TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 18 septembre 2001
Le coprésident (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.)): Messieurs, mesdames, si vous le permettez, nous allons commencer la séance. Au début, j'aimerais faire quelques petites remarques et, ensuite, nous passerons à la présentation de notre invité d'aujourd'hui.
Premièrement, je tiens à reconnaître qu'il est peut-être encore très difficile pour les parlementaires des deux Chambres d'entreprendre des travaux, étant donné les circonstances que nous vivons ces temps-ci. Mais je crois que la sagesse veut que nous continuions nos travaux et que nous continuions d'assumer nos responsabilités, ce que nous tenterons de faire aujourd'hui.
Je tiens à souligner que les coprésidents, madame la sénatrice Maheu et moi-même, étions, vendredi ou samedi dernier, en Australie, et ne sachant pas que nous pourrions être de retour, nous avons cru bon de reporter à plus tard l'une des deux réunions qui était prévue cette semaine, celle de demain, parce qu'il y avait plusieurs invités et que nous voulions quand même leur donner le temps de rajuster leur horaire. Alors, la réunion de demain n'aura pas lieu. Elle sera reportée à plus tard cet automne, à la première occasion.
Pour la réunion d'aujourd'hui, nous savions qu'il n'y avait qu'un témoin. Alors, s'il avait été nécessaire de l'annuler, nous aurions pu le faire un peu plus tard, dans des délais plus courts. Cela ne s'avère pas nécessaire puisque nous avons pu rentrer au pays, sauf que la sénatrice, que je sache, ne se porte pas bien aujourd'hui. Elle va se joindre à ses collègues du Sénat demain, je crois.
En ce qui concerne les réunions futures, j'espère pouvoir convoquer très bientôt, dans les jours qui suivront, le comité de direction de ce comité pour établir l'horaire de l'automne.
• 1535
Cela dit, monsieur Dion, nous vous avions offert, au moment
de votre nomination comme ministre responsable des
dossiers des langues officielles, toutes nos
félicitations et nous avions convenu que nous vous
inviterions à comparaître
lors de la reprise des travaux de cette
session, à la deuxième journée des travaux.
Nous allons maintenant vous entendre.
Je vois que le sénateur Gauthier a demandé la parole. Sénateur Gauthier.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier (Ontario, Lib.): Monsieur le président, j'ai une question à poser. Vous avez remarqué qu'il n'y a pas beaucoup de sénateurs. Nous sommes actuellement en séance. Nous siégeons sur la question du massacre, si je peux employer ce terme, à New York. J'aurais voulu participer à cette séance, mais je ne le pourrai pas parce que je suis ici, mais je voudrais vous rappeler une disposition du Règlement du Sénat. J'en reparlerai tout à l'heure.
Ce comité ne doit pas se rencontrer lorsqu'une des deux chambres se rencontre. Ce n'est pas le Règlement de la Chambre des communes, mais celui du Sénat qui le précise. C'est embêtant pour un sénateur. On doit demander la permission pour venir ici. Je n'ai pas demandé de permission aujourd'hui parce que c'est une journée exceptionnelle, mais demain, au Sénat, je vais me lever pour invoquer le Règlement et signaler qu'il faudra que le Sénat soit pris en considération lorsqu'on fixera l'ordre du jour et qu'on réglera les problèmes qu'on a à travailler ensemble. Je sais très bien, monsieur le président, qu'il n'y a pas actuellement de règlement qui régit le fonctionnement des comités. C'est le président de l'heure qui décide, et je vous fais confiance.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, monsieur le sénateur. Je vous ferai remarquer qu'on me dit que, de toute façon, au début de chaque session au Sénat, une résolution est adoptée, comme il l'a été fait cette année, permettant au comité mixte de siéger lorsque le Sénat siège. Je vous ferai remarquer que j'ai pu vérifier dans Marleau et Montpetit, au chapitre 20, et qu'on y dit que les comités mixtes permanents peuvent siéger lorsque la Chambre—et on mentionne bien la Chambre—siège et pendant ses ajournements.
C'est une question que nous pourrons revoir, mais je suis convaincu que présentement, puisque nous l'avons fait pendant toute la dernière session, nous sommes en mesure de siéger. Je comprends la difficulté, sénateur, et je m'en excuse. Ce sont des circonstances que nous trouvons extraordinaires, mais nous avons tout de même cru qu'il était de notre devoir de continuer nos travaux.
Monsieur Dion, je vous en prie.
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis tout à fait d'accord avec vous que les événements tragiques ne doivent en aucune façon retarder ou paralyser le Parlement ou le gouvernement. On n'est pas déstabilisés par ces événements. On agit et on demande d'ailleurs aux Canadiens de continuer à vaquer à leurs occupations et à travailler fort. C'est ce qu'on doit faire. Donc, tous ensemble, on va discuter de langues officielles puisque c'est l'objet de votre comité.
J'aimerais d'abord, si vous me le permettez, présenter les collaborateurs que j'ai amenés avec moi, qui sont assez nombreux.
[Traduction]
Tout d'abord, mon sous-ministre, M. George Anderson.
[Français]
Je vous présente aussi mon chef de cabinet, M. Geoffroi Montpetit; le sous-secrétaire aux opérations intergouvernementales, M. Louis Lévesque;
[Traduction]
Leslie Seidle, qui est directeur général, Politique stratégique et recherche;
[Français]
M. Jérôme Moisan, qui est directeur aux langues officielles, politiques stratégiques et recherche;
[Traduction]
Michael O'Keefe, analyste principal pour la question des langues officielles;
[Français]
Pierre Coulombe, analyste principal pour la question des langues officielles; José Laverdière, analyste aux langues officielles, qui m'aidera à vous présenter certains tableaux; et André Lamarre, mon attaché de presse.
J'ai quelques tableaux à vous montrer. On va parler des langues officielles, progrès et défis. On peut passer au prochain tableau. Tout part de la volonté du premier ministre de renforcer notre action dans ce domaine, et cela a été bien établi. Dans le discours du Trône, le gouvernement du Canada renouvelle son engagement à appuyer les communautés minoritaires de langue officielle, à renforcer la culture et la langue françaises, et à mobiliser ses efforts pour que tous les Canadiens puissent communiquer avec le gouvernement dans la langue de leur choix.
C'est dans ce cadre que le premier ministre m'a confié un travail de liaison et de coordination entre les différents ministères et les différents ministres du gouvernement, afin de les appuyer dans leurs responsabilités sectorielles. Je suis très heureux de cette première rencontre avec votre comité, et on aura souvent l'occasion de travailler ensemble. Vous devez simplement bien identifier mon rôle. Je vous encourage à maintenir toutes vos relations avec les ministres sectoriels, avec la ministre du Patrimoine canadien, avec la ministre de la Justice, avec la présidente du Conseil du Trésor. Ces ministres gardent toutes leurs responsabilités. Donc, vous pouvez compter sur mon entière collaboration.
• 1540
Maintenant, je voudrais présenter l'objet de la
présentation d'aujourd'hui. On aura l'occasion d'aller
plus avant dans nos discussions les prochaines fois.
Pour la première fois, je pense qu'on doit essayer de
voir si on s'entend sur le diagnostic. Quelle est la
situation des langues officielles au Canada?
Je ne vous présenterai pas un nouveau plan d'action ou une nouvelle revue de programme, etc. Je voudrais voir si on s'entend sur ce que sont les réalités auxquelles nous faisons face, les réalités auxquelles nous sommes confrontés. Est-ce qu'on s'entend sur les progrès qui ont été réalisés dans les 30 dernières années ainsi que sur les difficultés et les défis que nous devons relever?
J'entends bien vous faire cela sans avoir avec moi des lunettes roses ni des lunettes noires, afin d'essayer de voir quelle est la situation telle qu'on peut l'établir le plus précisément possible. Je serais heureux après, dans les discussions, de voir si vous partagez cette lecture des faits, qui est celle du gouvernement.
[Traduction]
La première chose que nous pouvons tous remarquer, c'est le déclin démographique à la fois des anglophones au Québec et des francophones hors Québec. Vous pouvez voir que pour les anglophones, ils sont passés de 13,8 p. 100 en 1951 à 8,8 p. 100 lors du dernier recensement en 1996.
[Français]
Si vous regardez la question des francophones hors Québec, il y en avait 7,3 p. 100 en 1951 et 4,5 p. 100 en 1996. Les causes de ce déclin sont assez connues: la dénatalité et l'immigration et, dans le cas des anglophones au Québec, l'exode. Ce sont des phénomènes sur lesquels les gouvernements ont peu de prise. Mais il y a un troisième phénomène sur lequel on a plus de prise, et ça touche surtout les francophones hors Québec, c'est l'assimilation.
Prochain tableau. Le premier indicateur que nous donnent les statistiques, c'est toujours la langue le plus souvent parlée à la maison.
[Traduction]
En anglais, la question est: "Quelle langue cette personne parle-t-elle le plus souvent à la maison?"
[Français]
«Quelle langue cette personne parle-t-elle le plus souvent à la maison?»
On compare cela avec la question sur la langue maternelle: «Quelle est la langue que cette personne a apprise en premier lieu à la maison dans son enfance et qu'elle comprend encore?»
[Français]
Et vous avez l'écart qui est au tableau, la proportion de francophones de langue maternelle utilisant principalement le français à la maison.
Dans l'Atlantique, c'est stable, autour de 86 p. 100. En Ontario, ça décline un peu et dans l'Ouest, assez nettement: 51 p. 100, 45 p. 100, 35 p. 100, 33 p. 100. Ça veut dire que dans l'Ouest, deux francophones sur trois parlent surtout l'anglais à la maison. Je dis «surtout». On ne leur demande pas s'ils parlent encore français ou s'ils ont oublié leur français, s'ils ont perdu leur français. On leur demande s'ils parlent surtout le français. C'est un premier indicateur. Cet indicateur ne nous dit pas grand chose en soi.
Le phénomène qui peut nous aider à mieux comprendre la chose, eh bien, c'est une belle chose en soi, c'est l'amour. C'est le fait que les anglophones et les francophones se marient ensemble et qu'ils se marient de plus en plus ensemble. On peut montrer le tableau. C'est ce qu'on appelle «les mariages exogames», c'est-à-dire lorsque les deux conjoints sont de langues différentes, contrairement aux mariages endogames. Pas besoin de vous dire que sur cette question, les gouvernements n'ont aucune prise et ne souhaitent pas en avoir. Il y a un phénomène qui fait que les francophones hors Québec, comme les anglophones au Québec, ont plus de probabilités d'épouser une personne de langue différente que c'était le cas dans le passé. En 1971, 73 p. 100 des francophones hors Québec épousaient un francophone, 61 p. 100 en 1991, 59 p. 100 en 1996. Il n'y a rien qui nous fasse penser que cette tendance va changer. Ni vous ni moi n'y pouvons rien. Aussi bien voir ça comme une bonne nouvelle, comme le fait que les deux solitudes sont de moins en moins solitaires, de plus en plus réunies. Seulement, on peut penser que d'ici quelques années, ce sera 50 p. 100. Vous aurez une chance sur deux d'épouser quelqu'un qui est d'une autre langue que la vôtre. En quoi est-ce pertinent à notre discussion d'aujourd'hui? Le prochain tableau va vous le montrer.
• 1545
Si vous êtes un francophone hors Québec et que vous
épousez une francophone, vous parlerez probablement
français à la maison, cela dans 93 p. 100
des cas. Si vous épousez un
anglophone, il est presque certain que vous
parlerez surtout anglais à la maison. Seulement 7 p. 100
des francophones qui épousent un anglophone ou une
anglophone parlent surtout français à la maison.
Les autres parlent surtout anglais. Si vous êtes à
Toronto et que vous épousez un anglophone, vous parlerez
surtout anglais. Ça ne veut pas dire que vous allez
perdre votre français, mais la langue
la plus souvent parlée à la maison sera l'anglais.
C'est logique. Les gouvernements n'y peuvent rien, et
ce n'est pas une mauvaise nouvelle en soi. Je pense
que c'est tout à fait logique. Si vous êtes dans une
ville anglophone et que vous épousez un anglophone,
vous parlerez surtout anglais à la maison. On dira plus
souvent «darling» que «chéri».
Au tableau suivant, on voit que là où le problème se pose, c'est au plan de la transmission de la langue. Le tableau qui est ici exagère un peu la situation. Il nous présente la transmission de la langue maternelle aux enfants. Si deux francophones s'épousent, la langue maternelle, la première langue apprise et comprise par leurs enfants, sera probablement le français. C'est ce que montre le tableau. Si l'un des deux est anglophone, eh bien, il est probable que la première langue apprise et comprise sera l'anglais. C'est ce qu'on constate dans quatre cas sur cinq. Je n'ai pas besoin de vous dire que c'est encore plus probable si le conjoint anglophone est la mère. Dans un tel cas, ce sera l'anglais. Le véritable défi est de s'assurer que, même s'ils apprennent d'abord l'anglais, ils apprennent subséquemment le français. C'est en ce sens que les mariages exogames représentent pour nous un défi important.
Qu'est-ce qu'on peut faire comme gouvernement pour faire en sorte que les conjoints de ces mariages exogames transmettent le français à leurs enfants? Le tableau suivant nous donne un indice de cela. Si vous épousez un ou une anglophone unilingue, il vous sera très difficile de transmettre le français à vos enfants. Si cette personne que vous épousez est déjà bilingue, les probabilités que vous leur transmettiez le français sont plus élevées. C'est ce que montre ce tableau.
