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SJQS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE TO AMEND SECTION 93 OF THE CONSTITUTION ACT, 1867 CONCERNING THE QUEBEC SCHOOL SYSTEM

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL POUR MODIFIER L'ARTICLE 93 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867 CONCERNANT LE SYSTÈME SCOLAIRE AU QUÉBEC

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 24 octobre 1997

• 0835

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)): À l'ordre! Nous reprenons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

[Traduction]

Nous avons le plaisir d'avoir avec nous ce matin le professeur Nicholas Newman, de la Coalition pour la liberté.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue, professeur Newman.

J'aimerais vous préciser les règles du jeu. Nous vous laissons entre huit et dix minutes pour faire votre présentation et ensuite nous passerons à la période des questions des membres du comité mixte. Nous vous écoutons, professeur Newman.

[Traduction]

M. Nicholas Newman (Coalition pour la liberté): Merci beaucoup.

En guise d'introduction, je voudrais dire qu'il est à mon avis tout à fait scandaleux et antidémocratique que l'on puisse envisager d'apporter un changement constitutionnel important qui a des conséquences profondes au Québec sans qu'il y ait eu aucune audience publique dans cette province.

Cela étant dit, permettez-moi de mentionner que la Coalition pour la liberté, que je représente aujourd'hui, est tout simplement un regroupement informel d'amis. Surtout composé de parents, de futurs parents et de mes parents. Nous nous sommes unis pour faire opposition à l'abrogation—c'est ce que vous proposez—de l'article 93. Nous sommes pour la liberté des parents en ce qui a trait au choix de l'éducation de nos enfants.

Tout d'abord, aucun d'entre nous n'a été consulté au sujet de l'abrogation de l'article 93; alors comment peut-on parler d'un consensus? Naturellement, il n'est pas nécessaire de consulter les 45 membres de la coalition, mais pas un seul n'a été consulté à cet égard.

Deuxièmement, la mise en place de commissions scolaires linguistiques, à laquelle nous ne nous opposons pas, n'exige aucun changement constitutionnel. Cela a été dit par Mme Marois, ministre de l'Éducation du Québec. De plus, la Loi 107, qui aurait institué de telles commissions scolaires linguistiques, a déjà été jugée constitutionnelle. Donc, avec la Loi 107, les commissions scolaires linguistiques ne nécessitent pas une modification constitutionnelle. Lorsque le premier ministre Jean Chrétien laisse entendre le contraire, comme je peux le lire dans un document que j'ai sous les yeux, il manque de franchise.

Quel sera à long terme l'effet principal de l'abrogation de l'article 93 au Québec? Eh bien, l'effet principal de l'abrogation est l'élimination totale de la liberté des parents de choisir une éducation religieuse pour leurs enfants dans des écoles publiques. Je vous ferai remarquer que ces mêmes écoles sont, bien sûr, financées par nous, les parents. Ce droit et cette liberté des parents, non pas des syndicats ou des bureaucrates, de choisir une éducation pour leurs enfants existaient au Québec et en Ontario préalablement à la Confédération. La préservation réciproque de cette liberté en Ontario et au Québec dans l'article 93 a été la condition sine qua non de la Confédération, une condition sans laquelle nous n'aurions pas eu la Confédération dans ce grand pays.

Par extension, l'article 93 a promu la liberté des parents en éducation dans d'autres provinces—j'ai des documents juridiques qui le prouvent—et parmi des parents autres que protestants et catholiques.

J'aimerais souligner qu'au Québec les parents ont la chance de pouvoir avoir accès à un financement partiel à même les fonds publics des écoles juives, grecques et arméniennes. Il s'agit partiellement d'une extension directe des droits accordés aux parents à l'article 93, c'est-à-dire que les parents catholiques et protestants ont des privilèges, et que certains de ces privilèges sont également accordés à d'autres parents. Nous sommes en faveur d'une telle chose.

• 0840

La perte de l'article 93 au Québec implique, selon la jurisprudence établie—et j'ai la documentation avec moi—que la Charte des droits et libertés sera invoquée afin de prohiber tout financement public de l'éducation religieuse, et ce, en dépit du fait que la majorité des parents au Québec demandent actuellement l'éducation religieuse pour leurs enfants. Permettez-moi d'insister: la Charte des droits et libertés a déjà tranché par l'intermédiaire des tribunaux ontariens que tout financement à même les fonds publics de toute activité religieuse est strictement illégal, qu'il s'agisse d'exercices d'ouverture, de fermeture ou autres. Donc, sans l'article 93, tout financement public de l'éducation religieuse sera strictement illégal, même si les fonds publics proviennent des parents qui l'ont demandé. J'ai avec moi plusieurs documents juridiques que je pourrai distribuer aux membres du comité tout à l'heure.

Ni les médias ni nos politiciens n'ont discuté ouvertement de l'effet principal de l'abrogation de l'article 93, la perte du droit et de la liberté des parents de choisir une éducation religieuse pour leurs enfants—pour nos enfants. L'honorable Stéphane Dion, ministre responsable, a lui aussi participé à cette tromperie; c'est-à-dire que nous avons discuté de l'article 93 comme s'il était là pour permettre les commissions scolaires linguistiques. Eh bien, nous n'avons pas besoin de modification constitutionnelle pour avoir des commissions scolaires linguistiques. Je suis en faveur des commissions scolaires linguistiques. Nous avons besoin de l'article 93 pour préserver le droit et la liberté des parents de choisir pour leurs enfants; pour nos enfants.

J'aimerais mentionner qu'il y a eu une consultation directe au sujet de l'article 93, lors des États généraux de l'éducation au Québec en 1996. On a alors constaté que 63 p. 100 des mémoires étaient en faveur de l'éducation religieuse dans les écoles, c'est-à-dire que la majorité des parents au Québec demandent l'éducation religieuse pour leurs enfants. Cependant, cette éducation religieuse pour leurs enfants nécessite une protection constitutionnelle. Cela ne pourrait être plus clair selon la jurisprudence au pays jusqu'à présent.

J'aimerais également mentionner que la liberté accordée par l'article 93 est un rempart, petit, mais réel, contre la transformation progressive de l'éducation en un monopole étatique. En effet, l'article 93 accorde aux parents une certaine protection contre ce que pourrait faire la bureaucratie. Les parents ont un petit choix—non pas un grand choix, mais un choix—quant au type d'école qu'ils peuvent choisir pour leurs enfants. Ce droit ne porte préjudice à personne d'autre. Ce n'est donc pas un droit que nous demandons uniquement pour nous-mêmes. C'est un droit que nous demandons pour tous les parents, dans une certaine mesure.

J'aimerais souligner ici que les 45 personnes qui ont signé cette pétition et auxquelles viennent de se joindre tout récemment 20 autres personnes dont je n'ai pas eu le temps d'ajouter les noms sur cette lettre ne sont pas ici pour vous parler en qualité de politiciens, de bureaucrates ou d'intellectuels, bien que certains d'entre nous le soient, mais plutôt en qualité de parents, inquiets au sujet de l'éducation de leurs enfants. Nous voulons transmettre à nos enfants quelque chose de bon que nous avons reçu et dont nous bénéficions. Je veux que mes enfants aient comme moi accès à des écoles catholiques. J'en ai profité, et je veux donner quelque chose à mes enfants également. Voilà ce que souhaitent ceux qui ont signé la présente pétition.

Je vous remercie de votre attention.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Newman. Monsieur Peter Goldring.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci beaucoup, Nicholas, de votre exposé.

Je tiens à souligner ici que ce n'est pas une modification que l'on demande, mais véritablement l'extinction...

M. Nicholas Newman: Une abrogation.

M. Peter Goldring: ... des droits accordés à l'article 93.

M. Nicholas Newman: Oui.

M. Peter Goldring: Je pense que nous devons en être tout à fait conscients.

Il y a deux points extrêmement importants ici que l'on veut abroger: le paragraphe 93.(3), qui porte sur le droit d'appel, et le paragraphe 93.(4), qui concerne le pouvoir de législation remédiatrice. Ce sont deux points très importants qu'il ne faut pas oublier, particulièrement lorsque la demande même renvoie à la Constitution de 1982, mais nie plus tard la reconnaissance de cette même Constitution.

• 0845

En d'autres termes, il me semble que cette demande se torpille elle-même en niant l'existence de la Constitution de 1982 ou en ne la reconnaissant pas. Est-ce que cela ne vous préoccupe pas également, le fait qu'elle nie l'existence de la Loi constitutionnelle de 1982... Quelle protection avez-vous réellement en matière d'éducation?

M. Nicholas Newman: Ces questions constitutionnelles sont à mon avis très importantes. Notre groupe, qui est un groupe de parents, n'est pas un lobby pour défendre les droits des anglophones.

[Français]

En fait, nous parlons français pour la plupart, mais je ferai la présentation en anglais.

[Traduction]

Ces questions constitutionnelles sont très importantes, et je suis très surpris que votre comité n'ait pas déjà demandé à un expert de la Constitution d'indiquer tous les problèmes auxquels vous avez fait allusion. En fait, je pense qu'il est essentiel d'avoir d'experts en matière de Constitution un avis sérieux et... en fait, un renvoi à la Cour suprême sur les conséquences de l'abrogation de l'article 93.

Je pense que la plupart des gens au Québec ne savent pas très bien ce que signifie réellement l'abrogation de l'article 93. En fait, je pense qu'il est malhonnête de parler d'un consensus tant que la population n'aura pas été informée des conséquences de l'élimination de l'article 93. Il est très clair d'après la jurisprudence qui est déjà établie, à laquelle je fais allusion dans mon document et pour laquelle j'ai l'appui juridique des experts constitutionnalistes, que l'abrogation de l'article 93 signifie la perte totale de la liberté des parents de choisir une éducation religieuse pour nos enfants, même si nous payons pour cette éducation.

M. Peter Goldring: J'ai une question complémentaire.

En relisant certains des documents au sujet de ce qui a précédé la Constitution de 1867, je constate que les résolutions de Québec contiennent des dispositions sur l'enseignement. Le premier processus était celui des résolutions de Québec de 1864. On est ensuite passé aux résolutions de Londres, où il a été question pour une première fois de commissions scolaires dissidentes. Le mot s'est retrouvé dans la Constitution de 1867. Vérification faite du sens donné au mot «dissidentes», il me semble que les commissions peuvent être confessionnelles ou non confessionnelles, comme dans le cas de commissions scolaires publiques.

Vous pourriez peut-être nous parler de cela en répondant à ma question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux améliorer l'actuel article 93—autrement dit, d'y apporter des modifications. La Constitution est un document vivant, qui est capable d'évoluer et qui n'est pas coulé dans le béton. Nous pourrions peut-être modifier et améliorer l'article 93 afin de répondre aux attentes relatives à l'enseignement linguistique.

M. Nicholas Newman: Vous soulevez là un excellent point. Personne parmi nous ne s'oppose en fait à l'amélioration de l'article 93. Personne parmi nous n'a toutefois eu l'occasion de proposer des modifications ou des améliorations à l'article 93. On nous a ni plus ni moins présenté un ultimatum. Le gouvernement québécois refuse catégoriquement de parler de modifier ou d'améliorer l'article 93. Il dit simplement: «On s'en débarrasse, c'est tout», et nous ne pouvons que répondre à cela: «Non, nous nous y opposons.»

Nous sommes toutefois des gens raisonnables. Nous n'avons rien contre l'amélioration de l'article 93 afin d'élargir les droits de tous les parents. Ce ne sont pas seulement nos droits que nous cherchons à défendre. La plupart de ceux qui ont signé ce document sont catholiques, mais nous ne demandons pas des droits uniquement pour les catholiques. Ce n'est pas du tout le cas. Nous voulons que les parents aient la liberté de choix en matière d'enseignement. Bien entendu, cette liberté ne peut pas être totale, mais il pourrait s'agir d'une certaine liberté. C'est ce que nous souhaitons pour tous les parents.

M. Peter Goldring: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, Peter. Madame Christiane Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Je vous remercie de votre exposé et d'être venu témoigner. Je comprends que vous vouliez défendre votre point de vue, mais permettez-moi d'essayer de nuancer vos propos quant à l'opinion des gens qui n'ont pas été consultés.

M. Nicholas Newman: Oui.

Mme Christiane Gagnon: Quant au consensus qui n'aurait pas été atteint au Québec, vous savez que c'est une démarche qui a été entreprise il y a 30 ans et que plusieurs personnes ont été consultées dans ce dossier. Mais il est très difficile d'arriver à une entente.

Il y a plusieurs projets de loi qui ont été mis sur la table et qui ont été défaits par la Cour d'appel du Québec ou la Cour suprême du Canada, mais finalement, on voudrait tout garder. On voudrait avoir des commissions scolaires linguistiques et on voudrait garder les commissions scolaires confessionnelles.

Pour arriver à avoir un réseau beaucoup plus facile à gérer, il vaudrait mieux en arriver à avoir des commissions scolaires linguistiques. Il y a une quarantaine d'associations très crédibles au Québec qui ont manifesté le désir d'assouplir cette gestion compliquée et de permettre une certaine ouverture pour que d'autres religions puissent aussi avoir leurs écoles.

• 0850

C'est donc dans un climat d'ouverture et de respect, avec certaines garanties du projet de loi 109, qu'il faut envisager le débat. On dit qu'il n'y aura plus d'enseignement religieux dans les écoles.

M. Nicholas Newman: Oui.

Mme Christiane Gagnon: Mais ce n'est pas ce que dit le projet de loi du Québec. On dit qu'il va y avoir continuité si les parents le désirent. Je sais que vous êtes très soucieux qu'on prenne en considération le désir des parents quant à l'enseignement religieux dans les écoles, et c'est justement cela: le Québec est respectueux du désir des parents de continuer l'enseignement religieux dans les écoles. Donc, une école qui voudra demeurer confessionnelle pourra le demeurer si c'est la volonté des parents. C'est la gestion des écoles qui va changer.

Vous dites que c'est scandaleux qu'il n'y ait pas eu de consultation. Moi, je ne partage pas votre avis là-dessus. J'ai lu plusieurs documents, j'ai vu le cheminement qui nous a amenés ici aujourd'hui et nous avons entendu plusieurs personnes tout à fait crédibles. Cette démarche se reflète aussi chez nos leaders, dans les associations et dans les fédérations, dont beaucoup sont en faveur de cela, notamment la Fédération des comités de parents de la province de Québec ainsi que des associations d'enseignants du Québec. Je trouve que vous tenez un discours très négatif et également pas très respectueux de l'opinion de ceux qui se sont prononcés en faveur de ces commissions scolaires linguistiques.

Dans certains cas, il est difficile d'avoir des commissions scolaires confessionnelles, car il est nécessaire de respecter la société d'aujourd'hui, qui est nettement plus complexe et plus diversifiée au niveau des cultures et des sociétés.

Ne pensez-vous pas que c'est, au contraire, un projet d'ouverture envers d'autres religions dans un contexte tout à fait différent de celui de 1867?

M. Nicholas Newman: J'aimerais répondre en disant d'abord qu'il y a confusion quant à l'effet de l'abrogation de l'article 93. Je suis bien d'accord sur le fait qu'il y a des discussions depuis 30 ans au sujet des commissions scolaires linguistiques, que je favorise d'ailleurs personnellement. Il n'y a personne dans notre groupe, la Coalition pour la liberté, qui soit contre les commissions scolaires linguistiques, mais l'abrogation de l'article 93 aura nécessairement pour effet, via la Charte canadienne des droits et libertés, de prohiber tout enseignement religieux à l'école.

Vous nous parlez d'une ouverture à d'autres religions. Malheureusement, madame, la Charte canadienne des droits et libertés, que vous soyez d'accord ou pas, va statuer—et nous avons des opinions juridiques et constitutionnelles vérifiables et crédibles à cet effet—et prouver que sans l'article 93, l'enseignement religieux à l'école deviendra illégal, sauf peut-être si on applique la clause nonobstant. Si vous doutez de ce que je dis, est-ce que je peux vous suggérer de poser quelques questions à des constitutionnalistes ou à la Cour suprême?

