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SJQS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE TO AMEND SECTION 93 OF THE CONSTITUTION ACT, 1867 CONCERNING THE QUEBEC SCHOOL SYSTEM

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL POUR MODIFIER L'ARTICLE 93 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867 CONCERNANT LE SYSTÈME SCOLAIRE AU QUÉBEC

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 octobre 1997

• 1530

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.)): Nous reprenons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre des communes et du Sénat.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants du gouvernement du Québec, M. Jacques Brassard, ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et ministre des Transports, et Mme Pauline Marois, ministre de l'Éducation et ministre de la Famille et de l'Enfance.

Je suis heureux de constater que deux ministres du gouvernement du Québec sont ici aujourd'hui pour soutenir les travaux du Parlement dans ce processus d'amendement constitutionnel. Merci d'avoir accepté de participer à cet exercice de démocratie.

Je ne crois pas me tromper en vous disant que votre présence ici est appréciée par tous les membres de notre comité de toutes les formations politiques. Je cède immédiatement la parole à la coprésidente, l'honorable Lucie Pépin.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.)): Madame la ministre Marois, monsieur le ministre Brassard, nous vous souhaitons la bienvenue.

Comme vous le savez, c'est à notre comité spécial mixte qu'on a confié la responsabilité d'étudier la résolution proposée par l'Assemblée nationale du Québec, qui a pour but la modification de l'article 93 de la Constitution de 1867. C'est avec plaisir que nous vous invitons à nous aider dans l'étude de cette résolution et à élaborer sur cette importante question.

Les membres de notre comité s'adresseront à vous dans les deux langues officielles, le français ou l'anglais. Bienvenue à vous et bonne présentation.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Pour ce qui est de la procédure, vous aurez chacun 10 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, nous passerons à une période de questions de la part des membres du comité.

Allez-y, monsieur Brassard. On vous écoute.

M. Jacques Brassard (ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, gouvernement du Québec): Madame la présidente, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens d'abord à souligner que c'est à titre exceptionnel que le gouvernement du Québec se présente aujourd'hui devant votre comité. Compte tenu de l'enjeu pour le Québec et pour le monde de l'éducation, il lui paraissait important de venir rétablir certains faits et préciser la nature de la modification constitutionnelle sollicitée par le Québec et ses effets pour le monde de l'éducation.

• 1535

Le Québec a entrepris une importante réforme de son système scolaire dont un des éléments centraux est la mise en place de commissions scolaires linguistiques. La mise en place de telles commissions scolaires fait l'objet de discussions au Québec depuis les années 1960. On a tenté, à plusieurs reprises, de procéder à ces changements dans le cadre des paramètres fixés par l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Ces vaines tentatives ont mis en lumière les problèmes de superposition et d'enchevêtrement de structures administratives découlant de l'application de cet article 93.

Ces tentatives ont aussi démontré qu'une modification constitutionnelle était nécessaire pour permettre au Québec de se doter d'un système scolaire adapté aux besoins de la société québécoise et pour faire en sorte que les structures administratives que constituent les commissions scolaires soient complètement déconfessionnalisées et reposent désormais sur une base linguistique. À cette fin, au début de la présente année, le gouvernement du Québec a annoncé son intention d'amorcer une démarche bilatérale de modification constitutionnelle dont le but vise à soustraire le Québec à l'application des paragraphes (1) à (4) de l'article 93.

Au cours de l'année 1996, plusieurs ouvertures avaient été faites par le gouvernement fédéral quant à la possibilité de traiter de façon rapide et sur une base bilatérale une demande québécoise de modification de l'article 93. Prenant acte de ces ouvertures, le gouvernement du Québec a donc engagé des discussions exploratoires avec le ministre Stéphane Dion en précisant d'emblée qu'elles ne constituaient pas une reconnaissance par le gouvernement du Québec de la Loi constitutionnelle de 1982 et qu'elles se limiteraient à la question de l'article 93, sans possibilité d'élargissement à tout autre objet constitutionnel.

Au cours d'une première rencontre en février 1997, le ministre Dion, en présence d'une représentante du ministère fédéral de la Justice, a clairement confirmé la possibilité de modifier l'article 93 de façon bilatérale par les résolutions respectives de l'Assemblée nationale et du Parlement fédéral.

Lors de la deuxième rencontre en mars, M. Dion a indiqué que le libellé du projet de résolution proposé par le gouvernement du Québec était acceptable pour le gouvernement fédéral. Il demandait au Québec de soumettre la résolution pour débat et adoption à l'Assemblée nationale afin de permettre ensuite au Parlement fédéral d'agir dans le même sens. Le 3 avril 1997, le premier ministre fédéral, M. Chrétien, a confirmé la position de son gouvernement sur le caractère bilatéral de la démarche dans une lettre au premier ministre du Québec, M. Bouchard. Il s'est également engagé à agir avec célérité dans le dossier.

L'Assemblée nationale a autorisé, le 15 avril dernier, par une résolution unanime, une modification constitutionnelle qui permettrait de soustraire le Québec à l'application des paragraphes (1) à (4) de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Le préambule de cette résolution précise notamment que la modification ne constitue en aucune façon une reconnaissance par l'Assemblée nationale de la Loi constitutionnelle de 1982 et rappelle les engagements fédéraux de donner suite rapidement à une telle modification de façon bilatérale.

En septembre dernier, dans le cadre d'une troisième rencontre avec M. Dion sur le même sujet, le ministre fédéral des Affaires intergouvernementales reconnaissait l'existence d'un consensus québécois à l'égard de la résolution constitutionnelle adoptée par une Assemblée nationale unanime et s'engageait, au nom du gouvernement fédéral, à tout mettre en oeuvre pour faire adopter des résolutions similaires par le Parlement fédéral avant l'ajournement des fêtes.

La modification constitutionnelle autorisée par l'Assemblée nationale ne vise que l'application au Québec des droits et privilèges de nature confessionnelle prévus par l'article 93. Le ministre Stéphane Dion, pour sa part, avait d'ailleurs déclaré, en juin 1996, que son gouvernement ne tenterait pas de troquer la modification constitutionnelle contre autre chose ou, pour employer ses termes, de faire le «marchand de tapis».

En terminant, je voudrais rappeler ici que les gouvernements du Québec ont toujours fait preuve d'une grande ouverture et d'un respect exemplaire envers les droits de la communauté anglophone, composante importante du peuple québécois.

Je laisse maintenant la parole à ma collègue, la ministre de l'Éducation du Québec, pour qu'elle vous explique le contexte que constitue la réforme du système scolaire québécois et la nécessité de la modification constitutionnelle autorisée par l'Assemblée nationale du Québec.

• 1540

Mme Pauline Marois (ministre de l'Éducation, gouvernement du Québec): Madame la présidente, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, une demande d'amendement constitutionnel, comme une comparution devant un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat, constitue pour le Québec une attitude exceptionnelle.

Après avoir tenté une ultime fois, au printemps 1996, d'entreprendre une réforme de l'éducation et une reconfiguration du réseau des commissions scolaires dans le cadre constitutionnel actuel, nous nous sommes rendus à l'évidence, comme tous les gouvernement qui l'ont tenté depuis 30 ans au Québec, de l'impossibilité de mener à terme une telle réforme sans un amendement constitutionnel à l'article 93 de la Loi de 1987.

Ayant acquis cette conviction, nous avons respecté la procédure d'amendement constitutionnel prévue. L'Assemblée nationale a alors non seulement voté une résolution constitutionnelle, mais elle l'a votée à l'unanimité.

Le débat sur cette résolution, et mes collègues de l'opposition officielle pourront le confirmer, a été un débat difficile entre les partis, difficile au sein des caucus, mais fructueux. Notre Assemblée nationale représente bien à ce titre toutes les composantes et les tendances de la société québécoise et elle s'est prononcée de façon unanime sur cette question fondamentale.

Depuis le rapport de la Commission Parent, au milieu des années 1960, de façon régulière et constante, tous les gouvernements ont tenté d'implanter des commissions scolaires sur une base linguistique plutôt que confessionnelle. Chacun de ces projets a fait l'objet de larges consultations. Au cours des seules cinq dernières années, le groupes les plus directement engagés dans ce débat ont pu à cinq reprises se faire entendre: d'abord dans le cadre des travaux de la Commission Kenniff, lors des auditions de la Commission des états généraux sur l'éducation, lors des consultations que j'ai menées personnellement aux mois de mai et juin 1996, lors des auditions de la Commission parlementaire de l'éducation sur le projet de loi 109 ou encore, le mois dernier, lors de l'étude en commission parlementaire de l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'instruction publique du Québec.

En outre, lors des deux dernières consultations, les groupes qui se sont présentés en commission parlementaire ont pu débattre de l'implantation des commissions scolaires linguistiques dans la perspective où la Loi constitutionnelle de 1867 serait modifiée de façon à soustraire le Québec des paragraphes (1) à (4) de l'article 93, conformément à la résolution adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 15 avril 1997. Il est donc aberrant d'entendre certaines personnes prétendre que les parlementaires de l'Assemblée nationale, qui ont adopté à l'unanimité le projet de loi 109 sur l'implantation des commissions scolaires linguistiques, auraient voté sans avoir entendu des groupes qui le souhaitaient. D'ailleurs, plus de la moitié des groupes qui participent à vos propres audiences, à votre comité mixte, s'étaient déjà présentés à la Commission parlementaire sur la Loi 109 au mois de juin dernier.

Je vous invite à reprendre le texte de la résolution constitutionnelle du Québec, car les considérants qui précèdent le texte de la modification expliquent bien les motifs et le cadre dans lesquels l'Assemblée nationale a voté cette résolution.

Le premier considérant énonce que le gouvernement entend mettre en place, dans les meilleurs délais, les commissions scolaires linguistiques. À ce sujet, il me faut vous rappeler qu'il y a urgence à ce que nous obtenions cet amendement constitutionnel. Vous avez été à même d'en comprendre les motifs par les témoignages que vous ont livrés la Fédération des commissions scolaires du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec et la Fédération des comités de parents, qui sont venues vous expliquer, elles qui vivent quotidiennement l'éducation, la nécessité de l'obtention dans les meilleurs délais de l'amendement requis par le Québec. À défaut d'un tel amendement avant la fin de cette année, le Québec sera confronté à un enchevêtrement et une superposition de structures au sein du monde scolaire que notre société ne peut plus se permettre.

• 1545

Tel que le précisait la Fédération des commissions scolaires du Québec, et je cite leur mémoire:

    ...la superposition de structures linguistiques et confessionnelles rendraient extrêmement complexes et lourdes les activités annuelles relatives à l'admission des élèves, à l'affectation des personnels, à la répartition des ressources, à l'établissement des liste électorales et au partage de l'assiette fiscale.

Le deuxième considérant de la résolution, auquel l'opposition officielle a grandement contribué, fait état du fait que l'Assemblée nationale réaffirme les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise. Bien que l'article 93, et plusieurs groupes sont venus le dire ici, protège des droits confessionnels et non des droits linguistiques, l'Assemblée nationale était tout de même consciente de la nécessité de rassurer la minorité anglophone du Québec quant à la gestion de son réseau scolaire.

D'ailleurs, depuis toujours, l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec ont reconnu l'importance d'accorder à la communauté anglophone le droit de gérer et de contrôler ses établissements scolaires.

En ce sens, l'Assemblée nationale a voté unanimement, en juin 1997, la Loi 109 qui notamment consolide le réseau scolaire anglophone. La communauté anglophone du Québec, comme on vous l'a rappelé ici même, dispose d'un réseau scolaire complet, de la maternelle à l'université.

Le troisième considérant énonce qu'il est souhaitable pour le Québec de récupérer sa pleine capacité d'action en matière d'éducation. Il est plus que temps de mettre un terme aux vaines tentatives menées depuis 30 ans par tant de ministres québécois de l'Éducation pour déconfessionnaliser les structures de gestion scolaire, et de mettre un terme aux procédures judiciaires interminables et coûteuses qui ont monopolisé tant d'énergie du monde de l'éducation.

Faut-il rappeler que la Loi 107, adoptée en 1988 par le gouvernement qui nous a précédés, a été examinée par les tribunaux jusqu'en 1993, pour ensuite être soumise au groupe Kenniff qui devait imaginer comment en simplifier l'application en respectant les contraintes de l'article 93.

Les milieux scolaires du Québec ont toujours dénoncé les superpositions et multiplications de structures auxquelles l'article 93 nous contraint.

Comme le rappelait d'ailleurs la Fédération des comités de parents, et je cite:

    Dès que les premiers jalons de la réforme ont été connus les parents des commissions scolaires de Montréal et de Québec nous ont sensibilisés à leur réalité: la multiplication et la superposition des commissions scolaires à Montréal et à Québec ne leur convenaient aucunement.

La réforme entreprise en matière d'éducation au Québec est majeure. Le Québec, plus que jamais, a besoin de sa pleine compétence en cette matière. Nous diminuons substantiellement le nombre de commissions scolaires, comme l'avait d'ailleurs aussi proposé à l'unanimité la Commission parlementaire de l'éducation. Nous transformons le réseau sur une base linguistique plutôt que confessionnelle, plus conforme d'ailleurs, croyons-nous, à la réalité sociologique québécoise. Nous redéfinissons les pouvoirs des commissions scolaires et des écoles. Nous repensons les régimes pédagogiques en profondeur.

L'Assemblée nationale est unanime. L'avenir de l'éducation au Québec, quel que soit le gouvernement en place, nécessite d'être libéré du carcan de l'article 93.

Le quatrième considérant de notre résolution énonce qu'une telle modification ne constitue en aucune façon une reconnaissance par l'Assemblée nationale de la Loi constitutionnelle de 1982, qui fut adoptée sans son consentement.

Cette position a été défendue par tous les gouvernements québécois depuis 1982. Nous requérons pour le Québec un amendement qui vise à nous soustraire d'une disposition désuète de la Constitution de 1867 qui ne correspond plus à la société pluraliste qu'est le Québec d'aujourd'hui.

Il ne faut pas confondre droits confessionnels et droits linguistiques.

Nous avons au Québec une minorité linguistique. Par le projet de loi 109, nous lui assurons l'exercice concret de son droit de gestion de son réseau scolaire.

Il reste maintenant au Québec à aménager la place de la religion à l'école pour tenir compte du pluralisme de la société québécoise.

Ce débat se fera dans des conditions éminemment démocratiques. Encore une fois, le modèle québécois de concertation nous permettra d'atteindre le consensus le plus large possible sur cette importante question. À cette fin, un groupe de travail, sous la présidence de M. Jean-Pierre Proulx, est déjà à l'oeuvre et son rapport est attendu pour l'automne 1998. Ce rapport sera déposé à l'Assemblée nationale et transmis à la Commission parlementaire de l'éducation qui entendra les groupes que la question intéresse.

• 1550

D'ici là, la situation actuelle en matière de confessionnalité au Québec est maintenue, comme je le disais d'ailleurs le 26 mars dernier, à l'Assemblée nationale, dans une déclaration ministérielle portant sur la gestion de la diversité des attentes religieuses à l'école publique.

Les dispositions confessionnelles actuelles contenues dans la Loi sur l'instruction publique, on le sait, garantissent entre autres le choix entre l'enseignement religieux, catholique ou protestant, et l'enseignement moral, ainsi que le droit à des services en animation pastorale ou religieuse, et obligent les écoles reconnues comme catholiques ou protestantes à respecter la réglementation des comités confessionnels du Conseil supérieur de l'éducation, en vertu des pouvoirs dévolus à ces comités. Dans cet esprit, afin de m'assurer que les commissions scolaires respectent ces engagements, j'ai écrit, le 28 août dernier, aux présidentes et présidents des commissions scolaires. Je les ai invités à faire en sorte d'éviter le plus possible les perturbations qui pourraient affecter les élèves et les familles au moment de la réorganisation de notre système scolaire, qu'il s'agisse de la répartition des élèves dans les écoles, du respect des projets éducatifs en place ou du maintien du statut confessionnel catholique ou protestant des écoles.

Enfin, le dernier considérant a été largement abordé par mon collègue et je n'ajouterai point de commentaire.

Je termine, monsieur le président, madame la présidente. Les votes unanimes de notre Assemblée nationale sur la résolution constitutionnelle et sur la Loi 109 traduisent l'important consensus de la société québécoise, notamment des milieux de l'éducation, sur la nécessité d'obtenir cet amendement constitutionnel. Consensus ne signifie pas unanimité dans une société démocratique. Nous espérons donc que le Parlement fédéral, au terme d'un débat sur cette importante question, saura donner suite, comme les parlementaires québécois, au large consensus québécois en adoptant à son tour une résolution constitutionnelle le traduisant.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, madame la ministre Marois. Merci, monsieur le ministre Brassard.

Nous allons entreprendre une période de questions. Pour la gouverne de mes collègues, il y a déjà 12 personnes qui ont demandé à poser des questions et j'aimerais qu'on puisse se limiter, comme on en avait déjà convenu, à environ deux minutes par intervention.

Madame Val Meredith.

[Traduction]

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu vous joindre à nous ce matin pour cette discussion très importante.

Je ne doute aucunement que le gouvernement québécois agit au nom des Québécois en cherchant à faire entrer le système scolaire dans le XXIe siècle. Je crois que les Canadiens sont d'accord pour dire que la Constitution est un document vivant qui doit évoluer au fur et à mesure qu'évolue la société afin de refléter le Canada du XXIe siècle. Je ne mets pas en doute le fait qu'on appuie la création de commissions scolaires linguistiques au Québec. C'est ce qui semble ressortir de tous les témoignages que nous avons entendus.

Il n'est toutefois pas clair que les Québécois acceptent de renoncer à la protection des droits confessionnels qui est prévue dans la Charte, dans la Constitution. Je trouve qu'on ne nous a pas vraiment donné de preuve empirique pour nous montrer que le public comprend qu'il renonce à la protection de l'enseignement religieux dans les écoles. Finalement, ce que je vous demande, c'est de nous donner l'assurance que les Québécois comprennent qu'ils renoncent à la protection du droit à l'enseignement religieux dans les écoles en faveur de la création de commissions scolaires linguistiques.

Pouvez-vous nous donner quelque assurance que les Québécois comprennent bien ce à quoi on leur demande de renoncer afin que puissent être créées des commissions scolaires linguistiques?

[Français]

Mme Pauline Marois: Je vais tenter de répondre à votre question, madame.

Les Québécois ne renoncent pas à l'enseignement religieux à l'école, et c'est cela qu'il faut préciser très clairement entre nous.

C'est la Loi sur l'instruction publique qui vient garantir cet enseignement religieux, la loi québécoise, et nous avons dans cette loi une série d'articles qui prévoient comment cela doit se faire. Il y a même, dans notre loi et notre règlement pédagogique, le nombre d'heures qui est prévu pour l'enseignement religieux. Ce sont probablement les seules heures qui sont obligatoirement réservées à un enseignement spécifique à l'école; pour toutes les autres matières, il n'y a pas d'heures spécifiquement réservée. Nous sommes en train d'aménager tout cela, mais nous ne touchons absolument pas à cette question.

• 1555

Par ailleurs, quand vous avez entendu la Fédération des comités de parents, vous avez pu constater que cette fédération avait quand même consulté ses comités de parents. Entre autres, les comités de la région de Montréal ont très manifestement et très clairement approuvé le point de vue qu'a défendu ici la Fédération, sachant qu'a contrario, si on conservait l'article 93 tel qu'il est, cela aurait pour conséquence de créer un effet de superposition.

Quant à la consultation plus générale, quand, depuis 30 ans, on discute d'une telle question, quand même l'Assemblée des évêques dit ne pas avoir d'objection à ce que nous proposons, j'imagine que cela doit quand même être porteur de ce que les membres de leurs communautés souhaitent aussi.

À cet égard, toutes les commissions parlementaires que nous avons tenues, à l'exception de commissions où on a procédé par invitation, ont toujours été ouvertes à toutes les personnes qui souhaitaient y venir. Celles-ci ont à chaque fois eu la possibilité de s'exprimer.

Or, les groupes représentant le plus grand nombre de personnes à cet égard, parce que quand on est enseignant, on est aussi parfois parent, ont signifié leur appui à la modification qui est ici.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Lynch-Staunton, vous avez la parole.

Le sénateur John Lynch-Staunton (Grandville, PC): Merci d'être des nôtres et d'avoir accepté notre invitation. Il est important que ceux qui sont responsables de la question dont nous sommes saisis puissent préciser certaines questions qui demeurent toujours, quant à moi, sans réponse.

J'aurais deux questions d'ordre général. Vous avez tous les deux souligné que l'Assemblée nationale, à l'unanimité, ne reconnaissait pas l'Acte constitutionnel de 1982. Je ne veux pas ouvrir un débat là-dessus, mais le considérant de votre résolution n'apparaît pas dans les considérants de la résolution qui est devant nous.

Je ne sais pas si on vous a montré les deux textes, mais je trouve étrange que nous ne soyons pas saisis de tous les considérants que l'Assemblée a adoptés à l'unanimité. D'ailleurs, ce qui est devant nous est, dirais-je, une contradiction ou l'opposé, parce que l'un des considérants de la résolution qui est devant nous dit bien, en faisant allusion à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, que cet article garantit aux citoyens de partout au Canada des droits à l'enseignement dans la langue de la minorité et des établissements d'enseignement que les minorités linguistiques gèrent et contrôlent et qui sont financés par les fonds publics.

La Charte fait partie, comme vous le savez, de la Loi constitutionnelle de 1982. Votre demande vous fait participer à un exercice d'amendement d'une constitution que l'Assemblée nationale n'accepte pas.

Cela dit, je ne veux pas ouvrir le débat sur l'acceptation ou non de la Constitution, mais je trouve qu'il y a là une contradiction qui, quant à moi, est pour le moins bizarre.

La Charte fait partie intégrante de la Loi constitutionnelle de 1982, que l'Assemblée nationale ne reconnaît pas. Une fois le Québec exempté de l'article 93, la Charte dans son entier, si on l'accepte, deviendrait applicable, ce qui n'est pas le cas actuellement, en vertu de deux jugements de la Cour d'appel de l'Ontario, et cela mènerait peut-être à l'élimination de la confessionnalité dans les écoles publiques.

Aujourd'hui, on ne parle que de la confessionnalité. On ne parle pas de changements qui affecteraient les droits linguistiques; on parle de droits donnés, qui ont été confirmés en 1982 en ce qui a trait à deux confessions religieuses.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Lynch-Staunton, une question, s'il vous plaît.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Monsieur le président, donnez-moi deux minutes. J'ai fait exprès pour mettre le tout par écrit.

Actuellement, l'Assemblée nationale a invoqué la clause dérogatoire pour se tenir à l'abri de la Charte. Lors de son renouvellement, la dernière fois, le Parti québécois n'a pas voté en faveur de la clause dérogatoire.

• 1600

J'aurais donc deux questions. Premièrement, le gouvernement du Québec, qui ne reconnaît pas la Loi constitutionnelle de 1982, accepte-t-il quand même que la Charte canadienne s'applique au Québec comme ailleurs au Canada et, si oui, lors du prochain débat sur le renouvellement de la clause dérogatoire, le Parti québécois maintiendra-t-il la même position, compte tenu qu'il ne reconnaît pas la Charte comme s'appliquant au Québec?

Ma deuxième question touche la question de la religion dans les écoles. Nombreux sont les intervenants qui nous ont dit qu'une fois l'article 93 inapplicable au Québec, la confessionnalité dans les écoles linguistiques devrait être étendue à toutes les religions. Ce sont des propos qui ont été tenus par de nombreux intervenants.