L'apprentissage du français, langue seconde, devient donc un facteur très important pour notre problématique. Je dirais que c'est l'aspect le plus important. La morale de tout ça, c'est que trop souvent, on oppose les écoles d'immersion aux écoles des communautés de langue française, alors que les unes appuient les autres. Les communautés de langue française doivent comprendre que leurs enfants vont probablement—dans un cas sur deux—épouser un anglophone et que si cet anglophone est bilingue, la capacité de transmettre la langue à cet enfant sera plus grande.
Donc, on doit effectivement voir par quel moyen on peut transformer des personnes unilingues en personnes bilingues, comment on peut les aider à apprendre l'autre langue. C'est un enjeu clé pour l'avenir de la communauté française hors Québec. C'est le levier principal que nous avons.
[Traduction]
Quelle est la langue que cette personne a apprise en premier lieu à la maison dans son enfance et qu'elle comprend encore?
[Français]
Sur quoi peut-on s'appuyer pour agir? Je passe maintenant aux progrès que nous avons faits au cours des dernières décennies. Ce sont les progrès que nous avons faits et qu'il faut cultiver et améliorer parce que ce sont nos leviers pour agir.
Le premier que je vais montrer est évidemment la question des droits. Les droits, pour les minorités, ont connu des progrès très importants. J'ai donné les principales étapes, mais vous connaissez comme moi d'autres étapes qu'on aurait pu mettre dans ce tableau. Ce sont: la Loi sur les langues officielles de 1969; la Charte canadienne des droits et libertés de 1982; le renforcement de la Loi sur les langues officielles de 1988; la décision Mahé sur l'élargissement des droits à l'éducation dans la langue de la minorité en 1990; et la décision Beaulac et l'interprétation large et libérale de tous les droits linguistiques de 1999. Ce sont des leviers essentiels. Ça n'existait pas auparavant; ça existe maintenant, et on peut bâtir des choses sur cette base.
Puisqu'on parle de la transmission de la langue, un autre exemple de progrès est la question des écoles. Les Canadiens ont un meilleur accès à l'enseignement dans la langue de la minorité, notamment grâce à la mise en oeuvre de l'article 23 de la Charte. Aujourd'hui, près de 150 000 francophones de l'extérieur du Québec fréquentent près de 680 écoles offrant un enseignement dans leur langue.
Si je ne cite pas autant les anglophones au Québec à ce sujet, c'est parce qu'au Québec la situation est différente. Le gros problème, c'est l'exode des anglophones. Pendant les 25 années précédant le recensement de 1996, quelque 397 000 anglophones ont quitté le Québec pour d'autres provinces, alors que seulement 152 000 Canadiens sont venus s'installer au Québec en provenance d'ailleurs au Canada, une perte nette de plus de 240 000 personnes. Donc, le problème pour les anglophones au Québec est différent de celui des francophones hors Québec.
[Français]
En 1982, on ne trouvait pas d'écoles françaises dans la moitié des provinces. En 1982 seulement, dans la moitié des provinces, il n'y avait aucune école française. C'était de là qu'on partait. En 1990, on retrouve la gestion des écoles dans toutes les provinces. Seulement au Québec, en Ontario et au Nouveau-Brunswick avait-on ça en 1990. Aujourd'hui, dans toutes les provinces, on a la gestion des écoles.
Quelque chose d'essentiel aussi, c'est que les experts confirment que la grande majorité des enfants provenant de familles endogames, composées de deux francophones hors Québec, vont à l'école française. Le défi sera de faire en sorte que les enfants de familles exogames iront soit à l'école française, soit à une école d'immersion, à une bonne école d'immersion, ou apprendront un bon français, langue seconde, dans leur école anglophone.
Maintenant, il y a d'autres leviers sur lesquels on peut s'appuyer, où on peut noter des progrès encourageants. Dans la fonction publique même, vous voyez que le nombre de postes bilingues a augmenté: 21 p. 100 en 1974, 25 p. 100 en 1978, 28 p. 100 en 1984, 35 p. 100 en 2000. Donc, on fait des progrès au coeur même des moyens d'action que nous avons, soit dans la fonction publique fédérale. On peut voir aussi des progrès quant au nombre de francophones dans la fonction publique: 25 p. 100 en 1978, 28 p. 100 en 1990, 31 p. 100 en l'an 2000. Et vous voyez que ça se reflète aussi au niveau des cadres: 18 p. 100 en 1978, 22 p. 100 en 1990 et 27 p. 100 en l'an 2000. Mon explication, c'est le bilinguisme, qui est un facteur qui aide à réussir dans la fonction publique fédérale. C'est connu, ça se sait, et comme les francophones sont souvent plus bilingues que les anglophones, surtout les Franco-Ontariens, par exemple, eh bien, ils ont plus de capacité pour réussir à obtenir des postes et à obtenir des promotions.
Vous avez sans doute lu dans les journaux que ça ne se reflétait pas au niveau de la haute fonction publique, que la haute fonction publique, au niveau des sous-ministres, était surtout anglophone. Vous savez, on travaille sur de tout petits nombres. Il suffit de quelques remaniements et les pourcentages changent. Je vais vous donner le dernier pourcentage. Si vous prenez les 21 sous-ministres qui épaulent un ministre, comme M. Anderson m'épaule, là-dessus, vous en avez six qui sont francophones, soit 29 p. 100. Il suffirait qu'il y en ait deux qui soient remplacés par deux autres et vous verriez le pourcentage changer, mais au moment où je vous parle, c'est 29 p. 100.
Les francophones représentent 34 p. 100 des autres nominations par décret à plein temps présentement en vigueur, soit 156 sur 466. Ça n'inclut pas les juges et les lieutenants-gouverneurs, mais ça inclut tout le reste.
Pour ce qui est de la participation des francophones dans l'ensemble des institutions fédérales pour lesquelles le Conseil du Trésor n'est pas l'employeur, soit toutes les sociétés de la Couronne, etc., elle est de 25 p. 100, soit un sur quatre. Donc, sur ce plan-là, je pense qu'on a fait de très bons progrès, de très belles percées.
[Traduction]
Au Québec, près de 102 000 anglophones fréquentent 360 écoles qui offrent l'enseignement dans leur langue.
[Français]
Vous avez un groupe de travail qui a été mis sur pied afin d'examiner les moyens d'augmenter la participation des anglophones: meilleure publicité des postes, initiatives de recrutement, promotion de la fonction publique comme carrière, et le Conseil des hauts fonctionnaires fédéraux du Québec suit également ce dossier de près.
Il y a une autre chose que je voudrais dire sur ce tableau. Là où c'est moins bon, et ça, vous le savez, c'est de savoir si ces francophones peuvent surtout travailler en français dans la fonction publique. On sait que très souvent, ce n'est pas le cas. Donc, il y a eu des progrès mais, encore une fois, ne mettons pas des lunettes roses.
Le taux de participation des anglophones, lui, dans la fonction publique fédérale au Québec est inférieur à leur taux de représentation au sein de la population québécoise. Ils représentent 13 p. 100 de la population québécoise, selon le dernier recensement—1996—mais seulement 7 p. 100 de la fonction publique, à l'exclusion de la région de la capitale nationale, en 2000. Cependant, vous noterez que le taux de participation des anglophones dans les institutions fédérales dont le Conseil du Trésor n'est pas l'employeur est de 15 p. 100. Donc si on tient compte de tout, il n'y a pas de problème. Par contre dans la fonction publique, il y a déficit.
[Français]
Les francophones du Québec sont de plus en plus bilingues.
[Traduction]
Le point essentiel est de rendre notre pays plus bilingue. Comme d'aucuns le disent, le Canada est un pays bilingue peuplé par des unilingues fiers d'être citoyens d'un pays bilingue. Dans les quatre catégories que nous avons constituées aux fins de notre enquête, les champions du bilinguisme sont les francophones hors Québec, suivis maintenant par les anglophones au Québec, suivis par les francophones au Québec et les derniers de la classe sont les anglophones hors Québec.
Cependant, ce qui est encourageant c'est qu'il y a une augmentation dans la nouvelle génération. La nouvelle génération de Canadiens est la plus bilingue de notre histoire. C'est très encourageant. Ce tableau vous montre que, chez les francophones au Québec, le taux de bilinguisme était de 31 p. 100 en 1971, et qu'aujourd'hui il est de 42 p. 100.
[Français]
Le tableau suivant le montre.
[Traduction]
Pour les anglophones hors Québec, il était de 7 p. 100 en 1971, et aujourd'hui il est de 15 p. 100.
Il faut que cette progression continue. Quinze pour cent aujourd'hui, 20 p. 100 demain et il faut continuer. C'est pour moi essentiel, selon mon analyse de la situation.
Pour progresser, il nous faut le soutien des Canadiens en matière de bilinguisme. Il faut avoir une attitude positive. En l'occurrence, quelles sont les attitudes à propos du bilinguisme?
Le soutien pour le bilinguisme officiel au Québec est très élevé. Comme vous pouvez le voir, il était de 85 p. 100 en 1977 et de 89 p. 100 en 2000. Il y a quelques progrès dans le Canada atlantique, les chiffres sont passés de 48 p. 100 à 60 p. 100; en Ontario, de 43 p. 100 à 47 p. 100; dans l'Ouest, de 29 p. 100 à 42 p. 100. La tendance et donc bonne. Mais ce qui est le plus important c'est que cette tendance est encore meilleure dans la nouvelle génération de Canadiens.
[Traduction]
Par ailleurs, les études montrent que la corrélation entre la fréquence des contacts entre Canadiens de langues différentes et l'appui au bilinguisme est forte. Si vous avez plus de contacts avec l'autre, vous aurez plus tendance à valoriser le bilinguisme. C'est pourquoi il est très important que le gouvernement du Canada continue d'améliorer ses programmes d'échange entre Canadiens. Ce n'est pas la seule raison pour laquelle on doit améliorer nos programmes d'échange, mais le bilinguisme en est une importante, et on doit agir dans ce domaine-là.
[Traduction]
On ne remarque aucun effet de génération au Québec. Le soutien pour le bilinguisme est écrasant, qui que vous soyez, que vous soyez jeunes Québécois ou vieux Québécois. Mais hors Québec on peut voir que chez les jeunes, le soutien pour le bilinguisme est de 69 p. 100, et pour les plus âgés, disons pour les plus de 60 ans, il n'est que de 27 p. 100. La nouvelle génération de Canadiens est non seulement plus bilingue mais elle est prête à attacher une valeur plus positive au bilinguisme et à lier son identité canadienne au bilinguisme.
[Français]
Un de nos fleurons, ce sont les écoles d'immersion.
[Traduction]
Nous avons de très bons outils et il faut nous assurer que ces outils continueront à jouer leur rôle et s'amélioreront avec le temps. Un de ces outils essentiels est l'enseignement de la langue française aux anglophones. Permettez-moi de vous dire qu'à mon avis, les provinces pourraient faire un effort; c'est de leur ressort. Le gouvernement fédéral peut les aider. Nous allons voir si nous pouvons faire plus mais c'est leur responsabilité.
Comme vous pouvez le voir sur ce tableau, il n'y a qu'un étudiant sur deux qui s'inscrit dans les programmes de français langue seconde. Les choses ne s'améliorent pas. Il faut voir ce que nos partenaires constitutionnels peuvent faire pour qu'un plus grand nombre d'anglophones apprennent le français à l'école.
[Français]
J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait voir comment les provinces pourraient mieux faire leur travail touchant l'apprentissage du français hors Québec, mais pour cela, il faut que le gouvernement du Canada soit, lui, exemplaire. Cela l'aidera à convaincre ses partenaires de mieux agir. On n'est pas toujours exemplaires. Je vous montre un tableau qui indique qu'effectivement, il faut qu'on améliore les choses. On constate des problèmes dans les bureaux désignés pour offrir des services dans les deux langues officielles. La commissaire aux langues officielles nous a tapé sur les doigts récemment, et vous voyez pourquoi. Je vous signale qu'on rencontre ces problèmes surtout à l'extérieur du Québec.
On observe sur les graphiques de gauche une stagnation au mieux et, au pire, des reculs inacceptables dans l'offre de services de qualité dans les deux langues. À droite du tableau, on voit que trop de bureaux désignés n'ont pas suffisamment de personnes bilingues pour assurer de tels services. Elles sont désignées bilingues et elles n'offrent pas un service bilingue. C'est inadmissible. Notre obligation légale est d'assurer des services de qualité dans 100 p. 100 des cas, puisqu'il s'agit de bureaux désignés à cet effet.
Malgré les efforts déployés dans la fonction publique, il reste donc encore beaucoup à faire pour créer un milieu de travail et une culture de travail, comme disait la commissaire aux langues officielles, véritablement propices à l'utilisation des deux langues officielles, en particulier du français. Nous devons ici exercer un leadership exemplaire et vigoureux, et je tenais à le dire aujourd'hui.
[Traduction]
Vous pouvez constater qu'il y a plafonnement de l'immersion française. Le taux est d'environ 7 p. 100. Il faut voir ce que nous pouvons faire pour que cela aille mieux. Un récent rapport de Canadian Parents for French indique que la qualité de l'enseignement du français langue seconde est menacée par un matériel pédagogique inadéquat, le manque d'enseignants qualifiés et le décrochage d'élèves du programme au niveau secondaire. Il faut donc faire en sorte que les écoles d'immersion française deviennent une priorité.
Il y a aussi le nerf de la guerre, la question de l'argent. Ce n'est pas seulement le montant global; c'est l'allocation. Le tableau indique à peu près comment c'est alloué: 29 p. 100 à l'appui à l'éducation; 24 p. 100 à l'appui aux minorités; 2 p. 100 à la commissaire aux langues officielles; 28 p. 100 à la traduction; 17 p. 100 à la fonction publique, à la formation et à la prime. Chacun de ces pourcentages peut être subdivisé. Il faut regarder cela de très près.