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.)): Monsieur Newman, avez-vous le texte de ces opinions juridiques?

M. Nicholas Newman: Absolument. Je les ai ici.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Parfait, vous nous les laisserez.

M. Nicholas Newman: Absolument.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Est-ce que vous avez terminé?

M. Nicholas Newman: Non. Vous dites que vous proposez une ouverture à d'autres religions. À mon avis, le fait d'abroger l'article 93 est une fermeture à d'autres religions, et c'est cette conséquence que vous devez considérer. Vous allez avoir un monopole étatique dirigé par un ministre et un syndicat, avec les mêmes écoles partout, et ce sera contre la liberté des parents plutôt qu'en faveur de la liberté des parents.

Mme Christiane Gagnon: Disons que je ne partage pas votre avis. Nous avons également entendu des témoignages en faveur de l'abrogation de l'article 93. On disait que les parents catholiques et protestants étaient assez bien organisés pour perpétuer ces valeurs religieuses au sein de la société québécoise et qu'ils ne se sentaient nullement menacés par l'abrogation de la l'article 93.

• 0855

Au contraire, l'enseignement religieux est garanti par l'article 41 de la Charte québécoise et par la Loi 109. Personnellement, je ne pense pas que les dispositions qui vont être prises vont menacer l'enseignement religieux au sein des écoles. Cela va se faire de façon très différente avec une gestion autre que celle des commissions scolaires religieuses. Ce sera une gestion linguistique et, si les parents le désirent, il y aura une période de transition pendant laquelle ces derniers seront consultés.

C'est le désir d'une majorité de la population. À Montréal, on a procédé à des consultations. Est-ce que vous savez qu'il y a eu des enquêtes publiques de 1972 à 1994? Savez-vous aussi que ces enquêtes publiques ont démontré que les gens estimaient que la valeur dominante était la valeur linguistique et que c'était la raison pour laquelle ils étaient favorables à un redécoupage avec des commissions scolaires linguistiques dans la mesure où l'enseignement religieux était quand même dispensé à l'intérieur des institutions?

C'est l'information que l'on m'a donnée. Vous avez peut-être des chiffres différents. Je comprends que vous vouliez défendre votre position, mais il faut aussi respecter le fait que d'autres personnes aimeraient avoir une répartition différente pour mieux composer avec les différentes réalités et permettre une meilleure gestion financière de ces institutions.

M. Nicholas Newman: Il me semble y avoir confusion ici. Notre groupe n'est pas contre les commissions scolaires linguistiques. Nous ne sommes pas contre une gestion selon la formule linguistique, mais nous disons que la Charte canadienne des droits et libertés du Canada—et nous sommes appuyés en cela par deux avocats, y compris un professeur de droit à McGill qui a signé notre lettre—que vous le vouliez ou non, va statuer qu'au Canada, l'éducation religieuse à l'école publique sera illégale sans l'appui de l'article 93. Et ça, c'est clair. La seule façon d'éviter cela est d'utiliser la clause nonobstant.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): M. Kenney invoque le Règlement.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Serait-il possible de déposer copie de la lettre dont il est question?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous l'avons déjà demandée.

[Français]

Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Évidemment, si l'amendement est passé tel quel, il est certain que les paragraphes (1), (2), (3) et (4) tomberont. Cependant, l'article 93, qui dit que l'éducation est de compétence provinciale, reste. Tout le monde est pour ça. Il est certain que la Charte canadienne des droits et libertés, on peut l'aimer ou ne pas l'aimer. Pour ma part, je l'aime. Je trouve que c'est une bonne charte. Le Canada est un pays démocratique.

C'est vrai que la Charte canadienne des droits et libertés entrera en jeu alors que les droits confessionnels lui échappent actuellement. Si on les enlève, évidemment, la Charte des droits et libertés occupera la place. Mais là où je ne peux pas vous suivre, et j'ai hâte de savoir qui vous a renseigné, c'est quand vous dites qu'on ne pourra plus enseigner la religion dans les écoles. Cela ne deviendrait pas illégal. C'est vrai que la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui est quasi constitutionnelle, l'autorise, mais la Charte canadienne des droits et libertés va s'appliquer.

Il nous reste la liberté de religion. Qu'on amende l'article 93 ou non, c'est toujours là. Pour la question de l'égalité, ce sera évidemment plus équilibré entre les différentes religions. Avec l'article 93, les groupes catholiques et les groupes protestants sont privilégiés, mais cela n'empêche pas Québec de donner la même chose aux juifs et aux islamiques. Il faut reconnaître que les catholiques et les protestants sont protégés de façon spéciale.

• 0900

Moi, je me dis que rien n'empêchera le Québec, si jamais cet amendement est adopté, de non seulement autoriser, mais aussi de favoriser l'enseignement de la religion. Mais je suis obligé de conclure quand même que ce ne sera pas une garantie constitutionnelle; ce sera une garantie quasi constitutionnelle en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Je pense que c'est ça, le droit constitutionnel applicable dans l'instance. J'aimerais entendre votre réaction.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Professeur Newman.

M. Nicholas Newman: Je ne suis pas du tout un constitutionnaliste, mais j'ai demandé des opinions à des avocats et nous sommes accompagnés d'un professeur de droit qui nous conseille. S'il y a un doute, il faut que ce soit clarifié. Je pense que le comité ne peut pas aller plus loin sans avoir des clarifications bien nettes. S'il faut s'en remettre à la Cour suprême, il faut le faire maintenant. Il faut demander des avis.

Le sénateur Gérald Beaudoin: J'ai suggéré dès le départ que l'on entende des experts. Nous n'en avons entendu que trois. J'ai demandé qu'on en entende d'autres. Les deux coprésidents ont fait leur boulot et ils ont dit que nous réserverions deux après-midis pour les experts et constitutionnalistes. Je ne pense pas que ce soit trop parce qu'il faut qu'on sache clairement ce que veut dire cet amendement-là. J'ai même suggéré que les évêques ou les gens qui s'y connaissent très très bien dans le domaine religieux viennent aussi devant nous et nous disent exactement ce qu'ils veulent. Après tout, nous devrons prendre des décisions et nous avons le droit d'être éclairés pour bien décider. Il nous faut entendre des experts. À ce jour, les experts semblent pas mal d'accord que si on enlève les garanties constitutionnelles, la Charte des droits s'appliquera à toutes les lois provinciales en matière d'éducation. On ne risque rien à dire cela. On en convient tous à 100 p. 100.

Là où les experts s'avéreront utiles, c'est quand ils pourront préciser quelle sera la protection qui demeurera pour l'enseignement religieux. C'est là qu'il faut intervenir. J'aimerais bien que deux ou trois experts viennent, tout comme j'aimerais bien qu'on discute aussi du bilatéral et du trilatéral. Je vous dis tout de suite que je suis pour le bilatéral. Je pense que c'est une bonne conclusion, mais certains juristes ne sont pas d'accord. Alors, pourquoi ne pas les entendre? Ça ne prendrait pas plus que deux après-midis pour régler cela. Enfin, c'est ce que je voudrais faire, mais je suivrai les coprésidents.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Professeur Newman.

M. Nicholas Newman: Selon les propos que citait la Gazette de Montréal, deux experts de M. Dion, des professeurs de droit à McGill, laissaient entendre que sans l'article 93, tout droit religieux disparaîtrait.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je ne pense pas, avec tout le respect que je vous dois, que ce soit vrai. Si les garanties confessionnelles disparaissent, l'article 41 reste. Il est vrai que le Québec peut l'amender et faire ce qu'il veut par la suite. Mais de là à dire que ça devient illégal, ce n'est pas vrai. J'imagine mal que le gouvernement québécois serait assez mal avisé pour écarter tout enseignement religieux: ce serait la meilleure façon de se faire battre au Québec, à mon avis.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une petite question, professeur Newman. Au paragraphe 5 de votre texte, là où vous parlez de financement public, vous concluez en disant:

    ...en dépit du fait que la majorité des parents au Québec demandent actuellement l'éducation religieuse pour leurs enfants.

Puis vous reprenez une note qui se lit comme suit:

    Les parents qui désirent l'éducation religieuse seront incités à voter pour la séparation du Québec comme seul moyen de faire restaurer leurs droits.

Je vous dirais que comme parent québécois qui élève ses enfants dans la religion—et il en est de même pour la population de Brome—Missisquoi que je représente—je n'ai rien entendu ici qui va inciter les gens à voter pour la séparation du Québec. Avez-vous des commentaires à faire sur cette note de votre texte?

• 0905

M. Nicholas Newman: En fait, j'ai mis cela exprès en petite note. Ce que je veux dire, c'est que si le Canada n'est pas soucieux des droits des minorités, des droits religieux et des droits de longue date, eh bien, à quoi sert le Canada?

Le Canada a toujours appuyé les droits des minorités, cela à toutes sortes d'égards. C'est pourquoi nous avons un grand pays dans lequel je suis fier de vivre. Le Canada appuie même les droits des gens qu'on n'aime pas nécessairement. Si on enlevait leurs droits aux minorités telles que les franco-protestants ou les anglo-catholiques, à quoi servirait ce grand pays? C'est ça que je veux dire.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Newman. Madame Jennings.

[Traduction]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur Newman. Merci pour votre exposé.

J'ai deux questions que je voudrais aborder avec vous. La première concerne le financement d'autres écoles confessionnelles, juives, grecques orthodoxes, arméniennes orthodoxes, qui, d'après votre coalition, sont financées...

M. Nicholas Newman: Oui.

Mme Marlene Jennings: ... le financement de ces écoles par la province de Québec étant en quelque sorte attribuable à l'article 93.

J'ai de sérieuses réserves quant à la conclusion à laquelle vous arrivez, car la connaissance que j'ai du droit constitutionnel et du partage des pouvoirs m'amène à conclure que, nonobstant l'article 93, qui accorde un privilège aux minorités catholiques et protestantes de certaines provinces canadiennes aux termes de la Charte et de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, du fait que l'enseignement relève de la compétence provinciale et que nous avons la protection des convictions religieuses, la province de Québec, par exemple, peut décider de financer d'autres écoles confessionnelles. Même à l'heure actuelle, indépendamment de l'article 93, le Québec pourrait décider demain de cesser de financer ces écoles, sans aller pour autant à l'encontre de la Constitution.

M. Nicholas Newman: Oui. Je suis d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas strictement d'une question d'obligations constitutionnelles et juridiques. Au Québec, à l'heure actuelle, les catholiques et les protestants ont des privilèges. Cela ne fait aucun doute.

Étant donné que certains ont des privilèges, le gouvernement québécois peut difficilement dire aux parents contribuables qu'il finance des privilèges pour les catholiques et les protestants, mais pas pour eux. Si les catholiques et les protestants ont des privilèges, il serait logique que les autres en aient aussi.

C'est sous cet angle que j'abordais la chose, d'autant plus qu'il y a un fort courant d'opinion au Québec voulant qu'il y ait un seul système scolaire qui serait le monopole de l'État et qu'il n'y ait aucun financement pour qui que ce soit d'autre, aucun financement pour les écoles privées.

Ce fort courant d'appui en faveur d'un monopole d'État est évident dans les propos de nombreux représentants du gouvernement actuel et des milieux syndicaux. Ces gens ont droit bien entendu à leurs opinions, mais je crois que cette opinion va à l'encontre de celle de bien des parents. Permettez-moi de vous faire remarquer que les parents n'ont vraiment pas le temps, ni l'énergie, ni la compétence voulue pour être des lobbyistes efficaces. Les droits parentaux ont donc tendance à le céder aux droits des fonctionnaires, des syndicats et d'autres secteurs. L'article 93 n'est qu'un petit rempart pour protéger les droits des parents, un tout petit rempart. Il existe néanmoins, et son existence empêche en quelque sorte de mettre en doute le fait que les parents juifs puissent vouloir que des fonds soient affectés à leurs écoles. C'est une situation qui se justifie en partie à la lumière de l'article 93.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une question supplémentaire, madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Merci.

[Traduction]

Vous soulevez, par ailleurs, cette question du monopole de l'État en ce qui concerne l'enseignement. Je ne sais pas exactement ce que vous entendez par là, et je vous explique pourquoi. Je comprends qu'il existe un large consensus au Québec en faveur des commissions scolaires linguistiques...

M. Nicholas Newman: Oui.

Mme Marlene Jennings: ... et je crois que vous avez vous-mêmes donné votre appui à cela. Vous avez dit que votre coalition en tant que telle ne s'oppose pas à la création de commissions scolaires linguistiques. Le problème, d'après vous, se situe ailleurs; il tient au fait que l'article 93...

M. Nicholas Newman: En effet. Il ne s'agit pas ici d'arrangements administratifs.

• 0910

Mme Marlene Jennings: Exactement. Même en l'absence de l'article 93, aux termes de l'actuelle Charte québécoise, qui est un document quasi constitutionnel, de la Charte canadienne des droits et libertés, qui est un document constitutionnel, et de la Loi sur l'instruction publique qui a actuellement cours au Québec, les parents ont la possibilité de décider de la vocation religieuse, si vous me passez l'expression, de leur école. Cette liberté de choix existe déjà et elle continuera à exister même si l'article 93 est abrogé.

C'est pourquoi je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous parlez de monopole de l'État, et je ne comprends pas non plus, étant donné que, si notre Loi sur l'instruction publique au Québec prévoit la possibilité pour les parents de déterminer la vocation de leur école—et nous avons entendu d'autres coalitions ces derniers jours qui sont venues nous dire qu'il y avait déjà 20 ou 25 avis de dissidence qui avaient été déposés afin d'assurer le maintien du caractère confessionnel de certaines écoles en particulier—c'est sans doute parce que les parents ont une certaine influence que l'Assemblée nationale, en élaborant la Loi sur l'instruction publique et en l'adoptant par la suite, a dû le maintenir dans cette loi. Je voudrais savoir si vous êtes d'accord avec ce que je dis. Bonne question?

M. Nicholas Newman: Je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous dites, mais je vous ferais remarquer—et c'est ce que des avocats m'ont dit—que la Charte canadienne des droits et libertés a préséance sur toutes les dispositions de la Charte québécoise des droits et libertés. La Charte canadienne des droits et libertés a déjà été invoquée en Ontario pour faire valoir que dans le système scolaire public—la protection prévue par l'article 93 ne s'applique pas là—les pratiques religieuses et l'enseignement religieux ne sont pas autorisés. La Charte a déjà été invoquée en Ontario. La jurisprudence existe; vous n'avez qu'à vous y reporter.

Selon moi, il n'y a aucune raison qu'elle ne soit pas aussi invoquée au Québec. Pourquoi? Parce qu'il suffirait qu'une personne se plaigne devant les tribunaux que l'enseignement religieux viole ses droits; la personne pourrait invoquer la Charte canadienne des droits et libertés pour montrer que l'enseignement religieux viole ses libertés.

Quelles sont les chances que le tribunal statue en sa faveur? Elles sont très bonnes. Ce n'est pas absolument sûr, j'en conviens, mais nous parlons ici de fortes probabilités. Si c'est ce qui a été décidé en Ontario, c'est fort probablement ce qui sera décidé au Québec, peu importe ce que fera le gouvernement.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Newman.

Il nous reste quelques minutes et encore deux intervenants à entendre. Je commencerai par entendre M. Yvon Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur Newman, je vous remercie d'être ici ce matin. Vous avez parlé des syndicats. Si vous connaissiez mes antécédents, vous sauriez que je suis une personne qui a beaucoup de respect pour les syndicats. Ces groupes ont vraiment vu à protéger la minorité et les gens ordinaires. Je crois que leurs efforts ont contribué à nous donner un niveau de vie acceptable, bien qu'il reste encore beaucoup de travail à faire. En un sens, les représentants syndicaux sont pareils à ceux qui oeuvrent dans les gouvernements puisqu'ils sont élus par leurs membres et que les syndicats les appuient. J'ai donc beaucoup de respect pour le monde syndical, que je me sens obligé de prendre en considération.

