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SJQS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE TO AMEND SECTION 93 OF THE CONSTITUTION ACT, 1867 CONCERNING THE QUEBEC SCHOOL SYSTEM

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL POUR MODIFIER L'ARTICLE 93 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867 CONCERNANT LE SYSTÈME SCOLAIRE AU QUÉBEC

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 23 octobre 1997

• 0926

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)): À l'ordre. Nous reprenons l'étude de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

Avant de débuter, je vais entendre Mme Sheila Finestone.

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le président, il s'agit d'une question très complexe pour tout le monde. C'est une question émotive et c'est une question de droits de la personne.

[Traduction]

Étant donné que c'est une question complexe, difficile et qui intéresse tous les membres du Comité ici présents—premièrement, le bien-être de l'enfant et, deuxièmement, les meilleures conditions de scolarité—j'ai demandé dès le début qu'on distribue les mémoires aux membres du Comité avant les audiences afin que nous ayons la possibilité de les lire pour que cela éclaire nos débats quand les témoins se présentent devant nous.

J'ai, par exemple, parlé à Alliance Québec hier soir. Son mémoire est ici depuis deux jours. Je ne l'ai pas reçu. Ce groupe représente le point de vue de la minorité anglophone, un des divers points de vue qui nous seront présentés, et il aurait été important que tous les membres du Comité puissent lire et étudier ce mémoire afin que nous puissions poser le genre de questions grâce auxquelles les anglophones du Québec pourraient être sûrs que leur système scolaire fonctionnera bien.

J'ai parlé à la greffière, qui a eu l'amabilité de me faire savoir que ces mémoires avaient quitté son bureau hier à 15 heures et étaient censés avoir été envoyés à notre bureau. J'ai vérifié auprès de mon bureau hier soir et à nouveau ce matin. Ces mémoires n'y sont pas. Cela ne contribuera guère à nous éclairer les uns ou les autres avant d'en discuter—ni les commissions catholiques dissidentes, ni les commissions protestantes francophones, ni les commissions anglophones.

J'aimerais savoir ce qui se passe avec ces documents, s'il vous plaît.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Mme la greffière m'informe, comme vous venez de le mentionner, que ces documents ont été envoyés à nos bureaux hier après-midi.

Y en a-t-il qui les ont reçus? Il y en a qui en ont reçu et d'autres qui n'en ont par reçu.

Monsieur Paul DeVillers, s'il vous plaît.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Ils sont arrivés à mon bureau entre 20 heures hier soir et 7 h 30 ce matin.

L'hon. Sheila Finestone: Mme Jennings m'a dit qu'elle l'a reçu il y a deux jours.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Oui, je l'ai reçu il y a deux jours.

L'hon. Sheila Finestone: La greffière me dit qu'elle l'a envoyé hier après-midi à 15 heures. Comment se fait-il que madame l'ait reçu il y a deux jours alors qu'il n'a été envoyé qu'hier après-midi et que moi, je ne l'ai pas reçu du tout?

La cogreffière du comité (Mme Martine Bresson): L'avez-vous reçu de mon bureau?

• 0930

Mme Marlene Jennings: Je sais que mon adjoint est venu me rejoindre en fin de journée. On est jeudi, donc c'était en fin de journée de mardi, juste avant qu'on quitte, et il m'a remis toute une pile de mémoires dans laquelle se trouvait le mémoire d'Alliance Québec. Le seul document qui me manquait ayant trait aux témoins d'aujourd'hui était celui de la Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park. Mais tous les autres qui devaient être présentés aujourd'hui faisaient partie de cette pile de documents. J'ai simplement présumé que l'enveloppe contenant tous ces documents provenait de votre bureau. Cependant, vous dites que ce n'est parti qu'hier.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nick Discepola.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Comme Mme Jennings l'a dit, la greffière a envoyé une série de huit ou neuf documents de son bureau, parce que cela est venu avec une note de service provenant de vous, madame la greffière, et moi, je l'ai reçue vers le 21 octobre. Votre note de service était datée le 21 octobre; donc, je l'ai reçue la même journée, monsieur le président.

Cependant, je pense que Mme Finestone soulève un bon point. Je pense que ce sera dans l'intérêt de tout le monde de nous fournir les documents le plus rapidement possible à l'avenir.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Mes collègues, nous prenons avis de vos remarques et nous tenterons d'améliorer le processus le plus tôt possible.

Peter Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Je voudrais également dire quelques mots à ce sujet. À ma connaissance, nous devions recevoir les traductions, et ce document est en français. Si nous avons ces renseignements, ces mémoires, depuis un jour ou deux, j'aimerais savoir pourquoi nous n'avons pas pu avoir une traduction aujourd'hui.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Chaque groupe est informé seulement quelques jours à l'avance.

[Français]

On vient tout juste de recevoir le document pour ce matin.

En ce qui a trait au document de ce matin, Mme la greffière va s'assurer que chacun des membres en reçoive une copie. On prend note de vos remarques au sujet de la distribution et de la traduction des documents et, nonobstant les délais serrés qui nous sont impartis, nous allons tenter d'améliorer la situation.

Madame Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup, monsieur le président. Je sais que cela a posé des difficultés à la greffière et à vous, les deux coprésidents. Étant donné que la situation était un peu confuse hier, puisque tous les noms des associations se ressemblaient beaucoup et qu'il était difficile de savoir quel document correspondait à quel groupe, vu le moment de leur comparution, j'ai demandé hier qu'on numérote le document concernant le groupe devant comparaître ou qu'on y indique au moins la date de la séance afin que nous puissions l'identifier et que nous n'ayons pas à déranger les greffiers pour essayer de savoir quel document correspond au groupe que nous entendons. Vu les conditions dans lesquelles je viens de recevoir un document—il n'est pas daté, je n'ai pas vérifié et je ne sais pas si c'est le groupe qui se présente maintenant ou si c'est celui qui intervient dans 45 minutes ou cet après-midi—il serait utile qu'ils soient numérotés, je vous en prie.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Vous avez l'ordre du jour d'aujourd'hui; peut-être devrait-on y ajouter l'heure possible de comparution des groupes, si cela pouvait vous aider, madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: C'est quelque chose qui pourrait nous aider.

[Traduction]

Je crois que c'est très important. Ce n'est pas une audience comme les autres.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je suis d'accord. Nous prenons note de vos observations, et on aura peut-être une rencontre avec les greffiers pour s'assurer que le tout marche le plus rondement possible.

Là-dessus, permettez-moi de souhaiter la bienvenue au groupe qui est devant nous, la Commission scolaire catholique dissidente de Greenfield Park, représentée par M. Gilbert Dionne, président, Mme Denise Lucier, directrice générale, et M. Louis Coallier, l'avocat de la Commission scolaire. Bienvenue à notre comité mixte.

On va vous laisser au maximum une dizaine de minutes pour faire votre présentation et ensuite on passera à une période questions de la part des membres du comité.

• 0935

Je rappelle aux membres du comité que si on veut que la plupart d'entre eux puissent se faire entendre, il leur faut limiter leurs interventions à environ deux minutes. J'aimerais qu'il y ait une collaboration de façon à ce que le temps réservé aux questions ou aux observations ne soit pas monopolisé par un ou deux ou trois, mais qu'il y ait le plus possible de personnes autour de cette table qui puissent s'exprimer. Je pense que c'est important.

Madame Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux (Québec, PC): Monsieur le président, on n'a pas eu le document et là vous dites que nous avons 10 minutes. Moi, j'ai participé à des commissions ou des comités parlementaires. Normalement, quand les gens viennent présenter un mémoire qu'ils ont mis beaucoup de temps à préparer, c'est 20 minutes qu'on leur accorde. Avec 10 minutes, ils n'auront même pas le temps de le lire.

Pour ce qui est du temps des questions, je pense que je suis d'accord avec vous: il ne faut pas s'éterniser. Mais vous dites que nous devons nous limiter à deux minutes. Combien de temps votre intervention a-t-elle duré? Et ce n'était même pas sur les mémoires et sur la présentation.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame la sénatrice, premièrement, je dois vous dire, par esprit d'équité pour tous les groupes qui se présentent devant nous, que ce n'est pas notre première séance. C'est le temps que nous avions convenu d'accorder aux autres groupes.

Deuxièmement, je répète que, compte tenu du nombre de membres qui constituent ce comité mixte, membres des deux Chambres et de tous les partis représentés à la Chambre des communes, si on veut laisser l'ensemble des membres s'exprimer, les interventions doivent être le plus courtes possible.

Dans cet esprit-là, il est important que la majorité d'entre nous puissent s'exprimer et poser des questions à nos invités.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Monsieur le président, je trouve que le gouvernement nous a déjà assez pressés avec l'échéance du 7 novembre. J'ai découvert hier qu'il fallait que je sois ici vendredi et lundi. Vous allez avoir la paix, car je n'y serai pas. J'ai d'autres engagements. À Québec, ils ont trouvé une expression, et je ne dirai pas pour qui: arrêtez de nous «rusher», de nous presser tellement qu'on ne se sent pas libres de... Il y a assez de la date limite. Au moins, donnez-nous le temps de respirer quand on a des gens ici.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Lavoie-Roux, ce n'est pas moi qui ai fixé la date de la remise de notre rapport. Vous savez que la Chambre des communes a voté pour que le rapport soit déposé le 7 novembre et vous savez que le Sénat a voté pour la même chose. Donc, nous sommes pris avec cette date.

Nous allons procéder immédiatement à l'audition du groupe que nous avons devant nous. À vous la parole.

M. Gilbert Dionne (président, Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park): Je remercie le comité de nous recevoir aujourd'hui et je déplore qu'on n'ait pas eu le temps de déposer notre document pour que les personnes autour de la table aient le temps de le lire. Malheureusement, nous n'avons été informés qu'hier midi que nous devions présenter notre mémoire ce matin.

[Traduction]

Nous tenons également à présenter nos excuses pour n'avoir pas fait traduire ce document. Les délais étaient très courts.

[Français]

La Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park couvre le territoire de la ville de Greenfield Park, qui compte une population d'environ 20 000 et est située en périphérie de Montréal, à peu près à trois milles de Montréal, donc dans la région métropolitaine. Nous comptons 1 800 élèves. C'est une commission scolaire dissidente qui a toujours exercé ce droit et qui a, depuis toujours, des activités continues. C'est une commission scolaire qui, de par la Loi 109, se fait dissoudre et intégrer dans deux commissions scolaires.

Parce que le temps est très court, je vais répondre à votre souhait, monsieur le président, et je vais passer immédiatement la parole à Me Coallier, qui est de la firme Guy & Gilbert et qui va vous exposer la position de la Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Coallier.

Me Louis Coallier (avocat conseil, Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park): J'aimerais exposer certains faits.

Dans un premier temps, il est inexact de prétendre qu'il y a eu un consensus, comme le soumet le gouvernement québécois.

• 0940

Je vous soumets également qu'il y a particulièrement une absence de consensus chez les groupes visés par l'abrogation de l'article 93 de la Loi constitutionnelle, chez les groupes visés en général et plus particulièrement à Greenfield Park, où une pétition de près de 4 000 noms a été obtenue et où il s'est dégagé un large consensus pour maintenir en place la structure confessionnelle dissidente de la commission scolaire.

Dans un deuxième temps, nous déplorons, vu qu'il s'agit de droits individuels des parents, qu'il y ait eu une absence de consultation populaire, comme par exemple un référendum, ce qui a eu lieu d'ailleurs à Terre-Neuve.

Il y a également un élément qu'il ne faut surtout pas oublier et qui est primordial. Sauf en regard de l'abrogation de l'article 125 de la Loi sur l'instruction publique et du décret sur le découpage des commissions scolaires, en autant que la commission scolaire dissidente est concernée, il n'y a pas de nécessité d'abroger l'article 93.

Un autre point est également primordial et doit être révélé. L'un des principaux enjeux de l'abrogation de l'article 93 et de l'implantation de commissions scolaires linguistiques pour la région de Montréal en est un linguistique.

J'ai reçu copie d'un document confidentiel, qui est un mémoire au Conseil des ministres, qui apparaît signé par la ministre de l'Éducation, Pauline Marois, et qui a été transmis au Conseil des ministres le 21 février 1987. Ce mémoire ne devait pas être accessible au public. Je ne peux certifier que ce document est authentique, mais la personne qui me l'a remis m'a assuré qu'elle ne l'avait pas altéré ou modifié autrement qu'en soulignant ou en ajoutant des mentions en renvoi. J'aimerais citer un passage de ce mémoire de la ministre Pauline Marois:

    Il n'en demeure pas moins que c'est sur le territoire de la métropole que les changements seront les plus marquants et les plus sentis. Le principal enjeu de ce dossier pour la région de Montréal réside dans la capacité de mettre en place une organisation scolaire qui sera en mesure de favoriser le mieux possible l'intégration des immigrants à la communauté francophone.

Nous vous soumettons donc que, contrairement à ce qui a été dit ou rapporté dans certains médias, pour le gouvernement du Québec, l'enjeu est un enjeu linguistique.

Je peux vous remettre, si vous le voulez, une copie de ce mémoire.

Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord. Vous pouvez le déposer. Madame la greffière, il y a un document à déposer, une copie d'un mémoire.

Me Louis Coallier: Je vous répète que je ne peux malheureusement en certifier l'authenticité, sauf que la personne qui me l'a remis m'a assuré que, hormis les soulignements et quelques mentions manuscrites, elle ne l'avait pas altéré.

Nous nous posons également certaines questions d'ordre presque moral en regard de la démarche actuelle. Pourquoi abroger l'exercice de la dissidence? Est-ce que l'exercice de la dissidence est un processus socialement inacceptable? Nous vous soumettons que non. Est-ce que l'exercice de la dissidence est un processus moralement inacceptable? Nous vous soumettons également que non.

Nous sommes respectueusement d'avis que le gouvernement fédéral a une forme de devoir fiduciaire, en vertu de la Constitution, de maintenir les protections accordées aux minorités. Si l'on procède par l'absurde et qu'on suit le raisonnement de Québec, même s'il y a un consensus chez la majorité—je vous ai déjà indiqué que nous sommes d'avis qu'il y a absence de consensus et qu'on ne peut prétendre qu'il y en a un—n'est-il pas du devoir du gouvernement fédéral de ne pas entériner une proposition présentée par la majorité d'une province qui demande l'abrogation de droits constitutionnels consentis à la minorité d'une province?

• 0945

Si l'on suit le raisonnement qui est actuellement développé devant vous, n'importe quelle majorité d'une province peut à bon droit demander au gouvernement fédéral d'abroger des droits qui sont enchâssés dans la Constitution et qui bénéficient à une minorité. Il nous apparaît donc que le processus actuel est dangereux et vicié à sa base même. Nous nous demandons également pourquoi le gouvernement québécois veut créer des ghettos linguistiques dans l'éducation.

Un autre aspect de notre intervention est que la Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park a déposé, auprès de la Cour supérieure du district de Montréal, une action, un recours pour faire déclarer inconstitutionnelle et inapplicable à elle l'abrogation de l'article 125 de la Loi sur l'instruction publique et du décret qui a pour effet de dissoudre la Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park à l'intérieur des commissions scolaires linguistiques anglophone et francophone qui sont érigées sur le même territoire.

Ce recours juridique, à la suite d'une entente avec le procureur qui représente le gouvernement du Québec, sera entendu sur le fond les 24 est 25 novembre prochains. Conséquemment, dans environ trois mois, un tribunal se penchera sur la constitutionnalité de la Loi sur l'instruction publique en regard de l'article 93 de la Constitution.

Nous nous interrogeons également sur le refus de la province de Québec et du gouvernement du Québec de se présenter devant votre comité. Nous sommes excessivement inquiets de la précipitation du processus d'amendement. Le décret qui a créé le découpage scolaire et qui a confirmé la dissolution de la Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park a été adopté le 27 août dernier.

Est-ce que les délais serrés qui sont imposés depuis le début le sont pour empêcher d'autres recours juridiques ou rendre tout recours juridique inefficace, comme cela semble être le cas pour la démarche judiciaire que nous avons entreprise?

Il y a également la question des droits acquis constitutionnels, qui est certainement une chose intéressante à débattre, car la commission scolaire exerce son activité de façon continue depuis environ 1934. Au surplus, on m'a dit qu'une représentante de la ministre Pauline Marois, lorsqu'on lui a reproché le raccourcissement des délais et la précipitation dans le processus de mise en place des commissions scolaires linguistiques, a avoué candidement à deux représentants de la commission scolaire que la ministre voulait procéder rapidement car elle avait peur que cela ne passe pas.

Nous nous interrogeons également sur le fait que Québec accélère le recours qui a été intenté par la commission scolaire et qui a été pris quelques jours après l'adoption du décret en septembre, et nous constatons que Québec n'a pas respecté l'autorité des tribunaux.

• 0950

Nous sommes forcés de constater que lorsque cela fait l'affaire de Québec, la province tente de s'appuyer sur l'affaire du renvoi devant la Cour suprême de 1993 pour justifier sa démarche et que lorsque cela ne fait pas l'affaire de Québec, il faut nommer un amicus curiae devant la Cour suprême.

J'aurais, pour terminer, certains commentaires additionnels. Nous avons pris connaissance du mémoire de l'Association des communautés scolaires franco-protestantes qui, à notre avis, est un excellent mémoire et qui a également un peu plus d'envergure que le nôtre, puisque nous visons la seule protection de la commission scolaire. Nous avons donc des intérêts un peu plus limités, mais nous souscrivons au mémoire de l'Association des communautés scolaires franco-protestantes qui a été présenté devant vous, hier ou avant-hier, par M. Aubut.

Nous désirons également, toujours en regard de notre crainte devant l'accélération du processus et devant la complaisance d'Ottawa à satisfaire Québec dans ce dossier, vous faire part de notre surprise devant la complaisance du ministre Dion envers les demandes de Québec et la précipitation des audiences sur une question constitutionnelle aussi importante et fondamentale.

Sans vouloir critiquer le comité, nous sommes forcés de constater que ses audiences ont un certain air d'improvisation. Nous avons su hier, en fin de matinée, l'heure exacte et il y a encore eu des tractations pour savoir à quelle heure nous devions nous présenter devant vous. Nous n'avons pas eu le temps de nous préparer adéquatement.

Ce comité fonctionne à la vapeur pour satisfaire aux exigences de la province de Québec, qui demande au gouvernement fédéral d'abroger une disposition constitutionnelle qui protège les minorités. Je vous remercie.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup de votre intervention. Nous allons passer à une période de questions.

[Traduction]

Sénateur Grafstein.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (le grand Toronto, Lib.): Je veux faire un rappel au règlement à l'intention du témoin. Si les témoins ont l'impression de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour se préparer, je pense qu'ils devraient pouvoir refaire leur mémoire et nous le faire parvenir au début de la semaine prochaine. Nous aurons ainsi tous les renseignements qu'ils ne peuvent pas nous fournir aujourd'hui avant de prendre notre décision. Je pense que c'est un conseil que nous pourrions donner de façon générale à tous les témoins ou tous les groupes, afin qu'ils aient l'impression d'avoir présenté l'ensemble de leurs idées par écrit. Je peux leur assurer que, de notre côté, nous lirons tous ces mémoires très soigneusement.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): C'est une remarque tout à fait raisonnable, sénateur Grafstein.

Si vous désirez nous soumettre un mémoire plus complet au début de la semaine prochaine, sentez-vous bien à l'aise.

Nous allons maintenant passer à la période de questions.

Monsieur Goldring.

[Traduction]

Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup pour votre mémoire.

Pensez-vous qu'il peut y avoir des écoles linguistiques au Québec pour ceux qui le souhaitent sans qu'il soit nécessaire d'abroger l'article 93 pour le Québec?

[Français]

Me Louis Coallier: La loi telle qu'elle existe, la Loi sur l'instruction publique telle qu'elle a été modifiée par le projet de loi 109, prévoit l'exercice du droit à la dissidence jusqu'à ce que l'article 93 soit abrogé.

Notre recours juridique est qu'on ne peut abroger la résultante d'un exercice de dissidence, qui est donc la commission scolaire. Mais le gouvernement du Québec a maintenu, dans la Loi sur l'instruction publique, des dispositions permettant l'exercice du droit à la dissidence pour le futur. Ces dispositions seront automatiquement abrogées lorsque l'article 93 sera abrogé, mais la loi telle qu'elle existe, sauf en ce qui a trait à la dissolution de la commission scolaire, peut parfaitement s'appliquer sans l'abrogation de l'article 93. Il n'y a pas de nécessité d'abroger l'article 93.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Êtes-vous convaincus, votre groupe et vous-même, que la protection accordée actuellement à vos droits à l'éducation par l'article 93 sera, après cette abrogation, garantie par le gouvernement du Québec, qui conteste la Constitution de 1982 à laquelle il se réfère?