Quant au montant global, au tableau suivant, les sommes allouées aujourd'hui sont nettement inférieures à celles de 1990-1991, notamment à la suite de la revue de programmes entreprise en 1994-1995, mais cela avait déjà commencé à diminuer dès 1990-1991. En 1994-1995, il y a eu une hausse conjoncturelle. C'est la hausse ponctuelle qui résultait d'un jugement obligeant le gouvernement à verser rétroactivement des primes au bilinguisme aux officiers de la GRC. Donc, en fait, jusqu'en 1998-1999, il y a eu une baisse. Je vous rappelle que le tableau qu'on voit ici est en dollars courants. Il n'est pas en dollars constants. Il y a une baisse encore plus grande en dollars constants.
Le ratio des dépenses pour les langues officielles par rapport à l'ensemble des dépenses du gouvernement fédéral était de 0,62 p. 100 en 1990-1991 et il est maintenant de 0,48 p. 100. Il est vrai que le gouvernement fédéral a comprimé ses dépenses un peu partout, mais ça semble être particulièrement vrai dans le domaine des langues officielles. Cela a commencé, comme vous le voyez, dès 1990-1991.
Dès que le gouvernement du Canada a eu remis ses finances en ordre, le premier ministre a tenu à faire un réinvestissement dans les langues officielles en annonçant une majoration des sommes allouées au programme d'appui aux langues officielles de 70 millions de dollars par année pendant cinq ans. Si vous ne voyez pas une hausse de 70 millions de dollars, c'est que ces 70 millions de dollars ont permis, en partie, à éponger des compressions qui se seraient produites dans d'autres programmes si on n'avait pas injecté ces 70 millions de dollars. De ces 70 millions de dollars, 50 millions de dollars sont destinés à l'éducation, 10 millions de dollars aux communautés, 4 millions de dollars aux services provinciaux dans des domaines comme la santé et 6 millions de dollars à la création d'un partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle.
Maintenant que les finances publiques sont de nouveau sur les rails, nous pouvons remettre de l'argent dans le programme des langues officielles, mais faire mieux ne signifie pas simplement dépenser plus. Il faut aussi voir si nous dépensons de la bonne façon. Toute impression ou opinion que votre comité aurait à cet effet serait très utile.
• 1605
Maintenant, ce montant n'est pas tout ce que nous
faisons. Il y a des choses indirectes que le
gouvernement du Canada fait qui aident les langues
officielles. Qu'on pense à l'immigration, qu'on pense à
la santé et qu'on pense à la culture.
Dans le prochain tableau, je montre la situation particulière au Québec. Au Québec, les deux communautés linguistiques ont besoin d'avoir des politiques culturelles qui appuient leur situation. Une langue vit d'une culture. C'est vrai pour les francophones, même ceux du Québec, qui sont minoritaires sur le continent et dans leur pays, le Canada, même s'ils sont majoritaires au Québec, et c'est vrai pour les anglophones québécois, qui sont les seuls anglophones minoritaires que nous ayons. Or, le gouvernement du Canada dépense beaucoup dans le domaine culturel. Vous voyez, c'est 52 p. 100. La moitié des dépenses qui sont faites dans le domaine culturel au Québec sont faites par le gouvernement du Canada.
Alors, il y a là un levier, et si Mme Copps est membre du groupe de liaison que je préside, ce n'est pas seulement en raison de ses responsabilités directes touchant les langues officielles, c'est aussi parce que la culture et la langue sont deux domaines très liés.
On constate sur le graphique que le gouvernement du Canada contribue de façon importante à l'épanouissement de la culture au Québec. Cela représente 924 millions de dollars: 517 millions de dollars pour la radiodiffusion et la télédiffusion au Québec, 176 millions de dollars pour les musées et les archives, les parcs et les sites, et 122 millions de dollars pour le cinéma et la vidéo.
En plus, j'aurais pu faire un tableau, si j'en avais eu le temps, sur le rôle que le gouvernement du Canada joue pour le rayonnement du français dans le monde au moyen de ses nombreuses interventions au sein de la Francophonie internationale: le Sommet de la francophonie à Moncton en 1999, la tenue des quatrièmes Jeux de la Francophonie cet été à Ottawa—Hull, des investissements dans TV5, etc.
Avant de conclure, il y aurait bien d'autres choses dont j'aurais voulu vous parler. C'est loin d'être exhaustif. Il y a toutes sortes de dossiers qui sont discutés à votre comité, qui sont soulevés par la commissaire aux langues officielles, et qui interpellent le gouvernement du Canada, que ce soit la question de la transmission des débats de la Chambre des communes dans les deux langues partout au pays, la situation à Air Canada, l'hôpital Montfort, le bilinguisme dans la ville d'Ottawa. Je n'ai pas prétendu être exhaustif aujourd'hui. J'ai essayé de vous faire un diagnostic sur les tendances lourdes auxquelles nous faisons face.
[Traduction]
Je le mentionne simplement en passant, mais il faut faire beaucoup plus. Il faut renforcer les moyens d'action. Les domaines dans lesquels nous nous proposons d'agir sont les suivants: la prestation de services, la langue de travail dans la fonction publique, les programmes visant à appuyer la dualité linguistique, surtout l'enseignement, les programmes pour appuyer les communautés de langue officielle. Le comité que je préside étudie tous ces moyens d'action.
[Français]
Alors, je suis disponible pour répondre à vos questions et, surtout, pour entendre vos suggestions. Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, monsieur le ministre.
[Traduction]
En guise de conclusion, je dirais qu'il y a un certain nombre de questions auxquelles il faut apporter des réponses pour améliorer la situation. Elles ont liées au discours du Trône.
Comment renforcer la dualité linguistique, notamment en accroissant le nombre de Canadiens bilingues, surtout d'anglophones bilingues hors Québec, et la capacité bilingue des institutions dans la société canadienne? C'est le premier objectif.
Deuxièmement, comment mieux appuyer les communautés de langue officielle?
Troisièmement, comment faire de la fonction publique un modèle de la dualité linguistique, notamment au niveau du service au public et de la langue de travail?
Quatrièmement, comment assurer un plus grand rayonnement du français partout au Canada, y compris au Québec, et à l'étranger? Également, comment bâtir sur nos acquis et encourager la promotion de la dualité au sein du gouvernement, au sein de la population, au sein des autres gouvernements, afin que les Canadiens bénéficient pleinement de la richesse d'une dualité linguistique et de l'importance d'en faire une promotion plus active?
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et j'entendrai avec encore plus de plaisir vos suggestions et vos points de vue.
[Français]
La sénatrice Joan Fraser (De Lorimier, Lib.): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Monsieur Reid.
M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne): Simple curiosité, aurons-nous le temps pour une deuxième ronde de questions ou y en aura-t-il une seulement, d'après vous?
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Je crois que pour le moment nous aurons juste le temps pour une ronde. Mais commençons et nous verrons.
M. Scott Reid: Très bien. Je vais structurer mes questions en conséquence.
Nous sommes très heureux de vous voir, monsieur le ministre. Soyez le bienvenu à notre comité.
Si vous me le permettez, j'aimerais commencer par vous demander—à propos de certains chiffres utilisés dans votre exposé—quels critères sont utilisés par le Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique pour mesurer les taux de participation des francophones et des anglophones dans les divers ministères et administrations du gouvernement, comme par exemple pour les diapositives 13 et 14.
• 1610
Un des critères utilisés depuis très longtemps par la fonction
publique et par le gouvernement est celui de la première langue
officielle parlée. C'est ainsi que nous appliquons le labelle de
francophones ou d'anglophones aux gens pour faire ces calculs. Mais
il semble qu'il n'y ait pas de chiffres fournis pour les taux de
participation des francophones unilingues et des anglophones
unilingues. À mes yeux c'est un problème très important que vous
reconnaîtrez, j'espère, et auquel vous réfléchirez. À mon avis,
c'est un problème parce qu'il tend à tout regrouper en une sorte de
concours à somme zéro entre francophones et anglophones pour un
nombre limité d'emplois. Les gains réalisés par les francophones le
sont aux dépens des anglophones, et vice versa, sans tenir compte
du fait qu'il y a un grave problème dans la mesure où les
unilingues de l'un ou de l'autre des deux groupes linguistiques
sont en fait exclus de la majorité des postes de responsabilité et
d'une proportion grandissante des postes subalternes.
C'est un fait qui ne semble pas être pris en considération bien que vous y fassiez allusion quand dans un de vos tableaux, vous parlez du nombre de postes désignés bilingues. Mais bien entendu, ce genre de postes désignés bilingues essentiels, n'est pas accessible ni ouvert aux personnes qui ne parlent que français ou qu'anglais.
J'aimerais donc savoir quelle solution vous proposez pour régler ce problème.
M. Stéphane Dion: Merci beaucoup.
Premièrement, 65 p. 100 des postes ne sont pas désignés bilingues. Deuxièmement, nous avons des programmes pour aider les gens à apprendre l'autre langue. Il faut poursuivre l'effort. Cela coûte cher—c'est un des postes du budget que je vous ai cité—mais il est très important de poursuivre l'effort afin d'atténuer le problème que vous venez de mentionner, à savoir qu'il y a encore beaucoup de gens qui sont unilingues et qui veulent continuer à travailler pour le gouvernement et qu'il leur faut les compétences requises. Il faut que nous les aidions à se familiariser quelque peu avec l'autre langue.
M. Scott Reid: Dans mon livre sur le bilinguisme, que j'ai écrit en 1993, j'ai fait quelques recherches par le biais de l'accès à l'information et constaté qu'en 1974 quand la politique de création de postes désignés bilingues a été instituée, 34 000 emplois dans la fonction publique étaient accessibles aux Francophones unilingues. En 1992, il n'en restait plus que 25 000. Donc, pendant cette période, cette politique a eu en fait une incidence très négative.
J'aimerais savoir si vous avez des chiffres plus récents permettant de constater si la situation s'est ou améliorée ou aggravée.
M. Stéphane Dion: Nous allons voir si nous en avons et nous vous les communiquerons.
M. Scott Reid: Si vous le pouviez, je vous en serais très reconnaissant.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur le ministre, voudriez-vous je vous prie les communiquer au greffier afin que nous puissions les distribuer à tous les membres du comité.
M. Stéphane Dion: D'accord.
M. Scott Reid: Si je peux continuer, dans les chiffres que vous nous avez fournis, j'ai constaté avec plaisir que vous faisiez à la fois référence aux chiffres concernant la langue maternelle et aux chiffres concernant la langue parlée à la maison. Un des problèmes du recensement est qu'il pose les deux questions.
La Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme recommandait, bien entendu, la langue parlée à la maison estimant que les données sur la langue maternelle n'ont plus la même valeur qu'il y a une génération. En conséquence, la recommandation qu'elle a faite en 1971 a été prise en compte.
Le problème c'est que la question concernant la langue utilisée à la maison n'est posée que dans le formulaire long et non pas dans le formulaire simple qui est distribué à chaque foyer. Seule la question, moins précise, en termes de mesure, concernant la langue maternelle est posée dans le formulaire que nous remplissons tous. Cela signifie que tout particulièrement dans les collectivités où une proportion relativement minime de la population est... et où le nombre de personnes concernées est relativement faible... Je pense à Gravelbourg en Saskatchewan, par exemple, à certaines autres petites collectivités. Il est très difficile d'avoir une mesure exacte de la collectivité de langue minoritaire.
Seriez-vous disposé à en discuter avec Statistique Canada pour qu'il en soit peut-être tenu compte lors du prochain recensement?
M. Stéphane Dion: Si je ne m'abuse, Statistique Canada ajoutera des questions supplémentaires afin de dresser un tableau avec des catégories différentes de familiarité du bilinguisme des Canadiens.
Je suis d'accord avec vous. La langue maternelle n'est pas l'indice clé. L'indice clé est de savoir s'il vous est possible d'apprendre les deux langues à un moment donné dans votre vie? Le fait que vous commenciez par apprendre l'anglais et ensuite le français—si à 15 ans vous comprenez les deux langues, je ne pense pas que cela importe au gouvernement. Le gouvernement peut aider les gens à devenir bilingue. Nous ne pouvons décider de l'ordre selon lequel les gens apprennent la langue.
M. Scott Reid: Oui, mais il reste que la langue parlée à la maison est en fait une mesure plus précise de préférence. Comme vous l'avez souligné dans votre exposé, il me semble simplement que si Statistique Canada ne nous donne pas de mesure plus précise... En fait, ce que je veux dire, c'est que conformément aux propositions de la Commission B et B, il faudrait inverser les questions afin que chacun indique dans le recensement la langue parlée à la maison et seulement dans le formulaire long qui est envoyé à un foyer sur dix, un sur 20, la langue maternelle. À mon avis, ce serait une donnée beaucoup plus utile à l'élaboration de vos politiques.
• 1615
Une dernière question. Le temps me manque. Il y a une dizaine
d'années, quand vous étiez à l'Université de Montréal, vous aviez
parlé de la nature de la politique linguistique qui conviendrait au
Canada. Vous aviez parlé de l'idée d'une asymétrie—une politique
où, et je cite «la meilleure solution consisterait à céder
unilatéralement à la seule assemblée législative du Québec des
pouvoirs en matière linguistique». Je me demande si vous estimez
toujours qu'il s'agit d'une mesure ou d'une politique appropriée,
ou si vous pensez maintenant qu'une autre politique conviendrait
davantage, une politique plus symétrique.
