TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 21 octobre 1997
Le coprésident (M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Chers collègues du Comité mixte spécial pour modifier l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant le système scolaire au Québec, nous tenons cette séance conformément à l'ordre de renvoi du 1er octobre 1997.
Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin l'honorable Stéphane Dion, président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales. M. Dion fera sa présentation et nous passerons ensuite à une période de questions.
Monsieur Dion, la parole est à vous.
L'hon. Stéphane Dion (président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, madame la présidente, membres du comité, chers collègues, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître. Il me fait plaisir de vous expliquer pourquoi le gouvernement du Canada croit qu'il serait bon et souhaitable que le Sénat et la Chambre des communes adoptent la résolution de modification de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Comme vous le savez, cette résolution découle d'un vote unanime de l'Assemblée nationale, pris le 15 avril 1997, en faveur d'une résolution de modification constitutionnelle qui mettrait fin à l'application, au Québec, des paragraphes (1) à (4) de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Le gouvernement du Canada a déjà indiqué qu'il appuyait une telle modification pour le Québec pour deux raisons: premièrement, parce qu'une telle modification permettrait de restructurer le système scolaire québécois d'une façon avantageuse et, deuxièmement, parce qu'un consensus raisonnable existe, au Québec, sur l'opportunité d'agir de la sorte.
Bien entendu, le gouvernement ne parle pas au nom des parlementaires. Il vous incombe donc, à vous membres de ce comité, d'aider les sénateurs et les députés à prendre une décision éclairée.
J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour expliquer la position du gouvernement du Canada, pourquoi le gouvernement du Canada appuie la modification proposée par l'Assemblée nationale.
Je procéderai, pour ce faire, à un bref tour d'horizon des questions soulevées par la résolution de modification constitutionnelle.
[Traduction]
Tout d'abord, la formule d'amendement.
Le gouvernement ne doute pas de la possibilité d'effectuer la modification proposée de façon bilatérale. L'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit en effet que les modifications aux dispositions constitutionnelles qui ne s'appliquent pas à toutes les provinces peuvent se faire avec la seule approbation de la Chambre des communes, du Sénat et de chaque province à laquelle s'applique la modification. La modification projetée à l'article 93 n'ayant d'effet qu'au Québec, l'article 43 n'exige donc que la participation de l'Assemblée nationale du Québec et des deux Chambres du Parlement fédéral. Les avis juridiques du ministère de la Justice sont formels à cet égard.
Deuxièmement, vous trouverez dans mon discours une description de l'article 93 ainsi que des différents paragraphes qui sont touchés. En résumé, le paragraphe (1) impose certaines restrictions aux législatures provinciales en dépit du fait que l'article 93 fait de l'éducation une compétence provinciale exclusive.
Ces restrictions touchent les droits des protestants et des catholiques, essentiellement de l'Ontario et du Québec, qui jouissaient de droits confessionnels au moment de leur entrée dans la Confédération.
À l'époque, pour résumer, vous aviez deux commissions scolaires à Montréal et à Québec, l'une catholique, l'autre protestante. À l'extérieur des deux villes, les commissions scolaires étaient communes, mais les membres des minorités catholiques ou protestantes, selon le cas, pouvaient exercer le droit à la dissidence, c'est-à-dire se soustraire à la compétence de leur commission scolaire pour régir eux-mêmes leurs écoles.
À l'heure actuelle, on compte moins de 2 500 élèves inscrits dans les trois commissions scolaires dissidentes du Québec qui sont opérantes aujourd'hui sur un total de plus d'un million d'étudiants inscrits dans les écoles publiques du Québec.
Vous aviez aussi, dans les paragraphes (3) et (4) de l'article 93, la possibilité pour l'exécutif et le Parlement du Canada d'intervenir en vue de remédier à une initiative ou à une inaction des autorités provinciales. Mais il faut savoir que le premier de ces pouvoirs n'a été utilisé qu'une seule fois, en 1896, tandis que le deuxième n'a jamais été utilisé. Certains auteurs ont même soutenu que ces pouvoirs prévus aux paragraphes (3) et (4) de l'article 93 étaient pour cette raison tombés en désuétude.
