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SJCA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 juin 1998

• 1125

[Traduction]

Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Bonjour, chers collègues.

Nous accueillons ce matin Mme Reg Graycar, de la Faculté de droit de l'Université de Sydney, en Australie. Je suis heureux de lui souhaiter la bienvenue.

Je crois comprendre que vous avez été obligée de passer une journée de plus à Ottawa pour participer à nos travaux. Je ne sais pas si cela doit être considéré comme une mission difficile. Beaucoup de députés pensent que devoir passer une journée de plus ici n'est pas nécessairement un cadeau.

Nous vous remercions beaucoup de votre présence. Je dois dire que c'est un hasard tout à fait heureux que vous vous trouviez dans cette partie du pays au moment où nous traitons de cette question de garde et de visite dans le cadre de la Loi sur le divorce.

Sénatrice Cools, vous vouliez dire quelque chose?

La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Oui, monsieur le président.

Je veux simplement préciser qu'il est maintenant 11 h 30. La réunion avait été convoquée pour 11 heures mais nous n'avons pas pu commencer à l'heure parce qu'il n'y avait pas assez de membres du comité qui étaient présents. Il faut cependant dire que certains membres étaient ici. La réunion a été convoquée...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Comme vous le savez...

La sénatrice Anne Cools: Je ne demande pas d'explications. C'est tout ce que j'avais à dire.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je tiens cependant à dire moi aussi qu'il y a eu un vote à la Chambre des communes qui a commencé à 11 h 05 ou 11 h 10 environ.

La sénatrice Anne Cools: Je sais bien que les votes sont importants. Si les députés doivent être retardés, peut-être pourrait-on cependant en informer les sénateurs étant donné que certains font une double ou une triple tâche au sein des comités.

Ai-je la parole, monsieur le président? J'étais en train de parler.

Il serait bon, si l'on sait qu'une réunion va commencer en retard, que les autres membres du comité en soient informés. Cela serait possible, sénatrice présidente?

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Veuillez m'excuser?

La sénatrice Anne Cools: Je disais simplement que, s'il est parfaitement clair qu'une réunion va être retardée à cause d'un vote à la Chambre des communes, les sénateurs pourraient peut-être en être informés pour qu'ils puissent modifier leurs plans en conséquence.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je suppose que l'on pourrait demander au greffier de vous téléphoner pour vous le dire.

Madame St-Hilaire.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Lors d'une séance du sous-comité cette semaine, madame la présidente, nous avions discuté du fait qu'on pouvait commencer à entendre les témoignages en l'absence de députés ou de sénateurs. Si nous étions appelés à aller voter, vous pourriez quand même entendre les témoignages. Je ne crois toutefois pas que les sénateurs puissent remplacer les députés. C'est un comité mixte et ça se fait des deux côtés.

La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.

[Traduction]

La sénatrice Anne Cools: Absolument. Je crois comprendre qu'un sénateur ne peut remplacer un député, et vice versa, et qu'aucune réunion ne peut commencer tant que les deux Chambres ne sont pas représentées et qu'il n'y a pas au moins six personnes présentes pour entendre les témoins.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Une dernière précision. La règle normale de la Chambre des communes est que les votes se tiennent en fin de journée, généralement à 17 h 30 ou 18 h 30. Dans le cas présent, le vote n'avait pas été prévu. Il y a eu une question de procédure à la Chambre et il a fallu voter. C'était donc imprévu et imprévisible.

La sénatrice Anne Cools: Très bien. Je suis sensible à vos besoins. Vous êtes tous tellement surchargés de travail, comme nous tous. Je dis simplement que, lorsqu'il est parfaitement clair qu'il y a un vote, on pourrait téléphoner aux sénateurs pour les en informer.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien.

Professeure Graycar, veuillez nous excuser pour ce retard.

Mme Reg Graycar (Faculté de droit, Université de Sydney): C'est très bien.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Voulez-vous commencer?

Mme Reg Graycar: Merci.

J'ai pensé qu'il serait peut-être bon d'exposer le contexte de la législation, les objectifs visés et certains des changements apportés en 1995 à notre Loi sur le droit de la famille. Je parlerai aussi des constatations très préliminaires du projet de recherche. Ensuite, je répondrai aux questions.

L'une des choses qui me semblent assez généralement admises au sujet de la législation australienne, c'est-à-dire la Loi sur la réforme du droit de la famille—qui est entrée en vigueur en 1996, soit 20 ou 21 ans après l'adoption de la Loi sur le droit de la famille—est qu'il n'y avait pas de programme de réforme précis. Plusieurs enquêtes avaient été menées sur les questions touchant le droit de la famille mais, de manière générale, il n'y avait pas de revendications très précises au sujet de ces changements.

• 1130

Cela dit, on semble généralement convenir que les objectifs qui ont été adoptés émanaient en grande mesure d'une analyse de la loi britannique. Il s'agissait en gros d'encourager les parents à continuer de s'occuper de leurs enfants après la séparation, de réduire les litiges entre les parents en éliminant la notion de gain absolu que certaines personnes associent aux dispositions de garde et d'accès; de privilégier les droits des enfants par rapport aux besoins ou droits des parents; de favoriser la négociation d'ententes privées et d'accroître le recours à ce qu'on appelle aujourd'hui «la résolution primaire des différends»—nous avons aboli l'adjectif «alternative» et il s'agit maintenant du mécanisme principal de résolution; et, finalement, de veiller à ce qu'il n'y ait aucun risque de violence pendant les contacts ou l'accès et de faire en sorte que la violence soit prise en compte pour déterminer les meilleurs intérêts des enfants.

Étant donné ces objectifs, les changements qui ont été apportés à la loi—vous en avez probablement un exemplaire mais, si tel n'est pas le cas, j'en ai apporté avec moi et je pourrais vous en laisser—ont été l'intégration dans les dispositions de la Loi sur le droit de la famille qui portent sur les enfants d'un énoncé très précis d'objectifs et de principes qui, je pense, s'inspire de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant et comprend des dispositions comme celles-ci: sauf si cela est ou serait contraire aux meilleurs intérêts de l'enfant, ceux-ci ont le droit de connaître leurs deux parents et d'être élevés par les deux, quelle que soit leur situation matrimoniale; les enfants ont le droit d'avoir des contacts réguliers avec leurs deux parents et avec les autres personnes importantes pour leur éducation, leur bien-être et leur épanouissement; les parents partagent des devoirs et responsabilités en matière de soins, de bien-être et d'épanouissement des enfants; et les parents doivent s'entendre sur la manière dont les enfants seront élevés. Voilà donc l'énoncé des buts et principes.

Pour ce qui est des changements de terminologie, on parlait dans l'ancienne loi du «bien-être de l'enfant», ce que l'on a jugé assez peu satisfaisant. D'aucuns y voyaient en effet des connotations négatives. Cette expression a donc été remplacée par «les meilleurs intérêts», ce qui est de toute façon plus conforme à l'usage international et à la Convention.

Le changement qui est probablement le plus important, et celui dont les gens parlent le plus, est le changement de langage. Autrement dit, on a éliminé les notions de garde et d'accès et l'on a remplacé les concepts juridiques par un concept de responsabilité parentale.

En ce qui concerne les ordonnances que peuvent rendre les tribunaux ou qui peuvent être acceptées par les parents, il s'agit maintenant: d'ordonnances de résidence, indiquant où résidera l'enfant; d'ordonnances de contact, indiquant quant l'enfant verra l'autre parent ou aura accès à celui-ci; et d'ordonnances particulières dans les cas où l'on estime qu'il convient de définir avec plus de précision les diverses responsabilités des parents.

La loi indique clairement que la responsabilité parentale ne doit pas être affectée par la séparation et que, de même, une ordonnance de résidence est différente de l'ancienne ordonnance de garde. Le pouvoir de décision n'est aucunement réservé strictement au parent. Pour cela, il faut obtenir une ordonnance spécifique et, s'il y a un conflit quelconque, le tribunal peut rendre une telle ordonnance de son propre chef ou avec l'accord des parties.

Dans le contexte de la modification de la loi, on a révisé la liste des facteurs dont doit tenir compte le tribunal au titre des meilleurs intérêts, et on en a ajouté quelques autres. Pour ce qui nous concerne aujourd'hui, je mentionne qu'il y a désormais plusieurs références à la nécessité de protéger les enfants contre la violence familiale, ce qui comprend la violence commise contre n'importe quel membre de la famille et pas simplement contre les enfants. L'existence d'une ordonnance contre la violence familiale est donc quelque chose dont on doit tenir compte.

• 1135

Il y a aussi dans la loi une nouvelle partie—qui est très technique—dans laquelle on s'efforce de définir la relation existant entre l'État et les tribunaux territoriaux, ou les tribunaux de magistrats, qui sont appelés à connaître des ordonnances de violence familiale et qui administrent le régime fédéral s'appliquant aux enfants en vertu de la Loi sur le droit de la famille. Il y a aussi une autre nouvelle partie de la loi qui, je pense l'avoir mentionné en parlant des buts, porte sur la résolution primaire des différends et dans laquelle on prévoit toutes les formes de décisions qui peuvent être prises en vertu de la loi pour invoquer ce genre de processus. Un autre aspect technique de cette partie a consisté à mettre sur pied un système d'accréditation pour les agences non judiciaires de résolution primaire des différends afin que certaines agences non gouvernementales puissent aussi fournir des services de counseling et de médiation et contribuer au processus judiciaire.

Quand la loi a été modifiée, on a fait toutes sortes de prévisions et on a soulevé toutes sortes de préoccupations. Au moment où elle a été adoptée, des doutes considérables avaient déjà été soulevés en Angleterre par des gens comme l'ancienne commissaire du droit, Brenda Hoggett, qui doutait que la réforme puisse produire des changements concrets et, surtout, faire avancer les choses vers le partage des responsabilités parentales.

De même, des recherches ont été effectuées en Australie par l'Institut australien d'études familiales, qui est notre principal organisme de recherche, et il est parvenu à des conclusions similaires. On doutait donc que les changements de terminologie puissent modifier la manière dont les responsabilités parentales seraient assumées après la séparation.

On a aussi exprimé certaines réserves au sujet de ce qui semblait être une sorte d'incohérence ou de contradiction dans la législation entre, d'une part, l'expression pour la première fois de l'importance de la violence comme facteur négatif du point de vue des meilleurs intérêts des enfants... Cela fut ajouté à la loi à un moment où la jurisprudence évoluait de toute façon dans ce sens. Il y avait déjà eu un certain nombre d'arrêts allant dans ce sens mais on ne l'avait pas encore expressément indiqué dans la loi.

Il y a donc eu ce facteur, d'une part et, de l'autre, ce que l'on considère comme un droit de contact exprimé dans les buts et principes de la loi. La première fois que la cour s'est penchée sur cette question, elle a indiqué clairement que la clause des buts et principes doit être interprétée en fonction des meilleurs intérêts de l'enfant. C'est donc de cette manière que l'on devait apparemment essayer de régler les différends mais nos recherches semblent montrer que cela cause certaines difficultés.