M. Stéphane Dion: Je ne pense plus ainsi, parce que j'en sais maintenant davantage. En fait, à l'époque le débat au sujet de l'accord du lac Meech portait sur la relation entre la Charte et la reconnaissance du Québec en tant que société distincte. Nous en savons plus maintenant, surtout parce qu'un ancien juge en chef a dit qu'en fait la Charte s'appliquerait. De plus, aujourd'hui, les juges tiennent compte de la réalité de la société québécoise. Il est faux de dire qu'ils rendent des décisions sans tenir compte du fait qu'au sein de la société québécoise les anglophones ont besoin de protection et les francophones aussi. Le jugement rendu en matière d'affichage commercial en est un bon exemple. Vous savez, en Ontario, venir dire que l'anglais doit être présent dans l'affichage commercial... Mais il est tout à fait censé de le dire au Québec. C'est ce que les juges ont fait.
Compte tenu donc de toute cette information dont nous disposons maintenant, je ne dirai plus maintenant des choses que j'ai dites à l'époque. Je ne pense pas que votre parti me le reprochera, puisque vous aussi vous avez changé d'avis.
Le coprésident(M. Mauril Bélanger): Merci.
Sénatrice Fraser.
[Français]
La sénatrice Joan Fraser (De Lorimier, Lib.): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Monsieur le ministre, votre exposé était très intéressant et contenait beaucoup d'informations. Vous ne serez peut-être pas étonné d'apprendre que je m'intéresse surtout aux éléments qui concernent les anglophones du Québec.
Je remarque, par exemple, dans les dossiers d'actualité, à la troisième page avant la fin, qu'on mentionne CPAC, Air Canada, l'hôpital Montfort et le bilinguisme à la ville d'Ottawa. Ce sont toutes des questions très importantes, et mes collègues m'ont entendu en discuter à satiété je pense. Toutefois il y a toute une foule de questions qui se posent pour les anglophones du Québec et qui, je pense, méritent effectivement de retenir l'attention de votre ministère, et vous n'en avez mentionné qu'une.
J'étais heureuse de vous entendre mentionner le problème de la sous-représentation des anglophones dans la fonction publique fédérale au Québec, et j'espère que votre groupe mixte va vraiment faire progresser les choses. Toutefois nous avons aussi des difficultés en ce qui concerne le bilinguisme dans les municipalités, comme vous le savez. Le gouvernement du Québec vient de faire disparaître des municipalités bilingues. S'il en reste une, elle doit avoir la taille d'un timbre-poste. Toutes les grandes municipalités bilingues sont choses du passé. Je ne sais pas si le gouvernement du Canada a pris le peine de le relever.
Le régime des soins de santé ne connaît aucun répit. Vous savez, j'en suis certain, que dans le rapport Larose, par exemple, on mentionne qu'on ne devrait accorder aucune garantie concernant de nouveaux services en langue anglaise; on devrait tout simplement s'en remettre à l'aimable bienveillance des responsables du CNTU/CSN. Pourtant malgré de multiples propositions présentées par des membres du comité, et d'autres aussi je crois, je ne pense pas que le gouvernement du Canada ait jamais utilisé le maintien ou la création de services de santé dans la langue de la minorité comme un atout dans la négociation alors qu'il verse des milliards de dollars aux provinces pour qu'elles améliorent les services de santé.
Dans votre liste de priorités, à quel rang se situe la population anglophone du Québec et ses préoccupations, et que pouvez faire au sujet des questions précises que je soulève ici?
M. Stéphane Dion: Nous faisons beaucoup de choses pour la minorité de langue anglaise. Quand j'ai accordé les 50 p. 100 au titre des dépenses en matière de culture au Québec, c'était aussi pour l'Université McGill et toutes les institutions anglophones. Dans une fédération aussi décentralisée que l'est le Canada, la marge de manoeuvre est limitée. Nous n'avons jamais empêcher une fusion au Canada, ni à l'extérieur du Québec ni au Québec.
• 1620
Nous sommes de simples observateurs en ce qui concerne
l'affaire dont les tribunaux sont saisis en matière de fusions, je
ne vais donc pas me prononcer. Vous comprendrez pourquoi.
La sénatrice Joan Fraser: Vous agissez comme intervenants?
M. Stéphane Dion: Nous sommes des observateurs.
La sénatrice Joan Fraser: Seulement des observateurs.
M. Stéphane Dion: Oui.
La sénatrice Joan Fraser: La commissaire aux langues officielles est une intervenante.
M. Stéphane Dion: Oui, elle est une intervenante. Vous m'avez peut-être entendu expliquer, quand la question a été posée à la Chambre, pourquoi il en est ainsi. C'est elle qui en a décidé ainsi. Elle ne fait pas partie du gouvernement, comme vous le savez.
Nous, nous sommes des observateurs. Il m'est difficile de me prononcer parce que l'affaire est devant les tribunaux, mais cela montre les moyens d'action limités, selon la Constitution, dont dispose le gouvernement du Canada en cas de fusion contrairement à la volonté d'un gouvernement provincial. Ce n'est pas le cas dans les fédérations minoritaires, mais c'est le cas ici, en raison d'un lien solide avec le pouvoir provincial.
En ce qui concerne les soins de santé, ni dans le cas des Canadiens francophones hors Québec ni des Canadiens anglophones au Québec, n'avons-nous fait de la langue une condition des transferts aux provinces. Il existe cinq conditions qui sont en fait les principes moraux concernant... pour nous assurer de ne pas doter le Canada d'un système américain. La langue n'en fait pas partie.
La sénatrice Joan Fraser: Pourquoi pas?
M. Stéphane Dion: Pourquoi pas? Elle n'en fait pas partie, et dans aucun cas.
La sénatrice Joan Fraser: Vous étiez l'un des négociateurs l'année dernière quand ce très gros ce montant très imposant a été versé.
M. Stéphane Dion: Le principal transfert par lequel des fonds sont versés aux provinces et le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), ou les paiements de péréquation. Ces derniers ne comportent aucune condition. Nous sommes d'accord là-dessus. Pour le Transfert social canadien, certaines conditions s'inspirent davantage de principes moraux que celles qu'on trouve aux États-Unis, ou en Allemagne, ou en Suisse lorsque le gouvernement fédéral verse des fonds. Si bien que dans une fédération décentralisée, c'est ainsi que les choses se passent. Pour modifier le Transfert social canadien, pour ajouter une condition, il faut le consentement des provinces. La loi portant création du Transfert social canadien le stipule. Il est déjà assez difficile de s'entendre avec les provinces sur un régime de soins de santé. La dernière fois, nous n'avons pas jugé réaliste d'envisager de négocier cet aspect du Transfert social canadien.
Cela dit, nous sommes en train de revoir, comme vous le savez, l'incidence en matière linguistique d'une cession à une tierce partie. Mme Robillard nous fera part dans les semaines qui viennent des directives auxquelles s'en tiendra le gouvernement du Canada pour s'assurer que, par exemple, quand ont confie la formation de la main-d'oeuvre aux provinces, les minorités soient protégées. Soit dit en passant, cela ne concerne pas que les provinces. C'est également vrai pour le secteur privé.
Je sais que votre comité est très préoccupé par cet aspect de la question, et nous sommes en train de l'examiner. Mme Robillard nous fera part très bientôt d'un document qui sera très encourageant.
La sénatrice Joan Fraser: Puis-je suggérer que vous remettiez à l'ordre du jour la question de la langue de la minorité en matière de soins de santé. Je comprends que cela pose des difficultés sur le plan juridique, mais c'est une question essentielle non pas seulement les québécois anglophones mais aussi pour les francophones du Québec. Elle touche la survivance même d'une collectivité.
M. Stéphane Dion: Oui.
La sénatrice Joan Fraser: Je ne vois pas de question plus pressante.
Enfin, vous dites que le problème au Québec a été l'exode des anglophones, et qu'à ce propos il n'y a pas grand-chose que les gouvernements puissent faire. Je pense au contraire que les gouvernements peuvent beaucoup faire à ce propos, tant positivement que négativement. Que vos analystes se remettent donc à l'oeuvre!
Le coprésident(M. Mauril Bélanger): Merci, sénatrice.
[Français]
Monsieur Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur Dion, bonjour.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Vous avez sept minutes.
M. Benoît Sauvageau: Bon. Merveilleux.
Je vous souhaite, ainsi qu'à vos collaborateurs, la bienvenue parmi nous. Je suis heureux que vous vous présentiez pour la première fois devant le comité, et j'ose espérer, comme vous l'avez dit, que vous allez revenir à de nombreuses reprises.
On est venus près de se rencontrer le 23 juin, lors de la réunion de la conférence annuelle de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, mais on s'est manqués à ce moment-là.
Votre présentation a été correcte, mais puisque vous avez été nommé le 25 avril dernier, il y a de cela près de six mois, j'aurais aimé avoir une présentation en deux temps. Oui, il y a ce diagnostic qu'on doit poser, mais lorsque vous avez été nommé, le premier ministre a dit: «Il aura notamment pour tâche de formuler un nouveau cadre d'action pour renforcer le programme des langues officielles.» À ce rythme-là, ça ne va pas bien vite. On diagnostique, mais à un moment donné, il faut arrêter la réalité. Donc, je m'attendais à ce que vous nous présentiez un programme ayant des objectifs plus clairs. La clarté étant un mot important pour vous, j'aurais apprécié ça.
• 1625
En ce qui a trait aux tableaux que vous nous avez
montrés,
selon moi, il en manque quatre. Il en
manque plusieurs, mais disons qu'il en manque quatre
principaux. Je vais ensuite poser mes
questions.
En ce qui concerne les postes bilingues, c'est un fait, mais il y a aussi, selon un rapport du Conseil du Trésor, un chiffre qui dit que dans l'ensemble des ministères, le nombre d'employés à temps plein ayant une responsabilité au niveau des langues officielles a chuté de 50 p. 100 en cinq ans. C'est un tableau que vous avez oublié de nous montrer, comme celui du budget de la commissaire aux langues officielles, qui a été réduit de 28 p. 100 depuis 1992-1993. Il y a peut-être aussi le tableau sur la population ayant le français comme langue d'usage en Ontario, qui a reculé de 13 p. 100 depuis 1971. Vous avez parlé des autres problèmes comme l'hôpital Montfort, Air Canada, etc.
Cela étant dit, depuis le 25 avril, combien de personnes sont affectées, au sein de votre ministère, à la promotion et au respect de la Loi sur les langues officielles? Combien d'argent nouveau avez-vous dans votre ministère?
Également, on sait qu'il y a 27 institutions fédérales sur 200 qui consultent les minorités francophones et qui déposent un rapport à la Chambre des communes. Ce n'est quand même pas un grand nombre. Est-ce que, contrairement à cette grande majorité d'institutions, vous prévoyez déposer un rapport annuel et venir rencontrer notre comité chaque année, de façon statutaire, pour nous rendre compte de l'excellent travail que vous ferez à ce niveau-là?
Et puisque vous n'avez pas terminé les devoirs que le premier ministre vous a demandé de faire, soit de formuler un cadre d'action pour renforcer le programme des langues officielles, à quel moment entendez-vous déposer ce cadre, avec des objectifs qui, nous le souhaitons tous, seront très clairs? Vous avez demandé des exemples concrets. Je peux vous dire tout de suite que dans un des diagnostics, tous les intervenants, sans exception, ont affirmé que la Loi sur les langues officielles n'était pas assez coercitive. Dans le plan d'action que vous déposerez, prévoyez-vous la rendre plus coercitive?
Si j'en ai le temps, je poserai d'autres questions. Je vous remercie, monsieur le président.
M. Stéphane Dion: Merci. Vous avez nommé trois tableaux que j'aurais pu ajouter. Il y en aurait bien d'autres, en effet. J'ai essayé de présenter les tendances lourdes. Je note que vous n'avez rien vu d'inexact dans ce que j'ai dit. On aurait pu ajouter bien d'autres choses, en effet.
En ce qui concerne mon équipe, aux Affaires intergouvernementales, on a la crème et on n'est donc pas très nombreux. C'est une petite équipe dans tous les domaines. Les professionnels, abstraction faite du personnel de soutien, sont peut-être une cinquantaine; peut-être un peu plus, mais pas beaucoup. Pour ce qui est de l'affectation aux langues officielles, on est six collaborateurs à travailler aux langues officielles. Je ne compte pas remettre de rapport annuel parce que je suis un groupe de liaison au sein de l'exécutif, rien de plus. Par contre, je compte revoir tout, y compris, si besoin est, la loi elle-même.
M. Benoît Sauvageau: Si vous êtes le ministre responsable en matière de langues officielles, que vous n'avez pas de budget nouveau, que vous n'avez pas de personnel nouveau, que vous n'avez pas l'intention de déposer de rapport sur le travail que vous allez faire, quelle est votre tâche, à part d'être le symbole d'une réponse à la commissaire aux langues officielles?
M. Stéphane Dion: On pourra m'accuser de bien des choses, mais pas d'être un symbole ou de n'être qu'un symbole. Écoutez, je ne suis pas le ministre...
M. Benoît Sauvageau: Ne prenez pas cela personnellement.
M. Stéphane Dion: Non, non. Je ne suis pas le ministre des langues officielles. Je suis le ministre responsable de la coordination au sein du gouvernement. Mme Copps, Mme Robillard et Mme McLellan gardent toutes leurs responsabilités. Je m'assure que le lien entre tous ces ministères sera plus efficace et qu'on accouchera d'un plan d'action plus cohérent et plus efficace pour les minorités de langue officielle au pays.