D'un autre côté, certains plaident que dans la société pluraliste dans laquelle nous vivons actuellement, surtout à Montréal, ce n'est plus le rôle de l'État que de voir, avec des fonds publics, à l'éducation religieuse, cette responsabilité étant plutôt celle des parents et des autorités religieuses en-dehors de l'école publique.

Premièrement, où se situe le gouvernement du Québec quant à l'application de la Charte canadienne des droits et libertés et, deuxièmement, quelle est sa politique ou sa position, à court et à long terme, quant à la place de la religion dans l'école publique?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Brassard.

M. Jacques Brassard: Il ne faut pas confondre assujettissement et adhésion ou consentement. La Loi constitutionnelle de 1982, pour le Québec, et pas uniquement pour le gouvernement dont je fais partie, mais pour le gouvernement qui nous a précédés aussi, nous a été imposée sans notre consentement et, depuis 1982, aucun gouvernement du Québec, quelle qu'ait été son allégeance, n'a donné son aval ou son adhésion à cette loi de 1982.

Mais il est clair et évident qu'elle s'applique. Le Québec est assujetti à la Constitution de 1982. Cependant, le Québec, comme gouvernement, comme État, depuis 1982, n'a jamais donné son adhésion à cette Loi constitutionnelle. Je vous rappelle les raisons.

En 1982, l'Assemblée nationale a jugé que cette loi réduisait les compétences et les pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière d'éducation et de langue, et c'est pour ce principal motif qu'aucun gouvernement, que ce soit un gouvernement du Parti québécois ou un gouvernement libéral, n'a donné son aval à la Loi constitutionnelle. Mais elle s'applique.

D'ailleurs, vous faisiez allusion à la clause dérogatoire qu'on retrouve dans la Charte, qui fait partie de la Loi constitutionnelle de 1982. Eh bien, c'est une disposition qui a été utilisée et par le gouvernement de M. Lévesque et par le gouvernement de M. Bourassa. Son utilisation, encore une fois, ne doit pas être interprétée comme un consentement à cette loi. Je vous rappelle que M. Bourassa a fait des efforts, et c'est toute l'histoire de la saga de l'Accord du lac Meech, pour qu'on corrige la Constitution. Son intention était qu'on la corrige de façon à ce qu'il puisse lui donner son consentement, son adhésion.

Pour ce qui est de l'enseignement religieux, vous ouvrez un débat qui doit avoir lieu. C'est vrai qu'en 1999, il faudra refaire un débat à l'Assemblée nationale. Vous pouvez être assuré que ce sera un débat démocratique et que tous les groupes et intervenants de la société québécoise vont être conviés à y participer. Ce sera un débat majeur où on devra répondre à la question: est-ce qu'on utilise de nouveau la clause dérogatoire, ou est-ce qu'on la suspend, ou est-ce qu'on cesse d'y recourir?

Pour le moment, je pense qu'il est trop tôt pour y répondre. On fera à ce moment-là le débat sur la place de l'enseignement religieux également. Si on se conforme aux chartes, pas seulement la Charte canadienne mais aussi la Charte québécoise, l'enseignement religieux est un droit, mais pour toutes les confessions. C'est pour cette raison que M. Ryan, ministre de l'Éducation à l'époque, a introduit la clause dérogatoire dans la Loi sur l'instruction publique. C'était pour limiter l'enseignement religieux à deux confessions, pour des raisons historiques que tout le monde comprend.

Donc, ce débat-là aussi devra être refait à ce moment-là.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Maintenez-vous toujours...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vais permettre une seule question par parlementaire, de façon à ce qu'on puisse arriver au bout. Madame Marois, voulez-vous compléter?

• 1605

Mme Pauline Marois: Nous avons une position très formelle comme gouvernement. Je l'ai d'ailleurs énoncée par une déclaration ministérielle à l'Assemblée nationale en mars dernier, le 26 mars exactement. Très clairement, nous prenons un engagement. On dit quelle sera désormais la structure des commissions scolaires, c'est-à-dire sans référence confessionnelle, et cela fait consensus.

Comme deuxième aménagement, afin de favoriser une mise en place harmonieuse des commissions scolaires linguistiques, nous maintiendrons le statut confessionnel actuel, catholique ou protestant, des écoles. Toutefois, deux ans après l'implantation, les écoles seront appelées à réviser, après consultation des parents, la signification et la pertinence de leur statut confessionnel afin de le confirmer ou de l'infirmer, comme c'est d'ailleurs prévu dans la Loi sur l'instruction publique. Nous maintenons le libre choix, cela va de soi, quant à l'enseignement protestant ou catholique ou à l'enseignement moral.

Enfin, pour nous assurer que ce débat soit fait démocratiquement, avec tout l'éclairage souhaitable et nécessaire, nous avons confié un mandat au groupe de travail auquel je faisais allusion dans mon intervention; il est sous la présidence de M. Proulx qui a à cet égard une grande crédibilité, de même que les membres du comité qui vont l'accompagner. Le rapport de ce groupe me sera remis, comme ministre de l'Éducation et il sera déposé à la commission parlementaire de l'Assemblée nationale pour être débattu et pour ouvrir, s'il y a lieu, des auditions de groupes qui viendraient prendre position sur les recommandations que pourrait nous faire le groupe. Cela éclairera très largement le débat, je crois.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Marois. Le prochain intervenant sera M. Réal Ménard.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): J'aurais deux courtes questions. Bonjour et salut à vos collaborateurs et collaboratrices.

Si jamais le gouvernement fédéral—c'est un scénario qu'on n'envisage pas à ce moment-ci—n'accueille pas favorablement la résolution qui a été déposée par l'Assemblée nationale, qu'est-ce que cela voudra dire concrètement pour les enfants, pour la fréquentation scolaire, madame Marois? Quelle est exactement l'ampleur et la nature de l'urgence? Pourquoi tous les parlementaires doivent-ils être conviés au rendez-vous du dépôt du 7 novembre prochain et pourquoi est-ce important que ce soit adopté avant le congé de la Nativité?

Mme Pauline Marois: Avant le congé de la Nativité.

M. Réal Ménard: Je me suis préparé un peu.

Mme Pauline Marois: Vous avez entendu des témoignages très éloquents sur cette question de la part de la Fédération des comités de parents et de la Fédération des commissions scolaires. J'ai relu très attentivement ce qu'ils ont dit lors de leurs témoignages, et c'est tout à fait conforme à ce qui risque de se passer.

Il faut savoir que la loi que nous avons adoptée, la Loi 109, prévoit l'implantation de commissions scolaires linguistiques, et nous procédons. Comme nous faisons une redéfinition en profondeur du rôle des commissions scolaires et des territoires qu'elles couvriront désormais, nous croyions qu'il était pertinent de procéder immédiatement à la mise en place des commissions scolaires linguistiques.

Cependant, à cause de l'article 93, évidemment, en dehors des villes de Montréal et de Québec, nous devrons ouvrir le droit à la dissidence pour ceux des minorités qui voudraient avoir leur propre réseau de commissions scolaires confessionnelles. Cela nous oblige à maintenir en parallèle des commissions scolaires francophones et anglophones, des commissions scolaires francophones pour protestants et des commissions scolaires anglophones pour catholiques, par exemple, ce qui, généralement, fait référence à notre histoire et à notre culture.

Mais qu'est-ce que cela implique? Je peux vous donner une série d'événements qui risquent de se produire. Nous devons d'abord revoir les avis d'intention des protestants et des catholiques de former une commission scolaire dissidente. Cela veut dire une superposition de commissions scolaires, c'est-à-dire deux commissions scolaires pour les francophones sur un même territoire. On se comprend bien.

Il y a actuellement des conseils provisoires. Ceux-ci doivent décider s'ils reconnaissent d'abord qu'il s'agit d'une minorité confessionnelle. Pour le reconnaître, il faut faire enquête, il faut questionner, il faut inscrire les gens. Si le conseil provisoire ne reconnaît pas que les demandeurs forment une minorité, il doit évidemment le signifier et constituer sa liste électorale, et il pourrait toujours y avoir à nouveau contestation. C'est une opération très longue et très coûteuse, parce que cela nous obligera à faire des listes électorales séparées—on se comprend bien—selon qu'on veut voter à la commission scolaire francophone, anglophone ou dissidente, qu'elle soit catholique ou protestante. Cela, c'est pour le territoire québécois.

• 1610

Pour Québec et Montréal, le modèle est différent, parce que la Constitution est différente, parce que l'article 93 est différent dans son application pour Québec et Montréal. Pour résoudre cela, nous avons choisi d'instituer des comités confessionnels au sein de commissions scolaires linguistiques, un comité protestant et un comité catholique qui, eux, vont déterminer quelle école devrait appartenir à la minorité ou à la majorité et comment on va y réorienter les enfants. Vous imaginez que ce sera très complexe. Cela nous mène vers un risque de cafouillis. C'est seulement la bonne volonté des gens qui pourra nous l'éviter. On peut la présumer. Bien sûr, au départ, cela va de soi, mais on sait qu'on a parfois besoin d'un peu de règles pour encadrer notre fonctionnement au quotidien.

Donc, telle est l'urgence. La fin décembre marque le début de l'implantation des nouvelles commissions scolaires d'une façon formelle, et nous devrons avoir respecté préalablement ce que je viens de vous énoncer et appliqué le tout, à moins qu'il y ait un amendement.

S'il n'y a pas d'amendement, nous procéderons selon la formule actuelle pendant un an. Si l'amendement est adopté dans un an ou au printemps, on aura dû faire tout cela quand même. On n'a pas le choix si on veut être dans la légalité.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Marois.

La prochaine intervenante sera Mme Marlene Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Bonjour, madame Marois et monsieur Brassard. Premièrement, j'aimerais dire qu'en tant que Québécoise, je suis très heureuse de votre présence ici pour soutenir les travaux du Parlement du Canada et de votre participation au processus d'amendement constitutionnel.

Vous avez reconnu, si je ne me trompe, que l'effet de la modification de l'article 93 enlève, au niveau constitutionnel, le pouvoir d'avoir des écoles confessionnelles sans avoir recours à la clause dérogatoire. Ma question portera sur le fait qu'il y a eu de nombreuses consultations auprès de la population québécoise au cours des 30 dernières années. Toutefois, aucune d'entre elles n'a explicitement porté sur une éventuelle modification de l'article 93 et sur ses conséquences juridiques et constitutionnelles quant à la confessionnalité des écoles.

Si ce n'était pas le mandat des États généraux sur l'éducation, non plus que celui de la commission parlementaire chargée d'étudier la Loi 109, je me demande alors sur quoi vous vous basez précisément pour prétendre qu'il y a un consensus pour la modification de l'article 93. Je ne parle pas des structures, mais des écoles, parce que vous savez comme moi qu'avec cette modification, la seule façon de maintenir des écoles confessionnelles serait d'avoir recours à la clause nonobstant.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Marois.

Mme Pauline Marois: Ce n'est pas si clair que cela, et même ce ne l'est pas dans les faits. Je vais reprendre un certain nombre d'éléments. Les droits et les privilèges qu'accorde l'article 93 de la Constitution visent les catholiques et les protestants qui résident sur les territoires des seules villes de Montréal et de Québec et ce, même s'ils sont majoritaires. On se comprend bien.

Sur le reste du territoire, l'article accorde des droits à ces deux confessions religieuses, mais si elles sont en situation de minorité, ce n'est pas la Constitution qui garantit que l'école va être confessionnelle ou non; c'est la Loi sur l'instruction publique du Québec qui, elle, est très explicite sur la façon dont ce droit doit être exercé, sur les obligations que l'on va faire aux commission scolaires à ces fins, sur le statut confessionnel de l'école, etc. Donc, il faut être très clair à cet égard. Nous déconfessionnalisons la structure, et non l'école et c'est la Loi sur l'instruction publique qui le permet.

La clause nonobstant dit que seuls les catholiques et les protestants sur les territoires de Montréal et de Québec et, dans le reste du Québec, seuls ceux qui sont minoritaires verront leurs droits protégés. Mais attention. Il faut faire un nonobstant parce que nous ne reconnaissons pas à ce moment-là, et il faut se le dire, la liberté de conscience des autres confessions, alors que nous croyons qu'il faille le faire dans une société pluraliste. C'est pour cela qu'on a engagé cette...

• 1615

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Marois.

Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Madame Marois, au fil des jours, ces deux dernières semaines, il est devenu évident qu'il y a un consensus qui se dégage pour l'amendement de l'article 93, pour l'élimination de l'application des paragraphes (1) à (4). Ce n'est pas unanime, comme vous le dites si bien d'ailleurs, mais il semble y avoir un consensus et il me semble que ce consensus repose, en partie du moins, sur le fait que les parents pourront continuer d'opter pour les écoles confessionnelles. On parle pas de structures, comme vous le mentionnez, mais d'écoles.

On a eu des présentations d'experts, de constitutionnalistes, qui affirment qu'il est possible que le statut confessionnel des écoles et l'enseignement de la religion, catholique ou protestante, puissent contrevenir aux droits fondamentaux enchâssés dans les chartes, tant canadienne que québécoise. C'est sur cela que je voudrais vous poser deux questions, si vous me le permettez.

D'autres constitutionnalistes disent que l'on pourrait trouver une solution, sans nécessairement aller du côté de la clause nonobstant, en faisant allusion à l'article 1 de la Charte, ce qui est beaucoup plus raisonnable dans le cadre d'une société libre et démocratique. Donc, je me demande si votre gouvernement a songé à cette avenue, si elle lui semble réaliste, et quelle sorte de forme pourrait prendre cette solution.

Deuxièmement, est-ce qu'à la rigueur, vous vous estimeriez justifiés, comme gouvernement, de reconduire la clause nonobstant à son échéance, tel que prévu dans la Loi 107, si cela devait être la seule solution pour maintenir les aménagements de la loi?

Mme Pauline Marois: Nous croyons que ces questions sont très pertinentes et qu'il sera important de les aborder en toute sérénité. Je pense que ce sont des questions tout à fait justes et fondamentales qu'il faut se poser. Nous considérons que c'est à ce point important qu'avant de rediscuter de la question du fait que nous nous soustrayons ou pas à la Charte et à la Charte québécoise aussi—ne l'oubliez pas—, il serait nécessaire qu'il y ait un débat sur ces questions. C'est pour cela que notre gouvernement a souhaité, parce que c'est une déclaration ministérielle qui l'a confirmé, qu'on ait le meilleur éclairage possible sur toutes ces questions dans une perspective où nous maintenons, par la Loi sur l'instruction publique et par nos comités catholique et protestant du Conseil scolaire de l'éducation, ce droit à l'école confessionnelle.

Mais n'oublions pas que même si cette école est confessionnelle, elle est commune. Aucune école ne peut refuser un enfant qui aurait des convictions différentes que celles qu'a choisies l'école à laquelle ira cet enfant.

Je ne sais pas si mon collègue veut ajouter quelques mots sur cette question.

M. Jacques Brassard: Je vais faire un petit rappel historique. À l'époque où M. Ryan était ministre de l'Éducation et a fait une révision en profondeur de la Loi sur l'instruction publique, la question s'était posée: est-ce qu'on peut, sans recourir à la clause dérogatoire, accorder un privilège—parce que c'est de cela qu'il s'agit—à deux confessions seulement?

Pour des motifs sans doute légitimes—l'histoire en est un, de même que la composition de la société québécoise—, est-ce qu'on peut, sans recourir à la clause dérogatoire, donner un privilège à deux confessions seulement, catholique et protestante? Cela a été un long débat, mais on a fait une analyse en profondeur de toute cette problématique. Je pense même que M. Ryan a consulté les tribunaux. La réponse a été très claire, sans équivoque: si vous voulez n'accorder qu'à deux seules confessions des droits en matière d'enseignement dans les écoles publiques, vous devez recourir à la clause nonobstant, sinon vous contrevenez aux dispositions et de la Charte canadienne et de la Charte québécoise.

• 1620

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Brassard. Sheila Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Je trouve cela très intéressant. Il y aurait lieu de poursuivre la discussion là-dessus.

Avant de vous présenter mes observations, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à vous, monsieur le ministre Brassard, et à vous dire rebonjour à vous, madame Marois.

Je suis ravie que vous soyez venus faire avancer les discussions au Parlement canadien qui touchent directement les Canadiens vivant au Québec et pour favoriser une meilleure compréhension de ce que signifie cette réforme en profondeur—qui me paraît tout à fait passionnante—de la Loi sur l'instruction publique du Québec.

[Français]

À cet égard, premièrement, laissez-moi vous réitérer, comme je l'ai fait plusieurs fois pendant les audiences de ce comité, que je suis d'accord sur la modification de l'article 93, cela pour les raisons que vous venez de décrire si éloquemment, monsieur Brassard.

C'est une clause discriminatoire envers les minorités religieuses de notre société pluraliste et multiculturelle et on le vit quotidiennement chez nous, n'est-ce pas? Je suis également en faveur des commissions linguistiques au Québec.

Toutefois, comment répondez-vous aux arguments de divers groupes qui se sont présentés devant ce comité sur la question de la clause nonobstant qui ne serait plus nécessaire, d'après eux, pour le maintien des écoles confessionnelles de quartier? Je pense, madame Marois, que vous étiez d'avis, à un moment donné, qu'on n'avait pas besoin de cette clause nonobstant pour maintenir ces écoles confessionnelles de quartier sous les commissions linguistiques si la Loi 109 était modifiée pour inclure non seulement les droits des catholiques et des protestants, mais aussi des droits égaux pour les minorités religieuses là où le nombre le justifiait.

Si j'ai bien compris ce que vous venez de dire, vous ne seriez pas prête à faire ce changement à la loi pour la mettre en ligne avec les chartes du Canada et du Québec. Ai-je bien compris?

M. Jacques Brassard: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce débat-là devra avoir lieu. Il aura lieu au moment de l'échéance, en 1999. On s'y prépare déjà. Comme le disait ma collègue, il y a un groupe de travail qui étudie et examine cette question-là.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Très bien, alors vous dites...

[Français]

M. Jacques Brassard: J'ai dit simplement...

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: ... que la décision n'a pas encore été prise, monsieur Brassard, mais cela...

[Français]

M. Jacques Brassard: Non, non, non.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: ... nous laisse donc avec une question très importante à laquelle nous n'avons pas de réponse: qu'arrivera-t-il aux écoles qui sont financées dans l'intérêt public mais qui sont du secteur privé? Je songe au réseau des écoles arméniennes, aux écoles juives pour externes, etc. Qu'arrivera-t-il dans ces régions de la province où, comme Mme Marois vient de l'expliquer, il y aurait des groupes minoritaires qui ne seraient peut-être pas en nombre suffisant? Quelle protection auront ces groupes? Quel sera l'échange d'information dans le domaine des droits confessionnels?

[Français]

M. Jacques Brassard: D'abord, il s'agit de l'école publique, et seulement de l'école publique.

L'hon. Sheila Finestone: Ma question portait sur les deux.

M. Jacques Brassard: Pour les autres écoles, il y a des écoles privées de confessions autres que catholique et protestante actuellement au Québec, financées d'ailleurs par les deniers publics. Les écoles juives sont des écoles privées financées par les deniers publics, ce qui est assez rare et même unique, pourrait-on dire. Cela va continuer.

Pour conclure là-dessus, j'aimerais dire que ce débat sera un débat de société fondamental. Je ne peux actuellement vous dire ce que sera l'issue de ce débat-là. Il faudra qu'il se tienne, qu'il soit largement démocratique et que tous les intervenants soient conviés à y participer. Quelle en sera l'issue? À ce moment-ci, je ne pourrais vous le dire. Se dégagera-t-il un consensus, par exemple, pour qu'on reconduise les dispositions actuelles de la loi qui prévoient le recours à la clause dérogatoire? Je ne le sais pas. Ou est-ce qu'il se dégagera plutôt un consensus différent voulant qu'il faille s'ajuster plus fidèlement aux dispositions des chartes? Je ne saurais vous le dire pour le moment.

• 1625

Ce que je peux vous dire, cependant, c'est qu'une question aussi fondamentale que celle-là exige un large débat public et qu'il faut prendre le temps de le faire. Il faut que tout le monde, enfin tout ceux qui ont un mot à dire ou qui veulent s'exprimer puissent le faire.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Brassard. La prochain intervention viendra du sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): Je dois dire, d'entrée de jeu, que je suis tout à fait d'accord que les paragraphes (1), (2), (3) et (4) de l'article 93 ne répondent pas aux besoins modernes. Je pense que c'est évident, depuis l'avènement des Chartes des droits québécoise et canadienne, qu'on ne peut privilégier, dans une société, deux religions seulement.

Je pense que, sur ce plan, la Cour suprême a dit très souvent qu'on a la liberté de religion, et ils ont appliqué l'article 93. Bien sûr, il est là, mais aujourd'hui, nous ne pouvons dire qu'il existe seulement deux groupes religieux et que seuls ces deux groupes pourront être privilégiés.

Vous concluez donc qu'il faut écarter les structures confessionnelles et je suis tout à fait d'accord sur cela. Je n'ai aucun problème face à cela. Comme vous le dites, il y a unanimité à l'Assemblée nationale et il y a un consensus dans la population.

Cela dit, une fois que ce sera fait, on tombera sous l'emprise des chartes des droits. Je suis un apôtre des chartes des droits et libertés. Je me sens bien à l'aise dans ce système.

Toutefois, il y en a qui ont manifesté des préoccupations en disant: Qu'est-ce qui arrive à l'enseignement confessionnel? Je suis de ceux qui croient qu'il y a plusieurs aménagements possibles. Il y a des juristes, auxquels vous avez fait allusion dans votre exposé, qui ont beaucoup écrit sur cette question, et on les lit avec beaucoup d'attention.

Il y a une chose qu'on doit sauvegarder absolument, et je ne suis pas contre du tout, bien au contraire. Si les chartes des droits occupent le champ, il faut respecter la liberté d'expression et l'égalité devant la loi. C'est là qu'est peut-être la difficulté. On n'a pas le choix. Dans une société démocratique, il faut respecter le principe de l'égalité devant la loi.

Envisagez-vous de vous servir longtemps ou juste à court terme des clauses nonobstant? Ne doit-on pas viser à se débarrasser de ces clauses nonobstant?

Mme Pauline Marois: Dans certaines circonstances, on sait très bien qu'elles sont absolument essentielles, n'est-ce pas?

Le sénateur Gérald Beaudoin: À court terme!

Mme Pauline Marois: À court terme! Nous sommes donc d'accord sur l'essentiel. Je crois que, dans un système démocratique qui veut respecter les droits et l'égalité devant la loi, nous devons éviter les clauses dérogatoires. Cependant, si elles existent, c'est parce qu'elles sont parfois nécessaires.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je ne le nie pas, mais il faut faire preuve d'un peu d'imagination créatrice.

Mme Pauline Marois: Nous sommes d'accord aussi.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Brassard, en complément.

M. Jacques Brassard: La clause dérogatoire, sénateur Beaudoin, il faut la regarder comme un outil légitime. Elle est là dans les deux chartes.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Elle est même constitutionnelle.

M. Jacques Brassard: Elle est même constitutionnelle et on peut donc s'en servir.

Des députés: Ah, ah!

M. Jacques Brassard: Je pense cependant qu'il faut y recourir de façon ultime. Il faut y recourir avec beaucoup de doigté et de prudence.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Pas nécessairement la clause nonobstant, mais la clause nonobstant si nécessaire, seulement dans ce cas-là.

Des députés: Ah, ah!

Le coprésident (M. Denis Paradis): Notre prochain intervenant sera M. David Price.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): J'aimerais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue dans la Capitale nationale. Je pense qu'il était très important que vous veniez.