Peut-être devrais-je donner quelques précisions au sujet de notre projet de recherche. Il est financé par le Conseil de recherches australien, qui est l'équivalent du Conseil de recherches en sciences sociales du Canada. Le Conseil gère un programme qui permet d'encourager les chercheurs universitaires à collaborer avec ce qu'ils appellent l'industrie, et mon partenaire de l'industrie est la Cour de la famille de l'Australie. Ce sont donc l'Université de Sydney et la Cour de la famille qui ont entrepris ce projet ensemble dans le but d'évaluer l'incidence de ces changements. Nous avons examiné toute la situation pendant une période de trois ans. Nous avons comparé avec ce qui s'est fait en Angleterre et nous avons lancé toute une série d'études sur la jurisprudence et en interrogeant des avocats, des juges, des conseillers, des registraires et des travailleurs communautaires. À l'heure actuelle, nous sommes sur le point d'entreprendre une série d'entrevues de personnes qui assistent aux sessions de counseling de l'un des grands services d'aide juridique du plus grand État australien.

Dans ce contexte, nous examinons par exemple dans quelle mesure la réforme a effectivement produit une hausse réelle du partage des responsabilités parentales et des contacts des enfants avec les deux parents, dans quelle mesure s'est établie une présomption de contact et s'il est maintenant plus ou moins difficile de suspendre le contact. Une autre question qui s'est posée—et je suppose que vous avez constaté la même chose au Canada—c'est de savoir s'il est maintenant plus difficile de déménager avec les enfants et si les nouvelles dispositions relatives à la violence familiale ont produit des changements concrets. Nous nous demandons aussi si des problèmes quelconques se sont posés en ce qui concerne le droit de contact. Notre objectif est de savoir si les changements ont entraîné une augmentation, une réduction ou aucun changement en ce qui concerne les différends entre parents, étant donné que l'un des grands objectifs de la réforme était de pousser les parents à s'entendre et d'éviter les différends.

• 1140

Évidemment, nous nous demandons aussi si les conseils donnés par des professionnels tels que les avocats, les conseillers ou les médiateurs ont changé d'une manière quelconque, et nous voulons savoir ce que ces gens-là disent au sujet de ces changements aux personnes qui viennent les consulter.

Nous avons déjà réalisé un certain nombre d'entrevues auprès d'avocats. La première série d'entrevues s'est tenue en fait juste avant le premier arrêt sur une question de déménagement, et il était particulièrement intéressant pour nous d'interroger les avocats avant que la Cour ne leur dise comment les dispositions de la loi devaient être interprétées. Depuis lors, évidemment, toutes les entrevues se tiennent dans le contexte de l'arrêt judiciaire précisant le sens des dispositions de la loi.

Nous avons aussi constaté en même temps un déclin très sensible de la disponibilité de services d'aide juridique en droit de la famille. Il est cependant difficile de dire quels changements seront éventuellement attribuables au déclin de la disponibilité de services juridiques ou à la nouvelle législation. En outre, bien qu'il s'agisse d'une législation nationale, nous avons constaté des différences régionales très précises dans la manière dont les choses évoluent.

Je pourrais vous indiquer nos constatations préliminaires mais je vais vous en laisser une liste, si vous voulez.

Pour notre étude, nous avons organisé des entrevues avec des avocats et nous avons aussi distribué des questionnaires lors de plusieurs réunions de praticiens du droit de la famille. Avec ces questionnaires, nous les invitions à indiquer leur nom et leur numéro de téléphone s'ils étaient prêts à participer à une autre entrevue, plus tard, ce qui nous permettrait de suivre l'évolution de leur pratique, et beaucoup ont donné leur accord.

Nous avons constaté que ce que les avocats nous disent et ce qu'ils affirment dire à leurs clients dépend beaucoup de leur opinion personnelle de la loi.

Ceux qui pensent qu'il s'agit simplement d'un changement de terminologie sans aucun effet pratique disent à leurs clients que rien n'a vraiment changé. Par contre, ceux qui pensent qu'il s'agit d'un vrai changement disent à leurs clients que la situation est maintenant différente et qu'ils vont devoir accepter telle ou telle chose. Certains disent: «Quoi que nous pensions, tout dépend de ce que les juges de notre région pensent ou de ce que pense le registraire judiciaire devant qui nous allons passer.» Cela décrit les avocats.

Des opinions très fermes ont été exprimées au sujet du fait que la cour autorise le contact avec des parents qui n'auraient pas nécessairement obtenu une ordonnance de contact auparavant. C'est ce que disent les avocats.

Il est cependant beaucoup plus difficile de tirer cette conclusion à la lecture des jugements. Je pense qu'il faut remettre tout cela dans un contexte plus général étant donné que pas plus de 5 p. 100 des cas sont décidés par la justice. La question est de savoir ce qui se passe, sur le plan pratique, du point de vue des ententes et des négociations. Voilà pourquoi nous croyons qu'il est aussi important, sinon plus, de parler avec les avocats. Lire les jugements ne donne qu'une vue partielle de la situation.

En ce qui concerne le problème de la violence, certains avocats nous ont dit que la réforme nous a ramenés en arrière, c'est-à-dire dans la situation où nous étions avant que ne s'établisse une jurisprudence confirmant que la violence dans la famille ne correspond pas aux meilleurs intérêts de l'enfant. Selon les avocats, la disposition dite du droit de contact est utilisée pour faire fi des préoccupations en matière de violence.

Une autre réponse que nous avons obtenue, mais plus des juges et registraires que des avocats, est qu'il y a tellement de violence dans la communauté qu'il est très difficile de savoir quoi faire. Nous avons recueilli des opinions assez désespérantes au sujet de l'ampleur de la violence.

• 1145

C'est donc en fait plus une question de pratique. Nous constatons que des arrangements différents sont pris lorsque l'enfant change de parent, bien qu'il y ait évidemment toujours des cas où les tribunaux décident qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant d'avoir des contacts avec l'un ou l'autre des parents, à cause de violence antérieure ou d'abus.

Nous avons constaté que les conseillers ont une opinion très différente des avocats et qu'ils sont beaucoup plus prêts à dire au gens que la loi a changé. Et certains avocats nous ont dit qu'ils sont très nerveux au sujet du type d'avis juridiques que les conseillers semblent donner aux gens.

Je dois dire que nous n'en avons eu aucune preuve concrète—en fait, s'il y a des preuves quelconques, elles vont dans le sens contraire—que le parent qui ne réside pas avec l'enfant passe plus de temps avec ce dernier. Lorsque la loi est entrée en vigueur en juin 1996, les avocats ont parlé d'une foule de pères qui allaient soudainement exiger un droit d'accès égal aux enfants parce que c'est comme cela que la loi avait été présentée dans la presse.

En fait, les commentateurs, même les plus éclairés, et pas seulement ceux des tabloïds, disent que nous avons aujourd'hui un partage des responsabilités parentales en Australie mais, quant à nous, nous pensons qu'il n'y a quasiment aucune différence sur le plan pratique. Nous pensons qu'après toutes ces affirmations de droits égaux, les gens ont obtenu des explications plus claires de ce que la loi veut dire.

Les avocats nous disent que la plupart des pères qui parlent de cette manière sont plus heureux d'avoir des ordonnances qui indiquent clairement que la résidence est vraiment la résidence, mais qu'ils ne passent plus de temps à s'occuper de leurs enfants. Ils nous disent que les dispositions de garde des enfants restent les mêmes qu'auparavant et qu'elles relèvent en très grande mesure de la responsabilité des mères, les pères passant avec les enfants après autant de temps que nous le pensions auparavant, c'est-à-dire une fin de semaine sur deux et la moitié des vacances scolaires. Rien ne semble avoir changé à ce chapitre.

Dans la mesure où les tribunaux ordonnent un partage de résidence, on constate que cela se fait dans certains cas dans le cadre d'audiences provisoires parce que les tribunaux ne veulent pas établir un statu quo qu'il serait impossible de changer au moment de l'audience définitive. À ce moment-là, en effet, l'une des parties pourrait peut-être avoir un avantage en disant: «L'enfant vit avec moi». Encore une fois, ce sont les différences régionales qui sont intéressantes à ce sujet.

De tous les juges que nous avons interrogés jusqu'à présent, je pense qu'aucun ne nous a dit avoir rendu une ordonnance de résidence partagée à égalité. Ils peuvent rendre une ordonnance de résidence-résidence mais, à part cela, il y a toujours des différences du point de vue du temps passé avec chacun des parents.

La question suivante que nous avons analysée porte sur la forme la plus courante d'ordonnance, qu'on appelle parfois la «résidence partagée symbolique», mais c'est à ce sujet que je disais que rien ne semble avoir vraiment changé en pratique. On parle de «résidence-résidence» mais il n'y a pas plus de contact. C'est en tout cas l'opinion qui est très répandue parmi les juges et les avocats.

Pour ce qui est de savoir si les parents ne résidant pas avec l'enfant assument plus de responsabilité, la réponse est non. Même ceux qui en passent peut-être un peu plus avec les enfants laissent toujours la personne qui s'occupe à temps plein des enfants assumer les plus grosses responsabilités.

Nous avons demandé à nos interlocuteurs ce qui peut expliquer cette situation et on nous a proposé trois ou quatre réponses.

L'une est que l'on ne peut s'attendre à ce que les gens partagent les responsabilités parentales ou coopèrent à ce chapitre après la séparation s'ils ne l'avaient jamais fait avant, ce qui est très souvent le cas.

En outre, bon nombre des couples avec qui les juges et les avocats entrent en contact dans ces contextes sont impliqués dans des conflits de degré relativement élevé étant donné que ceux qui peuvent régler leurs problèmes eux-mêmes n'ont pas à rencontrer de juges ou d'avocats. Donc, s'il y a beaucoup de conflit, il ne peut jamais y avoir beaucoup de chance d'entente.

• 1150

Dans certains cas, des obstacles concrets s'opposent au partage des responsabilités—par exemple, l'éloignement géographique. Dans les cas de violence, on nous dit qu'il est très difficile de voir les gens coopérer, ce qui est parfaitement compréhensible.

Au fond, même les conseillers nous ont dit que les pères expriment maintenant des attentes accrues en ce qui concerne leurs droits envers les enfants, du fait des changements législatifs, mais que cela ne les amène pas nécessairement à accepter plus de responsabilité à l'égard des enfants.

On avait prévu qu'il y aurait un certain déclin quant au niveau des conflits et que les parents arriveraient mieux à régler leurs problèmes. Selon certains avocats, leur charge de travail a augmenté à la suite de cette législation et, dans certaines juridictions, mais pas dans d'autres, on a plus recours aux ordonnances particulières. Autrement dit, on se sert de la loi pour établir des dispositions beaucoup plus détaillées qu'auparavant.