M. Benoît Sauvageau: Quand?
M. Stéphane Dion: Eh bien, c'est un travail qui progresse. On a commencé notre travail au printemps et on l'a continué à l'été. À l'automne, on devra discuter au sein de l'exécutif comme tel, c'est-à-dire aux différents comités et au Conseil des ministres. On aura certainement l'occasion de revenir devant ce comité pour parler davantage du plan d'action. Aujourd'hui, on est à l'étape du diagnostic avec vous, mais on continue de travailler sur le plan d'action au sein de l'exécutif.
M. Benoît Sauvageau: Ne trouvez-vous pas que six mois plus tard, on aurait dû avoir, à tout le moins, un début de cadre d'action clair pour renforcer le programme des langues officielles? Également, ne trouvez-vous pas que ce serait un minimum que de venir déposer votre rapport de coordination une fois par année devant le comité?
M. Stéphane Dion: Une fois par année devant le comité? Je ne sais pas pour combien de temps le premier ministre estimera qu'il sera nécessaire d'avoir ce groupe de liaison. C'est au sein de l'exécutif. Ça n'a pas d'existence législative. En ce qui concerne le rythme de notre travail, eh bien, on va bien travailler, on va prendre le temps qu'il faut et on aura de bons résultats.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, monsieur Sauvageau.
Sénateur Gauthier.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Merci, monsieur le président.
Ça va assez bien jusqu'à maintenant. Il y a eu de bonnes questions. Je n'ai pas parlé des réponses; j'ai parlé des questions. Je voudrais vous ramener sur le plancher des vaches, comme on dit chez nous.
La commissaire aux langues officielles dépose un rapport annuel qui est étudié par ce comité-ci. J'imagine que vous l'avez lu. Il y en aura un autre le 25 septembre. Mme Adam va déposer son rapport annuel mardi prochain.
Dans son rapport annuel de 1999-2000, elle a été assez sévère. Elle disait qu'il y avait une érosion cumulative des droits linguistiques. Mme Adam a lancé un cri d'alarme. C'était assez clair, du moins pour nous. Elle disait que le gouvernement manquait d'engagement, de résolution ferme, qu'il n'y avait pas de plan d'action. M. Sauvageau a demandé s'il y en avait un. Je n'ai pas très bien compris la réponse, parce que je dois interpréter ce que j'entends.
Si j'ai bien compris, monsieur le ministre, vous avez un mandat spécifique du premier ministre: mettre en place ou du moins élaborer de nouvelles mesures énergiques à l'appui des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire. Est-ce que je me trompe jusqu'à maintenant? C'est ça?
M. Stéphane Dion: Je dois aider le gouvernement à trouver de bonnes stratégies dans ce domaine.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je vous ai rencontré une fois en avril dernier et je vous ai parlé des problèmes de la francophonie hors Québec. J'ai soumis une liste d'à peu près 13 choses que je considérais importantes, et vous en avez soulevé quelques-unes aujourd'hui. Il y en a qui, je pense, sont assez simples à régler; il s'agit d'avoir la volonté politique de le faire. Pour d'autres, c'est plus compliqué. Oubliez Montfort: les tribunaux s'en occupent et on va gagner, nous, les Franco-Ontariens.
Quant à Ottawa, la capitale du pays, d'après moi, ce ne serait pas compliqué s'il y avait une volonté politique d'apporter un amendement à l'article 16 de notre Constitution. L'article 16 est le seul article qui fait allusion à une municipalité du Canada: Ottawa, la capitale ou le siège du gouvernement.
Je ne suis ni un constitutionnaliste—il y en a ici—ni un avocat, mais je pense qu'il y a moyen d'apporter des amendements pour faire en sorte que la capitale du pays reflète la réalité du pays, les deux langues officielles, la dualité linguistique.
Avez-vous pensé à des possibilités d'amendements et, si oui, est-ce que vous pourriez venir nous en parler d'ici quelque temps?
M. Stéphane Dion: Vous pouvez être sûr, sénateur, que si on a dérivé à ce point, le gouvernement du Canada agira en toute clarté et viendra en parler, notamment à ce comité. Mais j'espère qu'on n'arrivera jamais là. Actuellement, l'opposition officielle à Queen's Park, si je ne me trompe pas, est en train de mettre en plan un projet de loi privé porté par un député. La résolution du maire de la municipalité d'Ottawa était adressée à l'Assemblée législative de l'Ontario et pas au gouvernement ontarien. Alors, nous, nous attendons la réponse de l'Assemblée législative de l'Ontario, et nous ne pouvons pas concevoir que le gouvernement ontarien ne change pas d'avis.
• 1635
Sa position est tellement intenable. Sa position
originelle c'était de dire: «Nous n'imposerons rien à la
municipalité.» S'ils n'imposent rien à la municipalité,
pourquoi leur disent-ils non? La municipalité leur
demande d'amender la loi pour reconnaître leur
initiative en matière de bilinguisme dans la ville
d'Ottawa. Ce n'est pas grand-chose.
Ce n'est pas très difficile
de le faire et on s'attend à ce que le gouvernement
ontarien le fasse et qu'il revoie sa position.
Ce que je vous dis aujourd'hui, on a eu l'occasion
de le dire directement au gouvernement ontarien.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Monsieur le ministre, en Ontario, aucune municipalité ne peut se déclarer officiellement bilingue.
M. Stéphane Dion: D'accord.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Seule la province peut le faire. Ottawa, la capitale de mon pays, devrait, d'après moi—cela se tient, c'est logique—refléter la réalité canadienne, la dualité. Ce n'est pas une responsabilité provinciale, c'est une responsabilité fédérale, d'après moi. Si, et je dis bien un gros «si», la volonté politique était là, je suis certain que vous auriez l'appui des provinces, d'au moins sept d'entre elles, et de 50 p. 100 de la population pour apporter un amendement constitutionnel pour faire en sorte que la capitale du pays reflète la réalité canadienne, la dualité. En tout cas, je connais la situation et je sais qu'il y a un problème, mais ce n'est pas l'opposition officielle à Toronto qui va régler ce problème. Ils ont une résolution. Cela ne réglera rien, ce sont des voeux pieux. Ça prend un projet de loi et, après cela, il faut qu'ils viennent vous voir pour amender la Constitution. Ils ne feront jamais ce que M. Harris a dit, que jamais ils ne déclareraient Ottawa une ville officiellement—et je souligne le mot «officiellement»—bilingue. Je ne suis pas d'accord avec M. Harris, mais qu'importe.
Le gouvernement fédéral, pour en venir à une autre question, doit bientôt approuver sa nouvelle politique de transformation gouvernementale. Je ne sais pas si vous êtes au courant. J'ai le titre ici, cette politique s'intitule: Diversification des modes de prestation de services. Êtes-vous au courant de cela?
M. Stéphane Dion: Oui.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: On a eu des problèmes avec certaines mesures fédérales, surtout en ce qui a trait au transfert des obligations aux provinces. Les deux langues officielles ne sont pas respectées. Vous vous souviendrez de la fameuse Loi sur les contraventions pour laquelle on est allés devant les tribunaux, et on a gagné. Êtes-vous en mesure aujourd'hui de nous assurer, monsieur le ministre, qu'il va y avoir une coordination de votre part pour assurer que les droits linguistiques vont être respectés dans toute entente, dans toute politique sur la diversification des modes de prestation des services fédéraux?
M. Stéphane Dion: Premièrement, sur Ottawa, ville bilingue, j'aimerais expliquer que le gouvernement du Canada estime qu'il est important que la solution vienne de la communauté elle-même plutôt que d'être imposée par le gouvernement du Canada, parce que sur le terrain, ça se passera mieux. On sait tous que si les gens d'Ottawa ont le sentiment que c'est leur politique, une politique qu'ils se sont donnée, ça se passera mieux sur le terrain que si c'est le gouvernement fédéral qui en décide. C'est ce qui s'est produit. On doit féliciter le conseil municipal d'être arrivé avec cette politique.
Nous pensons aussi que ça ira mieux si le gouvernement de la province l'entérine et modifie sa loi en conséquence. Ça ira mieux si c'est le Parlement de la province qui le fait que si c'est le Parlement canadien qui passe par-dessus le Parlement provincial. C'est la même logique. C'est pourquoi on ne se précipite pas pour agir. Mais tout le monde sait où on loge là-dessus. Il est évident qu'il y a de gros avantages pour Ottawa à être la capitale du Canada, de très gros avantages. Viennent aussi, avec cela, des devoirs. Un des devoirs, c'est de refléter la réalité bilingue du pays. Ce n'est pas beaucoup demander. Le maire d'Ottawa est tout à fait d'accord. On s'étonne que le premier ministre de l'Ontario ne le soit pas, et on espère qu'il va changer d'avis.
En ce qui concerne l'autre aspect de votre question, comme j'ai déjà eu l'occasion d'y répondre, monsieur le sénateur, je dirai que Mme Robillard devrait bientôt annoncer une politique à cet effet qui, à mon avis, devrait être très bien reçue par votre comité.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci. Merci, monsieur le sénateur.
Monsieur Godin.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président.
Premièrement, j'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre à notre réunion du Comité mixte permanent des langues officielles. Je regardais les commentaires et le document que vous avez présentés. Je suis un peu déçu et je dois dire, au départ, que je ne pense pas être le genre de personne à aller derrière l'arbre pour dire ce que j'ai à dire. Je vais vous le dire directement.
Quand je regarde ce document-ci, à la page 24, on y lit: «Appui à la culture au Québec». Alors, qu'advient-il du reste du Canada? Moi, je suis un francophone du Nouveau-Brunswick. On utilise l'expression «francophone hors Québec». Non, moi, je suis un francophone canadien. J'ai un document ici qui vient de vous, monsieur le ministre, dans lequel on parle de la culture au Québec, où il y a 52 p. 100 des dépenses qui viennent du fédéral.
• 1640
Chez nous, la SAANB a été obligée de fermer son
bureau parce qu'elle n'a pas assez d'argent pour être
capable de mener son bureau et de faire des pressions.
J'ai entendu dire que samedi, vous serez chez nous,
à la réunion annuelle de la SAANB, qui est un groupe
vraiment important pour la culture francophone
chez nous. On sait le travail qu'elle a fait. Or,
on arrive ici avec une présentation qui vient nous parler
de l'appui à la culture au Québec. Ça me fait penser
à Patrimoine Canada qui dépense plus de 80 p. 100
des fonds pour la Fête du Canada au Québec alors que
nous, nous sommes obligés de nous battre pour avoir
1 000 $ à Caraquet.
Quand je regarde cela, ça me fait de la peine dans un sens, parce que moi, comme francophone chez moi, je devrais être respecté comme tel. Je trouve que votre document ne reflète pas ça. En disant ça, je pense que c'est là qu'est tout le problème. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Pourquoi vos fonctionnaires ont-ils écrit un document comme celui que vous nous présentez en parlant des dépenses faites au Québec? C'est comme si vous reconnaissiez qu'on a un Canada anglais et un Canada français, le Canada anglais étant tout ce qui est en dehors du Québec. Je n'aime pas la manière dont le document est fait. Il est à souhaiter que dans le futur, ça reflétera mon opinion, la façon dont je me sens. Je n'aime pas me faire dire que je suis un francophone hors Québec quand le gouvernement parle de ça. Je suis un francophone du Canada, et je devrais être respecté au Canada autant que n'importe qui d'autre. Je pense qu'on parle trop de cela. Je suis franc avec vous. Je vous dis carrément ce que je pense.
Deuxièmement, c'est à vous, en vertu de votre nouvelle responsabilité, de coordonner chacun des ministères. Encore aujourd'hui, monsieur Dion, il y a des gens qui téléphonent à des ministères du gouvernement. Je comprends que si on veut le service en anglais, on appuie sur le 1, et si on veut le service en français, c'est le 2. Mais après cela, quand on monte la chaîne téléphonique, si on ne peut pas rejoindre quelqu'un, on nous retourne de nouveau au service en anglais.
J'ai déjà rapporté cela à plusieurs occasions, surtout à Développement des ressources humaines, à qui j'ai souvent affaire. Ils ne sont même pas capables d'organiser leur système téléphonique pour nous donner, avec la technologie d'aujourd'hui, un agent qui va nous parler dans notre langue. J'en suis certain, parce que j'en ai fait l'expérience du côté des francophones, que les anglophones ont le même problème. S'ils appuient sur les boutons, ils peuvent se retrouver avec quelqu'un d'autre.
Par exemple, j'ai essayé de rejoindre un service en français à Développement des ressources humaines et je me suis retrouvé à Brampton, en Ontario. Ensuite, je me suis retrouvé à Toronto. Vous vous en rappellerez, j'avais soulevé cela en comité. Un des points que je trouve inacceptables en 2001, c'est que le gouvernement du Canada, qui accepte les langues officielles et qui veut les faire respecter, ne soit même pas capable de le faire dans ses propres ministères. Je pense que vous devriez faire un nettoyage dans les services de chaque ministère. Au moins, ça donnerait l'exemple.
Il y a autre chose. Au printemps, vous aviez dit que vous ne toléreriez pas qu'Air Canada ne respecte pas les langues officielles au Canada. En juillet 2000, Air Canada était assujettie à la Loi sur les langues officielles. Encore le 23 août, je voyageais entre Bathurst et London, en Ontario, pour les Jeux du Canada. Je pense qu'à Montréal, il y a au moins 5 p. 100 de francophones. Or, j'ai pris l'avion et c'était un anglophone qui était de service à Air Alliance, qui est supposée être assujettie à la Loi sur les langues officielles.