Mme Pauline Marois: D'une autre capitale nationale, d'ailleurs.

M. David Price: Je crois que c'est très important que vous soyez ici. Pour nous et pour moi, un Québécois, je pense que c'est absolument nécessaire qu'on ait la chance de poser des questions sur ce sujet en public.

Premièrement, je tiens à vous dire que je vais voter en faveur de cette résolution. Je vis dans les Cantons de l'Est, où nous avons déjà des commissions scolaires linguistiques qui fonctionnent très bien.

• 1630

Mais en même temps, dans les Cantons de l'Est, on vit aussi un problème qui pourrait s'aggraver avec ce changement. Je parle du problème des francophones protestants.

J'aimerais citer Mgr Turcotte. Il avait dit que les évêques avaient convenu d'accepter ce changement à la condition que l'enseignement religieux soit protégé au niveau de l'école. Je suis bien d'accord, mais quelles garanties à long terme peut-on espérer? Je ne dis pas nous garantir, mais espérer.

Mme Pauline Marois: Les garanties que nous pouvons donner, à ce moment-ci, sont d'abord celles qu'on a dans notre Loi sur l'instruction publique, que j'ai réitérées à l'occasion de la déclaration ministérielle que j'ai prononcée devant l'Assemblée nationale. Nous voulons non seulement réorganiser nos institutions sur une base linguistique, mais aussi respecter la diversité des attentes religieuses du Québec, ce qui est actuellement le cas sur l'île de Montréal. C'est ce que nous permettra l'amendement de l'article 93.

Vous parliez de l'Estrie. Je connais bien leur position, parce qu'ils ont été très éloquents à l'appui des commissions scolaires linguistiques, soit dit en passant. Je les ai rencontrés à quelques reprises. Si on revient sur les territoires de Montréal et de Québec, on voit très bien tous les effets pervers que cela a eu dans le cadre de l'organisation scolaire. Des gens se sont sentis rejetés par une des deux commissions scolaires majeures de l'île de Montréal. Ils ne s'y sentaient pas les bienvenus, ayant des convictions religieuses différentes de celles prônées par la commission scolaire. Nous tendons plutôt vers la diversité, ce qui implique que nous trouverons les meilleurs moyens de reconnaître la place de la religion à l'école.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Marois. Le prochain intervenant sera M. Nick Discepola, qui sera suivi de M. Godin.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Bienvenue, monsieur et madame les ministres. Même si dites que votre présence est exceptionnelle, je pense qu'il est tout à fait normal que la ministre de l'Éducation vienne plaider sa cause, si je peux employer ces mots, et c'est pourquoi je vous souhaite la bienvenue.

Madame Marois, je veux vous mettre à l'aise malgré ce vous avez lu ou vu dans les médias. Il y a déjà, depuis trois à quatre jours, un large consensus et je suis persuadé que l'amendement va être adopté.

Monsieur Brassard, je suis rassuré par vos remarques. Vous faites preuve d'une grande ouverture d'esprit envers la communauté anglophone et vous reconnaissez son importance. Mais quand même, depuis le début, la communauté anglophone se réfugie derrière l'article 93 pour aller chercher un genre de protection constitutionnelle. J'admets que cela n'a rien à voir avec la protection linguistique, mais quand même, je crois que, grâce à l'article 23, on a été capables d'aller chercher le consensus qui était désiré par tout le monde.

Dans vos débats futurs, parce que vous avez déjà parlé de cela, allez-vous démontrer une grande ouverture d'esprit envers la communauté anglophone et peut-être songer éventuellement à enchâsser 23(1)a)?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Brassard.

M. Jacques Brassard: Depuis 1982, par choix conscient et de l'Assemblée nationale et des gouvernements québécois qui se sont succédé, le Québec n'est pas assujetti à cette disposition de l'article 23. Je ne pense pas que ce sera le cas ni à court ni à moyen terme, parce qu'il y a un choix qui s'est fait au Québec il y a 20 ans, un choix fondamental. Ce choix-là, c'est de faire en sorte que les enfants des immigrants soient intégrés à l'école française. C'est un choix qui date de l'adoption de la Charte de la langue française, qui n'a jamais été remise en question par aucun gouvernement, quelle qu'ait été son allégeance. Quel qu'ait été le parti au pouvoir, jamais cela n'a été remis en question.

• 1635

Les enfants des immigrants sont intégrés à l'école française. Si vous mettez en vigueur 23(1)a), vous venez chambarder et remettre en cause ce choix fondamental, parce que vous venez, à ce moment-là, créer deux catégories d'immigrants. C'est cela, 23(1)a). C'est ce qu'on appelle la clause universelle par rapport à la clause Canada, qui est appliquée actuellement au Québec et qui a d'ailleurs été intégrée à la Charte de la langue française. C'est la clause universelle; c'est-à-dire que toute personne venant de tout endroit dans le monde dont la langue apprise est l'anglais aurait le droit d'accès à l'école anglaise.

Cela veut dire qu'il y a deux catégories d'immigrants, à ce moment-là. Cela veut dire que, si vous venez de la Jamaïque, des Indes, de la Grande-Bretagne ou des îles Bahamas, vous avez ce droit-là si on applique cela. Par contre, si vous venez de France ou d'Espagne ou du Brésil, vous devez obligatoirement envoyer vos enfants à l'école française.

C'est clair pour nous qu'il n'est pas question de remettre en cause ce choix fondamental. Je pense que cela ne brime d'aucune façon les droits historiques de la communauté anglophone du Québec. Ses droits sont pleinement respectés, mais cela instaure l'équité à l'égard des enfants des immigrants.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Brassard.

Monsieur Yvon Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Bonjour, madame la ministre, monsieur le ministre. Vous êtes de vraies vedettes. Au début, je pensais que c'était Céline Dion et Rock Voisine qui entraient ici avec toutes les caméras. Mais, on ne vous chantera pas Ô Canada.

J'en viens à des choses sérieuses. Je suis un Acadien et je passe au Québec à toutes les fins de semaines. En tant qu'Acadien, j'aime beaucoup le Québec.

Au début de ce processus, j'avais des inquiétudes parce que pour moi, cela a plus d'importance que certains pourraient le croire.

Si vous avez écouté les nouvelles aux mois d'avril et mai 1997, vous savez ce qui s'est passé au Nouveau-Brunswick quand le gouvernement a voulu fermer des écoles françaises. Chez nous, on sait ce que c'est que d'être francophone minoritaire. Finalement, cela s'est terminé par l'intervention de la GRC, avec du gaz lacrymogène et des chiens lancés sur des enfants, des aveugles, etc.

Donc, vous pouvez comprendre ma difficulté à ce comité-ci. Ma façon de poser mes questions a peut-être dérangé certaines personnes, mais je suis plus confiant aujourd'hui quant à la décision que nous allons prendre. Notre caucus a pris la décision d'appuyer en majorité la décision de l'Assemblée nationale du Québec.

Cependant, je me pose une question. Certaines minorités qui se sont présentées devant le comité se demandaient comment se ferait la déconfessionnalisation des commissions scolaires au Québec.

Il n'y a aucun doute dans l'esprit de ces gens-là. Ils n'auront aucun problème avec cela. Cependant, le problème surviendra dans les écoles. J'ai de la misère à voir un enfant qui va à l'école le matin et qui, quand vient le temps de la catéchèse, se fait dire: Tu vas sortir de la classe parce qu'on va parler de Jésus. J'ai de la misère avec cela.

Donc, envisagez-vous un programme qui facilitera les choses pour les minorités éloignées de Québec et de Montréal?

Mme Pauline Marois: Pour bien se comprendre, et cela va sans doute compléter la réponse que je donnais plus tôt à M. Price—je cherchais l'article exact de la Charte des droits et libertés—, actuellement, il y a deux groupes religieux qui ont des droits et des privilèges qui leur sont assurés et nous avons utilisé le nonobstant de nos chartes justement pour les leur assurer. Ce sont les catholiques et les protestants. Tous les autres groupes religieux, soient-ils juifs, soient-ils musulmans, n'ont pas ces droits et ces privilèges.

• 1640

Nous disons aujourd'hui que demain matin, après l'amendement constitutionnel, notre Loi sur l'instruction publique prévoit que les catholiques et les protestants auront le droit de choisir le statut confessionnel de leur école et auront droit à des cours de religion à l'école. Ils ont même le droit à des services de pastorale à l'école.

Le jour où, en plus de l'amendement constitutionnel, nous éliminons le nonobstant, nous nous retrouvons devant nos chartes. Là je vous cite textuellement l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne qui dit:

    41. Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi.

C'est très important. C'est très fort comme affirmation. Cela veut dire que peu importe leur convictions religieuses, on doit les respecter. Certains parents voudront que leur enfant quitte la petite classe pour obtenir un cours de morale parce qu'il se fera de l'enseignement de foi catholique ou un autre enseignement.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Marois. Monsieur Denis Coderre.

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Madame la ministre, monsieur le ministre, il nous fait extrêmement plaisir de vous voir ici. J'avais proposé une motion pour vous inviter. On nous avait dit que vous ne seriez pas intéressés. Mais le fait que vous êtes ici démontre à quel point vous croyez qu'il est important de participer à cet exercice démocratique.

Comme vous le voyez également, monsieur le ministre, il n'y a pas d'ignorance crasse ici. Les gens comprennent bien. Je peux vous assurer que lorsque vous partirez d'Ottawa, vous allez avoir en tête une chose bien précise; c'est que cet amendement va passer. Personnellement, je vous appuie là-dessus. J'appuie le gouvernement du Québec, comme député du Québec, comme député qui travaille dans l'intérêt du Québec. Je pense qu'on peut vous assurer que cet amendement va passer.

Cependant, on a quand même des questions à poser. J'aimerais revenir sur la question du nonobstant. Cela accroche un peu par en-dessous.

Vous êtes le gouvernement. Vous devez donner le ton, comme vous le faites toujours. Êtes-vous en faveur, oui ou non, de l'application du nonobstant? C'est tout ce que je veux savoir.

M. Jacques Brassard: Pour le moment, la clause dérogatoire fait partie de la Loi sur l'instruction publique. Je ne peux répondre à votre question parce que je ne veux pas que, lorsque viendra le temps de faire ce débat-là, en 1999, ce soit mon choix qui prévale, pas plus d'ailleurs que ce soit le choix du gouvernement qui sera alors en place. Je veux que ce soit un choix de société. C'est une question de fond, et il faut que le choix soit un choix de société.

Cependant, je vous dirais que si, manifestement, au moment où ce débat va se faire démocratiquement, il y a un consensus très large et très fort qui apparaît, comme celui qu'il y a actuellement dans la société québécoise, et vous venez de le reconnaître, pour mettre en place des commissions scolaires linguistiques, si, à ce moment-là, il y a un consensus très fort pour que, dans notre système scolaire, on continue d'accorder des privilèges à deux confessions, je pense qu'à ce moment-là, un gouvernement se devra de respecter ce consensus-là. S'il est d'une autre...

M. Denis Coderre: Vous allez attendre le consensus. Mais vous, personnellement, on vous connaît. Vous êtes une personnalité qui exprime son point de vue.

Le coprésident (M. Denis Paradis): J'ai demandé aux membres du comité de se limiter à une question, monsieur Coderre. Je passe immédiatement à l'intervenant suivant.

M. Denis Coderre: Cela fait partie de la Loi sur l'instruction publique, et je veux qu'on respecte la loi.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Brassard. Sénateur Grafstein.

[Traduction]

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (Grand Toronto, Lib.): Merci, monsieur le président, et je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre et monsieur le ministre. Je suis ravi que vous ayez accepté notre invitation à venir à Ottawa nous aider à nous acquitter de nos obligations constitutionnelles.

À mon avis, nous sommes confrontés ici à une décision politique fondée sur le réalisme. À la lumière de ce qui se passe en Ontario cette semaine, je comprends les problèmes, problèmes énormes, qu'il y a à vouloir dégager un consensus sur une réforme en profondeur de l'enseignement.

• 1645

D'après les témoignages que j'ai entendus cette semaine, madame la ministre, il me semble que votre gouvernement et vous avez fait preuve de beaucoup de courage en faisant la promotion d'un modèle d'enseignement fondé sur l'égalité et en cherchant à éliminer les droits et privilèges accordés à des groupes en particulier aux termes de l'article 93, tout en vous efforçant de dégager un consensus solide, à mon avis, parmi les minorités les plus touchées.

Je tiens à vous en féliciter et je vous en remercie aussi, car en ma qualité de représentant de l'Ontario, je suis la lutte pour l'égalité dans l'enseignement qui se poursuit au Québec depuis 30 ans, et je comprends cette lutte. La question étant maintenant réglée à Terre-Neuve et sur le point de l'être au Québec, je devrai tourner mon attention vers l'Ontario pour tâcher de savoir pourquoi nous y avons toujours un système qui n'est peut-être pas aussi libéral ou aussi axé sur le principe de l'égalité que celui vers lequel vous vous dirigez au Québec. Je tenais à le préciser au départ.

Je sais gré, par ailleurs, au ministre Brassard du grand réalisme dont il fait preuve en acceptant ou en reconnaissant que la Constitution de 1982 s'applique au Québec, car, en notre qualité de parlementaires, nous ne pouvons absolument pas accéder à la demande d'une modification bilatérale de l'article 93 comme nous le demande le Québec sans nous reporter à la Loi constitutionnelle de 1982, à savoir l'article 43 de cette loi. Nous sommes donc aux prises avec les contraintes du réalisme. Nous devons nous reporter à la Constitution de 1982, et je crois qu'il y a acceptation réticente mais réaliste de nos positions respectives.

Cela dit, monsieur le ministre Brassard, je tiens également à faire l'observation suivante. Ayant entendu ce que vous avez dit au sujet de l'alinéa 23(1)a), je vous prie de comprendre qu'il y a une forte divergence d'opinions au Québec et à l'extérieur du Québec quant au fait que le modèle proposé puisse être vraiment fondé sur l'égalité si cet alinéa ne s'applique pas. Je ne veux pas rouvrir ce débat, car vous avez bien expliqué votre position, mais il me semble que vous devriez savoir que nous avons entendu les témoignages de personnes qui représentaient 13 000 familles québécoises, 13 000 élèves, qui estiment qu'ils n'ont pas la liberté de choix qui devrait être accordée aux parents.

Voici ma question. Étant donné que vous avez déjà la clause dérogatoire dans les Lois 109 et 107 et que vous avez l'intention d'attendre qu'un consensus se dégage, dois-je comprendre, madame la ministre, que vous feriez la promotion, que vous travailleriez à l'établissement d'un modèle fondé sur l'égalité si les structures confessionnelles étaient toujours en place?

[Français]

Mme Pauline Marois: Vous savez, je suis fondamentalement en accord avec la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Cette charte reconnaît l'égalité de droit à tous les citoyens et à toutes les citoyennes du Québec.

En ce sens, je pourrais vous relire l'article de la Charte qui fait allusion au droit qu'ont les parents d'exiger que des établissements d'enseignement public offrent à leurs enfants un enseignement religieux ou moral qui soit conforme à leurs convictions, dans le respect, bien sûr, du programme prévu par la loi. Cela est normal, compte tenu des ressources et des moyens qui sont disponibles.

Il est évident que je crois que toute société doit tendre vers cet objectif et vers le respect d'un principe aussi fondamental. En ce sens, je suis tout à fait à l'aise devant cet article de notre charte; non seulement je suis à l'aise, mais j'en suis aussi très fière.

C'est pour cela qu'il est aussi important que nous fassions ce débat le plus sereinement possible et c'est pour cela que j'ai voulu dissocier le débat sur la place de la religion à l'école, sur la façon dont nous allions enseigner l'histoire des religions à nos enfants, et il était pertinent de le faire, de la réorganisation de nos services éducatifs et de la réforme de la structure qu'est la commission scolaire québécoise. Je trouvais que ce débat était suffisamment important pour qu'il se fasse avec tout l'éclairage nécessaire et dans un climat où on allait élaguer les autres questions qui pourraient nous préoccuper à cet égard.

Nous prendrons le temps de le faire. Nous le ferons sereinement. Nous le ferons démocratiquement et nous respecterons, comme mon collègue l'a mentionné, les consensus qui se dégageront. D'ailleurs, ce seront des choix qui seront soumis à l'Assemblée nationale du Québec. Il faut en être bien conscient.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Marois. Je cède la parole à Mme Christiane Gagnon.

• 1650

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Madame Marois, j'aimerais que vous nous reparliez du consensus qui s'est fait au Québec, parce que plusieurs porte-parole sont venus nous dire que, lors des audiences qui se sont tenues à Québec dans les différentes commissions, mais surtout sur la Loi 109, l'article 93 n'était pas un enjeu et que cela aurait été mal compris. Donc, j'aimerais que vous nous répondiez, pour rassurer le comité, parce que c'est important que nous comprenions bien le consensus qui s'est fait au Québec.

Mme Pauline Marois: La Loi 109 ne porte que sur un objet: l'implantation de commissions scolaires linguistiques. La Loi 109 prévoit deux scénarios: avec amendement ou sans amendement constitutionnel.

Avec amendement, c'est simplement l'implantation avec le processus prévu de nomination des conseils provisoires et de réorganisation des commissions scolaires sur une base linguistique.

Sans amendement, c'est le cafouillis que je vous ai décrit ou que j'ai décrit à quelqu'un qui m'a posé la question plus tôt.

C'est dans la Loi 109. C'est bien dit: si nous avons un amendement, nous procédons de telle façon; si nous n'avons pas d'amendement, nous procédons de telle autre façon.

Avant d'aller débattre de la Loi 109, nous avions adopté à l'Assemblée nationale la résolution que nous vous présentons aujourd'hui et sur laquelle nous élaborons aujourd'hui.

Les gens qui venaient témoigner devaient venir témoigner sur quelque chose. Cela devait être d'abord sur cela: est-ce qu'on est d'accord ou pas sur l'implantation de commissions scolaires linguistiques et est-ce qu'on est d'accord ou pas, pour ce faire, d'utiliser la voie de l'amendement constitutionnel ou de rester sous le chapeau de 93.

Il n'y avait pas d'autre question. Il y avait des questions d'organisation, bien sûr. Les commissions scolaires ont parlé de l'organisation, tout comme les comités de parents, mais c'était l'enjeu.

Donc, il me semble qu'à cet égard, cela ne pouvait être plus clair.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Une très courte avant de terminer. Jason Kenney.

[Traduction]

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Merci, madame la ministre et monsieur le ministre, d'être venus témoigner.

Je voudrais aborder une question avec vous, madame Marois. Vous avez dit dans votre exposé que les évêques ne s'opposent pas à la modification proposée, mais je tiens à le dire publiquement, les évêques ne se sont pas non plus prononcés pour cette modification. Ils ont indiqué clairement qu'ils appuient la création de commissions scolaires linguistiques à condition qu'il y ait une certaine assurance et une certaine garantie que l'accès à l'enseignement confessionnel sera préservé.

Je reviens donc à cette idée que nous n'avons pas encore reçu de votre part l'assurance que vous invoquerez effectivement la clause dérogatoire pour protéger les excellentes dispositions de la Loi 109 contre l'application de la Charte. Vous demandez finalement aux groupes minoritaires qui sont venus devant notre comité de renoncer à un droit constitutionnel qui protège le droit fondamental à l'enseignement confessionnel et qui leur avait été donné par leurs ancêtres en faveur d'un vague engagement éventuel de la part de gouvernements futurs de préserver cette protection.

Que répondez-vous à ces groupes minoritaires qui estiment que la réforme viole leurs droits acquis et consacrés à l'enseignement confessionnel?

[Français]

Mme Pauline Marois: Je n'ai jamais dit que les évêques avaient approuvé un amendement ou pas. Ils ont laissé le choix des moyens à l'État. Cela était très clair et Mgr Turcotte, je crois, a été éloquent sur cela.

Je dis ce que j'ai déjà énoncé à quelques reprises et que je répète depuis maintenant quelques minutes. Ce n'est pas 93 qui protège l'enseignement religieux dans les écoles. C'est la Loi sur l'instruction publique qui le fait.

La Loi sur l'instruction publique, en dehors des villes de Québec et de Montréal, vient protéger les droits des minorités. C'est très important de savoir cela. C'est notre Loi sur l'instruction publique qui prévoit que l'enseignement religieux sera assuré dans nos écoles aux étudiants ou aux élèves de foi catholique ou de foi protestante. Quant à la Charte des droits et libertés de la personne, elle dit que le jour où est levé le nonobstant, le jour où est levé 93, les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger, non pas de souhaiter mais d'exiger que dans les établissements d'enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions.

• 1655

Cela veut dire que, si nous devions essentiellement avoir cet élément pour assurer le respect des droits, non seulement deux groupes de notre société se verraient reconnaître des privilèges, mais les droits de tous les groupes de notre société seraient respectés. Cela, c'est encore plus important pour une minorité, à mon point de vue.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Marois.

Une dernière courte intervention. Marlene Jennings.

Mme Marlene Jennings: Ce sera très court, madame Marois. Comme beaucoup de Québécois, j'ai des racines autochtones, soit montagnaises, cries et attikamek. Nous avons eu le privilège, au cours de nos audiences, d'entendre les témoignages du grand chef Chalifoux, de l'Alliance autochtone du Québec, et de M. Daniels, qui est le président du Congress of Aboriginal Peoples.

Ils sont venus ici déclarer que si l'article 93 était modifié tel que demandé par l'Assemblée nationale du Québec, cela pourrait affecter en quelque sorte le droit des autochtones, autant sur les réserves qu'à l'extérieur des réserves, d'avoir des écoles confessionnelles. Il y a effectivement des systèmes d'écoles confessionnelles sur les réserves et à l'extérieur qui sont élaborés spécifiquement pour les aborigènes.

J'aimerais savoir si toute cette question en est une que vous avez déjà considérée et si vous avez déjà tiré des conclusions là-dessus.

Mme Pauline Marois: La situation est exactement la même que pour tous les autres groupes, soient-ils majoritaires ou minoritaires. Ces nations autochtones sont traitées de la même façon que l'ensemble des autres citoyens et citoyennes à l'égard de l'école et du respect de leurs droits. Donc, je ne vois pas comment cela pourrait affecter différemment ces groupes.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Marois, monsieur Brassard, au nom de l'ensemble des membres de notre comité, je vous remercie énormément pour votre présentation de cet après-midi.

M. Jacques Brassard: Nous aussi, nous vous remercions.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous faisons une pause de quatre ou cinq minutes.

• 1658




• 1716

Le coprésident (M. Denis Paradis): Avant que nous poursuivions, Mme la coprésidente a une communication à faire aux membres du comité.

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Je vous prie de noter que, pour les comparutions de la semaine prochaine, M. Claude Ryan viendra lundi à 15 h 30, accompagné de M. Jose Woehrling. Mardi matin, les audiences prendront fin avec la venue du ministre Dion. Pour mardi, je vous confirmerai l'heure.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous reprenons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre et du Sénat.

Nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi Jean-Marc Fournier de l'opposition officielle à Québec, membre de l'Assemblée nationale, et François Ouimet, également membre de l'Assemblée nationale.

Chers collègues, bienvenue parmi nous. Je voudrais vous indiquer la façon dont on va procéder. Vous avez 10 minutes chacun ou bien vous pouvez vous partagez ces 10 minutes. C'est comme vous voulez. Ensuite, nous passerons à une période de questions de la part des membres du comité.

M. Nick Discepola: Les témoins précédents n'ont-ils pas eu 10 minutes chacun? Il me semble, pour que cela soit équitable, qu'il faudrait leur donner aussi 10 minutes chacun.