Il semble y avoir eu aussi un plus grand nombre de demandes d'exécution des responsabilités parentales—c'est en tout cas ce que l'on nous a dit, nous n'avons pas de chiffres. Dans le contexte du partage des responsabilités parentales, un parent qui n'aime pas ce que fait l'autre peut déposer une plainte devant un tribunal. Par exemple, on nous a parlé d'un cas où le parent chez qui résidait l'enfant avait emmené l'enfant voir un naturopathe, alors que le père était médecin. Comme cela ne lui a pas plu, il a demandé une ordonnance d'infraction aux dispositions de l'entente en affirmant que la mère n'avait pas suivi son conseil.

Il semble y avoir un plus grand nombre de situations de ce genre, mais cela reste anecdotique. De même, un mère avait inscrit son enfant dans une école secondaire sans consulter le père et celui-ci a demandé une ordonnance d'infraction. Autrement dit, les gens disent maintenant qu'il faut les consulter sur tout.

D'aucuns craignent que la notion de partage des responsabilités parentales n'accroisse les risques de harcèlement ou d'ingérence plutôt qu'un partage réel des responsabilités, et des cas de cette nature ont été signalés. Comme je l'ai dit, certains avocats disent, peut-être avec cynisme, qu'ils ont aujourd'hui plus de travail parce qu'ils doivent rédiger des ordonnances beaucoup plus détaillées afin d'éviter ce genre de situation.

Nous ne voyons cependant pas cela dans les arrêts judiciaires. Nos chercheurs nous disent que ces différends ne se règlent généralement pas devant le tribunal. Pour ce qui est du nombre de demandes, nous avons constaté une hausse notable des demandes concernant des infractions aux ordonnances, mais nous pensons qu'il s'agit là plus des tactiques utilisées par les avocats pour les négociations.

Pour ce qui est des questions de violence, j'ai déjà dit que le changement a moins été une augmentation du nombre de cas où le contact a été réduit ou refusé mais plutôt une augmentation du nombre d'arrangements compliqués concernant le transfert ou le contact supervisé.

Cela ne veut pas dire que c'est toujours considéré comme étant dans le meilleur intérêt des enfants. Il y a eu un certain nombre de cas où le tribunal a dit que les enfants ne bénéficieraient manifestement pas de contacts avec un parent violent, ou de cas où les enfants eux-mêmes avaient fait d'abus. Dans ces situations, il est très peu probable que l'on ordonne le contact. Généralement, cependant, il y a des réponses variables.

En ce qui concerne les ordonnances provisoires, elles sont beaucoup plus susceptibles de porter sur une sorte de contact arrangé—contact supervisé ou contact de transfert mutuel—que sur une interdiction absolue, à moins qu'il n'y ait des allégations de la part de l'enfant. Cela résulte en partie de questions de procédure. Aux audiences provisoires, on ne présente pas toutes les informations pertinentes et on prend donc une décision sur la base de dossiers plus ou moins complets. En général, on se contente de maintenir la situation existante.

• 1155

Je ne sais pas s'il y a une différence culturelle ou si vous connaissez aussi ce phénomène mais les restaurants McDonald's sont apparemment le lieu neutre le plus souvent utilisé pour le transfert des enfants. C'est un phénomène qui est très connu en Australie, où on parle même de «cas McDonald's». C'est en tout cas un phénomène international.

Il y a donc des avocats, notamment ceux qui représentent les femmes qui ont fait l'objet de violence, qui affirment que cette loi, malgré les buts énoncés, nuit à certaines de leurs clientes et que le discours sur le droit de contact est parfois détourné.

Ce que nous constatons c'est que, si ces causes passent en justice, le tribunal est parfaitement capable de tenir compte des différents aspects de la loi mais que la question importante est de savoir qui l'on voit pour négocier et à quelle partie de la loi on attache de l'importance. C'est ce qui semble ressortir de notre étude préliminaire.

Il y a évidemment des cas où le contact a été imposé. Un juge nous a raconté une affaire intéressante à ce sujet. Les enfants avaient apparemment été traumatisés par le père et par la violence de la relation. Nous ne savons pas pourquoi mais l'avocat de la mère a demandé un contact supervisé.

Le juge a dit—et je le cite:

    J'ai ordonné qu'il n'y ait aucun contact du tout. J'ai souvent le sentiment que les conseillers des parties ne comprennent pas la gravité de la violence. Ils ne font pas preuve de jugement. Ils ne savent pas ce qu'est la violence familiale. C'est un gros problème.

Dans ce cas, le juge avait considéré qu'aucune forme de contact ne serait appropriée. Je crois que l'on peut en conclure que les avocats des parties n'avaient même pas envisagé que le juge pourrait rendre une telle ordonnance.

Évidemment, une des choses qui nous intéressent le plus est de savoir comment les gens comprennent et perçoivent cette législation.

Je vais vous laisser un exemplaire d'un article rédigé par l'un des juges du tribunal de la famille avant l'entrée en vigueur de la législation. Il a examiné toutes les dispositions de la loi et a dit que, selon lui, rien de fondamental n'avait vraiment changé. Il a dit qu'il n'avait rien vu qui puisse le convaincre que les changements portaient sur des problèmes réels.

Il a lu attentivement les discours prononcés en deuxième lecture et à l'occasion des débats parlementaires. Il a avancé plusieurs théories sur ce que l'on voulait changer et sur les différentes manières dont on voulait influer sur les attitudes. En fin de compte, il s'est demandé si le simple fait de changer de terminologie pouvait vraiment changer les perceptions et les attitudes des gens. Devant beaucoup de personnes, il a dit douter que l'on puisse faire des changements aussi profonds par de simples changements de terminologie.

Il y a donc trois théories: association de mots; exhortation et établissement de normes; ou définition des questions devant faire l'objet de décisions. Il a examiné ces différents aspects des choses que le législateur avait peut-être voulu changer.

Il a rapidement conclu que l'on n'avait pas voulu apporter de changement profond à la loi existante et je pense que cette conclusion a relativement été confirmée par la cour plénière de la cour de la famille, l'an dernier, dans son premier arrêt, appelé B et B. Il s'agissait d'une affaire de déménagement dans laquelle l'argument fondamental portait sur la prise en compte des différentes parties de la loi et sur la manière dont il fallait interpréter l'énoncé des buts et des principes, le soi-disant droit de contact, par rapport aux autres dispositions générales concernant les meilleurs intérêts des enfants.

Dans cette affaire, la cour a décidé qu'il était dans les meilleurs intérêts des enfants qu'on les autorise à emménager avec leur mère. C'est un jugement très intéressant parce qu'il fait l'historique de la loi de réforme et de tous les changements qui ont été apportés. À l'évidence, la cour voulait établir le contexte de la jurisprudence future.

• 1200

Je pourrais vous donner beaucoup d'autres détails sur nos constatations mais je serais également très heureuse de répondre dès maintenant à vos questions et de vous remettre certains des textes que j'ai apportés, si vous pensez qu'ils vous seront utiles.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis certain que l'on va vous poser beaucoup de questions ce matin. Nous allons commencer avec M. Mayfield.

M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Madame Graycar, je vous remercie beaucoup de votre présence et je vous félicite de votre exposé qui était tout à fait clair.

J'ai trois ou quatre questions à vous poser, en commençant par la violence. J'ai l'impression que certaines personnes interprètent la violence de manières différentes.

Je voudrais donc d'abord vous demander si l'on fait en Australie des vérifications concrètes quand quelqu'un parle de violence. Nous avons entendu des témoins parler de fausses accusations et je me demande si, dans les cas de violence, il n'y a pas peut-être parfois de fausses accusations ou simplement une interprétation différente de ce qui s'est passé.

Mme Reg Graycar: Comme je l'ai dit, on a très sérieusement l'impression qu'il y a beaucoup de violence dans les couples qui se séparent.

Selon les statistiques dont nous disposons, il est clair que la séparation est la période la plus dangereuse pour ce qui est de la violence faite aux femmes. Toutefois, les statistiques montrent aussi que c'est généralement après la séparation que beaucoup de gens subissent les torts les plus graves. Cela ressort clairement des statistiques sur les homicides.

Le genre de violence dont je parle dans le contexte d'une audience sur la garde des enfants pourrait être, par exemple, ce que nous appelons des ordonnances de violence appréhendée, ou des ordonnances de contrainte, ou des ordonnances temporaires de contrainte—différentes juridictions emploient des termes différents. Si la cour estime que la violence risque de nuire aux meilleurs intérêts de l'enfant, elle en tiendra évidemment compte. Les statistiques montrent cependant que les gens sont beaucoup moins susceptibles de signaler des actes de violence, à moins qu'ils n'aient été très graves, que l'autre option que vous avez évoquée, c'est-à-dire les fausses allégations.

Je répète que l'une des choses qui nous ont beaucoup surprises a été le nombre de décideurs qui ont dit: «C'est tellement répandu que je ne sais plus quoi faire». Dans ce cas, ils ne parlaient certainement pas de fausses allégations. Ils disaient qu'il y a tellement de cas de violence qu'ils ne savent plus quoi faire.

M. Philip Mayfield: Ma question portait plutôt sur la différence qu'il faudrait peut-être faire entre une impression de violence et une violence réelle. Des témoins nous ont dit qu'une personne peut fort bien parler de violence pour renforcer ses arguments contre l'autre, même s'il n'y a pas eu vraiment de violence. Vous êtes-vous penchés sur ce problème?

Mme Reg Graycar: Nous n'avons aucune preuve que ce soit le cas en Australie, et je ne pense pas que cela nous aiderait, de toute façon.

Le tribunal de la famille a mené une étude sur les allégations qui sont parfois faites de violence sexuelle commise contre les enfants, dans le contexte des décisions de garde et de visite. Selon cette étude, ces allégations et constatations n'étaient pas plus fréquentes que pour le reste de la population.

Je ne sais pas si l'on peut vraiment dire que des personnes parlent faussement de violence étant donné qu'il y aura presque toujours certaines preuves objectives, comme des preuves médicales ou une ordonnance de contrainte. Je crois que c'est différent. Si vous examinez les statistiques relatives à la violence entre les couples qui se séparent, vous verrez que c'est un problème très réel.

M. Philip Mayfield: Je voudrais maintenant vous poser quelques questions sur les avocats. Nous avons entendu récemment un père, qui est aussi avocat, recommander que l'on prenne des mesures beaucoup plus rigoureuses pour réprimer les pratiques douteuses des avocats. À titre d'exemple, il nous a parlé de son ex-épouse qui avait payé quelque chose comme 110 000 $ à son avocat en deux ans. Les conséquences financières d'une telle situation peuvent être tout à fait catastrophiques pour résoudre des problèmes de garde et de séparation. Avez-vous élaboré des mécanismes de contrôle quelconques à ce sujet?

• 1205

Mme Reg Graycar: Je n'ai pas vraiment de preuves évidentes de ces pratiques douteuses. Certes, on parle parfois dans les journaux d'avocats qui exigent des honoraires astronomiques, mais il n'y a probablement qu'une très petite partie de la société qui pourrait être obligée de payer des sommes aussi extravagantes.