• 0955

[Français]

Me Louis Coallier: La réponse est que déjà, alors que l'article 93 n'est pas abrogé, un décret a été adopté qui prévoit notre dissolution le 1er juillet 1998.

Le recours que nous avons actuellement devant les tribunaux est fondé sur l'article 93. Le jour où vous l'abrogerez, vous compliquerez considérablement nos chances de succès.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Nos témoins vont peut-être pouvoir, s'ils le désirent, refaire leur mémoire. Ils ne pourront pas refaire celui du Conseil des ministres. Je veux les féliciter pour le réseau qui est le leur, parce qu'à première vue, cela semble tout à fait conforme à ce qu'on a l'habitude de voir dans ces milieux-là. Je vous dis cela par personne interposée, parce que je n'y ai jamais siégé moi-même.

Je voudrais faire deux commentaires et poser une question, si vous me le permettez. Premièrement, vous allez convenir qu'il existe au Québec une coalition de 43 organismes qui reflète à la fois les forces du milieu de l'éducation et les forces de tous les autres milieux.

Quand vous dites qu'il n'y a pas consensus, j'aurais tendance à dire qu'il n'y a pas unanimité. Là-dessus je suis d'accord avec vous. Je reçois les préoccupations qui sont les vôtres ce matin. Mais on n'est quand même pas dans une situation où le débat n'a pas eu lieu.

Deux projets de loi ont été invalidés par les tribunaux. Dès 1965, il y avait, dans le rapport Parent, une recommandation comme celle qui va dans le sens des commissions scolaires linguistiques. Vous devez reconnaître que ce débat, dans la société québécoise, a des racines profondes. Que vous, comme commission scolaire dissidente, vous sentiez menacés dans un droit que vous exercez actuellement, je peux le comprendre, mais je ne peux être d'accord avec vous quand vous dites que c'est une chose sur laquelle il n'y a pas eu de débat et de consensus.

Vous savez très bien qu'à partir du moment où le législateur veut établir des commissions scolaires linguistiques, il faut faire quelque chose avec l'article 93. Sinon, le système scolaire deviendrait un imbroglio de commissions scolaires. Il y aurait possiblement six commissions scolaires à Montréal et à Québec. C'est à cela que le législateur veut remédier.

Le plus important pour vous est-il qu'il y ait un système scolaire cohérent au Québec, à l'intérieur duquel, je vous le rappelle, vous pourrez, dans votre projet éducatif, avoir des éléments de référence religieuse et confessionnelle? Vous convenez que la loi Marois vous permet cela à l'intérieur du projet éducatif? Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?

Me Louis Coallier: Non, parce que la loi Marois nous dissout et nous force à recommencer le processus de dissidence jusqu'à ce que l'article 93 soit abrogé.

Donner des droits à quelqu'un, les dissoudre une fois tous les cinq ans et forcer les gens à remettre sur pied une structure dans la complexité actuelle de notre système social, c'est nier le droit à la dissidence.

En 1867, quand on voulait exercer notre droit à la dissidence, on prenait une grange, on mettait un clocher dessus, on y plaçait des tables en bois et une institutrice en avant. On avait une école. Maintenant, c'est pas mal plus compliqué.

M. Réal Ménard: Mais il y a une différence fondamentale. Cela avait peut-être du sens au XIXe siècle, et même jusqu'au milieu du XXe siècle, de dire que deux dénominations religieuses auront des droits particuliers. Mais aujourd'hui, au nom de quel principe le ferait-on? Convenez-vous que le Québec est pas mal plus pluraliste qu'il ne l'était il y a 150 ans?

Au nom de quel principe spécifique les minorités catholiques et protestantes auraient-elles des droits de gestion spécifiques dans leur système scolaire au Québec en 1997? Je le dis en tout respect pour les convictions religieuses des gens.

Me Louis Coallier: Premièrement, à mon humble avis, hormis dans la région métropolitaine de Montréal et dans certaines petites poches, le multiculturalisme n'existe pas dans la province de Québec. Les gens qui viennent de certaines villes de l'extérieur, quand ils vont étudier à Montréal, découvrent qu'il y a des Anglais, qu'il y a des gens de couleur et des immigrants, parce que cela n'existe pas dans leur propre communauté.

Donc, c'est vrai dans la région métropolitaine de Montréal.

M. Gilbert Dionne: Si vous me le permettez, je vais compléter.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Allez-y, monsieur Dionne.

M. Gilbert Dionne: Si vous faites une étude exhaustive des mémoires qui ont été présentés aux États généraux tenus au Québec qui n'avaient pas pour objet cet élément, vous verrez qu'au-delà de 70 p. 100 de ces mémoires demandent qu'il y ait un enseignement religieux dans les écoles.

• 1000

Contrairement à ce qu'on dit, c'est-à-dire que les États généraux ont eu des mémoires disant en majorité qu'on ne voulait plus de confessionnalité dans les écoles, si on en fait une analyse plus en profondeur, on trouve exactement l'inverse.

Me Louis Coallier: Nous ne sommes pas contre la déconfessionnalisation d'une partie du système. Nous sommes en faveur de la protection de nos droits historiques minoritaires. Nous sommes une minorité et nous nous adressons à un organisme du Parlement canadien en disant que, s'il faut dégager un consensus chaque fois pour faire sauter les droits d'une minorité, il n'y aura plus au Canada de droits des minorités enchâssés dans la Constitution.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): J'aimerais seulement souligner un aspect. Les droits confessionnels et les droits des minorités, ce n'est pas tout à fait la même chose. Dans le cas des droits confessionnels, ce sont les groupes catholiques et protestants qui sont protégés comme groupes. Ce sont des droits collectifs.

Les catholiques, au Québec, sont en majorité, et il ne faut pas l'oublier. Les protestants sont en minorité, c'est exact, mais la protection de l'article 93, qui est purement confessionnelle, vise les groupes catholiques comme catholiques et les groupes protestants comme protestants.

Si je suis votre raisonnement, je crois comprendre que vous n'êtes pas satisfaits de la loi du Québec sur ce plan. Je peux comprendre cela. Vous dites, à la toute fin de votre témoignage, que vous n'êtes pas contre la déconfessionnalisation, mais j'ai cru comprendre que vous vouliez garder l'article 93 intact. Ai-je bien compris?

Me Louis Coallier: Ceux qui ont des structures confessionnelles ou qui désirent en avoir devraient avoir l'option de les conserver.

Le sénateur Gérald Beaudoin: En ce qui a trait au débat actuel, il me semble qu'il faut préciser que nos structures actuelles, en vertu de l'article 93, sont confessionnelles. Il y a des gens qui sont contre des structures confessionnelles, mais qui sont en faveur de l'école confessionnelle. Ce n'est pas la même chose. Autrement dit, on peut changer un système. On peut dire que les structures ne seront dorénavant plus confessionnelles, mais que l'école confessionnelle peut demeurer. Est-ce bien ce que vous voulez?

Me Louis Coallier: Vous faites une distinction entre le droit personnel d'un individu au niveau de sa confession religieuse et le droit de se regrouper à l'intérieur d'une même confession. Nous, nous défendons le droit de se regrouper. Nous sommes d'accord que le gouvernement du Québec n'affecte pas le droit individuel d'une personne. Mais le droit de se regrouper à l'intérieur d'une même confession, dans une situation de minorité, est l'essence même de l'article 93, que ce soit la minorité protestante par rapport à la majorité catholique ou les minorités confessionnelles par rapport à la majorité non confessionnelle maintenant.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Autrement dit, vous voulez garder les structures des groupes confessionnels catholiques et protestants.

Me Louis Coallier: Non. Ceux qui veulent les conserver devraient avoir l'option de les conserver. Ceux qui voudront exercer leur droit à la dissidence à l'avenir devraient continuer à avoir la possibilité de l'exercer.

La Loi sur l'instruction publique, dès l'abrogation de l'article 93, abroge toutes les dispositions qui ont trait à l'exercice futur de la dissidence. Le droit à la dissidence doit demeurer pour une minorité.

Que le gouvernement du Québec décide de déconfessionnaliser la majorité de ses écoles, c'est son droit, mais il doit laisser le droit ou la possibilité à la Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park de continuer à exister et il doit laisser aux groupes de parents qui le désirent la possibilité d'exercer leur droit à la dissidence pour l'avenir.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Coallier. Le prochain intervenant est M. Nick Discepola.

M. Nick Discepola: Je voudrais abonder dans le même sens que le sénateur Beaudoin, parce que j'ai du mal à comprendre.

• 1005

Dans votre présentation, vous avez dit que l'abrogation de l'article 93 était un enjeu politique. Mais depuis déjà 10 ou 15 minutes, l'enjeu semble plutôt être linguistique. L'abrogation de l'article 93, quant à moi, est un enjeu religieux. Vous avez dit dans votre présentation que notre devoir, comme gouvernement du Canada, était surtout de protéger les droits acquis des minorités.

Si j'analyse bien l'article 93, je vois que le droit qu'on protège est celui des catholiques et des protestants. Donc, si on est pour la vertu, bien qu'il y ait un consensus, peut-être pas unanime, pour créer des commissions scolaires basées sur la langue, comment croyez-vous qu'on puisse protéger des commissions scolaires dissidentes comme la vôtre tout en atteignant le but ultime?

Deuxièmement, vous dites que cela peut être fait avec l'article 93. Dans ce cas, si on veut protéger les droits des minorités, ne devrait-on pas offrir la même protection à quelqu'un qui veut établir une commission scolaire juive, une commission scolaire orthodoxe?

Me Louis Coallier: Premièrement, nous fonctionnons avec l'article 93 tel qu'il existe. Nous ne demandons pas un amendement constitutionnel pour ajouter, par exemple, les gens de confession judaïque ou les gens de confession islamique. C'est à la législature de décider si elle veut donner des droits additionnels à d'autres minorités. Ce n'est pas notre propos ni la raison pour laquelle nous sommes ici.

Deuxièmement, la Loi sur l'instruction publique telle qu'elle est en vigueur actuellement prévoit des commissions scolaires linguistiques et maintient, tant que l'article 93 sera en vigueur, l'exercice de la dissidence. La loi permet l'exercice de la dissidence par une minorité catholique ou protestante par rapport à une commission scolaire linguistique.

M. Nick Discepola: Mais pour arriver à notre but ultime, qui est de créer des commissions scolaires linguistiques, il faut abroger l'article 93, dit le gouvernement du Québec. C'est là-dessus qu'on doit se pencher. Il me semble que dans la réforme de Mme Marois, il y a un compromis. C'est-à-dire que les écoles qui le désirent pourraient, par le biais de leur comité de parents, dispenser l'enseignement moral ou religieux. Cet aspect ne vous plaît-il pas assez ou pas du tout?

Me Louis Coallier: La loi dissout la Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park.

M. Nick Discepola: Je comprends cela, mais le projet de Mme Marois vous permet de regrouper...

Me Louis Coallier: Oui, mais une fois que la commission est dissoute... On est la résultante d'un droit constitutionnel reconnu, qui était l'exercice de la dissidence par les parents qui voulaient se doter d'une structure. C'est une différence. Le droit de se doter d'une structure et le droit de procéder à un enseignement religieux dans une école, ce sont deux choses distinctes.

M. Nick Discepola: Pourquoi?

Me Louis Coallier: Parce que les parents qui le désirent vont pouvoir obtenir l'enseignement religieux s'ils sont majoritaires, mais les enfants dont les parents ne veulent pas qu'ils assistent aux cours d'enseignement religieux n'y assisteront pas. Il n'y a pas de structures. C'est l'exercice d'un droit individuel qui est préservé, pas l'exercice du droit collectif de se doter d'une structure. Il y a une distinction.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Coallier.

Le prochain intervenant sera M. Yvon Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Ma question s'adresse à vous, monsieur Coallier. Premièrement, je suis obligé de dire que je suis d'accord avec vous en ce qui a trait à la planification des réunions. Vous n'avez été informés qu'hier de la réunion d'aujourd'hui, et c'est terrible. Vous n'êtes pas tout seul dans tout cela. Même moi, comme membre du comité, je vous appuie là-dessus. Cela ne donne pas aux minorités la chance de s'exprimer. Au Québec, les minorités ont peut-être eu la chance de se faire entendre. Elles ont eu la chance de faire bien des choses, mais quand cela arrive ici, au fédéral, on n'accorde que deux semaines pour présenter un rapport. Je ne suis pas d'accord sur cela.

Deuxièmement, une chose m'inquiète quand on parle de Constitution et de protéger les droits des minorités. Cela m'inquiète également quand vous dites que Terre-Neuve a eu un référendum. J'ai toujours peur d'un référendum quand on parle de minorités parce que, lors d'un référendum, la majorité peut complètement aller contre la minorité. Vous vous demandez pourquoi le Québec n'a pas fait comme Terre-Neuve et tenu un référendum.

• 1010

Me Louis Coallier: Tout ce que j'ai voulu dire, c'est que lorsqu'on dit qu'il y a un consensus dans la population, c'est faux. Il y a un consensus parmi certains organismes ciblés qui ont dit qu'ils étaient d'accord.

On affirme qu'il y a un consensus. Ce n'est pas de la façon dont Québec a procédé qu'on est capable de dégager un consensus; c'est au niveau de l'affirmation du consensus. Mais c'est un fait qu'un référendum peut brimer les droits d'une minorité.

Normalement, avant d'affirmer qu'il y a un consensus, il faut prendre les moyens. D'ailleurs, je vous dirai que c'est vrai qu'on discute depuis de nombreuses années de la laïcisation des écoles, mais on n'a pas parlé de façon explicite du fait qu'on abrogerait toutes les structures existantes et qu'on ne permettrait plus, à l'avenir, de structures confessionnelles. Ce sont deux choses distinctes.

Nous ne sommes pas contre la laïcisation des écoles; nous voulons préserver notre droit à l'existence et nous pensons que nous devons préserver le droit à des structures similaires à la nôtre, si le besoin se fait sentir chez les parents, parce que c'est leur droit individuel que de se regrouper en structure lorsque le nombre le permet. Là je vais paraphraser une célèbre loi ontarienne.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Godin. Mme Sheila Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Je vous ai écouté attentivement, maître Coallier, et j'ai constaté la passion avec laquelle vous exprimez vos inquiétudes.

[Traduction]

J'aimerais qu'on fasse deux choses. J'aimerais qu'on distribue le document qui a été déposé par M. Coallier et son comité. J'aimerais lire ce document.

Deuxièmement, vous avez parlé d'un ghetto linguistique dans le système scolaire.

[Français]

C'est ce que vous avez dit à un moment donné. Pourriez-vous m'expliquez ce que cela veut dire pour vous?

Me Louis Coallier: Ce qui est intéressant d'ailleurs, c'est que le mémoire de l'Association des communautés franco-protestantes en fait état de façon beaucoup plus habile que moi. Il dit que la diversité est un élément d'émulation, permet l'excellence et empêche le nivelage que le Québec veut faire.

Si on n'a d'autre choix que d'être dans des commissions scolaires linguistiques, on crée des ghettos. La Commission scolaire dissidente catholique de Greenfield Park sera dissoute et ses écoles seront partagées par deux commissions scolaires linguistiques distinctes. Actuellement, il y a deux langues qui cohabitent à l'intérieur de cette commission scolaire, et c'est sain.

L'hon. Sheila Finestone: Les anglophones et les francophones sont ensemble dans votre école. Est-ce que c'est bien cela?

Me Louis Coallier: Dans la commission scolaire, il y a des écoles anglaises et des écoles françaises. Ceux qui veulent se doter de ce genre de structure ne devraient pas être «bulldozés». Le problème, c'est que le gouvernement du Québec ne nous donne pas le choix. Pour les anglophones ou pour les francophones,

[Traduction]

voilà tout,

[Français]

vous n'avez plus le droit à la dissidence, vous n'avez pas le droit de vous doter d'autres structures. On impose ce système à tout le monde, que vous le vouliez ou pas. Je le répète: nous n'attaquons pas le fait qu'il y ait des commissions scolaires linguistiques. Nous demandons d'avoir le droit à la différence, le droit à la dissidence et le droit de maintenir notre existence, ce qui est protégé par la Constitution.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: C'est protégé par la Constitution parce que, aux termes de l'article 41 du projet de loi 109, vous avez le droit, en tant que parents, de choisir la nature de la confessionnalité du système scolaire dans lequel vous allez être. Vous auriez donc le droit de protéger le système scolaire que vous avez actuellement parce que c'est ce que veulent les parents, d'après ce que vous venez de dire.

Vous n'avez donc pas réellement besoin, dans ce sens, d'un droit acquis, et c'est ce qui me préoccupe, vous devez vous assurer que le projet de loi 109, avec l'article 41, conserve la clause dérogatoire,

[Français]

la clause nonobstant. Si la clause nonobstant tombe, vous serez en confrontation directe avec la Charte des droits.

[Traduction]

Et vous êtes en train de contester la Charte des droits et libertés.

[Français]

Me Louis Coallier: Non.

[Traduction]

Excusez-moi, il est beaucoup plus facile pour moi de répondre en français.

[Français]

L'hon. Sheila Finestone: C'est la même chose pour moi. J'essaie de m'exprimer en français, mais il y a des moments où j'éprouve de la difficulté.

[Traduction]

M. Louis Coallier: Il y a une différence entre les droits individuels et les droits collectifs.

L'hon. Sheila Finestone: Oui.

• 1015

[Français]

Me Louis Coallier: La loi conserve le droit individuel de choisir la confessionnalité de son choix et est conforme aux exigences de la Charte. Nous demandons que soient respectés les droits d'une minorité agissant en groupe et voulant se doter de sa propre structure...

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: C'est l'alinéa 23(1)a).

[Français]

Me Louis Coallier: ...de façon à augmenter le droit à la différence.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.)): Sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Combien y a-t-il—je devrais le savoir, mais je ne le sais pas—de commissions scolaires dissidentes au Québec?

Me Louis Coallier: Il y a en a cinq qui sont protégées par l'article 125 de la Loi sur l'instruction publique et il y a également les commissions scolaires protestantes et catholiques de Montréal et de Québec qui sont protégées. Normalement, il y a quatre commissions scolaires qui sont protégées par l'article 93 à Montréal et à Québec, et il existe cinq commissions scolaires dissidentes.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Celles de Montréal et de Québec me sont bien familières.

Historiquement, comment se fait-il que vous ayez abouti à une commission scolaire dissidente en 1934? Vous avez des catholiques et, d'un autre côté, vous avez des Anglais et des Français; enfin, vous utilisez la langue anglaise ou la langue française, selon le choix des parents. Comment se fait-il que vous ayez été obligés de créer une commission scolaire dissidente?

Me Louis Coallier: À Greenfield Park, il y avait des immigrants irlandais. Je crois, mais peut-être que je me trompe, qu'il y avait des immigrants irlandais de confession catholique qui se sont retrouvés minoritaires à l'intérieur d'un groupe anglophone protestant.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Mais pourquoi n'ont-ils pas fait comme tous les autres catholiques anglophones du Québec à ce moment-là? Est-ce parce qu'ils étaient en trop petit nombre? Mais non. Donc, ce fut leur choix.

Me Louis Coallier: Je peux vous dire qu'en 1934...

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je ne m'en souviens pas beaucoup et vous encore moins que moi.

M. Gilbert Dionne: Si vous me le permettez, les deux groupes qui étaient minoritaires à ce moment-là ont décidé ensemble de demander de se porter dissidents et de travailler ensemble à l'intérieur de la même commission scolaire.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Ces deux groupes...

Me Louis Coallier: Oui, les Anglais et les Français catholiques.

M. Gilbert Dionne: Oui, les Anglais et les Français catholiques qui étaient minoritaires à l'intérieur du milieu à ce moment-là.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Aujourd'hui, dans les structures qui sont prévues, anglaise et françaises, les confessions seront-elles suffisamment protégées, même si on dit que tout le monde va pouvoir faire son choix? Il y aura de belles batailles à l'intérieur des écoles. J'ai déjà vu ça.

Ne pensez-vous pas que vous pourriez, dans une structure linguistique, avec la possibilité du choix de la confessionnalité pour l'école, répondre au désir des parents?

