STANDING JOINT COMMITTEE ON OFFICIAL LANGUAGES

COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 26 septembre 2001

• 1532

[Français]

La coprésidente (la sénatrice Shirley Maheu (Rougemont, Lib.)): Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Adam et à son équipe. Puisqu'on a quorum, on est prêts à commencer. Madame Adam, vous êtes ici pour nous présenter votre deuxième rapport annuel.

Mme Dyane Adam (commissaire aux langues officielles): Merci de m'accueillir aussi tôt dans vos travaux.

[Traduction]

Je sais qu'il est tôt dans la session parlementaire. C'est l'occasion pour moi d'attirer votre attention sur le rapport annuel de cette année. Si vous me le permettez, je vais prendre plus de temps qu'à l'ordinaire.

[Français]

Je voudrais vous parler des grands messages du rapport et identifier des dossiers forts et des dossiers qui, à mon avis, sont susceptibles d'intéresser le comité mixte et nécessitent votre intervention et un examen plus approfondi.

[Traduction]

Je vais commencer par rappeler qu'il y a maintenant 30 ans que Keith Spicer a déposé au Parlement le tout premier rapport annuel du Commissaire aux langues officielles. À l'époque, la première Loi sur les langues officielles avait à peine deux ans et de nombreux services fédéraux n'étaient offerts qu'en anglais.

Le premier commissaire, ainsi que des politiciens de toutes les allégeances, dont le premier ministre Trudeau et le chef de l'opposition, Robert Standfield, ont déployé maints efforts pour expliquer les objectifs de la dualité linguistique à la population canadienne et encouragé les membres des deux groupes linguistiques à apprendre à mieux se connaître.

C'est donc notre 30e anniversaire et c'est pour moi un grand plaisir de marquer l'occasion en publiant en même temps que le rapport annuel un document spécial voulant souligner le travail des quatre commissaires qui m'ont précédée. Le document accompagne le rapport annuel de cette année et vous en avez tous reçu un exemplaire.

Cette publication retrace l'évolution du bilinguisme au Canada au cours des trois dernières décennies, ses grands moments comme les moments difficiles. Avant de vous présenter mon rapport annuel, je voudrais donc brièvement revenir sur le chemin que nous avons parcouru.

• 1535

Je crois qu'il est important de toujours garder à l'esprit que le bilinguisme officiel est d'abord et avant tout une question de changement d'attitudes et de comportements sociaux. Comme tout changement social, cela ne se fait pas du jour au lendemain. En rétrospective, il est manifeste que, du point de vue historique, nous avons marqué des progrès, mais il reste beaucoup de chemin à faire.

Comme il est si bien dit dans le dernier discours du Trône, «la dualité linguistique du Canada est au coeur de notre identité canadienne et constitue un élément clé de notre société dynamique». Cet idéal exprime bien l'esprit de notre pays—un lieu où des personnes de cultures et de langues variées s'efforcent de vivre en harmonie.

À la lumière des événements des dernières semaines, il est de mise de s'arrêter au fait que cette valeur collective a contribué à façonner la société démocratique et tolérante qui est la nôtre. Nous pouvons tous être fiers des progrès accomplis au cours des 30 dernières années; par contre, comme j'y viendrai dans un moment, il reste beaucoup à faire et nous devons poursuivre nos efforts, car construire une société où chacun se sent véritablement chez soi représente un défi énorme.

[Français]

Cela me fait plaisir de vous rencontrer pour présenter ce rapport annuel et les dossiers prioritaires sur lesquels les parlementaires devraient se pencher au cours de la prochaine année. Bien sûr, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

Mon rapport compte cinq chapitres: le leadership en matière de langues officielles, les transformations gouvernementales, le développement communautaire, les enquêtes et études spéciales et, finalement, les préoccupations des citoyens et citoyennes. Ce dernier chapitre fait le survol de certaines des plaintes que nous avons instruites au cours de la dernière année.

[Français]

D'abord, je parlerai du chapitre sur le leadership en matière de langues officielles. Le premier chapitre de mon rapport brosse un portrait du leadership assumé au cours de la dernière année par les principaux intervenants sur la scène des langues officielles. Si j'y ai consacré un chapitre entier, c'est parce qu'il s'agit d'une question cruciale. Le dossier des langues officielles ne peut avancer sans un engagement ferme et un leadership cohérent.

Vous vous rappellerez qu'il y a un an, j'ai dressé le bilan de l'action du gouvernement fédéral dans le dossier des langues officielles. Mon diagnostic était clair et direct: j'ai exprimé mes inquiétudes face à l'érosion des droits linguistiques et face au manque flagrant de leadership politique et administratif. Il y a eu un laisser-aller, et j'ai sonné la fin de la récréation.

Un an plus tard, je peux affirmer que mon message, même s'il était difficile à avaler, a été entendu et compris. Les dirigeants du gouvernement et de l'administration ont accepté ce diagnostic. Je vois déjà les premiers signes d'une réflexion sérieuse et d'une volonté renouvelée au sein de l'appareil fédéral de corriger les torts du passé et de travailler à la pleine mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles. Le vent semble avoir tourné.

Certaines décisions prises au cours de la dernière année me laissent en effet croire que nous sommes sur la bonne piste.

Le gouvernement a renouvelé son engagement envers la protection et la promotion des langues officielles et à l'égard des communautés minoritaires de langue officielle dans le discours du Trône de janvier 2001. Je souligne qu'il s'agit de la première fois qu'on fait mention des langues officielles de façon aussi importante dans un discours du Trône depuis 1985.

Le premier ministre a nommé un ministre responsable de la coordination du dossier des langues officielles et lui a donné le mandat d'élaborer un nouveau cadre d'action et de mettre en oeuvre de nouvelles mesures énergiques.

Le greffier du Conseil privé a fait des langues officielles une des cinq priorités de l'administration fédérale, et la ministre de l'Immigration a fait preuve de leadership en modifiant son projet de loi pour reconnaître qu'un des objectifs de l'immigration est de contribuer au développement des deux groupes linguistiques au Canada. Ce projet de loi est présentement à l'étude au Sénat.

Ces gestes sont concrets et ils augurent bien pour l'avenir. Alors, je crois qu'il y a lieu de dire bravo au gouvernement pour ses décisions.

• 1540

Le changement comporte plusieurs étapes, comme on le sait. La première est de reconnaître le problème, et c'est ce qu'on a fait l'an dernier. Le gouvernement a fait son premier pas. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.

J'entends le bon discours, mais je constate encore qu'il y a un décalage entre les paroles et les gestes et qu'il est assez tôt pour aller plus loin que le constat que j'ai fait précédemment. Il s'agit maintenant de passer à l'étape suivante, et je demande au gouvernement de passer le plus rapidement possible à cette étape et de joindre l'action à la parole. Il devient d'ailleurs pressant d'aller au-delà des constats et des bonnes intentions.

Pour cette raison, je dois vous avouer que je suis restée un peu sur ma faim en prenant connaissance de la présentation qu'a faite devant vous, la semaine dernière, le nouveau ministre responsable de la coordination du dossier des langues officielles. J'ai été déçue, non pas du diagnostic posé par le ministre Dion, parce que je partage une bonne partie de sa lecture de la situation, mais plutôt de l'absence d'une ébauche de plan d'action. Je sais que plusieurs d'entre vous lui ont communiqué cette même attente. Mon rapport fait d'ailleurs état du besoin urgent d'un plan d'action.

En tant qu'aiguilleur d'un train qui est toujours en gare, M. Dion ne peut évidemment pas répondre seul à des attentes grandissantes sans avoir des ressources adéquates et un mandat précis qui lui permettrait de faire bouger les choses. Pour l'heure, je dois constater que ces deux éléments semblent toujours manquer à l'appel.

Donc, bien que je sois d'accord sur l'essence du constat fait la semaine dernière par le ministre, je dois ajouter que le plan d'action attendu devra accorder la priorité au développement des communautés de langue officielle partout au pays. Pour cela, il m'apparaît plus nécessaire que jamais de donner un nouveau souffle à la partie VII de la loi en lui reconnaissant un caractère exécutoire. C'est l'absence de cet élément, dans la présentation de M. Dion, qui me laisse croire que le gouvernement est encore loin de pouvoir élaborer un plan d'action concret qui permettra de renverser les tendances lourdes actuelles. Je m'attends à des gestes concrets, vigoureux et rapides qui soient conformes aux engagements pris dans le discours du Trône. Les défis sont nombreux et il reste beaucoup de travail à faire, comme on en convient tous.

Les besoins des communautés minoritaires de langue officielle sont également nombreux, notamment dans les secteurs de l'éducation et de la santé, mais le gouvernement n'a toujours pas de plan d'ensemble pour assurer leur développement et leur épanouissement.

Comment peut-on y arriver? L'appareil fédéral est lourd. Il met du temps, trop de temps, à réagir et à agir. Pour le faire bouger, pour le mobiliser, on doit compter sur les efforts soutenus et concertés de toute une série d'acteurs travaillant en synchronisme d'action et de pensée à l'atteinte du même objectif. Je compte sur l'engagement politique de chaque membre du Cabinet pour réaliser cet objectif, et l'appareil administratif doit suivre. Ce n'est pas seulement la responsabilité de M. Dion.

Quelles sont mes attentes pour la prochaine année en termes de leadership? Premièrement et avant tout, je m'attends à ce que le gouvernement dévoile rapidement un plan d'action comportant des objectifs clairs, des mesures ciblées et des mécanismes de concertation menant à des résultats mesurables. Ce plan doit viser la question des langues officielles au sein de la fonction publique, l'offre de services de qualité à la population canadienne, une approche globale et coordonnée pour le développement des communautés de langue officielle et des mesures pour la promotion des langues officielles dans la société canadienne. En fait, on doit gérer plusieurs ballons en même temps.

Deuxièmement, il faut mieux répartir et mieux investir les ressources disponibles pour les langues officielles, mais on doit aussi investir des ressources adéquates, tant humaines que financières, pour donner des résultats concrets, durables et mesurables à court terme.

Au cours des dernières années, le nombre des personnes responsables du bilinguisme dans l'administration fédérale a chuté de plus de la moitié, et les investissements en matière de langues officielles ont stagné et même diminué depuis 1990, comme l'a souligné M. Dion la semaine dernière. Le gouvernement reconnaît ce fait. Si les langues officielles sont vraiment une priorité, tel qu'énoncé dans le discours du Trône, il faut investir pour réaliser les engagements pris.

• 1545

[Traduction]

Troisièmement, la responsabilité de la dualité linguistique n'incombe pas uniquement au gouvernement fédéral—tous les secteurs de la société canadienne ont un rôle à jouer, en particulier les provinces et les territoires. Il semble que ceux-ci n'aient pas toujours saisi l'ampleur de leurs responsabilités en matière de dualité linguistique depuis l'adoption de la Charte en 1982.

La mise en oeuvre du droit à l'enseignement dans la langue de la minorité partout au pays s'est révélée un processus souvent long et ardu, même si la Constitution garantit ce droit. Trop souvent, les gouvernements ont attendu que les tribunaux leur rappellent leurs obligations et responsabilités au plan linguistique. Dorénavant, le gouvernement fédéral devra mieux coordonner ses activités avec les provinces et les territoires.

Cette démarche coordonnée s'impose pour assurer un soutien, car la croissance et la vitalité des collectivités des langues officielles en situation minoritaire dépendent de beaucoup trop de facteurs qui sont de compétence provinciale ou de responsabilité partagée—comme l'éducation, l'immigration, les services municipaux et les services de santé.

[Français]

Le deuxième chapitre de mon rapport est consacré aux transformations gouvernementales. Année après année, le gouvernement signe des ententes pour transférer certaines de ses responsabilités à d'autres paliers de gouvernement ou au secteur privé ou même aux communautés. Trop souvent, ces ententes ne tiennent pas compte des droits linguistiques acquis de la population. Il arrive que la quantité et la qualité des services offerts dans les deux langues officielles souffrent après ces transferts. Je fais appel au gouvernement afin qu'il mette en place une politique efficace pour protéger les droits linguistiques lors de transformations gouvernementales.