Le coprésident (M. Denis Paradis): C'est ce que j'allais dire. Excusez-moi.

Monsieur Fournier, nous vous écoutons.

M. Jean-Marc Fournier (député de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale à Québec): Nous n'avons pas de mémoire écrit. Nous allons vous présenter nos quelques remarques brièvement et, par la suite, on pourra répondre aux questions.

J'aimerais tout d'abord vous remercier de nous avoir permis d'être avec vous aujourd'hui. Je crois que cet amendement est essentiel parce qu'il concerne une chose essentielle, qui est l'éducation de nos enfants.

Je vous demanderais d'abord d'entendre mon collègue, François Ouimet, député de Marquette à l'Assemblée nationale, qui est critique en matière d'éducation.

• 1720

Cette demande d'amendement est essentiellement pour Québec une demande concernant l'éducation, et mon collègue, le député de Marquette, va vous en préciser le sens et la nature.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ouimet, vous avez la parole.

M. François Ouimet (député de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale du Québec): Monsieur le président, madame la présidente, messieurs et mesdames les membres du comité, ladies and gentlemen, j'ai le plaisir d'être ici aujourd'hui en qualité de critique officiel en matière d'éducation. Je voudrais, afin de clarifier certains enjeux, réitérer l'importance pour les enfants et les parents et pour toute la population du Québec d'obtenir cette modification constitutionnelle qui est véritablement la clé de la réforme du système scolaire québécois.

En effet, le Québec vise à moderniser ses structures scolaires depuis le début des années 1960, c'est-à-dire depuis le rapport Parent. Tous les efforts des différents gouvernements qui se sont succédé depuis ce rapport se sont soldés par des échecs.

Le problème auquel on s'est buté à chaque fois est lié aux dispositions de l'article 93 de la Constitution canadienne et aux contestations judiciaires qui ont suivi. Pourtant, les Québécois et les Québécoises souhaitent ardemment remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques, puisque celles-ci répondent davantage aux réalités actuelles du Québec et à l'évolution de la société québécoise depuis 1867.

Pour une fois, et c'est rare, il y a convergence d'intérêts au Québec entre les francophones et les anglophones, entre les catholiques et les protestants, pour la mise en place des commissions scolaires linguistiques. Je pense que ça mérite d'être souligné. Il y a convergence d'intérêts entre communautés linguistiques et confessionnelles.

Ce que j'ai appris comme ancien président de la plus grande commission scolaire du Québec, la CECM, et comme membre de la Commission Kenniff, c'est que seule une modification constitutionnelle permettra la mise en place des commissions scolaires linguistiques dans l'intérêt des élèves.

C'est pour cette raison que l'aile parlementaire libérale a initié en 1996, à l'Assemblée nationale du Québec, une démarche de modification constitutionnelle. Je vous rappelle que nous avons réussi à convaincre, non sans peine, le gouvernement du Québec alors réfractaire à une telle démarche pour des raisons que vous comprenez bien.

[Traduction]

Nous, les députés libéraux de l'Assemblée nationale, avons entamé en 1996 un processus visant à obtenir une modification constitutionnelle. Je tiens à vous rappeler que nous avons dû convaincre l'actuel gouvernement, qui était alors opposé à un processus comme celui-là, mais il y allait de l'intérêt de nos enfants que nous mettions en place des commissions scolaires linguistiques au moyen d'une modification constitutionnelle.

Je soutiens donc que vous avez une occasion en or de modifier la Constitution canadienne afin de répondre aux désirs de la grande majorité des Québécois, tant francophones qu'anglophones, tant catholiques que protestants. Il ne faut pas rater cette occasion.

[Français]

J'aimerais maintenant vous parler des conséquences au niveau des enfants et des parents, si la modification constitutionnelle n'est pas acceptée. La ministre, Mme Pauline Marois, a fait état de certains éléments, mais j'aimerais revenir sur d'autres éléments.

Il faut se dire d'abord que, sur le territoire des villes de Montréal et de Québec, il y aurait quatre commissions scolaires avec six réseaux d'écoles: une commission scolaire catholique avec un réseau d'écoles françaises et un réseau d'écoles anglaises; une commission scolaire protestante avec un réseau d'écoles françaises et un réseau d'écoles anglaises; une commission scolaire linguistique française; et une commission scolaire linguistique anglaise.

• 1725

À l'extérieur des territoires de la ville de Montréal et de la ville de Québec, il y aurait une commission scolaire dissidente avec un réseau d'écoles françaises et un réseau d'écoles anglaises catholiques, ou une commission scolaire dissidente protestante avec également un réseau d'écoles anglaises et un réseau d'écoles françaises, en plus de la commission scolaire linguistique française et de la commission scolaire linguistique anglaise.

Chaque commission scolaire et chaque réseau d'écoles auraient leur propre bureaucratie, leur propre administration, avec leurs directions pédagogiques et tous les autres services administratifs qui peuvent en découler. Vous comprenez rapidement le problème de la superposition et de la multiplication des structures. Cela accroît la lourdeur administrative et financière. Et je vous dis qu'il faut prévoir des batailles pour des clientèles entre les différents réseaux scolaires et entre les différentes commissions scolaires, parce que vous comprendrez rapidement que le financement des écoles publiques est basé sur le nombre d'élèves dans une école et le nombre d'élèves dans une commission scolaire.

Vous pouvez donc prévoir, d'ores et déjà, des luttes entre commissions scolaires pour attirer des clientèles et obtenir ainsi plus de financement dans le but, bien sûr, d'offrir plus de services éducatifs et pédagogiques aux enfants.

Il faut penser également au problème des parents qui devraient choisir, par exemple, entre une école catholique qui relève de la commission scolaire linguistique et une école catholique qui relève de la commission scolaire confessionnelle. C'est le même problème au niveau des écoles protestantes. Deux types d'écoles: comment choisir? Pensez aux conséquences en région, là où il y a peu de bâtiments scolaires, mais où les parents et les enfants auraient le droit, en vertu de l'article 93 de la Constitution, de réclamer leurs propres écoles.

Les avantages de la modification constitutionnelle sont indéniables. Les anglophones pourront gérer et contrôler tous les enfants anglophones sans exception, sans être confrontés non plus à la règle de l'article 23 qui prévoit «là où le nombre le justifie». C'est la même chose au niveau des élèves francophones. Tous et toutes seraient gérés par les francophones ou par le anglophones dans l'autre cas.

Il y a une consolidation de toutes les ressources financières, humaines et matérielles rattachées à la gestion des écoles. Sinon, on se retrouve dans la situation actuelle, où les enfants sont éparpillés dans différentes commissions scolaires qui chapeautent le même territoire. En d'autres termes, il y a des francophones qui sont gérés par une commission scolaire catholique et il y a des francophones qui sont gérés par une commission scolaire protestante. Je passe sous silence la problématique des nouveaux arrivants, ceux et celles qu'on doit franciser au Québec.

Alors, quant à moi, la question de fond que l'on doit se poser est la suivante: en quoi est-ce que les enfants des écoles seraient mieux servis par un tel système si on n'obtient pas une modification constitutionnelle?

Je vais passer la parole à mon collègue, le député de Châteauguay.

M. Jean-Marc Fournier: Merci beaucoup, François. Je voudrais vous présenter très rapidement trois questions que je me suis posées et auxquelles j'apporte des commentaires. Ensuite, on pourra passer à la période des questions.

Je vais d'abord reprendre rapidement ce que François vous disait. Il faut toujours se demander quel est le but de cet amendement à la Constitution concernant les commissions scolaires linguistiques. Clairement, le but est de se doter de structures efficaces dans un domaine essentiel pour une société et qui est, on en convient tous, l'éducation.

Des structures efficaces, cela signifie une organisation qui tient compte des besoins des citoyens en faisant une place à la pluralité de points de vue, tout en éliminant les dédoublements et les superpositions d'organigrammes, autrement dit une organisation qui donne le rendement auquel s'attendent nos concitoyens, parents de nos enfants et contribuables, des citoyens qui exigent que les fonds publics servent d'abord les enfants plutôt que les structures.

• 1730

La deuxième question explique un peu notre présence, ayant constaté le climat des discussions qui ont eu cours en ce moment et avant nous. Comment se fait un amendement constitutionnel comme celui-ci, un amendement bilatéral?

Le mot clé, me semble-t-il, c'est coopération, coopération à deux niveaux. Coopération à Québec d'abord, puis coopération Québec-Ottawa.

Le premier niveau, la coopération à Québec: Comme vous le savez maintenant, puisque vous planchez sur le sujet depuis quelques semaines, le débat a cours depuis plusieurs années déjà. Mais il a repris de la vigueur lorsque mon collègue de Marquette a lancé la proposition de modification constitutionnelle. Évidemment, la politique étant ce qu'elle est, disons que la coopération a eu ses hauts et ses bas. Mais ce qui est important, c'est la conclusion. Il y a un consensus. Il y a une entente qui est intervenue.

Il est certain qu'une modification à la Constitution soulève des inquiétudes. C'est le cas pour celle-ci aussi. Nous avons donc travaillé à apaiser ces inquiétudes, à faire une place au plus grand nombre. C'est dans cet esprit notamment qu'est apparu l'amendement de Thomas Mulcair, qui est d'ailleurs le troisième attendu du projet de motion que vous avez devant vous.

Cet amendement extrêmement important vise à réaffirmer les droits de la communauté d'expression anglaise, et nous sommes heureux d'avoir convaincu le gouvernement du Parti québécois sur ce point.

Il y a coopération aussi à un deuxième niveau: la coopération Québec-Ottawa. À cet égard, vous me permettrez de saluer le travail du ministre Stéphane Dion qui accompagne la démarche québécoise avec conviction depuis le tout début.

Je tiens aussi à saluer le travail que ce comité a fait. La rapidité à procéder à cette consultation est une marque de coopération que nous apprécions et retenons.

Voici la dernière question que je veux aborder avec vous. Qu'est-ce qu'un amendement constitutionnel démontre aux Québécois? D'abord, cela prouve, hors de tout doute, qu'on peut faire en sorte que des structures s'adaptent aux citoyens au lieu de forcer ceux-ci à se plier aux structures.

Cela prouve aussi, bien entendu, que la coopération est plus utile que la confrontation. Cela prouve que l'on peut dialoguer, se comprendre et s'appuyer.

En conclusion, et je terminerai là-dessus pour qu'on puisse passer aux questions, je dirais, en tant que Québécois et Canadien, surtout en ce 30 octobre, que notre Constitution témoigne que notre pays a un passé. En s'actualisant au présent, cette Constitution démontre que notre pays a un avenir.

Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Fournier. Merci, monsieur Ouimet. Nous allons maintenant passer à une période de questions. La première intervention nous viendra de Peter Goldring.

[Traduction]

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf): Monsieur Fournier, vous venez de parler de la nécessité d'adapter les structures aux besoins de la population. Je pense bien qu'un des premiers arguments que nous avons entendus au début de nos audiences était le suivant: pourquoi ne pas modifier l'article 93 et l'adapter à nos besoins—commencer par là, bâtir à partir de ce que nous avons déjà, les paragraphes (1) à (4), et les modifier.

En tout cas, j'ai des questions à vous poser à la lumière de ce qu'ont dit les témoins qui vous ont précédé et selon lesquels les dissidents religieux seraient protégés. Nous avons pourtant entendu ce matin les représentants d'une organisation qui représente deux millions de personnes qui sont venus nous dire qu'aucune décision n'avait encore été prise quant à l'enseignement religieux dans les écoles et qu'il y avait une multitude de scénarios possibles: aucun enseignement religieux, le statu quo, deux religions, de nombreuses religions, ou encore une forme d'enseignement générique portant sur les valeurs morales. Ce groupe qui représentait deux millions de personnes estimait qu'aucune décision n'avait été prise.

Étant donné qu'il est question que les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 ne s'appliquent plus au Québec, je m'inquiète de ce que, dans l'intervalle, il faille protéger le système que nous avons déjà, ou le statu quo, le temps que nous décidions de ce qu'il convient de faire, de l'opportunité de recourir à la clause dérogatoire. Nous renonçons en fin de compte à l'article 93 en faveur d'une clause dérogatoire 93. Pourquoi nous livrer alors à ce processus?

• 1735

[Français]

M. Jean-Marc Fournier: Nous allons répondre l'un après l'autre. M. Ouimet va d'abord vous entretenir de l'essence même du projet.

[Traduction]

M. François Ouimet: La première chose qu'il convient de faire, à mon avis, c'est de distinguer, et il n'a malheureusement pas toujours été facile de le faire, entre la structure que constitue la commission scolaire, qui est confessionnelle, aux termes de l'article 93 de la Constitution, et l'enseignement religieux qui est donné dans la salle de classe et qui se fait dans une école. Quand on fait cette distinction, il est clair à mon sens qu'il n'existe pas de consensus au Québec sur l'enseignement religieux dans la salle de classe et la place de la religion dans l'école. Je crois que la ministre de l'Éducation et M. Brassard ont tous deux indiqué que c'est précisément pour cette raison qu'ils avaient prévu une période de deux ans pendant laquelle une commission tenterait de déterminer comment on pourrait répondre aux besoins de toutes les minorités religieuses. Il existe toutefois un consensus clair, et ce depuis plusieurs années, depuis le rapport Parent de 1964, en faveur de l'élimination de la structure des commissions scolaires dites confessionnelles.

[Français]

Il m'apparaît très important de faire cette distinction. Trop souvent, on mélange les choses. On dirait que certains groupes d'intérêt cultivent cette ambiguïté-là. Mais il faut bien la distinguer. Le processus qui est devant vous concerne la modification de la structure scolaire et non pas ce qui se passe dans la salle de classe ou à l'école.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Pour plus de précisions, vous croyez que la religion fera partie du programme d'étude dans l'école. Ainsi, l'opinion exprimée par le groupe qui représente deux millions de personnes, à savoir qu'il y a un seul choix, celui de ne pas avoir d'enseignement religieux dans les écoles du Québec, est erronée.

Ma question complémentaire concerne ce consensus dont nous parlons. Voici un groupe qui représente deux millions de personnes et dont la position est manifestement en contradiction avec ce que vous dites. Y en a-t-il d'autres? Comment en est-on arrivé au consensus? Avons-nous des données statistiques à ce sujet? Avons-nous un document ou un sondage qui montrerait expressément qu'un consensus a été obtenu quant à l'élimination des paragraphes 93(1) à (4)? Existe-t-il un document à cet effet?

[Français]

M. Jean-Marc Fournier: M. Ouimet va répondre.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ouimet.

[Traduction]

M. François Ouimet: Je crois qu'il existe un consensus clair tant sur l'objectif de la création de commissions scolaires linguistiques que sur le moyen d'y arriver.

M. Peter Goldring: C'est juste.

M. François Ouimet: S'agissant des personnes directement touchées... Vous savez comme moi qu'il y a une résolution unanime de l'Assemblée nationale: tous les députés représentant les divers secteurs de la population ont sans exception voté en faveur de cette résolution. S'agissant des personnes directement touchées—les parents—, elles ont exprimé leur appui tant à l'objectif qu'au moyen d'y arriver, et ce, par l'entremise de la Fédération des comités de parents de la province de Québec.

S'agissant des enseignants, tant francophones qu'anglophones, tant protestants que catholiques, ils ont donné leur appui tant à l'objectif qu'au moyen d'y arriver.

S'agissant des étudiants, qui sont les premiers touchés par la réforme, les diplômés des cégeps et des universités ont exprimé leur appui. Ils étaient, il n'y a pas tellement longtemps, dans les écoles primaires et secondaires.

S'agissant des commissions scolaires, il y a là aussi un consensus.

La Fédération des commissions scolaires représente 90 p. 100 des commissions scolaires. Elle appuie tant l'objectif que le moyen d'y arriver. Les autres commissions scolaires ne s'y opposent pas, déclarant simplement que la réforme n'est pas nécessaire sur le plan juridique.

S'agissant des catholiques et des protestants, les groupes expressément concernés par la question, tant l'Assemblée des évêques catholiques que les évêques protestants ont exprimé leur appui du simple fait qu'ils ne s'y opposent pas.

Il y a aussi les états généraux qui ont été établis par le gouvernement et qui, après avoir siégé pendant un an et demi, ont produit un rapport.

Notre propre commission parlementaire de l'Assemblée nationale a entendu toute une série de groupes. La question a été ouvertement débattue.

• 1740

Dire qu'il n'y a pas de consensus est donc ignorer l'évolution des dernières années dans notre province.

M. Peter Goldring: Mais dire...

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je m'excuse Peter, mais il faut que je donne la parole au suivant.

[Français]

Le prochain intervenant sera le sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je suis d'accord avec vous, monsieur Ouimet, considérant le vote unanime à l'Assemblée nationale et considérant ce qui a été dit depuis deux semaines ici. Je suis convaincu qu'un consensus pour modifier l'article 93 doit intervenir, et je n'ai aucun doute là-dessus. D'autre part, il est évident que les structures confessionnelles qui ont été mises en place doivent être changées.

En fait, le débat pourrait s'arrêter là d'une certaine façon. Mais les deux ministres qui étaient ici tout à l'heure ont parlé dans leurs présentations, très bien faites et très claires, de ce que serait l'école confessionnelle ou encore l'enseignement constitutionnel après l'amendement. Là, évidemment, on peut se poser des questions.

De plus, il est évident qu'il va falloir encore deux ans avant de régler ce problème. Quelle est votre attitude vis-à-vis des clauses dérogatoires? Ça peut s'avérer nécessaire. Pour ma part, je les accepterais, mais j'ai toujours dit que pour bâtir un système nouveau, parce que ce sera un système nouveau, il faut bâtir sur du solide et non pas sur du transitoire.

M. Jean-Marc Fournier: J'aimerais vous dire que j'ai été heureux d'entendre, de la bouche du ministre des Affaires intergouvernementales du Canada, que pour lui et pour le gouvernement, l'utilisation d'une clause dérogatoire, nonobstant l'article 33, était un recours ultime. C'est ce qu'il a dit et j'ai été content de l'entendre, d'autant plus que d'autres débats ont été soulevés. Je ne voudrais pas parler ici des autres débats où on a fait mention de cet article.

Nous sommes d'accord sur le fait qu'une charte, c'est important. Ça donne des droits et si on veut y déroger, il faut y regarder à deux fois. Ceci étant, je ne suis pas convaincu. Je sais que certains pensent qu'il faudrait automatiquement utiliser la clause nonobstant. Permettez-moi de ne pas en être convaincu. Qu'est-ce qui va se passer une fois que l'article 93 aura disparu, que la Charte va rester et que la loi va se faire dans le sens que vous avez mentionné? Je ne reviendrai pas là-dessus, mais il va falloir qu'il y ait d'abord une contestation de cette loi sur la base de la Charte, premièrement.

Deuxièmement, cette contestation devra aboutir si on veut être sûr d'arriver à un nonobstant à un moment donné. Autrement dit, la cour devra être d'accord sur le fait qu'il y a une contravention à la Charte, ce qui veut dire qu'elle l'adoptera peut-être, et il faudra voir comment elle analyse l'article 1. Est-ce que ce sera une analyse stricte ou large?

Imaginons donc que la cour vient à constater une irrégularité face à la Charte. La cour, en général, a la sage habitude de prévoir des corridors d'aménagement de sorte qu'on utilise le moins possible la clause nonobstant, la clause dérogatoire.

Mais cette clause existe, et si elle existe dans la Constitution, c'est parce qu'il est possible, à certaines occasions, de l'utiliser. Mais d'habitude, quand la cour est confrontée à ce genre de choses, elle trouve des aménagements qui vont permettre à la loi d'atteindre son but tout en respectant la Charte. Le législateur a donc la possibilité, avant d'utiliser le recours, de voir si des aménagements sont possibles.

Je voudrais terminer avec le cas tout récent de ce jugement concernant la Loi référendaire au Québec où la cour a trouvé certains corridors d'aménagements. Voilà où nous en sommes au Québec.

• 1745

Après avoir entendu les deux ministres tantôt, j'ai l'impression que nous avons maintenant la volonté, autant le gouvernement du Québec que nous-mêmes, de regarder ces aménagements.

Je ne peux pas conclure qu'il y a un automatisme pour la clause dérogatoire. Au contraire, il y a d'autres possibilités d'aménagements dans le cas de contestations.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous allons maintenant entendre M. Réal Ménard.

M. Réal Ménard: Je suis très content que vous soyez ici aujourd'hui. Ce n'est pas tous les jours que le gouvernement du Québec et surtout l'opposition officielle du Québec participent d'aussi près à nos travaux.

Je pense que c'est un signe positif d'une démocratie saine. Nous savons que ça ne durera pas, mais c'est normal qu'il en soit ainsi. Nous allons vous suivre, nous aussi, d'assez près à ce niveau-là.

M. Jean-Marc Fournier: On espère que la démocratie va durer.

M. Réal Ménard: Oui, oui, nous sommes d'accord sur ce point. Je voudrais voir avec vous deux choses. Nous avons reçu ici la CECM, la Commission des écoles catholiques de Montréal, qui est, je pense, un milieu assez familier pour M. Ouimet.

Que pourriez-vous dire aujourd'hui à son président et au Conseil des commissaires? Ceux-ci, en effet, nous disent qu'ils veulent bien souscrire à l'établissement de commissions scolaires linguistiques mais qu'ils craignent beaucoup, à long terme, que les garanties d'un enseignement religieux à l'école ne soient pas satisfaisantes.

Je pense que vous partagez le point de vue de la majorité des parlementaires autour de cette table, à savoir qu'actuellement—on ne parle pas du futur—, le législateur du gouvernement du Québec fait part d'une volonté ferme, non négociable et non ambiguë, d'offrir un enseignement religieux, un accès à des cours d'enseignement religieux et à des cours de pastorale aux étudiants et aux parents qui en font la demande.

Comment pourriez-vous vous faire rassurant auprès de la CECM, en espérant que votre message soit entendu?

M. François Ouimet: Il faut certainement tenter d'être rassurant auprès de la CECM, mais il m'apparaît quasi impossible d'être convaincant avec le parti qui gouverne la CECM actuellement.

Ayant été moi-même chef de cette formation politique et ayant tenté de tenir des débats internes à l'intérieur de nos instances et de nos structures, je sais que cela est extrêmement difficile. La plus belle preuve de la difficulté de la chose, c'est que l'ensemble des écoles de la CECM sont des écoles catholiques, mais que les évêques, les curés de paroisse ont souvent insisté sur le fait qu'à l'intérieur des murs de l'école, bien qu'elle soit catholique, on ne sent pas la dimension confessionnelle ou la dimension chrétienne.

M. Réal Ménard: Dans le projet éducatif?

M. François Ouimet: Dans le projet éducatif ou même dans le vécu de l'école. Et pourtant, il y a une garantie constitutionnelle. Les garanties concernant les écoles de la CECM sont blindées, et pourtant le vécu confessionnel est absent. C'est une réalité frappante.

Sur le plan religieux, que se passe-t-il dans la salle de classe? Une personne évoquait tantôt la position de l'Assemblée des évêques qui disait: Nous sommes d'accord sur le projet de commissions scolaires linguistiques dans la mesure où l'enseignement religieux est protégé.

Je pense qu'il faut apporter une nuance. Quand les évêques disent cela, il faut comprendre que cet enseignement religieux se fera si c'est la volonté des parents eux-mêmes.

M. Réal Ménard: C'est le facteur de la religion.

M. François Ouimet: C'est quand même fondamental. Dans les écoles de la CECM à Montréal—et je ne parle même pas des écoles juridiquement protestantes de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal—, il n'y a pas véritablement de volonté de la part des parents d'avoir un vécu confessionnel à l'intérieur de l'école. Et pourtant, ils y sont tenus par les dispositions de l'article 93. Il serait donc plus que temps de moderniser ces structures scolaires.