Me Louis Coallier: Nous sommes les représentants des parents. Nous ne sommes pas les représentants d'une administration qui désire perdurer dans ses fonctions. Plus de 4 000 signatures de parents de Greenfield Park ont été obtenues en faveur du maintien de la commission scolaire telle qu'elle existe et plus de 80 p. 100 des parents d'élèves de la commission scolaire sont toujours de confession catholique. Nous sommes l'émanation des parents. Nous ne sommes pas les représentants d'un establishment administratif qui cherche à assurer sa pérennité. Nous sommes ici pour les parents, dont certains sont ici présents. Le recours juridique qui a été pris par la commission scolaire inclut également quatre parents qui ont été choisis, parce que le droit à la dissidence est un droit individuel. Il appartient aux parents de se regrouper et d'avoir leur propre structure confessionnelle.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Sénateur Grafstein.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Je remercie le président et les témoins pour cet échange plutôt passionnel et fascinant.

• 1020

Je dirais à l'avocat que je veux examiner ce qui me paraît être la question de droit très précise en jeu ici pour voir s'il est d'accord avec moi.

Nous employons le mot «droits» un peu à tort et à travers. Les membres de ma famille parlent tous les jours de leur droit de sortir les ordures et de choses comme ça. En fait, je veux parler des droits de façon beaucoup plus précise.

En premier lieu, l'article 93 ne représente pas réellement un droit du point de vue constitutionnel, comme l'a signalé le sénateur Beaudoin. C'est en réalité un privilège collectif accordé à deux groupes particuliers de la société pour qu'ils puissent s'associer dans un but particulier. Mais ce n'est pas un droit, parce qu'un droit veut dire que tout le monde peut bénéficier dans les mêmes conditions des mêmes protections, droits et privilèges, et cela ne s'applique pas à l'article 93. Je pense que vous êtes d'accord. En fait, c'est un privilège collectif.

Permettez-moi de vous exposer mon raisonnement pour voir si vous ne vous retrouvez pas exactement dans la même situation avant et après l'article 93. En fait, l'article 93 est un privilège collectif, mais, d'après la Loi sur l'instruction publique du Québec, les articles 726 et 727, qui portent sur les droits et privilèges dont bénéficie une affiliation religieuse, s'appliqueront. Ils resteront en vigueur aux termes de cette loi. Le droit d'un particulier à choisir son affiliation religieuse à l'école et à la pratiquer dans le système scolaire ne disparaît pas.

Ce qui se passe alors, me semble-t-il, est que l'article 93 ne s'applique plus et que les parents peuvent alors, individuellement, constituer à nouveau un droit collectif en convenant qu'une école donnée, dans un secteur donné, s'il y a une majorité, devrait avoir une certaine affiliation religieuse ou qu'ils peuvent, en fait, instaurer des pratiques d'enseignement dans cette école. Donc, ce droit individuel à la pratique religieuse à l'intérieur de l'école ne disparaît pas, il se reconstitue d'une façon différente.

En fin de compte, ce n'est plus exactement la même chose qu'avant, mais, en pratique, l'effet est exactement le même. En fait, chaque parent ou groupe de parents décide de s'associer avec les autres et d'agglomérer ou de concentrer les droits individuels de chacun. Les droits individuels deviennent des droits collectifs si deux parents, ou un certain nombre de parents dans ce cas-ci, se réunissent dans leur district ou leur secteur pour dire qu'ils veulent pouvoir pratiquer leur religion dans l'école ou la commission scolaire. J'ai du mal à comprendre la différence entre avant et après. Oui, les privilèges collectifs sont supprimés, mais les droits individuels des parents sont les mêmes.

[Français]

Me Louis Coallier: Oui, mais où est alors la nécessité d'abroger l'article 93, puisque la Loi de l'instruction publique conserve... De toute façon, ils n'ont pas le choix, car c'est un droit reconnu par la Charte. Je n'ai aucune félicitation à adresser à la Loi sur l'instruction publique. Elle se conforme aux Chartes des droits et libertés. L'article 93 ne fait pas partie de la Charte des droits et libertés, mais confirme un privilège. Il confirme le privilège d'ériger sa propre structure, le privilège de la différence, le privilège de la minorité. Cet article nous convient et nous ne voyons pas la nécessité de l'abroger. La Loi sur l'instruction publique peut s'appliquer sans l'abrogation de 93 et elle contient d'ailleurs des dispositions qui permettent la dissidence jusqu'à ce que 93 soit abrogé.

Nous n'avons aucune querelle avec l'établissement de commissions scolaires linguistiques, mais nous demandons le droit à la différence et le droit de conserver nos structures.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: Monsieur Coallier, vous avez dit qu'il y avait cinq commissions scolaires dissidentes au Québec.

M. Louis Coallier: L'article 125 de la Loi sur l'instruction publique dit que, jusqu'à ce que 93 soit abrogé, la déconfessionnalisation n'affecte pas les commissions dissidentes suivantes... C'est ce que dit l'article. Le projet de loi 109 abroge cet article-là et, donc, ne reconnaît plus notre droit à l'existence. Dans l'article 125, il y en a cinq qui sont mentionnées.

M. Paul DeVillers: Savez-vous s'il y en a qui ne le sont plus?

Me Louis Coallier: Il y en aurait deux qui sont inactives et une qui est encore très active. Quant à l'autre, nous ne le savons pas.

M. Paul DeVillers: D'accord. Est-il vrai que vous avez contesté la Loi 107?

Me Louis Coallier: Oui.

M. Paul DeVillers: Pourquoi?

• 1025

Me Louis Coallier: Parce que tant que l'article 93 demeure en vigueur, le gouvernement du Québec ne peut dissoudre une commission scolaire dissidente. Le pouvoir de réglementer ne comprend pas le pouvoir de dissoudre. Or, la Loi 107 nous dissout et nous divise dans deux commissions scolaires linguistiques. Donc, l'existence de la commission scolaire que vous avez devant vous va prendre fin si nous ne gagnons pas en cour. Le 1er juillet 1998, il n'y aura plus de commission scolaire dissidente à Greenfield Park. Nos écoles vont être réparties dans deux commissions scolaires linguistiques.

M. Paul DeVillers: Seulement si l'article 93 est abrogé?

Me Louis Coallier: Si l'article 93 est abrogé, je vais devoir faire des efforts juridiques pour plaider les droits constitutionnels acquis, mais j'espère ne pas en arriver là. C'est surtout le décret sur le découpage. La ministre, en vertu de la loi, a abrogé l'article qui maintenait notre existence, nonobstant le fait que des commissions scolaires linguistiques sont créées et, dans un deuxième temps, elle a procédé à notre dissolution quand elle a publié, le 27 août dernier, le décret sur le découpage scolaire. Nos écoles sont regroupées à l'intérieur de deux commissions scolaires linguistiques, des mégacommissions scolaires qui couvrent un territoire beaucoup plus étendu que Greenfield Park.

M. Paul DeVillers: En tant que commission scolaire catholique dissidente, quels sont vos commentaires sur la position de l'Assemblée des évêques du Québec et de la Conférence des évêques du Canada?

Lorsque M. Dion est venu témoigner devant ce comité, il a déposé une lettre qu'il avait reçue de Mgr Pierre Morissette, qui est président de l'Assemblée des évêques du Québec. Cette lettre disait, et je cite:

    Les évêques tiennent à redire qu'ils ne s'opposent pas à l'établissement de telles commissions scolaires linguistiques qui pourraient garder intact le droit des parents à des écoles confessionnelles.

En plus, le 17 octobre, à RDI, Mgr Turcotte, qui est le président de la Conférence des évêques du Canada, a dit que pour le moment, les évêques avaient l'assurance que les droits des écoles confessionnelles étaient protégés au Québec par la loi du Québec. C'est très important pour nous.

J'aimerais donc entendre vos commentaires sur la position des évêques.

Me Louis Coallier: Nous n'avons rien contre le fait que le gouvernement du Québec veuille procéder à l'implantation de commissions scolaires linguistiques où les parents ont encore le choix de l'enseignement religieux. Nous en avons contre le fait qu'on oblige la création de commissions scolaires linguistiques, et les évêques ne se sont pas prononcés là-dessus. Les évêques ne se sont pas prononcés sur le droit à la dissidence. Les évêques ne se sont pas prononcés sur l'abrogation de l'article 93. Ils ont fait une déclaration de principe. Tout le monde est pour la vertu.

Nous sommes d'accord sur la déconfessionnalisation si vous la voulez. Pourquoi aller contre les instances? Vous conservez le droit à l'enseignement religieux, et ça va, mais les évêques ne se sont pas prononcés sur l'absence de diversité que le gouvernement du Québec veut imposer par un nivelage dans deux commissions scolaires linguistiques et

[Traduction]

voilà tout.

[Français]

M. Paul DeVillers: D'après ce que je comprends, ils se disent satisfaits des garanties qui sont en place dans la loi du Québec.

Me Louis Coallier: Ils ne se sont pas prononcés sur les garanties. Je vous signalerais de plus que le rapport des franco-protestants, à la page 5, au troisième paragraphe, nuance les déclarations qui ont été faites par les évêques, et nous souscrivons à cela. Une déclaration générale de principe ne doit pas s'appliquer à des cas particuliers ou à des minorités. Demandez aux évêques de se prononcer sur les droits des minorités, et on aura peut-être un autre son de cloche.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): La prochaine intervenante sera Mme Jennings.

Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup de votre présentation. Si j'ai bien compris, vous reconnaissez que ce droit à la dissidence est effectivement un privilège qui existe pour les seules minorités catholiques et protestantes sur le territoire du Québec.

• 1030

Me Louis Coallier: C'est exact.

Mme Marlene Jennings: Et vous n'avez aucun intérêt—bien que vous vouliez voir le maintien de ce privilège pour ces deux minorités religieuses—à ce qu'il soit étendu aux autres minorités religieuses sur le territoire du Québec.

Me Louis Coallier: À titre personnel, je crois que ce serait une bonne chose, mais j'avais compris que notre présence devant le comité avait pour but de réagir à l'abrogation de l'article 93. Si vous voulez recommander l'amélioration de l'article 93 et de sa protection, c'est très bien. Nous ne désirons absolument pas être taxés de sectarisme. Personnellement, je trouve qu'il serait valable d'étendre ce droit à d'autres confessions.

Mme Marlene Jennings: Nous n'avons pas du tout l'intention de vous taxer de sectarisme. C'est parce que nous avons entendu d'autres témoins qui ont dit que, parce que c'était un privilège, cela devait élargi à toutes les minorités linguistiques. Donc, lorsqu'un organisme vient présenter sa position, j'aime savoir s'il a une position claire là-dessus. Si vous me dites que vous n'avez pas examiné cela dans votre présentation parce que vous n'aviez qu'un seul but, c'est parfait.

Me Louis Coallier: Notre but est d'assurer notre survie, mais si vous nous demandez si, en principe, ce droit devrait être étendu, je répondrai oui, parce que le fondement de notre présentation est qu'une certaine diversité, dans des structures voulues par les parents, est un élément valable d'émulation et d'excellence, contrairement au nivellement par la base que le gouvernement québécois essaie d'imposer par l'établissement de ces mégastructures obligatoires et uniques.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Monsieur Coallier, pensez-vous que si on essaie de transformer le système scolaire du Québec, il faudrait conserver l'article 93 plutôt que le supprimer complètement et que, si on souhaite une réforme pour le Québec, on pourrait ajouter certains éléments à l'article 93 ou l'améliorer? En d'autres termes, pourrait-on améliorer la Constitution pour permettre l'existence de ces autres secteurs linguistiques plutôt que d'abroger l'article 93.

[Français]

Me Louis Coallier: Oui.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Sénateur Robichaud.

Le sénateur Fernand Robichaud (Nouveau-Brunswick, Lib.): Je comprends que vous voulez protéger une structure de parents qui sont regroupés. Si on effectuait le changement proposé à l'article 93, qu'est-ce que cela changerait à la qualité de l'enseignement et à la formation que vos enfants reçoivent à l'école actuellement?

Me Louis Coallier: Le débat sur la qualité de l'enseignement est une question qui est de compétence provinciale. On peut avoir une opinion personnelle sur la résultante, je dis bien sur la résultante de l'établissement de commissions scolaires linguistiques uniquement, mais cela reste de la compétence du gouvernement québécois. S'il veut massacrer son système d'éducation, cela fait malheureusement partie de sa compétence.

J'aime beaucoup mieux m'accrocher à un os solide, qui est l'article 93 et notre droit à la différence. Mais une chose est certaine. Si vous voulez parler de performances académiques, les écoles de la commission scolaire sont excellentes, bien cotées et dispensent un enseignement de qualité. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle, dans une petite ville de 20 000 habitants, on est allés chercher très rapidement 4 000 signatures de parents qui voulaient conserver cette structure-là car elle est performante et jusqu'à un certain point multiculturelle, parce qu'elle est bilingue.

• 1035

M. Gilbert Dionne: J'ajouterais que la ministre de l'Éducation nous a dit, en commission parlementaire à Québec, que la Commission scolaire de Greenfield Park était un modèle et qu'elle souhaitait que ce modèle soit présent dans toutes les écoles au Québec. Si vous voulez trouver le texte, allez au compte rendu de la commission parlementaire et vous verrez que c'est ce qu'elle nous a dit.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Christiane Gagnon.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Ce n'est pas une question, mais je voudrais rappeler que l'Assemblée des évêques ne s'est pas opposée à la modification de l'article 93. D'ailleurs, j'ai le texte devant moi. Les évêques disent: «Notre Assemblée ne s'est pas opposée toutefois au choix menant à modifier l'article 93.»

Vous semblez dire le contraire. Je tiens le texte entre mes mains.

Me Louis Coallier: Moi, j'ai compris que les évêques ne se sont pas prononcés de façon spécifique sur le droit à la dissidence.

Il faut comprendre que les évêques ne sont pas le législateur. Le législateur, c'est vous. Donc, comme l'enseignement religieux est préservé et que les évêques s'estiment satisfaits, ils ont, à l'intérieur de leurs compétences, exprimé leur opinion. Cela veut-il dire que nous sommes obligés d'acheter tout cela?

Je vous dirais que, personnellement, je me suis surtout fié au rapport qui a été préparé par les franco-protestants, qui ont quand même nuancé ce que les évêques ont dit.

Les évêques n'ont pas de pouvoir décisionnel. Ils peuvent très bien dégager un consensus parce que l'enseignement religieux est maintenu et s'en satisfaire. Cela veut-il dire que, parce que les évêques ont énoncé ce que vous semblez me dire et que je ne nie pas, on doit accepter notre dissolution avec un sourire?

M. Gilbert Dionne: Les évêques ont dit qu'ils ne s'opposaient pas. Ils n'ont pas dit qu'ils approuvaient. Les évêques ont dit qu'ils ne s'opposaient pas, mais qu'ils avaient besoin d'assurances que la présence de la religion demeurera dans les écoles et qu'ils attendaient ces assurances.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je voudrais, au nom de tous les membres du comité, vous remercier sincèrement de votre présentation et d'être venus à Ottawa aujourd'hui.

M. Gilbert Dionne: On vous remercie beaucoup de nous avoir donné la chance de comparaître.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Dionne, monsieur Coallier et madame Lucier.

L'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques est-elle présente? Je demanderais à ses représentants de bien vouloir s'approcher.

• 1040




• 1041

Le coprésident (M. Denis Paradis): Veuillez prendre vos places, s'il vous plaît. Oui, on a le mémoire et il a a été distribué. A-t-on ceux de demain? Avant qu'on ne débute, j'aimerais, madame la greffière, que vous fassiez le point en ce qui a trait au mémoire.

On me dit que vous avez reçu le mémoire.

Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à

[Traduction]

L'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques. Nous vous souhaitons chaleureusement la bienvenue. Vous aurez huit ou dix minutes pour faire votre exposé, et nous aurons ensuite une période de questions.

Nous sommes heureux d'avoir avec nous M. Mervin Lynch et Mme Louise Ervin. Nous vous écoutons, monsieur Lynch.

M. Mervin Lynch (Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques): Merci, monsieur le président et membres du Comité. Nous sommes contents d'être ici. J'ai écouté le mémoire précédent et il me semble qu'on vous a légèrement reproché le bref préavis donné aux gens qui comparaissent devant vous. Je n'ajouterai rien à ces reproches. Nous avons apporté quatre exemplaires, et vos collaborateurs ont eu la grande amabilité de faire toutes les photocopies que vous avez. Je pense que certains d'entre vous ont lu rapidement ce texte pendant la pause.

Monsieur le président, membres du Comité, cet exposé comprend cinq parties.

Premièrement, je pense qu'il est important que vous sachiez qui nous sommes. L'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques est une fédération de plusieurs associations de commissaires d'écoles catholiques du Canada, celles de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario et de Terre-Neuve. En tout, nous représentons ou nous formons 750 000 élèves dans nos écoles catholiques.

En outre—et je tiens à le souligner—nous avons des liens avec la Coalition des parents catholiques du Québec, organisation qui représente environ 60 000 familles. Vu ces chiffres, nous croyons pouvoir dire que nous parlons au nom d'un grand nombre de parents. Nous vous sommes très reconnaissants de nous donner la possibilité de parler de cette question importante avec votre comité et d'engager un dialogue avec vous.

Je vais maintenant parler brièvement de l'éducation catholique. Certains parents choisissent d'envoyer leurs enfants dans des écoles catholiques, et je suppose que certains d'entre vous y ont fait leurs études, comme moi. Ils souhaitent que leurs enfants reçoivent un enseignement allant au-delà du programme d'études laïque. Ils souhaitent un enseignement dont le programme d'études soit imprégné, lorsque c'est approprié, des valeurs spirituelles et évangéliques. J'espère que certains d'entre vous me poseront des questions à ce sujet; je peux vous donner des exemples précis.

• 1045

Je me hâte toutefois d'ajouter que nous ne dénigrons pas l'importante contribution des écoles publiques laïques, mais nous pensons que, en particulier à notre époque, les écoles catholiques ont quelque chose à ajouter.

Vous lisez les journaux comme moi. Ils parlent de l'éducation axée sur les valeurs et la formation du caractère, surtout chez nos voisins du Sud. Je vous dirais que les écoles catholiques et confessionnelles le font depuis bien des années.

Je passerai maintenant au thème principal de notre exposé. Il figure à la page 3 de notre mémoire. Je vais vous laisser le temps de le trouver. Le titre est «garantie des droits en matière d'éducation».

Il est important de se rappeler que les Pères de la confédération ont inscrit les droits à l'éducation religieuse, qu'il s'agisse d'une éducation catholique ou protestante, pour constituer un rempart empêchant un gouvernement quelconque de supprimer ou d'altérer ces droits. J'hésite à dire cela à votre comité parce que vous connaissez tous bien l'histoire. Ils voulaient ainsi protéger les droits des protestants au Québec de même que ceux des catholiques en Ontario. À cette étape particulière de notre histoire, nous devons compter sur le Parlement pour protéger les droits à l'éducation des groupes religieux.

Ma curiosité a été éveillée par l'observation selon laquelle ce n'était pas un droit, mais un privilège collectif. En tant que membre d'une minorité, si vos comprenez de quoi je parle, je préférerais appeler cela un droit plutôt qu'examiner en détail ce que signifie juridiquement un privilège collectif.

Permettez-moi de répéter que nous devons compter sur le Parlement pour protéger les droits individuels des groupes religieux. S'il est douteux qu'on puisse compter sur lui, n'importe quel autre groupe minoritaire peut alors... Il y en a beaucoup; je peux passer une bonne partie de la matinée à vous les énumérer, mais vous traitez de cette question tous les jours, et je ne vais donc pas vous ennuyer avec ça. Il me semble que tous les droits dont jouissent les groupes minoritaires pourraient aussi être tout simplement abrogés si vous acceptez cette demande. Nous n'exagérons pas, mais nous trouvons que c'est un scénario très inquiétant.

Certains diront que la question dont nous sommes saisis aujourd'hui est isolée de tout le reste et ne crée aucun précédent. Je veux insister là-dessus. À notre avis, elle n'est pas isolée du reste; elle pourrait créer un précédent. Nous y voyons un signal dangereux. Nous ne sommes pas d'accord pour dire que c'est une question isolée, à moins que le Parlement ne déclare clairement que cela s'applique seulement au Québec.

Permettez-moi de vous exposer ce scénario, qui n'est pas alarmiste, mesdames et messieurs. Voilà que le Québec dit qu'il veut supprimer ce droit. Alors dites-moi pourquoi l'Ontario ne peut pas en faire autant demain? Pourquoi le gouvernement de l'Alberta ne peut-il pas le faire? Ce qui est réellement effrayant est que la minorité risque de ne pas avoir droit à la parole. La majorité prendra alors la décision au nom de la minorité, ce qui revient à piétiner les droits de la minorité.