Monsieur Newman, ma demande s'adresse à la fois à vous et aux coprésidents. Vous avez parlé d'experts qui contredisent ce que nous entendons et dont l'opinion va à l'encontre de celle de certaines autres personnes. Je suggère donc que les coprésidents invitent ces deux professeurs experts de McGill qui disent le contraire. Peut-être pourrions-nous solliciter votre appui, puisqu'il s'agit de vos experts, afin de leur recommander de se présenter devant nous. S'il y a confusion chez les experts, imaginez-vous dans quelle situation nous sommes, nous qui devons prendre une décision. Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Godin.

Professeur Newman.

M. Nicholas Newman: Je ne suis pas un avocat et je suis à 100 p. 100 d'accord avec vous: il faut que vous entendiez des constitutionnalistes.

Deuxièmement, je n'ai pas voulu dire des choses pour abaisser les syndicats. Les syndicats ont leur travail à faire. Toutefois, le travail d'un syndicat n'est pas nécessairement au même niveau que celui d'un parent. Le syndicat des professeurs n'a pas nécessairement les mêmes intérêts que les parents.

• 0915

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, professeur Newman.

[Traduction]

Nous passons maintenant à M. Jason Kenney.

M. Jason Kenney: Merci beaucoup, monsieur Newman. Je vous félicite, vous et vos collègues, de votre initiative. Je trouve tout simplement malheureux que vous n'ayez pu comparaître devant l'Assemblée nationale pour défendre vos droits.

Pour ce qui est des experts dont M. Beaudoin aussi bien que M. Godin ont parlé, vous avez cité un article de la Gazette de Montréal. Des experts qui ont déjà comparu devant le comité ont soutenu la demande, essentiellement parce qu'elle aura pour effet de laïciser le système scolaire du Québec. J'aimerais verser au procès-verbal un article de la Gazette de Montréal du 21 octobre. Dans cet article, on me cite comme étant d'avis que la modification aura pour effet, à terme, d'éliminer l'enseignement religieux au Québec. Sur cet aspect, Smith et son collègue de McGill, William Foster, semblent être d'accord. Ils ont déclaré que l'enseignement protestant et catholique, à l'exclusion des autres religions, n'a pas sa place dans le système scolaire et que, dans divers jugements, les tribunaux invoqueront la Charte de telle manière qu'aucune religion ne pourra être enseignée plus qu'une autre. Foster a déclaré devant le comité que la religion n'a pas sa place à l'école publique.

Les députés du Bloc ont exprimé des avis semblables devant le comité, et ce sont ceux que partagent également les représentants du gouvernement du Québec. Je trouve remarquable de les entendre dire d'une part que la Loi 109 continuera de garantir l'accès à l'enseignement confessionnel et, d'autre part, que l'enseignement religieux n'a pas sa place dans cette société moderne et pluraliste.

Ma question a trait au consensus qui existerait, selon ce que prétendent les gouvernements fédéral et provincial, en se fondant essentiellement sur la position ambiguë des évêques du Québec. Auriez-vous un commentaire à ce sujet? D'après ce que j'ai compris, les évêques ont déclaré qu'ils ne s'opposent pas à la modification de l'article 93, mais qu'ils ne la favorisent pas non plus. Ils ont proposé comme principe, si j'ai bien compris, que les parents doivent pouvoir continuer à se voir garantir l'accès à l'enseignement religieux et que les décideurs politiques doivent continuer à trouver les moyens de garantir un tel accès. J'aimerais vous entendre commenter la position des évêques et la notion selon laquelle il existe un consensus, notamment parmi les milieux catholiques du Québec.

M. Nicholas Newman: D'accord. Merci.

Tout d'abord, j'ai eu un entretien avec Mgr Rivest, de Montréal. Il m'a déclaré que les évêques—et je tiens à dire qu'il est ici question de droits des parents, et non pas de droits des évêques—disent souhaiter que les parents jouissent des garanties confessionnelles qui existaient dans la Loi 107. Les évêques ont déclaré qu'ils souhaitent que les parents aient le droit de choisir le type d'école qu'ils souhaitent pour leurs enfants, y compris l'enseignement religieux, si c'est ce que les parents souhaitent. Les évêques l'ont dit clairement. L'un d'entre eux me l'a déclaré lorsque je l'interrogeais à ce sujet.

Ainsi, les évêques souhaitent des garanties confessionnelles. Or, ces garanties, où sont-elles? À l'heure actuelle, elles n'existent que dans l'article 93. Voilà pourquoi je m'oppose à son abrogation. C'est l'avis que m'ont donné des conseillers experts en matière constitutionnelle.

S'il existe des divergences d'opinions, nous devons de toute urgence nous en remettre aux constitutionnalistes avant de faire quoi que ce soit d'autre.

En second lieu, en effet, les évêques souhaitent que soit garantie la liberté des parents de choisir l'enseignement religieux. Or, une telle garantie est donnée dans l'article 93. Si vous me proposez un nouvel article 93 amélioré, alors je suis bien d'accord. Par contre, si vous le supprimez complètement, il n'existe plus de garanties.

Le mot «garantie» est employé dans une lettre de Mgr Rivest que j'ai devant moi et que je puis vous transmettre.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Newman.

Paul DeVillers.

Mme Christiane Gagnon: Monsieur le président, j'aimerais soulever une question de privilège.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une question de privilège?

Mme Christiane Gagnon: Oui, je voudrais rectifier des propos qui ont été tenus par le Parti réformiste. Il dit que le gouvernement du Québec veut laïciser l'éducation et ne veut pas d'enseignement religieux dans les écoles. Je ne pense pas que ce soit la réalité. J'aimerais dire que c'est plutôt la conjoncture de la société québécoise qui nous amène à certaines réflexions et que c'est plutôt un débat qui est au coeur de la société québécoise quant à l'enseignement religieux dans les écoles. Ce n'est pas le gouvernement du Québec qui dit qu'il ne devrait pas y avoir d'enseignement religieux. J'aimerais faire cette distinction importante.

• 0920

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Gagnon, ce n'est pas une question de privilège.

Mme Christiane Gagnon: Non, mais je l'ai dit.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Pour en revenir à la position des évêques,

[Français]

et pour faire suite aux propos de M. Kenney,

[Traduction]

je crois l'avoir déjà fait, mais permettez-moi de lire un extrait de l'entrevue à RDI.

[Français]

avec Mgr Turcotte. Il disait:

    Mais, pour le moment, nous avons—et c'est très important pour nous—l'assurance que les droits des écoles confessionnelles sont protégés au Québec par la loi même du Québec.

[Traduction]

Il s'agit, à mon avis, d'une question qui mérite des éclaircissements. Je crois qu'il s'agit là de la position énoncée par Mgr Turcotte. En prenant la parole à titre de président de la Conférence des évêques catholiques du Canada tout au moins, il a déclaré que ces derniers n'étaient pas satisfaits des protections prévues dans les lois du Québec.

M. Jason Kenney: À quel propos a-t-on soulevé cet aspect?

M. Paul DeVillers: Vous décriviez les positions des évêques en disant que ces derniers n'étaient pas satisfaits.

M. Jason Kenney: Monsieur le président, M. DeVillers ne cite pas la lettre en donnant tout le contexte. Plus loin, on ajoute...

M. Paul DeVillers: Non, il ne s'agit pas d'une lettre, il s'agit d'une entrevue. Permettez-moi de la déposer.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Il ne s'agit pas d'un débat.

M. Paul DeVillers: Non, mais c'est la deuxième ou la troisième fois qu'il en est question. Si le comité est d'accord, je vais déposer la transcription de l'entrevue.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Soit, mais je crois que nous devrions interrompre le débat dès maintenant.

[Français]

J'aimerais remercier le professeur Newman pour sa présentation au nom de la Coalition pour la liberté. Merci beaucoup de vous être présenté devant nous si tôt ce matin.

M. Nicholas Newman: Je vous remercie de votre attention.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons maintenant entendre

[Traduction]

la Fédération québécoise des associations foyers-écoles. Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin M. Calvin Potter, président, Miriam Wood Lalande, et M. Rod Weiner. Soyez les bienvenus.

Vous allez nous faire un exposé de votre mémoire durant huit à 10 minutes, après quoi les membres du comité mixte auront l'occasion de vous poser des questions.

Est-ce M. Potter ou Mme Lalande qui va prendre la parole? Je vous prie de commencer.

Mme Miriam Wood Lalande (présidente, Fédération québécoise des associations foyers-écoles): Merci beaucoup.

M. Rod Weiner (président, Comité des droits, Fédération québécoise des associations foyers-écoles): Monsieur le président, permettez-moi de présenter les personnes qui m'accompagnent. Mme Lalande est la présidente de l'organisation et M. Potter est notre mentor. Deux autres membres sont présents. J'aimerais vous les présenter. Il s'agit de Mme Winifred Potter et de M. Steve Drake. Je m'appelle Rod Weiner et je suis le président du Comité des droits.

Mme Miriam Wood Lalande: Merci, Rod.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Weiner.

Mme Miriam Wood Lalande: Bonjour.

La Fédération québécoise des associations foyers-écoles vous remercie de l'occasion qui lui est donnée de présenter ce mémoire devant le comité mixte spécial qui étudie la modification proposée aux paragraphes (1) à (4) de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.

• 0925

Les membres de la fédération représentent un échantillon valable de parents québécois. La fédération favorise la participation des parents et l'avancement du savoir. Elle agit comme porte-parole indépendant des parents.

En tout premier lieu, la Fédération québécoise des associations foyers-écoles s'oppose avec véhémence à l'adoption de la modification proposée des paragraphes (1) à (4) de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Une telle mesure entraînerait la destruction de l'identité des minorités au Québec.

L'article 93 dans ses paragraphes (1) à (4) représente un compromis de base et une condition essentielle au pacte confédératif. Sans cela, il n'y aurait pas eu de Confédération. Il s'agit de la pierre d'assise de la Constitution de 1867. L'accord bilatéral proposé entre le Parlement du Canada et l'Assemblée nationale dispenserait la province de Québec de l'obligation de respecter les droits civils et religieux de groupes de personnes minoritaires au Canada.

Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 ont été formulés au moment de la Confédération pour protéger une catégorie de personnes, à savoir les protestants et les catholiques, de la négation de leurs libertés civiles par la majorité provinciale. Ce dont il est question ici, c'est le droit de dire non, le droit à la dissidence par rapport à la majorité, le droit de se laisser guider par sa propre conscience.

Alexander T. Galt, le promoteur de l'article 93, disait des libertés de religion et d'association qu'elles constituaient des droits vitaux qui étaient protégés durant l'époque antérieure à la Confédération par la Tolerance Act de 1689, et dans la période postérieure à la Confédération par le régime des droits des minorités prévu aux paragraphes (1) à (4) de l'article 93. Compte tenu de la tendance actuelle d'un glissement vers le nationalisme ethnique, la modification proposée vise à supprimer les limites prévues aux paragraphes (1) à (4) et revient à demander au gouvernement fédéral de permettre au Québec de charger un renard de défendre le poulailler. Comme mesure de conciliation, voilà qui est suicidaire.

En 1972, le ministère de l'Éducation du Québec a publié un document qu'on a appelé «L'étude». En 1973, la CSPGM, la Commission scolaire protestante du Grand Montréal, a pour sa part parrainé le rapport Howard. Or, il importe surtout de dire que ni l'un ni l'autre des documents ne se penchait sur le type de souveraineté visé. L'étude fondait ses choix sur le common law, le droit napoléonien, qui n'est pas le modèle de la fédération canadienne. Le rapport Howard fondait implicitement ses choix sur le modèle britannique.

En matière de souveraineté dans un État démocratique, tout gouvernement issu du peuple doit être dirigé par la majorité. Cependant, on peut assurer la souveraineté de la minorité dans le cadre d'une structure fédérale et de la séparation des pouvoirs. Une telle souveraineté obligerait la majorité provinciale à faire preuve de souplesse par la nécessité du compromis et du respect du droit au consentement.

Il est farfelu de prétendre, comme l'ont fait M. Dion et M. Chrétien, qu'il existe un consensus. Constater le consensus de la majorité au pouvoir, c'est poser la question à la mauvaise personne. Les personnes concernées, les personnes qui vont perdre les droits dont elles ont hérité, sont les minorités du Québec. Demandez-leur, demandez-nous si nous souhaitons la suppression de nos droits. Ne demandez pas à la majorité qui jouit des pleins pouvoirs de faire ce qu'elle veut.

Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 obligent la majorité à être souple et tolérante à l'égard des minorités.

• 0930

Recommandation: la Fédération québécoise des associations foyers-écoles exhorte le comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes à recommander au Parlement de ne pas adopter la motion visant la modification proposée des paragraphes (1) à (4) de l'article 93 de la Constitution canadienne de 1867.

Pour ce qui est de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés de la Constitution de 1982, la fédération rejette toute idée qu'il puisse s'agir d'une garantie visant les droits à l'éducation de la minorité. Tel n'est pas le cas. De plus, le gouvernement actuel du Québec ne reconnaît pas la Charte. On peut donc difficilement faire confiance aux garanties à long terme que pourrait représenter l'article 23. La modification proposée, si elle est adoptée, dispenserait le Québec de ses obligations constitutionnelles à l'égard des minorités.

Selon ce que dit M. Dion, l'article 23 de la Charte offre des garanties suffisantes à l'égard des droits des minorités. Or, l'article 23 constitue une politique linguistique qui n'a rien à voir avec les droits civils des minorités. Il ne vise que la langue. On veut nous faire un tour de passe-passe. C'est comme si on parlait de choux et de navets.

La fédération souhaite protester au sujet de la trop brève durée des consultations sur cette question, aussi bien au palier fédéral qu'au palier provincial. Le gouvernement du Québec n'a pas autorisé d'audiences publiques, et les deux semaines de séances prévues par le comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes peuvent difficilement être jugées suffisantes pour permettre aux Canadiens de diverses régions du pays de s'exprimer sur la question. Le Parlement du Canada ne doit pas agir avec une précipitation si déraisonnable pour modifier les paragraphes (1) à (4) de l'article 93. Ces dispositions représentent un compromis de base de la Confédération en matière de respect des droits des minorités. Elles reflètent l'attachement du Canada aux valeurs démocratiques.

Plus loin dans notre mémoire, nous dressons un historique du secteur de l'éducation au Québec, à partir des faits. Comme vous le verrez, il est question à la page 10 de «double dualité». Les dispositions visant les droits civils des minorités au Québec et en Ontario sont fondées sur la notion de double dualité—le fait d'une minorité anglo-protestante au Québec, d'une majorité franco- catholique au Québec, d'une minorité franco-catholique en Ontario et d'une majorité anglo-protestante en Ontario.

Il est difficile de ne pas croire que la proposition est une manoeuvre politique visant à mettre à l'essai la volonté du gouvernement fédéral. Les conseillers du ministère de l'Éducation provincial doivent bien savoir que les jugements les plus récents de la Cour suprême du Canada ont confirmé que les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 accordent un statut particulier à certaines catégories de personnes. Le gouvernement provincial cherche à déterminer si le gouvernement fédéral se laissera séduire par l'idée de plaire à une majorité d'électeurs au Québec ou s'il gouvernera de façon honorable en respectant l'esprit de la Constitution.

Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Kenney.

M. Jason Kenney: Merci, madame Lalande, et merci à vous, messieurs, de nous avoir donné un exposé fort complet et bien senti. Vous avez fait ressortir tout le sérieux avec lequel nous devons envisager toute la question de l'abrogation des droits des minorités, d'autant plus que nous sommes devant une démarche précipitée et présomptueuse. Je vous en suis reconnaissant.

Je vous prie de commenter deux aspects. Tout d'abord, ceux qui favorisent la modification ont soutenu que les droits à l'école confessionnelle continueront d'exister dans le cadre de la Loi 109, de la Loi sur l'instruction publique du Québec, et que cette loi aura pour effet de protéger les composantes confessionnelles du système scolaire québécois de l'influence laïcisante de la Charte canadienne des droits et libertés par le truchement de la disposition dérogatoire.