Rappelons que c'est en 1997 que mon bureau a identifié cette question comme un enjeu majeur pour les droits linguistiques de la population. Près de cinq ans après ce diagnostic, nous sommes toujours dans l'attente d'une politique favorisant effectivement la progression vers l'égalité du français et de l'anglais. Voici, en fait, un exemple de contradiction entre les paroles et les gestes. Ce n'est pas la première fois que cette question est soulevée par le commissariat, mais aujourd'hui, ça devrait être la dernière fois. Cette lenteur ne peut pas exister en langues officielles, car il s'agit, doit-on le rappeler, du respect de droits constitutionnels. On ne pourra jamais remplir les engagements du discours du Trône à ce rythme-là. Agir, c'est bien, mais agir avec célérité, c'est mieux. Et c'est essentiel dans ce dossier-là.

Mon rapport donne plusieurs exemples spécifiques de transformations ou de dévolutions qui ont eu un impact, souvent négatif, sur les droits linguistiques de la population.

La Loi sur les contraventions est un exemple où le gouvernement doit passer à l'action et faire preuve de leadership. Comme vous le savez, le ministère de la Justice doit prendre, d'ici le 23 mars 2002, toutes les mesures nécessaires pour se conformer au jugement rendu par la Cour fédérale en mars dernier. Je vais suivre de très près l'évolution de ce dossier qui aura des répercussions à l'échelle du pays. Je m'attends à ce que les modifications qui seront apportées par le ministère de la Justice à la Loi sur les contraventions, son règlement et les ententes conclues avec le gouvernement de l'Ontario et ses municipalités garantissent dans les faits l'exercice des droits linguistiques des justiciables canadiens. J'ai encore des inquiétudes quant à la mise en oeuvre de ces modifications et je vous demande également de suivre ce dossier de très près.

[Traduction]

Au nombre des transformations gouvernementales figure la question des fusions municipales. Comme vous le savez sûrement, le Commissariat a été actif dans le dossier des fusions municipales au Québec et en Ontario au cours de la dernière année. Je l'ai souvent répété, il est important que les droits linguistiques acquis des communautés minoritaires soient protégés lorsque subviennent des fusions.

• 1550

Depuis la fin de la période visée par mon rapport précédent, nous sommes intervenus en cour au Québec dans une affaire concernant une modification apportée à la Charte de la langue française. Nous avons soutenu qu'en resserrant les critères d'attribution du statut bilingue à une municipalité ou à un arrondissement, le gouvernement du Québec réduisait les droits existants de la minorité anglophone. Nous attendons la décision de la Cour d'appel du Québec dans cette affaire.

En Ontario, j'ai appuyé le bilinguisme municipal pour les villes de Sudbury et d'Ottawa. Les nouvelles villes fusionnées ont maintenant chacune adopté des politiques sur la prestation de services au public dans les deux langues officielles. En ce qui a trait à Ottawa, notre capitale nationale, le gouvernement provincial refuse toujours de donner suite à la demande que la ville lui a formulée de modifier la Loi de 1999 sur la ville d'Ottawa afin d'y reconnaître l'égalité de statut du français et de l'anglais dans la capitale. Le gouvernement provincial aura une autre occasion de changer sa position dans les jours qui viennent, alors qu'un projet de loi émanant d'un député sera déposé à l'Assemblée législative. Le gouvernement de l'Ontario doit se rendre compte que d'avoir la capitale nationale sur son territoire représente un énorme privilège, et que ce privilège—qui s'accompagne d'avantages—s'accompagne aussi d'obligations et de responsabilités envers le pays tout entier.

Si cette nouvelle initiative pour obtenir la modification de la Loi sur la ville d'Ottawa devait échouer, le gouvernement fédéral devra faire preuve de leadership et intervenir afin que l'on obtienne des résultats. La capitale d'un pays bilingue doit être officiellement bilingue.

[Français]

Le troisième chapitre porte sur le développement communautaire.

Plusieurs s'entendent pour dire que les communautés minoritaires de langue officielle représentent l'essence même de l'esprit et des valeurs de notre pays. Elles sont malgré tout confrontées à de multiples obstacles qui nuisent à leur développement et à leur épanouissement. Ainsi, pour pouvoir se développer et s'épanouir pleinement, les communautés minoritaires requièrent un meilleur soutien de la part des institutions gouvernementales.

Comme je l'ai dit plus tôt, il est impératif que les institutions fédérales s'acquittent de leurs obligations relatives au développement des communautés et à la reconnaissance du français et de l'anglais, prévues à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Il s'agit là d'une obligation capitale et d'un devoir de leadership qui doivent être assumés pleinement par le gouvernement sans qu'il y ait d'équivoque au sein de certaines institutions clés.

Or, il importe que les diverses institutions se concertent et coordonnent leurs efforts pour cristalliser leur engagement envers les communautés minoritaires. La portée de l'engagement fédéral à l'égard des communautés linguistiques minoritaires doit être précisée de sorte que toutes les institutions assujetties à la Loi sur les langues officielles puissent mettre en place un régime adéquat pour l'appliquer. Il ne devrait subsister aucune ambiguïté quant au caractère interactif de cet engagement.

Si on ne saurait trop insister sur cette obligation du gouvernement, force est d'admettre que beaucoup reste à faire pour que les gestionnaires en saisissent toutes les ramifications et les incorporent dans leurs activités quotidiennes.

L'importance du rôle que joue l'école dans la transmission de la langue et de la culture, ainsi que le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada, est plus que jamais capitale. Consciente de cette importance, j'ai commandé l'année dernière une étude visant à analyser l'évolution des effectifs scolaires des écoles de langue française et à cerner les défis pour attirer et recruter l'effectif scolaire cible et assurer une éducation de première qualité.

Certains d'entre vous connaissent cette étude, mais en gros, l'étude démontre qu'en dépit de certains progrès, les inscriptions dans les écoles de langue française plafonnent depuis 10 ans à guère plus de la moitié de l'effectif scolaire cible. Le défi est de taille, car il faut accroître les effectifs de ces écoles pour renforcer la vitalité des communautés francophones vivant en situation minoritaire. D'ailleurs, l'étude propose un plan de récupération de l'effectif scolaire cible sur 10 ans.

• 1555

La réalisation de cet objectif, encore une fois, devra reposer sur la mobilisation de plusieurs intervenants: les dirigeants politiques, bien sûr, mais aussi les conseils scolaires de langue française, les chefs de file des communautés francophones, les professionnels de l'éducation et, surtout, les familles, qui devront être sensibilisées à l'importance de la transmission du français d'une génération à l'autre.

Un autre dossier en matière de développement communautaire et de soutien à la vitalité des communautés est, bien sûr, l'immigration. L'enjeu, là aussi, est de taille pour l'équilibre démographique et l'avenir de la dualité linguistique d'un océan à l'autre. L'immigration est devenue la source d'environ 50 p. 100 de la croissance démographique du pays au cours des 15 dernières années. Or, la francophonie canadienne n'en a pas profité équitablement, et bien que ce phénomène ait prévalu tout au long de l'histoire de notre pays, ses effets ont aujourd'hui de quoi inquiéter en raison de la faiblesse plus récente de la natalité différentielle du groupe francophone.

J'ai fait part de ces priorités devant ce comité et devant les membres du comité parlementaire chargé d'étudier le nouveau projet de loi sur l'immigration l'an dernier. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, je me réjouis du fait que la ministre Caplan ait accepté d'apporter des modifications qui reflètent cette priorité. C'est un dossier à suivre, puisque ce n'est pas seulement le projet de loi qui devrait normalement être adopté au cours de la présente session parlementaire, mais aussi tout l'ensemble des politiques et programmes qui seront développés au cours des prochains mois. Ils devront également être surveillés.

Un autre élément central au développement des communautés minoritaires de langue française et de langue anglaise est le domaine de la santé. Santé Canada a fait un bon pas dans la bonne direction en mettant sur pied un comité national regroupant des fonctionnaires et des représentants francophones qui se sont réunis à une dizaine de reprises. Un comité semblable a également été constitué cette année pour relever les défis auxquels fait face la communauté anglophone du Québec.

Si ces deux comités existent depuis peu de temps, il est déjà clair que cette excellente collaboration permettra de proposer des solutions novatrices pour surmonter les difficultés auxquelles font face les communautés minoritaires francophones et anglophones en matière d'accès à des soins de santé de première ligne dans leur langue.

Dossier phare s'il en est un, l'affaire de l'hôpital Montfort a connu d'importants développements au cours de l'an 2000, alors que le gouvernement de l'Ontario a décidé d'en appeler du jugement de première instance. Vous vous rappellerez tous qu'en novembre 1999, la Cour supérieure de l'Ontario donnait raison à l'hôpital Montfort en s'appuyant sur le principe constitutionnel non écrit de la protection des minorités. C'est dans ce contexte que je suis intervenue, comme dans le cas des fusions municipales et d'autres causes impliquant les droits linguistiques de la population, pour protéger les acquis de nos communautés minoritaires de langue officielle et pour défendre le principe constitutionnel de la progression des droits linguistiques.

Si cette affaire n'est pas encore close, il importe que le gouvernement du Canada et les provinces veillent, au minimum, à ce que les mesures qu'ils adoptent n'aient pas pour effet de compromettre ou d'entraîner un recul des droits linguistiques durement acquis par les communautés minoritaires de langue officielle du pays. Or, je déplore le fait que les communautés doivent encore aujourd'hui aller devant les tribunaux pour défendre ces droits.

Le quatrième chapitre du rapport annuel présente un survol des principales enquêtes et études publiées au cours du dernier exercice. J'ai souvent expliqué que les recommandations formulées au terme d'une enquête ne donnent pas toujours lieu à des changements permanents ou durables au sein des institutions fédérales. J'ai l'intention de réaliser davantage d'études ou d'enquêtes spécialisées, car elles permettent de regarder les problèmes systémiques sous tous les angles et de proposer des mesures plus globales. De plus, nous voulons que les institutions participent étroitement au processus afin d'assurer la permanence des solutions.

J'aimerais aborder avec vous deux dossiers précis contenus dans ce chapitre: le service offert au public en français et en anglais par nos institutions fédérales et le cas d'Air Canada.

Le bilan national des services au public. Les membres du comité qui étaient ici se souviendront que j'ai déposé devant ce comité, le 24 avril dernier, le bilan national des services au public en français et en anglais.

• 1600

Le bilan lève le voile sur une certaine stagnation dans l'offre de services bilingues. Les transformations gouvernementales ont entraîné la fermeture de 25 p. 100 des bureaux désignés depuis 1994, et la capacité globale des bureaux désignés bilingues à fournir des services en français et en anglais a chuté de 10 p. 100 depuis 1994, passant de 76 p. 100 à 66 p. 100. Ce déclin est vraiment inacceptable.

Le bilan comporte une série de pistes d'action dans le but d'aider le gouvernement fédéral à mettre en oeuvre l'engagement pris dans le discours du Trône de mobiliser ses efforts pour que tous les Canadiens et Canadiennes puissent communiquer avec le gouvernement dans la langue officielle de leur choix.

La plupart de mes recommandations dans ce bilan visent le Conseil du Trésor, qui devra jouer un rôle plus actif dans la surveillance et l'évaluation du programme des langues officielles au sein des organismes fédéraux.

Pour que les bureaux désignés offrent des services de qualité en français et en anglais, il faut clairement établir que le programme des langues officielles constitue une valeur fondamentale au sein de l'appareil fédéral et ce, dans toutes les régions du pays. Je crois qu'on ne le répétera jamais suffisamment. Chaque employé doit contribuer à changer la culture interne. Pour y arriver, il faut mettre l'accent sur la valeur d'une fonction publique bilingue plutôt que de s'en tenir strictement à des règles et à des normes. Le comportement et la conduite des individus ne changeront pas si les règles et les principes ne sont pas intériorisés. Comme on le sait, dans toutes les autres sphères de la société, on respecte les lois dans la mesure où on les a intégrées. Ça doit faire partie de notre orientation personnelle, et c'est à ce niveau que le travail doit se faire maintenant au sein de l'appareil fédéral.