[Traduction]
Pour l'intelligence des débats qui vont suivre, il ne faudra jamais perdre de vue que l'article 93 ne garantit que des droits de nature confessionnelle. C'est d'ailleurs ce que soulignait la Cour suprême en 1993. Vous trouverez la citation dans mes notes de témoignage. Seuls les droits confessionnels sont visés dans cet arrêt de 1993. De plus, dans ce même jugement, le plus haut tribunal du pays réitérait que les droits garantis par l'article 93 ne sont pas de même nature que les libertés fondamentales telles que les libertés de religion et de conscience, enchâssées dans l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Je vais maintenant décrire les objectifs de la réforme proposée par l'Assemblée nationale du Québec.
L'organisation des structures scolaires sur une base confessionnelle ne correspond plus à la réalité québécoise de 1997. Les populations francophone et anglophone du Québec ne forment plus des sociétés catholique et protestante homogènes comme c'était le cas en 1867. Cette absence de convergence entre la langue et la religion est particulièrement marquée dans les écoles publiques anglo-protestantes du Québec, où moins du tiers des élèves inscrits sont de religion protestante.
[Français]
Aussi n'est-il pas surprenant que les gouvernements successifs du Québec cherchent depuis maintenant plusieurs années à réformer les structures scolaires sur une base linguistique. Je vais vous faire un bref résumé de cette histoire des tentatives visant à restructurer les commissions scolaires sur une base linguistique sans toucher à l'article 93.
En 1982, l'Assemblée nationale adoptait la Loi 3 qui visait à remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques. Toutefois, la Cour supérieure du Québec invalida cette mesure législative au motif qu'elle contrevenait justement à l'article 93.
Par la suite, le gouvernement du Québec tenta de réformer le système tout en composant avec les obligations constitutionnelles qui découlent de l'article 93. En 1988, l'Assemblée nationale adoptait la Loi 107, laquelle prévoyait la superposition des commissions scolaires linguistiques et confessionnelles à Montréal et à Québec pour respecter les termes de l'article 93. La Loi 107, vous en entendrez souvent parler. La Cour d'appel du Québec puis la Cour suprême du Canada confirmèrent la validité de la loi en 1993.
• 0915
Malgré cette décision favorable, la mise en oeuvre
de la loi se serait avérée difficile, car elle aurait
perpétué le traitement différent auquel ont
droit catholiques et protestants selon qu'ils habitent
à Montréal ou à Québec, ou dans le reste de la province,
en même temps qu'on essayait d'établir des structures
linguistiques. Le gouvernement libéral préféra donc demander à un
comité présidé par le recteur de l'Université
Concordia, M. Patrick Kenniff, d'examiner les différentes
modalités permettant d'harmoniser les structures
linguistiques et confessionnelles sans multiplier les
structures de gestion scolaire.
Au printemps 1994, le rapport Kenniff suggérait la mise en place de comités confessionnels au sein des commissions scolaires linguistiques plutôt que la superposition des structures prévue par la Loi 107, de façon à «éviter la multiplication et la superposition des structures», ce qui a toujours été le problème. Le gouvernement libéral n'ayant pas eu le temps de donner suite à cette recommandation, la nouvelle ministre de l'Éducation la reprit à son compte au printemps 1996. Mais là encore, il est apparu que le rapport Kenniff arrivait avec une solution qui aurait amené une superposition des structures. De nombreux intervenants ont fait savoir leur insatisfaction. Je cite dans mon discours le critique de l'opposition officielle, M. François Ouimet, qui est lui-même ex-président de la Commission des écoles catholiques de Montréal et qui concluait:
Par la suite, la Commission des états généraux sur l'éducation procéda à des consultations étendues et conclut qu'il fallait, et je cite:
[Traduction]
Si j'ai pris le temps de faire ce bref rappel des tentatives avortées de réforme, c'est pour démontrer que la demande de modification de l'article 93 est le fruit d'un long cheminement et l'aboutissement d'une longue réflexion.