Air Canada, c'était un sujet vraiment important quand on l'a abordé ici, en comité. On a eu plusieurs discussions, mais ça ne change pas. Alors, quelle sera la pénalité imposée à Air Canada si elle ne veut pas respecter la loi? Il ne suffit pas d'avoir des excuses et des excuses. Je peux peut-être comprendre pareille situation entre Toronto et London, comprendre qu'on essaie de s'ajuster, mais sur un vol Montréal-Toronto, j'ai de la misère.
Au Nouveau-Brunswick, une province officiellement bilingue, la GRC, qui est une institution fédérale, soulève encore la question du problème du bilinguisme. Mme Fraser parlait tout à l'heure de la santé. On est encore en train de se battre pour l'hôpital Montfort, pour que les gens puissent avoir un hôpital francophone ici en Ontario. Chez nous, c'est la même chose, bien que ma province soit officiellement bilingue. Miramichi a aussi son problème.
• 1645
Je pense que le gouvernement fédéral a
un rôle à jouer, puisqu'il y a de l'argent qui vient
du fédéral. Il a un rôle à jouer pour qu'on soit capable de
donner les services dans les deux langues.
J'aimerais avoir des réactions à certaines des inquiétudes que j'ai ou à ce que je vois. Surtout, comme je le disais, quelle sorte de soutien le gouvernement fédéral peut-il donner aux francophones du Nouveau-Brunswick, pour qu'un groupe comme la SAANB soit capable de faire son travail de la même manière que le groupe de Montréal qui représente les anglophones? Je ne citerai pas de chiffres, mais je suis certain que le budget de ce groupe de Montréal est bien plus important que le nôtre. Je ne pense pas qu'il ferme ses bureaux l'été parce qu'il n'a plus d'argent. Alors, qu'est-ce que le gouvernement fait pour nous aider?
M. Stéphane Dion: Merci, cher collègue. Vous demandez pourquoi mes fonctionnaires ont préparé ce document. C'est parce que je le leur ai demandé. Ils ne font jamais quoi que ce soit sans que je le leur demande. Leur rôle est de me servir, et c'est donc mon document.
M. Yvon Godin: Excusez-moi. Je n'ai pas demandé pourquoi ils l'avaient fait. J'ai demandé pourquoi ils l'avaient fait comme ça.
M. Stéphane Dion: Parce que je le leur ai demandé.
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Yvon Godin: ...
M. Stéphane Dion: Excusez-moi. Je pense que c'est un bon document. Je suis déçu que vous ne l'aimiez pas, mais je n'ai rien noté dans vos propos qui m'amène à penser que j'ai commis des erreurs ou que j'ai identifié les mauvaises cibles. Je ne vous ai pas donné de plan d'action et je ne vous en ai pas promis un aujourd'hui non plus, mais j'ai donné de bonnes indications quant aux priorités du gouvernement dans les circonstances, compte tenu des tendances lourdes auxquelles nous faisons face. Je suis sûr qu'après réflexion, vous y verrez en effet matière à réflexion.
Sur la question du tableau portant sur la culture au Québec, pourquoi ai-je choisi cette province? Parce que c'est la seule province où il y a deux minorités. Les anglophones du Nouveau-Brunswick ne sont pas minoritaires. Je pourrais vous donner le pourcentage des dépenses culturelles du gouvernement fédéral au Nouveau-Brunswick par rapport à celles du gouvernement de la province et à celles du gouvernement de la municipalité. Je soupçonne que cela doit être assez élevé. Je pourrais le faire. On pourra vous le trouver et vous le communiquer. Mais cet argent ne va pas entièrement à des minorités, parce que les anglophones du Nouveau-Brunswick ne sont pas minoritaires. Les francophones du Québec sont minoritaires, non pas au Québec, mais au Canada et en Amérique du Nord. Le gouvernement du Canada en est conscient et fait des politiques en conséquence pour aider tant les anglophones que les francophones du Québec. C'est pourquoi vous avez le tableau sur le Québec. Mais si vous voulez avoir de l'information spécifique sur les francophones du Nouveau-Brunswick et les Acadiens notamment, on pourra vous trouver cela. Je n'ai pas prétendu être exhaustif ici. J'aurais peut-être dû parler du Nouveau-Brunswick et des autres provinces, mais vous m'accordiez un temps limité.
En ce qui concerne la question de la prestation de services, vous avez noté que c'est loin d'être toujours exemplaire, et je crois l'avoir dit. Je crois avoir présenté un tableau, le tableau 20, qui le montre. Je n'ai pas essayé de cacher cette difficulté à laquelle nous faisons face et que la commissaire aux langues officielles a identifiée. Cela ne se réglera pas facilement, mais il faut qu'on ait des résultats. On est d'accord là-dessus.
En ce qui concerne Air Canada, un rapport intérimaire a été fait et on attend un rapport final. J'ai parlé à Air Canada depuis, non seulement publiquement, mais aussi directement. On jugera à partir d'un rapport final, mais déjà les messages sont passés.
Quant à la question de la santé et des normes qu'on pourrait ajouter, je vous renvoie à ce que je viens de dire à la sénatrice sur cette question. Il serait beaucoup plus efficace, je pense, de convaincre les provinces d'en faire plus sans avoir forcément à ajouter une nouvelle norme dans le Transfert social canadien, qui relève d'une loi qui ne peut pas être facilement modifiée sans l'accord des provinces.
M. Yvon Godin: Une dernière...
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Non.
M. Yvon Godin: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Monsieur Godin, vous avez pris sept minutes pour poser vos questions et le ministre a pris deux minutes et demie pour y répondre.
M. Yvon Godin: J'invoque le Règlement.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Allez-y.
M. Yvon Godin: Je veux corriger une chose. Je n'ai jamais dit que le document n'était pas correct. J'ai dit que je n'étais pas d'accord...
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci. J'ai compris.
M. Yvon Godin: Je suis d'accord sur le document, mais j'ai dit qu'il y avait une partie qui devait être corrigée.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): C'est noté. Merci.
Madame Thibeault.
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Monsieur le ministre, messieurs, je suis bien contente que vous me donniez l'occasion d'exprimer certaines de mes inquiétudes au sujet du bilinguisme au Canada.
Je pense que le bilinguisme au Canada devrait commencer ici, sur la Colline du Parlement. Depuis à peu près un an, j'ai de plus en plus de commentaires des gens de mon comté et des gens de mon bureau de comté, et d'autres députés du Québec m'ont fait les mêmes remarques.
• 1650
Il y a un glissement doux, mais
l'accumulation de petites
choses qu'on laisse passer comme ça
devient assez importante. Je ne vais pas
vous donner d'exemples pour ne pas mettre dans
l'embarras certaines personnes qui pourraient être
concernées, parce que, de toute évidence, ce n'est pas
leur faute.
Dans son rapport, Mme Adam dit bien qu'il y a un manque
d'engagement du gouvernement envers la mise en oeuvre
de la loi, et j'aimerais bien que cela commence ici,
sur la Colline du Parlement.
Il y a aussi le problème des services désignés bilingues dans d'autres provinces, au Québec ou ici. Le plus flagrant de ces services, c'est celui des douanes. Nous, les députés, passons souvent dans les aérogares. Encore la semaine dernière, j'étais à l'aéroport de Toronto. Il y a là une dizaine d'agents d'immigration. Il y a deux endroits où on affiche «Service bilingue», mais ces deux guichets sont fermés. Quand on rentre chez soi, ce n'est pas très intéressant d'être accueilli de cette façon.
Il y a évidement aussi tous les services des postes désignés bilingues. Si, dans un grand aéroport comme celui de Toronto, on ne se préoccupe pas de la situation et qu'on ne fait apparemment pas d'efforts pour corriger la situation, eh bien, oublions les autres provinces.
Ce sont les commentaires que je voulais faire.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.
Sénateur Rivest.
Le sénateur Jean-Claude Rivest (Stadacona, PC): Monsieur le ministre, bonjour.
M. Goldbloom, l'ancien commissaire aux langues officielles, avait évoqué, dans un de ses rapports, des taux d'assimilation d'une partie de la francophonie canadienne. Au Québec, pour ce qui est des francophones, l'assimilation était de zéro, mais on parlait de taux d'environ 70 p. 100 dans l'Ouest canadien et de 33 p. 100 même en Acadie. Par ailleurs, les données que vous nous fournissez sont très rassurantes. Je voudrais vous demander qui a raison. Est-ce qu'il faut s'alarmer ou se calmer? Vos statistiques sont rassurantes, mais celles qui avaient été fournies par l'ancien commissaire aux langues officielles et que d'autres porte-parole, dont la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, avaient reprises, montraient que la situation était extrêmement grave. Il ne semble pas y avoir tellement de problèmes d'après les chiffres que vous nous fournissez.
Deuxièmement, vous dites que les pouvoirs du gouvernement fédéral quant au maintien de la dualité et surtout des populations qui vivent en situation minoritaire sont quand même limités. Bien sûr, on peut fournir des services fédéraux. Il y a aussi la partie VII, à laquelle vous allez sûrement vous intéresser. Il y a tout l'aspect communautaire du soutien d'une communauté. La francophonie canadienne, ce n'est pas simplement des individus. C'est une communauté, et l'individu, pour conserver son identité culturelle et linguistique, a besoin de l'apport de la communauté.
Pour ce qui est des aspects communautaires, il y a la partie VII en vertu de laquelle le gouvernement canadien peut intervenir, bien sûr, mais une très large partie des fonctions gouvernementales proprement dites est du ressort des gouvernements des provinces. Est-ce que dans votre plan d'action... Il ne semble pas y avoir de volonté ou de préoccupation très angoissante chez le leadership politique provincial au Canada quant à la question de la dualité linguistique. Aucun des premiers ministres canadiens, sauf sans doute celui du Nouveau-Brunswick, qui est plus près de cette réalité-là, ne se fait le champion de la dualité. De plus, quand il est question de leurs propres responsabilités, ces premiers ministres ne semblent pas préoccupés par la question. Il n'y a pas de programmes.
• 1655
Dans votre plan d'action,
prévoyez-vous une action quelconque pour sensibiliser
l'ensemble du leadership politique canadien, non
seulement fédéral mais aussi provincial, au maintien
ou au renforcement de la dualité
linguistique canadienne?
M. Stéphane Dion: Merci beaucoup, sénateur. Comme je l'ai dit au tout début de ma présentation, je n'ai apporté ni des lunettes roses ni des lunettes noires. J'ai essayé de donner la situation exacte, telle que le gouvernement la voit, et les chiffres qui sont ici me semblent être les vrais chiffres. Cependant, ils ne sont pas rassurants parce que, si les tendances qu'on voit là ne s'améliorent pas, eh bien... Dès le premier tableau, nous faisons face à un déclin démographique. Il y a peu de chose qu'on puisse faire, à moins de fermer l'immigration au pays. Le pourcentage de nos immigrants qui, hors Québec, vont gonfler les rangs des francophones va rester faible, quoi qu'on fasse. Ça, on le sait. Mais il y a des améliorations possibles.
Quand je suis allé à Vancouver, il y avait là des Haïtiens qui ne savaient pas du tout où était la communauté francophone. Alors, il y a certainement du travail à faire. C'est pourquoi mon groupe de liaison doit y travailler. La ministre de l'Immigration y est. Il y a certainement des choses à faire pour améliorer les choses. Statistiquement, ça ne paraîtra pas beaucoup, mais dans la vie de tous les jours, ça va aider la communauté.
Étant donné qu'on fabrique moins de francophones hors Québec par les naissances, il faut en fabriquer par l'éducation. L'éducation permet aux francophones de garder leur langue et aux francophones qui épousent des anglophones de fabriquer des petits bilingues, et permet aussi aux parents anglophones de faire en sorte que leurs enfants de 17, 18 ou 19 ans soient bilingues. C'est possible, et il faut y mettre les efforts nécessaires en matière de qualité de l'enseignement, de programmes d'échange et de soutien aux communautés. Vous avez tout à fait raison, et c'est pourquoi il faut agir. Moi, je ne trouve pas que la situation est rassurante. Simplement, elle n'est pas décourageante. Si votre chiffre était exact, si on avait une assimilation de 65 p. 100, ce serait décourageant. Ce n'est pas le cas.
Le chiffre qui se rapproche le plus de ça se trouve au tableau 5 de la présentation. Chez les francophones de l'Ouest, qui parlent maintenant plus souvent le français à la maison, ce chiffre est de l'ordre de 33 p. 100: seulement un tiers d'entre eux parlent surtout français à la maison. Ça ne veut pas dire que les deux autres tiers ont perdu le français. Ça veut dire qu'ils ont très probablement épousé un ou une anglophone et que, si vous êtes à Calgary, vous parlez surtout l'anglais à la maison. Le véritable défi, c'est de s'assurer que le francophone du couple ne perde pas sa langue et la transmette à ses enfants.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Mais au total, il y a une érosion des francophones.
M. Stéphane Dion: Non, mais ce que je dis, c'est qu'il n'y a aucun levier qui permet au gouvernement de limiter cette tendance à l'exogamie, c'est-à-dire les mariages entre gens de langues différentes. D'abord, c'est une bonne chose. Deuxièmement, les gouvernements ne réglementent pas l'amour. C'est le choix des conjoints. Donc, on ne peut rien y faire, et la tendance est que ça augmente en raison de deux phénomènes. Il y a d'abord l'urbanisation. Les gens quittent leur communauté et vont dans les grandes villes, et le conjoint qu'ils rencontrent là... L'autre, c'est la sécularisation. La religion n'est plus un obstacle aux mariages entre catholiques et protestants. Il est très probable que les enfants des francophones hors Québec vont marier des anglophones.