Si le gouvernement réussit ce virage, nous verrons non seulement une amélioration dans l'offre de services au public dans les deux langues officielles, mais également un plus grand respect du droit des employés fédéraux de travailler dans la langue officielle de leur choix dans les régions désignées.

Au cours des prochaines années, le gouvernement aura à renouveler ses effectifs. Il a là une chance inouïe de récolter les fruits de son investissement dans les programmes d'immersion et d'apprentissage de la langue seconde en embauchant de jeunes recrues bilingues. La fonction publique, à l'heure actuelle, annonce qu'elle va recruter des centaines de jeunes fonctionnaires. Il faudrait se demander où elle va recruter. Est-ce qu'on a pris des mesures pour inciter les jeunes bilingues qui ont été formés par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à aller travailler dans la fonction publique? Nous avons ce bassin de jeunes qui sont deux fois plus bilingues que ne l'étaient les jeunes d'il y a 30 ans et qui pourront aider la fonction publique à prendre ce virage vers l'intégration des valeurs de la dualité linguistique.

Je demande aux membres de ce comité d'appuyer nos efforts pour améliorer les services offerts à la population dans les deux langues officielles et pour assurer que la fonction publique reflète les valeurs de la dualité linguistique. Cela ne se fait pas juste par les discours et les paroles, mais vraiment par l'action et par ce qui se vit au quotidien dans les bureaux ici, à Ottawa, ou ailleurs au pays.

Le comité pourrait se pencher sur les recommandations de notre bilan et entendre les organismes qui doivent jouer un rôle clé dans sa mise en oeuvre: le Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique et le Centre canadien de gestion. Ce sont tous des acteurs importants pour faire ce virage de la culture organisationnelle.

Le gouvernement a récemment mis sur pied un groupe de travail pour moderniser la gestion des ressources humaines, sous la responsabilité de la présidente du Conseil du Trésor. J'estime que les langues officielles sont une réalité incontournable dans toute réforme importante de la fonction publique. J'ai récemment écrit à Mme Robillard pour lui faire part de mes recommandations et je vous demande de suivre de près ce processus.

[Traduction]

Air Canada constitue probablement le plus bel exemple d'une institution qui a un dossier peu reluisant et chronique en matière de langues officielles. Au fil des ans, Air Canada est souvent apparue en tête de notre liste d'institutions faisant l'objet du plus grand nombre de plaintes pour infraction à la Loi sur les langues officielles.

• 1605

De multiples enquêtes du Commissariat ont révélé qu'Air Canada était incapable de fournir adéquatement des services en vol et au sol dans les deux langues officielles. Les commissaires ont successivement formulé des recommandations, mais le transporteur n'y a pas donné suite. Compte tenu de ces antécédents, la haute direction d'Air Canada a beaucoup à faire pour convaincre les voyageurs qu'elle se soucie du besoin et du droit de sa clientèle de se faire servir dans la langue officielle de son choix.

Notre transporteur national doit offrir des services de qualité égale dans les deux langues officielles du Canada. Je demande à Air Canada de changer d'attitude et de mettre en oeuvre la stratégie que le Commissariat a élaborée en vue de renforcer et de mieux gérer le programme de langues officielles à tous les paliers de la société, tant pour le service au public que pour ses propres employés dans ses activités internes.

Nous sommes disposés à collaborer étroitement avec le transporteur aérien et le ministère des Transports pour faire en sorte que cela se produise. Certes, les lignes aériennes seront plus que jamais ces derniers temps préoccupées par leurs résultats nets, mais les Canadiens et Canadiennes s'attendent à ce que le fait de respecter les préférences linguistiques des voyageurs fassent partie de leurs pratiques commerciales.

Votre comité a lui-même amorcé une étude sur Air Canada au printemps dernier et je crois comprendre que vous devriez conclure vos travaux dans les semaines à venir. Je m'attends à ce que le ton de votre rapport final soit sans équivoque et à ce que ce rapport contienne des recommandations ciblées qui viseront à assurer qu'Air Canada respecte ses obligations au plan linguistique.

[Français]

Enfin, le dernier chapitre traite des plaintes relatives aux manquements linguistiques des institutions assujetties à la Loi sur les langues officielles. Puisque le temps file, permettez-moi de vous donner seulement le profil général des communications reçues durant la dernière année par le commissariat.

Au cours du dernier exercice, j'ai reçu plus de 2 500 communications du public, dont 1 320 plaintes. Quatre-vingts pour cent de ces plaintes ont été jugées recevables. Soixante pour cent des plaintes viennent de la région de la Capitale nationale et d'ailleurs au Québec et en Ontario, et 80 p. 100 des plaignants étaient francophones. Les incidents rapportés encore cette année visent une centaine d'institutions; 15 d'entre elles ont été la cible des deux tiers des plaintes.

Il est utile de vous rappeler les deux principaux types de plaintes: celles qui proviennent des membres du public incapables de se faire servir adéquatement dans la langue officielle de leur choix, et celles qui sont déposées par des employés fédéraux qui considèrent que leurs droits linguistiques en milieu de travail ne sont pas respectés. Les premières représentent 75 p. 100 du nombre total de plaintes et les secondes comptent pour 16 p. 100 de la totalité des plaintes. Les autres ont trait aux exigences linguistiques de certains postes au sein de l'appareil fédéral, à la participation équitable des francophones et des anglophones au sein de la fonction publique, de même qu'à l'égalité de leurs chances d'emploi et d'avancement.

Les exemples de plaintes contenus dans mon rapport montrent une nouvelle fois qu'il est important, d'une part, de bien informer la population de toute la panoplie de garanties et de programmes linguistiques auxquels elle a droit et, d'autre part, de renseigner les institutions fédérales sur la portée de leurs obligations relatives aux langues officielles.

[Traduction]

Bref, le gouvernement semble maintenant savoir ce qu'il a à faire. Cependant, il subsiste encore des contradictions entre la parole et le geste. Les engagements pris dans le discours du Trône doivent donner le ton pour l'avenir, mais il faut aller au-delà des bonnes intentions. Le comité peut réellement contribuer à ce que le gouvernement y parvienne.

S'il fallait faire ressortir les questions soulevées dans mon rapport auxquelles il faudrait que vous accordiez une attention particulière au cours des mois qui viennent, je vous demanderais de vous concentrer sur les questions clés que voici: un: les langues officielles chez Air Canada: comment pouvons-nous mieux veiller à ce que le transporteur respecte ses obligations au plan linguistique. Deux, une étude portant sur la partie 7 de la loi—la portée juridique de l'engagement du gouvernement envers les communautés minoritaires de langues officielles; assortie d'un plan de mise en oeuvre approprié afin que toutes les institutions assujetties à la loi travaillent ensemble pour favoriser le développement et l'épanouissement des communautés minoritaires ainsi qu'une étude des répercussions que les transformations gouvernementales ont sur le développement des communautés et sur les droits linguistiques existants.

• 1610

Enfin, il y a la question des services offerts au public tant en français qu'en anglais et celle de la mise en oeuvre efficace de mes recommandations par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Le gouvernement fédéral a pris quelques mesures dans le bon sens à l'issue de mon premier rapport. Ce second rapport doit maintenant l'inciter à prendre des mesures encore plus vigoureuses dans un avenir rapproché.

[Français]

Je terminerai en disant que la dualité linguistique se pave peut-être de bonnes intentions mais, chose certaine, elle se cimente par des gestes concrets et des résultats tangibles.

Merci de votre attention. Il me fera plaisir de répondre à vos questions ou d'entendre vos commentaires.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.)): Merci, madame la commissaire. Nous allons procéder au premier tour en commençant par M. Reid.

Monsieur Reid.

[Traduction]

M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président. Je vous remercie, madame Adam de votre présence parmi nous. Je vous remercie également d'avoir informé à l'avance les membres du comité du contenu de votre rapport et d'avoir accepté de répondre à nos questions à ce sujet au cours de l'été. Votre collaboration, qui nous a été très utile, est fort appréciée.

Mes questions vont porter aujourd'hui sur Air Canada qui a évidemment fait les manchettes ces jours-ci. La question de la compétitivité et de la viabilité de la société aérienne se pose évidemment. J'ai peut-être tort de le penser, mais j'ai l'impression que la société aérienne est défavorisée dans une certaine mesure par rapport à ses concurrents du fait que la loi lui impose des exigences bien différentes des leurs.

Avant d'être privatisée, Air Canada était assujettie à la Loi sur les langues officielles aux termes de laquelle elle devait fournir certains services qui s'ajoutent à ceux que ses concurrents doivent aussi fournir. L'article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada veillait à ce que la société aérienne continue d'être assujettie à ces mêmes exigences qui constituent un obstacle à sa compétitivité.

Voici où je veux en venir. Savez-vous ce qu'il en coûte annuellement à Air Canada pour se conformer au paragraphe 10 de la loi qui la régit? Depuis le dépôt de votre rapport intitulé Mise en place d'un régime d'application approprié de la Loi sur les langues officielles à la société Air Canada, je me demande si vous avez calculé ce qu'il en coûterait à Air Canada pour se conformer aux exigences de la loi. Combien cela coûterait-il chaque année à la société aérienne?

Mme Dyane Adam: J'aimerais répliquer à votre première observation, à savoir que le fait pour Air Canada de servir la population canadienne dans les deux langues constitue un obstacle à sa compétitivité. Je vous rappelle qu'il n'y a pas si longtemps, il existait deux grandes sociétés aériennes au Canada. La première, Air Canada, était assujettie à la loi et la seconde, Canadien, ne l'était pas. Or, c'est Canadien qui n'existe plus.

M. Scott Reid: À titre d'ancien actionnaire des Lignes aériennes Canadien, je me souviens très bien qu'il existait autrefois deux grandes sociétés aériennes. Je sais cependant qu'on ne peut pas attribuer la faillite de Canadien à ce seul facteur. Je demande simplement à savoir si vous avez calculé ce qu'il en coûte à la société de se conformer à la loi à laquelle elle est assujettie.

Mme Dyane Adam: Mon travail ne consiste pas à faire des calculs. Mon travail consiste plutôt à faire en sorte que les institutions qui sont assujetties à la Loi sur les langues officielles s'y conforment. Je crois qu'il appartient à Air Canada de calculer ce coût, si elle le juge nécessaire. En ce qui me concerne, il s'agit cependant d'une question non négociable. La société est assujettie à la loi, un point c'est tout. Et le fait d'offrir des services dans les deux langues officielles est aussi une bonne pratique commerciale.

Comme je l'ai fait valoir dans mon exposé, un Canadien sur quatre est francophone. Les francophones voyagent dans tout le Canada. Si vous voulez que les Canadiens prennent l'avion et comprennent ce qui se passe à bord, et pour dégager le gouvernement de toute responsabilité, la courtoisie la plus élémentaire n'exige-t-elle pas que la société aérienne offre des services dans les deux langues? Il faudrait aussi songer un peu à ce qui se passe à l'extérieur du Canada. De nombreuses sociétés aériennes du monde offrent des services non pas seulement dans deux langues, mais dans au moins trois langues. Or, cela ne compromet pas leur compétitivité.

• 1615

M. Scott Reid: Enfin, ce qui me préoccupe à la lecture des coupures de presse d'hier, c'est que vous avez dit aux médias ceci: «S'il n'y avait pas de société aérienne, le problème du bilinguisme ne se poserait pas». Or, il existe une réelle possibilité que la société aérienne disparaisse.

J'ai l'impression que la mise en oeuvre de toute politique, aussi valable soit-elle, entraîne des coûts dont il faut tenir compte. Si les circonstances exigeaient que l'on choisisse entre l'un ou l'autre, personne ne contesterait le fait que les services de soins de santé ont préséance sur les services en langues officielles, dont l'importance est bien évidente. Je crois que la même chose vaut dans ce cas-ci. Je suis convaincu qu'il faut tenir compte de ce coût. Il peut s'agir d'un coût insignifiant ou d'un coût important, mais on ne peut pas simplement faire comme s'il n'existait pas. Je vous encourage donc d'essayer de votre mieux d'établir ce qu'il en coûte aux institutions pour se conformer à la loi.