En bref, ce que nous disons au sujet de cet article est que le Comité devrait réellement se pencher sur toute cette question du droit minoritaire et de la façon dont il pourrait être supprimé ou renforcé. Il n'est absolument pas exagéré de dire que ce n'est pas une question isolée.

Je passerai maintenant, madame la présidente, à la question québécoise et à sa portée nationale. Je suis à la page 4. Mon association ne s'ingère généralement pas dans les questions concernant l'éducation dans une province donnée. Comme je l'ai déjà laissé entendre, la question dont nous sommes saisis aujourd'hui nous préoccupe vivement à cause de ses conséquences potentielles à longue échéance. Dans cette optique, nous entérinons et appuyons le point de vue présenté par l'Association québécoise des parents catholiques et l'Association des communautés scolaires franco-protestantes.

• 1050

Je me permettrai de dire que, quand le ministre fédéral des Affaires intergouvernementales, M. Dion, affirme que la proposition du Québec est appuyée par tous les groupes du monde de l'éducation, cela va à l'encontre du point de vue exprimé par les deux associations que je viens de citer et des renseignements que nous possédons.

Nous constatons que ces deux groupes québécois expliquent que l'on peut créer des commissions scolaires linguistiques au Québec sans abroger les droits des parents à disposer d'écoles ayant un caractère religieux. Ils ne veulent pas qu'on impose un enseignement laïc à leurs enfants sans leur consentement... et leurs idées trouvent un écho dans l'ensemble du pays. Voilà pourquoi mon association est ici aujourd'hui.

Je veux simplement m'arrêter ici et faire un commentaire. J'ai eu la chance d'entendre les questions posées au cours de la discussion précédente. Je n'ai pas vu les détails de la proposition du Québec, mais seulement ses grandes lignes. Ce que j'ai entendu pendant la période de questions est que, si la modification est adoptée, des particuliers peuvent se regrouper et former ensuite... ils ont la possibilité d'offrir un enseignement religieux. À notre avis, cela ne sera pas suffisant, parce que c'est établi par une loi et qu'un gouvernement peut annuler ce qu'un gouvernement précédent a décidé. Nous disons que nos droits sont enchâssés plus solidement dans la Constitution où, nous l'espérons, il serait plus difficile de les supprimer.

Cela dit, ce que nous voulons est une éducation ayant une dimension religieuse recouvrant toutes les facettes de l'esprit humain, et nous comptons sur le Parlement pour se poser en arbitre final et assurer la protection de ces droits. Ce qui est peu connu dans le monde de l'éducation est qu'il existait des écoles catholiques et d'autres écoles confessionnelles avant la confédération. Je tiens à le répéter—avant la confédération, en particulier dans ma province, l'Alberta, que je connais très bien, il y a eu des écoles catholiques avant les écoles publiques. L'article 93 accordait aux parents des droits à cet égard. Les auteurs de cet article étaient extrêmement prévoyants. Ils ont envisagé la possibilité que les catholiques et les protestants puissent devenir minoritaires à un endroit donné, et c'est pourquoi ils ont inclus l'article 93. Il a été appliqué, je me hâte de le préciser, au moment de la création de l'Alberta et de la Saskatchewan en 1905.

Nous sommes fermement convaincus que l'exclusion du Québec de l'application de l'article 93 pourrait avoir, à long terme, de graves conséquences sur les droits des catholiques des autres provinces.

Nous éprouvons constamment des inquiétudes au sujet des droits à l'éducation et nous prenons bonne note du fait que les partis politiques provinciaux confirment de temps à autres leur volonté de respecter ces dispositions.

Madame la présidente, je vois que vous froncez les sourcils. Je voudrais conclure en disant qu'il ne s'agit pas simplement du Québec et des droits à l'éducation. Les droits des minorités sont en cause, il faut examiner cette question de façon aussi approfondie que possible. Deuxièmement, nous disons que ce qui se passe au Québec pourrait aussi se passer dans n'importe quelle autre province qui a des droits religieux pour les minorités.

Je vous remercie et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Lynch.

Nous allons passer maintenant à la période de questions en commençant par Peter Goldring.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup pour vos commentaires, monsieur Lynch.

Pensez-vous peut-être que, pour procéder à une réforme scolaire, il serait préférable de modifier, si nécessaire, les droits garantis par l'article 93 ou de les compléter? Cette demande a manifestement pour objet d'abroger l'article 93. Ne serait-il pas préférable, si on veut procéder à une réforme, d'ajouter certains éléments à l'article 93, en conservant ce qui y figure, mais en améliorant notre constitution, plutôt que de le démanteler et le rejeter?

M. Mervin Lynch: Avant de vous répondre, je vous indiquerai que Mme Ervin et moi-même répondrons à tour de rôle à vos questions. Elle complétera les réponses.

• 1055

Ce serait une bonne façon de faire, M. Goldring. Je pense que vous êtes de l'Alberta.

M. Peter Goldring: C'est exact.

M. Mervin Lynch: Il se passe quelque chose en Alberta au sujet de l'éducation francophone qui peut peut-être aider votre comité. Comme vous le savez, les francophones ont maintenant leurs propres commissions scolaires. Dans la région d'Edmonton, la commission scolaire francophone offre un enseignement religieux qui a une orientation catholique. Eh bien, on met maintenant en place une commission francophone qui offrira une éducation publique sans l'élément religieux.

Le parallèle que je fais, et c'est que nous disons dans notre mémoire, est qu'il est possible de conserver l'article 93 tout en accordant des droits linguistiques. Alors, quand vous me demandez si on peut ajouter quelque chose à la Constitution, je vous réponds que oui, si la formulation est convenable.

M. Peter Goldring: Vous avez donc l'impression que nous pouvons avoir ces deux formes d'éducation, linguistique et autre, tout en conservant l'article 93.

M. Mervin Lynch: Bien entendu. C'est ce qui existe dans certaines provinces.

M. Peter Goldring: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Je voudrais d'abord dire que, quand vous avez parlé de la différence entre un droit et un privilège, vous aviez raison, parce que l'article 93 l'énonce très clairement:

    Rien dans ces lois ne devra préjudicier à aucun droit ou privilège conféré... relativement aux écoles séparées;

C'est donc plus qu'un privilège, c'est un droit. Les deux thèmes ont été enchâssés dans la Constitution parce que certains éléments peuvent correspondre à un «privilège» et d'autres à un «droit». L'important est que des droits ou des privilèges sont protégés, mais ce sont des droits confessionnels—ils concernent la religion et les groupes religieux.

J'aimerais savoir si j'ai bien compris votre raisonnement. Vous voulez conserver l'article 93 sous sa forme actuelle, et si jamais nous souhaitons ajouter une dimension au système du Québec—en d'autres termes, si nous voulons qu'à l'avenir, le système soit fondé sur la langue et non pas sur la religion—le Québec devrait garder le système actuel pour ce qui est des droits confessionnels et ajouter un autre élément purement linguistique.

C'est ce que le Québec a essayé de faire en 1992 et 1993 et il s'est adressé à la Cour suprême. Cette possibilité existe. Il ne fait aucun doute que c'est possible. C'est un système très complexe, mais est-ce exactement ce que vous voulez?

M. Mervin Lynch: C'est la possibilité que je suggère pour aider le comité; si on examine cette question—et si je parle au nom des commissaires d'écoles de l'ensemble du pays—je dirai que cela pourrait s'appliquer à n'importe quelle province, y compris la mienne ou l'Ontario, si la formulation est convenable, et non pas nécessairement au Québec.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Oui, mais la résolution dont nous sommes saisis concerne bien entendu seulement le Québec. Il est évident, comme vous l'avez dit, que chaque fois que nous adoptons une modification dans notre pays, cela peut avoir un autre effet ou d'autres conséquences, mais il est évident que nous ne parlons que du Québec.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Ervin.

Mme Louise Ervin (Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques): Pour nous, le plus important est qu'on reconnaisse que les provinces ont des droits en matière d'éducation. Elles ont leurs propres lois sur l'éducation et elles peuvent apporter toutes sortes de modifications à leurs règlements et à leurs lois. Nous trouvons inquiétant d'ouvrir la Constitution pour toucher à l'article qui protège les droits des particuliers et des groupes minoritaires, parce que si on le fait pour une province, on... Bien entendu, l'Ontario nous inspire beaucoup d'inquiétude, à juste titre, me semble-t-il.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Merci.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur Beaudoin. Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Je me joins à nos coprésidents pour vous souhaiter la bienvenue.

• 1100

Il y a un paradoxe dans le débat que nous vivons comme parlementaires, et je veux vous le présenter. Nous sommes en présence d'un amendement constitutionnel qui abroge, vous le savez, les paragraphes (1) à (4) de l'article 93.

Je crois que vous êtes dans l'erreur quand vous pensez que c'est possible, pour le gouvernement du Québec, de poursuivre l'objectif qui est le sien, c'est-à-dire d'implanter sur l'ensemble du territoire du Québec des commissions scolaires linguistiques qui pourraient coexister avec l'article 93.

Je vous rappelle que deux gouvernements, le gouvernement précédent et le gouvernement actuel, ont eu des démêlés avec la justice et que des jugements ont été rendus. Si on maintenait la poursuite de l'objectif du gouvernement du Québec avec le maintien de l'article 93, on aurait un émiettement du système scolaire sans précédent. Pour vous donner un exemple très précis, dans la seule ville de Montréal, il y aurait certainement quatre réseaux de commissions scolaires avec autant de réseaux d'écoles. On pense que cela n'est pas un facteur d'intégration à Montréal pour les immigrants qui choisissent le Québec, et ce n'est pas non plus un facteur positif pour le trésor public.

Il me semble que le Québec a choisi la bonne voie, dans la mesure où votre préoccupation est la nécessité de l'enseignement religieux. Je souscris à cette façon de faire. La nécessité d'un enseignement religieux est prescrite dans la Loi sur l'instruction publique, et vous savez qu'à chaque année, les parents peuvent choisir le type d'enseignement religieux qu'ils veulent pour leurs enfants. Cela n'est pas remis en cause par la réforme de Mme Marois.

On veut s'attaquer à un problème qui perdure depuis au moins 20 ans, à savoir que, pour la cohérence du système scolaire québécois, l'article 93 et l'établissement de commissions scolaires linguistiques ne peuvent coexister, parce que cela résulterait en un émiettement du système scolaire québécois qui ne servirait pas les citoyens, nous en sommes convaincus.

C'est cela, notre dilemme. Ce n'est pas autre chose. Personne au Québec ne dit qu'il ne veut plus qu'il y ait d'enseignement religieux. Je crois que les sondages sont clairs. Les parents souhaitent qu'il y ait un enseignement religieux et celui qui vous parle ne souhaiterait pas que ce soit différent dans les écoles. Mais ce n'est pas vrai qu'on peut atteindre cet objectif-là en émiettant le système scolaire québécois. Cela est très, très clair.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Lynch ou madame Ervin.

[Français]

Mme Louise Ervin: Je vais essayer autant que possible de répondre à votre question ou à votre commentaire.

Tout le monde en éducation, tous les gouvernements et tous les parents disent toujours que les éducateurs premiers d'un enfant sont ses parents. Donc, les parents devraient avoir le choix entre une éducation linguistique et une éducation confessionnelle.

Les parents du Québec nous ont dit avec une grande conviction qu'ils voulaient maintenir le système scolaire tel quel au Québec. Donc, nous les défendons aujourd'hui.

M. Réal Ménard: Pour votre information, hier, la Fédération des comités de parents du Québec, comités qui sont établis dans près de 70 p. 100 des écoles du Québec, s'est présentée devant nous et s'est déclarée tout à fait solidaire de la résolution du Québec.

Quant à vous, vous êtes une association de parents nationale, une association de parents canadiens.

Mme Louise Ervin: Nous sommes une association de conseillers scolaires.

M. Réal Ménard: De commissaires.

Mme Louise Ervin: De commissaires scolaires, oui.

Il y a au moins une association de parents du Québec qui a envoyé un représentant à notre réunion annuelle, à Calgary, au mois de juin. Il est venu nous demander d'appuyer son association. On a reçu beaucoup de lettres d'autres groupes, mais je n'ai pas leurs noms ici.

M. Réal Ménard: Mais vous représentez d'abord des commissaires, des élus.

Mme Louise Ervin: Les commissaires représentent les parents.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ménard.

Nous allons maintenant passer au sénateur Grafstein.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Grafstein, je vous en prie.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Je tiens à remercier le témoin d'aborder cette question sous un angle différent de celui du Québec. Venant de l'Ontario, j'essaie d'envisager cela non seulement dans une optique nationale ou fédérale, mais également, en fait, provinciale. Pour ce qui est de la modification que nous étudions ici, à première vue, elle s'applique seulement au Québec. Donc, cela ne change rien à la protection constitutionnelle, si l'article 93 en accorde une sous forme de privilège ou de droit—et je me pencherai sur ce point dans un moment. Il s'agit uniquement d'une modification soumise au gouvernement fédéral par l'Assemblée nationale du Québec qui, me semble-t-il, ne s'applique à aucune autre province de quelque façon que ce soit.

• 1105

Je peux comprendre la préoccupation relativement à l'avenir, mais, en pratique, pour ce qui est d'aujourd'hui, pour ce qui est de la question que nous étudions en ce moment, elle est, à mon avis, limitée au Québec.

Comme vous pouvez vous en rendre compte, nous faisons face à un dilemme délicat. Nous avons une résolution unanime... présentée au nom de la population du Québec par l'Assemblée législative du Québec, qui nous a demandé de l'approuver. C'est un grave dilemme.

Cela dit, en ce qui concerne la remarque du sénateur Beaudoin au sujet des droits ou des privilèges, je continue de penser que, si l'on considère que la Constitution est comme un arbre qui grandit—à mon avis, il y a une nette évolution de la Constitution en 1997 par rapport à 1867—l'article 93 ne serait pas réellement un droit. On pourrait partir du principe que c'est un privilège, parce qu'il ne s'applique pas à tous les groupes confessionnels. De la façon dont je vois les choses, un droit, en tant que tel, signifie que tous les gens sont égaux, sont traités de la même façon. Ils ne sont pas tous traités de la même façon aux termes de cet article de la Constitution.

Êtes-vous d'accord avec cela? Il concerne uniquement les catholiques et les protestants tels qu'ils existaient en 1867, alors, comment s'appliquerait-il à tous les autres groupes de la société?

M. Mervin Lynch: Je dirai au sénateur, en toute déférence, que c'est une interprétation révisionniste de ce qui s'est passé en 1867. Nous ne pouvons pas interpréter ce qui existait en 1867 à partir des opinions qui ont cours en 1997. Nous ne sommes donc pas d'accord du tout avec cela.

Permettez-moi de dire une chose qui est encore moins officielle. Je n'ai pas de formation juridique. Je peux l'affronter dans mon domaine, mais je m'inclinerai devant lui à ce sujet, sans nécessairement accepter son point de vue. En ce qui concerne le fait que nous traitons seulement de la question du Québec, c'est hors de doute. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Mais je suis un élu, comme vous. Le problème que nous avons en tant qu'élus est que nous ne sommes pas assez tournés vers l'avenir. Nous examinons seulement ce qui est là maintenant.

À mon avis, mesdames et messieurs, nous ne devons pas nous limiter à ce qui se passe au Québec. Si vous acceptez cette situation pour le Québec, je vous demande—et je me répète—ce qui empêchera un futur gouvernement de l'Ontario de s'adresser à vous d'ici deux ans pour vous dire qu'il veut abolir les écoles catholiques dans sa province? Si j'étais le premier ministre de l'Ontario, je vous dirais que, quand le problème s'est posé pour le Québec, vous avez accepté.

C'est ainsi que cela fonctionne. C'est comme pour des enfants. Vous avez pour la plupart élevé des enfants. Si vous faites quelque chose pour Martial, pourquoi ne pouvez-vous pas le faire pour Gregory? N'avez-vous pas tous connu cette situation? Il en va de même en politique, et c'est cela que nous envisageons. Nous ne pensons pas à aujourd'hui, mais à ce qui se passera dans 10, 20, 30 ou 40 ans. Je m'en remets à Dieu. Je ne sais pas où je serai à ce moment-là.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci.

Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Monsieur Lynch, si vous le voulez bien, je voudrais me pencher un peu plus avec vous sur cette notion de «sans le consentement de la minorité concernée» dont vous parlez dans votre mémoire. D'après ce que nous avons entendu jusqu'à présent, je pense qu'il est hors de doute qu'il existe un consensus au sujet de la création de commissions scolaires linguistiques. Je n'ai certainement entendu personne dire devant le Comité qu'il n'était pas d'accord avec cela. Le problème est de savoir si les droits confessionnels de l'article 93 seront ou non maintenus.

Certains nous disent qu'il existe un consensus à ce sujet. Vous affirmez que ces droits ou la Constitution ne devraient pas être modifiés sans le consentement de la minorité concernée.

• 1110

Je vous demande donc ce qui, à votre avis, constitue un consentement? Pouvez-vous, s'il vous plaît, préciser ici de quelle minorité vous parlez au Québec?

M. Mervin Lynch: Il y a la Coalition des parents catholiques du Québec qui a fait un exposé à ce sujet lors de notre congrès national. Nous ne contestons pas qu'au Québec, l'assemblée a été unanime, mais nous disons qu'il y a certains groupes minoritaires qui ne sont pas d'accord. Je ne connais pas votre programme ou votre calendrier et ne sais pas qui va comparaître, mais je suppose que ce groupe comparaîtra sans doute devant vous.

M. Mauril Bélanger: Vous dites que les droits des minorités sont en jeu. Selon vous, de quelles minorités parlons-nous? Pouvez-vous préciser votre pensée?

M. Mervin Lynch: D'accord; je vais replacer cette question dans son contexte. La thèse principale est qu'au Québec, à l'heure actuelle, la majorité est non confessionnelle. Les groupes minoritaires seraient les catholiques et les protestants. Nous disons que si ces droits sont abrogés, cela pourrait avoir des répercussions à l'avenir sur ce qui pourra arriver à d'autres groupes minoritaires au Canada, qu'il s'agisse des autochtones, des noirs ou de n'importe qui d'autre.

M. Mauril Bélanger: Vous représentez donc ici les catholiques en tant que groupe minoritaire du Québec.

M. Mervin Lynch: Non, non, attendez.

M. Mauril Bélanger: C'est ce que j'ai compris.

M. Mervin Lynch: Non, je dis que nous représentons l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques. Si j'ai mal compris votre question, corrigez-moi. Vous demandiez à quel groupe minoritaire du Québec je faisais référence. Je fais référence à ce groupe. Mais je tiens à souligner, mesdames et messieurs, que je parle au nom d'un organisme national, l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Lynch.

M. Mervin Lynch: J'espère que je n'avais pas l'air trop pédant.

M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, je n'ai pas eu de réponse au sujet de ce qui constitue un consentement.

M. Mervin Lynch: C'est une question fondamentale en démocratie. En théorie, sinon en pratique, la majorité de la minorité devrait donner son assentiment. Je vais vous l'expliquer. Si on laisse simplement la minorité dire qu'il ne devrait pas y avoir d'école catholique en Alberta, par exemple, la majorité votera contre cela. Ce qui devrait se passer est que les catholiques devraient voter pour dire s'ils veulent continuer d'avoir des écoles catholiques. Si la majorité des catholiques disent non, très bien, cela devrait s'appliquer à toutes les provinces. Voilà ce que nous disons.

Me suis-je bien fait comprendre, monsieur?

M. Mauril Bélanger: Parfaitement.

M. Mervin Lynch: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons maintenant passer à M. Jason Kenney.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Merci, monsieur Lynch. Madame, je suis désolé de n'avoir pas entendu votre exposé, mais je connais bien votre point de vue.

Plusieurs témoins, y compris le ministre des Affaires intergouvernementales, ont affirmé devant le Comité que l'accès à l'éducation religieuse et, en particulier, à l'éducation catholique continuera d'être protégé au Québec avec le projet de loi 109. La menace qui pourrait découler de la jurisprudence de la Charte, comme nous l'avons vu en Ontario quand certains ont essayé d'éliminer le financement public des écoles catholiques, serait évitée du fait que le projet de loi 109 s'appuie sur la clause dérogatoire. En d'autres termes, les lois existantes assurent une protection quasi constitutionnelle du maintien de l'éducation confessionnelle au Québec.