M. Réal Ménard: Ce que vous nous dites est très intéressant parce qu'un des paradoxes de ce débat, c'est que nous sommes tous d'accord pour respecter les convictions religieuses des individus, quelles qu'elles soient.

Jamais les gens, dont l'esprit peut être plus conservateur—c'est dénué de sens péjoratif—, qui sont venus nous voir et qui militent au sein d'associations catholiques n'ont remis en cause la possibilité que ce code de valeurs ne suscite plus l'adhésion d'une communauté donnée. Cela ne sera peut-être plus le cas dans deux ans ou dans quatre ans.

• 1750

Je trouve très intéressant que vous nous disiez que ce n'est pas parce qu'il y a des garanties constitutionnelles que cela est possible si, à la base même, c'est un projet qui ne suscite pas d'adhésion chez les parents. Malheureusement, ça ne peut pas avoir un écho positif ou une résonance en milieu scolaire. Je vous rejoins complètement là-dessus.

Le coprésident (M. Denis Paradis): La prochaine intervention sera faite par Sheila Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.

[Traduction]

Merci beaucoup d'être venus.

Monsieur Fournier, monsieur Ouimet, à vous deux vous pourrez peut-être nous éclairer un peu plus sur certains points. Je crois que votre présence et celle des témoins précédents démontrent la richesse incroyable de notre fédération et de notre Constitution qui se prêtent si bien à la modernisation et à l'actualisation en collaboration avec nos partenaires. Constater comment deux partenaires arrivent à résoudre des problèmes aussi importants pour nous tous et pour moi en particulier est vraiment très encourageant. C'est pour cette raison que je tiens à vous souhaiter doublement la bienvenue.

Il se trouve que les témoins qui vous suivront représentent la communauté noire de Montréal. Dans la réponse donnée par M. Brassard à propos de l'alinéa 23(1)a), ce qui n'a rien à voir avec cette question... je sais fort bien que c'est de religion qu'il s'agit, mais ses conséquences sont très importantes en raison du contexte.

Supposons que l'immigration continue à être un des moteurs de la croissance au Québec.

[Français]

La population du Québec n'augmente pas grâce aux Québécois et Québécoises, mais plutôt par l'immigration. Le taux de natalité est assez bas chez nous.

Cela veut dire que si des enfants arrivent ici, disons des Caraïbes ou d'Afrique ou des États-Unis, c'est-à-dire d'une communauté qui compte parce que la communauté noire est ici... Je pose la question:

[Traduction]

Que va-t-il se passer? Je n'en suis pas du tout sûre. Selon la communauté noire, c'est l'immigration qui lui permet de prospérer et de se développer. La Commission des écoles protestantes du Grand Montréal leur offre—dans leur grande majorité, c'est dans ces écoles qu'ils envoient leurs enfants—des programmes intéressants et passionnants, des programmes spéciaux destinés aux groupes culturels et raciaux minoritaires en mettant tout particulièrement l'accent sur le multiculturalisme et l'intégration. Or, les enfants des immigrants de demain seront intégrés au circuit francophone—je n'ai rien contre, d'ailleurs—et s'il vous arrive de rencontrer de jeunes noirs vous pourrez constater l'excellence de leur bilinguisme, l'excellence de leur français, mais ils continueront à vivre dans un milieu familial différent avec des codes différents.

Que se passera-t-il alors? Où iront-ils? Seront-ils intégrés au circuit francophone, au circuit d'enseignement français? J'aimerais bien comprendre pour pouvoir les rassurer. Deuxièmement...

M. François Ouimet: S'ils ont choisi d'immigrer dans ce pays et dans cette province, s'ils ont choisi cette province, on peut normalement penser que leurs parents se sont informés sur le régime scolaire et sur ses exigences. Il me semble évident que toute personne qui veut immigrer au Québec devrait savoir et doit savoir qu'on lui demandera de s'intégrer au système scolaire francophone. C'est la règle si vous choisissez le Québec pour toutes sortes de raisons historiques dont je suis heureux d'entendre que vous les approuvez.

L'hon. Sheila Finestone: Je ne suis pas d'accord avec l'alinéa 23(1)a), mais pour une raison différente. Votre réseau d'écoles anglaises permettra à la culture et au fait anglais de survivre, mais il y aura toujours la possibilité de passer au réseau français. Vous pourrez toujours vous intégrer à une structure d'immersion francophone. Je n'y vois rien à redire. Cependant, cela a été définitivement rejeté, et je ne reviendrai pas là-dessus...

M. François Ouimet: Ce n'est pas possible.

L'hon. Sheila Finestone: ... mais je tenais à ce que cela soit clarifié par les politiciens du Québec car c'est une question pour laquelle ils vont devoir se battre et défendre leurs arguments. Il va falloir que vous répondiez car ils sont venus ici pour avoir une réponse mais ce n'est pas le bon endroit. N'est-ce pas?

• 1755

M. François Ouimet: Exactement.

L'hon. Sheila Finestone: Très bien. Pensez-y et n'oubliez pas que c'est le prochain problème qu'il vous faudra régler.

M. François Ouimet: Très bien.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup.

[Français]

Le prochain intervenant sera M. David Price.

M. David Price: Premièrement, je vous souhaite la bienvenue. Il est bien agréable de recevoir des gens de l'opposition, comme nous, surtout en pensant que nous formons le futur gouvernement. Comme je l'ai dit auparavant, je vais voter en faveur de l'amendement. J'éprouve toutefois certaines craintes par rapport aux communautés franco-protestantes de chez nous.

[Traduction]

Étant donné votre expérience, j'aimerais vous exposer un cas concret. Il faut une quinzaine d'années à une école franco-protestante pour s'établir dans la communauté. Or, le changement que vous proposez va réintégrer ce genre d'école dans le circuit général car il faudra transporter ces élèves par autobus et tout naturellement vous savez ce qui se passe dans un tel cas—pourquoi devrait-il y avoir une école séparée? Il y a un système scolaire francophone et ils seront donc automatiquement réintégrés. Ils perdront complètement cette école après des années d'efforts pour l'établir. Les enseignants sont franco-protestants. Qu'arrivera-t-il à ces gens?

M. François Ouimet: Permettez-moi de vous répondre en commençant par refaire une distinction. Il est possible que cela soit la conséquence pratique pour les protestants francophones de votre région, mais ce n'est pas le résultat de la modification constitutionnelle envisagée ici. C'est plus le résultat d'une décision prise par le gouvernement de modifier les territoires des commissions scolaires.

M. David Price: C'est le résultat du passage à des commissions linguistiques. C'est évident.

M. François Ouimet: C'est le résultat du passage à des commissions linguistiques et de la modification des territoires puisque nous passerons de 156 commissions scolaires à environ 70.

M. David Price: Actuellement vous avez...

M. François Ouimet: Si vous voulez me laisser finir.

M. David Price: ... une école francophone de 1 000 élèves ici et une autre école francophone de 300 élèves juste à côté. C'est comme ça. S'ils sont protestants ils conserveront leur école et si c'est une école catholique ils finiront automatiquement par aller là. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, bien sûr, mais cela se fera pour une simple raison de coûts.

M. François Ouimet: Mais ce n'est pas forcément une conséquence de cette modification constitutionnelle. C'est une conséquence de la modification du système, de la modification des structures scolaires.

Si vous aviez posé la question à la ministre—et je lui ai posé des questions sur ce problème précis—elle vous aurait répondu qu'il est toujours possible de s'entendre entre écoles et entre commissions scolaires pour perturber le moins possible les projets scolaires existants.

Il est possible que cette réponse soit plus théorique que pratique, mais il y a certaines incidences...

M. David Price: Ils savent que les solutions peuvent être trouvées à court terme, mais c'est le long terme qui les inquiète.

M. François Ouimet: Nous aurions tort de prétendre qu'il n'y aura pas de conséquences. Il est certain qu'il y en aura. Mais nous continuons à estimer qu'en faisant la part des choses les avantages l'emportent sur les inconvénients.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Marlene Jennings.

Mme Marlene Jennings: Bonsoir et merci d'avoir accepté notre invitation à venir nous présenter vos vues et à répondre à nos questions.

J'aimerais me joindre à mes collègues qui vous ont félicités pour la démarche que vous tentez. Je crois qu'il faut saluer officiellement la démarche que vous avez entreprise à l'Assemblée nationale pour obtenir un consensus et convaincre le parti actuellement au pouvoir d'adresser cette demande au Parlement canadien. Je pense que je peux parler au nom de mes collègues et au nom de beaucoup de Québécois et de Québécoises de toutes couleurs politiques.

J'ai une très courte question à vous poser. Je pense que vous m'avez déjà entendue adresser la même question à Mme Marois. Elle concerne les prétentions qu'ont soutenues devant nous les autochtones.

• 1800

L'Alliance autochtone du Québec et le Congrès des peuples autochtones ont soutenu avoir des droits quant à la confessionnalité des systèmes scolaires qui leur sont propres et qui leur sont garantis en vertu de l'article 93. De plus, compte tenu de la non-reconnaissance du gouvernement du Québec des droits qu'ont les autochtones en matière d'éducation en vertu l'article 91, au paragraphe 24, ils ont vraiment peur, si le Parlement adopte l'amendement suggéré par l'Assemblée nationale, que leurs droits en matière scolaire ou de structures scolaires confessionnelles soient affectés.

J'aimerais savoir si vous, en tant que membres de l'opposition, vous avez une position sur le sujet.

M. Jean-Marc Fournier: Je répondrai au meilleur de ma connaissance. Je ne crois pas que l'article 93 fasse de distinctions ou de différences ou établisse de catégories parmi les citoyens selon qu'ils sont autochtones ou pas. Je ne pense pas me tromper en disant cela. L'article 93 reconnaît d'abord et avant tout la compétence exclusive en matière d'éducation de la juridiction provinciale, du Québec en l'occurrence. De plus, un cadre est défini dans les paragraphes (1) à (4) sur la façon dont doit s'exercer cette compétence à l'intérieur de ces paramètres.

Tout à l'heure on parlait de privilèges plutôt que de droits. Je pense qu'on a fait allusion abondamment à des décisions des tribunaux qui dénotent qu'il s'agit en fait de privilèges consacrés par la Constitution. Cependant, ces privilèges sont consacrés à des minorités, soit protestantes ou catholiques.

Je serais donc bien mal venu de vous dire qu'il se trouve quelque part dans cet article une mention concernant une certaine catégorie de citoyens. Si telle est la prétention des autochtones, peut-être la trouvent-ils dans un autre soutien législatif. J'ignore pour l'instant lequel il serait.

Mme Marlene Jennings: Merci.

M. François Ouimet: J'ajouterais également qu'il existe trois commissions scolaires pour autochtones à ma connaissance: la Commission scolaire crie, une commission scolaire autochtone et une troisième commission scolaire dont le nom m'échappe. Mais ces commissions scolaires ne sont pas du tout affectées, ni par le projet de loi 109 ni, à ma connaissance, par la modification constitutionnelle.

Mme Marlene Jennings: Oui, mais...

M. François Ouimet: J'ai peut-être mal saisi votre question, madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Non. C'est que ces deux associations ou regroupements représentent des métis et des autochtones qui habitent autant sur les réserves qu'à l'extérieur des réserves. Ils soutenaient qu'ils avaient, avant même 1867, leurs propres écoles confessionnelles, autant sur les réserves qu'à l'extérieur, qu'ils ont continué à gérer.

Donc, ils sont une minorité à l'intérieur d'une minorité qui bénéficiait d'un privilège.

M. François Ouimet: Je comprends peut-être un peu mieux l'objet de leur revendication. C'est qu'en 1867, la Constitution a cristallisé l'état du droit scolaire qui existait dans le Bas-Canada à cette époque, et je comprends que les autochtones se disent que nous avions des droits et des privilèges qui ne leur ont jamais été véritablement reconnus après 1867.

Il faudrait voir, à l'aide de recherches historiques, quelles étaient exactement les lois en application lorsque la photo de la situation existant alors a été prise.

M. Jean-Marc Fournier: De toute évidence, ce n'est pas ce qui est envisagé par la demande de modification constitutionnelle qui est actuellement sur le tapis.

Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Denis Paradis): M. Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Si vous me le permettez, je vais reprendre la rengaine du nonobstant. Je ne sais pas si vous avez pu observer le cheminement que nous avons fait ici, au comité, ces premiers jours. Devant les témoins qui venaient nous présenter leur point de vue, nous avons pu nous questionner sur l'existence d'un consensus. La discussion a évolué au fil des jours au point où je pense, sans vouloir parler au nom de mes collègues, que bon nombre d'entre nous reconnaissent que ce consensus existe, non seulement en ce qui a trait aux commissions scolaires linguistiques, mais aussi par rapport à l'amendement de l'article 93, dans le sens où le demande l'Assemblée nationale.

• 1805

Ce que je disais, et ce que je répète, c'est qu'une partie de ce consensus repose sur l'assurance qu'auraient les parents et les évêques, ou d'autres, de pouvoir conserver quand même des écoles confessionnelles.

Vous avez vous-même dit tout à l'heure qu'après l'amendement bilatéral de l'article 93, cela pourrait être contesté. D'ailleurs, certain groupes nous ont affirmé qu'ils le feraient. Dans un certain temps, on pourrait se retrouver avec une situation où la Cour suprême du pays dise que, selon la Charte québécoise ou la Charte canadienne des droits et libertés, alinéa 2a) et ainsi de suite, le gouvernement ne peut plus faire ce qu'il a promis. On pourrait se retrouver dans une situation où la seule option qui resterait—si c'était vraiment la seule option, car je ne veux pas vous mettre en boîte non plus—serait d'invoquer le nonobstant.

Je vous pose la question à vous, comme porte-parole de l'opposition officielle. Si vraiment on en arrivait à devoir invoquer la clause dérogatoire, parce que c'est la seule possibilité de maintenir les aménagements prévus, est-ce que vous vous estimeriez justifiés de le faire en tant que porte-parole de l'opposition officielle?

M. Jean-Marc Fournier: J'aimerais répondre complètement. Je sais que la question est très précise et je veux y répondre. Mais pour donner la réponse la plus claire possible, celle qui serait la mienne, en tout cas, j'aimerais pouvoir brosser un portrait du genre de celui que j'ai fait pour le sénateur Beaudoin tout à l'heure.

À mon avis, lorsqu'il y a contestation, que la cour se prononce sur cette contestation en interprétant l'article 1 un peu plus strictement et qu'elle en arrive à la conclusion qu'il y a contravention, il est d'usage qu'elle indique des pistes, des avenues ou des aménagements. Elle cherche, elle aussi, à faire en sorte que la Charte puisse s'appliquer tout en tenant compte de la volonté du législateur.

On ne fera pas un grand cours d'histoire sur la suprématie du Parlement, qui est un de nos héritages par rapport à cette nouvelle avenue qu'est la Charte des droits. Il faut s'organiser pour qu'ils coexistent. C'est ce que les parlementaires ont à faire quand ils adoptent des lois. C'est ce que la cour, institution importante, doit faire aussi. Donc, elle suggère des voies de solution.

Je suis convaincu qu'il est à peu près toujours possible—mais je conserve une réserve—d'utiliser ces aménagements. Disons qu'il est possible de répondre aux souhaits de la vaste majorité, tout en tenant compte de la Charte au moyen d'aménagements.

La question que vous posez est celle-ci. Faisons l'hypothèse que nous nous trouvons dans une situation extrême. À ce moment-là, je dirais que l'analyse et l'évaluation doivent toujours être rigoureuses avant d'utiliser une telle clause, bien qu'on puisse l'utiliser puisqu'elle existe. Il faut alors vérifier, et je pense que le ministre Brassard l'a dit plus tôt, quelle est la vigueur de la volonté populaire ou de ce mouvement à l'égard de la direction à prendre au moyen de la clause dérogatoire. Dans ce cas, ladite clause devra toujours être revue. On sait qu'elle n'est pas permanente et qu'elle doit toujours être réévaluée.

Donc, le constituant a forcé le législateur à toujours se remettre en question par cette obligation. Il peut même arriver qu'à l'occasion, une fois qu'il l'a utilisée, il puisse découvrir un aménagement qu'il n'avait pas vu ou prévu, ou qui n'avait pas le soutien populaire suffisant pour qu'il puisse l'employer.

Je sais que vous en avez discuté et que, pour certains, cela avait l'air d'être un automatisme. Je ne prétends pas que nous soyons les seuls à le dire. Je pense au contraire qu'il y en a plusieurs autres. Je dirais que l'exemple parfait qu'on peut en avoir, sans vouloir en débattre ici, demeure le jugement de la Cour suprême concernant la Loi référendaire, dans lequel elle définit un cadre précis.

Lorsqu'on ne prend pas peur, qu'on regarde les choses froidement, on se dit que ce jugement offre des avenues. C'est le travail du législateur que de voir s'il y a des aménagements possibles. Après avoir entendu le ministre plus tôt, je pense bien que c'est la voie qui sera empruntée au Québec. Il y aura coopération, encore une fois, entre l'opposition et le gouvernement pour trouver des pistes d'aménagement.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Fournier. La prochaine intervention sera faite par Mme Val Meredith.

[Traduction]

Mme Val Meredith: Je ne suis pas d'accord avec mon honorable collègue car certains d'entre nous se demandent si oui ou non les citoyens du Québec consentent à ce que le gouvernement fait en leur nom.

• 1810

Je tiens à vous rappeler que lorsque la Constitution a été rapatriée en 1982, 74 des 75 députés représentant le Québec à Ottawa, au nom du peuple québécois, l'ont acceptée. La province elle l'a rejetée. Le gouvernement du Québec, au nom des Québécois, a approuvé l'accord de Charlottetown, mais lors du référendum, la majorité des Québécois l'a rejeté.

Je me demande donc la raison pour laquelle le Québec n'a pas fait la même chose que Terre-Neuve, n'a pas consulté ses électeurs avant de demander, forte d'un appui massif de ces derniers, à la Chambre des communes de l'aider à modifier son système éducatif en exemptant le Québec de l'article 93? Cela aurait facilité la tâche des sceptiques qui se demandent si la population québécoise est vraiment derrière son gouvernement sur cette question.

M. Jean-Marc Fournier: Je crois que la réponse est dans votre question. Vous parlez de Charlottetown, et du fait que le gouvernement de l'époque, le gouvernement libéral, était favorable à cet accord et que lors du référendum la population a voté contre. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque au Québec le Parti québécois, qui formait l'opposition, était contre l'accord de Charlottetown.

La situation aujourd'hui n'est pas la même. Il me semble que c'est clair lorsque vous avez un gouvernement suivi de son opposition dans la même assemblée qui vient vous dire qu'ils sont d'accord. Sur ce projet, il y a consensus, il y a unanimité.

Bien entendu, l'accord de Charlottetown a été soumis à un référendum mais il n'y avait pas de consensus au Québec, à l'époque. Il n'y avait pas d'unanimité. La situation était tout à fait différente.

Mme Val Meredith: Mais nous n'avons pas de preuves empiriques de ce consensus dans la population.

M. Jean-Marc Fournier: Je me permettrais de dire une chose. Je sais que beaucoup pensent que nous devrions recourir plus souvent à la démocratie directe. Je crois à la démocratie directe, mais je crois que lorsque les trois partis représentés à l'Assemblée nationale sont favorables à la proposition, est-il vraiment utile...? Il faut aussi penser à l'argent des contribuables. Quand tous les partis sont d'accord... Comme vous le savez, ces partis représentent des circonscriptions dans tous les secteurs de la société et dans toutes les régions. François et Mme Marois nous ont fait l'historique du processus. Je ne sais à combien d'années remonte le début de cette discussion. La population en a toujours discuté.

Il y a une minute, M. Ouimet vous a dit que parmi tous ceux et toutes celles qui sont favorables à cette proposition, il n'y avait pas que les politiciens mais tous les groupes directement concernés—les enseignants, les enfants, les étudiants et les commissions scolaires. Ils sont tous d'accord. Quand vous avez tous ces groupes plus l'unanimité de... La démocratie directe est une bonne chose, mais je pense que la démocratie directe exprimée par l'élection de représentants dans une assemblée est aussi une bonne chose—ou du moins je l'espère.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Veuillez m'excuser, mais nous avons plusieurs autres intervenants. Monsieur Nick Discepola.

M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président. Merci, monsieur. Aujourd'hui vous avez reçu un appui presque total; le Parti conservateur s'est exprimé, les députés libéraux se sont exprimés, le Parti conservateur s'est exprimé à la Chambre des communes et même le Nouveau parti démocratique s'est exprimé. Il reste quand même un parti politique à convaincre. En effet, parce que le gouvernement du Québec a refusé de tenir un référendum sur la question, ce parti refuse d'accepter qu'il y a consensus. Pour moi, c'est incompréhensible.

• 1815

[Traduction]

Vous semblez toujours revenir à ce consensus... et je crois que c'est important. Et vous avez ici des députés de l'Assemblée nationale, des députés de l'opposition, des membres du gouvernement, des représentants de groupes catholiques, de groupes protestants, de groupes anglophones—qui sont tous pour.

Monsieur Goldring, permettez-moi de rectifier un de vos propos. Si je me trompe, n'hésitez pas à me le dire mais dans votre question vous avez cité...

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): J'interviens pour préciser que nous n'en sommes pas à l'époque du débat. Nous avons des témoins invités.

M. Nick Discepola: Je m'excuse. C'est très important.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Discepola, si nous voulons tenir un débat entre nous, qu'on le réserve pour la semaine prochaine. Pour le moment, nos témoins sont là et ils n'y seront plus la semaine prochaine.

M. Nick Discepola: J'en arrive à ma question. J'ai été très patient, monsieur le président. J'ai cédé mon droit de parole. Il est quand même important d'éclaircir certains points.

[Traduction]

Monsieur Goldring, je crois, a cité la page 7 du sondage qui nous a été présenté par

[Français]

la Coalition pour la déconfessionnalisation du système scolaire, où il était précisé que cette coalition avait fait un sondage auprès de quelque 1 000 personnes au Québec. Le questionnaire comportait trois options. D'abord, il y avait un enseignement religieux, soit catholique, soit protestant. À peine 16 p. 100 des répondants ont opté pour l'enseignement catholique et protestant et 11 p. 100 pour l'enseignement de toutes les religions. La grande majorité a sans doute accepté l'autre option.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Et quelle question adressez-vous à nos témoins?

M. Nick Discepola: Je vais essayer de formuler le tout dans une question.

[Traduction]

J'aimerais que vous lisiez également la page 5 de ce même rapport où il est dit...

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous rappelle encore une fois à l'ordre, monsieur Discepola. Nous avons des témoins membres de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale...

M. Nick Discepola: Je retire ma question.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci.

M. Nick Discepola: Je pense qu'il est important, monsieur le président, de démontrer au Parti réformiste qu'il y a un consensus également chez les minorités anglophones. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, s'il vous plaît.

M. François Ouimet: J'ai deux courts commentaires à faire en réponse à M. Discepola et en réponse à la représentante du Parti réformiste. Si vous me le permettez, je vais les faire en anglais.

[Traduction]

Je crois avoir déjà démontré l'existence d'un consensus au Québec. Vous dites qu'il n'y a pas de preuves empiriques. Permettez-moi de vous dire qu'il n'a jamais été jugé nécessaire au Québec d'avoir des preuves empiriques car le consensus était plus qu'évident.