Je signale que l'un de vos prédécesseurs, M. Keith Spicer, était favorable à cette position. En 1975, dans son rapport annuel, il encourageait le gouvernement à établir le coût exact de la mise en oeuvre des programmes de langues officielles, ce qui, à mon avis, n'a jamais été fait avec succès—et de les défendre au besoin. Nous ne devrions jamais éviter de discuter de ce genre de question comme si les considérations financières n'influaient pas sur l'élaboration des politiques.

Mme Dyane Adam: Je répliquerais de la façon suivante à cette observation, monsieur Reid. Il n'appartient pas au Bureau du commissaire de faire ce genre de calcul. Il appartient à d'autres de faire ces calculs, et peut-être même à Air Canada. Je tenais à le préciser.

M. Scott Reid: Je vous remercie, madame Adam.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Reid, je vous remercie.

[Français]

Madame Thibeault, s'il vous plaît.

Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Bonjour, madame Adam, messieurs, mesdames.

Je vais vous parler d'immigration cet après-midi. J'ai pris le temps de lire ce chapitre-là particulièrement, mon intérêt provenant du fait que je siège aussi au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.

Vous parlez de choses sur lesquelles j'ai travaillé tout le printemps dernier. On ne peut pas nier, comme vous le dites dans votre rapport, l'importance de l'immigration sur la démocratie au Canada. Nous, les francophones, ne sommes pas toujours ceux qui en profitent le plus, malheureusement.

Vous parlez, à la page 57 du rapport:

Je suppose—et j'espère que vous allez m'éclairer—que vous parlez de ces choses-là en relation avec le projet de loi C-11 et la réglementation qui va en découler. Si c'est le cas, j'imagine qu'aucune de ces choses n'a été mise en place.

Mme Dyane Adam: Le gouvernement ne part pas à zéro par rapport à ces questions-là. Il y a déjà une province, le Manitoba, où il y a une initiative en cours depuis déjà quelques années. La province et le gouvernement fédéral—mais je crois que c'était l'initiative de la province—ont invité la communauté minoritaire francophone à participer à une délégation à l'étranger dans des efforts de recrutement et aussi au développement du matériel.

Ces efforts de la part de la communauté franco-manitobaine ont effectivement donné de très bons résultats. C'est dans ce sens-là que ça peut faire école pour les autres provinces. On fait état de cela. J'ai également un rapport sur l'immigration en cours, qui devrait être publié en novembre ou en décembre. Il porte sur la question de l'immigration et sur la dualité linguistique, et on parle beaucoup plus en détail des mesures que pourraient prendre le gouvernement fédéral ainsi que les communautés pour favoriser l'atteinte de l'objectif de ressourcement des communautés minoritaires de langue officielle en matière d'immigration.

• 1620

En gros, ça existe, mais c'est loin d'exister partout au pays. C'est l'une des choses qui devraient suivre la nouvelle réglementation, une fois que nous aurons adopté le nouveau projet de loi, bien sûr.

Mme Yolande Thibeault: Bien sûr. Justement, au sujet de cette réglementation, vous recommandez que le tout soit soumis au comité permanent. Vous parlez:

Est-ce qu'il y a des domaines particuliers que vous pourriez recommander au Comité de la citoyenneté et de l'immigration, des choses clés sur lesquelles il devrait se pencher quand arrivera le temps de faire l'étude et le débat sur ce règlement-là?

Mme Dyane Adam: Oui. Notre étude permet de vraiment identifier qu'il y a le recrutement à l'étranger, qui est une étape dont on a parlé tout à l'heure. Il y a aussi l'accueil. Les services d'accueil dans plusieurs de nos provinces sont vraiment organisés, à l'heure actuelle, pour accueillir strictement dans la langue de la majorité. Il y a peu de services qui existent de façon officielle et, bien sûr, il y a aussi l'intégration. On peut même voir, dans certaines provinces—et je ne les nommerai pas—des lois qui empêcheraient même un immigrant francophone d'aller dans une école francophone, parce qu'il faut, par exemple en Ontario, que l'on soit né... Il y a des critères. C'est la loi de la province.

Il y a donc tout un changement, et il n'y a pas seulement le fédéral qui aura à modifier des choses. Il y a tout un processus au niveau de l'accueil, de l'intégration et même de l'impact dans les communautés, sur les conseils scolaires qui doivent mettre sur pied des comités d'accueil des immigrants et accepter que les immigrants arrivent. On parle ici de gens qui maîtrisent très bien le français.

L'étude va nous permettre de vraiment guider les travaux pour identifier où ce doit être, où le fédéral peut vraiment intervenir et où il y a plutôt lieu de faire de la promotion et des interventions de ce genre-là.

Mme Yolande Thibeault: Je vous remercie beaucoup.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, madame Thibeault.

Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Madame Adam, encore une fois, je vous répète aujourd'hui ce que je vous ai dit hier: merci pour le rapport. Il est très correct et n'est pas trop complaisant pour le gouvernement. Je pense qu'il doit être surpris d'avoir des messages clairs comme ceux-là.

Vous avez dit, vous avez écrit et vous avez répété qu'au niveau culturel et au niveau des valeurs, on a une longue côte à remonter. Lors de la première intervention qu'on a entendue, on a pu constater qu'on avait une longue côte à remonter. Je vais expliquer à mon ami quelque chose qui n'a pas de rapport avec les coûts.

J'étais à Singapour pour un comité. Je n'étais pas en vacances. Je ne sais pas quelle est la minorité francophone à Singapour. Je n'ai pas fait d'étude sur ce sujet, mais elle ne doit pas être bien grande. Sur le vol Singapour—Vancouver, je me suis fait servir en français tout le long. Je l'ai grandement apprécié. Sur le vol d'Air Canada entre Vancouver et Montréal, il n'y avait pas de service en français. Ça donne un choc. Je ne sais pas quel est le coût, mais... Et voilà pour votre intervention.

Maintenant, pour ce qui est du coeur de votre mémoire, c'est-à-dire passer de la parole aux actes, je pense que pour trouver une solution à la problématique que l'on répète année après année, il faut être d'accord sur le diagnostic. Vous avez dit que votre rapport ne couvrait pas la période qui s'est écoulée depuis la nomination de M. Dion, mais vous en avez quand même parlé. Donc, je peux en parler. Vous avez dit que vous étiez d'accord sur une partie des diagnostics qu'il avait posés, et je pense que vous êtes d'accord sur les diagnostics quantitatifs, sur les chiffres qu'il a apportés.

Au niveau qualitatif, quant aux causes de ces chiffres-là, je ne sais pas si vous êtes d'accord. C'est ce que je veux vous demander. Il a dit principalement que c'était à cause de l'amour et des mariages entre les francophones et les anglophones, entre les anglophones et les gens bilingues et entre gens bilingues, et tout ça. Mais il n'a jamais parlé d'assimilation. J'aimerais savoir si l'assimilation peut être une problématique à cerner avant de trouver un remède ou une solution à ce problème. Étant donné que c'étaient les mariages et l'amour qui étaient le problème, il a dit qu'on allait fabriquer des personnes bilingues.

• 1625

Une fois qu'on a posé le diagnostic quantitatif, on arrive avec le début d'un plan d'action qui est basé sur l'hypothèse qu'il faut fabriquer des personnes bilingues. Est-ce que le début de ce plan d'action, selon vous, est basé sur une prémisse valable?

Mme Dyane Adam: C'est une question difficile.

M. Benoît Sauvageau: Je peux vous aider dans votre réponse. Pensez-vous que c'est en fabriquant des personnes bilingues qu'on va trouver une solution, ou que c'est en reconnaissant la situation difficile des francophones et en commençant le plan d'action par le développement des communautés francophones et l'application de l'article 41 de la partie VII?

Mme Dyane Adam: Je ne me limiterai pas exclusivement à votre question. Je vais parler du cadre d'action et du plan d'action. Le discours du Trône est assez clair. Il n'y a pas qu'un seul objectif. Il y en a plusieurs. D'abord, il s'agit de reconnaître que la dualité linguistique est au coeur de l'identité canadienne. C'est le gros message. De cela découle une priorité, qui est la promotion et la protection des langues officielles au pays. On commence à parler de cela. La promotion et la protection des langues officielles au pays peuvent entrer dans les actions de M. Dion. Il peut vouloir rendre bilingues tous les citoyens ou leur donner la possibilité d'apprendre la langue seconde. C'est un droit et cela devrait être accessible. Je crois que cela entre dans cet objectif.

Mais dans le discours du Trône, il y a d'autres objectifs. L'un de ces objectifs est de servir le public canadien dans la langue de son choix. On parle donc de service au public. Un autre objectif est de veiller au développement et à la vitalité des communautés de langue officielle. Un autre objectif est de renforcer la langue et la culture françaises.

Je vois plusieurs engagements dans ce discours du Trône. Le plan auquel je m'attends, et auquel le comité devrait aussi s'attendre, est un plan à axes multiples. Il n'y a de panacée. Il y a plusieurs objectifs. Je m'attends aussi à un plan qui ait de la profondeur, c'est-à-dire qui s'étende sur plus d'une année et aussi, puisque nous parlons d'un pays qui a des réalités très différentes d'une province à l'autre, qui aille au-delà du portrait statistique.

Je vais vous faire un petit commentaire. Nous, les psychologues, avons une bonne formation en statistiques et nous en méfions royalement. Les statistiques donnent un indice de quelque chose, mais ne sont que la moyenne des différences. Le Canada est un pays très diversifié, et la statistique est dangereuse quand elle n'est pas accompagnée d'un travail de terrain. Il faut toujours aller valider ces statistiques sur le terrain. Ce n'est qu'à ce moment-là que les statistiques sont valables, parce qu'elles donnent les tendances et les hypothèses de départ.

Donc, il est important que ce plan ait de la profondeur, mais aussi qu'il puisse s'appliquer différemment d'une province à l'autre. Sa mise en oeuvre et les actions doivent pouvoir diverger d'une province à l'autre, pour une communauté, ou même tant pour la majorité que la minorité. C'est ma vision d'un plan, d'un cadre d'action.

M. Benoît Sauvageau: Donc, si je comprends bien, il ne s'agit pas simplement de fabriquer des personnes bilingues. Voulez-vous nous dire s'il faut un plan d'action ou si le gouvernement pourrait agir rapidement et obliger les 173 institutions qu'il a lui-même soustraites de l'application de l'article 41 de la partie VII à respecter sa propre loi? Faut-il un plan d'action pour faire cela, ou si une volonté de le faire suffit?

Mme Dyane Adam: Nous n'avons pas soustrait nos institutions de l'obligation énoncée dans la loi, mais elles ne sont pas obligées de produire un plan. Elles sont tenues de respecter cet aspect ou cet objectif de la loi, mais elles ne sont pas tenues de répondre ou d'établir un plan. C'est le mécanisme d'imputabilité.

• 1630

M. Benoît Sauvageau: Pour établir le plan, est-ce qu'il faut un plan d'action ou une volonté politique?

Mme Dyane Adam: Je pense qu'on peut avoir toutes sortes de volontés, mais si quelqu'un est mal organisé, peu importe sa volonté, il ne fera rien. On s'entend. Il faut d'abord une volonté. Selon moi, quelqu'un doit vouloir changer. Je pense que le gouvernement est clair à cet égard: il a dit qu'il voulait changer. Le gouvernement s'est également engagé à le faire. Ensuite, on doit se donner les moyens. Il a nommé un chef d'orchestre et il a établi un comité. Donc, il a mis la table. Maintenant, on doit aller plus loin. On doit se demander quels sont les objectifs et faire ce qu'il faut pour les atteindre. Bien sûr, certaines choses pourraient être faites plus rapidement et plus facilement que d'autres, et d'autres ne pourront être faites qu'à plus long terme, mais on doit au moins savoir où on doit aller. Donc, il faut des objectifs clairs, une stratégie, des mesures ciblées, des ressources adéquates et une imputabilité.