Je crois que l'accent que l'on a mis dans cette loi sur la résolution primaire des différends et sur les ordonnances privées va certainement ramener ces avocats à de meilleures dispositions. Cela dit, ce sont toujours des avocats qui doivent s'occuper des ententes entre les parties, dans la mesure où il y a des dispositions exécutoires qui doivent être enregistrées.

Je ne pense pas que l'on puisse atteindre des honoraires aussi élevés s'il n'y a pas de procès en bonne et due forme. Or, comme je l'ai dit plus tôt, seulement environ 5 p. 100 des causes passent en procès. C'est le chiffre de 1976, au début de l'entrée en vigueur de la Loi sur le droit de la famille. Il est encore trop tôt pour dire si ce chiffre va augmenter ou diminuer mais je puis affirmer que nous n'avons jamais eu une proportion très élevée de procès.

La sénatrice Anne Cools: Avez-vous le chiffre réel? Pourriez- vous le répéter?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pourriez-vous nous donner le nombre réel de causes qui passent en procès?

Mme Reg Graycar: En règle générale, on estime que c'est à peu près 5 p. 100.

Comme je l'ai dit, il est trop tôt pour avoir des chiffres exacts. Nous avons quelque difficulté à obtenir des statistiques sur les changements car la terminologie a changé et les choses ne sont pas tout à fait comparables avant et après la réforme. Dans quelque temps, je pense que nous aurons une idée beaucoup plus claire du nombre de causes qui passent en procès. C'est évidemment cela qui entraîne des coûts élevés.

Avec le déclin des budgets de l'aide juridique, beaucoup de gens se passent d'un avocat, mais cela n'a généralement pas des effets très heureux, entend-on dire.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Une dernière question.

M. Philip Mayfield: Elle sera brève. Je suppose que mes collègues parleront du système de résolution non judiciaire des différends.

Je voudrais parler brièvement des droits d'accès des membres de la famille élargie. A-t-on prévu quelque chose à ce sujet? Je songe aux grands-parents.

Mme Reg Graycar: Oui, on a beaucoup discuté de cela au moment de la réforme. Toutefois, les principales dispositions juridiques n'ont pas changé du tout à cet égard. Je me souviens que l'on parlait à une époque de «toute personne intéressée», mais c'était dans une disposition de portée très générale pouvant s'appliquer à quiconque peut demander une ordonnance de responsabilité parentale, et qui n'a jamais exclu les grands-parents. Tout comme les autres parents non biologiques ou autres membres de la famille, les grands-parents peuvent formuler de telles demandes.

Il y a aujourd'hui dans la loi quelques dispositions portant spécifiquement sur les grands-parents mais, si j'ai bien compris, elles ne changent quasiment rien à la situation juridique. J'avais du mal à comprendre pourquoi on les avait incluses dans la loi. Je suppose que c'est parce que certaines associations de grands- parents souhaitaient obtenir une reconnaissance explicite dans la loi. Dans la mesure où ils peuvent demander à avoir des contacts avec les enfants et même, dans certains cas, le droit de leur offrir une résidence, rien n'a vraiment changé.

M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Finestone.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous remercie de votre exposé très précis sur les changements qui ont été apportés à la loi australienne, et qui sont en grande mesure inspirés de la réforme britannique, si j'ai bien compris. Je pense qu'il est très intéressant que vous fassiez cette étude conjointe.

Je voudrais toutefois revenir sur la proportion de 5 p. 100 de causes qui passent en procès. En effet, cela voudrait dire que 95 p. 100 des causes sont réglées en dehors du processus judiciaire—alors que nous avons entendu, pour le Canada, des chiffres de l'ordre de 80 p. 100 à 90 p. 100—et la question qui se pose concerne ce qui se passe vraiment pour tous ceux qui ne passent pas devant un tribunal. Après s'être entendues, les parties font approuver leur entente par le tribunal et c'est cela qui doit établir leurs relations futures.

• 1210

Je me demande cependant s'il y en a beaucoup qui renégocient leur entente et si les ententes acceptées à l'origine sont contestées plus tard. Dans votre étude, allez-vous vous pencher aussi sur les ordonnances exécutoires des tribunaux, en dehors de ces 5 p. 100?

Mme Reg Graycar: Oui. C'est la raison pour laquelle nous avons autant interrogé d'avocats—en effet, la plupart des clients des avocats ne vont pas en procès, lorsque les avocats négocient des ententes à leur sujet. Nous avons aussi...

L'hon. Sheila Finestone: Lorsqu'une partie veut modifier une ordonnance exécutoire, doit-elle s'adresser à l'avocat ou au tribunal?

Mme Reg Graycar: Elle doit probablement retourner voir son avocat avant de décider de retourner devant le tribunal. En effet, il peut s'agir d'une modification que les parties peuvent accepter elles-mêmes ou d'une modification beaucoup plus importante qui doit être soumise à un tribunal.

L'hon. Sheila Finestone: Bien. Au cours de vos entrevues, vous a-t-on jamais recommandé d'avoir recours à une sorte de tribunal administratif plutôt qu'à un tribunal judiciaire?

Mme Reg Graycar: Je dois vous dire tout de suite que la Cour familiale de l'Australie est une cour de nature très différente étant donné qu'elle est spécialisée dans le droit de la famille. Je pourrais me lancer dans une longue discussion du droit constitutionnel et de la séparation des pouvoirs...

L'hon. Sheila Finestone: C'est une spécialité canadienne.

Mme Reg Graycar: ...mais, pour résumer, les tribunaux établis au palier fédéral ne peuvent exercer de pouvoirs non judiciaires en vertu de notre constitution fédérale. Comme la Cour de la famille est une cour fédérale, elle doit être judiciaire. Cela dit, le fait qu'elle ait été constituée sous forme de cour intégrée, avec ses propres services de conseil et de médiation, la différencie des autres. Il y a par ailleurs des registraires qui exercent une bonne partie des fonctions de la cour, ce qui veut dire que les litiges ne passent en procès que s'ils sont vraiment irréductibles.

L'hon. Sheila Finestone: Pour ce qui est des pensions alimentaires, nous avons récemment modifié notre législation à ce sujet, ce qui a causé certains problèmes. On pensait que les décisions relatives au droit de visite et à la garde—ce que vous appelez le droit de résidence et de contact—seraient moins problématiques et que les deux ne seraient pas liées. Toutefois, on constate qu'il y a toujours un lien direct entre la pension alimentaire et le droit d'accès. Lorsque l'accès est refusé, la pension alimentaire peut être modifiée, etc. Les deux éléments ont été liés, par inadvertance je pense, mais c'est quand même négatif.

Mme Reg Graycar: C'est juste.

L'hon. Sheila Finestone: Je voudrais donc vous demander deux choses. Premièrement, dans votre système de pension alimentaire, tenez-vous compte du revenu des deux parents qui assument tous les deux des responsabilités, après quoi vous pourriez déduire certaines dépenses comme les dépenses de résidence, de scolarisation, etc.?

Deuxièmement, comment garantissez-vous que les décisions d'accès des tribunaux soient respectées si le parent chez qui l'enfant habite ne veut pas les respecter?

Mme Reg Graycar: Tout d'abord, en ce qui concerne la formule, l'accent est mis sur le parent de contact. J'ai tellement l'habitude de dire le parent qui n'a pas la garde, puisque c'est ce que c'était lorsque...

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Nous comprenons.

L'hon. Sheila Finestone: Nous avons toujours cela dans notre législation.

Mme Reg Graycar: Mais nous n'avons plus le droit d'utiliser cette expression.

Je dois dire en passant que l'une des choses les plus intéressantes que nous a dites l'un des avocats, qui pratique exclusivement dans ce domaine, est que, dans au moins un tribunal, dès que les parties arrivent, tout le monde dit: «Pouvons-nous garder l'ancienne terminologie? Nous la connaissons bien et nous sommes trop vieux pour changer. Nous savons tous ce qu'elle veut dire.» Cela nous a un peu surpris.

Quoi qu'il en soit, on tient compte du revenu du parent de contact. Il y a une formule qui...

L'hon. Sheila Finestone: Et du revenu de l'autre parent?

Mme Reg Graycar: Oui. Il y a une formule dans laquelle on tient compte du revenu du parent chez qui réside l'enfant. Des changements ont été annoncés mais ils n'ont pas encore été adoptés. Je n'ai pas les détails mais je pense que l'on veut modifier un peu cet équilibre.

• 1215

Pour ce qui est de votre deuxième question, la politique en Australie a toujours été et reste que l'accès et la pension alimentaire sont deux questions conceptuellement très différentes—et nous avons un système de pension alimentaire depuis 10 ans.

L'hon. Sheila Finestone: Merci.

Mme Reg Graycar: Par exemple, l'une des questions que l'on pose souvent est de savoir si l'on interdirait l'accès—ou le contact—à un bon parent simplement parce qu'il ne peut pas payer la pension alimentaire. Nous n'exigeons pas que les gens qui n'ont pas un certain niveau de revenu paient une pension alimentaire. La contrepartie, bien sûr, est que, dans les cas relativement rares où le contact est refusé, c'est parce que le parent a sans doute fait quelque chose de clairement négatif. Dans ce cas, s'il cessait de payer la pension alimentaire, ce serait un double fardeau pour l'enfant.

Je ne pense pas que quiconque ait jamais vraiment suggéré que les organismes d'élaboration des politiques d'Australie... Le Conseil du droit de la famille, qui est notre organisme consultatif national—et dont j'ai fait partie pendant quatre ans, mais plus maintenant—a récemment publié un document de réflexion sur les sanctions relatives aux infractions à la loi. Il a fermement recommandé que l'on ne change rien au fait qu'il n'y a pas de lien entre l'accès et la pension et la pension alimentaire, ou entre le contact et la pension alimentaire.

L'hon. Sheila Finestone: Y a-t-il des sanctions... ou dites- vous que vous êtes simplement en train d'y penser?

Ces derniers mois, notre comité a entendu des hommes—et c'était surtout des hommes—dire qu'ils étaient privés de l'accès aux enfants, certains depuis aussi longtemps que 12 ans et d'autres pendant des périodes plus courtes, et que la police n'était jamais prête à intervenir pour leur garantir cet accès qui leur avait été accordé par le tribunal. On dit que c'est une technique dérogatoire ou du harcèlement mais, entre-temps, c'est l'enfant qui en pâtit.

Voulez-vous dire que vous n'avez pas ce problème d'exécution des droits d'accès?

Mme Reg Graycar: Il y a dans la loi une disposition d'exécution en cas d'infraction.

L'hon. Sheila Finestone: La police l'applique-t-elle?

Mme Reg Graycar: Le tribunal peut ordonner qu'une personne qui commet une infraction...

L'hon. Sheila Finestone: Certes, mais je parle des cas où le tribunal a déjà rendu cette ordonnance. Que faites-vous si l'ordonnance n'est pas respectée?

Mme Reg Graycar: Je pense qu'en théorie—mais je ne suis pas très bonne là-dessus—la police peut intervenir. En pratique, cependant, je crois qu'il est très difficile d'intervenir dans ce genre de situations.