À propos de Terre-Neuve, n'oubliez pas que le clergé s'opposait véhémentement à ce changement alors qu'au Québec le clergé y est favorable et il représente les minorités religieuses concernées.

J'exprime l'espoir, au nom de tous les Canadiens, que nous aurons l'appui du Parti réformiste pour cette modification constitutionnelle. Ce serait merveilleux.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ouimet. Le prochain intervenant sera le sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Ma question s'adresse à vous, monsieur Ouimet. Vous vous êtes bien présenté comme ancien président de la CECM à Montréal? Est-ce exact?

M. François Ouimet: Oui.

Le sénateur John Lynch-Staunton: D'accord. J'aimerais, si vous en êtes capable évidemment, que vous nous expliquiez comment il se fait que la CECM adopte une position contraire à celle de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Je ne sais pas si elle en est membre ou non.

M. François Ouimet: Oui.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Mais la Fédération des commissions scolaires dit bien qu'elle offre des services éducatifs à plus de 1 million d'élèves, soit plus de 90 p. 100 de la population scolaire et elle prend position, sans équivoque, en faveur de la résolution de l'Assemblée nationale. Par ailleurs, M. Pallascio, quand il est venu nous rencontrer il y a quelques jours, a pris une position contraire à celle de votre ancien employeur.

M. François Ouimet: Oui. Cela me fait plaisir.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Un retour en arrière. Je vous pose la question. J'espère que vous pouvez m'éclairer là-dessus.

M. François Ouimet: Il me fait plaisir d'y répondre.

Je commencerai par vous dire que la position de la CECM n'a pas toujours été tout à fait conséquente au cours des années. En 1994, elle avait voté en faveur des commissions scolaires linguistiques et voulait elle-même se transformer en commission scolaire linguistique.

Je vous dirais que les corps professoraux, les représentants des parents, les représentants des enseignants, les directions d'écoles, les cadres de service, tous ceux qui composent l'institution sont tout à fait favorables à la démarche. Je ne parle pas des élus politiques.

Il reste un parti politique élu, qui gouverne cette commission scolaire par le biais d'une coalition, qui remet en question le bien-fondé des commissions scolaires linguistiques. Il faut composer avec eux. Ils sont effectivement membres de la Fédération des commissions scolaires, mais sur ce point, ils sont intransigeants depuis de nombreuses années.

• 1820

Je ne porte pas de jugement sur la position qu'ils adoptent mais, de mon point de vue, c'est une position dépassée depuis longtemps.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ouimet. Passons à l'intervention suivante.

Vous avez encore une courte question, sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur John Lynch-Staunton: Il est important de connaître la position de la CECM, qui est quand même la commission scolaire la plus importante quant au nombre d'élèves au Québec et une des plus importantes au Canada.

Je ne vous considère pas comme l'un de ses porte-parole, mais vous pouvez nous éclairer sur son attitude. Je les comprends un peu mieux. Ces gens, qui ont été élus par une minorité de ceux qui ont le droit de vote comme c'est le cas dans toute élection scolaire scolaire à Montréal, ne sont pas représentatifs.

Mais est-ce que, selon vous, ils accepteront leur nouveau statut si jamais cet amendement est accepté ou s'ils vont s'adresser à la cour pour garder leur statut actuel ou encore prendre des procédures pour retarder la mise en oeuvre de ce que bien des gens souhaitent?

M. François Ouimet: Au niveau de l'institution, ils acceptent l'existence de commissions scolaires linguistiques, mais les membres du parti au pouvoir tiennent à préserver des structures scolaires confessionnelles.

Ils ont affirmé, en commission parlementaire à l'Assemblée nationale, qu'en tant qu'institution, ils ne feraient pas obstacle à la démarche si elle s'avérait fructueuse. Quant à leur formation politique, le Regroupement scolaire confessionnel et les mouvements qui peuvent les appuyer, je ne pourrais pas vous répondre en leur nom. Il y a peut-être possibilité de contestation; on verra à ce moment-là. Toutefois, sur le plan institutionnel, il faut comprendre qu'ils gouvernent en représentant une coalition fragile. Cette question est épineuse. Ils ont déclaré qu'ils ne mèneraient pas de débat judiciaire et que la cause ne serait pas portée devant les tribunaux.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Ouimet.

Un dernier intervenant, M. Paul DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Bonsoir, messieurs les députés. Je pense que de plus en plus les membres de ce comité, sauf les réformistes, sont convaincus qu'il existe un consensus. Croyez-vous que ce consensus aurait été possible au Québec sans l'existence de l'article 23 qui rassure la communauté anglophone quant à ses inquiétudes sur ses droits linguistiques?

M. Jean-Marc Fournier: Cela a été souligné chez vous comme cela l'a été chez nous. Nous avons eu des débats à ce sujet. Il est évident que la confessionnalité a toujours été quelque peu liée avec la langue dans le passé. Donc, s'il avait eu lieu avant 1982, le même débat n'aurait peut-être pas abouti à la même conclusion.

C'est vrai pour la communauté d'expression anglaise au Québec. J'ajouterai que j'arrive d'Edmonton où je suis allé, il y a une semaine, rencontrer les Franco-Albertains. Ils sont nombreux à nous dire qu'ils commencent à se développer, à avoir leurs écoles et ils font remarquer que c'est l'article 23 qui leur a procuré cela et qui leur a été utile. Évidemment, c'est le même article qui est là pour «sécuriser» la communauté d'expression anglaise et pour bien démarquer... Cela permet de démarquer le débat sur la confessionnalité des structures de celui qui porte sur la question linguistique. Cela permet d'établir la distinction entre les deux. Dans ce sens, cet élément de la Constitution a permis de garantir...

Néanmoins, il y a eu des inquiétudes au Québec. C'est pourquoi nous avons fait des pieds et des mains, allumé des feux rouges et déposé l'amendement Mulcair. Nous avons travaillé assez fort pour qu'il soit adopté. La conclusion de ce débat—et c'est ce qui importe au-delà des démarches pour atteindre un consensus—, c'est que le consensus ait été atteint et que l'amendement Mulcair se trouve dans la motion adoptée et dans le projet de motion qui vous est proposé.

Donc, il y a une disposition constitutionnelle qui permet de prendre le virage que nous souhaitons à propos de l'article 93, mais il y a aussi cette volonté affirmée de l'Assemblée nationale, et aussi du parti gouvernemental actuel, de préserver les acquis de la communauté d'expression anglaise.

• 1825

Je pense que c'est ainsi que nous avons réussi à atteindre un consensus. J'ajoute en terminant, parce que je pense que nous allons bientôt nous séparer...

Des voix: Ah, ah!

M. Jean-Marc Fournier: Nous séparer physiquement s'entend, quitter cette salle. J'ajoute en terminant, monsieur le président, que nous sommes très heureux d'avoir pu venir ici aujourd'hui démontrer qu'il y a place pour la coopération et que nous sommes capables d'avancer, de faire du progrès et de faire changer les choses.

Nous sommes très heureux d'avoir pu d'une seule voix, le gouvernement du Parti québécois et l'opposition libérale, venir ici témoigner du fait qu'il est possible de faire bouger les choses. Nous en sommes très heureux.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Chers collègues de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale à Québec, au nom de tous les membres de notre comité mixte spécial, je vous remercie énormément de votre présentation de cet après-midi.

Nous allons suspendre la séance, le temps de manger un morceau. Tous ceux qui sont dans cette salle sont invités à manger. Nous n'avons pas de quoi nourrir 150 personnes, mais nous en avons un peu.

• 1826




• 1900

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous reprenons les audiences du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867

[Traduction]

concernant le système scolaire au Québec et conformément à l'ordre de renvoi du Sénat et de la Chambre des communes.

Nous avons le plaisir d'accueillir ce soir le Black Community Resource Centre, représenté par Ricardo Gill, son président, Sharon Sandiford, membre du conseil d'administration, Ababebesh Assefa, directrice exécutive, et Vere Rowe, administrateur. Et représentant le Quebec Board of Black Educators, nous avons le plaisir d'accueillir Curtis George, son président, et Garvin Jeffers, son vice-président.

Bienvenue à cette réunion. Nous allons d'abord vous entendre pendant huit ou dix minutes et ensuite nous passerons aux questions des membres du comité.

Monsieur Gill, nous vous écoutons.

M. Ricardo Gill (président, Black Community Resource Centre): Merci, madame et monsieur les présidents.

Honorables députés, mesdames et messieurs, le Quebec Board of Black Educators et le Black Community Resource Centre ressentent comme un honneur le privilège d'avoir été appelés comme témoins par votre comité. Notre intervention sera très brève. J'ajouterai cependant que nous pensions être prévus pour 15 heures.

Des voix: Oh!

M. Ricardo Gill: Il est maintenant presque 19 heures. Étant arrivés avant l'heure prévue, il ne nous a pas été difficile d'en comprendre la raison. Passer après des témoins aussi illustres ne peut être que favorable.

Des voix: Oh!

M. Ricardo Gill: Quoi qu'il en soit, nous nous proposons de concentrer nos commentaires sur la communauté noire anglophone et sur notre interprétation des conséquences de cette modification constitutionnelle pour l'éducation de nos jeunes. Je sais que beaucoup d'autres témoins vous ont parlé du problème d'une manière globale, et qu'une grande partie de leurs commentaires concernaient également notre communauté, mais je crois qu'il reste quelques aspects qui n'ont pas été couverts. Ce sont eux que nous espérons couvrir ce soir.

Permettez-moi de commencer par vous dire que le Quebec Board of Black Educators commence à se faire vieux. Il a aujourd'hui 30 ans. Le Black Community Resource Centre est lui plutôt jeune. Nous n'avons qu'un dixième de son âge. Nous n'avons que trois ans. Mais nous avons décidé d'unir nos efforts. Nous estimons que tous les jeunes bénéficieront d'une adoption de cette modification et du passage de commissions confessionnelles à des commissions linguistiques.

Vous pouvez suivre sur mon texte, mais pour gagner du temps je me contenterai de lire les passages importants.

Nous appuyons cette modification, et notre appui se fonde sur la croyance que les conseils linguistiques sont un arrangement plus rationnel et supérieur pour la prestation des services éducatifs, étant donné que les changements démographiques ont rendu les commissions confessionnelles anachroniques. De plus, nous croyons que les groupes des minorités raciales et culturelles seront mieux servis par ce nouvel arrangement et vous verrez plus tard pourquoi.

Nous appuyons cette réorganisation. De nombreux intervenants précédents ont parlé des avantages économiques de cette réorganisation. Nous croyons en plus qu'elle améliorera la qualité de l'éducation et offrira des services améliorés à la communauté anglophone dont nous sommes membres. Nous espérons fortement que la communauté noire anglophone bénéficiera de ce regroupement puisqu'elle sera désormais répartie entre deux commissions, plutôt qu'entre les huit commissions dont dépendent actuellement nombre de nos jeunes. Ils sont très dispersés.

Nous estimons que la communauté noire anglophone regroupe environ 55 000 personnes—et nous parlons ici strictement de la communauté noire anglophone. Nous avons toujours été une minorité au sein de la minorité anglophone du Québec. D'après nos archives, cela fait des années que nous fréquentons le système scolaire protestant. Les archives indiquent qu'au début du siècle nous fréquentions des écoles qui n'existent plus dans le quartier de la petite Bourgogne, de Saint-Henri, comme Royal Arthur ou Prince Albert, etc. Notre communauté n'est donc pas nouvelle. L'histoire montre que nous avons fréquenté ces écoles.

Un plus petit nombre fréquentait les écoles des commissions catholiques sur l'île, dispersées dans la CECM, à Baldwin-Cartier, Sault-St-Louis, etc. Résultat, il y a eu fragmentation et ces élèves, ceux tout particulièrement qui fréquentaient le système catholique, n'ont pu avoir un accès égal aux programmes et aux services spécialisés offerts par la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal.

Pendant près de 20 ans nous avons négocié avec cette commission. Le Quebec Board of Black Educators travaillait en étroite collaboration avec ses responsables—et au sein de divers comités de liaison par garantie supplémentaire—et leur réponse a été à la hauteur de la demande en matière de politiques multiculturelles et multiraciales. Ils ont créé des départements, et il y a des programmes de services adaptés aux besoins culturels et raciaux de ces jeunes. Nous espérons que dans ces nouvelles structures, certains de ces services seront étendus aux deux commissions linguistiques auxquelles seront rattachés ces jeunes—à savoir la commission anglaise de l'Ouest et la commission anglaise de l'Est.

Malheureusement, nous n'avons pas comparu avant la ministre, autrement, vous auriez entendu que nous félicitions la ministre de l'Éducation du Québec pour les initiatives qu'elle a prises en mettant en place des stratégies visant la réussite scolaire des enfants issus de familles d'immigrants pour favoriser l'accès aux ressources culturelles. C'est ce qu'on appelle la stratégie pour l'accès aux ressources culturelles.

Nous espérons que les nouvelles commissions scolaires prendront les mesures qui s'imposent pour élaborer, maintenir et soutenir des mesures qui favorisent la compréhension entre les groupes raciaux et culturels; qui favorisent les programmes de règlement des différends, comme la médiation par des pairs, et qui intègrent tous les groupes de minorités visibles aux structures éducatives des commissions.

Je sais que l'honorable députée de Mont-Royal a soulevé l'une des questions. Je ne sais pas comment ça s'est fait, mais vous avez assurément posé une certaine question à M. Ouimet.

Comme mon collègue—et juriste—l'a dit, c'est strictement un à-côté. Nous ne faisons donc que noter en passant que nous partageons certaines préoccupations. Naturellement, nous pensons qu'il serait très difficile de renverser certaines tendances. Néanmoins, nous avons bien fait valoir que l'immigration a bel et bien contribué à la représentation démographique de notre collectivité dans le système scolaire.

Pour récapituler, je pense qu'il y a une chose que nous aimerions bien faire comprendre, mais je ne sais pas si on l'a déjà dit. Ce que nous disons en somme, c'est que nous appuyons la modification. Nous faisons toutefois état de certaines appréhensions. Malgré cela, nous estimons que le statu quo est inacceptable. Si nous nous en tenons au statu quo, il faudra que nous ayons à la fois des commissions linguistiques et des commissions confessionnelles, surtout dans l'île. Dans ce cas-là, la communauté noire sera encore plus fragmentée et ne pourra pas bénéficier des services offerts—ceux dont j'ai parlé tout à l'heure—par des systèmes comme la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal.

Et il y a un autre problème. Cette fragmentation créera différents types de systèmes scolaires, au détriment des étudiants des quartiers défavorisés. Je tenais à le souligner et à bien vous faire comprendre de quoi je parle. Supposons que la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal soit limitée au territoire qui lui revient actuellement. On constaterait que dans cette zone géographique donnée, la plupart des écoles se trouveraient dans les quartiers pauvres. Sur le nombre d'enfants fréquentant ces écoles—ai-je besoin de le dire—un certain nombre seraient défavorisés sur les plans social et économique et incapables de suivre leurs pairs qui vivent dans les limites de la commission de l'Ouest ou de la commission de l'Est.

• 1910

Nous croyons sincèrement que ces jeunes qui sont défavorisés sur le plan socio-économique—compte tenu de l'arrangement actuel de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal auquel on espère pouvoir remédier grâce à la mise en place de commissions linguistiques—souffriront certainement si l'on maintient le statu quo et que coexistent des commissions linguistiques et confessionnelles.

Il y a une chose que nous tenons à souligner, parce que nous savons qu'il y a des écoles que ces enfants pourront avoir à fréquenter. Je sais que nous avons déjà parlé de la concurrence qu'on se livre pour attirer les jeunes, et je pense à des écoles comme Coronation et Somerled et celle dans Urbain et ainsi de suite.

Madame la coprésidente, monsieur coprésident, mesdames et messieurs, je pense que ce sont là les éléments principaux. Ils ne sont pas nombreux, mais peut-être qu'il n'en avait pas été question dans les autres discussions que vous avez eues. Nous avons jugé bon de comparaître pour en faire état. Nous vous remercions.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Gill.

Nous allons commencer la période de questions par une intervention de M. Goldring.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Gill.

Souhaitez-vous que dans ce système scolaire réformé les parents aient le choix d'un enseignement religieux?

M. Ricardo Gill: Oui, nous le souhaitons. Toutefois, bon nombre des jeunes anglophones qui fréquentent le système protestant sont habitués à des programmes d'éducation religieuse et d'enseignement moral. Ils ont toujours eu des cours d'éducation religieuse et d'enseignement moral.

M. Peter Goldring: Le groupe qui vous a précédés a mentionné ne pas avoir encore décidé quelles religions seraient enseignées à l'école—si on s'en tiendrait, comme c'est le cas actuellement, aux religions protestante et catholique, ou si l'on ouvrirait la porte à toutes les religions ou à aucune. Êtes-vous préoccupés par le fait qu'on ne l'ait pas précisé?

M. Ricardo Gill: Je présume que c'est ce qu'on offrira: l'enseignement catholique et l'enseignement religieux, moral. Je ne peux me prononcer qu'au nom de notre groupe, mais les parents espèrent que les programmes d'enseignement religieux et moral seront pris en compte parce que c'est un moyen d'inculquer des valeurs aux jeunes.

M. Peter Goldring: Avez-vous posé la question pour établir si l'on maintiendrait cette pratique?

M. Ricardo Gill: Je n'ai pas posé la question, mais je pense que la ministre a parlé du travail que Jean-Pierre Proulx et d'autres feront sous peu. Je suis sûr qu'il y aura une forte participation de différents secteurs de la population qui nous permettra de le garantir.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Le prochain intervenant sera le sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Appuyez-vous la modification?

M. Ricardo Gill: Nous l'appuyons.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Vous appuyez la résolution ou le Québec.

Un de vos arguments est la question de la fragmentation. C'est un argument majeur, car je crois savoir que vous êtes dispersés dans tout Montréal. Dans la pratique, il ne peut pas s'agir d'une véritable commission parallèle.

• 1915

M. Ricardo Gill: Je devrais peut-être vous expliquer quelque chose. Actuellement, en raison de l'ouverture de notre système, les jeunes enfants noirs qui vivent, par exemple, dans le quartier Côte-des-neiges, peuvent fréquenter une école protestante de Verdun—la Argyle Academy—ou encore d'autres peuvent vivre à Lachine et fréquenter une école de NDG. Avec les changements préconisés, quand il y aura partage selon des critères linguistiques et confessionnels, cela donnera lieu à une fragmentation.

Actuellement, il est tenu compte de tout en raison des orientations. On envoie son enfant à tel ou tel endroit selon l'orientation, mais ils appartiennent toujours à une famille, pour ainsi dire. Dans le nouveau contexte, s'il y a statu quo, il pourrait y avoir un bon nombre de familles différentes.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Bujold.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Je vous remercie de votre présence et d'être venu exposer votre point de vue. J'ai écouté avec attention votre exposé et je constate avec intérêt que votre point de vue résume le consensus qui prévaut depuis 37 ans au Québec, à partir du rapport Parent jusqu'aux États généraux et aux consultations générales. Ce consensus définit bien la logique et l'efficacité versus le service de l'enseignement et va aussi mieux desservir votre communauté anglophone, comme vous le dites. C'est avec un immense plaisir que j'accepte le dépôt de votre mémoire dont j'ai lu les grandes lignes et que je lirai de façon plus approfondie.

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup pour votre exposé.

J'aimerais aborder un point qu'a soulevé M. Goldring, à savoir si l'on a vérifié ou non si au sein de notre collectivité—puisque je fais moi-même partie de celle-ci—la majorité souhaite qu'il y ait des écoles ou des cours d'enseignement religieux.

Il y a une différence entre les programmes que nous offrons dans les commissions scolaires protestantes, même si le titre comporte le mot «protestant», étant donné que la commission scolaire protestante a toujours accueilli des élèves de toutes les confessions religieuses. C'est essentiellement ce qu'on pourrait appeler une commission non confessionnelle eu égard aux services et aux programmes offerts. Bien qu'on puisse offrir des cours d'enseignement religieux, ils correspondent surtout aux types de religions représentées, aux types de valeurs existantes.

On pourrait affirmer que de façon générale, dans notre collectivité, nous avons un grand respect des croyances religieuses. Nous avons des églises très bien établies, dont certaines existent depuis 90 ans dans l'île de Montréal. De façon générale, les valeurs religieuses de notre confession sont transmises aux enfants par les parents et par notre église. Nous ne comptons pas sur l'école pour le faire, n'est-ce pas?

M. Ricardo Gill: Je crois que vous avez raison. On peut l'affirmer.

Mme Marlene Jennings: Est-ce une des raisons pour lesquelles notre collectivité appuie cette modification visant à supprimer cette protection confessionnelle à deux religions, à deux fois différentes? Il nous faut dire catholique romaine parce qu'il y a d'autres fois catholiques qui ne sont pas romaines et qui ne sont pas protégées en vertu de l'article 93. Les religions grecque orthodoxe et maronite relèvent de la foi catholique mais ne sont pas protégées en vertu de l'article 93.

Par conséquent, une des raisons pour lesquelles la communauté anglophone noire appuie cette modification tient précisément au fait que nous ne dépendons pas des écoles pour transmettre nos valeurs religieuses particulières ni notre foi à nos enfants. Nous avons d'autres moyens: les parents et nos églises.

Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup.

Je donne maintenant la parole à Mme Sheila Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.

D'abord, je tiens à vous dire que je suis très heureuse que vous ayez eu l'amabilité de vous présenter tôt et de rester tard. J'espère que vous n'avez pas été trop déçus par le petit sandwich que vous avez pu obtenir. C'est une journée intéressante. Vous avez vraiment manifesté par votre présence même la diversité de la réalité québécoise.

• 1920

Deuxièmement, pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, nous avons la très bonne fortune d'avoir un commissaire scolaire, quelqu'un qui fait maintenant partie de la nouvelle commission scolaire. Nous avons des enseignants réputés dans le système général qui connaissent bien le système actuel. J'écoutais attentivement quand vous avez parlé des commissions scolaires et quand vous avez dit que vous espériez que la nouvelle commission scolaire mette en place les mêmes genres de services auxquels vous étiez habitués dans le système des commissions scolaires non confessionnelles que sont les commissions protestantes.

Après avoir entendu les témoins du gouvernement du Québec ainsi que ceux de l'opposition de cette province, j'en déduis que ce que nous nous apprêtons à faire ici, c'est supprimer la position discriminatoire ou privilégiée de deux formations religieuses, la religion catholique romaine et la religion protestante, comme ma collègue vient tout juste de le dire. En même temps, nous allons mettre en place cette formule non confessionnelle. Toutefois, le contenu et le processus seront, comme vous l'avez dit, débattus au cours des deux prochaines années.

Estimez-vous que ce qu'il importe pour vous, c'est de vous assurer qu'on mette en place le contenu des commissions scolaires que vous souhaitez?

M. Ricardo Gill: Oui, tout à fait. Pour nous, cela fait partie du rôle du Quebec Board of Black Educators et du Black Community Resource Centre.

L'hon. Sheila Finestone: Vous êtes membre de cette nouvelle commission?

M. Ricardo Gill: Oui, je suis commissaire de la commission provisoire anglophone de l'Ouest.

L'hon. Sheila Finestone: Bien. Pourriez-vous nous expliquer...

M. Ricardo Gill: Ce serait long.

L'hon. Sheila Finestone: Bon, je ne sais pas si je dois m'adresser à vous, monsieur Gill, ou à M. Rowe ou à M. Jeffers, ou en fait à vous, monsieur Curtis, qui êtes les éducateurs. Je pensais que vous souhaiteriez peut-être fournir des explications, surtout au Parti réformiste, qui a un peu de mal à vraiment comprendre pourquoi nous acceptons cette nouvelle tendance.