• 0935

D'après ce que j'ai compris, le Parti québécois a voté contre le recours à la disposition dérogatoire lorsqu'il était dans l'opposition. Pouvez-vous me dire si vous jugez que la disposition dérogatoire et la protection de la loi constituent des garanties suffisantes de vos droits à l'enseignement confessionnel?

Voilà ma première question. Deuxièmement, auriez-vous un commentaire à faire au sujet du consensus qui existe au Québec, selon le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral? Sur quoi vous appuyez-vous pour dire qu'il n'y a pas de consensus?

M. Calvin Potter (Comité des droits, Fédération québécoise des associations foyers-écoles): La preuve qu'il n'y a pas de consensus saute aux yeux: nous sommes ici et nous nous opposons à la modification proposée. À ma connaissance, bon nombre d'autres organisations ont comparu devant le comité en faisant valoir le même point de vue.

Pour ce qui est de la disposition dérogatoire, nous demandez-vous si nous y sommes favorables ou non?

M. Jason Kenney: Je vous demande si, d'après vous, la Loi 109 constitue une garantie suffisante de vos droits à l'école confessionnelle au Québec.

M. Calvin Potter: Je dois signaler que toutes les dispositions prises par le ministère, tous les plans annoncés, ont été fondés sur la validité de l'article 93 et des paragraphes (1) à (4). Si la modification est adoptée, le Québec est essentiellement libéré des limites qui lui sont imposées. On ne peut vraiment pas dire ce que les autorités provinciales vont faire, puisque rien ne le laisse prévoir. Toute la planification est fondée sur la validité de l'article 93.

Voilà un aspect qui nous inquiète. L'expérience nous a appris que le gouvernement n'abat pas toujours toutes ses cartes à l'avance. Rien ne nous permet de croire qu'il agira autrement qu'il ne l'a fait par le passé. La meilleure protection dont nous jouissons est celle de l'article 93, qui a été conçu pour protéger la minorité des abus de la majorité.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Votre thèse est fondée sur la protection des minorités, et nous sommes tous d'accord là-dessus. Par contre, les catholiques et les protestants sont des groupes protégés par la Constitution et jouissent des droits collectifs aux termes des paragraphes (1) et (2) de l'article 93.

M. Calvin Potter: À titre de minorités.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Non, les catholiques constituent une majorité et ils sont protégés également.

Voilà justement un aspect du débat que j'ai de la difficulté à comprendre. Nous devons faire la distinction entre les droits confessionnels protégés par l'article 93 et les droits des minorités protégés par le reste de la Constitution. Qui donc est protégé aux termes de l'article 93? Ce sont les groupes catholiques, qui sont majoritaires au Québec, et les groupes protestants, qui, au Québec, constituent une minorité.

M. Calvin Potter: Excusez-moi. Permettez-moi de vous proposer une autre interprétation. Ceux qui sont protégés sont les groupes de personnes qui sont admissibles aux termes de l'article 93, les groupes de personnes qui sont en situation minoritaire... Je n'ai pas l'article 93 devant moi.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Toute discussion de l'article 93 est très complexe et peut parfois porter à confusion. Galt et D'Arcy McGee souhaitaient protéger les groupes catholiques de l'Ontario, qui constituaient une minorité, et les groupes protestants du Québec, qui constituaient une minorité, mais ils ont du même coup protégé les écoles confessionnelles des catholiques et des protestants d'une façon générale.

M. Calvin Potter: Certainement.

Le sénateur Gérald Beaudoin: À l'époque, c'est évidemment ce qu'il convenait de faire, il n'y a aucun doute là-dessus. Ils ont protégé les deux groupes. Cependant, même si les catholiques du Québec et les protestants de l'Ontario forment des majorités, sans aucun doute, ils sont protégés par l'article 93, à moins que je ne me trompe.

• 0940

Je comprends. Votre position est très claire. Vous dites que nous devrions conserver l'article 93. Ça va. Je respecte cette opinion, bien sûr, mais qu'en est-il des autres religions? Elles ne sont pas sur le même pied.

M. Calvin Potter: Mais l'article 93 n'a pas été conçu avec à l'esprit la religion. Il a été conçu pour protéger les droits civils d'un peuple qui allait se retrouver minoritaire sous le régime de la nouvelle Constitution.

Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est plus que cela.

M. Calvin Potter: L'un des problèmes auxquels nous nous heurtons, c'est que les tribunaux ne comprennent même pas la nature du protestantisme. Ils traitent les protestants de la même façon que les catholiques, sauf que c'est une autre religion.

Le sénateur Gérald Beaudoin: C'est exact.

M. Calvin Potter: Mais ce n'est pas là la substance de l'article 93. Cet article reconnaît les droits civils des citoyens à la liberté de penser, peu importe la religion. Il garantit aux citoyens le droit d'être eux-mêmes et de croire ce qu'ils veulent.

Vous savez sans doute que le vocable «protestant» englobe de nombreuses sectes—les méthodistes, les baptistes, les presbytériens, les congrégationalistes—qui ont toutes une optique différente face à la religion. Et ces diverses perspectives sont toutes garanties par le droit de la minorité à exercer un choix.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je veux simplement être clair. Le Conseil privé et la Cour suprême du Canada ont déclaré que l'article 93 protège les droits confessionnels. Il n'y a absolument aucun doute à cet égard.

L'article 23 de la Charte protège les droits à l'instruction dans la langue de la minorité parce qu'ils ne sont pas protégés par l'article 93. On a donc adopté l'article 23 en 1982 pour protéger la langue officielle de la minorité dans les écoles, soit l'anglais au Québec et le français hors Québec. En outre, l'article 2 de la Charte protège la liberté de religion partout dans notre pays.

Nous jouissons donc de nombreuses protections, mais en l'occurrence le débat porte sur les écoles confessionnelles. Vous me dites que vous voulez conserver cela. C'est certainement un point de vue très respectable. C'est soit l'un, soit l'autre, ou un nouvel article 93, ce qui n'est pas impossible. Mais c'est le sujet d'un autre débat.

Il est plutôt inquiétant que l'article 93 protège uniquement les droits confessionnels. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on assure cette protection aux catholiques et aux protestants, mais pourquoi ne pas l'étendre à d'autres religions?

M. Calvin Potter: C'est effectivement une lacune. Il n'y avait pas d'autres religions au Canada lorsque cette disposition a été adoptée en 1867. Je pense qu'il y avait—j'ai oublié les statistiques—une cinquantaine de juifs. C'était uniquement la chrétienté.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Vous avez raison, mais maintenant les choses ont quelque peu changé.

M. Calvin Potter: Nous ne sommes pas contre le fait d'élargir l'article 93. Nous sommes contre son abrogation.

Le sénateur Gérald Beaudoin: D'accord. C'est clair. Merci.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Bonjour. Je vous remercie de votre témoignage. Vous avez parlé de plusieurs aspects très négatifs, selon vous, d'une éventuelle abrogation de l'article 93. Vous avez dit que cela détruirait l'identité. S'agirait-il de l'identité religieuse ou de l'identité des personnes? J'aimerais avoir un petit peu plus d'explications sur ce que vous nous avez dit.

[Traduction]

M. Calvin Potter: Je ne me souviens pas que nous ayons dit que nous abolissions l'identité religieuse. Nous avons dit qu'on enlevait à la minorité la possibilité de s'identifier, de s'auto-identifier, ce qui va plus loin qu'une simple question de droit et de religion. Il y a de nombreux autres aspects à l'auto-identification, comme la tradition, les valeurs et les idées qui vous ont été transmises et que vous souhaitez transmettre vous- même à vos enfants. Nous ne sommes pas opposés à cela.

• 0945

Il est malheureux qu'on utilise le terme «confessionnel». Les protestants n'utilisent pas ce terme. Ils parlent des protestants dissidents. En fait, ce terme est plutôt comme un boulet autour du cou des protestants, car ils sont toujours aux prises avec cette étiquette qui amène les gens à croire que le protestantisme est simplement un autre volet du catholicisme.

Ce n'est pas là du tout la substance de l'article 93. Voilà pourquoi nous avons fait l'historique de cet article. Voilà pourquoi nous avons cité A.T. Galt, le parrain de cette disposition. Tout le monde est d'accord. Si on lit M. Galt, on se rend compte qu'il parle de droits civils; il ne parle pas de religion. En fait, il a catégoriquement nié que la religion était en cause. C'est une question de droits civils, dont le droit d'être soi-même, le droit à ses convictions, peu importe ce que pense la majorité.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Mais ne pensez-vous pas que ce que le gouvernement du Québec met sur la table n'a pas justement pour but d'en arriver à cette liberté d'expression, selon la volonté des parents d'abord? On met les parents au centre de cette décision. Cela ne permettrait-il pas d'avoir une meilleure gestion et une meilleure compréhension de ce qui se passe présentement dans la société, une ouverture à d'autres cultures et à d'autres religions, dans un contexte où il y aurait justement un respect des identités et où des anglophones et francophones géreraient leurs commissions scolaires tout en respectant la confessionnalité?

Cela ne veut pas dire que l'enseignement religieux serait automatiquement exclu. On s'en remettrait à la volonté des parents qui, s'ils le désiraient, pourraient décider de maintenir l'enseignement religieux dans les écoles et même de garder le statut confessionnel catholique ou protestant de ces écoles. Ce serait fait dans une perspective de tolérance et d'accueil. On pourrait faire en sorte que les nouvelles composantes qui se sont ajoutées à la société québécoise puissent aussi avoir droit à cette gestion et aux sommes d'argent qui sont y consacrées.

[Traduction]

M. Calvin Potter: L'article 93 a été le fondement qui nous a permis de vivre ensemble en harmonie depuis plus de 100 ans, dans le respect de la religion d'autrui et de la langue d'autrui. Depuis 20 ans, on n'a proposé aucun modèle qui véhicule cette tolérance et cet esprit d'harmonie.

La majorité a toujours eu l'option de faire à sa guise. Et comme la ministre de l'Éducation du Québec, Mme Marois, l'a dit dans son préambule à l'annonce du passage des commissions scolaires confessionnelles aux commissions scolaires laïques ou linguistiques dans le domaine de l'éducation, le ministre conserve toujours le pouvoir d'apporter des modifications, des changements, pour s'adapter aux voeux des parents. Nous sommes tous en faveur de cela.

Nous avons salué l'arrivée de la Révolution tranquille. Pendant une bonne dizaine d'années, nous étions cités comme exemple de bonnes relations entre l'école et le foyer, comme exemple de la participation des parents à la vie de l'école. Nous avons toujours eu cette tradition. Cela est aussi une tradition protestante. La position des protestants a toujours été que nous souhaitons que l'éducation soit plus ou moins laïque, et que l'école du dimanche serve à transmettre les valeurs religieuses, ce qui constitue une approche différente. La religion était enseignée dans les écoles du dimanche, organisées sur une base nationale. Cela faisait partie de l'optique protestante. C'est cela qui n'a pas été saisi. Ce n'est pas seulement que nous sommes différents des catholiques. Notre approche est complètement différente.

• 0950

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Une très petite question.

Mme Christiane Gagnon: Vous semblez dire qu'on a un système idéal et que tout va bien. Mais on cherche une solution depuis 30 ans, ce qui nous a amenés à réfléchir sur l'abrogation de l'article 93. L'Association des évêques catholiques du Québec s'est prononcée en faveur des commissions scolaires linguistiques à condition qu'on permette un enseignement religieux dans les écoles. C'est là que nous en sommes aujourd'hui. On ne vise pas l'abolition de l'enseignement religieux dans les écoles, mais une gestion différente qui tiendrait beaucoup mieux compte des réalités qui sont véhiculées aujourd'hui et une ouverture à d'autres cultures et à d'autres religions pour permettre une meilleure intégration et une meilleure coordination entre les commissions scolaires. Vous semblez dire que tout était parfait. Moi, je ne suis pas d'accord.

[Traduction]

M. Calvin Potter: Tout cela se fait aux dépens de la minorité. Si vous souhaitez ces choses, fort bien, mais formulez votre proposition de façon à tenir compte de l'opinion des personnes qui ne partagent pas vos vues. Nous ne sommes pas contre le changement, mais nous sommes contre le fait de supprimer les droits de la minorité pour faire l'essai d'un nouveau système. Si vous voulez faire des expériences, allez-y, mais faites en sorte que ce ne soit pas sur le dos des minorités.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, monsieur Potter.

Sénateur Robichaud.

Le sénateur Fernand Robichaud (Nouveau-Brunswick, Lib.): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Nous avons accueilli des gens qui, à ce qu'il me semble, connaissent très bien la situation au Québec. Ce sont soit des commissaires d'école, des membres de commissions scolaires à titre de parents ou de représentants des écoles, soit des enseignants. Certains ont fait valoir que sous leur forme actuelle, les paragraphes 93.(1) à 93.(4) leur imposent une structure qui n'est pas dans le meilleur intérêt des enfants pour ce qui est de la qualité de l'éducation. Ces personnes ne peuvent mettre en commun leurs ressources et nous exhortent à approuver la requête pour pouvoir réunir leurs ressources et faire en sorte que les enfants, qui, en l'occurrence, sont les bénéficiaires, puissent obtenir la meilleure éducation possible, ce qu'ils n'obtiennent pas à l'heure actuelle.

Pourriez-vous commenter cela?

M. Calvin Potter: L'article 93 n'a pas été conçu pour assurer la qualité du système d'éducation, mais pour intégrer certains droits dans le système. Ces droits peuvent être utilisés efficacement ou non, mais ils représentent l'expression de ce que la minorité juge être le mieux pour ses enfants.

La minorité a aussi ses traditions, ses idées, ses valeurs, son patrimoine. Pourquoi devrait-on abolir toutes ces choses parce que quelqu'un affirme pouvoir assurer une meilleure gestion de l'autre côté de la clôture? Faites ce qu'il faut pour assurer une meilleure gestion, mais pas aux dépens des droits de la minorité. Ce sont des droits qui lui ont été conférés à l'époque de la Confédération et qui sont garantis dans le compromis fondamental de la Confédération.

On nous demande maintenant d'abandonner ces droits, et pour quelle raison? Pour plus d'efficacité? La définition de l'efficacité dépend de l'optique de celui qui en parle.

Le sénateur Fernand Robichaud: Excusez-moi, mais vous dites vouloir conserver ces droits même s'ils ne s'avèrent pas dans le meilleur intérêt des enfants.

Mme Miriam Wood Lalande: Voulez-vous dire que les droits des minorités ne sont pas ce qu'il y a de mieux pour les enfants?

Le sénateur Fernand Robichaud: Des témoins qui ont comparu devant nous ont affirmé qu'à cause de cette structure ils n'étaient pas en mesure d'offrir le maximum aux enfants.

M. Calvin Potter: L'article 93 n'empêche pas les améliorations. Il autorise une minorité, qui n'a pas les pleins pouvoirs de la majorité, à veiller aux intérêts de ses enfants pour ce qui est de leur éducation future.

Le sénateur Fernand Robichaud: Il y a différentes façons de voir les choses, et je respecte votre opinion.

• 0955

Vous avez beaucoup parlé des droits de la minorité. Êtes-vous d'avis qu'il faudrait élargir l'article 93 pour offrir ces droits à d'autres groupes religieux qui, à l'heure actuelle, ne sont pas visés par cette disposition?

M. Calvin Potter: Je pense que c'est ce que le comité devrait envisager. Il devrait examiner les moyens à prendre pour que d'autres groupes religieux soient inclus.

Mme Miriam Wood Lalande: Et ainsi élargir nos droits, au lieu de les supprimer.

M. Calvin Potter: Élargir nos droits.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci, monsieur Potter. Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

J'aimerais poursuivre dans la même veine, avec votre permission.