Avant mon départ, le débat concernant ce projet de sanctions tournait autour de la question suivante: les ordonnances étaient- elles adéquates, et pourquoi ne sont-elles pas respectées? Si on les enfreint, peut-être faudrait-il, au lieu de chercher des sanctions, se demander si elles sont vraiment utiles—si ce sont de bonnes ordonnances.

J'ai lu certains des mémoires dans lesquels on trouve des études de cas sur certaines ordonnances—suite à l'adoption de la nouvelle législation—rendues après une réunion avec les avocats qui ont dit: «Le tribunal n'interdira jamais l'accès, vous allez devoir accepter cela», après quoi une ordonnance de consentement est rendue et puis elle n'est pas respectée. La solution serait peut-être de faire un peu plus attention à la nature des ordonnances qui sont rendues si l'on découvre qu'elles ne sont pas respectées.

L'hon. Sheila Finestone: Dois-je comprendre que vous...

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Veuillez m'excuser, madame Finestone, mais...

L'hon. Sheila Finestone: Puis-je finir ma question?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non, vous avez largement dépassé votre temps de parole. Je m'en excuse.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: Je vais rester sur le même sujet car je crois savoir où allait Mme Finestone.

Dites-moi si je comprends bien la situation: lorsqu'une ordonnance n'est pas respectée, et même s'il y a des mécanismes pour imposer des sanctions très sévères—je suppose qu'il peut s'agir de l'emprisonnement ou d'amendes, comme chez nous—les tribunaux ne les imposent pas?

Mme Reg Graycar: Je ne peux vous donner de chiffres mais la question n'est pas vraiment qu'ils ne les imposent jamais. Ils essaient probablement de trouver d'autres solutions.

M. Peter Mancini: Cela fait-il l'objet d'études ou a-t-on des statistiques?

• 1220

Mme Reg Graycar: Il y a peut-être des statistiques dans ce document de réflexion sur les sanctions et, si tel est le cas, je vous les communiquerai. Le document est sorti juste avant mon départ.

L'argument est toujours le même: «Si c'est le parent qui s'occupe des enfants, qu'allez-vous faire si vous le mettez en prison?» Hélas, c'est une situation très difficile. On peut bien prendre des ordonnances sur le paiement ou le non-paiement de la pension alimentaire mais... Prenez le cas d'une mère qui croit sincèrement, mais par erreur, que l'enfant risque d'être battu. Elle croit agir dans le meilleur intérêt de l'enfant en refusant le contact. Va-t-on contribuer aux intérêts de l'enfant en la mettant en prison? Je pense que le dilemme est beaucoup trop horrible pour certains juges.

Cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas de loi exigeant...

M. Peter Mancini: Bien. Je vais changer de sujet. Vous nus avez dit qu'on avait fait une étude pour savoir si le niveau des différends avait baissé.

Mme Reg Graycar: Oui.

M. Peter Mancini: Vous nous avez dit qu'il avait baissé dans certaines juridictions mais apparemment pas dans d'autres.

Y a-t-il une caractéristique commune quelconque pour les juridictions où les différends n'ont pas baissé? Y a-t-il un niveau de revenu différent, ou une situation géographique différente? Y a- t-il des points communs entre les juridictions où les changements ne semblent avoir eu aucun effet sur les différends?

Mme Reg Graycar: Je ne pense pas que nous ayons actuellement assez d'information pour pouvoir répondre à cela. Quand on nous a dit que le niveau des différends était resté le même ou avait augmenté, c'était purement anecdotique, et c'est précisément pour cela que nous essayons de poursuivre l'étude sur les autres 95 p. 100.

Dans un an ou deux, nous serons en très bonne position pour établir le nombre de causes qui seront passées en justice, afin de le comparer avec la situation qui prévalait avant la réforme. Pour le moment, on ne peut que spéculer.

M. Peter Mancini: Vous avez dit ensuite que tous les différends n'aboutissent pas nécessairement devant les tribunaux.

Mme Reg Graycar: C'est cela.

M. Peter Mancini: Y a-t-il de longs délais pour passer en justice? Est-ce un facteur pertinent?

Mme Reg Graycar: Peut-être bien. Les délais peuvent être très longs dans certains secteurs de certaines juridictions du pays. Voilà pourquoi j'ai dit plus tôt qu'il y a apparemment une différence entre les ordonnances provisoires et les ordonnances définitives. C'est probablement parce que les ordonnances provisoires dans une juridiction où les délais sont très longs pourraient influer sur le résultat de la décision ultime, à cause de la disposition de statu quo.

M. Peter Mancini: Pour ce qui est des causes qui sont passées en justice, y a-t-il eu une proportion plus grande de causes bénéficiant de l'aide juridique ou de causes privées?

Quelqu'un a parlé tout à l'heure des sommes très élevées que certaines personnes donnent à leurs avocats. Si ces causes ne passent pas en justice, je me demande si ce n'est pas à cause d'un manque de ressources juridiques. Y a-t-il une différence entre les personnes qui pouvaient se payer un avocat et les autres?

Mme Reg Graycar: Nous n'avons pas examiné cette question en détail mais nous allons probablement le faire.

Je suppose que non. Ce serait très difficile à dire. Il y a de longues lignes directrices disant que l'aide juridique ne peut être accordée pour tel ou tel type de cause.

Dans une juridiction, si je me souviens bien, on nous a dit que l'aide juridique n'est pas accordée s'il s'agit de contester une ordonnance de contact. J'ai l'intention de vérifier parce que cela me semble très catégorique. Si c'est le cas, il est clair que certains types de causes ne passeront tout simplement pas devant les tribunaux, ou en tout cas celles qui concernent des gens qui ne peuvent se payer un procès.

M. Peter Mancini: Merci. J'ai une dernière question à poser au sujet des grands-parents.

• 1225

Vous avez dit que le contexte juridique fondamental n'a pas vraiment changé, bien qu'il y ait aujourd'hui dans la loi des dispositions concernant explicitement les grands-parents. Avez-vous constaté une hausse du nombre de grands-parents demandant l'accès et l'obtenant? Y a-t-il eu aussi une hausse des poursuites à ce sujet?

Mme Reg Graycar: Je n'ai pas d'information précise là-dessus. C'est quelque chose que nous allons examiner à la fin de nos trois années.

Pour ce qui est des poursuites, je ne vois pas vraiment comment nous pourrions nous pencher sur cette question si ce n'est, encore une fois, en interrogeant les avocats sur leur expérience concrète.

M. Peter Mancini: Merci beaucoup. C'était très intéressant.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Mancini. Sénatrice Cools.

La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je souhaite la bienvenue à la professeure en lui disant que je l'ai trouvée tellement intéressante que j'ai eu beaucoup de plaisir à l'écouter. Son expression linguistique est tout à fait remarquable. C'était très agréable de vous écouter.

Ma question porte sur le fait que, dans notre pays, bon nombre de procédures et de motions concernant les tribunaux de la famille ne sont pas enregistrées. Il n'y a pas de procès-verbal. Il y a eu des moments, au sein de notre comité, où des gens ont dit qu'ils pensaient que les décisions étaient prises à huis clos.

Je voudrais savoir si c'est la même chose en Australie. Est-ce que l'on produit un procès-verbal des audiences?

Mme Reg Graycar: Il y a une différence entre l'enregistrement et la production d'un procès-verbal. C'est au niveau des appels qu'il y en a.

L'un des grands obstacles que rencontre la personne qui souhaite en appeler d'une décision du tribunal de la famille est qu'elle doit assumer le coût du procès-verbal. Je ne sais pas combien cela peut coûter par page mais c'est cher. Autrement dit, les débats sont enregistrés mais on ne produit de procès-verbal que si quelqu'un le demande et est prêt à payer. C'est un gros problème pour les gens qui veulent se porter en appel.

La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup. Je peux vous dire que nous avons le même problème ici. On enregistre les audiences et on produit des procès-verbaux mais c'est extrêmement dispendieux. Je m'intéresse surtout aux cas où l'on ne fait aucun enregistrement. Avez-vous ce problème en Australie?

Mme Reg Graycar: Dans le cabinet du juge?

La sénatrice Anne Cools: Non. Il y a toutes sortes de motions et de décisions qui ne sont pas du tout enregistrées.

Mme Reg Graycar: Je ne sais pas vraiment quelle est la situation mais je suppose que tout ce qui se passe dans un tribunal est enregistré. Par contre, je ne sais pas si l'on fait un enregistrement des conférences avec les registraires, par exemple, puisque ce que ce ne sont pas des éléments déterminants du jugement.

La sénatrice Anne Cools: Nous avons eu un avocat qui nous a dit ceci: si vous devez choisir d'aller dans un tribunal avec un avocat ou avec un magnétophone, choisissez le magnétophone. Je comprends son exemple et j'apprécie la métaphore mais il y a apparemment dans notre pays un gros problème d'absence d'enregistrements.

Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, sénatrice. Docteur Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Est-ce que l'expression «résolution primaire des différends» est utilisée partout et pas seulement dans le droit de la famille?

Mme Reg Graycar: Non, pas du tout. Nous avons toujours tendance à parler de résolution alternative.

J'ai une collègue, dans la Faculté de droit, qui a une chaire en résolution des différends et qui essaie de ne jamais utiliser le mot «alternative». Quand on a décidé de parler de résolution primaire des différends, on a pensé faire un usage très stratégique de la langue, afin de faire passer clairement le message qu'il ne s'agissait pas d'une option.

• 1230

Mme Carolyn Bennett: Y a-t-il des règles au sujet de qui peut participer? Dans les situations de violence, qui peut participer à la résolution primaire du différend?

Mme Reg Graycar: Il y a des lignes directrices. Il y a des règles qui s'appliquent dans ces cas. J'ai un exemplaire de certaines parties de la loi mais pas des autres.

Pour ce qui est de la médiation, je sais que les règles du droit de la famille contiennent des dispositions visant à repérer les cas de violence. Le principe général est que ces cas ne se prêtent généralement pas à la médiation puisque la médiation exige généralement un pouvoir de négociation égal pour chaque partie.

C'est début 1993, je crois, que le juge en chef du Tribunal de la famille a publié des instructions pour tout le personnel judiciaire, avocats et registraires compris, au sujet des causes liées à la violence. Il donnait aux gens le choix de ne pas être interrogés ensemble, d'avoir des salles d'attente séparées, etc. En ce qui concerne les règles formelles du droit de la famille, je ne connais que cette disposition concernant la médiation.

Il y a eu une étude à ce sujet aussi et je pourrais vous en envoyer les résultats. Elle avait été financée par les services d'aide juridique d'un organisme fédéral. On avait examiné les pratiques de tous les organismes privés de résolution des différends, comme les organismes de conseil privés, les organismes de conseil matrimonial, etc., au sujet des causes reliées à la violence.

Mme Carolyn Bennett: Pour la résolution primaire de différends, quelles sont les compétences exigées des personnes qui s'en occupent? Y a-t-il une procédure d'accréditation et qui paie?