D'après votre expérience, comment cela se passe-t-il?

M. Ricardo Gill: À la commission provisoire?

L'hon. Sheila Finestone: Oui.

M. Ricardo Gill: En fait, j'étais censé assister à une réunion ce soir à 19 heures pour élire le directeur général. Je ne savais pas quoi faire et je voterai donc par procuration. Je ne sais pas si c'est légal. Je le saurai la semaine prochaine. Quoi qu'il en soit, la nomination aura lieu la semaine prochaine.

Pour répondre à votre question avec un peu plus de sérieux, je pense que tout se déroule plutôt bien. Nous envisageons de procéder à différents changements dans un bref laps de temps—des changements non seulement structurels mais aussi de régie et de programme de cours. Tout cela se fera dans un bref délai. C'est passionnant, mais parfois on se demande si on pourra y arriver. Pour ma part j'estime qu'on peut le faire et le faire bien.

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur le président, je me demande si vous m'autoriseriez, étant donné que je connais très bien cette collectivité et qu'ils sont de nos deux régions...

[Français]

J'aimerais intervenir parce que c'est un vécu qu'on ne voit pas très souvent.

[Traduction]

Nous nous préoccupons entre autres choses du développement psychosocial de nos enfants, et je pense que vous y avez fait allusion. Quand on songe au niveau de décrochage scolaire, on a de bonnes raisons de s'inquiéter étant donné qu'il est assez élevé dans la communauté noire. Du moins, il l'était; je ne sais pas où en sont maintenant les choses.

On m'a dit que le problème pour les enfants, et plus particulièrement pour ceux des minorités visibles qui sont facilement identifiables, qui ont changé de langue d'enseignement et dont les parents ne peuvent les aider, c'est qu'ils se sentent frustrés et que cela a un effet négatif sur eux et les empêche de progresser dans le système scolaire. Peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez. Est-ce que j'ai raison ou tort, qu'en pensez-vous d'après votre expérience dans l'enseignement?

La question s'adresse à tous les témoins.

M. Ricardo Gill: Un de mes collègues vient de me remettre une note m'enjoignant de vous donner des exemples concrets. Je demanderai donc à M. Curtis George de vous répondre, surtout s'il s'agit de choses concrètes.

M. Curtis George (président, Quebec Board of Black Educators): Je me souviens qu'il y a quelques années j'ai fait partie du groupe de travail sur le réseau scolaire anglophone sous la présidence de Gretta Chambers. À la première réunion, nous avons lu la lettre d'une étudiante du niveau secondaire qui exprimait sa frustration à l'égard du système scolaire. Elle étudiait dans une langue qui n'était pas la sienne; elle était une des étudiantes qui en raison de la Loi 101 ont dû fréquenter les écoles françaises. Lorsque les étudiants doivent étudier dans un système ou dans une langue qu'ils ne connaissent pas bien après déjà avoir fréquenté le système anglais lorsqu'ils étaient plus jeunes, ils éprouvent des problèmes. Cela représente donc un obstacle pour eux, et c'est donc très frustrant.

• 1925

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur George.

Le prochain intervenant est Mauril Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.

Monsieur Gill, j'aimerais aborder avec vous une question que j'ai déjà abordée avec deux autres groupes qui ont soulevé eux aussi le problème que pose l'alinéa 23(1)a). Je crois, et n'hésitez pas à me reprendre si je me trompe, que vous nous dites que la question vous préoccupe, mais qu'elle ne constitue pas un obstacle à votre appui des propositions à l'étude. Ai-je bien compris?

M. Ricardo Gill: Oui.

M. Mauril Bélanger: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Bélanger. Nick Discepola.

M. Nick Discepola: Je suis très heureux de poser ma question maintenant parce qu'elle touche un peu le sujet abordé par celui qui m'a précédé. Je vous suis reconnaissant d'être venus aujourd'hui parce que vos commentaires sont fort intéressants.

Comme M. Bélanger l'a signalé, vous ne faites pas de l'application de l'article 23(1)a) une condition à votre appui de cette résolution. C'est rassurant, et j'espère que tous ceux qui sont dans la salle ont bien entendu. Cependant, vous avez employé le terme «fragmentation». Le sénateur Beaudoin l'a fait également.

Ne craignez-vous pas que puisque le gouvernement du Québec ne s'engage pas à appliquer l'alinéa 23(1)a) à l'avenir, la survie des communautés noires anglophones pourrait être en péril?

M. Ricardo Gill: Oui; je crois que l'avenir de la communauté anglophone sera en jeu, parce que je crois que la croissance d'une collectivité, si vous parlez de facteurs démographiques ou d'autres, est assurée par un taux de natalité ou l'immigration, d'un faible taux de mortalité. Nous espérons que notre collectivité demeurera saine, qu'il y aura des enfants, mais j'ai dit simplement qu'une des choses qui assuraient l'épanouissement de la collectivité vient de disparaître. Je suppose que c'est une préoccupation pour bien d'autres groupes. Je l'espère tout au moins.

M. Nick Discepola: Merci.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Monsieur Gill, j'aimerais préciser que nous ne contestons pas le fait qu'il y a eu consensus à l'égard de la création de commissions scolaires linguistiques. C'est un fait. Il existe un consensus. Nous nous inquiétons plutôt du processus. Nous nous inquiétons que l'on propose d'abroger une disposition de la Constitution qui assure une certaine forme de protection. Cette disposition n'est pas parfaite, mais elle assure la protection des droits des minorités—je parle ici des paragraphes (1) à (4) de l'article 93. Je me demande pourquoi nous ne pouvons pas simplement améliorer cette disposition de la Constitution plutôt que l'abroger. C'est la question que nous posons. On propose de commencer quelque chose de nouveau qui en fait comporte déjà certains problèmes parce que d'aucuns ont parlé d'avoir recours à la disposition nonobstant pour maintenir le statu quo... tout cela nous préoccupe. Nous nous inquiétons de la façon dont on a procède.

J'aimerais vous demander, compte tenu de ce que vous avez dit sur l'alinéa 23(1)a) et le commentaire qu'ont fait un peu plus tôt les représentants du gouvernement du Québec lorsqu'ils ont dit qu'enchâsser cette disposition et l'adopter au Québec créeraient des problèmes... C'est tout au moins la raison que les représentants du gouvernement nous ont donnée pour expliquer leur décision de ne pas se pencher sur la question. Je crois que le gouvernement a expliqué que les choses seraient trop compliquées, que cela sèmerait la confusion. Qu'en pensez-vous? Que pensez-vous de cette décision de ne pas appliquer l'alinéa 23(1)a)?

M. Ricardo Gill: Je pensais que ça n'aurait pas été gentil d'amener cette jeune avocate de Montréal pour m'accompagner si... Je vais donc demander à Mme Sandiford si elle peut répondre à votre question.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Sandiford.

Mme Sharon Sandiford (membre, conseil d'administration, Black Community Resource Centre): Vous demandez pourquoi ne pas conserver les dispositions qui existent et essayer de composer avec elles ou de les améliorer. Je crois que la réponse est bien simple; ces dispositions sont désuètes, et en raison du multiculturalisme et du pluralisme qui caractérisent la société... Je ne crois pas que nous puissions adapter ce qui existe maintenant. Je crois qu'il est nécessaire de réorganiser ce qui existe.

Pour ce qui est de l'alinéa 23(1)a), il est évident que cette question nous inquiète parce que d'aucuns ont laissé entendre que le nombre d'anglophones pourrait diminuer. Les membres de notre communauté se rendent dans d'autres régions et le gouvernement ne nous permet pas d'envoyer nos enfants à l'école anglaise; il est évident qu'il y aura donc moins d'intervenants dans la communauté. Cela aura un impact sur les commissions scolaires linguistiques. Encore une fois, nous appuyons la création de ces commissions scolaires linguistiques; la ministre de l'Éducation a clairement indiqué que le gouvernement du Québec n'appliquerait pas l'application de l'alinéa 23(1)a). Il faudra attendre qu'il y ait un changement de gouvernement.

• 1930

Il est évident que nous allons faire tout ce que nous pouvons, et nous ferons donc appel à la collectivité. Nous espérons que le gouvernement fédéral essayera peut-être de changer la situation, mais par le passé le gouvernement provincial a toujours insisté pour que les enfants de parents immigrants fréquentent l'école française, afin d'assurer l'expansion culturelle de la population francophone et d'atteindre des objectifs particuliers du gouvernement. Dans quelle mesure pourrons-nous intervenir, nous ne savons pas encore. La ministre a indiqué clairement que le gouvernement québécois actuel n'a pas l'intention de changer son fusil d'épaule.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup. Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier de votre intervention, même si nous accusions un petit peu de retard.

Nous prendrons une pause d'une minute pour permettre à l'autre groupe de s'installer à la table des témoins.

• 1931




• 1933

Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous poursuivons maintenant les travaux du comité mixte spécial.

Nous sommes très heureux d'accueillir ce soir des représentants de l'Ontario Catholic School Trustees Association, soit M. Patrick Daly, président, M. Patrick Slack, directeur, et M. Denis Murphy, directeur de l'Éducation catholique. Bienvenue. Je crois que c'est M. Daly qui présentera l'exposé. Allez-y.

M. Patrick Daly (président, Ontario Catholic School Trustees Association): Merci. Je tiens également à remercier les coprésidents et les membres du comité de nous avoir offert cette occasion de comparaître devant le comité.

Outre les gens que vous avez déjà mentionnés, je suis accompagné aujourd'hui de M. Art Lamarche, un des directeurs régionaux de l'association. En plus d'être président de l'Ontario Catholic School Trustees Association, je suis très fier d'être comme ma femme Carol parent de trois jeunes enfants qui fréquentent des écoles élémentaires catholiques en Ontario. Je suis donc très heureux d'être des vôtres aujourd'hui.

Notre association qui a été fondée en 1930 représente 53 conseils scolaires catholiques. Ces conseils assurent l'éducation de plus de 600 000 jeunes du niveau de la prématernelle jusqu'à la 12e année, le CPO. Nous représentons le régime scolaire confessionnel minoritaire le plus important au Canada.

La mission de tous les conseils scolaires catholiques et de leurs écoles est de créer une communauté confessionnelle où l'enseignement religieux, la pratique religieuse, la création de valeurs et le développement de la foi font partie intégrante du programme de cours. Tous ces facteurs sont assurés grâce à une façon particulière de réaliser le programme de cours tel que défini par le ministère ontarien de la Formation et de l'Éducation.

• 1935

En Ontario, les conseils scolaires catholiques et les conseillers qui en font partie assurent des services d'éducation conformément aux droits garantis aux parents catholiques romains par la Constitution. Un des objectifs de notre association est de préserver les droits constitutionnels des conseils scolaires catholiques romains et de leurs membres.

Nous sommes heureux d'avoir cette occasion de présenter notre mémoire au comité mixte spécial. Nous croyons sincèrement que le Canada se trouve à un moment critique de son histoire compte tenu de la résolution présentée par le gouvernement du Québec.

Dans notre mémoire, nous faisons ressortir dans les premières pages ce qui nous tient à coeur à titre de Canadiens. Nous y indiquons que la résolution du Québec soulève des questions fondamentales en ce qui a trait aux valeurs communes que nous partageons.

Notre patrimoine à titre de Canadiens reconnaît les liens symbiotiques qui existent entre les individus et la collectivité. Vous devez comprendre que dans notre mémoire et dans nos commentaires, nous n'essayons pas du tout d'indiquer que nous nous opposons à la création de commissions scolaires linguistiques au Québec. Ce qui nous inquiète plutôt, et ce à quoi nous nous opposons en fait, c'est le processus suivi et le fait que pour atteindre cet objectif la province de Québec cherche à modifier la Constitution et à éliminer les droits confessionnels au Québec.

Nous décrivons dans notre mémoire certains des principes fondamentaux de la collectivité, y compris les droits collectifs et les droits individuels. Nous croyons qu'il existe un équilibre social très important au coeur même de notre Constitution. D'un côté, elle respecte les individus en reconnaissant leurs droits à l'autonomie personnelle. D'un autre côté, elle respecte les collectivités en reconnaissant que les intérêts des individus sont mieux défendus s'ils s'unissent avec ceux qui partagent les mêmes intérêts afin de créer des collectivités normatives qui permettent de s'entraider et de s'épanouir.

Notre association est d'avis que la coexistence des droits individus et des droits collectifs dans notre Constitution fait partie intégrante du contrat social canadien.

Dans notre mémoire, nous donnons également quelques exemples de certains types de collectivité et déclarons clairement que la collectivité est la pierre angulaire de l'éducation catholique. Comme l'a signalé la Conférence des évêques catholiques du Canada:

    La collectivité est au coeur même de l'éducation chrétienne, pas simplement comme concept à enseigner mais comme réalité en fonction de laquelle il faut mener sa vie.

Des visions semblables du concept de la collectivité ont permis à la culture autochtone, à la collectivité franco-ontarienne et à diverses communautés multiculturelles du Canada de survivre.

À la page 4 de notre mémoire, nous faisons ressortir l'importance de la famille dans l'éducation. L'Ontario Catholic School Trustees Association croit que l'éducation repose sur trois grands principes. Le premier est le fait que les enfants ont droit à l'éducation. Le deuxième est que l'éducation catholique est une responsabilité partagée par l'État, l'église et la famille. Le troisième est que les droits des parents dans le domaine de l'éducation doivent être respectés.

Pour ce qui est du droit à l'éducation, notre Constitution parle des droits individuels et des droits collectifs, mais non pas des droits sociaux, des avantages ou des biens essentiels auxquels nous avons tous droit dans notre société peu importe notre situation sociale.

Le droit à l'éducation est un élément fondamental de notre société—si fondamental qu'on n'y fait allusion qu'en passant dans la Constitution. L'éducation subventionnée par l'État est un droit social important—en fait c'est une nécessité dont la société reconnaît l'importance.

L'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont le Canada est signataire, reconnaît l'éducation comme droit fondamental.

• 1940

Le deuxième principe est que l'éducation est une responsabilité partagée; nous indiquons qu'en termes juridiques l'éducation est une responsabilité des provinces, comme le reconnaît l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. La responsabilité en ce qui a trait à l'éducation catholique a été partagée par les parents, l'église, les conseils scolaires et la province depuis les premiers jours. Notre diversité ne nous aurait pas permis d'accepter quoi que ce soit d'autre.

Il faut cependant un certain contrôle et une participation de la part des parents si on veut assurer une éducation de qualité. D'ailleurs tout cela est prévu à l'article 93 de la Constitution et à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le troisième principe, qui est très important d'ailleurs, concerne le respect du choix des parents et des droits constitutionnels. Nous désirons signaler ici que d'après nous les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants et ils ont le droit fondamental et inaliénable de les éduquer, une responsabilité qui leur est déléguée en partie par l'État. Nous expliquons en détail dans notre mémoire l'importance du choix parental dans le domaine de l'éducation.

Un peu plus loin dans le mémoire, à partir de la page 6, nous faisons état de nos trois grandes préoccupations à l'égard de la résolution du Québec. La première est l'importance du rôle que jouent les commissions scolaires confessionnelles. Nous ne croyons pas que l'aspect confessionnel du système d'éducation, y compris l'existence d'écoles confessionnelles, pourra survivre s'il n'existe pas de commissions scolaires confessionnelles pour assurer le cadre gouvernemental obligatoire. Nous reconnaissons que, tout compte fait, c'est par l'entremise des écoles et des salles de classe que l'éducation confessionnelle est offerte, mais le fait demeure qu'il est nécessaire d'avoir un cadre pour appuyer ces services, et il faut également la volonté politique nécessaire pour assurer que ces écoles s'acquittent de leur mandat; cette infrastructure et cette volonté politique doivent se trouver à l'extérieur de l'école et de la salle de classe. Ceux qui appuient le régime des écoles séparées catholiques en Ontario ont toujours reconnu que nos commissions scolaires offrent ce cadre et cet appui nécessaires. En l'absence de commissions scolaires pertinentes, nous craignons que les écoles et les salles de classe ne perdent leur caractère confessionnel.

Notre deuxième préoccupation porte sur la Charte des droits et sur la sécularisation. Nous ne croyons pas qu'on ait bien compris, en ce qui a trait à la résolution du Québec, l'impact de la Charte canadienne des droits et libertés sur le pouvoir d'une province de légiférer en ce qui a trait au caractère confessionnel des écoles publiques. La résolution du Québec est malavisée parce qu'elle suppose, de façon optimiste, que le gouvernement provincial pourra librement légiférer en ce qui a trait à la confessionnalité des écoles publiques. Ce n'est pas le cas. On a dit, avec un peu trop de suffisance, que l'homogénéité de la société québécoise est telle qu'il est fort peu probable qu'il y ait contestation judiciaire. Il ne faudrait pas oublier que l'affaire Elgin, en Ontario, a été le résultat du mécontentement de trois ou quatre personnes qui représentaient chacune une très petite minorité dans ce système scolaire. Les intervenants ont réussi à séculariser le système public en Ontario complètement.

La troisième préoccupation, dont vous avez sans aucun doute beaucoup entendu parler et sur laquelle nous ne nous attarderons pas, porte sur la disposition «nonobstant» et la protection que certains croient que cette disposition assure.

J'aborderai brièvement ce qui est peut-être notre principale préoccupation, l'impact sur les droits des minorités et les changements constitutionnels. Toute modification proposée à la Constitution doit être étudiée avec prudence et diligence. À notre avis il ne faudrait apporter des modifications à la Constitution qu'après longue réflexion, en tenant pleinement compte des principes fondamentaux de la fédération.

Une des questions les plus importantes que nous abordons dans notre mémoire est celle des précédents politiques et des dangereux précédents que pourrait créer cette résolution. Nous voulons indiquer très clairement qu'à notre avis il est évident, et je crois qu'il en va de même pour les membres du comité, que si cette résolution était adoptée par le gouvernement fédéral, on créerait ainsi un précédent politique très dangereux dont pourraient s'inspirer les autres provinces où la protection confessionnelle assurée par la Constitution est toujours respectée.

• 1945

Le Parlement devrait se garder de céder aux pressions politiques lorsque les droits constitutionnels sont en jeu. Nous sommes d'avis qu'un amendement à la Constitution ne devrait être envisagé que lorsque trois critères sont respectés.

Premièrement, l'amendement doit être nécessaire afin d'assurer le respect d'un objectif légitime de l'assemblée législative qui le propose. Nous ne croyons pas que ce soit le cas dans l'affaire qui nous occupe.

Deuxièmement, il devrait exister un consensus important dans la province à l'égard du besoin d'apporter cet amendement. Lorsqu'il s'agit de droits des minorités, le consensus doit inclure plus qu'une majorité du groupe touché. Dans la négative, le gouvernement fédéral devra faire tout ce qu'il faut pour protéger les droits de la minorité.

Enfin, lorsque les droits des minorités sont touchés, les modifications constitutionnelles devraient être présentées de sorte à minimiser les effets négatifs sur les minorités.

La Ontario Catholic School Trustees Association est d'avis que cette résolution ne respecte aucun de ces critères.

Un peu plus loin dans notre mémoire nous parlons des raisons que certains ont invoquées pour justifier cette résolution. Nous vous remettons ces documents pour votre gouverne.

J'aimerais cependant dire quelques mots sur ceux qui ont dit qu'il serait plus économique de procéder de cette façon. L'expérience a appris à notre association que c'est plutôt le contraire qui se produit et qu'il ne serait pas plus économique d'opter pour les commissions scolaires linguistiques. Le coût réel de l'éducation provient des coûts associés aux écoles et aux salaires des enseignants, comme cela devrait être le cas. Les coûts administratifs représentent un faible pourcentage des coûts totaux associés aux écoles.

Les coûts de base ne changeront pas, quelle que soit la structure administrative des écoles. À notre avis, les modestes coûts supplémentaires, s'il en est, qu'entraîne la confessionnalisation des écoles constitue un investissement nécessaire et valable par la société.

À la page 10, nous posons une question importante au comité: le consensus qui existerait repose-t-il sur une information complète et adéquate et sur une perception juste des incidences juridiques et pratiques de cet amendement?

Lorsque vous aurez l'occasion de lire le mémoire, vous constaterez qu'à notre avis ce n'est pas le cas. Nous estimons que le gouvernement fédéral s'en remet à un consensus qui n'est pas véritable, un consensus fondé sur l'hypothèse fausse que les pratique religieuses continueront à être protégées dans le régime québécois d'enseignement public.

En l'occurrence, donc, on ne remplit pas la condition fondamentale de l'amendement, telle que définie par le gouvernement du Canada.

Enfin, nous abordons la contrainte minimale que représentent les droits des minorités. Il est à noter, ici encore, que notre association appuie fortement le maintien de la protection des droits des minorités au Canada. Nous croyons qu'il ne faut pas abroger de tels droits, sauf avec le consentement de toute une minorité. Au sein de cette minorité, il faut accorder un poids tout particulier aux désirs des parents. Or, au Québec, on n'a pas obtenu ce consentement.

Pour conclure, la Ontario Catholic School Trustees Association invite le gouvernement du Canada à renvoyer la résolution du Québec à l'Assemblée nationale du Québec, sans tenir de vote. Nous recommandons plutôt que le gouvernement fédéral fasse part au gouvernement du Québec de ses préoccupations au sujet de la résolution dans son libellé actuel.

Encore une fois, madame et monsieur les coprésidents, mesdames et messieurs du comité, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu entendre ce que nous avions à dire. Nous serions heureux de répondre à toutes vos questions.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Daly.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Nous allons commencer par M. Goldring.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Daly.

La Cour d'appel de l'Ontario a prononcé un jugement interdisant l'enseignement religieux dans les écoles de l'Ontario. Pensez-vous que la même chose puisse se produire au Québec si l'on abroge l'article 93 et si l'on adopte vraiment au Québec un régime d'écoles linguistiques ou une forme publique d'écoles?

M. Patrick Daly: Oui, c'est l'une de nos grandes préoccupations face à l'orientation que le gouvernement du Québec envisage et vous demande d'approuver.

• 1950

Les tribunaux en Ontario ont rendu quelques décisions qui ne permettent pas l'enseignement religieux dans les écoles publiques de l'Ontario. J'ai lu plus tôt aujourd'hui une lettre d'un professeur connu de l'Université McGill qui déclare, sans ambages, que la même situation exactement se produira au Québec si le gouvernement suit cette voie.

M. Peter Goldring: Voici une question supplémentaire: pensez-vous qu'il est possible d'atteindre l'objectif, la création de commissions scolaires linguistiques, en ayant recours à l'article 93, comme on l'a fait, en supprimant par exemple la mention des commissions scolaires, ou que sais-je? On pourrait modifier l'article 93 afin de tenir compte, dans une plus grande mesure, de la société multiculturelle au Québec tout en permettant de concrétiser le désir de mettre en place des commissions scolaires linguistiques. Avez-vous des commentaires ou des suggestions à faire sur la façon d'y parvenir sans abroger les paragraphes 93(1) à 93(4)?

M. Patrick Daly: Je vais demander aux autres participants de commenter, mais auparavant j'aimerais dire que c'est notre position. Comme je l'ai dit au départ, on pourrait atteindre les objectifs sans faire disparaître quoi que ce soit. Je crois de plus savoir que c'est là la position des évêques du Québec.

Mgr ou Pat veulent peut-être ajouter quelque chose.

M. Denis Murphy (directeur de l'enseignement catholique, Ontario Catholic School Trustees Association): Si j'ai bien compris votre question, vous dites aussi qu'il y a peut-être moyen d'élargir la portée de l'article 93. Au lieu de limiter les droits actuels prévus dans la loi, on pourrait accorder d'autres droits.