À cet égard, nous avons une capacité d'action. Nous pouvons essayer de faire en sorte que ces couples exogames aient envie de transmettre leurs deux langues à leurs enfants, qu'ils y voient une valeur, qu'ils trouvent que c'est une bonne chose à faire et qu'ils aient les moyens de le faire, avec de bonnes écoles à proximité. Ça, c'est le point clé. Vous avez tout à fait raison de dire que ce n'est pas simplement une question individuelle. Si vous avez une communauté qui valorise ça, qui donne de l'appui, eh bien, ça va se faire mieux. On doit travailler à cela, et vous avez tout à fait raison de dire qu'on doit travailler avec les provinces.
Au sujet des provinces, il y a un facteur encourageant. Il y a maintenant une génération de parents d'enfants en immersion. L'épouse du premier ministre de Colombie-Britannique—j'espère que je ne révèle pas un secret, mais c'est connu—travaille dans une école d'immersion. J'ai rencontré le ministre des Finances du Manitoba; il parle très bien français et son épouse travaille dans une école d'immersion, ou ils mettent leurs enfants dans une école d'immersion. Il y a une culture qui se développe de ce côté-là et il ne faut pas la perdre. Il faut la renforcer. Il faut travailler avec le groupe Canadian Parents for French. Il faut s'assurer que la situation va s'améliorer parce que c'est un des facteurs clés de notre avenir. J'espère que ce n'est pas rassurant et j'espère que ce n'est pas décourageant.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: En ce qui concerne la partie VII de la Loi sur les langues officielles, il y a énormément de critiques, et avec raison, de l'action du gouvernement dans la mise en oeuvre de cette partie de la loi, qui touche justement la vie communautaire. Avez-vous quelques réflexions préliminaires à nous livrer là-dessus?
M. Stéphane Dion: Il y a certainement du travail à faire. Je ne rencontre jamais un groupe qui ne me demande pas un centre d'accueil, un centre culturel, etc. Les besoins sont vraiment très développés par rapport aux moyens que nous avons—Mme Copps vous en parlerait davantage—et on a réinvesti là-dedans. Faut-il le faire plus? Certainement. Mais comment le faire mieux? C'est une des choses que notre groupe de liaison examine. Mais les besoins sont énormes par rapport aux moyens dont nous disposons.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.
Monsieur Bellemare.
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir accepté le poste que vous occupez, parce que, comme Canadien français, j'ai bien confiance en vous. J'ai bien dit comme Canadien français et non pas comme francophone hors Québec. Lorsqu'on dit «hors Québec», cette expression-là me fait penser qu'on est soit à l'intérieur de la tente, soit à l'extérieur de la tente. Pour moi, la tente, c'est tout le Canada. Alors, comme Canadien français, j'ai bien confiance en vous.
Depuis 1988 que je suis député. Mon collègue et ami le sénateur Gauthier, lui, fait partie du Parlement depuis 1972, je crois, et on est un peu sur les mêmes ondes. Dans les statistiques, vous parlez de la langue maternelle, mais il y a aussi la langue au travail. J'ai l'impression, lorsqu'on établit la statistique sur les langues maternelles, que cela peut être erroné, qu'on peut donner une image plutôt négative et pire que la réalité. Combien de fois rencontre-t-on des anglophones qui parlent français?
Dans mon comté, il y a plusieurs familles bilingues, c'est-à-dire un francophone marié à une anglophone et vice versa. Souvent, selon la personnalité ou les circonstances, la famille est très francophone. À d'autres moments, elle est plus anglophone. Est-ce que vous avez l'intention de vérifier avec Statistique Canada afin de voir comment on pourrait améliorer l'enquête statistique sur les personnes qui parlent vraiment le français, peut-être à différents niveaux, dans la communauté canadienne au complet?
J'ai une autre question. Est-ce qu'on pourrait aussi trouver combien de gens parlent français au travail?
Votre rapport est une constatation. Depuis 1988, je suis membre du Comité des langues officielles, et chaque ministre a fait des rapports de statistiques. Si ce n'est pas le ministre, la plupart du temps, c'est la ou le responsable des langues officielles, c'est-à-dire le ou la commissaire, et pour un Canadien français, c'est toujours décourageant de voir des statistiques qui révèlent toujours un déclin. Ça empire, dirait-on, constamment.
Alors, je crois que le problème provient peut-être de la façon dont on fait les statistiques et du fait qu'on sépare le Québec du reste du Canada dans les statistiques. Cela justifie souvent certaines personnes mesquines de se servir de ces chiffres pour dire: «Vous ne valez plus rien ou de moins en moins. Vous n'en valez plus la peine et on n'a pas besoin de rien vous donner.»
J'imagine que vous allez passer à une deuxième étape après la constatation que vous avez faite et dont la plupart des députés Canadiens français étaient déjà au courant, même s'il leur manquait deux mots dans leur vocabulaire: «endogame» et «exogame». Comme un bon professeur, vous nous avez éduqué aujourd'hui.
On parle constamment des services fédéraux lorsqu'il s'agit de la question des langues. On parle d'éducation. On semble éviter ou hésiter à discuter des services de santé au Canada. Il y a l'éducation, les services fédéraux, mais les services de santé, tout le monde y a accès. Mais selon où vous demeurez, vous avez peut-être un problème d'accès à la santé. Même ici, à Ottawa, il y a des gens qui meurent dans l'autre langue officielle. C'est dommage que cela arrive dans un endroit comme Ottawa. Il y a un manque de services dans les deux langues. Croyez-vous qu'on devrait maintenant passer à des étapes où on parle d'autres services tels que les services de santé? J'aborde la question de la santé parce que je sais pertinemment que le fédéral envoie de l'argent aux différentes provinces.
• 1705
Je vais m'arrêter
pour vous donner la possibilité de faire des commentaires.
M. Stéphane Dion: Merci beaucoup. Sur le dernier point, avant de l'oublier, je dois dire que M. Rock est membre du groupe de liaison. Il a des initiatives touchant la santé en situation minoritaire, et je suppose qu'il serait très heureux d'en parler à votre comité.
Je suis un Canadien français. Si je parle des francophones hors Québec, c'est que je veux parler des francophones qui sont en situation doublement minoritaire, je dirais même triplement minoritaire. Ils sont minoritaires dans leur continent, ils sont minoritaires dans leur pays et ils sont minoritaires dans leur province. En tant que Canadien français du Québec, je suis minoritaire dans mon continent, je suis minoritaire dans mon pays et je suis majoritaire, linguistiquement parlant, dans ma province. J'ai un gouvernement provincial qui, à 82 p. 100, a été élu par des francophones. Ça me place dans une situation unique ou distincte. Appelez ça comme vous voulez.
L'anglophone hors Québec est un Canadien anglais ou un Canadien anglophone hors Québec. Il est triplement majoritaire, lui: dans son continent, dans son pays et dans sa province. Au Québec, il n'est que doublement majoritaire et une fois minoritaire dans sa province. Cela le place en situation unique ou distincte.
Donc, les francophones et les anglophones du Québec partagent une situation unique ou distincte, et le gouvernement du Canada ne peut pas ignorer cela, non plus que les tribunaux. Et nous-mêmes, quand on fait notre travail, quand il s'agit de savoir comment cibler les besoins de chacun, on ne peut pas ignorer cela. J'espère que quand je parle des francophones hors Québec, vous comprenez bien que j'ai besoin de cette catégorie pour savoir quelle politique je vais appliquer.
Je ne me considère pas moins un Canadien français que vous qui venez de l'Ontario. On est liés très profondément par cela. De la même façon, quand M. Godin a dit que je parlais du Québec et non pas du Nouveau-Brunswick, c'était pour cette raison. Est-ce que ça veut dire que le gouvernement du Canada trouve moins important de voir ce qu'on peut faire avec la situation acadienne, celle des francophones du Nouveau-Brunswick? Certainement pas. D'ailleurs, j'ai oublié de vous dire que samedi prochain, je parlerai devant la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick. Le discours que je vais livrer, c'est celui que je vous ai donné, mais avec des données adaptées à la situation du Nouveau-Brunswick. Ça me fera plaisir de vous le communiquer. Si vous êtes là, vous pourrez y assister directement. Voilà ce que je tenais à dire sur cette question.
Nous sommes tous des Canadiens français, mais nous sommes dans des situations différentes selon que nous sommes au Québec ou en Ontario. Les statistiques montrent même que la situation ontarienne ou celle des Acadiens du Nouveau-Brunswick n'est pas la même que celle des gens de l'Ouest. Ayant visité les différentes communautés de l'Ouest, je peux vous dire que le défi est plus grand en Saskatchewan qu'il peut l'être au Manitoba, où il y a une concentration quand même dans la région de Winnipeg, ou en Alberta, où on a plus de moyens. C'est une province plus riche, et même les francophones ont plus de moyens pour se donner des institutions comme la Faculté Saint-Jean, par exemple.
En Colombie-Britannique, il y a une francophonie assez spéciale qui s'est développée à Vancouver, qui n'est pas simplement faite de Canadiens français d'origine, mais aussi de francophones de partout au monde et qui s'organise de plus en plus. C'est assez fascinant de voir ce qui se passe là-bas.
Donc, chaque situation est assez spéciale, mais il y a quand même un gros clivage entre la situation des francophones au Québec et celle des francophones hors Québec, et le gouvernement du Canada doit en tenir compte.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, monsieur le ministre. Il ne faudrait peut-être pas oublier que nous pouvons également être minoritaires dans nos municipalités respectives.
Monsieur Rocheleau, vous avez un maximum de cinq minutes.
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, monsieur le président. Ça ne sera pas long.
J'ai une question à deux volets. Le premier porte sur une question de mon collègue Sauvageau à laquelle vous n'avez pas répondu, je crois. Il vous a demandé si vous comptiez rendre plus coercitive la Loi sur les langues officielles. On aimerait avoir une réponse claire.
Deuxièmement, on voudrait savoir comment vous conciliez le fait que le gouvernement fédéral finance Alliance Québec et son président, Brent Tyler, dans leurs attaques et leur agression systématiques envers la Charte de la langue française et dans leur volonté probable de l'abolir, et le fait que vous vous vouliez vous-même constitutionnaliser ladite Charte de la langue française du Québec? Cet argent, je suppose, provient de votre argent comme payeur de taxes au Québec et du peuple québécois, et il est utilisé pour combattre leur propre charte. Comment conciliez-vous cela?
M. Stéphane Dion: Déjà, la Cour suprême du Canada prend en compte la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Dans le fameux jugement sur l'affichage, qui date de 1988, la cour a dit que d'interdire les autres langues que le français dans l'affichage était contre la charte canadienne, mais aussi contre la charte québécoise. Donc, elle prend en compte cette charte. Cela fait partie de l'arsenal des réalités juridiques canadiennes.
En ce qui concerne Alliance Québec, le financement que nous donnons passe maintenant par un réseau qui achemine les montants qui reviennent à chaque organisme, et celui d'Alliance Québec a baissé. Ils n'en sont pas très contents d'ailleurs, mais c'est comme cela que ça se fait. Est-ce que je suis d'accord sur tout ce que fait Alliance Québec? Bien sûr que non, et c'est bien connu. Je ne suis pas forcément d'accord non plus sur tout ce qui se passe dans les communautés francophones hors Québec, mais je ne commencerai pas à rationner mon financement en fonction du fait que je suis en accord ou en désaccord. Ce ne serait certainement pas quelque chose de souhaitable et je ne crois pas que c'est ce que vous recommandez.
Touchant la réforme de la loi, j'ai répondu à votre collègue que tout était sur la table, y compris la loi. S'il faut la changer pour l'améliorer, j'en ferai la recommandation au Cabinet, sûrement.
M. Yves Rocheleau: Compte tenu qu'on aide financièrement Alliance Québec et ses objectifs, s'il y avait une demande hypothétique de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, par exemple, ou du Mouvement national des Québécois pour avoir de l'aide, des deniers fédéraux pour atteindre leurs objectifs, est-ce qu'on opposerait une fin de non-recevoir ou l'accueil serait-il plutôt favorable?
M. Stéphane Dion: Le gouvernement du Canada est résolu à choisir les meilleurs relais pour aider la cause du français au Québec.
M. Yves Rocheleau: Alors, on pourrait prendre pour acquis que le Mouvement national des Québécois et la Société Saint-Jean-Baptiste prennent la défense du français au Québec. Donc, ils pourraient avoir un accueil favorable? J'en prends bonne note.
M. Stéphane Dion: Si votre parti était au pouvoir, il pourrait établir une telle chose, mais ce n'est pas la lecture du gouvernement du Canada. Nous croyons que nous avons de meilleurs relais que ceux que vous avez mentionnés.
M. Yves Rocheleau: Là, vous portez des jugements.
M. Stéphane Dion: Je suis là pour ça.
M. Yves Rocheleau: En termes de montants en cause...
M. Benoît Sauvageau: Mais il n'en porte pas pour Alliance Québec.
M. Yves Rocheleau: C'est ça. Quand on parle d'Alliance Québec et de ses objectifs, est-ce que vous portez des jugements? Quels sont les montants en cause? Quand vous dites que cela a diminué, à leur désagrément, quels sont les montants en cause?
M. Stéphane Dion: Pour Alliance Québec, c'était un million de dollars et c'est rendu à 600, 000 $, si je ne me trompe pas. Mais ça, c'est l'arbitrage qui se passe. Je sais qu'en Ontario, il y a le même problème. Il y a de plus en plus de groupes de minorités qui réclament une part du montant, donc, il faut éviter qu'il y ait un émiettement. Ce sont des arbitrages qui sont parfois difficiles.