Mme Reg Graycar: Je pense que c'est l'utilisateur qui paie, de plus en plus. C'est le principe qui s'applique à de plus en plus de choses en Australie.

Pour ce qui est de la résolution primaire des différends, il faut obtenir l'approbation des organisations de conseil et de médiation, qui interviennent aussi dans le financement. On s'est penché sur un système d'accréditation mais je ne suis pas tout à fait certaine de ce que cela a donné. Il y a un organisme appelé Conseil consultatif sur la résolution alternative des différends qui se penche sur le problème, c'est-à-dire sur des normes d'accréditation. Je ne pense pas que cela soit traité dans la législation mais je me trompe peut-être. Je ne me suis pas vraiment intéressée à la question.

La possibilité qu'il y ait des normes différentes et des services différents entre le tribunal et les organismes communautaires approuvés a suscité certaines inquiétudes mais il faut de toute façon que les organismes eux-mêmes se fassent approuver pour exercer ces fonctions en vertu de la loi.

Mme Carolyn Bennett: Pour les 5 p. 100 de causes qui passent en procès, des témoins nous ont dit que vous avez ce qu'on appelle un juge maître. Les personnes qui sont saisies de ces affaires sont-elles particulièrement compétentes? Évidemment, si seulement 5 p. 100 des causes passent devant elles, ce sont sans doute les causes les plus difficiles. Est-ce que les juges reçoivent une formation spéciale dans ce domaine?

Mme Reg Graycar: C'est une question intéressante. Je n'ai pas avec moi la partie de la loi où l'on décrit les caractéristiques de la personne qui peut être nommée mais je crois me souvenir que c'est incroyablement vague. C'est quelque chose comme «être une personne capable de s'occuper de conflits familiaux». Ça ne dit pas grand-chose sur la spécialisation ou la formation.

C'est une situation générale en Australie. Certains juges ont beaucoup d'années d'expérience en droit de la famille alors que d'autres n'en ont aucune. La Cour de la famille a un programme d'éducation assez exhaustif et je sais que, lors des conférences annuelles de la magistrature, il y a généralement des sessions qui sont consacrées à ces questions, Moi-même, j'ai participé à certains des programmes d'éducation de juges, d'avocats et de registraires. Il y a donc une certaine forme d'éducation permanente, si l'on veut.

• 1235

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Sénatrice Cohen.

La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Merci.

Que faites-vous vis-à-vis du problème de la deuxième famille en Australie? Plusieurs témoins qui se retrouvent avec une deuxième famille nous ont dit qu'il leur est financièrement très difficile de continuer à s'occuper de leurs enfants d'un premier lit, et que cela les oblige à négliger leur deuxième famille. C'est le genre de préoccupations qu'on entend de plus en plus.

Mme Reg Graycar: Oui. Vous voulez dire dans le contexte du soutien des enfants?

La sénatrice Erminie Cohen: Oui.

Mme Reg Graycar: C'est effectivement une plainte qu'on entend. Toutefois, sur le plan de la politique, on considère que les enfants du premier lit sont toujours ceux des parents en question et que la relation ne s'interrompt pas parce que leur père ou leur mère a des demi-frères ou demi-soeurs avec quelqu'un d'autre.

J'ai cru comprendre—et je n'ai pas de détails à ce sujet—que les nouveaux amendements qu'on se propose d'apporter plus tard cette année au régime des pensions alimentaires pour enfants tiennent compte des enfants du deuxième lit dans le calcul de la formule, mais je ne peux vous en dire plus pour l'instant.

C'est un aspect préoccupant, mais comme je le disais, le gouvernement estime que ces enfants demeurent des dépendants pour les parents en question et que ceux-ci doivent les soutenir. On ne peut abandonner les enfants d'un premier lit simplement parce qu'il y a une deuxième famille; c'est donc un aspect qu'il faut régler.

La sénatrice Erminie Cohen: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, sénatrice Cohen.

Sénatrice Pépin.

La sénatrice Lucie Pépin (Montréal, Lib.): Je vais vous inviter à mettre votre écouteur pour la traduction, parce que ma langue première est le français et que j'ai du mal à m'exprimer en «legalese» anglais.

[Français]

Vous nous avez dit que les pères ne passaient pas plus de temps avec leurs enfants maintenant qu'ils ne le faisaient avant que la loi soit changée. Connaissez-vous le pourcentage de pères qui avaient la garde des enfants ou qui avaient demandé la garde de leurs enfants avant que la loi soit changée?

[Traduction]

Mme Reg Graycar: Je pense que ce sont là deux questions distinctes.

D'abord, il faut savoir lequel des deux parents a la garde de l'enfant et bénéficie d'une ordonnance de garde. En Australie, nos recherches ont démontré que les causes contestées devant les tribunaux donnent lieu à une proportion très élevée d'ordonnances de garde en faveur des pères. J'ai ici une étude portant sur deux périodes et qui établit qu'au cours de cette période de dix ans, le nombre d'ordonnances de garde attribuées en faveur des pères dans les causes contestées, représentent 30 p. 100 de toutes les causes jugées; ces mêmes études indiquent qu'un grand nombre d'accords de garde partagée ont été conclus.

Cependant, dans les causes non contestées, ce sont généralement les mères qui obtiennent la garde des enfants, et cela dans plus de 70 p. 100 des cas. Autrement dit, les pères obtiennent des résultats différents quand ils contestent en cour, mais il faut reconnaître que les causes contestées sont bien différentes des autres.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: Mais vous avez dit que les pères n'accordaient pas plus de temps à leurs enfants qu'avant que la loi soit changée.

• 1240

[Traduction]

Mme Reg Graycar: C'est le parent qui n'est pas chargé de la garde des enfants.

Je parle du changement sur le plan du contact; il faut savoir si les dispositions de la clause des objets peuvent modifier le modus operandi du contact ou en augmenter la durée dans la garde partagée. Les situations où les pères se voient confier la garde de leurs enfants sont différentes des cas normaux qui nous intéressent et de la question de savoir s'il y a augmentation ou non du temps de contact.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: Vous dites que vous faites des études depuis 1996 pour connaître l'efficacité de la nouvelle loi. Est-ce que vous avez la perception que l'objectif du changement de la loi, qui était l'intérêt de l'enfant, est atteint et que les droits et les intérêts des enfants sont davantage respectés, et que, de ce fait, les enfants passent à travers ce grand bouleversement qu'est le divorce plus facilement qu'auparavant?

[Traduction]

Mme Reg Graycar: C'est, je pense, une des questions auxquelles nous n'avons pas encore réponse. En marge de ces changements, des organismes comme le Conseil du droit de la famille et les greffes du tribunal de la famille ont beaucoup travaillé sur la participation des enfants aux procédures judiciaires, pour faire en sorte que la situation soit la moins traumatisante possible pour eux.

On constate une tension omniprésente dans la relation entre l'enfant et la loi ou entre ses intérêts enfants et ceux du parent ayant leur garde, c'est-à-dire le parent résident qui passe la plupart du temps avec l'enfant.

Il est artificiel d'essayer de séparer les deux et c'est d'ailleurs un aspect qui a été très clairement traité dans le jugement de la cause B et B, l'année dernière, qui portait sur un problème de relocalisation. Même si une partie de la loi parle des droits et des intérêts de l'enfant, on ne peut pas extirper cette dimension du contexte plus large dans lequel évolue l'enfant.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous voulez poser d'autres questions, sénatrice?

La sénatrice Lucie Pépin: Oui.

L'hon. Sheila Finestone: Ce document pourrait-il être déposé, monsieur le président?

Professeur, seriez-vous assez bonne pour nous remettre les documents relatifs à la décision prise dans cette cause?

Mme Reg Graycar: Vous parlez de la décision dans la cause B et B? Tout à fait.

L'hon. Sheila Finestone: Merci.

[Français]

La sénatrice Lucie Pépin: Lorsqu'on a procédé au changement de la loi, avez-vous pensé à faire l'éducation des parents et des enfants? Ne pourrait-on pas trouver une certaine formule pour éduquer les parents qui divorcent afin qu'ils sachent à quoi ils doivent s'attendre lorsqu'ils passent à travers un divorce, ainsi que les enfants afin qu'ils sachent à quoi s'attendre de la part des parents et quelles réactions prévoir? Avez-vous songé à cela? Vous l'avez peut-être déjà dit. Je ne le sais pas.

[Traduction]

Mme Reg Graycar: Il y a deux réponses à cela.

D'abord, le tribunal de la famille présente l'avantage d'être un tribunal spécialisé qui consacre une partie de ses ressources à l'information publique et à la production de documents. J'ai d'ailleurs remis au président quelques documents ayant été produits par le tribunal de la famille. On y explique ce qu'est la séparation aux enfants, ce à quoi ils doivent s'attendre et ainsi de suite; le tribunal organise également des journées d'information à l'intention des parents sur le point d'entamer des procédures. C'est comme cela depuis 1976.

La sénatrice Lucie Pépin: C'est obligatoire?

Mme Reg Graycar: Je ne le pense pas; je n'en suis pas certaine, j'ai entendu dire que cela était en train de changer.

La deuxième chose concerne la loi réformée qui a été adoptée en novembre 1995 et dont on a délibérément retardé l'application à juin 1996 afin de permettre la tenue d'un programme d'information communautaire. On a produit des vidéos. On a organisé des réunions publiques. On a fait paraître des publicités dans la presse. Le ministère du Vérificateur général, des praticiens du droit de la famille, le tribunal de la famille, la société du droit et d'autres ont organisé une vaste campagne d'information.

Quand nous avons commencé nos recherches, des gens qui travaillent dans le système nous ont dit: «Quel dommage qu'il n'y ait pas de campagne d'information.» Nous aimerions beaucoup savoir quelle envergure il faut donner à une campagne d'information pour que les gens sachent qu'il y en a une.

Des voix: Ah, ah!

Mme Reg Graycar: J'ai trouvé que ça en disait long.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice DeWare.

La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, PC): Merci.

• 1245

Je tiens à vous présenter mes excuses, madame, de m'être présentée en retard. Je devais participer à un autre comité. Je suis heureuse de vous accueillir ici. Je sais que vous allez bientôt accueillir les Jeux olympiques d'été dans votre pays.

Quand je suis arrivée vous étiez en train de parler des personnes à faible revenu qui n'ont pas à payer d'aliments. Jusqu'à quel niveau de revenu en sont-ils exemptés? Le savez-vous?

Mme Reg Graycar: Je n'ai pas avec moi les lignes directrices en question. La dernière fois que je les ai consultées... Le plus mieux serait sans doute de retenir le niveau de revenu d'une personne percevant des prestations de la sécurité sociale ou du bien-être social. On peut supposer que ce genre de personne ne paie pas d'aliments.

Il est proposé que ces personnes paient une somme symbolique; par exemple 5 $ par semaine. Une chose est sûre, depuis la mise sur pied du régime de soutien des enfants, en 1987, aucun bénéficiaire de l'assistance de l'État ne paie d'aliments.