M. Benoît Sauvageau: Ce que j'entends...

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Vous avez déjà dépassé votre temps. On y reviendra.

M. Benoît Sauvageau: Au deuxième tour.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Sénateur Gauthier.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier (Ontario, Lib.): Merci. Bonjour, madame la commissaire.

Je n'ai pas eu le temps de lire tout votre rapport et de le digérer, mais je l'ai parcouru en grande partie. Vous auriez dû répondre à M. Sauvageau qu'il faut une volonté politique pour que les choses bougent un peu dans le domaine des langues officielles.

Dans votre rapport de 1999-2000, vous aviez été assez sévère. Vous aviez dit qu'il y avait une érosion lente et cumulative. Vous aviez fait allusion au manque flagrant de leadership. On a rencontré le leader ici, la semaine dernier. C'est M. Dion. Eh bien, le leader... Disons que c'est celui qui est chargé de faire respecter la loi et de coordonner les efforts des ministères. M. Dion nous a dit qu'il n'y avait ni plan d'action, ni objectifs clairs, ni mesures ciblées en ce moment. Je vais être bien franc. En écoutant M. Dion, j'ai eu l'impression qu'il était entouré de conseillers qui provenaient de la majorité et qu'il recevait des avis politically correct, comme on dit en anglais. Il est venu parler d'exogamie et d'instruction de la majorité en langue seconde. Je n'ai pas été impressionné par sa prestation.

M. Dion nous a dit que son ministère avait un rôle de fiduciaire des langues officielles et que lui, dans ses fonctions, ne tombait pas sous la définition d'«institution fédérale». J'ai été surpris lorsqu'il m'a dit qu'il n'était pas tenu de déposer un rapport annuel sur ses activités. Je n'invente rien.

Comment va-t-on pouvoir faire changer les choses, faire bouger la grosse administration, faire respecter la loi d'abord dans la fonction publique du Canada, où il y a des problèmes sérieux? Vous en avez parlé dans votre rapport. En 1972, quand je suis arrivé ici, M. Spicer parlait déjà des difficultés d'application de la loi. Il y aussi les coûts. On sait ce que cela coûte pour l'ensemble du fédéral, mais il y a un coût à être Canadien. Que voulez-vous, cela fait partie de l'ensemble. Si on ne veut pas avoir le bilinguisme institutionnel, si on ne veut pas avoir le bilinguisme individuel, eh bien, qu'on le dise et qu'on enlève cela de la Charte et de la Constitution. Mais dans le moment, c'est dans la Charte et dans la Constitution du pays. Je pense que ce n'est pas à vous de nous dire combien cela coûte. Le gouvernement va nous le dire quand il va venir nous voir.

• 1635

Je vais parler d'une interprétation minimaliste de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. Si je me souviens bien, M. Dion m'a dit que c'était le ministère de la Justice qui lui avait dit que l'article 41 était une mesure déclaratoire. Je m'inscris en faux contre cela. Je lui ai dit qu'il se trompait et que c'était une mesure exécutoire. Il m'a répondu que le ministère de la Justice avisait le gouvernement et que c'était donc la position du gouvernement. Tout cela n'est pas encourageant.

Plus tard dans son intervention—je crois que c'était à M. Sauvageau qu'il répondait—il a dit que le gouvernement était prêt à réexaminer la Loi sur les langues officielles, à en faire une réévaluation. Cela a été fait en 1988. J'étais ici. J'étais à l'époque le porte-parole du Parti libéral en matière de langues officielles. Revoir la loi, c'est tout un travail. Qu'est-ce que vous en pensez? Pensez-vous qu'après 13 ans, il est temps qu'on fasse une revue de la loi, oui ou non? C'est ma première question.

Mme Dyane Adam: Je dirais qu'on n'a pas tout à fait atteint les objectifs de la présente loi. Si je me fie à la mémoire de certains de mes collègues qui ont participé au processus de révision de la Loi sur les langues officielles qui a abouti à la loi de 1988, c'est un processus très laborieux qui pourrait mobiliser l'énergie de plusieurs personnes. Pendant ce temps-là, l'assimilation croîtrait peut-être. Les services seraient-il meilleurs?

C'est un choix à faire. Ce n'est pas la commissaire qui peut choisir ou qui va décider de ça. C'est un choix qui vous appartient. Si on prenait cette voie-là, il faudrait être bien conscient que pendant ce temps-là, on ne ferait pas autre chose.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je l'accepte, mais mon appréciation de la situation est qu'on fait actuellement du surplace. C'est le statu quo en ce qui concerne l'article 41. Le ministère de la Justice a dit qu'il était déclaratoire. C'est game over, comme on dit en anglais.

Il y a aussi l'inertie en ce qui concerne la Capitale nationale. M. Dion a dit que la province en discuterait et que l'opposition officielle soumettrait un projet de loi. M. Lalonde, le député de Glengarry—Prescott—Russell, avait présenté une résolution. Ce sont des voeux pieux, ça. Je n'ai pas encore vu de projet de loi.

Troisièmement, il y a absence d'un plan d'action avec une stratégie claire et des actions ciblées. Il me semble que c'est essentiel pour un ministre chargé de coordonner. Il n'y a pas d'argent; il n'y a pas de ressources, et vous le savez car il nous l'a dit. Il a répondu à M. Sauvageau qu'il n'avait pas plus de cinq employés qui travaillaient à cela. Il coordonne aussi Patrimoine Canada. Eux ont de l'argent. Développement des ressources humaines Canada a de l'argent. Il arrive même qu'il en laisse passer des milliards. Il y a aussi le ministère de la Justice qui a de l'argent.

Si M. Dion n'a pas d'argent, eh bien, qu'il aille quêter dans les ministères qui en ont pour passer à l'action. Ne trouvez-vous pas que cela a du bon sens?

Mme Dyane Adam: Je pense que cela rejoint un peu les constats de mon rapport, sénateur Gauthier: besoin de ressources, besoin d'un plan, besoin de...

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je ne l'ai pas encore tout lu.

J'ai une dernière question. Les minorités francophones et la minorité anglophone au Québec sont à la dérive actuellement. Je n'invente rien. Les officiers en charge du bateau sont endormis, d'après moi. Si le comité vous invitait à venir lui faire des suggestions ou des propositions d'étude, par exemple sur l'article 41 de la partie VII ou sur Air Canada, dont on a parlé au cours de trois ou quatre réunions, seriez-vous prête à venir nous aider?

Mme Dyane Adam: Oui, je suis à la disposition du comité. Lors de la dernière session parlementaire, nous avions eu une réunion concernant justement la participation plus active de la commissaire. On avait aussi dit qu'il pourrait y avoir toujours au moins une personne ressource qui assisterait à vos réunions pour répondre et voir à des questions de contenu, de fond, afin que vous soyez mieux outillés pour questionner vos témoins. Nous serons au rendez-vous si c'est la volonté du comité. D'ailleurs, j'en ai déjà parlé avec les deux coprésidents.

• 1640

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, sénateur.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Puis-je poser une autre question?

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Je reviendrai à vous au deuxième tour.

Me permettez-vous un commentaire, monsieur Godin, avant que vous ne posiez votre question ou si vous désirez la poser tout de suite?

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Non, ça va.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Allez-y, monsieur Godin. Je vous en prie. J'insiste. Je ferai mon commentaire après votre question.

M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président. Merci, madame la commissaire, d'être ici aujourd'hui.

J'ai un problème quant à certaines choses que vous dites. Je vous explique la raison de mon problème. Vous dites qu'au cours des 30 dernières années, on a fait beaucoup de progrès. J'ai ici devant moi un rapport daté de l'année dernière dans lequel vous condamnez le gouvernement. Cette année, le rapport dit que le gouvernement a fait un premier pas. C'est comme s'il n'avait jamais pu apprendre à marcher. C'est le deuxième pas qu'il ne peut pas faire.

Il a nommé un ministre responsable des langues officielles. Vous avez dit plus tôt qu'il n'était pas responsable de tout. Je sens que vous le défendez. Il s'agit du même ministre qui est venu ici la semaine dernière. Je ne peux pas parler pour les autres, mais moi, il ne m'a pas impressionné. Il est allé dans la péninsule acadienne, à Bathurst, où il a fait un discours qui n'a pas du tout impressionné les Acadiens.

Si on a fait beaucoup de progrès, j'aimerais savoir où, d'autant plus que, dans votre rapport à la page 47, on lit:

On régresse dans ce domaine-là. On régresse aussi lorsqu'on transfère les responsabilités du fédéral aux provinces. Vous accusez le gouvernement fédéral de faire cela. Partout, comme ça, on recule. La capitale du Canada ne peut même pas être désignée bilingue. On serait prêts à avoir la capitale au Nouveau-Brunswick et on y trouverait une ville qui serait bilingue.

C'est l'une de mes nombreuses questions.

Mme Dyane Adam: Comme je l'ai mentionné au début de ma présentation, le 30e anniversaire du commissariat est tombé en 2000-2001. Pour souligner cet anniversaire, nous avons fait un retour en arrière pour décrire la situation des langues officielles au pays en 1969 par rapport à celle d'aujourd'hui. Ceci est noté dans le rapport de cette année, qui est très facile à lire. Vous allez voir qu'il y a eu tout de même eu des progrès assez importants.

Il y a 30 ans, plusieurs édifices fédéraux n'étaient même pas identifiés dans les deux langues officielles, même ici, sur la Colline. On pourrait examiner tous les niveaux. Je pourrais vous entretenir comme ça longuement. Il y a eu des changements considérables au niveau de l'éducation. Il y en a eu au niveau du service au public. Il faut comprendre qu'il y a 30 ans, il n'y avait que quelques services qui étaient offerts en français. Cela se faisait surtout au Québec, un peu en Ontario et au Nouveau-Brunswick, mais à part cela, il n'y avait pas de services en français. Même au Québec, c'était difficile de se faire servir en français. Le droit de travailler dans sa langue n'existait pas.

Je vous conseille fortement de lire le rapport parce que c'est important d'avoir une perspective historique. C'est tout de même un changement social. Il y a des gens qui étaient ici, comme M. Gauthier, qui ont travaillé très fort pour faire ces premiers pas. Il ne faut tout de même pas ignorer l'histoire.

Vous parlez d'un phénomène qui est très réel. On recule. Le train n'avance pas. Il recule. C'est cela qu'on a identifié de façon assez claire l'année dernière. On ne peut plus continuer de régresser ou de faire du surplace. Il faut aller de l'avant, et le train de mesures nécessaires doit être énergique et vigoureux. Je ne pense pas que l'on se contredise. C'est que l'un n'empêche pas l'autre.

Je ne sais pas si j'ai répondu à tous les aspects de votre question. Pour ce qui est de l'avenir et du ministre Dion, je pense qu'il faut éviter de penser qu'il y a des sauveurs.

• 1645

Plusieurs ministres partagent actuellement les responsabilités rattachées aux langues officielles. Cela est indiqué dans la loi et n'a pas changé. Le ministère du Patrimoine canadien existe toujours et a des comptes à rendre. Mme Robillard, du Conseil du Trésor, a toujours des comptes à rendre. Ce n'est pas parce que M. Dion a été nommé ministre responsable que tous les autres ministres n'ont plus aucune responsabilité.

Ce qui est important, et c'est ce que nous avions signalé aux parlementaires et au gouvernement dans notre dernier rapport, c'est que le leadership ne soit pas fragmenté. Les langues officielles touchent tout le monde de façon horizontale et tous les ministères sont impliqués. Il faut qu'il y ait une action concertée, cohérente et uniforme. Pour cela, vous auriez avantage à ce que le leadership soit plus cohérent et plus centralisé afin de bien guider le Cabinet. C'est essentiellement pour cela que le premier ministre a nommé un ministre pour coordonner les actions entreprises en regard des langues officielles.