La Provincial Association of Catholic Teachers fait valoir, par exemple, que le système actuel divise la minorité anglophone. Si je me souviens de leurs propos, leurs représentants préfèrent être regroupés selon la langue plutôt que selon la religion. Selon eux, le régime actuel de l'article 93 force la minorité anglophone à se partager en deux groupes: deux commissions scolaires, ou deux arrangements, protestant et catholique. Si l'on supprimait l'article 93 et que l'on réunissait la minorité anglophone dans un régime de commissions scolaires linguistiques, la minorité anglophone s'en trouverait renforcée au Québec. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.

Je voudrais aussi que vous me disiez si vous êtes d'accord avec ce sur quoi ils semblent eux-mêmes d'accord, soit qu'on semble vouloir mettre davantage l'accent sur la nature linguistique de la minorité par opposition à sa nature religieuse.

M. Calvin Potter: Ce qui nous intéresse, en l'occurrence, c'est le compromis fondamental conclu au moment de la Confédération. À l'époque de la Confédération, on a accordé certaines garanties à la minorité, car on reconnaissait que les membres de cette minorité seraient isolés de leurs coreligionnaires en Ontario et qu'ils auraient de façon permanente un statut minoritaire au Québec. On a donc conféré à cette minorité des garanties en matière de droits civils.

M. Mauril Bélanger: Vous n'arrêtez pas de répéter cela. Pour ma part, j'aimerais avoir une réponse à la question que je viens de poser.

M. Calvin Potter: Une réponse à...

M. Mauril Bélanger: Quelle est votre réaction face aux propos des représentants de la Provincial Association of Catholic Teachers, selon qui un regroupement des anglophones, protestants ou catholiques, dans des commissions scolaires linguistiques renforcerait la minorité anglophone au Québec? Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?

M. Calvin Potter: L'article 93 est là pour veiller aux intérêts des parents, et non pas aux intérêts des enseignants.

M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Merci, madame Lalande, messieurs.

Il me semble que la question est de savoir si la Constitution de 1982 reproduit ou dépasse la portée de l'article 93 en ce qui a trait à la protection des droits de la minorité, et notamment au droit d'appel et de recours pour remédier aux excès des provinces. Manifestement, nous souhaiterions avoir des droits améliorés. Nous ne voulons certes pas les réduire, quoique l'égalité serait acceptable. Cela va de soi dans le domaine de l'éducation et aussi pour les droits assortis d'un processus d'appel au gouverneur général. Quant à l'article 23, il est moins précis. Même en 1982, année où on a présenté la Loi constitutionnelle de 1982, il semble que l'article 22 ne satisfaisait personne. René Lévesque y voyait une ingérence du gouvernement fédéral dans un champ de compétence provincial. En l'occurrence, la demande du Québec ajoute à l'ambiguïté, car il refuse de reconnaître la Loi constitutionnelle de 1982, et par conséquent il ajoute de la substance à cette conviction. En outre, on prévoit un processus d'appel à un tribunal judiciaire compétent.

Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de cela? Quelqu'un pourrait-il aussi m'expliquer ce qu'on entend exactement par «tribunal judiciaire compétent». S'agit-il d'un tribunal provincial? Je ne suis pas avocat. S'il s'agit d'un tribunal provincial, cela signifierait qu'il n'y a pas de processus d'appel auprès du gouverneur général.

• 1000

M. Calvin Potter: Vous avez raison au sujet de l'absence de procédure d'appel. Ce que nous craignons, c'est le fait que l'article 23 n'est pas un droit, n'est pas une liberté, mais une loi linguistique faisant partie de la législation linguistique élaborée au Québec. L'article 23 était destiné à permettre l'existence de la Loi 101. Cela signifie que si nous adoptons l'article 23, qui ne s'applique pas pleinement au Québec de toute façon, à cause de l'article 59, nous adoptons une politique linguistique qui à long terme exclura les anglophones du Québec.

M. Peter Goldring: Voici ma question complémentaire. Comme cela découle des résolutions du Québec, par l'intermédiaire des résolutions londoniennes de l'AANB, c'est très précis: c'est une protection accordée aux minorités. Comme le Canada est une société multiculturelle, a-t-on décidé qu'il est plus facile d'abroger l'article 93 de la Constitution, parce que c'est plus facile, plus souple, et qu'il est difficile d'ajouter à l'article 93? Ne pourrions-nous pas travailler à améliorer l'article 93? A-t-on choisi la voie de la facilité, soit l'extinction de l'article 93?

M. Calvin Potter: Je pense que c'est une façon pour le gouvernement fédéral...

Une voix: L'extinction.

Le sénateur Fernand Robichaud: Pour son application au Québec.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Excusez-moi, sénateur Robichaud. Est-ce qu'on peut entendre nos invités à ce sujet?

[Traduction]

M. Calvin Potter: Puis-je continuer?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Oui.

M. Calvin Potter: Je ne me souviens plus très bien de la question. J'ai été distrait.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Pensez-vous que l'extinction de l'article 93 est proposée parce que c'est une solution moins coûteuse et plus facile que d'essayer de travailler un peu plus fort? Pensez-vous qu'il faudrait y travailler un peu plus pour améliorer l'article 93?

M. Calvin Potter: Je ne peux pas parler des raisons ou de l'intention de celui qui a parrainé l'amendement au départ, mais il me semble que le gouvernement fédéral abdique ses responsabilités envers les minorités et que cet amendement est une façon de camoufler cette abdication de ses responsabilités.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Potter.

Sénateur Beaudoin, une courte question.

[Traduction]

Le sénateur Gérald Beaudoin: Vous dites vouloir conserver les paragraphes (1), (2), (3) et (4) et vous ne vous opposez pas à ce qu'on accorde aux autres groupes religieux les mêmes droits qu'aux catholiques et aux protestants. Je comprends, c'est clair. Voulez- vous conserver les paragraphes 93.(3) et (4), avec appel au gouverneur général, dans la loi réparatrice? C'est ce qu'avaient imaginé Cartier, Galt et D'Arcy McGee, et c'était probablement une bonne suggestion à l'époque. Nous savons toutefois que cela n'a servi à rien et que depuis Sir Wilfrid Laurier et Sir Charles Tupper on n'y a jamais eu recours au Canada, parce qu'on préfère s'adresser aux tribunaux plutôt qu'à un autre gouvernement, le gouvernement central, qui n'a pas compétence dans le domaine de l'éducation, sinon en vertu de l'exception accordée aux paragraphes 93.(3) et (4).

Voulez-vous conserver ces deux paragraphes?

M. Calvin Potter: Oui, parce que les paragraphes 93.(3) et (4) reconnaissent à qui revient la souveraineté en matière d'éducation, c'est-à-dire qui aura le dernier mot.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ce devrait être la Constitution.

M. Calvin Potter: Il y a deux autorités. Elles ne peuvent pas toutes deux avoir l'ultime responsabilité, et l'article 93 précise à qui revient cette responsabilité ultime.

J'ai remarqué qu'hier le ministre Brassard proclamait la souveraineté—je répète: la souveraineté—de l'Assemblée nationale en matière d'éducation. Si c'est vrai, le gouvernement fédéral a abdiqué sa responsabilité, et le Canada n'est plus qu'un État fédéral pour ce qui touche l'éducation.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sheila Finestone.

• 1005

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous vous avons écouté, monsieur Potter, et je dois dire que j'ai beaucoup aimé lire votre mémoire, du début à la fin, y compris le dernier paragraphe de la page 11, qui m'a particulièrement intéressée.

Monsieur Weiner ou madame Lalande, si nous avions—ce qui à mon avis serait plus simple pour le Québec—un système scolaire linguistique, avec des commissions scolaires anglaises et françaises, tout en assurant la protection des droits civils et des minorités—et j'entends par là toutes les minorités, pas simplement les minorités catholiques ou protestantes; de cette façon les droits civils seraient protégés—si c'était la situation, croyez-vous, comme vient d'ailleurs de le signaler le sénateur Beaudoin, que nous pourrions avoir des droits et des écoles linguistiques, mais que nous aurions toujours besoin de la protection civile qui est assurée par le paragraphe 93.(3)?

M. Rod Weiner: Je crois personnellement que l'article 93 devrait être élargi et renforcé, et non pas amoindri. Si un système linguistique est le régime préféré, il s'agit d'une question administrative; cependant...

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Weiner, vous êtes les parents qui ont utilisé le système scolaire, comme je suis un parent qui a utilisé le même système scolaire que vous représentez ici aujourd'hui. J'étais très satisfaite de ce système, mais je sais que mon voisin de l'autre côté de la rue envoyait ses enfants à l'école catholique anglaise; il aurait été beaucoup plus efficace de mettre en commun nos ressources. Si nous le faisions maintenant, cela ne serait-il pas plus efficace et certainement dans le meilleur intérêt de l'enfant, comme vous l'a demandé mon collègue, le sénateur Robichaud? De la même façon, si vous dites qu'il s'agit là d'une question de libertés civiles et de droits pour tous ceux qui font partie d'une minorité, n'appuieriez-vous donc pas une proposition en ce sens?

M. Rod Weiner: À mon avis l'abrogation de l'article 93 n'est ni nécessaire ni souhaitable. Si vous le désirez vous pouvez élargir les droits pour inclure d'autres gens, modifier le modèle administratif, mais vous devez laisser au Parlement du Canada la souveraineté en ce qui a trait aux Canadiens. L'éducation est du ressort des provinces, mais les droits à l'éducation sont souverains et garantis par le Parlement du Canada. Cela ne devrait pas changer.

L'hon. Sheila Finestone: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Weiner. Merci, madame Lalande. Merci, monsieur Potter. Au nom de tous les membres du comité mixte, je vous remercie de votre intervention ce matin.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Nous aimerions retirer l'ébauche que nous vous avons distribuée au sujet de la comparution des témoins prévus pour la semaine prochaine. Elle sera révisée et une nouvelle version vous parviendra par télécopieur en fin de matinée. On y ajoutera le nom du ministre Dion, qui comparaîtra le lundi de la semaine suivante. L'ébauche que nous avons distribuée durant les audiences n'est pas exacte.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Elle aura été valide pendant très peu de temps.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Elle n'est pas à jour.

Mme Christiane Gagnon: C'est lundi prochain qu'il viendra?

Le coprésident (M. Denis Paradis): C'est exact. Nous terminerons quand même jeudi soir et il viendra lundi.

Mme Christiane Gagnon: D'accord.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): D'accord. Je voulais simplement mentionner que vous recevrez probablement une nouvelle ébauche avant 12 heures.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je demanderais à la Coalition pour la confessionnalité scolaire de prendre place, s'il vous plaît.

Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: N'avions-nous pas convenu d'ajouter un autre groupe lundi soir?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Oui. Le nouvel horaire que vous recevrez indiquera que le groupe Native Alliance of Quebec viendra lundi soir.

M. Mauril Bélanger: D'accord, je vois la flèche maintenant. Merci.

• 1010

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous reprenons la séance du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

Il nous fait plaisir de recevoir ce matin la Coalition pour la confessionnalité scolaire représentée par Jocelyne St-Cyr, coordonnatrice, Maurice Archambault, coordonnateur, Me Judith Désormeau et Gary Caldwell, expert.

Madame St-Cyr.

Mme Jocelyne St-Cyr (coordonnatrice, Coalition pour la confessionnalité scolaire): Madame la coprésidente, monsieur le coprésident, vu que nous étudions un changement constitutionnel, nous nous permettons de citer une autorité en ce qui concerne nos institutions politiques.

Cette citation est extraite de Les démocraties modernes, volume 2, Paris, Payot, 1924, à la page 17, James Bryce:

    Une constitution [...] incarne le principe de la maîtrise de soi-même. Le peuple a résolu de mettre certaines règles hors de la portée des impulsions passagères que font jaillir brusquement la passion ou le caprice, et de faire de ces règles l'expression réfléchie de sa pensée et de ses intentions. C'est reconnaître implicitement que les majorités n'ont pas toujours raison et, qu'ayant besoin d'être protégées contre elles-mêmes, on leur impose de recourir, dans un moment de surexcitation...

C'est peut-être le cas maintenant.

    ...ou de hâte fiévreuse, à des maximes adoptées par elles à des heures de réflexion et de sang-froid.

La Coalition pour la confessionnalité scolaire déplore le processus actuel dans lequel le ministre Dion a déjà livré d'avance l'issue des délibérations parlementaires, ce qui constitue à notre avis un mépris des institutions parlementaires. De tels agissements dans le cas d'un changement constitutionnel minent la légitimité du résultat et remettent même en question cette commission.

La Coalition pour la confessionnalité scolaire regroupe des organismes qui, lorsqu'il y a des enjeux importants, se rassemblent afin de donner la parole à des citoyens de la province qui se dévouent bénévolement pour demander le respect de leurs droits en éducation.

Actuellement, la Coalition pour la confessionnalité scolaire représente 645 000 personnes au Québec, catholiques ou protestantes. Elle est membre du Front commun pour le maintien de l'article 93 qui a été officiellement annoncé hier lors d'une conférence de presse pancanadienne. Ce Front commun regroupe les organismes de l'extérieur du Québec: l'Evangelical Fellowship of Canada, la Canada Family Action Coalition, la Ligue catholique des Droits de l'homme, la Canadian Catholic School Trustees Association, REAL Women of Canada et la Newfoundland and Labrador Catholic Education Association.

Donc, c'est au nom d'un grand nombre de citoyens du Québec concernés par ce projet que nous intervenons aujourd'hui devant le Comité.

• 1015

Changer le système d'éducation, c'est changer le projet de société. Nous avons aussi un projet social: nous voulons être une société plus juste, plus fraternelle, plus humaine et capable d'offrir à tous, parents, enfants et familles, jeunes, adultes et aînés, mais d'abord aux plus démunis, de meilleures chances de bonheur et d'épanouissement.

L'école a un rôle à jouer pour arrêter le déclin tragique de notre société. Le projet de réforme scolaire du gouvernement Bouchard offre-t-il aux Québécois de meilleures chances de bonheur? Il n'offre certainement pas de garanties aussi solides que celles protégées par la Constitution canadienne.

L'accord de l'Assemblée nationale: Le 15 avril dernier, le gouvernement du Québec a fait adopter une motion demandant au gouvernement fédéral de modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 en insérant après l'article 93 ce qui suit:

    93A. Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 ne s'appliquent pas au Québec.

Cette modification aurait pour effet d'éliminer pour les Québécois la protection constitutionnelle des droits confessionnels en éducation et, à notre avis, les mettrait ainsi en situation précaire. Invoquant un accord de l'Assemblée nationale donné le 15 avril 1997 en faveur de cette modification, les ministres Brassard et Dion, tous deux ministres des Affaires intergouvernementales, déclaraient dans une conférence de presse conjointe le 20 septembre: «Nous constatons l'existence d'un consensus au Québec.»

Il n'y a pas de preuve de consensus chez les électeurs. Un nombre considérable de Québécois ne peuvent percevoir clairement l'enjeu de ce projet d'amendement demandé par le gouvernement du Québec. D'ailleurs, le 15 avril dernier, les Québécois en partie n'étaient même pas informés de ce qui se passait à l'Assemblée nationale et n'avaient surtout jamais donné aux élus le mandat de prendre une décision de cette importance, c'est-à-dire changer radicalement le système d'éducation québécois.

Les droits scolaires confessionnels: Selon l'avis de constitutionnalistes, l'amendement de l'article 93 entraînerait la perte de tous les droits confessionnels scolaires au Québec. En effet, après un tel amendement, tous les droits confessionnels reconnus aux protestants et aux catholiques seraient exposés à des contestations judiciaires fondées sur la Charte canadienne des droits et libertés, aux articles 2 et 15, ce qui, selon certains avis juridiques, entraînerait la laïcisation complète du système scolaire québécois.

Compte tenu des prises de position de l'Assemblée nationale du Québec dans le présent débat, l'invocation de la clause dérogatoire est très aléatoire, car elle est appelée à être renouvelée tous les cinq ans par celle-ci. On ne peut utiliser l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne pour la défense des écoles confessionnelles. Tel que le disait M. Claude Filion, président de la Commission des droits de la personne, pour que les lois du Québec soient compatibles avec l'article 41, il faudrait déconfessionnaliser non seulement les commissions scolaires, mais aussi l'école.