Que répondriez-vous à l'argument selon lequel la protection constitutionnelle est maintenue dans la mesure où l'Assemblée législative du Québec est prête à invoquer la clause dérogatoire, l'article 33 de la Charte?

M. Mervin Lynch: N'ayant pas de formation juridique, je ne peux pas me prononcer sur l'utilisation éventuelle de la clause dérogatoire. Nous savons comment elle a été utilisée au Québec au sujet des droits linguistiques. Ce que j'ai dit dans mon exposé, M. Kenney—et je tiens à le répéter—est que le projet de loi 109 est de nature législative. Vous étudiez tout le temps des textes de loi, et le problème est qu'ils existent aujourd'hui mais qu'ils pourraient avoir disparu demain, n'est-ce pas, alors que c'est beaucoup plus difficile pour ce qui est dans la Constitution.

Peut-être voudriez-vous en dire un peu plus à ce sujet, madame Ervin.

• 1115

Mme Louise Ervin: Le groupe qui est intervenu avant nous a dit tout à fait clairement qu'en fait, au Québec, la nouvelle loi supprime les commissions scolaires et les regroupe de façon différente. La clause dérogatoire peut donc avoir toute la portée qu'on veut, mais il peut s'avérer très difficile de les regrouper sous une forme nouvelle. Voilà ce qui les inquiète beaucoup et c'est ce qui nous inquiète également.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, Mme Ervin et M. Lynch.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: J'ai une question brève, monsieur le président.

Monsieur Lynch, vous représentez l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques. L'Association des commissaires d'écoles catholiques de l'Ontario fait-elle partie de votre association? En est-elle membre?

Mme Louise Ervin: Oui.

M. Mervin Lynch: Rendons grâces à Dieu pour son existence, elle nous aide financièrement.

Des voix: Oh, oh!

Mme Louise Ervin: C'est le membre le plus important de notre association.

M. Paul DeVillers: Je suppose que je devrais donc poser ma question à Mme Ervin.

Connaissez-vous une lettre qui a été envoyée au vice-premier ministre, M. Gray, par l'Association des commissaires d'écoles catholiques de l'Ontario après une réunion que ses représentants avaient eue lui, et dans laquelle cette association confirme les explications qu'il leur a données au sujet du fait que la modification de l'article 93, qui concerne les écoles confessionnelles du Québec, ne crée aucun précédent juridique en Ontario? C'est ce qui est dit dans cette lettre. L'avez-vous vue?

Mme Louise Ervin: Je n'en ai pas encore reçu de copie, mais j'ai été informée de la rencontre avec M. Gray.

Quels que soient les commentaires qui ont été faits—même si on dit que cela ne constitue pas un précédent—cela nous inquiète beaucoup en Ontario.

M. Paul DeVillers: Oui, la lettre dit ensuite que l'association est inquiète.

Mme Louise Ervin: La raison pour laquelle nous sommes si inquiets en Ontario est qu'il est possible qu'un projet de loi sur l'utilisation de référendums soit présenté en Chambre au cours de l'année prochaine. S'il est adopté en Ontario et que le gouvernement peut tenir un référendum à sa guise, nous sommes à peu près convaincus qu'une des premières questions à faire l'objet d'une telle consultation concernera l'existence des écoles catholiques en Ontario.

M. Paul DeVillers: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, Mme Ervin et M. Lynch, pour l'exposé que vous avez présenté au nom de l'Association canadienne des commissaires d'écoles catholiques. Au nom de tous les membres du Comité, je vous remercie.

Mme Louise Ervin: Merci.

M. Mervin Lynch: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons maintenant entendre l'archidiocèse de Montréal.

[Français]

Permettez-moi de souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Archidiocèse de Montréal.

[Traduction]

Il est représenté ici par le révérend Patrick Meehan, le père Francis McKee, Joseph Zemanovich et le père Thomas McEntee.

Nous vous souhaitons chaleureusement la bienvenue à ce comité mixte qui étudie la modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 au sujet du système scolaire du Québec. Nous siégeons en vertu de l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.

• 1120

Révérend Patrick Meehan, je suppose que c'est vous qui allez commencer l'exposé.

Vous pouvez y aller, révérend Meehan.

Le révérend Patrick Meehan (archidiocèse de Montréal): Monsieur le président et membres du Comité, je peux faire un exposé très bref parce que nous mettons l'accent sur une question seulement.

Nous représentons les prêtres anglophones de l'archidiocèse de Montréal qui servent la population catholique anglaise. Nous souhaitons présenter ce mémoire au Comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat qui examine la proposition du gouvernement du Québec relative à une réforme des commissions scolaires. En présentant ce mémoire, nous agissons au nom des enfants scolarisés dans notre système scolaire actuel. Nous représentons les 40 prêtres des 40 paroisses anglophones.

Nous présentons ce mémoire parce que, en tant que prêtres, nous souhaitons que nos écoles catholiques anglaises puissent continuer d'offrir la totalité de leurs services après l'entrée en vigueur de la réforme des commissions scolaires proposée par le gouvernement du Québec.

Vu l'intérêt que nous prenons à la chose, il nous semble que les efforts entrepris actuellement pour modifier l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique affaibliront le statut des commissions scolaires catholiques de Montréal, mais, ce qui est encore plus important, cela compromettra le droit des minorités à avoir des écoles dissidentes, qui est également garanti par le même article 93. En tant que groupe minoritaire, nous avons de très bonnes raisons de vous demander de ne pas prendre une initiative qui met en danger ce que protège actuellement la Constitution canadienne.

Les évêques catholiques du Québec appuient la création de commissions scolaires linguistiques, pourvu que les droits des parents concernant les écoles confessionnelles soient garantis. Ils insistent également pour que les garanties confessionnelles accordées par les projets de loi 107 et 109 soient maintenues, c'est-à-dire le droit de chaque enfant à un enseignement religieux confessionnel et à des services d'animation pastorale ainsi que le droit des parents à demander que l'école que leurs enfants fréquentent ait un statut confessionnel.

Nous respectons le point de vue présenté à ce sujet par les évêques du Québec et nous nous solidarisons avec eux pour ce qu'ils disent au sujet de notre souci de conserver des écoles confessionnelles dans les commissions linguistiques. Comme l'ont dit l'archevêque André Gaumond de Sherbrooke et l'évêque André Rivest de Montréal, la création de commissions scolaires linguistiques ne doit pas nécessairement entraîner la disparition du statut confessionnel de nos écoles. L'archevêque Gaumond s'est étendu plus longuement sur cette question dans un document déposé lors du récent rassemblement de la Conférence canadienne des évêques catholiques qui a eu lieu au Cap-de-la-Madeleine du 16 au 21 octobre.

Toutefois, en tant que catholiques anglophones de l'archidiocèse de Montréal et étant donné notre statut minoritaire en tant qu'anglophones, les prêtres que nous sommes sont convaincus que nos droits minoritaires seraient mieux garantis par le maintien de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord de 1867.

• 1125

Dans ce document présenté par l'archevêque Gaumond, celui-ci dit sans équivoque, je cite:

    Nous [les évêques du Québec] n'avons jamais demandé que l'article 93 soit abrogé ou modifié. Nous avons fait savoir que nous sommes d'accord avec la création de commissions scolaires linguistiques et nous avons laissé au gouvernement le soin de choisir la meilleure façon de procéder.

Nous sommes d'avis que, avec la réforme actuelle, les parents devront défendre leurs intérêts et assumer leurs responsabilités légitimes d'assurer la confessionnalité de l'école que leurs enfants vont fréquenter. Selon nous, si on conserve l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, les droits et les responsabilités des parents seront confirmés et appuyés. Et s'il est vrai que l'application des lois 107 et 109 permet de mettre en oeuvre de façon satisfaisante les plans du ministère de l'Éducation visant à la création de commissions scolaires linguistiques tout en préservant l'existence des écoles confessionnelles, nous soutenons que ces intentions seront mieux servies si on conserve l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867.

Nous sommes fermement convaincus que les droits et les garanties offerts par la Constitution sont les fondations sur lesquelles le Canada a été construit. Aucun de ces droits et aucune de ces garanties ne devrait être abandonné s'il n'est pas nécessaire de les sacrifier. On ne devrait modifier les droits existants que si l'on a accordé la même attention à l'esprit de justice qui a motivé la rédaction de la garantie constitutionnelle initiale.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, M. Meehan.

Nous avons terminé. Nous allons maintenant passer à la période de questions en commençant par Jason Kenney.

M. Jason Kenney: Merci. Je suis content que vous soyez ici. Je pense qu'il est, d'une certaine façon, regrettable que des groupes comme le vôtre doivent prendre une telle initiative pour défendre vos droits constitutionnels.

N'importe lequel d'entre vous peut répondre à cette question. J'aimerais aborder une question critique qui s'est fait jour ici, celle du consensus. Le gouvernement du Québec, bien entendu, a présenté cette demande en disant qu'il existe virtuellement un consensus unanime dans la société québécoise en faveur de cette modification.

Par l'entremise du ministre Dion, qui est intervenu ici cette semaine, le gouvernement fédéral a également affirmé qu'il existe un consensus très solide. En fait, il a affirmé que le porte-parole officiel de l'Église catholique, la Conférence des évêques, est également en faveur de cette modification.

Vous avez fait référence, bien entendu, il y a quelques instants, à une déclaration de l'archevêque Gaumond, mais je voudrais citer une partie de la déclaration que le ministre Dion a présentée mardi devant notre comité:

    Les évêques catholiques conviennent depuis longtemps que la création de commissions scolaires linguistiques est appropriée et ils soutiennent que le choix des moyens est du ressort des autorités politiques. De ce point de vue, les évêques catholiques ne s'opposent pas à la modification de l'article 93.

À ma connaissance, les évêques n'ont jamais dit qu'ils ne s'opposent pas à la modification de l'article 93; ils sont restés neutres à ce sujet. Pensez-vous que la façon dont le ministre Dion interprète le point de vue des évêques est juste?

Le rév. Meehan: Premièrement, je pense qu'elle n'est pas juste. Les évêques ont toujours dit publiquement qu'ils n'ont jamais demandé l'abrogation de cet article. Il est également publiquement établi qu'ils sont d'accord avec la création d'écoles linguistiques. Ils laissent au gouvernement le soin de décider comment y parvenir.

• 1130

M. Jason Kenney: Ma question supplémentaire est la suivante. Dans la mesure où la population catholique du Québec est au courant du danger auquel cette modification va exposer ses écoles confessionnelles, y est-elle opposée? Cela peut menacer ses droits à l'école confessionnelle.

Le rév. Meehan: En ce qui concerne les catholiques anglophones, ceux qui se préoccupent de ce qui va arriver non pas dans l'avenir immédiat, mais dans un avenir pas trop lointain, eh bien en effet, ils ne s'inquiètent pas de l'avenir immédiat. La confessionnalité des commissions sera transférée aux écoles, et nous pourrons conserver nos écoles confessionnelles.

Il est toutefois indubitable qu'au Québec, certains signes montrent que nous nous dirigeons vers un système scolaire qui exclura totalement la religion de l'école. Les états généraux de l'année dernière ont recommandé que les écoles ne soient plus religieuses. Mme Pagé, la présidente du syndicat du personnel enseignant, a dit qu'elle ne pense pas qu'une majorité de parents, ou même une minorité importante des parents, exigent un enseignement religieux pour leurs enfants. Nous pouvons répondre à cela simplement en présentant des statistiques.

Très récemment, M. Jean-Pierre Proulx, qui est à la tête de ce comité... Je ne sais pas s'il dévoilait ses cartes ou s'il était simplement aimable avec les journalistes, mais il a laissé entendre à la fin d'un entretien avec eux que son comité pourrait prendre la même décision que les états généraux l'année dernière, c'est-à-dire qu'il recommanderait l'élimination de la religion du système scolaire public.

Voilà donc ce qui nous inquiète, mais si le droit à une instruction confessionnelle catholique dans les écoles publiques est supprimé du fait de la modification de l'article 93, nous n'aurons aucun recours.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Zemanovich.

M. Joseph Zemanovich (Services de pastorale, archidiocèse de Montréal): Pour être juste, et pour placer votre question dans le contexte de ce dont on est au courant, elle est quelque peu injuste. Quand vous évoquez cela, vous voulez dire être au courant de quoi? À mon avis, la question et le problème qui se posent ici concernent le fait de savoir si nous parlons du point de vue constitutionnel ou législatif.

Les évêques ont laissé entendre qu'ils sont peut-être tout à fait prêts à s'accommoder d'une modification de la loi. La population à laquelle vous faites référence suppose peut-être qu'une modification de la loi est suffisante.

Donc, si je savais si les gens sont ou non parfaitement au courant des conséquences éventuelles de cette modification de la loi, je pense qu'on pourrait alors répondre à votre question.

À mon avis, les gens supposent que les projets de loi 107 et 109 seront en effet suffisants. Toutefois, étant donné que la ministre, comme vous le savez, avait initialement l'intention d'éviter de s'adresser au gouvernement fédéral pour apporter ce changement linguistique, étant donné qu'elle a fait complètement volte face très peu de temps après et qu'elle a créé la commission de M. Proulx pour examiner la validité des écoles catholiques ou de l'enseignement catholique, vous feriez bien de croire que les gens craignent qu'il n'y ait apparemment un chiffre magique en vertu duquel on dira que les écoles doivent être laïques.

Si c'était le cas, je pense qu'il reste encore une importante minorité qui devrait jouir de ce droit. Or, le projet de loi ne reconnaît pas ce principe; c'est au niveau de l'école.

Prenez un certain secteur. Par expérience, je connais mieux celui de Lakeshore. On peut avoir cinq écoles, et la majorité de la nouvelle commission linguistique sera nettement non catholique. On peut avoir cinq écoles et tous les gens vont voter, comme ils le font actuellement, et dire qu'ils veulent que leurs écoles soient non catholiques. Donc, si nous avons 20 p. 100 de la population dans chaque école, que va-t-il arriver? Il y aura cinq édifices qui seront tous non catholiques.

Essayez de trouver une loi qui dise qu'il suffit d'une minorité de 20 p. 100 là où est votre école. Il n'y aura pas d'école, parce que la loi dit clairement maintenant qu'on vote au niveau de l'école.

• 1135

Ce pouvoir de dissidence n'existe pas, et je pense que c'est l'élément clé. Si vous pouvez trouver une façon de faire cela... Ce qui se passerait dans ce secteur maintenant, c'est que ces 20 p. 100 se regrouperaient et formeraient une commission linguistique dissidente. Ils ne peuvent pas le faire avec les projets de loi 107 et 109. Au moins, avec l'article 93, ils peuvent actuellement mettre en place un système permettant de répondre aux besoins des catholiques. Ils ne peuvent pas le faire avec ce qui est proposé, et je pense que 20 p. 100 de la population dans un secteur quelconque est une proportion importante.

Je pense que notre pays, en ce qui concerne les droits des minorités, a abandonné depuis longtemps cette notion de majorité ou de droits collectifs.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci.

Nous allons passer maintenant au sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur John Lynch-Staunton (Grandville, PC): Je pense que le deuxième intervenant a présenté une argumentation contraire à celle du premier, qui nous avait dit que les garanties confessionnelles offertes par les lois 107 et 109 lui suffisait. Nous venons juste d'entendre maintenant qu'elles ne sont pas aussi fortes que dans le système actuel parce que la minorité dissidente ne trouvera pas de place qui lui convienne dans le nouveau système, alors que c'est le cas maintenant.

Je voudrais poser la question suivante. Le ministre nous a dit que les évêques étaient en faveur des écoles linguistiques, mais il a oublié d'ajouter—on a soulevé cette question aujourd'hui—qu'il fallait pour cela que les garanties confessionnelles que donne la loi 107 soient maintenues. Ma question est la suivante. Ces garanties ont-elles été données aux évêques qui ont rédigé le document signé par l'évêque de Baie-Comeau, monseigneur Morissette, le 30 septembre? Ont-ils reçu ces garanties du gouvernement du Québec?

Le rév. Meehan: Je ne peux pas vous répondre parce que je n'ai pas posé cette question aux évêques, mais je suppose qu'ils ont reçu cette garantie puisqu'ils s'expriment encore en faveur du changement...

Le sénateur John Lynch-Staunton: Je pense que vous ne pouvez pas parler au nom de l'Assemblée des évêques du Québec, mais j'espère qu'on pourra les inviter pour clarifier leur position. Cette condition est si importante que leur point de vue pourrait changer une fois qu'ils se rendront compte que si le Québec n'est plus assujetti aux conditions que lui impose l'article 93, en fait, la Charte commencera à s'appliquer dans sa totalité. Cela veut dire que les écoles non confessionnelles deviendront réalité en un rien de temps, d'après les différents jugements qui ont déjà été rendus en Ontario.

Je suis surpris que les évêques—et je sais que vous parlez au nom d'un plus petit groupe de catholiques de Montréal—aient pris si énergiquement position sans se rendre compte des conséquences que cela pourrait avoir pour l'enseignement catholique et protestant au Québec une fois que le Québec ne sera plus assujetti à l'article 93. La totalité de la Charte s'appliquera alors, et elle n'est pas très favorable aux écoles confessionnelles.

Je présente un commentaire et un plaidoyer, mais avez-vous une réaction quelconque à ce sujet? Êtes-vous au courant de ce que cela pourrait signifier pour les écoles confessionnelles une fois que le Québec sera dégagé des obligations que lui impose l'article 93?

Le rév. Meehan: Oui, surtout le groupe minoritaire anglophone que nous constituons à Montréal, et c'est une des raisons pour lesquelles nous sommes venus ici vous encourager aussi fortement que nous le pouvons à conserver ce que nous avons déjà sans sacrifier...

Le sénateur John Lynch-Staunton: Je suis ravi d'entendre votre opinion, et je pense que vous comprenez probablement mieux les conséquences de l'article 93. Mais j'espère que les évêques comprendront également votre point de vue et qu'ils en tiendront compte quand ils prendront position au sujet de ce que nous étudions.

M. Joseph Zemanovich: Pour être précis, je pense que les évêques sont prêts à faire confiance aux changements législatifs.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Oui, mais pas si...

M. Joseph Zemanovich: Je le pense vraiment. Je suis un laïc et je peux donc le dire, je crois, mais je ne pense pas que cela contredise ce qu'on vient de dire.

Je pense que les prêtes anglophones disent clairement que non, qu'ils veulent une garantie plus grande, qu'ils pensent trouver dans l'article 93. Les évêques ont dit qu'ils font suffisamment confiance au gouvernement du Québec. C'est mon opinion, et je n'ai rien vu là qui dise qu'ils n'ont pas dit ça.

Je ne peux pas parler au nom des prêtres, mais je pense qu'ils ont la même impression. Ils disent que cela peut s'appliquer à la majorité des catholiques du Québec, mais en ce qui concerne les catholiques anglophones, ce n'est pas acceptable. Voilà ce qu'ils disent.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Je crois aussi au pouvoir de la prière, mais je pense que c'est un peu exagéré.

• 1140

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons maintenant passer la parole à Mme Christiane Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Bonjour. J'aimerais préciser que si on avait les paragraphes (1) à (4) de l'article 93, on devrait vivre avec deux sortes de structures et que c'est impossible. Ça fait 30 ans qu'on discute de ce sujet au Québec et cela semble être votre position et celle que plusieurs témoins sont venus nous dire. Mais c'est un paradoxe. On ne peut pas avoir à la fois les commissions scolaires linguistiques et les commissions scolaires confessionnelles.

Hier, un témoin membre de la Fédération des comités de parents de la province de Québec venait nous faire part de sa position et il ne semblait pas du tout inquiet d'avoir seulement des commissions linguistiques, parce qu'il y aurait une possibilité de garder les écoles confessionnelles comme le veut une majorité de parents. Il disait que le fait de s'en remettre aux parents pour décider de leur volonté et d'agir dans un esprit d'ouverture et de tolérance est beaucoup plus adapté à la réalité de ce que l'on vit aujourd'hui.

En 1867, on était dans un contexte très particulier qui n'est pas tout à fait le contexte dans lequel on vit aujourd'hui. Il y aurait beaucoup plus d'ouverture à faire afin que l'enseignement religieux soit donné selon la volonté de la majorité des parents. Il y aurait quand même une diversité d'enseignement dans ces écoles, ce qui permettrait peut-être un meilleur échange entre les enfants qui fréquentent une école.

Je voudrais donc vous entendre parler de la possibilité d'ouverture et de tolérance que les religions nous inculquent souvent dès notre jeune âge.