Vous me dites ne pas avoir confiance ou ne pas avoir été impressionné par la première prestation. Ce n'est pas à moi de faire le bilan. Il s'agit d'une responsabilité toute récente pour lui. M. Dion ou des membres de son bureau sont ici, et je crois qu'ils écoutent les craintes ou les commentaires que vous exprimez aujourd'hui. Ils vont sûrement tenir compte de vos observations qui, je pense, pourraient les aider à bien remplir leur mandat. Pour ma part, je considère qu'il s'agit de suggestions d'améliorations.

M. Yvon Godin: Vous dites vous-même, comme il a déjà été dit, que la loi n'a pas de dents, pas de prise, qu'il n'existe aucune mesure disciplinaire ou de conséquences négatives pour ceux qui ne respectent pas la loi. D'autre part, vous dites que vous ne souhaitez pas que le gouvernement emprunte cette voie. Mais s'il n'y a pas de pénalité ou l'équivalent quand on enfreint la loi, ne va-t-on pas continuer? Il y a déjà plusieurs mois et même des années qu'on parle, par exemple, d'Air Canada et on dirait qu'il n'y a pas de progrès. Cela va de mal en pis. Ce n'est pas parce qu'on n'en a pas parlé. Quant à moi, j'envoie des plaintes à Air Canada et on dirait que plus j'en envoie, plus la situation empire. Quant à vous, vous semblez être contre l'idée qu'il y ait des sanctions. Normalement, quand une loi existe, des mesures existent pour en obliger l'application.

Mme Dyane Adam: Je vous répondrai ainsi. Je ne suis pas opposée à l'idée que des mesures coercitives puissent être adoptées. Je crois qu'il le faut dans certains cas. Un ombudsman ou un commissaire n'a qu'un pouvoir de recommandation. Il ne faut pas mêler les rôles. La commissaire a plus de pouvoirs que plusieurs ombudsmans ailleurs au pays et dans le monde. Il n'y a pas beaucoup d'ombudsmans qui ont un pouvoir de recours judiciaire.

J'aimerais faire un lien entre votre question et celle du sénateur Gauthier, qui a parlé de révision de la loi. Je pense qu'il faudrait poser la question à M. Dion. Pour quelle raison faudrait-il le faire? Si on veut rendre la partie VII exécutoire, cela est intéressant. Si vous voulez adopter des mesures que vous jugez essentielles pour donner plus de mordant à la loi, je crois qu'il vaut la peine d'étudier cette possibilité. Quant à Air Canada, c'est une autre chose. Je ne suis que commissaire et je n'ai pas les pouvoirs que l'on aimerait ou que l'on prétend que j'ai.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, monsieur Godin.

Monsieur Binet, je vous cède la parole.

M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Merci, monsieur le président.

Bonjour, madame Adam. Quand avez-vous présenté votre premier rapport? Était-ce au mois de février ou au mois de mars?

Mme Dyane Adam: J'ai présenté mon rapport annuel en octobre 2000.

M. Gérard Binet: Je vous ai vue ici la première fois au mois de février ou à la fin du mois de janvier 2001.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): À cette période, le Parlement ne siégeait pas. Mme Adam a donc témoigné au moment où, le Parlement ayant recommencé à siéger, le comité a été reconstitué. C'est pour cela, monsieur Binet, qu'il y a eu décalage.

M. Gérard Binet: Il a été question de l'an passé, ce qui m'a confondu parce qu'il y a moins d'un an que j'ai été élu. Je vous avais vue à la télévision lorsqu'il était beaucoup question de fusions. Vous êtes alors devenue une vedette au Québec. Je ne sais pas de quelle région vous venez. Êtes-vous originaire de Québec?

• 1650

Mme Dyane Adam: Non, je suis originaire de l'Ontario français.

M. Gérard Binet: L'Ontario. Je tenais à le savoir, parce que le rapport, bien sûr, énonce des vérités, ce qui est très bien. Selon moi, les défis à relever sont très grands, car il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Prenons l'exemple d'Air Canada, car j'ai déjà pris l'avion. Il y a eu fusion de deux compagnies. Il est sûr qu'il est difficile de demander à des syndiqués d'apprendre l'anglais et le français le plus vite possible.

D'après moi, cela sera peut-être plus facile pour la fonction publique. Quand on demande à une personne syndiquée qui a 50 ans d'apprendre le français, c'est plus difficile, bien sûr. D'après moi, cela serait plus facile au moment de l'embauche de nouveaux fonctionnaires. Qu'en pensez-vous?

Mme Dyane Adam: Vous me posez la question?

M. Gérard Binet: Oui.

Mme Dyane Adam: Il y a 30 ans, la composition linguistique de la fonction publique n'était pas la même. Plusieurs employés qui étaient déjà en poste étaient un peu avancés en âge. Il était plus difficile pour eux d'apprendre une deuxième langue, car comme nous le savons tous, cela devient beaucoup plus difficile à faire lorsqu'on devient plus âgé.

Le défi était donc de taille, mais il y a quand même eu des succès à ce niveau. Il y a maintenant 30 ans, le gouvernement fédéral et les provinces ont décidé d'investir dans l'enseignement de la langue seconde. Le résultat, pour employer l'expression de M. Dion, est qu'on a fabriqué des gens bilingues au pays. Il y a beaucoup plus de jeunes gens bilingues au Canada. En ce moment, dans le groupe d'âge des 14 à 19 ans, un jeune sur quatre est bilingue. Ces jeunes sont partout au pays. Nous sommes en train de renouveler la fonction publique. Je crains, et je le dis publiquement, qu'au lieu de prendre des mesures énergiques pour y attirer ces jeunes gens bilingues, on garde la vieille habitude de prendre n'importe qui sans vraiment se soucier de cette compétence. Le gouvernement va donc investir encore dans la formation linguistique alors qu'il a déjà investi, si je puis dire, en amont. Je pense qu'on doit investir en amont et non en aval. On peut alors récolter le fruit de son travail. Il faudrait que la fonction publique fasse du recrutement chez les gens bilingues, car environ 35 p. 100 des postes sont désignés bilingues dans la fonction publique. Il faudrait donc non seulement chercher à recruter ces jeunes gens bilingues, mais aussi à combler ces postes de façon impérative par des gens bilingues. Si ces employés sont déjà bilingues, on n'investira plus autant d'argent pour la formation que ce que l'on a fait par le passé.

Toutes ces stratégies me semblent pertinentes, mais je crains qu'on ne fonctionne encore à l'ancienne.

M. Gérard Binet: Bien sûr, certains n'ont pas été impressionnés par le rapport de M. Dion, la semaine passée. Pour ma part, je l'ai bien aimé parce qu'il contenait des chiffres. Il est plus facile de faire prendre conscience de certaines vérités avec des chiffres qu'avec des paroles.

D'après moi, les provinces ont une grande obligation à ce niveau, car l'éducation relève des provinces. Je vais vous raconter une anecdote. Je vous ai demandé plus tôt de quelle province ou région vous veniez. Je viens de la province de Québec. Ma région est presque exclusivement francophone; il n'y a qu'une minorité d'anglophones. J'ai 45 ans et mes professeurs me disaient qu'il n'était pas important d'apprendre l'anglais car on allait se séparer et qu'on n'aurait plus besoin alors de parler anglais.

• 1655

Je me dis en quelque sorte que si on veut fabriquer des bilingues, ça relève des provinces et qu'il va falloir, selon moi, mettre de la pression sur l'éducation. Est-ce qu'il y a moyen de mettre de la pression sur les provinces au niveau de l'éducation?

Mme Dyane Adam: Eh bien, vous me ramenez dans l'histoire, vous. Avant d'être ici, j'étais une universitaire dans des collèges et des universités bilingues. Dans tout le domaine de l'éducation, si je me résume très rapidement, nos provinces étaient en général plus engagées en termes de programmes d'enseignement de la langue seconde il y a environ 10 ans qu'elles ne le sont aujourd'hui. Il y a eu une époque au Canada où, pour être universitaire, on devait connaître la langue seconde. Aujourd'hui, c'est dépassé, ça n'existe pas.

Votre solution consiste à travailler avec les provinces pour ramener la question de la dualité linguistique et des langues. Quant à l'enseignement des langues au niveau des provinces—et je vais parler des langues en général et non pas seulement des langues officielles—le gouvernement joue un rôle de champion, non pas de façon négative, mais un rôle de promoteur. Je crois que c'est tout à fait opportun. On a déjà le Conseil des ministres de l'Éducation. Déjà, dans le passé, le gouvernement fédéral a joué un rôle. C'est lui, si on remonte dans le temps, qui a été le promoteur des moniteurs de langue seconde. Donc, il a déjà joué un rôle comme celui-là. Peut-être faut-il qu'il y revienne.

Dans le contexte de la mondialisation, il est tout à fait opportun que cette question revienne. On dit que les enfants ont davantage besoin de maîtriser des langues. Peu importe le degré d'autonomie d'un pays, il faut transiger avec d'autres nationalités, et ce ne sont peut-être pas deux langues qu'on devrait promouvoir, mais trois ou quatre. Mais commençons par nos deux langues officielles.

Je pense que votre stratégie se situe à un autre niveau. Ce sont vraiment des stratégies de promotion, et M. Dion, dans son rôle de ministre des Affaires intergouvernementales, est sûrement bien placé pour jouer un rôle de champion auprès des provinces, pas exclusivement en éducation, à mon avis, mais dans tous les secteurs qui sont cruciaux ou importants pour la vitalité des communautés de langue officielle.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Avez-vous une autre question?

M. Gérard Binet: Oui. Je reviens à ce dont vous avez parlé plus tôt. L'éducation est très importante. Il fallait vraiment apprendre ça à la base. Mais si le gouvernement ne fait pas des pressions sur ce qui a trait aux provinces afin de forcer une éducation bilingue... Après le dépôt de votre rapport, vous avez vu à la télévision le ministre de l'Éducation du Québec, M. Legault, qui était quand même très objectif face à la possibilité qu'il y ait une éducation plus tôt dans les deux langues. J'entendais les professeurs dire que ça irait peut-être au secondaire, qu'il fallait protéger notre langue. Comme on le sait, une culture meurt si on ne l'exporte pas. Le plus bel exemple, c'est celui des Français qui sont venus au Canada. On y parle encore le français. Pensez-vous qu'on peut en venir à exercer des pressions sur toutes les provinces?

Mme Dyane Adam: Voulez-vous dire pour le gouvernement fédéral?

M. Gérard Binet: Oui.

Mme Dyane Adam: Je pense que le gouvernement fédéral investit déjà. Il y a des programmes gérés par Patrimoine Canada. On donne, par le biais de transferts de paiement ou en vertu d'ententes, des sommes d'argent quand même importantes pour l'enseignement du français, langue maternelle et langue seconde. Alors, il y a déjà là un instrument pour permettre au fédéral d'exercer son leadership. Ça existe déjà.

M. Gérard Binet: On est conscients que c'est déficient. Cela veut dire qu'il va falloir exercer plus de pressions.

Mme Dyane Adam: Oui, et ce n'est pas simple.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci. Nous allons entreprendre un deuxième tour. Je vais donner la parole à M. Goldring, mais auparavant, j'aimerais, si vous me le permettez, faire un court rapport aux membres du comité d'une réunion du comité directeur qui a eu lieu hier.

• 1700

Le prochain sujet sur lequel le comité sera appelé à se pencher sera toute la question d'Air Canada, tel que convenu, en commençant par un breffage à l'intention des membres du comité au cours de la semaine prochaine. Vous vous souviendrez qu'on avait accepté de faire faire de la recherche durant l'été. On voudrait présenter le fruit de cette recherche aux membres du comité.

Ensuite, après l'ajournement de l'Action de grâces, on reviendra avec des témoins qu'on avait identifiés au printemps, c'est-à-dire le ministre des Transports, la présidente du Conseil du Trésor et des gens d'Air Canada, incluant le président. Ce sera la prochaine question qui nous préoccupera.