[Français]
La modification constitutionnelle que le gouvernement du Québec, ainsi que l'Assemblée nationale, nous demandent d'entériner n'aura pas pour effet de priver les parents québécois et leurs enfants de tout droit à un enseignement religieux. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec, un document qualifié de quasi constitutionnel par la Cour suprême du Canada, qui s'y est encore reportée récemment comme vous le savez, garantit, à son article 41, le droit pour les parents d'obtenir pour leurs enfants un enseignement moral ou religieux conforme à leurs convictions.
D'autre part, la Loi sur l'instruction publique du Québec prévoit à ce chapitre plusieurs aménagements. L'article 5 donne par exemple le droit aux parents et aux élèves de toute école de choisir entre l'enseignement religieux, catholique ou protestant, et l'enseignement moral. Les commissions scolaires ont l'obligation corrélative de dispenser ces deux types d'enseignement.
De même, la direction d'une école a l'obligation de s'assurer que les enseignants qu'elle affecte à l'enseignement religieux, catholique ou protestant, satisfont aux exigences du comité catholique ou du comité protestant. Que sont ces deux comités? Ce sont des comités créés par les articles 16 et 17 de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation qui réglementent et supervisent tous les aspects de l'enseignement moral et religieux dans les écoles. Un enseignement religieux et des services pastoraux conformes au règlement de l'un ou l'autre des comités catholique et protestant doivent être également offerts de par la loi.
Enfin, la Loi 109 prévoit que les écoles conserveront leur orientation confessionnelle actuelle; les nouvelles commissions scolaires seront tenues, au cours des trois prochaines années, de consulter les parents au niveau des écoles sur l'opportunité de maintenir l'orientation confessionnelle de ces dernières. S'ils le souhaitent, les parents pourront donc choisir de garder le statut confessionnel de leur école.
[Traduction]
Je vais maintenant parler des droits linguistiques.
La suppression de l'article 93 n'affectera en rien les droits linguistiques de la minorité anglophone du Québec. Ce n'est pas cette disposition qui offre une protection aux minorités de langue officielle, mais bien la Charte canadienne des droits et libertés adoptée en 1982. C'est en effet l'article 23 de ce texte constitutionnel qui traite du droit à l'instruction pour les minorités anglophone et francophone. La modification sur laquelle vous vous pencherez ne remet aucunement en cause cette garantie. Au contraire, elle permettra aux anglophones de consolider leurs effectifs et de profiter ainsi au maximum des droits dont ils jouissent en vertu de l'article 23. Permettez que je vous explique comment.
• 0920
Il faut en effet savoir que les francophones sont de plus en
plus nombreux dans certaines commissions scolaires protestantes.
Voici des données qui le montrent. Dans la région de Montréal, à la
Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, 42 p. 100 des
élèves sont francophones. Dans la région de Sept-Îles, 45 p. 100
sont francophones. Dans Laurenval, 40 p. 100 sont francophones.
Dans l'est du Québec, les commissions scolaires protestantes
comptent 40 p. 100 d'élèves francophones.
En modifiant l'article 93, protestants et catholiques de langue anglaise pourront se regrouper au sein des mêmes commissions scolaires et ainsi en garder le contrôle. Ils sont à peu près en nombres égaux. Il y a environ 35 000 anglophones dans les commissions scolaires catholiques et 39 000 dans les commissions scolaires protestantes. La fusion sera donc d'un grand secours pour cette collectivité. Ce regroupement est souhaité par la communauté anglophone du Québec. Entre autres, les représentants d'Alliance Québec l'ont réitéré lors de leur témoignage devant la Commission parlementaire sur l'éducation, le 28 mai dernier à Québec.
La Cour suprême a donné une interprétation très large de l'article 23. L'article 23 est un outil puissant. Pour reprendre les propos de la Cour suprême, il «confère un droit qui impose au gouvernement des obligations positives de changer ou de créer d'importantes structures institutionnelles». C'est donc beaucoup plus que le simple droit à l'école. C'est aussi le droit de se doter de structures institutionnelles.
Cette disposition, il est vrai, assujettit le droit de recevoir l'instruction dans la langue de la minorité anglaise ou française à la condition que le nombre d'enfants soit suffisant pour justifier la prestation de ce droit. Dans les faits, la jurisprudence fixe la barre assez basse eu égard au nombre pour justifier le droit pour la minorité d'avoir et de contrôler une structure de gestion telle une commission scolaire, ou tout simplement d'y participer.