L'article 41 protège le droit des parents d'exiger que leurs enfants reçoivent une éducation religieuse et morale qui soit en conformité avec leurs croyances. Puisque les écoles ne peuvent simultanément respecter tous les systèmes de croyances, la conclusion imposée par l'article 41 est que les écoles ne devraient accommoder aucune croyance religieuse, et donc être non confessionnelles.

Nous aimerions lire l'article 41 de la Charte des droits et libertés du Québec.

    41. Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi.

Amendement bilatéral: Amender l'article 93, cela veut dire en l'occurrence l'abroger pour le Québec seulement, donc exclure le Québec des droits que cet article de la Constitution confère aux autres provinces. Les catholiques de Toronto, par exemple, conservent leur droit de gérer leurs écoles catholiques, mais non pas les catholiques de Montréal. Selon plusieurs avis juridiques, l'amendement bilatéral des paragraphes 93(1) à (4) de la Constitution, selon l'article 43 de la Charte de 1982, par une entente entre la seule province du Québec et le gouvernement fédéral, serait inconstitutionnel et créerait un dangereux précédent juridique et politique.

La raison d'être de l'article 93 est de garantir l'égalité de traitement entre les provinces en ce qui concerne les écoles confessionnelles. Habituellement, lorsqu'un pays modifie sa constitution, il le fait pour augmenter les droits de ses citoyens et non pour les diminuer.

• 1020

Bien que la demande du Québec d'amender l'article 93 puisse sembler dans sa formulation n'affecter que cette province, l'amendement proposé changera la structure fondamentale du pays en ce qu'il modifie ou retranche un élément essentiel du compromis historique ayant donné lieu à la création du Canada. Ce changement à la structure essentielle en ce qui a trait à la protection des droits religieux en éducation affecterait de manière irréversible les fondements mêmes du pays et altérerait dans la réalité le compromis qui était à l'origine du pacte confédéral et pouvait ainsi avoir des conséquences pour tous ses signataires.

La Coalition pour la confessionnalité scolaire dénonce avec vigueur les arguments du Québec et du Canada pour justifier l'amendement de l'article 93. La prétention du gouvernement du Québec qu'il ne peut mettre en place des commissions scolaires linguistiques sans l'amendement de l'article 93 est non seulement fausse, mais étonnante. Le jugement de la Cour suprême du Canada, en date du 17 juin 1993, lui a reconnu le droit de mettre en place des commissions scolaires linguistiques, même sur les territoires protégés de Montréal et de Québec, à condition que cette réforme n'affecte pas de façon préjudiciable les droits et garanties énoncés à l'article 93 de la Constitution. Cela signifie principalement que le droit à la dissidence doit être maintenu en dehors de Montréal et de Québec et que dans les deux villes, catholiques et protestants puissent continuer à avoir droit à des écoles confessionnelles.

Ce que nous défendons particulièrement, c'est le droit de conserver des écoles confessionnelles ou dissidentes avec les moyens nécessaires à leur maintien. Ces moyens comportent notamment le droit de gestion et de contrôle de l'école.

La Coalition dénonce également l'affirmation du consensus dit général ou raisonnable. En conférence de presse hier, nous avons démontré que dans la population, il n'y n'a pas de consensus. La Coalition dénonce le fait qu'il n'y a pas eu de débat public sur la question de l'amendement de l'article 93, ni de commission parlementaire, ni de vote libre en Chambre. De plus, cette question n'a pas fait l'objet d'une campagne électorale et n'a pas été soumise à la population lors des états généraux, une commission du gouvernement du Québec.

Le gouvernement du Québec a tenu cette consultation au cours des états généraux en 1995-1996, traitant entre autres de la confessionnalité. Un premier résultat dans l'exposé de la situation rapporte à la page 111 ce que nous avons entendu. Grosso modo, la moitié des participants s'est prononcée pour le maintien de la confessionnalité.

En réalité, parmi les 363 mémoires portant sur la confessionnalité, 63 p. 100 étaient favorables au maintien du système confessionnel à l'école, 14 p. 100 proposaient une révision de certains aspects de ce système et seulement 22 p. 100 militaient en faveur d'un système laïque. Je citais un extrait de L'école catholique, un choix éducatif et culturel, Comité catholique, 1996, page 4.

Il est important de noter que les états généraux n'ont pas soulevé la question de l'amendement de l'article 93. De plus, la très grande majorité des parents, soit 80,6 p. 100 d'eux, choisissent l'enseignement religieux pour leurs enfants et entre 75 et 90 p. 100 demandent le maintien du statut confessionnel de l'école.

Quatre-vingt-quinze pour cent des 2 500 écoles publiques privées du Québec sont reconnues catholiques, ce qui indique un appui solide pour les écoles confessionnelles.

Le gouvernement du Québec promettait dans sa déclaration, par la voix de Mme Pauline Marois, le 26 mars dernier, de maintenir les écoles confessionnelles, le libre choix entre l'enseignement religieux, catholique ou moral, et ajoutait que les services d'animation pastorale ou religieuse seront également offerts au libre choix. Ainsi, à ce chapitre de l'éducation religieuse, le gouvernement promet ce que nous avons déjà et qui est mieux garanti, et de loin, par l'article 93 de la Constitution canadienne.

La question qui se pose est donc la suivante: devons-nous abandonner un droit constitutionnel contre la promesse du gouvernement Bouchard? N'oublions pas que, dans notre système fédéral, le gouvernement est le gardien des droits des minorités.

• 1025

Les catholiques de la province ne veulent pas imposer l'école catholique à ceux qui n'en veulent pas en vertu d'un rapport de majorité.

Depuis plus de 20 ans, nous demandons au gouvernement d'offrir des écoles et des structures administratives autres afin de répondre aux besoins des milieux pluralistes, dans la région métropolitaine de Montréal particulièrement.

Ce n'est pas l'article 93 qui fait obstacle à cette diversification. À notre avis, en modifiant l'article 93, on limitera la liberté de choix en éducation plutôt que d'y offrir un véritable choix. L'expérience contemporaine en Occident démontre qu'en favorisant la diversité au plan des institutions scolaires, on arrive à une meilleure éducation. Cette déclaration est de l'Organisation de coopération et de développement économiques, 1994.

En plus, c'est une question qui dépasse largement la question religieuse. La liberté des institutions d'enseignement est un enjeu éducatif qui rejoint les fondements mêmes de notre société démocratique. Alors que ces dernières années, de nombreux pays d'Europe, dont la France et, plus près de nous, l'Ontario, pour ne citer que ceux-là, ont implanté des systèmes scolaires qui respectent la liberté de choix en éducation, le Québec, lui, s'apprête à compléter sa mainmise étatique sur l'ensemble du système scolaire en supprimant la protection constitutionnelle des citoyens contre les abus des pouvoirs politiques. La liberté de choix en éducation est pourtant la voie de la modernité.

C'est pour toutes ces raisons que la Coalition pour la confessionnalité scolaire demande le maintien des paragraphes 93(1) à (4) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui permet les écoles confessionnelles et dissidentes et donne les moyens de les maintenir. Elle appuie également l'existence d'écoles autres dotées de moyens nécessaires à leur maintien. Ainsi, le droit de choisir de la population entre des écoles confessionnelles et autres serait respecté. Ces deux options scolaires sont parfaitement compatibles et possibles.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame St-Cyr. Nous allons passer immédiatement au premier intervenant.

[Traduction]

Le premier intervenant sera M. Peter Goldring.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup, madame St-Cyr, mesdames et messieurs, de votre présentation.

Je suis plutôt d'accord avec vous. Moi aussi je crois que l'article 93 assure une plus grande protection que la loi de 1982. Comme je l'ai dit aux derniers témoins, je crois que dans la loi de 1982 la cour d'appel est en fait toute cour judiciaire de la province alors que l'article 93 est bien précis: le processus d'appel est assuré par le gouverneur général, qui doit prévoir des mesures de redressement. À mon avis cela indique clairement que l'article 93 assure plus d'avantages, plus de pouvoirs et de droits que la loi de 1982.

Il y a d'ailleurs un autre problème, puisque le gouvernement du Québec dans sa demande dit clairement qu'il ne reconnaît pas la Loi constitutionnelle de 1982. Cette question vous préoccupe-t-elle aussi?

[Français]

Mme Jocelyne St-Cyr: Justement, on trouve inacceptable qu'on accorde au gouvernement du Québec le droit de suspendre les droits garantis par l'article 93, qui protège les Québécois et les Québécoises.

Pourquoi les Québécois et les Québécoises devraient-ils perdre leurs droits constitutionnels fondamentaux par une modification à la Constitution, Constitution que le gouvernement québécois ne reconnaît même pas? À mon avis, c'est inacceptable.

On est très inquiets, parce que les droits constitutionnels sont beaucoup plus durables, et on en a la preuve, que ceux garantis par un gouvernement provincial. Ce n'est pas qu'on ne lui fait pas confiance, mais les lois provinciales se changent facilement.

[Traduction]

M. Peter Goldring: J'aimerais poser une question supplémentaire. Croyez-vous que pour réformer l'éducation au Québec il vaudrait mieux élargir l'application de la Loi constitutionnelle et améliorer l'article 93 actuel—en d'autres termes, devrions-nous compléter ce que les générations précédentes ont fait en ce qui a trait au texte constitutionnel?

• 1030

[Français]

Mme Jocelyne St-Cyr: Nous pensons que le gouvernement provincial devrait avoir la volonté politique d'utiliser les moyens qu'il a déjà. Il peut mettre en place des commissions scolaires linguistiques ou des structures, selon la langue ou comme il le veut, pour répondre aux attentes de ceux qui ne veulent pas d'un système confessionnel.

Actuellement, la question fondamentale est de maintenir les droits constitutionnels des Québécois en éducation.

Le gouvernement n'a pas utilisé, à notre avis, tous les moyens raisonnables pour mettre en place le système d'éducation. Il peut le faire sans une réforme de la Constitution canadienne.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame St-Cyr.

Monsieur le professeur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je dois vous féliciter pour la clarté de votre exposé. On sait ce que vous voulez, c'est très clair, très précis, etc.

Personnellement, je pense qu'aujourd'hui, on ne peut admettre 93(3) et (4), parce que cela n'a pas de sens, dans une fédération où la Constitution est suprême, qu'un autre gouvernement vienne se mêler des affaires d'une province. Si jamais les droits constitutionnels sont violés, eh bien, c'est aux tribunaux qu'il faudra s'adresser. C'est tellement vrai que depuis un siècle, 93(3) et (4) n'ont absolument rien donné et, à mon avis, ne donneront jamais rien.

Donc, il y a deux thèses fondamentales. Vous, vous défendez la thèse des écoles confessionnelles. Vous le faites intelligemment, avec brio, etc., et je n'ai aucune question à vous poser là-dessus.

Il y a une autre thèse qui dit qu'on peut s'en remettre à l'article 41 de la Charte québécoise. Certains disent que c'est assez et d'autres disent que ce n'est pas assez. C'est là qu'est tout le débat.

Donc, la question que je me pose a trait au consensus. Si jamais on modifie 93 pour écarter les garanties constitutionnelles ou encore pour étendre à d'autres groupes religieux les droits dont bénéficient les catholiques et les protestants, d'après moi, il faudra un consensus. C'est là qu'est la question la plus difficile.

Si je vous suis bien, vous dites que le consensus est plutôt à l'inverse, qu'il est en faveur des écoles confessionnelles, en faveur du système actuel. Mais il faut savoir si telle est la question. Doit-on tenir un référendum? Est-ce qu'il y a un moyen de savoir si les Québécois... Si les Québécois, en très grande partie, ne veulent pas changer 93(1) et (2), eh bien, mon Dieu, ne les changeons pas. Mais s'il y a un consensus et qu'on doive changer notre système d'éducation au Québec, changeons-le. Mais comment arriver à ce consensus-là? J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. Certaines provinces veulent faire des référendums. Terre-Neuve l'a fait. Il y a peut-être d'autres moyens d'arriver à un consensus.

Mme Jocelyne St-Cyr: Là-dessus, j'aimerais laisser la parole à notre expert, M. Gary Caldwell, sociologue, et lui-même ex-commissaire à la Commission des états généraux, une commission créée par le gouvernement du Québec, qui est en mesure de vous parler dudit consensus.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Caldwell.

M. Gary Caldwell (expert, Coalition pour la confessionnalité scolaire): Monsieur Beaudoin, effectivement, il existe un consensus au Québec, un consensus très solide pour faire part aux évêques du Québec de la nécessité d'ouvrir un secteur autre, qu'on l'appelle linguistique ou autre. Nous sommes tous de ce consensus.

Le gouvernement ne veut pas admettre

[Traduction]

qu'il peut ouvrir un autre secteur dans le cadre constitutionnel actuel. C'est un choix qu'on n'a jamais offert à la population. Il y a eu toutes sortes d'arguments qui ont été présentés à cet égard; on a dit que ce serait trop complexe, que cela coûterait trop cher. Il s'agit là d'arguments technocrates qui ne tiennent pas debout.

Compte tenu de l'expérience qu'a vécue le monde occidental, nous savons maintenant qu'une plus grande diversité au niveau de la prestation des services assure une meilleure éducation et coûte moins cher. L'Ontario l'assure en vertu de la même Constitution. L'Ontario a quatre systèmes: le système public anglais, le système catholique anglais, le système catholique français et enfin le système public français.

Il y a donc un consensus concernant un système reposant sur les considérations linguistiques. Alors, que le gouvernement prévoie un tel système sans supprimer les droits constitutionnels qui existent et qu'il développe et modernise le système en exerçant les pouvoirs dont il jouit et qui sont complets, sous réserve de l'article 93 en matière d'éducation. Que l'on accroisse la diversité et la responsabilité—et c'était une des observations importantes des États généraux. Nous avons réussi à déresponsabiliser tout le monde avec un système de monopole bureaucratique. Les parents ont tendance à se soustraire à leurs responsabilités et les commissions scolaires aussi. C'est normal quand on a un système monolithique et étatique.

• 1035

Nous connaissons les effets pervers d'un système monolithique. L'article 93 fait tampon et prévoit certains droits historiques pour certains groupes. Il n'y a rien qui empêche l'État—comme vous le savez tous très bien, et comme l'ont fait d'autres gouvernements ailleurs au Canada—d'ouvrir des écoles pour les Juifs, les Arméniens, les Grecs. Cela existe déjà au Québec; c'est la formule que l'on appelle «les écoles privées d'intérêt public».

Ce que nous disons, c'est que l'on nous a joué un tour. Il existe un consensus. Un consensus sur un système considérant les groupes linguistiques. Il ne s'agit pas de déconfessionnaliser les écoles. C'est un droit pour ceux qui veulent des écoles confessionnelles.

Les États généraux ont en fait été très clairs, comme l'a dit Mme St-Cyr. Dans la première phase de consultation, à l'occasion des audiences, qui ont coûté un million de dollars, la commission est arrivée à la conclusion—et tous les commissaires ont signé le rapport—que la moitié de ceux qui étaient intervenus sur la question voulaient maintenir les écoles confessionnelles.

Voilà ce que je peux vous répondre, monsieur Beaudoin. On s'entend pour dire qu'il faut respecter le consensus et ouvrir des écoles reposant sur des considérations linguistiques afin que les parents puissent choisir entre celles-ci et les écoles catholiques ou protestantes qui sont protégées par la Constitution, ou encore d'autres écoles s'ils le souhaitent. Modernisons le système afin de ne pas continuer à souffrir des effets pervers d'un monopole d'État sur l'éducation.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Caldwell. Mme Sheila Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.

Ma foi, monsieur Caldwell, je vois que nous avons pu bénéficier de vos observations très intéressantes dans deux mémoires, que j'ai lus l'un et l'autre.

M. Gary Caldwell: Merci.

L'hon. Sheila Finestone: Je croyais vous avoir raté, et j'en étais désolée, parce que j'ai toujours été très impressionnée par votre contribution à l'éducation depuis de nombreuses années.