Tout de suite après, nous passerons à la question de la partie VII de la loi. Il y aura à ce moment-là toute une série de rencontres, en commençant également par une mise au point, une sorte de breffage pour les membres du comité. Entre-temps, d'autres choses pourraient survenir et nous ferons notre possible pour nous pencher sur ces choses.

J'ai deux notes de «cuisine», si vous permettez. Comme on peut le constater cet après-midi, les mercredis après-midi sont très difficiles pour nos collègues du Sénat. Alors, le comité directeur vous propose que nos rencontres aient toujours lieu deux fois par semaine, parce que je crois qu'il y a un consensus autour de la table qu'une réunion par semaine ne nous accorde pas suffisamment de temps pour faire tout ce qu'on voudrait faire. Alors, nous nous réunirons deux fois par semaine, soit les lundis et mardis après-midi, à 15 h 30.

Sénateur, je reviens à vous dans un instant.

La dernière chose, c'est qu'il a été convenu que nous demanderions à la commissaire quelle serait sa préférence pour se rattacher de façon encore plus directe aux travaux du comité. Nous avons entamé ces discussions. Il serait peut-être approprié de ramener ça sur le tapis au moment où le comité sera appelé à se reconstituer, dans les jours qui viendront. Ce sont là essentiellement les travaux que le Sous-comité du programme et de la procédure a faits hier et dont je voulais vous faire part.

Sénateur, vous avez une question?

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je voulais souligner le point suivant. Le mercredi après-midi, ce n'est pas difficile pour les sénateurs. Le mercredi après-midi est complètement consacré aux comités à compter de 15 h 30. Le mardi, le jeudi et le vendredi, ça peut être plus difficile, mais le mercredi après-midi, nous sommes tous libres.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Les sénateurs membres du comité nous ont presque tous signifié que le mercredi, c'était impossible. Donc, on les accommode en essayant de se réunir le lundi.

Monsieur Goldring, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président.

Madame la commissaire, j'aimerais aussi vous remercier de votre comparution devant le comité aujourd'hui et de votre exposé.

J'aimerais dire quelques mots au sujet d'un article paru dans les journaux faisant valoir que vous faites enquête sans relâche sur les plaintes et que vous obtenez qu'on y donne suite. Le même article mentionnait la Société canadienne des postes. Nous avons parlé d'Air Canada qui est une société privée assujettie à des lignes directrices fédérales. La Société canadienne des postes, pour sa part, est une société d'État qui a du mal à se conformer à ces lignes directrices. À mon avis, le fait que l'une de nos institutions de base ne parvienne pas à s'y conformer fait ressortir un très grave problème.

La question que j'aimerais vous poser porte sur la suggestion que vous avez faite voulant qu'une méthode qui pourrait être prise pour obtenir que les institutions se conforment à ces règlements... je songe ici à la Société canadienne des postes. Je songe notamment au cas d'une personne en particulier au sujet de laquelle une plainte a été présentée il y a deux ans. Cette personne a été privée de sa source de revenu pendant longtemps, certainement beaucoup plus longtemps que ce qui aurait été nécessaire. Vous pensez qu'une méthode de régler le problème serait de menacer les provinces qui ne se conforment pas aux directives de les priver de paiements de transfert. Cela me semble une méthode très compliquée qui ne serait efficace qu'à très long terme. Nous devons bien disposer d'autres moyens de corriger ces problèmes plus rapidement. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi le cas de cet employé n'a pas encore été réglé deux ans après le dépôt de la plainte. Qu'est-ce qui s'est produit?

• 1705

Mme Dyane Adam: Monsieur Goldring, je ne sais pas à quel article vous faites allusion, mais son auteur n'a certainement pas présenté les choses de façon très claire parce qu'il n'y a pas de lien entre tous les éléments sur lesquels vous attirez mon attention. Je vais donc essayer de répondre du mieux possible à votre question, mais n'hésitez pas à me corriger si je ne vous ai vraiment pas compris.

La première question porte sur Air Canada et la Société canadienne des postes et sur le fait que l'une est une entreprise privée et l'autre, une société d'État. À titre de commissaire aux langues officielles, peu importe l'institution en question, qu'il s'agisse d'Air Canada, de la Société canadienne des postes ou d'une institution fédérale, si elle est assujettie à la loi, elle doit s'y conformer. Le statut d'une institution ne devrait pas lui conférer un avantage particulier.

Pour revenir au cas de la Société canadienne des postes et à cette plainte en particulier, une seule personne... Il ne s'agit cependant pas d'une plainte; mon bureau a reçu au moins six plaintes sur une période de huit ou neuf mois. Ces plaintes provenaient de particuliers ou de groupes de particuliers distincts et portaient vraiment toutes sur trois points fondamentaux: La question de savoir si le milieu de travail favorisait l'utilisation des deux langues officielles, les exigences linguistiques des Postes, et la représentation des anglophones et des francophones dans ce bureau en particulier.

Comme je l'ai dit aux médias, au lieu de faire enquête sur chacune de ces plaintes individuellement, nous les avons regroupées étant donné qu'elles étaient toutes reliées. Nous avons même consulté nos dossiers et nous nous sommes rendu compte qu'entre 1994 et 1999, nous avions reçu une soixantaine de plaintes portant sur les mêmes questions et qui avaient été présentées par les six mêmes personnes. Il s'agit donc d'un problème chronique ou systémique. Ce qui était au départ une plainte individuelle ne l'est plus et est devenue un problème systémique.

Comme je le faisais remarquer aux médias hier, les enquêtes sur ce genre de plainte mettent plus de temps à aboutir. Il faut s'assurer d'étudier à fond la question et de ne rien oublier. Pendant cette période—est-ce deux ans?—tant le plaignant qu'Air Canada ont pu se reporter à un rapport préliminaire. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu d'enquête, il y en a eu une. Les parties ont pu faire connaître leurs réactions à l'enquête. Je ne peux pas vraiment vous en dire davantage parce que notre rapport final n'a pas encore été rendu public. Chacune des parties visées par cette enquête connaît cependant nos recommandations et y a fait connaître ses réactions. Nous avons tenu compte de leurs commentaires dans la rédaction de notre rapport final qui devrait être rendu public au cours de la semaine qui vient.

Quant à mon poste, comme le juge le faisait remarquer au bureau du commissaire—c'était sous le mandat d'un commissaire précédent—le commissaire est tenu d'étudier l'esprit et l'intention de la loi mais aussi d'aller au fond des choses.

• 1710

[Français]

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Oui.

[Traduction]

M. Peter Goldring: Je vous remercie.

Vous mentionnez la Loi sur les contraventions dans votre rapport. Je ne connais pas vraiment cette loi. Est-ce une loi en vigueur à l'heure actuelle? Propose-t-on des modifications à cette loi ou est-ce la loi elle-même qu'on va adopter d'ici mars 2002? Cette loi comporte-t-elle des dispositions permettant d'accélérer les discussions avec les parties intéressées au sujet des problèmes découlant de sa mise en oeuvre? Autrement dit, qu'est-ce que la Loi sur les contraventions et quelles modifications compte-t-on y apporter d'ici mars 2002? Ces modifications seront-t-elles rétroactives?

Mme Dyane Adam: Il s'agit d'une question tout à fait différente et qui concerne une décision rendue en mars dernier par la Cour fédérale. Le bureau du commissaire a intenté des poursuites à Justice Canada parce que l'entente conclue par le ministère avec la province de l'Ontario en ce qui touche l'application de certaines parties des lois fédérales—et je songe aux infractions mineures comme l'infraction qui consiste à se garer au mauvais endroit sur des terrains fédéraux—ne comportait pas de dispositions exigeant que les services soient offerts dans les deux langues officielles. Comme la province a, à son tour, confié cette responsabilité aux municipalités, une tierce partie est visée. Cette plainte vise un ministère fédéral.

Le juge a examiné tous les faits présentés par le bureau du commissaire ainsi que par Justice Canada et a rendu une décision favorable au commissaire, faisant valoir que lors d'un transfert de responsabilités, le gouvernement fédéral doit veiller à s'acquitter de ses obligations en ce qui touche la protection des droits linguistiques des Canadiens.

Il a ajouté que le gouvernement devait corriger la situation d'ici un an. Je crois comprendre que c'est ce que s'efforce maintenant de faire Justice Canada, mais je m'inquiète de la façon le ministère interprète le jugement. Voilà pourquoi j'ai dit dans ma déclaration préliminaire que c'est une question sur laquelle vous devriez vous pencher.

[Français]

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, madame Adam.

Sénateur Gauthier.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Merci, monsieur le président.

Je peux envoyer à M. Goldring des documents pour le renseigner sur la Loi sur les contraventions. J'en ai une tonne.

Madame la commissaire, en 1976-1977, pour rafraîchir la mémoire des membres du comité, M. Trudeau avait nommé M. Pierre Juneau facilitateur ou coordonnateur des langues officielles parce qu'il y avait de sérieux problèmes quant à l'application de la loi adoptée en 1969.

Je n'ai pas encore compris le rôle exact de M. Dion. Je sais ce que M. Juneau a essayé de faire, mais je ne comprends pas bien le rôle de M. Dion.

J'ai une question à vous poser. Selon vous, qui est le ministre responsable de la partie VII ou de l'article 41?

Mme Dyane Adam: C'est un gros test. Je pense que c'est la ministre du Patrimoine.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Non. La ministre Patrimoine est responsable de déposer votre rapport à la Chambre des communes.

Mme Dyane Adam: Non, pas mon rapport. Je pense que je n'ai pas compris votre question, monsieur Gauthier.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Qui est responsable de l'application de l'article 41?

• 1715

Mme Dyane Adam: Qui en est responsable? Je dirais que c'est l'ensemble des institutions fédérales. Bien sûr, l'institution qui est responsable de déposer le rapport est le ministère du Patrimoine canadien. Je pense que c'est ça que vous voulez. Je crois que vous me testez.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est bien. Alors, Patrimoine Canada a son rôle à jouer. Développement des ressources humaines a aussi un rôle à jouer.

Mme Dyane Adam: Le Conseil du Trésor.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Le ministère de la Justice. Selon ce que je comprends, M. Dion a le rôle important de coordonner le travail de Justice Canada, de Patrimoine Canada et de tout ce que vous voudrez. On ne peut pas dire qu'il y a un seul ministre responsable de l'application de la loi. M. Dion est responsable de la coordination.

On parlait tout à l'heure de la partie VII. Si j'ai bien compris la loi, il n'y a pas de recours judiciaire possible en vertu de l'article 41 de la partie VII. Est-ce que je fais erreur?

Mme Dyane Adam: Non, c'est exact.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: S'il n'y a pas de recours judiciaire, on n'a pas de marteau ou de bâton.

Mme Dyane Adam: Non.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Il faut donc amender l'article 41 pour lui donner un caractère exécutoire. Avez-vous des commentaires à faire là-dessus?

Mme Dyane Adam: Sénateur Gauthier, je pense que vous avez déposé un amendement à la partie VII. Nous regardions cela aujourd'hui, mon équipe et moi. Dans cet amendement, il y a un libellé qui se veut plus exécutoire, mais on n'y trouve pas ce que vous venez de soulever, à savoir qu'il y ait des possibilités de recours judiciaires pour la partie VII.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Voici une dernière question.

Vous avez pour stratégie d'inciter les provinces à se conformer au principe constitutionnel du paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés. Savez-vous ce que je veux dire?

Mme Dyane Adam: Oui, je comprends.

Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Avez-vous une stratégie pour essayer de les convaincre? Cela a été pour nous assez difficile. L'article 23 a été adopté en 1982. Ça a pris 17 ans avant qu'on ait une école française homogène en Ontario. Dix-sept ans! Il a fallu aller devant les tribunaux et tout ce que vous voulez. Avez-vous une stratégie pour convaincre les provinces?

Mme Dyane Adam: La stratégie est de convaincre les ministres de respecter leur propre engagement. Les législatures provinciales, sauf celle du Québec, ont signé l'article 16. C'est leur propre engagement.