J'en donne des exemples dans mes notes d'allocution. Dans un jugement rendu en 1990, le plus haut tribunal du pays a décidé que la présence de 242 élèves francophones à Edmonton implique un droit de gestion et de contrôle de l'école par le biais d'un mécanisme de représentation de la minorité linguistique au sein des conseils scolaires. Dans le cas du Manitoba, la présence de 5 617 élèves susceptibles de fréquenter les écoles francophones de cette province justifie l'établissement d'un conseil scolaire exclusivement francophone dans cette province.
Compte tenu de ce qui précède, il ne fait aucun doute que la minorité anglophone du Québec pourra bénéficier de toute la panoplie des droits qu'offre l'article 23. Leur nombre est bien supérieur à celui des francophones du Manitoba et de l'Alberta, et ils auront par conséquent le droit de gérer non seulement leurs écoles, mais également leurs commissions scolaires.
[Français]
Un réseau de commissions scolaires linguistiques pourra mieux servir les besoins de la communauté anglophone du Québec que le système confessionnel actuel. Cela sera tout particulièrement vrai pour les anglo-catholiques qui se retrouvent en situation minoritaire au sein des commissions scolaires catholiques.
Voilà pour la première partie, c'est-à-dire pourquoi cette réforme est bonne et valable pour toutes les composantes de la société québécoise.
[Traduction]
Je vais maintenant parler du consensus.
[Français]
Les avantages de la réforme proposée et le maintien des droits linguistiques et religieux qui en découlera expliquent certainement le consensus qui se dégage actuellement sur l'opportunité de créer des commissions scolaires linguistiques. Il y a eu deux votes unanimes à l'Assemblée nationale: un premier sur la résolution de modification constitutionnelle et un second sur la loi qui permettra la mise en place de commissions scolaires linguistiques et l'abolition éventuelle de commissions scolaires confessionnelles.
[Traduction]
Chez les catholiques, il y a longtemps que les évêques acceptent l'opportunité de créer des commissions scolaires linguistiques, et soutiennent que le choix des moyens est la responsabilité des instances politiques. Dans cette perspective, ils ne s'opposent pas à la modification de l'article 93. Déjà, en 1982, l'Assemblée des évêques du Québec manifestait son accord à l'établissement de commissions scolaires linguistiques et acceptait même l'idée d'abandonner les commissions scolaires confessionnelles s'il le fallait. Les évêques ont réaffirmé cette position en 1995 dans leur mémoire à la Commission des états généraux sur l'éducation. Vous trouverez la citation dans mes notes d'allocution.
Plus récemment, le président de l'Assemblée des évêques, Mgr Gaumond, précisait:
Le 11 septembre dernier, Mgr Jean-Pierre Blais, président du Comité épiscopal de l'éducation, a témoigné devant la Commission de l'éducation de l'Assemblée nationale du Québec. À cette occasion, il a déclaré que la Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, c'est-à-dire la Loi 109, contenait «des garanties réelles». Il disait que ça correspondait à ce que l'Assemblée des évêques avait toujours demandé.
[Traduction]
Enfin, en réponse à une lettre que je lui faisais parvenir et dans laquelle je lui demandais de me confirmer leur position, le nouveau président de l'Assemblée des évêques du Québec, Mgr Pierre Morrissette, réaffirmait que les évêques ne s'opposent pas à l'établissement de commissions scolaires linguistiques et se satisfont des garanties que comporte la Loi sur l'instruction publique auxquelles nous avons fait allusion plus haut.
[Français]
Il écrivait à ce propos, dans une lettre que je dépose et dont vous pourrez prendre connaissance:
Je pourrai déposer ces lettres quand vous le voudrez, monsieur le président.
[Traduction]
De plus, le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation, dont les membres sont nommés conjointement par les évêques et par le gouvernement du Québec, appuie ouvertement la modification. Il en va de même pour la Fédération des commissions scolaires du Québec, la Fédération des comités de parents de la province de Québec et la Provincial Association of Catholic Teachers.