Le père Francis McKee (Archidiocèse de Montréal): Je pense qu'on reconnaît bien qu'il y avait un problème vis-à-vis des différentes commissions scolaires. Nous sommes bien conscients de cette situation. Nous ne nous présentons pas devant vous comme des avocats qui peuvent régler ces questions.

Au fond, c'est une situation qui doit se régler au niveau du gouvernement. On vient témoigner tout simplement pour s'assurer qu'il y ait une protection de nos écoles catholiques, tout en reconnaissant bien qu'il y aura un dilemme. On n'est pas venus ici pour proposer une solution, mais tout simplement pour dire qu'il y a un problème et demander comment nous allons le régler.

La protection que nous accorde présentement l'article 93, on ne la voit pas de la même façon avec les projets de loi 107 et 109. C'est un petit peu dans ce sens-là qu'on arrive. On reconnaît bien le dilemme dans lequel on se retrouve.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Les garanties sont aussi données par l'article 41 de la Charte qui prévoit le droit à l'enseignement religieux. Ce que semblait dire la Fédération des comités de parents, c'est que les parents sont assez organisés et solides pour réclamer un enseignement religieux. Des protestants et des catholiques font partie de la Fédération des comités de parents de la province de Québec et aucun des deux groupes ne semblait inquiet de l'avenir de l'enseignement religieux dans les écoles parce qu'une très forte majorité de parents désirent et souhaitent garder l'enseignement religieux, qu'il soit catholique ou soit protestant.

On demande d'abolir l'article 93 pour faciliter la gestion scolaire au Québec dont on parle depuis 30 ans et permettre de restructurer le système scolaire sur des bases linguistiques. Je ne pense pas que l'enseignement religieux soit menacé. Il sera protégé par la Charte, le projet de loi 109, ainsi que la volonté des parents de garder un enseignement religieux.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Le prochain intervenant sera M. Nick Discepola.

M. Nick Discepola: Monsieur le président, j'aimerais formuler une proposition avant de débuter mes questions. Il me semble qu'on prend la peine de discuter assez longuement de la lettre des évêques du Québec et j'ai remarqué qu'ils ne vont pas comparaître devant nous. Je me demande si l'invitation a été faite, particulièrement à Mgr Morissette. Sinon, serait-il possible de les accueillir le lundi 27 octobre ou le mercredi 29 octobre? Il me semble qu'on n'a pas eu de réponses claires sur leur position et je propose qu'on les invite à témoigner devant ce comité.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Il n'y a pas eu d'invitation formelle; tous les intéressés sont invités à comparaître devant le comité.

M. Nick Discepola: Si le comité le souhaite, j'en ferais la proposition.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous en prenons note.

• 1145

[Traduction]

M. Nick Discepola: J'aimerais savoir, révérend Meehan, si l'Assemblée des évêques du Québec parle en votre nom ou, ce qui est encore plus important, si le révérend Pierre Morissette parle en votre nom?

Le rév. Meehan: Comme je l'ai dit dans le mémoire, la position des évêques du Québec ne nous pose en réalité aucun problème. Je ne suis même pas sûr que la nôtre soit différente de la leur. C'est simplement qu'ils ont dit qu'ils n'avaient jamais rien dit en faveur de l'abrogation.

M. Nick Discepola: C'est la nuance que je voulais faire. Ils n'ont jamais dit qu'ils étaient en faveur de... Ce qu'ils disent c'est qu'ils n'ont rien dit contre...

Le rév. Meehan: C'est exact. C'est à ce sujet que nous, prêtres qui représentons le groupe anglophone minoritaire... N'oubliez pas qu'à une exception près, tous les évêques du Québec sont francophones, nous intervenons donc en tant que minorité catholique...

M. Nick Discepola: Mais je vous prierais alors de vous assurer que leur point de vue soit clarifié avant que le Comité ne termine ses audiences, parce que c'est une question très importante.

Le problème qui me préoccupe est que notre comité est forcé de prendre la décision suivante: soit nous approuvons la demande de modification conformément à la décision unanime de l'Assemblée nationale, soit nous la rejetons. Notre comité n'est pas ici pour proposer des modifications à la Constitution. Notre décision doit porter sur cela.

C'est une décision très difficile pour moi, parce que je pense personnellement que les catholiques et les protestants n'ont pas été entendus. J'ai déclaré clairement qu'à mon avis, nous nous appuyons sur des lois pour permettre le maintien des écoles confessionnelles. Je suis fermement convaincu que, d'ici 10 ou 15 ans, il n'y aura plus d'écoles confessionnelles si l'article 93 est abrogé.

Toutefois, cela dit, beaucoup sont fortement déterminés à créer des commissions scolaires linguistiques, et je veux oeuvrer dans ce sens, parce que je pense qu'il existe un consensus au Québec. Toutefois, je me demande si nous ne devrions peut-être pas couper maintenant les liens entre l'Église et l'État.

Les Pères de la confédération en ont débattu en 1867. Ils ont examiné la nature du Canada tel qu'il existait alors et ont mis au point une très bonne constitution, mais aujourd'hui la nature du pays est radicalement différente.

J'examine ma situation personnelle. J'envoie mes enfants dans des écoles catholiques. Or, en tant que catholique pratiquant, je peux choisir si mes élèves doivent recevoir un enseignement moral ou religieux.

Ce choix existe déjà, et je me demande si nous devons aller jusqu'à faire en sorte que ce droit soit accordé aux institutions et protégé dans la Constitution ou si vous ne vous contentez pas des lois provinciales proposées, qui permettraient à chaque comité de parents de décider si leur école doit dispenser un enseignement religieux? Cela ne vous suffit-il pas?

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Discepola. Avez-vous un court commentaire?

[Traduction]

Le rév. Meehan: Pour le moment, cela ne nous pose aucun problème, parce que les écoles catholiques continueraient d'exister. Mais cela nous poserait un gros problème après la sécularisation des écoles si...

Pour nous, l'éducation catholique ne se limite pas à l'enseignement catholique. L'éducation catholique consiste à élever un enfant en lui apprenant la foi catholique. Nous aurions du mal à voir comment cela pourrait se faire...

M. Nick Discepola: Dans le fond... [Note du rédacteur: inaudible]

Le rév. Meehan: Eh bien, pas très bien.

M. Nick Discepola: Pour la confirmation ou la première communion, mes enfants ont suivi des cours en dehors du système scolaire.

Le rév. Meehan: Oui, il y a des cours de brève durée qui sont donnés par l'Église catholique le dimanche matin ou pendant la semaine. C'est très facile à organiser pour un petit groupe d'enfants, mais ce qui nous inquiète, c'est si on pense à l'ensemble de la population catholique anglophone de Montréal.

S'il n'y a pas d'école catholique, est-ce que nous, les prêtres des paroisses, avons les ressources, le personnel ou même les locaux nécessaires pour assurer ainsi l'éducation catholique de nos enfants dans la pratique de la foi? Voilà ce qui nous inquiète en tant que prêtres.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, révérend Meehan.

Nous allons maintenant passer au sénateur Beaudoin.

• 1150

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Je voudrais revenir à la question fondamentale qui a été soulevée. Lorsque les évêques ont dit qu'en fait, ils ne s'opposaient pas à une réforme basée sur la langue et les droits linguistiques, les commissions scolaires linguistiques, etc., ils posaient une condition. Si je comprends bien, cette condition est que l'enseignement de la religion continue d'être dispensé dans les écoles.

Pour moi, la question est de savoir si cela pourrait être réglé par une loi ou par la Constitution? Si c'est par la Constitution, pourquoi ne pas garder l'article 93 tel qu'il est ou préparer une modification pour remplacer les paragraphes (1), (2), (3) et (4) s'il sont supprimés, et enchâsser cette modification dans l'article 93 pour garantir les droits des catholiques et des protestants ou de tout autre groupe à un enseignement religieux?

Si c'est l'autre option, que cela soit réglé par une loi, comme c'est le cas dans de nombreux pays, c'est une autre histoire.

Il existe maintenant une protection quasi constitutionnelle de l'enseignement de la religion dans la Charte du Québec. Bien entendu, si elle est seulement quasi constitutionnelle, elle peut être modifiée par une autre loi. Ce n'est pas facile du point de vue politique, mais juridiquement, c'est possible.

Si cela figure dans la loi relative à l'instruction au Québec, il peut y avoir toutes sortes de dispositions législatives dans les domaines de l'éducation et de l'enseignement religieux. Les gouvernements sont généralement prudents, parce qu'ils ne veulent pas être défaits lors des élections générales suivantes.

J'aimerais beaucoup savoir ce que pensent les évêques. La protection législative de l'enseignement religieux les satisfait-elle ou veulent-ils une garantie constitutionnelle pour l'enseignement de la religion à l'école? Cela place cette résolution dans une optique tout à fait différente.

Le Père Francis McKee: Merci. J'ai un exemplaire du document sur la question de l'éducation au Québec qui a été présenté par l'évêque André Gaumond et je voudrais proposer qu'on le distribue. Je ne veux pas parler au nom des évêques, mais je pense aussi qu'il serait bon de leur donner la parole.

Dans la toute première déclaration, il est question de l'attitude des évêques du Québec:

    Nous n'avons jamais demandé que l'article 93 soit abrogé ou modifié. Nous avons fait savoir que nous sommes d'accord avec la création de commissions scolaires linguistiques et nous avons laissé au gouvernement le soin de choisir la meilleure façon de procéder.

Voilà pourquoi nous sommes ici, pour influencer d'une façon ou d'une autre la décision que le gouvernement prendra.

Il serait bon de les faire venir pour aider le gouvernement dans son travail. Ce sont des gens comme les autres. Même s'ils ont une responsabilité particulière, ce sont des gens comme les autres. Ils pourraient aider le gouvernement à savoir précisément comment procéder. Je pense que ce serait un prolongement de la déclaration qu'ils ont faite.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Si l'option législative est la bonne solution, nous pouvons accepter la résolution sous sa forme actuelle. Si la protection qu'ils demandent est de nature constitutionnelle, on peut le faire seulement en modifiant la résolution.

Juridiquement parlant, c'est très clair dans mon esprit. C'est soit A soit B, mais ce qu'ils veulent exactement n'est pas très clair. Ils disent que oui, il faut garder l'enseignement de la religion. C'est très clair, mais de quelle façon? Au moyen d'une loi ou en vertu de la Constitution?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Père McEntee.

Le père Thomas McEntee (archidiocèse de Montréal): Comme l'a déjà dit un de mes confrères, parmi tous les évêques de la province de Québec, il y en a un qui est anglophone; c'est un évêque auxiliaire qui est actuellement très malade. Donc, nous n'avons peut-être pas pu nous faire entendre pour faire valoir notre point de vue.

Si j'étais un Canadien français vivant, par exemple, à Chicoutimi ou à n'importe quel autre endroit, je me sentirais en sécurité grâce à ma culture et aussi grâce au fait que tout le monde parle la même langue, qu'il y a toute une tradition. Donc, je ne craindrais peut-être nullement qu'on porte atteinte à mes droits. Mais quand on est minoritaire, et, dans notre cas, en tant que catholiques anglophones, nous sommes une minorité à l'intérieur d'une minorité, on envisage la possibilité qu'on porte atteinte à nos droits.

• 1155

Je devrais peut-être aller un peu plus loin et aborder un thème politique pour demander, si le gouvernement décide de modifier l'article 93, ce qui empêchera le gouvernement du Québec de décider quelque chose d'autre demain. Vous vous retrouverez alors en train de débattre de la possibilité d'une autre modification de la Constitution, peut-être de nature linguistique, et avec une province unilingue.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, Père McEntee. Si cela ne vous fait rien,

[Français]

les personnes suivantes ont demandé la parole pour continuer le débat: Sheila Finestone, la sénatrice Lavoie-Roux, Paul DeVillers, Mauril Bélanger, le sénateur Prud'homme, le sénateur Grafstein et Peter Goldring. Il reste environ 10 minutes. Alors, je demanderais la coopération de tout le monde afin que les questions et les réponses soient plus courtes. Je cède immédiatement la parole à Mme Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur le président, j'espère que nous pouvons répondre à votre attente, mais je peux vous dire qu'à mon avis, c'est une intervention extrêmement importante.

Il est hors de doute que je me soucie énormément des droits des minorités, mais il s'agit beaucoup plus du droit de mes minorités linguistiques, surtout la minorité anglophone, à se regrouper et à exercer plus de pouvoir par la force du nombre.

À cet égard, pour autant que je sache, la Constitution du Canada protège les deux langues. Elle ne protège pas les droits religieux en général. Il me semble que c'est comme cela que j'aimerais que soient une charte et une constitution dans un pays multiculturel et bilingue comme le Canada.

Ces droits sont protégés et exprimés dans une charte axée sur la défense de certaines valeurs qui couvre de nombreux domaines, de la liberté d'expression et de la liberté de culte à la non-discrimination, à la protection des droits multiculturels, des droits des autochtones... toutes sortes de choses.

Franchement, en tant que Canadienne anglophone vivant au Québec, c'est l'article 23 qui m'intéresse. Je ne pense pas que l'article 93 soit réellement important. Il me paraît pratiquer une exclusion trop grande dans la société actuelle. Je crois que l'article 23 est très important, surtout pour la communauté catholique anglophone. Il y a de nombreux catholiques anglophones originaires d'autres parties du monde qui vivent au Québec. La nature très restrictive de l'exclusion pratiquée par le Québec aux termes de l'alinéa 23(1)a) représente un grave obstacle à la croissance et au développement du système scolaire anglais.

Indépendamment de cela, si on regroupe tous les anglophones dans un système scolaire et qu'on continue à avoir au Québec les droits énoncés par l'article 41 du projet de loi 109 pour autoriser l'existence d'écoles confessionnelles, il y a des parents déterminés et convaincus qui veilleront à ce que le système éducatif catholique soit maintenu dans le cadre du système scolaire anglophone.

Alors, croyez-vous vraiment que, dans la société québécoise, l'article 41 du projet de loi 109 fera perdre aux parents le droit à ces écoles? Craignez-vous que le gouvernement cesse d'utiliser la clause dérogatoire et qu'on finisse par ne plus avoir aucune école religieuse du tout?

Pensez-vous que les parents catholiques vont laisser faire cela pour les enfants catholiques? Si on laisse faire cela pour les enfants catholiques, ne pensez-vous pas qu'on va aussi le laisser faire pour les enfants catholiques anglophones?

Le rév. Meehan: C'est précisément ce qui nous préoccupe, oui.

L'hon. Sheila Finestone: Vous nous dites donc que vous pensez que les enfants catholiques, qu'ils soient francophones ou anglophones, et leurs parents... Ce qui nous intéresse au premier chef est la protection des intérêts de l'enfant et la qualité du système éducatif. Cela va-t-il disparaître au Québec si l'enseignement est dispensé par une école catholique relevant d'une commission francophone ou par une école catholique relevant d'une commission anglophone? Est-ce cela qui vous préoccupe?

Le rév. Meehan: Pas immédiatement.

L'hon. Sheila Finestone: Je vois cela également à plus long terme, mon Père.

Le rév. Meehan: La vision à plus long terme est ce qui nous intéresse, et c'est pourquoi nous avons demandé que la Constitution...

L'hon. Sheila Finestone: Et vous pensez que l'article 93 vous protège?

Le rév. Meehan: ...nous protège, oui.

[Français]

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Comprenez-vous tous le français? Non?

[Traduction]

Je ferai de mon mieux en anglais pendant un moment.

• 1200

Premièrement, je tiens à vous remercier de vous présenter devant nous. Je pense que ce sont d'authentiques porte-parole de la communauté catholique anglaise de Montréal. Je ne connais pas chacun d'eux, mais je me souviens que quand nous travaillions au sein du Comité pour la restructuration de l'île de Montréal, la Commission scolaire catholique de Montréal avait fait un sondage en collaboration avec sa composante anglophone; il y avait à l'époque 45 000 élèves. Je suppose qu'il y en a environ 20 000 aujourd'hui; je ne sais pas exactement.

Il en est ressorti clairement que, dans les secteurs français et anglais de la Commission scolaire catholique de Montréal, qui était à l'époque la plus grosse commission scolaire du Canada, les parents de la section catholique anglaise étaient extrêmement attachés à l'existence de celle-ci, beaucoup plus que ceux du secteur francophone. Cela a probablement changé un peu parce que c'était il y a 20 ans, mais je pense néanmoins que c'est fondamentalement ainsi à cause de l'origine variée des gens de ce secteur.

Je suis d'accord avec vous dans le sens où je pense que les commissions linguistiques auraient un effet positif, non pas pour ce qui est de l'objectif d'avoir plus d'enfants anglais et de les envoyer dans le secteur français, mais pour renforcer les ressources pédagogiques anglophones, par exemple, parce qu'elles sont très dispersées dans plusieurs commissions.

Je ne suis pas du tout certaine que les parents pourront choisir la nature de chaque école. Je pense qu'il devrait y avoir, d'une façon ou d'une autre, une garantie plus forte que cela, parce qu'on assistera aussi à des petites guerres dans les écoles. Les gens qui ont passé toute leur vie au Québec—et je suis maintenant assez âgée pour le savoir—ont constaté cette évolution, non seulement la réduction de l'importance des écoles confessionnelles, mais leur disparition. Oubliez les commissions scolaires confessionnelles, pensez seulement aux écoles confessionnelles. Il ne reste plus aucune garantie nulle part. Tout peut arriver.

Je pense que nous avons le devoir—j'ai au moins le sentiment d'avoir ce devoir—de faire en sorte que nous donnions de meilleures garanties que celles qui existeraient si nous supprimions simplement l'article 93 sans prendre d'autres dispositions.

C'est tout ce que je voulais dire, madame.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci. Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: Merci, madame.

[Traduction]

M. Kenney et le sénateur Lynch-Staunton ont tous deux fait référence à la déposition du ministre Dion et aux références qu'il a faites à la position des évêques. Je voudrais signaler que M. Dion a également déposé un exemplaire de la lettre qu'il a reçue des évêques.

À propos de ce qu'a dit M. Kenney au sujet de cette lettre, il n'était au courant d'aucune prise de position des évêques. D'après ce qu'a dit le ministre, ils ne s'opposaient pas à la création d'écoles linguistiques ni à la modification de l'article 93.

Je voudrais faire référence au deuxième paragraphe de cette lettre du 30 septembre, adressée à M. Dion par l'Assemblée des évêques du Québec. Je cite:

[Français]

    Les évêques tiennent à redire qu'ils ne s'opposent pas à l'établissement de telles commissions scolaires linguistiques qui pourraient garder intact le droit des parents à des écoles confessionnelles.

[Traduction]

Il y a aussi les deux dernières phrases de la page 1:

[Français]

    Notre Assemblée ne s'est pas opposée toutefois au choix menant à la modification de l'art. 93.

[Traduction]

Je pense que c'est ce à quoi le ministre faisait référence.

M. Nick Discepola: Mais lisez l'autre phrase qui dit:

[Français]

    Il nous faut ici préciser que notre Assemblée n'a jamais milité en faveur de l'abrogation de l'art. 93.

[Traduction]

M. Paul DeVillers: Le ministre a dit qu'ils ne s'y opposaient pas. Cela ne veut pas dire qu'ils étaient pour. Le ministre ne l'a pas dit et personne ne l'a jamais laissé entendre.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Il serait peut-être utile de distribuer cette lettre et de la faire également traduire.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): On pourra le faire et en discuter. Le prochain intervenant est M. Mauril Bélanger.

• 1205

M. Mauril Bélanger: Monsieur et madame les présidents, je pense que nous sommes dans une situation où, comme le dit la chanson, «tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir». Si je comprends bien, il y a un consensus, il y a même l'unanimité pour la création de commissions scolaires linguistiques. D'accord? Mais on semble continuer de vouloir s'agripper aux conseils scolaires confessionnels. C'est un peu la situation.

Moi, j'ai une question à poser à ce monsieur.

[Traduction]

Monsieur Meehan, pouvez-vous expliquer à notre groupe comment il se fait que les prochains témoins que nous allons entendre, l'Association provinciale des enseignants catholiques du Québec, les 3 000 enseignantes et enseignants des écoles anglophones, soit en faveur de l'abrogation de l'article 93 telle que proposée par l'Assemblée nationale?

À mon avis, c'est eux qui sont sur la ligne de front, et ils plaident en faveur du regroupement de la minorité linguistique anglophone du Québec, quelque chose que je peux très bien comprendre en tant que francophone de l'Ontario. Ils disent que ce regroupement servirait mieux leurs intérêts que la situation actuelle; or, vous affirmez qu'il faudrait conserver l'article 93. S'il vous plaît, comment expliquez-vous cette différence de point de vue?

