. On est quand même en 1997. Il faudrait moderniser l'ensemble de notre appareil, y compris tel que défini dans la Constitution canadienne. C'est un reliquat qu'il faut peut-être respecter, mais notre vie est faite d'un peu plus que cela maintenant.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ménard, une brève question.
M. Réal Ménard: Aussi brève que celle de l'intervenant précédent, monsieur le président. Laissez-nous le soin du jeu et ne demandez pas le vote là-dessus.
Monsieur Larose, vous connaissez bien le Québec, vous. Vous connaissez bien les intervenants. On assiste depuis une semaine à une volonté de faire en sorte que les véritables acteurs ne soient pas les bons.
Je veux porter à votre attention ce qu'on avance lorsqu'on parle de l'effritement du consensus. Imaginez-vous qu'on nous a distribué une liste préparée par nos amis d'Alliance Québec, dans laquelle on prétend que le Mouvement pour une école moderne et ouverte serait contre l'abolition de l'article 93. On pourrait en nommer d'autres comme l'Assemblée des évêques, la fédération des parents, etc.
Encore une fois, il me semble qu'avec l'expérience qui est la vôtre et la connaissance que vous avez du système scolaire québécois, vous pourriez nous rappeler la nature du Mouvement pour une école moderne et ouverte et nous dire pourquoi il y a un certain nombre d'intervenants majeurs dans le système de l'éducation qui sont solidaires de la proposition de l'Assemblée nationale du Québec.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Vos commentaires, monsieur Larose.
M. Gérald Larose: Plus tard cette semaine, vous allez recevoir la coalition. La coalition représente 43 groupes syndicaux, populaires, communautaires, massivement du milieu de l'éducation, du milieu culturel, et des groupes politiques. Je le répète, les gens ne sont pas contre la religion dans les écoles, mais contre la confessionnalité du réseau scolaire. Le MÉMO n'est pas contre la religion, mais il est tout à fait favorable à ce qu'on déconfessionnalise les institutions. En ce sens-là, je pense qu'il faut que vous appréciiez le fait que tout ce qui bouge au Québec et qui est le moindrement ouvert et éveillé, souhaite qu'on entre dans le XXIe siècle, avec un réseau scolaire adapté à une société pluraliste et cosmopolite. C'est cela, le Québec d'aujourd'hui.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Larose.
Une dernière intervention de M. Nick Discepola.
M. Nick Discepola: Je veux seulement apporter une précision à M. Ménard.
Monsieur Ménard, ce ne sont pas nos amis d'Alliance Québec qui ont distribué et cité la liste. Ce tableau provenait d'une source du ministère de l'Éducation du Québec.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ménard, nous ne sommes pas en période de débat. Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Monsieur Larose, je pense qu'il y a un consensus presque unanime sur le fait que, pour moderniser notre réseau scolaire, il faut au moins le réorganiser sur une base linguistique plutôt que confessionnelle. Je crois que là-dessus, tous sont unanimes.
Mais je dois vous faire part de l'inquiétude de certaines personnes et de certains groupes, parce que je perçois ainsi mon rôle de parlementaire. Quand on nous demande de changer la Constitution, qui est la base fondamentale d'une société, je ne peux pas prendre cette responsabilité à la légère. Je crois que lorsqu'on demande de changer une constitution, il faut surtout avoir le consensus de la minorité qui sera affectée. De ce point de vue, j'ai de la difficulté.
Si on lit l'article 93, il est clair et net qu'on n'y parle pas de droits linguistiques. Il y est question de l'accès à des écoles axées sur la confessionnalité. Cependant, traditionnellement et historiquement, une communauté d'une langue donnée a eu tendance à choisir une confession pour ses écoles, alors que l'autre communauté a choisi une autre confession pour ses écoles.
Notre inquiétude, monsieur Larose, c'est que l'Assemblée nationale, aussi unanime ait-elle été quand elle a voté sur cette résolution, n'ait pas eu un mandat clair. Au moment des élections, ils n'ont pas demandé le mandat de modifier la Constitution. Je l'accepte tout de même parce que ses membres ont été élus démocratiquement et qu'ils parlent au nom de la société québécoise.
Mais ils nous demandent d'abroger l'article 93 de la Constitution de 1867. Or, l'article 93, comme tel, ne parle pas de la protection linguistique. Par contre, ils ne reconnaissent pas l'article 23 de la Constitution de 1982, qui semble donner l'assurance et la sécurité linguistiques que la minorité anglophone cherche au Québec.
Je vous demande donc si vous allez travailler d'arrache-pied pour obtenir du gouvernement du Québec qu'il reconnaisse la Constitution de 1982, afin de rassurer la communauté minoritaire du Québec, de lui donner cette assurance qu'elle recherche.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Vos commentaires, monsieur Larose.
M. Gérald Larose: Écoutez, nous avons été convoqués à propos des paragraphes (1), (2), (3) et (4) de l'article 93. La question est très circonscrite. Si on veut tenir un débat constitutionnel, très bien. C'est bien connu au Québec que je ne déteste pas en débattre. Je vous dirai que je suis prêt à venir débattre de l'alinéa 23(1)a) et de toutes les autres dispositions. Cela ne me pose aucun problème.
Maintenant, très concrètement, est-ce que notre communauté anglophone souffre quelque misère quant à sa culture, sa langue, son économie, sa place dans la société? Je me dis que ça ne va pas si mal grosso modo. Elle connaît les mêmes misères que la communauté francophone peut avoir au Québec. Peut-être qu'elle en a moins que les autres communautés francophones ailleurs au pays.
Si on veut tenir cet autre débat, je vous dis que je vais m'y inscrire, sans problème. Mais aujourd'hui, il est question de la confessionnalité des structures scolaires. Je trouve qu'il est temps de s'affirmer et de régler ce problème. Trop de ministres de l'Éducation parmi vos amis se sont cassé la figure en essayant d'imaginer des combines pour contourner la difficulté. Si on ne peut la contourner, c'est qu'il faut s'en débarrasser.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Larose. Merci beaucoup à la CSN pour sa présentation. Nous allons reprendre les audiences à 15 h 30, dans cette même salle. Nous accueillerons alors la CECM, la Commission des écoles catholiques de Montréal.
La séance est levée.