Ce sont surtout les tribunaux qui, comme on le mentionne dans le rapport, ont forcé les provinces à avancer, les gouvernements provinciaux à respecter leurs constitutionnels. C'est malheureux et déplorable.

En termes de stratégie, j'en appelle à M. Dion, à la fois comme ministre responsable de la coordination du dossier des langues officielles et comme ministre de Affaires intergouvernementales, pour qu'il joue vraiment ce rôle de champion, un rôle proactif de promotion. Il faut aussi qu'il apporte cela à la table. Dans toute entente entre une province et le fédéral, la question des langues officielles devrait être tout simplement abordée. Quels services allez-vous offrir à la minorité? Je trouve que ce serait déjà un bon point de départ. Quant à une stratégie plus développée, c'est sûr que j'aimerais y réfléchir.

• 1720

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Sauvageau, la parole est à vous.

M. Benoît Sauvageau: Madame Adam, vous demandez un plan d'action. C'est la conclusion principale de votre rapport. En 1977, la Fédération des francophones hors Québec, dans son rapport Les héritiers de Lord Durham, demandait un plan d'action. En 1994, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada demandait à Michel Dupuy, ministre du Patrimoine canadien à cette époque, un plan d'action. Il a répondu en disant que le plan d'action était sur la planche à dessin. J'espère qu'on l'a dépoussiéré parce qu'il ne doit plus être très propre. En 1999, feu le sénateur Jean-Maurice Simard rendait public son rapport qui demandait un plan d'action. Dans le discours du Trône, on promettait un plan d'action et, en 2001, vous demandez un plan d'action. Je voudrais être optimiste, mais cela m'est difficile.

Je vais vous faire une recommandation et j'aimerais bien obtenir votre opinion sur cette recommandation. Votre rapport, il est très bien. Cependant, vos recommandations se noient dans le texte. Est-ce qu'il vous serait possible de déposer, comme le vérificateur général du Canada le fait, un rapport dans lequel vos recommandations seraient mises en évidence? Vos recommandations sont concrètes, mais on doit les faire ressortir. C'est ainsi que le vérificateur général présente ses recommandations. Ceci permet au Comité des comptes publics d'inviter les ministères ainsi que les fonctionnaires en question et de leur demander ce qu'ils ont fait ou ce qu'ils vont faire en réponse à des recommandations qui visent leur champ d'action. Quand on demande de façon répétée sans obtenir quoi que ce soit depuis au moins 1977, je me dis qu'il faut peut-être changer la façon de demander.

Mme Dyane Adam: Je pense que votre recommandation est très juste, et j'en prends bonne note.

Il y a une espèce de précédent qui existe quant au rapport annuel du commissaire. Ce rapport n'a jamais, ou très rarement je crois, présenté de recommandations. Par contre, le commissaire ou la commissaire publie d'autres rapports. À titre d'exemple, j'ai parlé un peu plus tôt du rapport portant sur le service dans les deux langues officielles, Un changement de culture s'impose. Ce rapport présente de nombreuses recommandations. Quel est le suivi? Les recommandations sont claires dans ce rapport. Elles sont surtout adressées au Conseil du Trésor.

Pour ce qui est de M. Dion, il faut comprendre qu'à l'époque, on n'avait pas de ministre responsable pour coordonner, mais c'est un beau devoir que vous me donnez. Je vais y penser pour le prochain.

M. Benoît Sauvageau: Si vous me permettez, ce n'est pas un devoir, mais une suggestion. À l'époque de M. Desautels, on pouvait suivre ce dernier au Comité des comptes publics. À titre d'exemple, je me souviens d'une réunion mémorable où le ministère de la Défense nationale n'avait eu d'autre choix que celui de bouger parce que la recommandation était concrète et s'adressait directement à lui. Le sous-ministre et tous les responsables étaient là. Il me semble que quand on procède de la sorte, c'est plus facile de trouver le responsable et de lui demander de rendre des comptes.

Mme Dyane Adam: Sûrement. C'est une très bonne suggestion. Je vous en remercie.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Madame Thibault.

Mme Yolande Thibeault: J'ai une courte question, madame la commissaire.

Au sujet des fusions municipales, vous dites que vous êtes intervenue auprès de la Cour du Québec et que vous attendez la décision de la Cour d'appel du Québec dans cette affaire. Quand je vois une phrase comme celle-là, je sursaute toujours et je me demande quand la décision sera rendue. Est-ce que vous pouvez espérer recevoir la décision de la Cour d'appel avant le 1er janvier de l'an 2002?

Mme Dyane Adam: Il faudrait demander au juge.

Mme Yolande Thibeault: Est-ce qu'on vous a donné une indication quelconque?

Mme Dyane Adam: Il faut demander ça au juge en question. Nous sommes à la merci des tribunaux. Nous attendons la décision pour plusieurs des recours qui sont mentionnés dans mon rapport annuel. Il y a, entre autres, un recours au Nouveau-Brunswick pour lequel nous attendons la décision depuis janvier. Quant au recours portant sur la question de la fusion à Montréal, on nous avait dit que le jugement serait rendu assez rapidement, mais on attend toujours. Ça, c'est dans les mains des tribunaux.

Mme Yolande Thibeault: Je vous remercie.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.

Monsieur Godin, la parole est à vous.

M. Yvon Godin: Je veux parler d'un incident qui est arrivé lorsque vous étiez de passage en fin de semaine au Nouveau-Brunswick. Le vendredi, lors de votre discours à la SAANB, tout semblait bien aller. Selon le ministre de l'Éducation, vous lanciez des fleurs au Nouveau-Brunswick.

• 1725

Je vais lire une partie de l'article qui est paru dans le journal. Je veux savoir si les faits rapportés sont exacts et quel est votre véritable point de vue. Le ministre dit ceci:

[Traduction]

[Français]

On dirait qu'immédiatement après, tout s'est écroulé. J'aimerais savoir ce que vous pensez vraiment de la situation du Nouveau-Brunswick, surtout dans le domaine de l'éducation, mais aussi en ce qui a trait à la GRC, ou même à la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick qui a signé un protocole, ou autre chose de semblable, et qui demandait que le Nouveau-Brunswick aille plus loin au niveau de sa loi sur les langues officielles. Je ne vous blâme pas, mais il y a un malentendu et j'aimerais que vous nous expliquiez ce qui s'est véritablement passé.

Mme Dyane Adam: Vous êtes tous des politiciens, et à certains moments, vous devez composer avec les médias. Ceux-ci, parfois, font des liens entre deux choses qui ne sont pas vraiment interreliées, malgré un lien apparent.

N'étiez-vous pas présent vendredi? J'ai dit la chose suivante devant la Société des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick. Le Nouveau-Brunswick vit une situation unique. Il réussit à attirer 80 p. 100 des effectifs scolaires cibles. Aucune autre province ne réussit à retenir et à attirer autant ses ayants droit et cela représente un succès.

L'article de journal parle de deux choses, parce qu'il fait part de la réaction de M. Robichaud. Quand je m'adresse aux médias, je parle de la situation suivante.

Le Nouveau-Brunswick est également unique au pays parce qu'il offre un régime linguistique, au niveau de la Constitution, beaucoup plus étoffé que n'importe quelle autre province. Il possède un régime linguistique provincial qui statue non seulement sur l'égalité des deux langues, mais aussi sur l'égalité des deux communautés. Il existe également un régime linguistique fédéral. Il y a donc trois cadres législatifs constitutionnels qui confortent ou consacrent la dualité linguistique au Nouveau-Brunswick.

Mon rapport annuel de cette année mentionne que la province où il y a le plus recours judiciaires au plan linguistique est le Nouveau-Brunswick. Les trois cas dont il est question sont les suivants: le cas Charlebois, qui a trait aux services municipaux, un cas qui a trait à l'éducation, ce qui est de juridiction provinciale, et un troisième cas qui a trait à la GRC, pour lequel on attend de savoir si la cour provinciale peut entendre cette cause ou si elle devrait être référée ailleurs.

Je crois que la plainte contre la GRC implique aussi et surtout la province. Dans ce contexte, j'ai dit qu'il était quand même étonnant de voir qu'avec tout ce qui existe comme cadre législatif et constitutionnel au Nouveau-Brunswick et considérant qu'il y existe la plus forte proportion de francophones, à part le Québec, au Canada, il y ait de tels problèmes.

M. Yvon Godin: S'il y a 87 plaintes au Nouveau-Brunswick, s'il y a plus de plaintes au Nouveau-Brunswick qu'ailleurs, serait-il possible que ce soit parce qu'au Nouveau-Brunswick on est tenace lorsqu'il y a une violation de la loi, et que les gens qui déposent une plainte ne font pas comme d'autres personnes en Ontario ou au Manitoba qui préfèrent s'accommoder de la situation? Le Nouveau-Brunswick est plus agressif au niveau de l'égalité des deux langues officielles.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Vous nous en faites la preuve quotidiennement, monsieur Godin.

M. Yvon Godin: Merci. Cela constitue un compliment.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Permettez-moi, madame la commissaire, de vous remercier, vous et vos collègues.

• 1730

Vous pouvez constater que, dans l'ensemble, on partage, autour de la table, votre désir de faire valoir la dualité linguistique au Canada. Vous allez de plus constater, au fil de nos réunions de cet automne, un désir de collaborer de façon encore plus étroite, si cela était possible, que dans le passé.

Je vais me permettre un commentaire, que certains percevront peut-être comme étant partisan. J'espère que vous ne le percevrez pas ainsi.

Je partage entièrement le désir exprimé par tous les gens autour de la table que le gouvernement, par l'intermédiaire de son ministre des Affaires intergouvernementales, adopte un plan d'action. Pour ma part, je crois que la réunion de la semaine dernière avec le ministre Dion a été très utile. Le constat qui a été fait par le ministre au nom du gouvernement constituait une autocritique assez sévère, malgré tout. Si je peux me permettre d'interpréter les questions qui ont été soulevées à cette occasion, il semble que le constat lui-même n'ait pas été remis en question.

Nous conviendrons tous que pour régler un problème, il faut d'abord en faire un constat adéquat, ce qui semble avoir été fait mardi dernier. En ce sens, je pense que cette réunion a été très utile et j'ai remercié le ministre d'avoir dressé ce bilan. Je l'invite également—je l'ai fait et j'aurai l'occasion de l'inviter à nouveau—à venir nous voir lorsque le plan sera plus étoffé. Je veux toutefois demander au comité de ne pas oublier qu'il nous a fourni plusieurs pistes.

Il a mentionné une initiative au niveau du Conseil du Trésor, initiative qui progresse bien et dont on devrait entendre parler bientôt. Elle touche l'application des transformations, une des questions prioritaires que la commissaire a soulevées. Il a parlé également de langue de service et de langue de travail à l'intérieur de la fonction publique, qui sont deux problèmes très difficiles. Je suis très content de voir qu'il existe une volonté de s'y attaquer. Finalement, il a parlé d'éducation et de relations avec les provinces. Ce sera donc à nous de nous assurer que ce plan soit étoffé.

Je voulais simplement faire ces quelques commentaires, dont j'espère que vous verrez le caractère bien intentionné.

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Yvon Godin: ...

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Non, non. À mon avis, il faut le faire. J'essaie toujours de faire la part des choses et j'espère que vous serez de cet avis. Je vous cède la parole, monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau: Le recherchiste peut-il se renseigner afin de savoir combien de fois le comité de coordination s'est réuni depuis sa nomination?

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): On peut demander cela, bien sûr. Il y aura donc au cours de la semaine prochaine une séance de briefing—je crois qu'il s'agit de mardi—au sujet d'Air Canada. Il s'agit d'une séance à huis clos pour préparer tous les membres du comité à ce que nous aborderons après le congé de l'Action de grâces.

Au nom de tous mes collègues, madame la commissaire, je vous remercie et à bientôt.

Mme Dyane Adam: Merci.

Le coprésident (M. Mauril Bélanger): La séance est levée.

Haut de la page