Le rév. Meehan: Je pense que c'est parce que nous sommes un groupe anglophone et une minorité.

M. Mauril Bélanger: Donc le statut que vous revendiquez est celui d'une minorité à l'intérieur d'une minorité. À ce titre, vous pensez qu'il faudrait conserver l'article 93.

Le rév. Meehan: Oui.

[Français]

M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, révérend Meehan. Nous allons vous donner la possibilité de répondre à quelqu'un d'autre.

Nous allons passer à M. Goldring.

M. Peter Goldring: Oui, j'ai une question.

Étant donné que la requête du Québec est basée sur des références à la Constitution de 1982 et que l'alinéa 23(1)a) pose problème, on indique que la clause dérogatoire pourrait également être invoquée. Il est dit à ce sujet dans la requête que le gouvernement du Québec ne reconnaît pas la Constitution de 1982. Cela n'est-il pas un élément important, surtout puisque la requête porte sur l'abrogation totale de l'article 93? Il ne s'agit pas de le modifier, mais de le supprimer complètement.

Ne pensez-vous pas que, pour procéder à une réforme au Québec, il vaudrait mieux ajouter d'autres éléments à l'article 93, l'améliorer là où c'est nécessaire, tout en conservant les références figurant dans l'article 93 telles qu'elles sont? On l'améliorerait au lieu de le détruire ou de le supprimer.

Le rév. Meehan: C'est une question purement politique à laquelle, en tant que prêtre, je ne suis pas sûr d'être qualifié pour répondre. Tout à l'heure, un de vous—je ne sais plus qui c'était maintenant—a dit que nous ne sommes pas ici pour discuter de la question de savoir si vous allez modifier la Constitution, mais simplement si son application au Québec va ou non être abrogée. Je pourrais seulement dire que c'est un débat politique dans lequel vous pourriez vous engager. Je ne peux pas réellement vous venir en aide à ce sujet.

M. Peter Goldring: L'autre partie de la question porte sur une de vos préoccupations, le fait que, dans sa demande, le gouvernement du Québec déclare qu'il ne reconnaît pas la Constitution de 1982.

Le rév. Meehan: C'est exact. C'est à cause de la facilité avec laquelle on peut modifier une loi ou des chartes provinciales que nous faisons appel à vous pour préserver ce que nous avons déjà dans la Constitution en n'acceptant pas cette modification.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, révérend Meehan.

Nous allons maintenant passer au sénateur Grafstein qui sera le dernier à intervenir.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Je m'intéresse à l'exemple précis qu'un des témoins a donné au sujet de ce qui se passerait dans un secteur donné où il y a cinq écoles et où les catholiques anglophones représentent 20 p. 100 de l'effectif de chacune de ces écoles. Ai-je raison de conclure que si on suppose que l'article 93 ne s'applique plus, le projet de loi 109 n'empêche aucunement les parents de 20 p. 100 des élèves de chacune de ces écoles de se regrouper et de présenter une demande en vertu des paragraphes 508.4, 508.5, etc. de ce projet de loi pour reconstituer une école catholique dispensant un enseignement en anglais, ce qui aurait pour effet de préserver vos droits?

• 1210

Vous laissez entendre que cette possibilité disparaîtrait. D'après mon interprétation, si les parents le choisissent, ils en ont le droit, ils peuvent se regrouper, les 20 p. 100 de chaque école, et, en fait, voter. S'ils votent en faveur de la création d'écoles catholiques anglophones dans ce secteur, le gouvernement ou les commissions scolaires doivent les créer. Rien n'est supprimé; la même école reprend la place de l'autre.

Le problème concerne le moment où se font les choses, mais pas l'aspect pratique. Un système scolaire est démantelé, mais les écoles elles-mêmes ne disparaissent pas. Elles continuent d'exister, avec la même structure interne, le même enseignement. C'est, dans le fond, le même regroupement ou la même concentration d'élèves ou de parents qui veulent qu'on leur dispense un enseignement en anglais avec une instruction catholique.

M. Joseph Zemanovich: C'est une question technique spécifique. Le fait est que, comme je l'ai expliqué dans ma comparaison, actuellement, et cela s'appliquerait partout, il y a la Commission scolaire de Lakeshore, qui est non catholique, et celle de Baldwin-Cartier, qui est en partie catholique anglaise. Si on les regroupe, cela donnera la nouvelle commission linguistique. Le groupe catholique anglais sera minoritaire.

Actuellement, les parents ont le choix d'envoyer leurs enfants dans l'école qu'ils veulent. Ils peuvent les envoyer à l'école A, B, C ou D. Il y a quatre écoles. Si toutes les quatre votent pour devenir non catholiques, que peut-on faire, monsieur? La loi ne dit rien à ce sujet. Elle fait référence à l'instruction religieuse. J'aimerais que quelqu'un définisse cela.

M. Discepola a peut-être soulevé la question de savoir s'il y a une différence entre l'enseignement religieux et une école catholique. Je pense que le père Meehan a expliqué qu'il y avait une différence fondamentale.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Non, laissez-moi simplement...

M. Joseph Zemanovich: Je dis que la loi ne permettrait pas à ces 20 p. 100—peu importe les chiffres—la minorité que constituent les parents catholiques anglais, d'avoir une école. Comment pourraient-ils le faire? Elles ont toutes choisi d'être laïques.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Laissez-moi simplement lire l'article, parce que j'y perds mon latin. Le paragraphe 508.5 du projet de loi 109 dit qu'un nombre quelconque de personnes naturelles domiciliées sur le territoire de la commission scolaire, à l'exception des personnes domiciliées à Montréal ou à Québec, qui ont une confession religieuse, catholique ou protestante, différente de celle de la majorité, dont les noms sont inscrits, etc. Des mesures sont prévues. L'article dit ensuite qu'elles peuvent créer une école.

En quoi la situation est-elle différente dans la pratique? En d'autres termes, ce projet de loi n'est-il pas assez précis pour permettre l'existence d'écoles catholiques ou protestantes? De toute évidence, le problème linguistique est résolu.

M. Joseph Zemanovich: Je pense que vous pouvez répondre vous-même à votre question. Si les cinq écoles ont voté—il y a seulement cinq bâtiments scolaires, monsieur—et ont toutes choisi d'être laïques, comment peut-on avoir un bâtiment qui n'existe pas? Comment allez-vous l'avoir?

Pour ce qui est de la question de tolérance, en tant qu'ancien membre d'une commission scolaire, je peux vous dire que, quand la communauté francophone avait besoin d'une école, je sais que cela s'est produit à Baldwin-Cartier, il y a eu des controverses incroyables pour avoir cette école et déplacer les enfants un peu partout. Je comprends que vous dites qu'il faut être gentil et tolérant, mais je vous cite un exemple réel. Dans la localité concernée, il pourrait y avoir un nombre important d'enfants sans école. En fait, ce que certains pourraient alors proposer est de leur offrir 40 minutes de religion par jour. Ils demanderaient quel est le problème puisque l'instruction religieuse est assurée.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Puis-je demander au révérend Meehan de conclure la discussion.

M. Joseph Zemanovich: Juste pour terminer, je ne pense pas que nous soyons contre les commissions linguistiques. Mais il est très clair, et je pense que le père est très poli, que nous ne sommes pas d'accord avec les évêques. Nous disons que nous voulons une garantie constitutionnelle. Voilà en fait ce que nous disons.

Si j'ai une infection dans ma jambe, donnez-moi des médicaments pour la soigner. Ne la tuez pas.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Père McEntee.

• 1215

Le père McEntee: Est-ce M. Bélanger qui a demandé qui allait comparaître après nous ou était-ce vous? J'ai trouvé cela plutôt étrange, parce que nous ne pouvons pas leur parler. Je profite donc de votre remarque.

Mme Marois a consulté 20 organisations au sujet de l'abrogation de l'article 93, et 15 ont dit de ne pas y toucher. J'ai ici des statistiques qui montrent que 750 000 personnes du Québec, de toute évidence pas des anglophones, veulent des écoles catholiques et des commissions scolaires catholiques. Cela vous donne donc une idée de... Pour replacer les choses à notre niveau, en tant que groupe minoritaire, nous demandons que nos droits soient protégés. Je pense que non seulement nous le demandons, nous pouvons l'exiger.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, père McEntee, révérend Meehan, M. Zemanovich et père McKee. Au nom de tous les membres du Comité, je voudrais vous remercier pour votre intervention ici aujourd'hui.

[Français]

M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, est-ce que nous pourrions avoir copie de la liste des 20 groupes consultés dont faisait mention le témoin?

[Traduction]

Pouvez-vous nous communiquer cette liste des 20 groupes, s'il vous plaît?

Le père McEntee: Je ne connais pas ces 20 organisations.

M. Mauril Bélanger: Vous ne les connaissez pas?

Le père McEntee: L'APCQ, l'association des parents catholiques...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Peut-être pouvez-vous simplement remettre cette liste à la greffière du Comité.

Le père McEntee: D'accord.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, père McEntee, pour votre intéressant exposé.

Nous allons maintenant passer à l'Association provinciale des enseignants catholiques, représentée par Michael Palumbo, son président, et Donald Irving, son assistant exécutif. Nous vous souhaitons la bienvenue au Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec. D'après nos règles, vous avez entre cinq et dix minutes pour présenter votre exposé et, ensuite, nous passerons à une période de questions.

Nous sommes heureux de vous entendre, monsieur Palumbo.

M. Michael Palumbo (président, Association provinciale des enseignants catholiques): J'aimerais remercier les membres du Comité mixte de nous donner la possibilité d'être entendus ici aujourd'hui.

[Français]

Je m'excuse auprès des membres du comité qui auraient préféré avoir la version française de notre mémoire. Une version française existe, mais ce n'est qu'un résumé et non pas le texte intégral de notre mémoire. Nous avons malheureusement été dans l'impossibilité, dans les délais que vous connaissez, de procéder à la traduction et à l'impression du texte intégral. Il reste cependant que les idées...

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Palumbo, si cela ne vous fait rien,

[Français]

vous pourriez nous envoyer le texte intégral et nous pourrions le faire traduire.

M. Michael Palumbo: Les idées contenues dans le résumé sont évidemment fidèles à celles exprimées dans le texte intégral. Dans les jours qui viennent, nous nous assurerons que le comité mixte puisse recevoir une copie française de notre mémoire.

M. Nick Discepola: En fin de compte, nous pourrions éviter d'imposer cette demande au témoin en demandant à nos services de traduction de s'en charger.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Absolument, nous pouvons faire faire la traduction à l'interne, monsieur Palumbo.

M. Michael Palumbo: Je vous en remercie, monsieur le président.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Avis est donné au greffier de procéder à la traduction intégrale du texte. Vous pouvez continuer, monsieur Palumbo.

M. Michael Palumbo: Monsieur le président, M. Irving commencera la présentation et j'interviendrai en conclusion.

[Traduction]

M. Donald Irving (assistant exécutif, Association provinciale des enseignants catholiques): Je vais dire qui nous sommes et exposer notre situation particulière, puis je redonnerai la parole à Michael pour présenter notre point de vue.

• 1220

L'Association provinciale des enseignants catholiques du Québec, l'APEC, représente plus de 3 000 enseignants d'écoles et de centres anglophones appartenant à 25 commissions scolaires du Québec. En tant que représentante des enseignants qui relèvent des commissions scolaires catholiques, l'APEC a appuyé les nombreux efforts entrepris par les gouvernements du Québec au fil des ans pour remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions linguistiques.

Les structures confessionnelles actuelles ont pour effet de diviser les élèves qui fréquentent les écoles anglaises au Québec entre deux systèmes, catholiques et protestants. À de nombreux endroits, cette division s'est traduite par une répartition inéquitable des ressources, accompagnée parfois par des dédoublements inutiles. Cela a également empêché la population anglophone de présenter un point de vue commun au sujet des questions touchant l'éducation. Cette situation nous paraît injustifiée et inacceptable.

La situation particulière des catholiques anglophones a contribué de façon déterminante à gagner le soutien de ce secteur de la minorité linguistique aux commissions scolaires linguistiques. En fait, la situation particulière des catholiques anglophones montre que l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne répond pas à nos besoins puisqu'elle ne prévoit aucune garantie pour la minorité linguistique du Québec et a entraîné la séparation de la population anglophone entre deux systèmes scolaires.

Par conséquent, les catholiques anglophones se trouvent en minorité dans toutes les commissions scolaires catholiques et donc, dans le cadre des structures confessionnelles actuelles, ils sont dans une large mesure privés de la possibilité de participer réellement au contrôle et à la gestion des écoles que fréquentent leurs enfants. Les écoles anglophones sont souvent à l'écart des grands courants pédagogiques d'expression anglaise parce qu'elles sont isolées dans chaque commission.

Dix-sept des 35 commissions scolaires catholiques où les catholiques anglophones reçoivent des services en anglais ont une seule école anglophone. Vous remarquerez la différence entre les chiffres de 25 et 35 cités au premier paragraphe. Elle tient au fait que dans les dix autres, les enseignants catholiques anglophones sont représentés par la CEQ, ce qui est une preuve supplémentaire de la fragmentation de notre population.

En outre, dans la plupart des zones rurales, les commissions scolaires catholiques ont conclu des contrats de services avec les commissions scolaires protestantes pour y transférer leurs élèves anglophones. Cela peut paraître constituer en pratique une commission scolaire linguistique, mais, en fait, les parents de ces élèves sont privés de leurs droits à cause de ce transfert et ne peuvent donc pas participer au contrôle et à la gestion des écoles.

Nous pensons que, grâce à la création de commissions scolaires linguistiques et à la modification de l'article 93, on pourra corriger ces anomalies qui existent de longue date au Québec. Nous pensons que le regroupement des élèves qui va se faire entraînera une unification des ressources et la création de structures permettant une utilisation plus efficace de ces ressources. Nous pensons également que les structures ainsi créées permettront à la minorité catholique anglophone de former une communauté éducative mieux intégrée, ce qui lui permettra de présenter un point de vue unique sur des questions telles que le financement, les programmes d'études, la pédagogie, les rapports avec les cégeps et les universités et l'accès à l'école.

Je vais maintenant redonner la parole à Michael.

M. Michael Palumbo: Comme vous pouvez le déduire de l'exposé de M. Irving, l'APEC considère par-dessus tout que le statu quo—c'est-à-dire l'existence de commissions scolaires confessionnelles, est inacceptable, et, depuis 30 ans, nous avons appuyé toutes les tentatives de remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions linguistiques.

Deux objectifs nous ont incité à donner cet appui: le premier était de faire en sorte que la minorité anglophone de la province—l'ensemble de la minorité anglophone de la province— puisse assurer de façon effective le contrôle et la gestion de son système scolaire, et le deuxième était que la clientèle anglaise soit regroupée et unifiée dans un système commun. Nous voulons qu'il cesse d'y avoir deux écoles anglaises, chacune à moitié vide, en face l'une de l'autre dans la même rue.

Donc, si nous avons appuyé toutes les tentatives visant à remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions linguistiques, nous l'avons fait parce que nous jugions que c'était un progrès. Toutefois, nous avons en même temps reconnu que chacune de ces solutions était imparfaite.

• 1225

Dans notre mémoire, nous parlons des contorsions législatives et administratives nécessaires pour que la loi créant effectivement les commissions scolaires linguistiques respecte en même temps l'article 93. À notre avis, par le passé, ces contorsions législatives nous ont amenés à rendre nos objectifs moins ambitieux. Ils ont été remis en question—beaucoup dans certains cas et un petit peu dans d'autres. Chaque fois, cela s'est traduit par l'adoption d'un système compliqué: des chevauchements entre les commissions scolaires et des chevauchements et des conflits potentiels entre les niveaux décisionnels.

Le projet de loi 109 qui coexisterait avec l'article 93 prévoit des chevauchements entre les niveaux décisionnels et l'existence de comités confessionnels dans les villes de Montréal et de Québec; certaines questions importantes relevant de ces conseils, cela occasionnerait certainement des conflits avec le conseil des commissaires des commissions scolaires linguistiques de ces villes. Dans le reste de la province, le droit à la dissidence pourrait être exercé, si bien qu'il y aurait des chevauchements entre les commissions scolaires, c'est-à-dire une fragmentation des effectifs scolaires. Comme il y a 100 000 élèves qui fréquentent les écoles anglaises dans la province, je pars du postulat que cette minorité ne peut pas se permettre d'être fragmentée.

C'est dans ce contexte, et dans ce contexte seulement, que nous avons appuyé ce que nous appelons des systèmes imparfaits. Aujourd'hui, je pense que nous pouvons faire mieux. Nous avons la possibilité de modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 afin de faire mieux. Nous pensons qu'il faut le faire, et le faire rapidement, dans les délais prévus par le projet de loi 109. Nous pensons que cela permettra de constituer un système de commissions scolaires anglaises plus cohérent qui nous permettra d'atteindre les buts recherchés dans les meilleures conditions possibles. Nous ne devons rien faire qui puisse maintenant compromettre l'atteinte de ces objectifs.

La communauté anglophone doit pouvoir disposer d'un système d'écoles anglaises qu'elle contrôle et gère, un système qui regroupera vraiment tous les enfants étudiant en anglais à l'intérieur de ce système. C'est pour cette raison que l'APEC appuie la modification de l'article 93 visant à soustraire le Québec à l'application des paragraphes (1), (2), (3) et (4).

Avec le projet de loi 109, nous nous acheminons vers le remplacement des commissions scolaires confessionnelles par des commissions linguistiques. Le 1er juillet 1998, les commissions scolaires françaises et anglaises seront devenues réalité et commenceront à fonctionner. En modifiant l'article 93, nous avons la possibilité de libérer ces commissions scolaires de la lourde structure des comités confessionnels. Cette modification éliminera également la menace de fragmentation que représente l'exercice de la dissidence.

Nous recommandons donc au Parlement fédéral de coopérer avec l'Assemblée nationale du Québec pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 afin de soustraire le Québec à l'application des quatre alinéas dans les délais prévus par le projet de loi 109.

Merci.

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions. J'ai déjà huit personnes qui ont demandé à être entendues. Je vous demande d'être précis. Monsieur Kenney.

[Traduction]

M. Jason Kenney: Merci pour votre exposé.

Je n'ai pas entendu tout votre exposé oral, mais ayant lu votre mémoire, je ne trouve rien qui dise clairement si votre organisation est en faveur du maintien de l'accès à un enseignement religieux et à des écoles de nature confessionnelle comme le prévoit le projet de loi 109. Êtes-vous en faveur du maintien des droits à un enseignement confessionnel ou êtes-vous contre?

M. Michael Palumbo: Nous sommes pour. Nous sommes également satisfaits des dispositions contenues dans le projet de loi 107, qui sont reprises dans le projet de loi 109.

M. Jason Kenney: Ma question supplémentaire serait la suivante: si vous êtes en faveur des droits concernant les écoles confessionnelles, ne craignez-vous pas que, si on élimine l'article 93 de la Constitution, la Charte ne s'applique dans sa totalité au système éducatif du Québec? Cela menacera la continuation du financement public de l'enseignement religieux au Québec dans la mesure où la jurisprudence ontarienne indique que la Charte sera vraisemblablement utilisée pour essayer d'abroger les droits concernant les écoles confessionnelles. Ne craignez-vous pas que la protection légale offerte par les projets de loi 107 et 109 ne soit pas suffisante pour garantir ces droits? En bref, si vous êtes en faveur de ces droits, pourquoi seriez-vous en faveur de l'élimination de la seule garantie offerte par la Constitution à leur égard?

• 1230

M. Michael Palumbo: Premièrement, la garantie constitutionnelle dont nous parlons impose l'existence de commissions scolaires confessionnelles en plus de ces structures. Nous sommes en faveur de l'enseignement de la religion. Nous sommes en faveur du fait que des écoles soient reconnues comme protestantes ou catholiques si tel est le désir des parents. Nous ne sommes pas en faveur du maintien de la confessionnalité au niveau des commissions scolaires. Nous pensons que cela entraîne un éparpillement et une fragmentation et nous pensons qu'il faudrait éliminer cela.

En outre, actuellement, les statistiques disponibles montrent qu'une forte majorité des parents de la province souhaitent que la religion soit conservée au niveau de chaque école pour ce qui est de l'enseignement, des services de pastorale et de la reconnaissance de l'école comme catholique ou protestante. Vu cette majorité, nous sommes convaincus que ce droit n'est pas menacé.