La sénatrice Mabel DeWare: Les questions de garde et d'accès sont-elles visées par la Loi sur le divorce en Australie ou par une autre mesure législative?

Mme Reg Graycar: Tout cela dépend de ce que nous appelons la Loi sur le droit de la famille. Il s'agit d'une loi fédérale, parce que la Constitution fédérale donne au Parlement fédéral le pouvoir d'adopter des lois relativement au mariage, au divorce et à la garde des enfants, quand ces aspects sont reliés.

Par ailleurs, en 1987, à l'époque de la mise sur pied du régime de soutien des enfants, la plupart des États ont cédé au gouvernement fédéral leurs pouvoirs relatifs aux enfants dans les causes où les parents ne sont pas mariés, dans les causes concernant des enfants d'un premier lit. Ainsi, depuis 1987, on peut dire qu'on dispose d'un régime national relativement à la garde des enfants et à l'accès aux enfants, à la résidence, au contact, etc., et que les questions relatives à la propriété des parents font l'objet d'un régime d'avantage sélectif. Rien d'étonnant à cela, puisque pour divorcer, il faut d'abord être marié.

La sénatrice Mabel DeWare: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci.

Je trouve très intéressante cette forme de délégation dans le sens ascendant, dans une fédération où les États ont pourtant cédé leurs compétences traditionnelles au gouvernement fédéral. C'est peut-être une formule que nous devrions envisager chez nous, parce que, quand on voit ce qui se passe ici, on se rend compte que chaque province administre une loi concernant les relations familiales. La Colombie-Britannique en a une depuis 1974-1975. À l'époque, elle était très progressive. Elle découle de la compétence de la province en matière de bien-être social, de protection des enfants sans foyer et ainsi de suite.

Je veux que nous parlions de la question de l'aide accordée aux parents et aux enfants en dehors des tribunaux, en matière de résolution des différends. À ce comité, il a déjà été question de ce que nous avons appelé les modules d'information des parents, donné avant le début de toute procédure juridique. Cette formule est différente de la médiation obligatoire, par exemple, qui peut donner lieu à un arbitrage et, je suppose en cas d'appel, à un procès devant un tribunal. Je me demande si votre régime prévoit une approche progressive comportant des obstacles successifs et même des paliers obligatoires.

Des témoins nous ont dit que certaines instances locales, dans les provinces, ont exigé que les parents ayant des différends suivent au moins un module d'éducation et produisent le certificat remis à cette occasion. S'ils ne se plient pas à cette exigence, ils ne peuvent se tourner vers les tribunaux.

Certes, d'autres sont venus nous dire que la médiation ne peut être obligatoire, parce que l'issue de ce genre de procédure dépend surtout de la volonté des parties d'y prendre part. Mais cela est très différent des modules d'information qui peuvent mousser la médiation et le bon côté de la résolution d'un différend à l'amiable plutôt qu'en instance.

Vous pourriez peut-être nous dire ce qui est ressorti de vos discussions à ce sujet. Savez-vous ce qui se passe quand ces choses-là sont obligatoires?

• 1250

Mme Reg Graycar: Dans presque tous les cas de différends où il y a des enfants, les conseillers de la cour interviennent. Quant au fait d'exhorter les parents à régler leurs conflits hors cour, il y a tout lieu de penser que cette démarche est efficace quand on voit le faible nombre de gens se retrouvant devant les tribunaux.

On m'a dit récemment que, dans certains contextes, la médiation est obligatoire et qu'elle fait partie des conditions imposées par les organismes d'aide juridique pour offrir leurs services. Autrement dit, les deux parties doivent commencer par la médiation et ce n'est que si elles ne parviennent pas à s'entendre qu'elles peuvent se tourner vers l'aide juridique. Je ne sais pas si c'est encore le cas, parce que cela date d'avant les très grosses réductions budgétaires. À cette époque, nous trouvions les réductions déjà importantes, mais elles l'ont été davantage par la suite.

Le tribunal de la famille dispose, à chaque étape de sa procédure, de mécanismes destinés à encourager un règlement à l'amiable. C'est d'ailleurs la grande différence entre un tribunal normal et un tribunal spécialisé comme celui-ci, qui a pour mission, en un certain sens, de faciliter ce genre de règlement. Parmi ces mécanismes, on trouve: les conférences des greffes au sujet de la propriété, les conseillers qui s'intéressent de près aux différends quand il y a des enfants et, comme je le disais plus tôt, la section de la médiation.

Sans offrir le genre de mécanisme que vous décrivez, ce tribunal a toujours travaillé dans le sens de la résolution des différends à l'amiable.

M. Paul Forseth: Dans plusieurs de vos réponses, vous avez parlé de la façon dont les choses devraient fonctionner, mais il est peut être trop tôt pour se prononcer. Si vous examinez ce qui se passe chez vous, diriez-vous qu'il vous reste certaines choses à terminer, un travail à parachever pour peaufiner le système afin que la loi facilite vraiment la prestation de services axés sur la résolution des différends entre parents? Pouvez-vous déjà dire si des affinements s'imposent?

Mme Reg Graycar: Il est peu probable, je pense, que nous adoptions prochainement des changements législatifs importants. Ce sont les premiers changements qu'on apporte aux dispositions concernant les enfants depuis l'entrée en vigueur de la loi, outre le régime d'aliment des enfants et le transfert de pouvoirs des États au fédéral. Toutefois, rien de tout cela n'a modifié la garde et l'accès.

Les différences culturelles, si l'on peut dire, sont un des aspects intéressants. On dit souvent—et je pense que c'est également le cas ici—que notre droit est semblable au droit britannique et qu'il est donc interprété de la même façon. Personnellement, je dirais le contraire: que l'interprétation est très différente et c'est d'ailleurs une des raisons qui explique—la seule en fait à laquelle je puisse penser—le caractère spécialisé du tribunal de la famille et la nature de ses interventions qui permettent de dédramatiser le règlement des problèmes liés aux enfants.

Je vais remettre deux ou trois documents au comité portant sur les distinctions juridiques entre le droit britannique et le droit australien. Vous constaterez sans doute un grand nombre de différences sur le plan de la pratique tout comme sur celui de la théorie du droit.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez droit à une dernière question.

M. Paul Forseth: Très bien.

Vous parlez de l'Angleterre qui vient, elle aussi, d'adopter un tout nouveau régime.

Mme Reg Graycar: J'en ai parlé un peu plus tôt. Quand nous avons commencé à étudier la réforme, et surtout que nous avons commencé à rédiger nos textes, nous nous sommes aperçus que l'Angleterre n'avait pas entrepris de grande réforme, outre l'exhortation des parents à régler à l'amiable pour favoriser le partage de la garde des enfants; nous nous sommes également rendu compte que les Anglais n'ont pas effectué d'évaluation. En Australie, le conseil auquel je siégeais avait été invité à étudier l'application chez nous de la Loi sur les enfants, une loi britannique. Ce qui nous inquiétait, nous les chercheurs, c'est qu'il n'existait aucune recherche sur les conséquences des changements apportés, et il importait donc que nous effectuions nos propres recherches à ce sujet.

M. Paul Forseth: Vous avez répété à plusieurs reprises, et de différentes façons, que même si les changements apportés à la loi n'ont pas permis de changer la nature humaine ni la façon dont les gens vivent, le jeu en a valu la chandelle et que, peu importe le côté dont envisage la chose—sous l'angle sociologique ou autre— c'était la bonne chose à faire.

• 1255

Mme Reg Graycar: Je ne suis pas certaine d'avoir tiré cette conclusion, et je préférerais attendre que nous ayons terminé ce projet pour vous dire s'il en valait vraiment la peine.

Je suis d'accord avec ce que le juge a écrit, à savoir que nous n'avons pas vraiment changé le droit, que nous n'avons fait que modifier la loi mais que les dispositions fondamentales n'ont pas beaucoup changé et que le changement porte davantage sur une certaine forme d'instance, sur l'exhortation des parents à régler leurs différends à l'amiable ainsi que sur la formulation d'objectifs et d'intentions. Encore une fois, je crois qu'il est trop tôt pour se prononcer sur l'évolution de la jurisprudence établie par le tribunal, sur la façon dont il va interpréter ces dispositions; à ce sujet, je crois que le juge estime que malgré l'emploi de termes différents, on n'a fondamentalement pas changé grand chose. Pourtant, comme je le disais plus tôt, nous avons constaté, dans nos échanges avec le public, que les gens ont trouvé une grande différence.

Nous nous intéressons donc au lien entre les changements apportés au droit et l'évolution des attentes du public, et nous voulons savoir s'il est possible de changer les habitudes des gens en matière de garde d'enfant, soit en modifiant la loi, soit en instaurant un climat d'espoir. Tel est le principal objectif de notre projet de recherche.

M. Paul Forseth: C'est très intéressant. Merci beaucoup.

Mme Reg Graycar: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

[Français]

Madame St-Hilaire.

Mme Caroline St-Hilaire: Tout d'abord, j'aimerais remercier notre témoin, que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt. J'aimerais signaler que, contrairement à mon collègue M. Forseth, je n'ai pas tendance à vouloir confier toute cette question au fédéral. Je viens du Québec et je suis portée à croire que le Québec voudrait peut-être rapatrier ces responsabilités au niveau provincial. C'était ma petite parenthèse.

Au Québec, il y a une médiation obligatoire dans les cas de séparation, et on sait que la Loi sur le divorce est de juridiction fédérale. Croyez-vous que la médiation obligatoire serait possible dans les cas de violence familiale?

[Traduction]

Mme Reg Graycar: Vous me demandez s'il existe une médiation obligatoire dans les cas de violence familiale?

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: Non, je vous demandais plutôt si la médiation, qu'elle soit obligatoire ou non, pouvait être envisagée dans les cas de violence familiale et pouvait réussir à régler des conflits, ou s'il fallait automatiquement porter de tels cas devant les tribunaux.

[Traduction]

Mme Reg Graycar: En Australie, je crois qu'il est généralement admis qu'il ne faut pas tenter la médiation dans des cas de violence familiale; cela dit, il existe un ensemble de lignes directrices portant sur la médiation dans ce genre de situation, lignes directrices qui ont été rédigées par un collègue il y a quelques années et qui sont assez couramment employées.

On y dit que, même si la médiation est presque toujours inappropriée dans les cas de violence familiale, il y a toujours des cas où une personne peut désirer recourir à cette procédure et qu'il ne faut pas l'en empêcher à condition qu'elle y consente en toute connaissance de cause. On établit toujours la différence, cependant, entre la médiation portant sur la violence elle-même et la médiation portant sur les autres questions—par exemple, sur ce qu'il va advenir des enfants quand il y a violence entre les parents.

Je ne pense pas qu'on n'ait jamais considéré la médiation comme étant un moyen valable de résoudre les cas de violence et je suis certaine que ce n'est pas ce qui se fait en Australie.