Je pense que, comme association, nous serions tout à fait disposés à accepter que l'on procède ainsi. Les commissaires des écoles catholiques en Ontario appuient depuis des années l'idée d'accorder, en Ontario, un financement public à d'autres groupes. J'ajouterai que c'est également la position de la Conférence des évêques de l'Ontario.

Le sénateur Gérald Beaudoin: J'ai deux questions à poser, dont une à laquelle vous avez déjà répondu. Vous dites être disposés à accorder des droits confessionnels à d'autres groupes que les catholiques et les protestants. Logiquement, dans une société égalitaire, il faut tirer cette conclusion. Toutefois, est-ce que cela pourrait fonctionner? Il existe, voyez-vous, de nombreux groupes religieux. Comment définir «groupes religieux», etc? C'est très facile lorsqu'il est question des catholiques, des protestants, des musulmans ou des juifs. Alors c'est très facile. Mais où s'arrête-t-on?

M. Patrick Daly: Je tiens à réitérer encore ce qu'a dit Mgr Murphy, à savoir que notre association, depuis de nombreuses années, appuie publiquement le financement par l'État des autres groupes religieux en Ontario, tout comme l'a fait la Conférence des évêques de l'Ontario.

Manifestement, il faudrait établir certains critères, comme lorsque le nombre le justifie. Nous n'avons pas proposé que d'autres, l'Assemblée législative de l'Ontario dans notre cas, le fassent, mais manifestement il faudrait mettre en place un critère comme «lorsque le nombre le justifie». On ne pourrait pas inclure tout le monde.

Le sénateur Gérald Beaudoin: En effet, mais vous pourriez étendre les droits confessionnels.

M. Patrick Daly: Oui.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Il y a une chose que je n'arrive pas tout à fait à comprendre: votre conclusion. Vous ne voulez pas que le Parlement du Canada se prononce par vote: vous voulez que nous renvoyions la résolution à Québec.

M. Patrick Daly: Sans vote.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, mais à quoi cela sert-il?

M. Patrick Daly: C'est la même chose que rejeter la demande. Nous estimons qu'il faut renvoyer la résolution pour...

Le sénateur Gérald Beaudoin: Si vous désapprouvez la résolution, il faut dire non.

M. Patrick Daly: Pour nous, c'est la même chose. C'est la même chose que dire non.

Le sénateur Gérald Beaudoin: La procédure parlementaire le permet, mais c'est un peu inhabituel.

Quoi qu'il en soit, l'important, c'est votre point de vue. Vous vous opposez à l'amendement, et si l'on modifiait l'article 93, il faudrait que ce soit pour élargir sa portée plutôt que pour mettre un autre régime en place.

• 1955

M. Patrick Daly: Parfaitement.

[Français]

Le coprésident (M. Denis Paradis): La prochaine intervenante sera Mme Girard-Bujold.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Permettez-moi de vous dire que je ne suis pas d'accord sur votre mémoire. Je pense que vous avez oublié deux volets très importants qui figuraient dans la demande du gouvernement du Québec en vue de l'amendement qu'il demande à l'article 93.

Vous avez oublié de constater que depuis 1867, la société québécoise a grandement évolué. Elle a montré une ouverture d'esprit envers ses communautés culturelles qui forment l'entièreté de sa communauté québécoise. Vous avez aussi oublié de constater que cette demande fait le consensus au Québec, le consensus des trois partis qui forment l'Assemblée nationale. C'est le consensus de tout depuis 37 ans, du début du rapport Parent à aujourd'hui.

Alors, permettez-moi d'être très surprise et très déçue. Nous, le peuple québécois et la société québécoise, désirons prouver que nous sommes très ouverts à tout ce qui touche l'évolution des sociétés qui composent le peuple québécois. Merci.

[Traduction]

Le coprésident (M. Denis Paradis): Voulez-vous réagir à ces commentaires, monsieur Daly?

M. Patrick Daly: Je vais demander à Mgr Murphy de répondre aussi, mais auparavant j'aimerais préciser qu'il n'y a rien, je pense, dans notre mémoire qui puisse porter à conclure que nous pensons que la société québécoise n'est pas ouverte aux autres communautés culturelles. Nous pensons la même chose en ce qui concerne l'Ontario, que notre régime scolaire catholique s'est montré très ouvert aux autres communautés. J'espère donc que nous n'avons pas laissé entendre le contraire par nos propos.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je n'ai pas vu cet aspect dans votre exposé. Je n'ai peut-être pas lu votre mémoire, mais je ne l'ai pas vu dans votre exposé. C'est aux points de vue linguistique et confessionnel. Je pense que nous sommes ouverts à toutes les formes de confessionnalité actuellement présentes au sein de la société québécoise.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Le prochain intervenant sera Nick Discepola.

[Traduction]

M. Nick Discepola: Merci.

Votre groupe a-t-il consulté des spécialistes du domaine constitutionnel avant de prendre position?

M. Patrick Daly: Oui. Un des plus éminents constitutionnalistes de l'Ontario travaille avec nous régulièrement et nous a aidés à élaborer ce mémoire.

M. Nick Discepola: Est-il aussi compétent que le professeur Monahan, de la faculté de droit Osgoode Hall?

M. Patrick Daly: Nous aimons penser qu'il est le meilleur, mais je n'en suis pas certain. Je ne vais pas faire de comparaison...

M. Nick Discepola: Permettez-moi de vous le demander, car j'en ai discuté avec quelques collègues de l'Ontario qui ont exprimé la même préoccupation que vous en ce qui concerne l'éventualité de créer un précédent. Le professeur Monahan a déclaré catégoriquement qu'à son avis on ne créerait pas du tout de précédent juridique.

En ce qui concerne la nécessité de démontrer que la minorité touchée a été consultée ou qu'il existe un consensus de la majorité au sein d'un groupe minoritaire, il est allé jusqu'à dire que c'est à l'assemblée législative qui fait la demande d'un amendement qu'il revient de le démontrer, et non pas au Parlement du Canada.

Je me demande donc pourquoi vous continuez à dire que vous avez l'impression... Je soulève la question uniquement parce qu'on craint qu'il n'y ait une incidence éventuelle sur l'Ontario, car je ne partage pas votre conclusion selon laquelle il n'y a aucun consensus au Québec; je n'ai pas le temps d'aborder cet aspect.

Pourquoi pensez-vous que l'on créer ainsi un précédent qui aura une incidence sur l'Ontario? Pourquoi ne pouvez-vous pas laisser le Québec décider ce qu'il veut faire, surtout que vous avez affirmé catégoriquement dans votre mémoire qu'il s'agit d'une question de compétence provinciale? Si les Québécois décident qu'ils veulent des commissions linguistiques, et que les écoles confessionnelles seront protégées par des moyens législatifs, pourquoi vous y opposez-vous?

M. Patrick Daly: Je pense avoir déclaré très clairement que nous craignons qu'il n'y ait un précédent politique, ce que personne ne peut contester. Nous sommes convaincus que si l'on adopte cette résolution, on pourrait créer ainsi un précédent politique.

M. Nick Discepola: S'il existait en Ontario la même volonté politique qu'au Québec pour faire la même chose, l'Assemblée législative de l'Ontario n'aurait-elle pas le droit de demander un changement semblable?

M. Patrick Daly: Absolument pas. Nous ne pensons pas qu'un gouvernement provincial ait le droit d'éteindre les droits d'une minorité de sa province.

M. Nick Discepola: Même si ses membres sont élus démocratiquement pour le faire?

M. Patrick Daly: Même s'ils sont démocratiquement élus, il ne serait pas acceptable d'abolir les droits d'une minorité.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Daly.

L'intervention suivante nous vient de M. DeVillers.

• 2000

M. Paul DeVillers: Sur cette question de précédents, il y a une distinction entre le précédent juridique, que le professeur Monahan a qualifié et que vous-mêmes dans votre lettre à M. Gray... Je pense que c'était lors de la comparution de Louise Ervin et de l'association canadienne. Elle fait partie de votre organisation? Très bien. Vous parlez non pas de précédent juridique, mais bien de précédent politique.

Ensuite, dans votre mémoire, vous dites qu'à votre avis la preuve d'un consensus n'a pas été faite. Dites-vous que l'on n'a pas respecté le critère, ou vous opposez-vous au critère?

Je pense que le professeur Monahan et le ministre Dion aussi ont dit qu'il est approprié quand on peut respecter le critère... c'est-à-dire que le gouvernement fédéral peut donner une suite favorable à la demande d'amendement constitutionnel d'une province lorsque, manifestement, il s'agit d'une demande faite dans l'intérêt public, d'une demande de quelque chose de bon, et que, deuxièmement, on a démontré avoir le consentement de la majorité des personnes dont les droits seront touchés.

Contestez-vous ce critère, ou est-ce que vous prétendez qu'en l'occurrence on n'a pas respecté le critère?

M. Patrick Daly: Les deux, je pense. Ce que nous avons dit dans notre mémoire—et nous l'avons bien précisé—c'est que nous ne nous prononçons pas sur la création de commissions linguistiques et qu'il ne convient pas que nous nous y opposions. Cela n'est pas un sujet sur lequel nous pouvons nous prononcer.

Ce que nous prétendons fermement, c'est que le gouvernement du Québec n'a pas à demander un amendement constitutionnel pour réaliser ces objectifs. Voilà ce à quoi nous nous opposons.

À notre connaissance, les évêques du Québec ont dit la même chose. Ils appuient la création de commissions linguistiques, mais ils ont déclaré publiquement qu'il n'est pas nécessaire de modifier la Constitution pour y parvenir.

J'aimerais dire quelques mots au sujet de la question du consensus, particulièrement à titre de parent. Ce sont peut-être les parents qui ont le plus à perdre ou à gagner, selon la direction choisie. J'ai parlé à des personnes qui représentent de nombreux parents catholiques au Québec; elles nous ont dit qu'elles n'appuient pas cet amendement. Il est clair qu'en ce qui concerne les questions d'éducation, c'est d'abord les parents que l'on doit écouter.

M. Paul DeVillers: Oui. C'est ce qu'il faut déterminer: y a-t-il ou non consensus?

Je m'intéresse plutôt à votre position sur la position que le gouvernement prétend être la sienne. Supposons qu'un gouvernement futur de l'Ontario demande un amendement semblable au Parlement fédéral afin d'éliminer les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 et démontre qu'il existe clairement un consensus au sein... Ce sont surtout les catholiques qui profitent de la protection de l'article 93 en Ontario, comme groupe minoritaire. Dans un tel cas, si le gouvernement de l'Ontario pouvait démontrer... Nous savons tous les deux que cela ne se produira pas, car on n'y obtiendrait ni un consensus clair ni l'appui de la communauté catholique. Mais si c'était possible, est-ce qu'en théorie vous vous opposeriez à ce que l'on donne suite à un amendement de ce genre?

M. Patrick Daly: Comme parent catholique dont les enfants vont à l'école catholique, oui, j'aurais de fortes...

M. Paul DeVillers: Vous ne donneriez pas votre consentement.

M. Patrick Daly: Vous m'avez demandé: «en théorie». Si j'avais su...

M. Paul DeVillers: Disons qu'il y a eu un référendum pour les seuls catholiques et que l'on a pu faire la preuve de leur appui. Dans un tel cas, dites-vous toujours que le Parlement fédéral ne devrait pas donner suite à la demande?

M. Patrick Daly: Oui, je dis qu'il faudrait refuser. Comme parent catholique en Ontario, je refuse.

M. Paul DeVillers: Donc, même s'il existait clairement un consensus, vous dites...

M. Patrick Daly: C'est vraiment fondé sur une hypothèse.

M. Paul DeVillers: Je le sais, mais je dis simplement...

M. Patrick Daly: Voilà pourquoi je suis mal à l'aise.

M. Paul DeVillers: Oui, je sais que c'est une question hypothétique.

M. Patrick Daly: Je dois répondre non.

M. Paul DeVillers: Vous dites toujours non.

M. Patrick Daly: Oui.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Bélanger.

[Français]

M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président. Avant de poser ma question, j'aimerais faire un petit commentaire au sujet des choses qu'on entend. Les gens du Québec qui sont venus témoigner devant nous et qui n'étaient pas d'accord sur la proposition ne sont pas moins ouverts. C'est juste qu'ils ont une opinion différente, et je pense qu'il faut la respecter également.

Cela dit, je vais maintenant poser ma question.

[Traduction]

Au départ, j'avais certaines préoccupations, et j'ai écouté. J'ai écouté assidûment et attentivement, et j'ai posé des questions. Dans l'ensemble, j'ai obtenu des réponses plutôt directes.

• 2005

Pour ma part, je suis maintenant convaincu qu'il y a consensus au Québec. Vous ne l'êtes peut-être pas, mais j'ai été ici au cours des deux dernières semaines et j'ai posé des questions. Le consensus est loin d'être unanime, ce qui est tout à fait légitime, mais à mon avis le consensus est suffisant pour aller de l'avant, même si l'on tient compte du fait que tous nos témoins savent que cette mesure entraînera des conséquences qui n'apparaissent pas tout à fait clairement pour l'instant. Quoi qu'il en soit, à mon avis, toutes les parties au Québec font preuve de suffisamment de bonne volonté pour qu'on aille de l'avant. Après m'être assuré de cette bonne volonté, je pense qu'il m'incombe d'appuyer cette motion.

Cela dit, j'aimerais maintenant aborder la question de l'Ontario. Depuis l'avènement du gouvernement actuel de l'Ontario, nous avons vu se créer, jusqu'à un certain point, deux conseils scolaires linguistiques. Il y a maintenant, sur tout le territoire, des conseils scolaires francophones et anglophones. Dans certains cas il s'agit de conseils confessionnels, dans d'autres de conseils publics.

Je le souligne parce que je tiens à contester l'idée que vous avancez qu'il y a actuellement, en Ontario, une volonté de faire la même chose. Je n'ai pas cette impression. Dans dix ou vingt ans, ce sera peut-être différent, et les personnes en place à ce moment-là pourront décider d'aller ou non dans ce sens. Mais c'est pour l'avenir.

Je pense qu'il n'est pas de mise de nous demander de rejeter la demande. Je regrette que vous tentiez de lier cela à l'inquiétude que cela pourrait se produire en Ontario—je vous vois hocher la tête—car l'Ontario n'est pas du tout intéressé par cela actuellement. Je n'ai pas l'impression que l'on se dirige vers cela en Ontario.

Est-ce que vous partagez ce point de vue?

M. Patrick Daly: Je n'ai dit à aucun moment que le gouvernement actuel de l'Ontario allait s'orienter dans cette direction, et je tiens à l'affirmer très clairement. Je n'ai jamais dit cela. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y aurait un précédent pour un futur gouvernement de l'Ontario qui souhaiterait s'orienter dans cette direction. C'est indiscutable. Il y aura un précédent politique.

Je ne pense pas que l'actuel gouvernement de l'Ontario puisse faire un tel geste.

M. Mauril Bélanger: Très bien.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Un dernier commentaire, s'il vous plaît.

M. Mauril Bélanger: D'après ce que je viens d'entendre, si la seule inquiétude est l'existence d'un précédent, il ne faut certainement pas laisser la société se figer pour une telle préoccupation. Si certaines provinces ont la volonté d'évoluer, qu'on leur en laisse la possibilité; il faut se garder d'immobiliser la société de peur de créer un précédent. À mon sens, ce serait irresponsable.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Bélanger.

L'intervention suivante est celle de Marlene Jennings.

Mme Marlene Jennings: Je voudrais soulever la question du critère applicable. D'après les experts constitutionnels qui ont comparu devant nous, le Parlement ne peut entériner un consensus portant sur une modification de la Constitution que s'il y a déjà un consensus manifeste—non pas une unanimité, mais un consensus manifeste—au sein de la catégorie de personnes dont les droits sont protégés.

Les tribunaux ont établi que cette catégorie de personnes est différente des commissions scolaires; en fait, il s'agit des parents. Au Québec, les personnes actuellement protégées par l'article 93 sont les protestants de la ville de Montréal—non pas de l'île de Montréal, mais de la ville de Montréal—et les protestants de la ville de Québec, tandis que dans les autres régions il existe un droit à la dissidence. Ce droit de facto à la dissidence est accordé aux protestants, car même si les commissions scolaires des autres régions ne sont pas protégées, et s'il s'agit par conséquent de commissions scolaires ordinaires, à cause de l'écrasante majorité, sinon de la totalité de la population, puisque dans la plupart des régions la population est composée de Canadiens français catholiques, il en résulte que les commissions scolaires proprement dites sont pratiquement entre les mains des catholiques. Par conséquent, les protestants francophones, par exemple, ont le droit à la dissidence.

Je n'ai pas terminé. On l'a indiqué ici très clairement. Je ne parle pas de la commission scolaire protestante de Montréal, je ne parle pas des conseillers scolaires; je parle de la catégorie de personnes dont les droits sont protégés. Il existe un consensus manifeste en faveur des commissions scolaires linguistiques et de la suppression d'un privilège dont ont bénéficié la communauté protestante minoritaire et la communauté catholique majoritaire. La situation est donc bien différente de celle de l'Ontario, comme l'a dit M. Bélanger.

• 2010

Il est très clair également que le changement ne créera pas de précédent juridique ni constitutionnel. Vous avez déclaré qu'il y aurait peut-être un précédent politique. Même si c'est le cas—et nous ne parlons ici que d'une situation hypothétique—et dans l'hypothèse où c'est non pas le gouvernement Harris, mais un autre gouvernement, qui décide d'entreprendre la même bataille en Ontario, ce gouvernement devra toujours se soumettre au même critère.

Voilà la différence. Au Québec, l'Assemblée nationale a respecté ce critère. La preuve en a été faite dans les exposés que nous ont présentés au cours des deux dernières semaines les catégories de personnes dont le privilège est actuellement protégé par la Charte ou par l'article 93. Je ne pense pas que la même chose puisse se produire en Ontario dans un proche avenir. Si le critère s'applique un jour en Ontario, je ne pense pas que le précédent politique puisse avoir le moindre effet. L'essentiel sera de vérifier si le critère est respecté ou non.

Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Denis Murphy: En un mot, non.

Mme Marlene Jennings: Dans ce cas, j'aurais une autre question pour vous.

M. Denis Murphy: Mais pour vous donner une réponse plus élaborée, je dirai tout d'abord que la principale raison de notre présence ici ce soir n'est pas le désir de parler de consensus. C'est sans doute là la responsabilité du comité, qui a recueilli de nombreux points de vue au Québec. C'est lui qui va devoir se prononcer sur la question du consensus.

Nous avons dit que d'après les personnes que nous avons consultées au Québec, y compris les milieux scolaires protestants aussi bien anglophones que francophones, il y a des gens qui sont mécontents de l'orientation prise actuellement par le gouvernement du Québec. Mais ce n'est pas là notre propos. Ce n'est pas pour cela que nous sommes ici ce soir. Nous sommes venus pour vous dire qu'il n'est pas indispensable de modifier la Constitution dans le sens proposé par le gouvernement du Québec pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixés.

Il est facile de créer des commissions scolaires linguistiques au Québec, et nous sommes favorables à une telle évolution de la province de Québec si elle y voit une nécessité. Nous l'approuvons sans la moindre difficulté. Ce que nous voulons dire, par contre, c'est qu'une modification de la Constitution comme celle que propose le gouvernement du Québec aura des effets délétères aussi bien au Québec qu'ailleurs. Nous considérons qu'il serait tout à fait souhaitable d'étendre le privilège en élargissant l'article 93. Au lieu de restreindre les droits dont disposent déjà certaines personnes, nous voudrions que ces droits soient étendus à ceux qui n'en bénéficient pas encore. Voilà le fondement de notre argument. Quant à la question du consensus, nous laissons aux membres du comité le soin d'en décider.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monseigneur. Peter Goldring.

M. Peter Goldring: Merci.

Je vous signale, monsieur Murphy, que Patrick Monahan a soulevé hier la question du critère de la majorité de la minorité, ou celle de l'opinion de la minorité. J'ai demandé précédemment si on avait sondé cette opinion ou si l'on disposait de statistiques ou d'informations à son sujet. Mme Jennings semble indiquer qu'un consensus existe. Personnellement, je n'en vois pas, car je considère moi aussi qu'il faudrait le consensus des parents de la minorité. Comme vous n'êtes pas d'accord avec Mme Jennings, pourriez-vous nous dire de façon plus détaillée comment il faudrait sonder la minorité pour avoir son point de vue sur cette question?

Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Daly.

M. Patrick Daly: Pour répondre à la question précédente, Mgr Murphy a dit que cette question ne relevait pas de notre responsabilité, et je ne dis pas cela pour esquiver la question. En fait, elle relève manifestement de la responsabilité du comité et, en dernière analyse, du Parlement du Canada. C'est aux membres du comité qu'il appartient de décider s'il y a oui ou non consensus.

M. Peter Goldring: Mais vous ne pensez pas que ce consensus ait déjà été établi.

• 2015

M. Patrick Daly: Nous avons de sérieux doutes.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Gérald Beaudoin: Je suis convaincu qu'il y a consensus. C'est pourquoi je voterai en faveur de la résolution.

Vous exprimez les craintes de l'Ontario. Évidemment, l'Ontario peut avoir des préoccupations politiques, mais du point de vue juridique cette modification ne s'appliquera pas à l'Ontario; elle s'appliquera exclusivement au Québec. C'est évidemment l'article 43 qui s'applique, c'est indiscutable. Tous les experts l'ont dit. De quelle nature sont les craintes de l'Ontario? Est-ce que vous craignez le précédent?

M. Patrick Daly: Nous laisserons aux constitutionnalistes le soin de décider si un tel changement a valeur de précédent juridique. Nous ne voulons pas nous prononcer à ce sujet. Mais dans notre esprit il crée indiscutablement un précédent politique pour les gouvernements futurs de l'Ontario et des autres provinces. Nous pensons qu'il y a là un réel danger que nous demandons aux membres du comité de prendre en compte.

Le sénateur Beaudoin: Il faut bien voir que dans le système actuel les provinces n'ont pas toutes des écoles confessionnelles ni des structures scolaires confessionnelles. Il y a déjà une disparité sur ce point au Canada.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Est-ce que vous faites référence à un avis juridique dont vous disposez?

M. Patrick Daly: Non.

Le coprésident (M. Denis Paradis): D'accord.

Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier très sincèrement d'avoir comparu devant nous ce soir. Merci.

[Français]

Avant de terminer, j'aimerais vous rappeler que nous reprendrons nos audiences lundi à 15 h 30 et recevrons MM. Ryan, Woehrling et Hilton.

Madame Finestone.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Daly, à la page 7 de votre document, à la deuxième rubrique, consacrée à la Charte et à la sécularisation, vous dites au deuxième paragraphe que vous avez récemment envoyé des lettres aux députés et aux sénateurs pour indiquer le fondement de l'avis juridique de votre conseil. J'aimerais en avoir une copie. Et c'est ce que le président vous a demandé. Pourrait-on avoir une copie de votre avis juridique?

M. Patrick Daly: Je pensais que le président m'interrogeais spécifiquement sur la question posée. Nous avons envoyé cette lettre à tous les membres du comité.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Est-ce que vous pourriez en laisser une copie à notre greffier?

M. Patrick Daly: Certainement.

Le coprésident (M. Denis Paradis): Avant de clore la séance, j'aimerais remercier

[Français]

les greffiers, le personnel de soutien, les traducteurs et les membres du comité.

[Traduction]

Merci beaucoup à tous.

[Français]

La séance est levée.