M. Jason Kenney: Savez-vous si cette majorité sera encore là dans 50 ans pour continuer à assurer une protection politique à la place de ce qui est maintenant prévu par la Constitution?

M. Michael Palumbo: Je n'en sais rien.

M. Jason Kenney: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Kenney.

Sénateur Beaudoin.

[Français]

Le sénateur Gérald Beaudoin: Ma question sera très rapide. Vous dites être d'accord sur la résolution qui nous est proposée. Si j'ai bien compris, pour ce qui est de l'enseignement religieux dans les écoles, vous ne vous y opposez pas non plus; vous y êtes favorable.

[Traduction]

Vous y êtes favorable, me semble-t-il, mais vous comptez sur la solution législative et non pas sur un enchâssement dans la Constitution à la place de l'article 93. C'est ce que vous nous dites.

M. Michael Palumbo: Nous sommes cohérents; c'est ce que nous disons depuis des années.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: En d'autres termes, nous vivons en démocratie et si le Parlement ou une assemblée législative néglige un droit tel que celui de recevoir un enseignement dans une religion donnée, le gouvernement perdra les élections. C'est en cela que consiste la solution législative. Ce système existe dans de nombreux autres pays. La question qui se pose à nous est de savoir si nous acceptons ou non cette solution.

M. Michael Palumbo: Je ne pense qu'il faille nécessairement dire qu'on doit choisir une solution plutôt que l'autre. Je pense qu'il est juste de dire qu'actuellement, les anglophones du Québec se soucient avant tout de l'enseignement en anglais. Ils désirent avant tout que l'enseignement anglais dans la province reste solide, dynamique et ne soit pas menacé constamment de fragmentation et d'éclatement.

La concurrence entre des écoles anglaises gérées par des commissions scolaires protestantes et des écoles anglaises gérées par des commissions scolaires catholiques est malsaine. J'irais jusqu'à dire que les décisions pédagogiques prises au nom des élèves ne sont souvent pas les meilleures quand on a pour objectif d'attirer des élèves vers une école ou une commission scolaire plutôt que vers une autre. Une fois que tous les élèves seront réunis au sein du même système, nous pourrons décider comment nous voulons les éduquer.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Je comprends cela. Personne ne conteste la réorganisation linguistique.

M. Michael Palumbo: Je comprends cela, mais comme je l'ai déjà dit ailleurs, nous sommes en faveur de la création de commissions scolaires linguistiques partout. Nous ne souhaitons pas qu'il y ait des commissions scolaires linguistiques quelque part et des commissions scolaires confessionnelles à d'autres endroits.

• 1235

Vous avez entendu parler tout à l'heure de la possibilité d'avoir une commission scolaire dissidente dans l'ouest de Montréal. Ce serait une catastrophe.

Le sénateur Gérald A. Beaudoin: Merci.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur Beaudoin.

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: C'est un mémoire extrêmement rafraîchissant qui fait beaucoup de bien, en tout cas à ceux qui sont de ce côté-ci. Je dirais que le plus grand mérite de votre mémoire, c'est de faire ressortir clairement les retombées avantageuses pour la communauté anglophone.

Je crois qu'une des difficultés auxquelles fait face ce comité-ci au cours de ses travaux, c'est que des gens établissent des liens, qui ne sont pas toujours fondés dans le débat en cours, entre les droits confessionnels et les droits linguistiques. Vous nous dites que le grand mérite de la résolution proposée, si elle était adoptée, c'est qu'elle viendrait consolider le réseau scolaire de la communauté anglophone, qu'elle mettrait fin à une compétition malsaine entre deux réseaux et, qu'en somme, la communauté anglophone y gagnerait.

En fin de compte, c'est là l'objectif. On ne le dira jamais assez. L'objectif du législateur à l'Assemblée nationale, c'est de mettre fin à un système d'émiettement scolaire et d'améliorer, en vue de l'avenir, l'organisation des commissions scolaires en les structurant non pas sur une base confessionnelle mais sur une base linguistique.

J'espère donc que votre message sera entendu. Votre plus grand mérite sera sans doute de convaincre nos collègues non alignés, particulièrement celui que je ne veux pas nommer mais qui se trouve à coté de moi, que c'est vraiment la meilleure chose qui puisse arriver au Québec.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ménard.

[Traduction]

Sénateur Grafstein.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Nous attachons évidemment de l'importance au fait que les minorités du Québec soient, de façon générale, en faveur d'une résolution appuyée à l'unanimité par l'Assemblée législative.

Vous représentez plus de 3 000 enseignants de l'ensemble du Québec, je crois. À votre avis, y a-t-il eu une large discussion entre les parents et les enseignants qui vous a permis d'en arriver à une conclusion ou les enseignants ont-ils été seuls à se prononcer sans effectuer une large consultation auprès des parents?

M. Michael Palumbo: Il y a une coopération sur les questions de nature politique et autre parmi les dirigeants des comités de parents. Les représentants de la Fédération des comités de parents de la province de Québec qui sont venus ici au début de la semaine—nous collaborons certainement avec eux. Ils nous ont appelé pour nous demander un exemplaire de notre mémoire, et nous nous faisons constamment part de nos positions.

Au niveau de chaque école, les écoles sont des communautés—des communautés très serrées—et les enseignants et les parents sont constamment en contact les uns avec les autres. Bien sûr, ils discutent de cela à un niveau différent, mais lorsque les enseignants nous disent ce qu'ils pensent de quelque chose, c'est certainement en fonction des échanges qu'ils ont eus avec les parents. De même, lorsque les parents interviennent dans leur propre structure, ils sont vraisemblablement influencés par les échanges qu'ils ont eus avec les enseignants.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Quand vous dites que vous représentez 3 000 enseignants des écoles anglophones, pensez-vous pouvoir dire sans réserve à notre comité que vos conclusions représentent un large consensus au sein de vos membres?

M. Michael Palumbo: Je peux certainement parler au nom des enseignants que nous représentons. D'autre part, je dirais que nous assumons souvent un rôle de chef de file au sein de l'ensemble de la communauté catholique anglaise pour ce qui est des questions concernant la politique, les commissions scolaires linguistiques et les autres questions de ce genre. J'hésite donc à parler en leur nom, mais les dirigeants de ces groupes auront sûrement la possibilité de s'exprimer officiellement. Je pense que l'APEC a toujours contribué de façon déterminante à la formulation des politiques en ne parlant pas seulement, si vous voulez, au nom de nos seuls membres.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Si vous me le permettez, je rappellerai que les membres suivants ont demandé la parole: Mme Jennings, Mme Finestone, M. Bélanger, la sénatrice Lavoie-Roux, le sénateur Robichaud et M. Goldring. S'il vous était possible de vous en tenir à deux minutes, je vous en saurais gré. Je cède immédiatement la parole à Marlene Jennings.

Mme Marlene Jennings: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je tiens à vous remercier beaucoup pour votre exposé. J'ai lu le résumé de votre mémoire et vous ai écouté très attentivement et je trouve tous vos commentaires intéressants.

• 1240

Je pense aussi que je suis d'accord avec ce que j'ai entendu, mais j'aimerais savoir ce que vous répondriez aux catholiques dissidents qui veulent garder les commissions scolaires confessionnelles. Vous en avez parlé brièvement en disant que, pour vous, la solution proposée est la vraie solution, elle est positive et aura des effets positifs pour la communauté anglophone, mais vous n'êtes pas sans savoir que certains souhaitent encore qu'on conserve un système mixte. Ils disent que les commissions scolaires linguistiques ne leur posent pas de problème, mais qu'ils veulent conserver leurs droits à la dissidence et qu'il doit continuer d'y avoir des commissions scolaires religieuses. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Michael Palumbo: J'espère que je vais répondre à votre question, mais je le ferai en vous racontant une anecdote.

Mme Marlene Jennings: Je vous en prie.

M. Michael Palumbo: Il y a une quinzaine d'années, à une réunion où les parents, les enseignants et le grand public discutaient de l'intérêt des commissions scolaires linguistiques à cette époque—nous ne parlions pas de l'intérêt de modifier l'article 93; nous nous demandions encore si nous devions ou non avoir des commissions scolaires linguistiques—une mère a dit à l'assemblée: «je préférerais envoyer mes enfants dans une école catholique française que dans une école non catholique anglaise.» Je ne suis pas d'accord avec elle.

Mme Marlene Jennings: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): L'intervention suivante, Sheila Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.

Vous avez fait un exposé très intéressant. Je voudrais voir comment sera le système scolaire dans 25, 30 ou 40 ans, parce que ce n'est pas une modification qu'on apporte à la Constitution une fois pour toute. Ce qui est sérieusement en jeu, ce sont des droits et la responsabilité de l'éducation d'un enfant.

Vous êtes les enseignants; vous représentez des enseignants. En tant qu'anglophone, j'ai choisi de faire en sorte que mes enfants soient bien préparés pour le monde des affaires francophone à l'avenir. Je vais donc les envoyer dans une école d'immersion dans le cadre du système scolaire protestant actuel, et c'est exactement ce que j'ai fait.

J'ai maintenant des petits-enfants. Qu'advient-il des droits des petits-enfants, ou quelles sont les répercussions du fait que des anglophones choisissent d'envoyer leurs enfants dans des classes d'immersion en français offertes à l'intérieur du système scolaire anglais si bien que la première langue scolaire de leurs enfants—pas la première langue qu'ils parlent mentionnée à l'alinéa 23(1)a) mais la langue d'enseignement de l'alinéa 23(1)b)... Qu'adviendra-t-il du système scolaire anglais auquel vous êtes associés et que vous voulez très fortement protéger?

En tant que parent et que grand-parent, je veux faire en sorte que mes enfants ne soient pas assimilés. Cela n'exclut pas nécessairement l'intégration, mais veut dire qu'ils deviennent des membres actifs de la société et choisissent s'ils veulent y participer dans une culture strictement française ou dans une culture anglaise et française. Je crois qu'il ne faut pas penser seulement à demain. Si l'alinéa 23(1)a) n'entre pas en vigueur, que va-t-il se passer?

M. Michael Palumbo: Ma fille n'est pas catholique et elle fréquente des classes d'immersion dans une école catholique. Moi aussi, je m'inquiète au sujet de ce qui va se passer dans 20, 30 ou 50 ans. Si vous demandez si les droits linguistiques de la minorité doivent être renforcés—bien entendu. Je ne m'opposerai jamais à cela. Comment pourrais-je le faire? Ce dont nous parlons aujourd'hui est de savoir si ma fille, qui n'est pas catholique, peut fréquenter une église catholique. Quelle différence cela fait-il? Elle fréquente des classes d'immersion dans cette école parce que nous avons choisi les services qu'offre cette école.

L'hon. Sheila Finestone: Si je comprends bien, monsieur Palumbo, vous voulez dire que le droit qu'il faut garantir est celui qu'ont les parents de choisir l'établissement d'enseignement qu'ils croient être le meilleur. C'est le droit des parents à un choix pour l'éducation de leurs enfants et non pas l'imposition de la confession ou celle de la langue.

• 1245

M. Michael Palumbo: À notre avis, l'imposition de la confession au niveau de la commission scolaire fait double emploi et n'est pas nécessaire.

L'hon. Sheila Finestone: Nous parlons du parent et de l'enfant, du droit de l'enfant et du droit du parent à choisir la meilleure éducation et à veiller à ce que les deux options existent à l'avenir.

M. Michael Palumbo: Le projet de loi qui a été adopté par l'Assemblée nationale assure la possibilité de faire un tel choix dès maintenant.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous passerons ensuite à Mauril Bélanger.

[Français]

M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, je vais plutôt faire un commentaire et ce sera court.

[Traduction]

J'ai essayé d'aborder avec des témoins précédents la notion d'une préférence entre les droits, d'une hiérarchie des droits en quelque sorte. Les droits linguistiques sont-ils plus importants que le droit à un enseignement confessionnel, etc.? En lisant votre mémoire et en vous écoutant, j'ai certainement l'impression que vous semblez accorder une valeur plus importante à la capacité de la minorité anglophone du Québec à rassembler ce qu'elle possède et à assurer sa survie culturelle et, dans ce contexte, à avoir des droits confessionnels. Cette impression vous paraît-elle juste?

M. Michael Palumbo: Cela me paraît juste, et je pense que c'est conforme à la nature même de notre pays.

M. Mauril Bélanger: Merci.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénatrice Lavoie-Roux.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Merci.

Où enseignez-vous?

M. Michael Palumbo: Je n'enseigne pas actuellement, mais je suis un enseignant de la CECM.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: À la CECM.

M. Michael Palumbo: Oui, au secteur anglais.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Et vous aussi?

M. Donald Irving: Non, pas dans le moment. J'ai été enseignant à la CECM. Dans le moment, je suis rattaché à la commission scolaire Chomedy, de Laval.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Votre mémoire me surprend. Je suis d'accord avec vous parce que je sais depuis fort longtemps qu'au début, la division linguistique n'a pas été facile à accepter pour les anglo-catholiques. Mais actuellement, je pense que tout le monde s'est rendu à l'évidence que du point de vue de la consolidation des ressources, etc., c'était la meilleure chose qui pouvait se produire. Vous aviez vos petites divergences de vues internes, vous aussi, dans le secteur anglo-catholique.

Ce qui m'étonne un peu, c'est que vous soyez satisfaits des garanties qu'offre la Loi 109 quant au maintien des écoles confessionnelles. Vous savez qu'il y a un mouvement qui veut laïciser les écoles. Ce mouvement existe depuis longtemps. Qu'est-ce qui arrive quand, à un moment donné, on fait une petite modification à la Loi 109 et que toutes ces garanties partent à vau-l'eau? Cela ne vous préoccupe pas? Vous vous dites: abolissons l'article 93, soyons heureux et continuons à vivre.

M. Michael Palumbo: Je dirais que c'est un autre débat et qu'il est déjà amorcé. Un comité a été nommé pour étudier la situation. Des débats auront lieu sous peu, au cours desquels diverses opinions seront exposées.

Je vous ramènerais au cas des écoles anglaises situées en région, dans la province. Souvent, dans certaines agglomérations, il y a une école qui doit desservir toute la population. Cette école doit être, comme je dis en anglais, all things to all people. C'est déjà le cas. Le débat sur l'école laïque dans ces régions est déjà réglé, parce qu'il y a une école pour toute la communauté.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui, mais là vous parlez de Saint-Glin-Glin où la population atteint peut-être 6 000 ou 10 000. Quand on parle...

M. Michael Palumbo: J'espère qu'on ne veut pas dire que les droits accordés pour la ville de Montréal doivent être plus avantageux que ceux...

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Non, non, mais vous prenez l'exemple le plus isolé que vous pouvez trouver.

• 1250

Mais vous n'êtes pas inquiets. Alors, tant mieux.

M. Michael Palumbo: Nous l'avons dit dans notre mémoire, devant la commission parlementaire qui étudiait la Loi 107: nous ne sommes pas inquiets. Nous l'avons répété devant la commission parlementaire sur la Loi 109 et nous le répétons ici aujourd'hui.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous avez répondu à quelqu'un tout à l'heure que vous formiez une communauté de professeurs et de parents, que tout le monde se parle, etc. Êtes-vous prêt à me dire qu'on a discuté ouvertement de l'existence de l'article 93 et de son contenu, enfin peut-être pas de façon aussi précise que mon bon ami, le sénateur Beaudoin, le ferait? Est-ce qu'on a discuté de la signification de tout cela avec les parents?

M. Michael Palumbo: Ce n'est pas nous qui engageons le débat avec les parents.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Non, mais est-ce que les professeurs l'ont engagé avec les parents?

M. Michael Palumbo: Nous sommes venus ici aujourd'hui et nous pouvons affirmer sans nuance la position de notre organisme. Je refuse de m'engager dans des spéculations sur l'interprétation de la position et des écrits d'autres groupes.

La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Oui, mais vous nous avez dit tout à l'heure que vous n'étiez pas inquiets, parce que par l'entremise des professeurs qui ont des contacts avec des parents, vous saviez que ces derniers étaient d'accord. Mais connaissent-ils bien le contenu de l'article 93 et la signification de son abolition?

M. Michael Palumbo: J'ai cru comprendre que les représentants de la Fédération des comités de parents avaient déjà témoigné ici cette semaine.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Palumbo. Nous allons maintenant passer la parole, si vous le permettez, madame la sénatrice, au sénateur Fernand Robichaud.

Le sénateur Fernand Robichaud: Si j'ai bien compris ce que vous nous disiez, l'article 93, dans sa forme actuelle, vous impose des structures qui, dans bien des cas, ne sont pas à l'avantage de la qualité de l'enseignement que vous pourriez offrir à vos enfants. Ai-je bien compris?

M. Michael Palumbo: C'est cela. M. Irving a évoqué la situation des endroits où il y a une école par commission scolaire. Le soutien pédagogique pour les enseignantes et enseignants est non existant et le matériel pédagogique et les possibilités de se ressourcer n'existent pas, sûrement pas en anglais en tout cas. Donc, c'est la situation qui existe depuis 30 ans et qu'il faudrait changer.

Le sénateur Fernand Robichaud: Les enfants qui fréquentent ces écoles-là sont privés en fait d'une qualité d'enseignement qu'ils pourraient trouver ailleurs.

M. Michal Palumbo: Sûrement.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): La dernière intervention est celle de M. Peter Goldring.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup pour votre exposé.

Vous avez expliqué que vous étiez contre les commissions scolaires confessionnelles mais en faveur des écoles confessionnelles. Cela étant, je me demande pourquoi nous voulons tellement jeter le bébé avec l'eau du bain, pour ainsi dire. Nous avons le paragraphe 93(3), qui prévoit une possibilité d'appel, et le paragraphe 93(4), qui prévoit une procédure de redressement. Ne serait-il pas plus sage de modifier l'article 93 en supprimant la référence aux commissions scolaires mais en laissant la mention des écoles confessionnelles et en y apportant peut-être d'autres améliorations? En d'autres termes, nous améliorerions l'article 93 au lieu de l'abroger à tout jamais.

M. Michael Palumbo: Une réforme complète de la Constitution est pratiquement irréalisable dans notre pays. Depuis des années, nous appuyons des systèmes que je qualifie d'imparfaits parce que l'opinion majoritaire était que l'article 93 ne pouvait pas être modifié ou que, s'il pouvait l'être, cela ne pourrait se faire qu'au prix d'une procédure très longue. Aujourd'hui, les experts en la matière, devant lesquels je m'incline, nous disent qu'on peut modifier l'article 93. S'il peut être modifié d'une façon qui ne nous impose pas des systèmes que j'ai qualifiés d'imparfaits, je ne m'y opposerai pas.

• 1255

Nous sommes depuis longtemps en faveur de toutes les solutions qui permettraient de regrouper les élèves et d'assurer le contrôle et la gestion des écoles. Offrez-nous cette garantie et nous serons également en faveur de cela.

M. Peter Goldring: J'ai une question supplémentaire. Si l'article 93 est abrogé, il n'y aurait plus que le document de 1982 pour protéger les droits du Québec au niveau national. Que répondez-vous aux préoccupations très réelles relatives au fait que le gouvernement du Québec fait référence à la Constitution de 1982 mais refuse de la reconnaître? Qu'en est-il alors des droits nationaux?

M. Michael Palumbo: Les contradictions que vous signalez, si je peux les désigner ainsi, sont réelles. J'irais jusqu'à dire que nous nous sommes expressément abstenus de dire que nous appuyons la demande de l'Assemblée nationale parce que nous nous objectons à certaines formulations contenues dans les attendus. Nous pensons cependant qu'il faudrait modifier l'article 93.

M. Peter Goldring: Le modifier, pas l'abroger.

M. Michael Palumbo: Le modifier pour que les paragraphes (1), (2), (3) et (4) ne s'appliquent pas.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Palumbo.

[Français]

Merci beaucoup, monsieur Palumbo et monsieur Irving, pour cette présentation faite au nom de l'Association provinciale des enseignants catholiques. Au nom des membres du comité, encore une fois, merci. Nous allons reprendre les audiences cet après-midi à 15 h 30. Avant de terminer, cependant, j'aimerais laisser parler Mme Sheila Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur le président, je me demande s'il serait possible de demander aux recherchistes ou au personnel qui est à votre disposition de faire la liste des intervenants qui ont comparu, de dire quels points de vue ils ont présentés et d'en faire un petit résumé. Si nous savons quels points de vue ils ont présentés, cela facilitera beaucoup les choses. Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Denis Paradis): C'est une bonne observation. Nous le ferons.

La séance est levée jusqu'à 15 h 30 cet après-midi.