[Français]
Chez les protestants, qui, rappelons-le, constituent en pratique la seule minorité dont les droits seront affectés par la modification, on ne rencontre pas d'opposition substantielle. Tout indique que seuls les franco-protestants s'opposent à la modification. Sans vouloir minimiser l'importance de leur point de vue, il faut vous rappeler que les franco-protestants forment tout au plus 10 p. 100 de la population étudiante protestante et moins de 2 p. 100 de tous les élèves inscrits à l'école publique au Québec.
[Traduction]
Pour leur part, les anglophones sont fondamentalement d'accord avec la réforme des structures scolaires que permettra la modification de l'article 93. Très peu de leurs représentants se sont ouvertement prononcés contre l'établissement de commissions scolaires linguistiques. Sans être opposés à cette nouvelle configuration des structures scolaires ni même à la modification de l'article 93, certains porte-parole anglophones viendront sans doute réclamer l'élargissement des critères permettant l'accès à l'école anglaise. Il n'est que normal pour tout groupe minoritaire de vouloir accroître ses droits. Les minorités linguistiques pourront toujours compter sur l'appui du gouvernement du Canada à ce chapitre.
Nous comprenons aussi les inquiétudes que la minorité anglaise éprouve en raison de sa situation démographique et de l'orientation sécessionniste du présent gouvernement québécois. Dans cette perspective, on comprend que certains groupes issus de la communauté anglophone se saisissent de l'occasion qui leur est offerte pour réclamer l'application intégrale de l'article 23 au Québec. Le gouvernement du Canada est cependant d'avis que l'élargissement de l'accès à l'école anglaise soulève un tout autre débat que celui dont nous sommes actuellement saisis; ce qui est présentement en cause, c'est la transformation des commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques que permettra la modification de l'article 93.
La modification proposée va dans le sens des intérêts de la minorité anglophone en lui permettant de se regrouper pour mieux exercer les seuls droits à l'éducation dans sa langue que lui offre la Constitution canadienne, soit ceux que lui reconnaît l'article 23 de la Charte. Il serait malavisé de rejeter une réforme dont les effets seront positifs du seul fait qu'un tel changement ne va pas aussi loin que certains pourraient le souhaiter.
La modification de l'article 93 sur laquelle on vous demande de vous pencher ne fait sans doute pas l'unanimité. Mais en démocratie, l'unanimité est presque toujours hors de portée. Cette modification est souhaitable parce qu'elle fait l'objet d'un consensus solide dans toutes les couches de la population et parce que ses retombées seront bénéfiques pour les Québécois.
En conclusion, je ne saurais trop insister sur l'importance de vos travaux. Vous m'avez permis de venir exposer la position de mon gouvernement et c'est avec plaisir que j'ai accepté de venir témoigner devant vous aujourd'hui.
Le Parlement doit maintenant jouer son rôle et vous aurez pour mission de l'éclairer et de lui faire des recommandations. Je vous invite à le faire avec ouverture et sérénité et je vous souhaite bonne chance.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Dans un premier temps, auriez-vous l'obligeance de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?
L'hon. Stéphane Dion: Je m'en veux de ne pas l'avoir fait. Ce sont Yves De Montigny, un de mes sous-ministres adjoints, directeur des affaires constitutionnelles—je n'appelle jamais mes collaborateurs par leur titre—, et Mme Mary Dawson, sous-ministre associée à la Constitution, à la Justice et au Conseil privé.
Mme Mary Dawson (sous-ministre associée, ministère de la Justice): Le ministère de la Justice seulement.
L'hon. Stéphane Dion: D'accord, seulement au ministère de la Justice. C'est dommage parce que j'aime bien travailler avec elle.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur le ministre.
Dans un premier temps, j'aimerais faire une remarque d'intérêt public. J'aimerais que tous ceux qui ont des téléphones cellulaires les mettent de côté parce qu'il n'est pas très agréable de les entendre sonner.
La deuxième remarque portera sur les règles du jeu de cette période de questions qui va commencer. Nous allons procéder de la façon suivante. On commencera par une question de l'opposition officielle en Chambre suivie d'une question de l'opposition officielle au Sénat et ensuite on ira en donnant la parole à chacun des partis et des individus. Je vous demanderais de faire signe à la coprésidente de façon à ce qu'on puisse essayer de maintenir le plus juste équilibre possible. Donc, on commencera peut-être par le Bloc québécois, suivi des libéraux et on s'ajustera en fonction de la situation.