M. Gary Caldwell: Merci.

[Français]

L'hon. Sheila Finestone: J'ai écouté Mme St-Cyr et le texte qu'elle nous a lu. Je le trouve fascinant.

[Traduction]

Je voudrais m'assurer, monsieur, que j'ai bien compris ce texte, que je trouve très intéressant. Tout d'abord, avec la Loi 107 et les amendements qui nous amènent à la Loi 109, ne pouvez-vous pas prévoir, étant donné le modèle que vous venez de décrire, des écoles neutres?

Vous savez, je n'y peux rien, mais je repense toujours à «Mme Payette disparaît» quand j'écoute tout cela, et il est difficile de cette façon de dire vraiment ce que l'on pense de cette loi ou de cette initiative.

Si la Loi 109 est bien faite—et à l'heure actuelle on peut suivre l'évolution du projet, ce qui est tout à fait naturel dans le cas d'une initiative nouvelle—avec 107 et 109 les parents conservent leurs droits au choix. Pour moi, la question fondamentale—et c'est dans la Charte et dans les chartes internationales ainsi que dans la charte des droits des enfants— c'est que les droits de l'enfant et l'intérêt de l'enfant soient respectés, et non pas ceux d'un État technocrate.

Très franchement, s'ils veulent opérer des compressions, ils devraient supprimer la moitié des technocrates de l'administration, mais cela ne me regarde pas; cela regarde les contribuables.

[Français]

On paie les taxes, Christiane; c'est pour ça.

[Traduction]

N'est-il pas possible d'accepter que la Loi 109 est un bon modèle qui protège les droits intéressant M. Potter, qui porte sur les préoccupations du groupe que vous examinez et de beaucoup d'autres groupes qui ont comparu, tout en choisissant la voie des commissions linguistiques plutôt que celle de ce que l'on considère maintenant beaucoup comme un privilège plutôt qu'un droit dans la société moderne?

• 1040

M. Gary Caldwell: Oui. La Loi 109 aboutit à deux résultats. Elle prouve que le gouvernement peut mettre sur pied des commissions linguistiques tout en respectant les droits confessionnels. Pour ceux qui ne connaissent pas le Québec, la Loi 109 créé un système de commissions linguistiques assorties de comités confessionnels. Ces comités exerceraient les droits que les interprétations judiciaires ont précisés au cours des années en ce qui concerne les minorités protestantes et catholiques, droits dont il est question à l'article 93.

Le fait que le gouvernement ait mis cela sur pied et que cela fonctionne—et je sais que je ne réponds pas à votre question, mais j'y reviendrai—montre que c'est possible.

Toutefois, pour que cela se fasse, il faut évidemment que prévale une certaine bonne volonté, car sur certains points il peut y avoir deux sources de pouvoir opposées au sein de la même commission. Il peut y avoir la commission linguistique et le comité confessionnel, qui, pour certaines questions, pourrait renverser ou ne pas respecter les décisions de la commission scolaire. Il faudrait donc que les technocrates soient disposés à accepter la diversité dans le contexte d'une certaine communauté pour ce qui est des programmes scolaires, des certificats pédagogiques et des examens. Il faudrait qu'il existe une volonté d'accepter ces droits dans une structure administrative comprenant par nécessité deux noyaux d'autorité en ce qui concerne certaines questions. Ce comité confessionnel aurait compétence...

L'hon. Sheila Finestone: Un instant, Gary. Si je comprends bien, cela s'appliquerait aux commissions actuellement protégées par l'article 93, mais ce ne serait pas forcément le cas pour le reste du Québec.

M. Gary Caldwell: Ce serait en effet pour les commissions actuellement protégées par l'article 93.

L'hon. Sheila Finestone: Ce double système ne s'appliquerait que dans des secteurs relativement restreints, et, d'après toutes les recherches que vous nous avez citées, ce ne serait pas un tel gaspillage d'argent ni forcément inefficace.

M. Gary Caldwell: En effet.

L'hon. Sheila Finestone: Mais pour le reste du Québec, pour la plus grande partie de l'île de Montréal, pour la plus grande partie de la province jusqu'à la frontière de l'Ontario, jusqu'à la frontière du Maine, jusqu'à la frontière du Nouveau-Brunswick et jusqu'à la frontière américaine... Cela ne s'appliquerait pas, et ce n'est pas comme si nous disions que l'ensemble du Québec serait touché. C'est la ville de Québec et la région de Montréal; or la Loi 109 peut effectivement s'appliquer au reste de la province en suivant le modèle linguistique sans nécessairement empiéter sur les libertés civiles et les droits civils, qui semblent être ce qui inquiète les minorités—lesquelles sont catholiques et protestantes, mais qui pourraient aussi englober d'autres minorités.

M. Gary Caldwell: Oui. Cela nécessiterait, toutefois, une certaine bonne volonté, pour la raison que vous avez signalée: parce que l'article 93 ne protège pas explicitement les droits des catholiques ou des protestants, sinon pour les dissidents à l'extérieur des villes de Montréal et de Québec.

Toutes les commissions scolaires du Québec en dehors de Montréal et de Québec sont confessionnelles depuis 150 ans, en particulier les commissions catholiques. Les protestantes sont devenues plus neutres, mais toutes les commissions catholiques sont catholiques et sont reconnues comme telles par le gouvernement et par les contribuables qui versent leurs impôts en faveur des commissions catholiques. Le gouvernement nous dit maintenant que tout cela était illusoire, que ces droits n'existaient pas. Il faudra donc compter sur la bonne volonté du gouvernement provincial pour respecter les droits de la majorité catholique en dehors des villes de Montréal et de Québec. Ce n'est pas du tout sûr qu'il le fasse.

C'est là encore une des raisons pour lesquelles il faut maintenir... parce que je ne crois pas qu'il y aura des comités confessionnels en dehors des villes de Montréal et de Québec. Il n'y aura que des commissions dissidentes, conformément à l'article 93. Donc, la Loi 109 ne permettra pas de conserver les droits confessionnels que la majorité catholique en dehors des villes de Montréal et de Québec...

L'hon. Sheila Finestone: Dites-vous que les écoles, mais pas les parents... Je vous ai dit au début de mon intervention que le droit de l'enfant et son bien-être sont l'objectif, à la fois en ce qui a trait à la capacité solaire et à l'habileté de s'adapter à la vie et à l'environnement au Canada, ou au Québec, comme bon citoyen. Ce sont là les choses qu'un père et une mère recherchent, et, dans bien des cas aujourd'hui, souvent il ne s'agit que de la mère de l'enfant au Québec. Mais dites-vous que dans le reste du Québec, qu'il s'agisse de Granby, de Sherbrooke, de la Gaspésie ou d'un autre coin, ces commissions scolaires et ces parents ne cherchent pas à obtenir une éducation catholique? Que ce genre de chose ne sera pas autorisée? Est-ce bien ce que vous venez de dire?

• 1045

M. Gary Caldwell: Le désir existe, mais rien n'oblige le gouvernement du Québec à le faire.

L'hon. Sheila Finestone: Je crois que nous avons besoin d'une précision. Je pensais que la Loi 109—107 et 109—autorisait les parents à prendre cette décision, une décision qui doit être renouvelée tous les deux ans, et à décider ainsi de la nature et du caractère de l'école; j'ai cru comprendre très clairement que la commission scolaire protestante francophone dissidente et la commission catholique auront droit, dans leurs écoles...

[Français]

sur le terrain, dans leur petit patelin.

[Traduction]

M. Gary Caldwell: Cela sera possible, puisque l'article 93 le garantit, et ils doivent respecter l'article 93...

L'hon. Sheila Finestone: Non, c'est prévu dans la Loi 109.

M. Gary Caldwell: Très bien; je demanderais à Mme St-Cyr de...

[Français]

L'hon. Sheila Finestone: Je pense avoir raison, madame St-Cyr, sinon j'ai mal compris de A à Z.

Mme Jocelyne St-Cyr: Actuellement, la Loi 107, qui est toujours en vigueur, permet aux parents de demander à tous les cinq ans que l'école demeure confessionnelle. Donc, on révise le statut confessionnel de l'école à tous les cinq ans.

L'hon. Sheila Finestone: C'est la cause nonobstant.

Mme Jocelyne St-Cyr: Mais cela se fait surtout...

L'hon. Sheila Finestone: Il faut qu'ils appliquent la clause nonobstant.

Mme Jocelyne St-Cyr: Non, je ne parle pas de la clause nonobstant. Je dis plutôt qu'à l'intérieur du système actuel, les parents du Québec, à l'extérieur de Montréal et de Québec, sont appelés à réviser le statut confessionnel de leur école tous les cinq ans. Donc, on peut soit demander le maintien du statut, soit en demander le retrait. Actuellement, c'est cela qui se passe à l'extérieur de Montréal et de Québec, parce qu'à ces deux endroits, du fait qu'elles sont protégées par 93, ils n'ont pas à faire cette démarche-là.

L'hon. Sheila Finestone: Tous les cinq ans.

Mme Jocelyne St-Cyr: Tous les cinq ans. Cependant, avec la Loi 109, Mme Marois a déjà déclaré, lors d'une conférence de presse, que dès la mise en vigueur de la Loi 109, toutes les écoles du Québec devront justifier leur statut.

Actuellement, les écoles confessionnelles à l'extérieur de Montréal et de Québec sont protégées, comme vous l'avez dit, par la clause nonobstant, du fait qu'on évite ainsi des recours juridiques continuels qui pourraient être pris en fonction de la Charte, entre autres de l'article 41.

La clause nonobstant, qui figurait dans la Loi 107, selon ce que j'en sais, ne figure pas dans le projet de loi 109. Donc, on sait que c'est une garantie aléatoire parce qu'on peut révoquer cette clause aléatoire en tout temps.

Ce qui nous inquiète fondamentalement, c'est qu'un gouvernement pourrait décider de révoquer cette loi, ce qui serait beaucoup plus facile que modifier la Constitution d'un pays qui protège justement les citoyens contre les abus d'un pouvoir politique.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame St-Cyr. Nous allons passer à l'intervenante suivante, Mme Gagnon.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Puis-je demander une petite précision...

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): On va peut-être revenir plus tard.

Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Je pourrais vous le permettre, madame Finestone, mais je dois quitter à 10 h 50 ou 10 h 55.

L'hon. Sheila Finestone: D'accord.

Mme Christiane Gagnon: Madame St-Cyr, vous avez cité un auteur qui parlait d'impulsions passagères et de moments de surexcitation. J'aimerais rappeler à ce comité que cela fait déjà plus de 30 ans qu'on discute de ce sujet. Il y a eu quand même une bonne volonté de part et d'autre, de la part de ceux et celles qui ont été consultés, d'essayer de tirer une conclusion et d'amener des propositions sur la table. On a eu des projets de loi qui ont avorté, qui ont été révoqués par la Cour suprême du Canada. Donc, c'est un petit peu exagéré de parler d'impulsions passagères et de moments de surexcitation.

Également, je déplore un petit peu cela. Je peux comprendre pourquoi vous voulez garder la gestion des commissions scolaires confessionnelles et tout ce qui vous motive à la garder, mais en même temps, il faudrait aussi être respectueux d'une démarche qui a été entreprise il y a au-delà de 30 ans et que plusieurs acteurs québécois, qui représentent aussi la population... Bien qu'on donne son avis par l'entremise de fédérations et de comités de parents, on doit aussi avoir un certain impact quand on parle de consensus. Et consensus ne veut pas dire unanimité.

• 1050

Nous devons nous pencher sur l'abrogation de l'article 93 afin de permettre des commissions scolaires linguistiques et non plus des commissions scolaires confessionnelles comme c'est le cas actuellement.

Vous parlez d'ouverture, de justice et d'une société plus fraternelle. Ma perception de ce qui nous est présenté est que cela permettrait une société beaucoup plus juste et plus fraternelle qui tiendrait compte des réalités auxquelles la société québécoise de 1997 fait face, des différentes composantes de la société. Donc, si on veut être juste et fraternel, il faut regarder ce qui se passe sur le terrain.

L'ouverture de commissions scolaires linguistiques n'est pas l'abrogation de la religion à l'intérieur des écoles, ce dont on parle. C'est la gestion des écoles qui ne serait plus sous autorité confessionnelle mais plutôt sous autorité linguistique, et on garderait l'éducation confessionnelle dans les écoles, selon la volonté des parents. Donc, si on veut parler de société juste et équilibrée, il faut tenir compte des réalités de la société. Je pense que c'est un projet intéressant. Il y a eu un consensus au Québec et il y a eu une démarche réfléchie depuis 30 ans. Vous parlez des propos de M. Bouchard, mais ce sont des propos qui ont aussi été tenus par le gouvernement libéral.

Donc, je vous pose la question: pensez-vous que ce serait faire face à des réalités beaucoup plus concrètes que d'accepter le projet de loi tel qu'il est proposé en ce moment?

Mme Jocelyne St-Cyr: Actuellement, le consensus est politique. Nous sommes un organisme de citoyens sur le plancher, sur la terre, en bas, ceux qui votent et ceux qui paient. Nous ne faisons pas partie de la hiérarchie gouvernementale ou syndicale. Les enfants, ce sont les nôtres et, selon nous, le système que vous décrivez comme ayant évolué depuis 30 ans doit se diversifier. Il devrait permettre aux Québécois et aux Québécoises de conserver leur droit de gérer et de maintenir des écoles confessionnelles, peu importe la forme de gestion.

Quand une majorité de la base, quand de 75 à 90 p. 100 de tous les parents demandent le maintien du statut confessionnel, le gouvernement se doit de respecter cela. Il sait pertinemment bien qu'il peut offrir un système de diversification comme l'Ontario l'a fait. Les Québécois s'inspirent souvent de la France et de l'extérieur, sauf des bonnes idées de leurs proches. Qu'est-ce qui les empêcherait de mettre en place un système diversifié comme en Ontario?

Nous demandons le respect des autres. C'est fondamental.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une courte question, madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Je dois quitter dans deux ou trois minutes, car j'ai un article 31 à lire à la Chambre des communes. Vous dites que c'est la hiérarchie qui a décidé et que c'est un consensus politique. Par exemple, la Fédération des comités de parents de la province de Québec s'est prononcée en faveur de ce projet. Il faut être juste. Il faut donner à César ce qui est à César. Ces gens-là sont venus nous dire qu'ils étaient d'accord. La Fédération des comités de parents est composée de parents qui conseillent les enfants. Il n'y a pas seulement un consensus politique.

Mme Jocelyne St-Cyr: En passant, la Fédération des comités de parents est un organisme du gouvernement. Ayant vérifié à quelques reprises lors de leurs congrès, je peux vous dire, madame, que jamais, jamais on n'a expliqué aux parents les conséquences d'un amendement à l'article 93 en ce qui a trait à l'éducation. J'ai été en contact avec ces gens-là. Je ne m'oppose pas à leurs idées; je les respecte et je m'attends à ce qu'ils respectent les nôtres.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Archambault.

• 1055

M. Maurice Archambault (coordonnateur, Coalition pour la confessionnalité scolaire): Madame, j'aimerais faire une seule remarque. Vous avez parlé de société juste. La société juste a toujours existé au Québec. C'est maintenant qu'elle commence à se dégrader. Nous, les parents, nous le savons, parce que c'est nous qui payons avec nos enfants. Donc, il ne faudrait peut-être pas parler de société plus juste, au contraire.

Regardez ce qui arrive dans nos écoles au Québec. Il y a eu 13 suicides de jeunes en quelques mois. Dans cette société qu'on dit juste, vous avez le taxage, la violence, la drogue dans nos écoles, ce que nous n'avions pas autrefois. Ne nous parlez pas de société juste, s'il vous plaît.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Archambault.

Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Je suis un peu déçu que Mme Gagnon quitte. Madame St-Cyr, je dois vous avouer que votre présentation m'a impressionné. Elle est très claire, même que vous avancez des choses qui, jusqu'à ce moment-ci, n'avaient pas été aussi clairement mentionnées, par exemple en ce qui concerne l'article 41 de la Charte. J'y reviendrai à un moment donné parce qu'il va falloir que j'aille aux renseignements.