M. Yves Rocheleau: C'est dans cette veine-là, je suppose, quand on a parlé plus tôt du Mouvement national des Québécois et compagnie, que l'Action nationale n'est plus reconnue qu'en termes de reçus de charité. Je suppose que c'est là aussi une question d'objectif visé qui fait en sorte qu'on n'est plus reconnu par Revenu Canada. C'est la même cohérence.
M. Stéphane Dion: Je ne vous suis pas forcément, mais je voudrais en profiter pour insister sur le fait que pour le gouvernement du Canada, aider la cause du français au Québec est l'une des priorités. Je tiens à le mentionner parce que le rapport Larose a passé cela sous le silence et je me l'explique mal. On a joué, depuis très longtemps, un rôle puissant pour la cause du français au Québec. Les institutions fédérales canadiennes ont fortement aidé la cause du français au Québec, et on va continuer à le faire, et on est résolus à le faire.
Les seules choses concrètes que le rapport Larose nous a reprochées, c'est, premièrement, de ne pas nous effacer dans le domaine de l'immigration, de ne pas remettre au gouvernement du Québec toutes les responsabilités en matière d'immigration. Tout ce qui reste au gouvernement fédéral touchant la sélection des immigrants et l'intégration des immigrants au Québec, ce sont deux choses: les réfugiés et les réunifications de familles, qui sont régies par des normes internationales de toute façon.
En ce qui concerne les réfugiés, je n'ai pas compris ce qu'on reprochait au gouvernement du Canada. Est-ce que M. Larose propose de ne garder que les réfugiés qui parlent français? Bon. C'est absurde. En ce qui concerne les réunifications de familles, est-ce qu'il veut des critères plus sévères pour les non-francophones et plus ouverts pour les francophones? Ce serait aussi absurde. Donc, ce qu'il a passé sous silence, par contre, c'est que 35 p. 100, soit plus du tiers de l'enveloppe que le gouvernement fédéral consacre à l'intégration des immigrants, va au gouvernement du Québec, alors que le gouvernement du Québec n'accueille que 15 p. 100 des immigrants au Canada. Cela a été passé sous silence et je ne me l'explique pas.
La deuxième chose qu'on a reprochée au gouvernement du Canada, c'est, dans l'affichage, de ne pas faire en sorte que le français soit prédominant par rapport à l'anglais. Et on a présenté cela comme si c'était un manque de respect envers les Québécois.
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Tous les sondages que j'ai vus montrent que
les francophones du
Québec—même pas les anglophones—approuvent aux trois
quarts le fait que les deux langues aient un statut
égal dans l'affichage. Ils ont le droit de mettre
l'affichage prédominant en français. Cela a même
été reconnu par la Cour suprême. En tout cas, ma
lecture du jugement de la cour,
c'est ça. Mais il n'y a rien d'anti-Québécois à dire
que les deux langues sont égales dans l'affichage
fédéral. On ne voit pas pourquoi on dépenserait les
deniers publics pour changer toutes
nos affiches pour plaire à M. Larose.
Donc, il me semble que les critiques qui ont été faites envers le gouvernement du Canada sont relativement futiles, tandis que le côté positif de notre action, sous tous les gouvernements, a été passé sous silence, et ça, je ne me l'explique pas.
M. Yves Rocheleau: Monsieur le président...
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): C'est terminé maintenant.
M. Yves Rocheleau: Ce n'est pas un cadeau qu'on fait aux Québécois de toute façon. Ce sont nos impôts. Je voudrais savoir si ce que vous donnez à Alliance Québec est inclus dans les 52 p. 100 qui vont à l'appui à la culture au Québec.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Excusez-moi, mais en fait de question, c'est terminé. Vous reviendrez au troisième tour, s'il y en a un.
Vous me permettrez une petite question assez courte, monsieur le ministre, avant de passer la parole au sénateur Gauthier.
Un des dossiers sur lesquels s'est penché le comité lors de la session précédente, c'est la diffusion des travaux des chambres du Parlement dans les deux langues officielles partout au pays. Nous avons constaté qu'il y avait certaines difficultés, certaines restrictions budgétaires, légales, pratiques aussi. Nous avons constaté également que la décision semblait revenir au Bureau de régie interne, qui est une sorte de mélange de la volonté de la Chambre et des parlementaires, mais aussi de l'influence et de la volonté des dirigeants du gouvernement.
J'aimerais vous poser une question. Je ne sais pas si vous êtes en mesure d'y répondre, mais quelle est la volonté du gouvernement, de ses dirigeants, quant à cette question de la diffusion des travaux parlementaires dans les deux langues officielles du pays?
M. Stéphane Dion: Le gouvernement souhaiterait que ça se fasse. Il étudie les moyens pour que ça se fasse, les moyens technologiques qui sont disponibles. Nous avons pris note de la position de votre comité à cet effet qui, d'ailleurs, si je ne me trompe pas, s'adressait au CRTC et non pas au gouvernement. Le leader du gouvernement à la Chambre, M. Boudria, devrait faire connaître très bientôt notre réaction.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.
Sénateur Gauthier.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, j'ai trois questions. Premièrement, si j'ai bien compris, tout à l'heure, vous avez dit à M. Rocheleau que la Loi sur les langues officielles est sur la table. Ce comité a étudié l'article 41 pendant des mois, probablement des années. Vous le connaissez:
L'interprétation minimaliste—j'emploie ce terme—du ministère de la Justice, pour être généraliste... Tous les ministres que j'ai connus jusqu'à présent ont toujours utilisé la même définition de l'article 41 pour dire que le gouvernement ne s'est pas engagé, que ce sont des voeux pieux, que ce n'est qu'une résolution, qu'on va peut-être faire de la promotion ou de l'épanouissement. Je regrette, mais c'est une des raisons pour lesquelles les ministères ont perdu intérêt. Il n'y a pas de poigne dans notre Loi sur les langues officielles.
L'article 41, à la partie VII de la loi, est faible, mal interprété et nuisible actuellement, d'après moi. Est-ce que le gouvernement a l'intention de faire quelque chose pour améliorer la situation?
M. Stéphane Dion: Certainement que pour améliorer la situation concrète, l'engagement des ministères, leur leadership, le parrainage sur le terrain, on doit agir. On revoit cela de très près.
En ce qui concerne l'interprétation de l'article 41, à savoir s'il est exécutoire ou non, si le ministère de la Justice nous donne une interprétation, il est difficile pour le ministre des Affaires intergouvernementales de dire: «Non, les juristes du ministère de la Justice ont tort.» Donc, ce n'est pas à ce niveau-là que je conçois mon action. Je conçois mon action plutôt sur le terrain, pour m'assurer qu'il y a un leadership quelle que soit l'interprétation de l'article 41.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Je sais tout ça, mais il y a moyen d'amender la loi, monsieur le ministre, et vous le savez comme moi.
Deuxièmement, vous avez dit plus tôt que vous ne déposerez pas de rapport annuel. N'êtes-vous pas une institution fédérale, vous? N'êtes-vous pas l'une des 27 institutions qui doivent annuellement déposer un rapport sur leurs activités? Je vois M. Anderson qui dit «non».
M. Stéphane Dion: Non. Si vous parlez du ministère des Affaires intergouvernementales, nous appartenons au Bureau du Conseil Privé. Donc, c'est une institution qui relève vraiment du Conseil des ministres et de l'appui qu'on lui donne.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: Le Comité des sous-ministres responsable des langues officielles, le connaissez-vous? Est-ce que c'est vous qui présidez cela ou est-ce à vous qu'il fait rapport?
M. Stéphane Dion: C'est M. Anderson.
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est M. Anderson qui préside ce comité-là. Est-ce qu'on pourrait vous rencontrer quelque temps? Êtes-vous disponible pour venir nous parler ici, au comité?
M. George Anderson (sous-ministre, Affaires gouvernementales, Bureau du Conseil privé): Je n'ai pas d'objection à cet égard-là, mais nous appuyons le comité ministériel dans notre travail et je pense que, dans un sens, ce qui compte, c'est ce que font les ministres avec notre travail.
M. Stéphane Dion: Si vous êtes insatisfaits des sous-ministres, vous devez être insatisfaits des ministres, parce que c'est notre rôle de faire en sorte que les sous-ministres travaillent bien. C'est pour cela qu'on est élus.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Ça va?
Le sénateur Jean-Robert Gauthier: C'est bon.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): La sonnerie se fait entendre pour un vote qui sera tenu dans 12 minutes, si je ne m'abuse. Alors, donnons-nous 10 autres minutes. On a peut-être le temps pour deux autres interventions courtes. Je vais commencer par M. Godin et, ensuite, ce sera le sénateur Rivest. Après cela, ce sera terminé.
M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président. J'ai une courte question.
Durant votre présentation, monsieur le ministre, vous parliez des programmes d'échange, surtout entre les écoles d'immersion. Chez nous, par exemple, on l'appelle la Bathurst Middle School. Ils sont dans des classes d'immersion et ils seraient intéressés à faire des échanges. Je vais juste exposer le problème rapidement. Ils sont 141 à vouloir aller au Québec et à faire des échanges avec la Ville de Québec. Vous disiez plus tôt qu'il y avait des programmes, mais ça ne convient pas à un aussi gros nombre de personnes, sauf quand ils viennent ici, à Ottawa. Alors, prévoyez-vous, dans le futur, proposer des programmes qui pourraient s'ajuster à des groupes pareils? Je trouve que ce serait intéressant pour des écoles comme celle de Bathurst, où il y a 141 élèves, de tout organiser. Ce n'est pas qu'ils veulent que le gouvernement paye pour tout, mais au moins qu'il en paye une partie pour donner une chance au programme de marcher.
M. Stéphane Dion: Merci beaucoup. Je répondrez rapidement parce qu'on n'a plus que quelques minutes. Nous avons un pays qui est immense, des populations relativement clairsemées ou étalées. Ça coûte cher de voyager au Canada. Le climat nous amène à aller plutôt vers le sud quand arrivent les vacances. Vous avez la barrière de la langue. Il n'y a pas de service militaire obligatoire, et je ne propose pas qu'il y en ait un non plus, mais dans beaucoup de pays, c'est la façon par laquelle les jeunes apprennent à connaître leur pays. Tout cela milite pour un renforcement des programmes d'échange. Je suis tout à fait d'accord. D'ailleurs, c'est dans le troisième livre rouge. On a commencé à réinvestir là-dedans et il faut continuer, pour les raisons relatives au bilinguisme que je viens de mentionner, mais aussi pour un ensemble d'autres raisons et aussi parce que cela fait partie de la formation. Les jeunes qui ont eu cette formation reviennent généralement avec quelque chose de très enrichissant pour eux, qui va les marquer pour le restant de leur vie.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci.
Sénateur Rivest.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Monsieur le ministre, je discutais avec mon collègue M. Godin de votre définition des francophones hors Québec, parce que nos collègues francophones de l'Ontario n'aiment pas être identifiés par rapport au Québec. Moi, je ne suis pas un francophone hors Nouveau-Brunswick. Je comprends l'explication que vous avez donnée, mais c'est ça, je pense. Je ne suis pas un francophone hors Ontario.
M. Stéphane Dion: Peut-être qu'on trouvera, à un moment donné, un phénomène social qui justifiera une telle appellation.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Oui, c'est cela. J'ai appris dès le début, quand j'ai commencé ici, au Comité des langues officielles, que je ne dois pas dire francophone hors Québec.
Je reviens à la question soulevée par M. Gauthier sur l'article 41. Je pense que vous avez manifesté aujourd'hui votre volonté d'assumer le leadership auprès de la fonction publique, ce qui est la nature même du mandat que le premier ministre vous a confié. Mais quant au débat sur le caractère exécutoire ou non, vous allez inciter les ministères à assumer leur... Et un jour vous ne serez plus là et un autre sera moins dévoué à la tâche.
Le problème fondamental dont on a discuté à maintes reprises ici, c'est qu'il y a des avis juridiques. Est-ce que c'est exécutoire ou pas? On ne le sait pas. Quand vous dites que vous allez remettre la loi sur la table éventuellement, un des aspects fondamentaux, c'est de régler ce problème-là, à ce moment-là. En tout cas, c'est ce que je souhaite, et je pense bien que l'ensemble des membres du comité le souhaitent. Je pense que l'ensemble de ceux qui se préoccupent des droits minoritaires au Canada vont vous appuyer. Je souhaite vivement, comme d'autres, que vous le rendiez exécutoire et qu'on mette fin à cet imbroglio et que les ministères, à ce moment-là, agiront en conséquence. C'est ça qu'on veut.
M. Stéphane Dion: Je suis tout à fait d'accord de regarder les choses sous cet angle. Tout ce que je voulais dire, c'est que, entre-temps, on ne doit pas utiliser le fait qu'il n'est pas forcément exécutoire comme une excuse pour ne pas brasser certains ministères qui méritent de l'être.
Le coprésident (M. Mauril Bélanger): Merci, monsieur le ministre.
Membres du comité et collègues, nous tenterons de réunir le comité directeur mardi prochain, c'est-à-dire le 25, et mercredi prochain, nous accueillerons Mme Adam, commissaire aux langues officielles, au lendemain du dépôt de son rapport.
Il ne me reste, monsieur le ministre, qu'à vous remercier du sérieux de la présentation. Je crois comprendre, si j'ai bien suivi les discussions, que nous avons un rendez-vous un peu plus tard cette année, alors que les travaux que vous avez entrepris avanceront de façon à ce qu'on puisse voir émerger un plan d'action quelconque. Merci et bonne journée.