[Français]

Mme Caroline St-Hilaire: Une dernière petite question, bien qu'il soit peut-être encore trop tôt pour la poser. Une des grandes réformes que vous avez apportées avait trait à la terminologie. Vous avez changé quelques termes. Nous sommes aussi en train d'étudier cette question. Est-ce qu'en changeant la terminologie, on peut diminuer les conflits entre les parents et, de ce fait, protéger les intérêts de l'enfant?

[Traduction]

Mme Reg Graycar: Voilà la grande question. Je crois me rappeler, à propos des toutes premières propositions de modification de l'article en question, que des gens ont soutenu qu'on allait créer une situation avec un perdant et un gagnant. Il est vrai que dans un des rapports du Conseil du droit de la famille, portant sur les tendances en matière de garde d'enfants après une séparation, on peut lire qu'un grand nombre de parents n'ayant pas obtenu la garde enfant n'ont pas maintenu les relations avec leur progéniture, parce qu'ils se sentaient exclu par cet article. On a donc cherché à les intéresser davantage plutôt qu'à leur accorder plus de droits, parce qu'un grand nombre d'enfants ne voyaient plus du tout leur autre parent. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons changé cela.

• 1300

Plus tôt, nous avons parlé de mesures d'application relativement à l'accès ou au contact, mais d'aucuns ont souvent regretté qu'on n'oblige pas les parents à exercer leur droit de contact. L'un des principes directeurs était d'essayer de trouver une façon pour amener le parent n'ayant pas la garde de l'enfant à vouloir maintenir la relation avec celui-ci. On a estimé que c'était là un des aspects de la modification de la terminologie.

Cela a-t-il changé quelque chose? On ne peut le dire pour l'instant. Toutefois, d'après ce que nous avons appris, il ne semble pas que ce soit le cas. Malgré l'émission de nombreuses ordonnances de résidence, différentes des anciennes ordonnances de garde et d'accès, le parent qui n'a pas la garde continue de passer aussi peu de temps au contact de son enfant. Je crois qu'il est un peu trop tôt pour se prononcer à ce sujet.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

La question de l'application des ordonnances d'accès a retenu mon attention. Je sais que l'Illinois, aux États-Unis, vient d'adopter une loi déclarant illicite toute interférence sur le plan des visites. On y décrit ce genre d'action comme étant une détention d'enfant dans l'intention de priver l'autre parent de ses droits de visite. La première infraction est considérée comme étant mineure. Après deux condamnations, on parle de délit, l'amende augmente et le délinquant ou la délinquante encourt même une peine d'emprisonnement.

Je trouve intéressant que les objectifs que vous avez énoncés au début de votre présentation rejoignent ceux de ce comité, qui se veut axer sur l'enfant et qui veut rappeler l'importance des responsabilités des deux parents dans la garde conjointe, ainsi que tous ces aspects-là. J'ai eu l'impression que vous avez été arrêté dans votre élan, que vous étiez prêts à adopter une loi, mais pas à la faire appliquer. Cela a dû provoquer des réactions négatives pendant vos consultations, à l'époque de la rédaction de la loi. Pourquoi tout cela s'est arrêté?

Mme Reg Graycar: Je ne dirais pas qu'on s'est arrêté, je dirais plutôt que cette partie de la loi n'a pas été changée du tout. C'est toujours un délit que d'enfreindre une ordonnance de cour. Statistiquement, vous constaterez que les personnes chargées d'appliquer une ordonnance du tribunal de la famille voient davantage les parents à propos du droit d'accès que, par exemple, les femmes ayant obtenu une ordonnance de propriété qu'elles ne peuvent faire appliquer parce que leurs ex-époux transfèrent sans cesse ses fonds. Cette question de l'impossibilité d'appliquer des ordonnances de propriété, due au fait que les gens cherchent beaucoup moins à obtenir gain de cause sur ce plan, a retenu mon attention au cours de mes lectures la semaine dernière, ce qui m'a permis de découvrir que plusieurs personnes s'en étaient plaintes.

Il est certain qu'on envoie des gens en prison quand c'est nécessaire, mais ce n'est normalement pas ce que font les tribunaux, même si la loi stipule que c'est une infraction, parce qu'il faut tenir compte d'autres facteurs. Il est question de protéger l'intérêt des enfants? Eh bien, même si le droit de l'enfant de contacter ses deux parents est protégé par le paragraphe 60 b), le tribunal peut estimer qu'il n'est pas de son meilleur intérêt d'emprisonner l'un de ses parents. Je veux dire que, dans une situation comme celle-ci, la peine de prison est beaucoup plus difficile à appliquer que d'autres formes de sanction ou d'autres mesures d'application.

M. Paul Szabo: Je ne doute pas que vous avez suivi un processus de recherche très complet, car je sais, par exemple, ce par quoi ce comité est passé. Il y a ceux qui veulent régler les problèmes en appliquant une approche davantage critique ou sociale. Fait intéressant, cependant, cette question a fait remonter d'autres sujets à la surface, des questions plus larges comme la violence familiale et l'opposition hommes-femmes.

• 1305

N'avez-vous pas constaté la même chose en Australie, lors de vos travaux sur la garde et sur l'accès? Par ailleurs, j'aimerais savoir si l'Australie a effectué une recherche ou un sondage exhaustif sur le problème de la violence familiale et, dans l'affirmative, j'aimerais savoir si vous en connaissez les résultats?

Mme Reg Graycar: J'aurais plusieurs choses à dire à ce propos.

D'abord, il est peut-être un peu abusif de dire que nous avons tenu des consultations poussées avant l'adoption de cette loi. Comme les membres du comité pourront le constater à la lecture des articles que je vais leur laisser, rien n'indique que nous avons suivi une véritable trajectoire de réforme. Nous avons eu vent du mécontentement de plusieurs, sous une forme ou une autre, mais nous n'avons pas officiellement enquêté sur ces points-là.

D'ailleurs, la vaste enquête parlementaire que nous avions effectuée à propos du droit de la famille avait donné lieu à une recommandation, à savoir qu'on garde à peu près intactes les dispositions relatives aux enfants. C'est le procureur général qui, par la suite, a demandé au Conseil sur le droit de la famille de faire rapport sur l'application à l'Australie d'une loi anglaise, la Loi sur les enfants, et il semble qu'on s'était rangé à l'idée qu'il serait bon de modifier le libellé de la loi. Je trouve cela très intéressant.

Quant aux audiences qui se sont tenues sur les autres aspects, les gens sont bien sûr venus nous faire part de nombreuses préoccupations relativement au fonctionnement de la loi.

Le problème de la violence et de ses répercussions sur les enfants est ressorti à part, dans le cadre de la jurisprudence du tribunal de la famille au cours des cinq dernières années. On a de plus en plus repris, dans la jurisprudence, les constats des sciences sociales voulant que les situations de conflit familial ne sont pas dans le meilleur intérêt des enfants. Jusqu'ici, la loi donnait lieu à une attitude un peu différente: tant que l'enfant n'était pas battu, peu importe ce qui pouvait se passer entre les parents. Je crois que les tribunaux ont commencé à réfuter ce point de vue avant même l'adoption de ces modifications. Certains estiment que ces amendements ne sont que le reflet de l'évolution du droit, alors que d'autres soient d'avis qu'on se trouve maintenant face à une tension entre les objets et les principes en matière de violence.

Pour ce qui est des données statistiques sur la violence, en 1996, nous avons entrepris un sondage national sur la sécurité des femmes en appliquant, si je ne m'abuse, la méthode élaborée pour l'étude canadienne qui a été la première grande du genre portant sur toute la population. Je ne pourrais vous donner les chiffres exacts, mais je pourrais très certainement les faire parvenir plus tard au comité. Je me rappelle que les résultats rejoignaient ceux de l'étude canadienne, autrement dit qu'environ 25 p. 100 des gens—mais je peux me tromper—ont connu la violence dans leurs relations. Je n'ai pas pris ces données avec moi, et je n'avancerai rien tant que je n'aurai pas revu le sondage, mais je serai très heureuse de vous envoyer le résumé de cette étude.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.

Une dernière petite question par Mme Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Merci.

Vous avez insisté sur le fait qu'il s'agit d'une première étape dans la procédure de règlement des différends. Dois-je comprendre qu'il est question d'imposer une obligation au titre du règlement des différends et, le cas échéant, est-ce également le cas pour les autres étapes, notamment pour l'arbitrage final?

Mme Reg Graycar: Je crois que ces termes ont pour objet d'indiquer que 95 p. 100 des cas sont réglés sans recours à l'appareil judiciaire. Il est donc trompeur de dire que ces formes de règlement de différend sont des substituts, parce qu'on les a toujours considérées comme des solutions de remplacement aux règlements imposés par les tribunaux. Ce qu'on a voulu dire, en fait, c'est que le recours aux tribunaux est la solution qui reste aux 5 p. 100 de couples ne parvenant pas à régler hors cour.

L'hon. Sheila Finestone: S'il n'y a pas d'arbitrage, on ne passe donc pas à la médiation, à l'arbitrage puis au litige.

Mme Reg Graycar: Non. La médiation et le counseling sont les deux principales formes de règlement des différents appliquées en droit familial.

L'hon. Sheila Finestone: Parfait.

Monsieur le président, pour terminer, je pense qu'il serait intéressant de faire savoir à notre invitée que le mardi 2 juin, Statistique Canada a publié une grande étude longitudinale nationale sur les enfants et les adolescents ainsi que sur les changements survenus dans le milieu familial à cause des modifications de la structure familiale, du pourcentage de divorces et des différences entre époux de droit et époux de fait. Il serait très important que notre comité en ait également copie. C'est une excellente étude. Je suis heureuse que Paul nous en ait ramené un exemplaire.

• 1310

Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Merci beaucoup.

Professeur Graycar, je...

M. Philip Mayfield: Puis-je poser une toute petite question?

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui mais très courte. Vous avez dépassé votre temps. Je reconnais que nous avons commencé en retard, mais plusieurs d'entre nous doivent maintenant se rendre à d'autres réunions. Donc, soyez bref.

M. Philip Mayfield: Pourriez-vous très rapidement nous parler des procédures d'accréditation du personnel chargé de favoriser le règlement des différends hors cours?

Mme Reg Graycar: Je pense vous avoir déjà dit que je ne sais pas exactement ce qui est exigé officiellement pour le moment. Notre Conseil consultatif national chargé d'étudier les autres formes de règlement de différend est en train de s'y intéresser. Son premier rapport devrait, justement, faire état des procédures d'accréditation.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup. Encore une fois, je tiens à vous remercier, madame.

Mme Reg Graycar: Merci.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Cette réunion nous a permis d'obtenir le genre d'information que nous recherchions. Comme vous le savez peut-être, nous touchons à la fin de nos travaux et nous n'entendrons plus d'autres témoins. Nous avons été très heureux de vous accueillir. Je puis vous dire que votre témoignage a été très utile si j'en juge par le nombre de personnes qui auraient aimé vous poser des questions.

Mme Reg Graycar: Merci de votre invitation.

Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous nous retrouverons lundi à 15 h 30.

La séance est levée.