Cependant, je vais essayer de faire une synthèse de ce qu'on nous demande. Si je comprends bien, il y a un consensus au Québec, et même presque l'unanimité, en faveur de la création de commissions scolaires linguistiques. D'après ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, c'est très clair.

Par ailleurs, on nous dit qu'il y a un consensus pour modifier l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Je vous avoue que je commence à douter que le consensus soit très, très large. On commence à se poser des questions. Un consensus, ce n'est pas l'unanimité. Il n'y a certainement pas d'unanimité, comme plusieurs groupes en ont fait la preuve ce matin. Depuis deux ou trois jours, selon certains témoins que nous entendons, il y a peut-être un consensus dans le sens inverse, mais cela reste à voir.

Si je comprends bien, on demande d'enlever des droits ou des privilèges religieux qui sont garantis par la Constitution pour éviter des dédoublements administratifs sur le territoire de Montréal et de Québec, parce que ce serait trop lourd à porter.

Je sais que cela va peut-être paraître un peu cru comme conclusion, mais est-ce à cela qu'on en vient, selon vous?

Mme Jocelyne St-Cyr: À notre avis, il n'y a pas de volonté politique. Je ne sais pas si vous pouvez vous imaginer quels seront les coûts de la réforme actuelle et du projet de loi 109 de Mme Marois, avec tous les transferts, la mise en place de conseils provisoires, le transfert des établissements d'une commission scolaire à d'autres, mais, selon nous, à cause des coûts administratifs exorbitants, on ne peut le faire.

M. Mauril Bélanger: Ce n'est pas à nous de juger, madame...

Mme Jocelyne St-Cyr: Peut-être ai-je mal répondu.

M. Mauril Bélanger: ...de l'administration et de la gestion de l'éducation. Cela relève du domaine provincial, et c'est aux citoyens de la province de juger de leur gouvernement. Ce n'est pas à nous de le faire ici.

J'aimerais savoir si j'ai bien compris ou si je suis sur une mauvaise piste. On nous demande à nous, députés et sénateurs du Parlement canadien, d'abroger, pour la province de Québec, l'article 93 de la Constitution canadienne, principalement parce qu'on craint le dédoublement et la lourdeur administrative.

M. Gary Caldwell: L'argument qui est avancé depuis 30 ans est qu'il faut faire en sorte qu'on n'ait pas un système trop complexe. Maintenant qu'on en est à l'étape, et c'est nouveau... Contrairement à ce que dit Mme Gagnon, il n'y a pas eu de discussions sur l'abrogation de 93. On a essayé plusieurs autres arrangements, comme le disait Mme Finestone, et elle avait raison. Avec la Loi 109, on peut avoir le statut confessionnel et les comités confessionnels hors de Montréal, et c'est un arrangement qui existerait avec 93.

Cependant, on dit maintenant qu'il ne faut pas ce dédoublement parce que cela coûterait trop cher et qu'il faut abroger l'article 93 pour des raisons administratives et technocratiques. C'est même la raison invoquée par les évêques du Québec dans leur présentation devant les états généraux. Les évêques disaient qu'il ne fallait pas alourdir les structures. On a donc convaincu des gens que ce serait un alourdissement des structures que de procéder à l'ouverture d'autres écoles tout en respectant les droits actuels. C'est cet argument, plutôt administratif et technocratique, qu'on invoque comme seule justification pour abroger 93.

• 1100

M. Mauril Bélanger: Que faites-vous de l'argument qui nous a été présenté par des groupes d'anglophones, protestants ou catholiques, qui affirment que le régime actuel est plus une menace à la survie de la langue—je ne parle pas de religion, mais de langue—qu'une structure de commissions linguistiques où la communauté anglophone serait rapatriée, réunie? Que pensez-vous de cet argument?

M. Gary Caldwell: Personnellement, je ne voudrais pas m'aventurer sur ce terrain pour le moment. Je le ferai peut-être quand nous reviendrons le 30, mais pas aujourd'hui.

Cependant, je puis vous dire que ce qui est en train de se passer constitue un power grab de la part du gouvernement provincial, ce qui lui permettrait de faire ce que le Nouveau-Brunswick a fait: abolir les commissions scolaires. Il pourrait le faire, et les anglophones n'auraient alors que la protection de la Charte. Le secteur anglais n'aurait des droits que dans les secteurs où on parle l'anglais.

On pourrait poursuivre lorsque je reviendrai le 30.

Pour revenir à votre question de fond, la seule justification qu'on puisse invoquer pour l'abrogation de 93 est que cela alourdirait trop les structures que d'avoir un secteur laïque et un secteur confessionnel. Cela va à l'encontre de tout de qui se fait dans le monde occidental, où on constate une diversité dans des structures rendues plus efficaces parce que les parents ont le droit de choisir. Il y a plus d'autonomie dans les structures, cela coûte moins cher et cela produit une meilleure éducation.

Donc, la rhétorique voulant qu'il faut faut abroger 93 pour avoir un système moderne est fausse. C'est une rhétorique technocratique.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Caldwell. M. Peter Goldring sera notre intervenant suivant.

M. Peter Goldring: Madame St-Cyr, je crois qu'il existe clairement un consensus à l'égard de la création de commissions scolaires linguistiques. Cependant, il n'est pas évident qu'il existe un consensus quant à l'abrogation de l'article 93, pour y parvenir.

Vous avez annexé à votre mémoire un document où vous nommez les groupes que vous représentez. Pouvez-vous nous dire combien de Québécois font partie de ces groupes? Représentez-vous donc 100 000 personnes, ou plutôt 10 000? J'aimerais de plus savoir si on a communiqué avec vous ou avec votre groupe pour discuter de cette résolution avant qu'elle ne soit adoptée. Combien de gens ce groupe représente-t-il?

[Français]

Mme Jocelyne St-Cyr: Actuellement, au Québec—il ne faut pas confondre avec le front commun qui a été annoncé hier—la Coalition pour la confessionnalité scolaire représente 645 000 citoyens, dont des groupes qui représentent près de 135 000 personnes, et a recueilli 100 000 signatures. De plus, la Table de concertation protestante en éducation s'est jointe à nous il y a à peu près 15 jours avec ses 380 000 citoyens. Tout cela fait que nous pouvons dire que nous sommes 645 000, au Québec, à demander le maintien de l'article 93.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Pouvez-vous me dire si votre groupe a été consulté avant l'adoption de la résolution? Je voudrais tout particulièrement savoir si vous avez été consultés en ce qui a trait à l'abrogation de l'article 93.

[Français]

Mme Jocelyne St-Cyr: Non, monsieur, parce que nous ne sommes que du sable dans l'engrenage. Donc, on nous évite. Pour participer à la Commission des états généraux au Québec, l'Association des parents catholiques du Québec, entre autres, a dû faire des pirouettes et même s'asseoir sur la chaise de l'enseignement privé pour être capable de se faire entendre sur la confessionnalité.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Goldring, vous pouvez poser une brève question supplémentaire.

• 1105

M. Peter Goldring: Puisqu'on parle du consensus, pouvez-vous me dire, madame St-Cyr, quel type de consultation conviendrait à votre groupe à l'égard de son opinion sur la question? Préférerait- il que l'on procède par référendum, ou par l'entremise de ses représentants à l'Assemblée nationale? Comment ce consensus devrait-il se matérialiser d'après vous?

[Français]

Mme Jocelyne St-Cyr: Premièrement, nous pensons qu'il faudrait informer la population des conséquences de l'amendement. Pour ce qui est d'un référendum, je dois vous avouer honnêtement que nous n'avons pas discuté de la question. Je ne peux me prononcer sur cette question aujourd'hui.

Nous pourrions voir ce qui pourrait être fait, mais pour le moment, il y a un consensus fondamental sur le maintien de l'article 93. Nous suggérons donc au gouvernement du Québec d'offrir un secteur autre, ce qui respecterait le désir de l'ensemble des Québécois.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Par l'Assemblée nationale? Il s'agit là d'un consensus à l'Assemblée nationale? Vous savez qu'il y a eu un vote unanime à l'Assemblée nationale à cet égard.

[Français]

Mme Jocelyne St-Cyr: Vous voulez dire le consensus politique? Il était unanime. Ce n'était pas un vote libre. En plus, il y avait eu deux abstentions. Il y a eu du tordage de bras. Il ne faut pas se faire d'illusions.

Le coprésident (M. Denis Paradis): La prochaine intervenante est Mme Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Je sais que vous reviendrez ici le 30 octobre, monsieur Caldwell. Compte tenu des commentaires que vous m'avez faits, ainsi qu'à M. Beaudoin, je vous encourage fortement à lire le document présenté par M. William Foster et M. William Smith, de McGill, qui porte sur la restructuration de l'éducation au Québec et la modification de l'article 93; les auteurs du document appuient la proposition d'amendement. Le consensus dont parle le groupe que vous représentez aujourd'hui semble indiquer justement qu'il n'existe aucun consensus. C'est là une chose quelque peu inquiétante: puisqu'il n'y a eu aucune consultation des Québécois, vous devez essayer un peu de deviner où le consensus existe.

Je crois qu'une des choses que notre ministre des Affaires intergouvernementales nous a signalées, avec raison d'ailleurs, c'est qu'il y avait un «consensus écrasant», pour reprendre les propos de Mme Marois et du ministre des Affaires intergouvernementales, M. Brassard. Y a-t-il vraiment eu consensus écrasant? Si vous aviez assisté aux réunions de notre comité au cours des cinq derniers jours, vous ne diriez pas qu'il y avait un consensus écrasant. Ce serait plutôt l'inverse.

Je voulais vous poser justement cette question. À la page 6 du document que vous avez présenté vous dites

[Français]

que la ministre de l'Éducation du Québec, Mme Pauline Marois, dans sa déclaration du 26 mars dernier, promet de maintenir le statut confessionnel des écoles, le libre choix entre l'enseignement religieux catholique ou moral, et ajoute que le service d'animation pastorale ou religieuse sera également offert en libre choix, ce qui, dans un sens, n'est pas mauvais. Les écoles laïques pourraient se retrouver dans cette déclaration. C'était le 26 mars. Le 12 avril, Mme Pauline Marois présente son projet et sa demande sans aucun avertissement. Ai-je raison? Est-ce bien ce qui s'est passé?

Mme Jocelyne St-Cyr: Oui.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Je suis d'accord avec ce que vous dites dans votre mémoire, à savoir qu'il s'agit là de délais beaucoup trop brefs, compte tenu de ce qu'elle nous a dit.

J'ai également noté, mais je ne me souviens plus dans quel mémoire, qu'il y avait un article de Mme Marois. C'est dans le mémoire du Comité mixte de la Fédération québécoise des associations foyers-écoles. Il serait intéressant de lire la lettre de Mme Marois, «Les attentes religieuses à l'école», dans Le Devoir du 28 mars.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Finestone. Monsieur Caldwell.

[Traduction]

M. Gary Caldwell: J'aimerais répondre. J'ai hâte de lire les textes dont vous avez parlé. Je lis les délibérations du comité, mais je lirai également les mémoires avant de m'adresser à nouveau à vous le 30 octobre.

J'aimerais préciser que la consultation n'a pas eu lieu, comme M. Dion l'a lui-même signalé hier aux nouvelles, la consultation par une commission parlementaire au Québec. Aucune commission parlementaire n'a été chargée du dossier au Québec. S'il y avait eu une commission parlementaire, des groupes comme la coalition auraient fait connaître leur opinion. Comme je l'ai signalé, l'abrogation de l'article 93 n'a jamais été abordée aux États généraux.

• 1110

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

[Français]

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ma question porte toujours sur le consensus. Pour changer un texte constitutionnel, il faut avoir un consensus. Autrement, cela n'a pas de bon sens.

Quand on protège les droits dans la Constitution, c'est parce qu'on veut qu'ils durent. Maintenant, rien n'est coulé dans le ciment pour un millénaire. Les gens peuvent changer d'opinion. Je me demande quel est le meilleur moyen de voir s'il y a consensus. Vous me parlez de 650 000 personnes. C'est impressionnant; c'est un dixième de la population du Québec.

Doit-on faire un référendum? Il y en a eu deux à Terre-Neuve. Le premier, c'était à 53 p. 100; le deuxième, c'était à 73 p. 100 ou quelque chose du genre. C'est assez surprenant, mais c'est comme cela. Je me dis que si jamais on fait un référendum sur l'article 93, il faudra informer les gens. C'est un des articles les plus importants de la Constitution canadienne, un des plus difficiles.

En plus, on a l'article 23 de la Charte des droits et libertés et on a la Charte québécoise, qui est quasi constitutionnelle. Cela fait bien des choses. C'est passionnant sur le plan constitutionnel, mais si on demande au peuple de voter là-dessus, il faudra qu'il y ait une discussion.

Je suis scandalisé qu'il n'y ait pas eu d'audiences parlementaires. Je trouve que cela n'a aucun sens. C'est pour cela que nous l'avons fait ici. Quel est le meilleur moyen? Je me dis qu'il faudrait peut-être un référendum, mais à ce moment-là, il faudra avoir une période d'information de plusieurs semaines.

Qu'on me prouve qu'il y a un consensus important. Cela m'aiderait à prendre une décision. Je pense qu'on est ici pour améliorer les choses. On est tous démocrates, on veut tous le bien du pays, on veut tous le bien de chaque province, mais il faut prendre les moyens.

M. Gary Caldwell: Je voudrais faire un bref commentaire. Je suis d'accord qu'il faudrait plus de cinq jours de discussions sur la question dont nous sommes saisis. Lors du dernier référendum à Terre-Neuve, la population avait cinq jours pour réagir à la question. Ce n'est vraiment pas assez.

M. Maurice Archambault: Pour tenir un référendum, il faudrait s'assurer que le gouvernement du Québec aiderait autant la partie du Oui que celle du Non. C'est là le danger.

Nous n'avons aucune chance en commission parlementaire. Ils sont très polis, ils nous écoutent, mais ensuite ils font ce qu'ils veulent. C'est pour cela qu'il faudrait s'assurer que les deux parties soient justement traitées.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame St-Cyr.

Mme Jocelyne St-Cyr: Je veux remercier le comité de nous avoir donné la chance, au Canada, d'être entendus comme citoyens québécois et canadiens. Nous sommes fiers d'être venus représenter les 645 000 personnes qui nous appuient pour demander le maintien de l'article 93.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Moi aussi, madame St-Cyr, monsieur Archambault, madame Désormeau, monsieur Caldwell, je vous remercie. Il nous fait plaisir de vous avoir reçus et d'avoir entendu vos témoignages ce matin. Je vous remercie au nom de tous les collègues.

M. Maurice Archambault: J'ai fait distribuer ces dépliants. Vous avez là nos réalisations. Je crois qu'elles sont impressionnantes.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Archambault.

Madame la coprésidente.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): J'aimerais signaler aux membres du comité qu'ils recevront cet après-midi par fax la nouvelle liste des témoins. Celle qui a été distribuée ce matin n'était pas à jour. Vous allez en recevoir une autre. Cela devrait se faire d'ici 12 heures ou 13 heures.

Également, en ce qui a trait aux mémoires, nous avons reçu ce matin celui du English Speaking Catholic Council. Vous allez le recevoir cet après-midi, ainsi que celui de la Centrale de l'enseignement du Québec. En ce qui a trait à la Catholic Civil Rights League, vous l'avez déjà; il a été distribué le 21 ou le 22 octobre.

Il y a quatre groupes dont nous n'avons actuellement reçu aucun mémoire. Si vous ne les avez pas, c'est parce qu'on ne les a pas reçus. Si on les reçoit cet après-midi, vous les aurez. Vérifiez auprès de vos adjoints et de vos secrétaires pour avoir la nouvelle liste des témoins qui sera distribuée dans une heure.

Le coprésident (M. Denis Paradis): La séance est levée jusqu'à lundi matin, 10 heures.