Je demanderai à tous les collègues de s'en tenir à une intervention de deux minutes afin que tout le monde ait la possibilité de poser des questions.
[Traduction]
J'invite Mme Meredith à poser les premières questions.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Dion, certains se demandent si l'article 93 peut être modifié, changé de quelque manière, sans la participation de l'Ontario. À leur entrée dans la Confédération, l'Ontario et le Québec formaient la province du Canada, et à l'article 93.2 il est fait mention du Haut-Canada. L'article 93 visait à assurer un équilibre entre le Haut-Canada et le Québec, un équilibre quant aux droits des minorités en matière d'éducation.
J'aimerais d'abord savoir si vous estimez qu'il est approprié ou possible de modifier l'article 93 sans le consentement de l'Ontario.
M. Stéphane Dion: Oui, l'avis que nous avons du ministère de la Justice est catégorique: soit parce que la Loi constitutionnelle de 1982, l'article 43 de la formule d'amendement... Dans la version anglaise c'est très clair; il est écrit: to which the amendement applies. Il s'agit de la province à laquelle la modification s'applique; et il est très clair qu'en l'occurrence l'amendement ne vise que le Québec.
Mme Val Meredith: Mais en 1982 le Québec s'est retiré du débat, a refusé d'accepter les amendements apportés en 1982, ce qui m'amène à vous poser ma deuxième question.
• 0935
Vous avez dit au cours de votre allocution que les droits de
la minorité au Québec seront garantis en vertu de l'alinéa 23(1)a),
mais le Québec ne le reconnaît pas. L'article 59 dispose très
clairement que pour que cet alinéa s'applique au Québec:
M. Stéphane Dion: Et l'alinéa 23(1)a) porte sur l'accès à l'école. Il y est question de l'accès à l'école.
Ce n'est pas la question dont nous sommes saisis aujourd'hui. Il n'est pas ici question d'accès à l'école.
Mme Val Meredith: Mais le Québec ne reconnaît pas cette disposition.
M. Stéphane Dion: L'alinéa 23(1)a) est reconnu par le Québec, et l'article 59 est reconnu par le Québec et tout le Canada. Il est établi dans la Constitution du Canada que c'est l'Assemblée nationale qui décide du moment où il y a lieu d'appliquer l'alinéa 23(1)a) au Québec.
Je ne suis pas un politicien de la scène provinciale. Je ne peux pas venir vous dire que l'alinéa 23(1)a) va commencer à s'appliquer au Québec aujourd'hui. C'est à l'Assemblée nationale d'en décider.
Les autres alinéas de l'article 23 s'appliquent au Québec. Toute la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique au Québec. La Cour suprême du Canada l'a confirmé.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): J'aimerais soulever la question constitutionnelle, ou plus précisément l'article 43. Moi, je suis convaincu que l'article 43 s'applique ici. Il s'agit d'un amendement entre Québec et Ottawa; ça relève de l'article 43.
La seule difficulté, et vous y avez déjà répondu, c'est de savoir si la modification proposée peut être effectuée de façon bilatérale ou trilatérale. Les juristes sont partagés sur cette question et j'imagine qu'on va entendre les noms de quelques juristes très reconnus comme étant parfaitement indépendants dans cet amendement constitutionnel.
Cela étant dit, il est clair, comme c'était le cas pour Terre-Neuve, que l'article 43 s'applique. Mais pour ce qui est du Québec, c'est peut-être un peu différent. Comme Mme la députée le disait, l'article 43 s'applique à des amendements bilatéraux et trilatéraux, et il y a encore quatre ou cinq possibilités. Mais quant à savoir si l'article 43 s'applique, il n'y a aucun doute dans mon esprit.
J'aimerais bien entendre un ou deux experts indépendants en plus de ceux du ministère de la Justice et du gouvernement du Canada. Quel est leur point de vue? C'est fondamental. Je suis pour ma part porté à conclure que l'article 43 s'applique, et plus précisément que l'article 43 bilatéral s'applique. Mais je dois reconnaître, comme juriste, que c'est une question controversée. Avant d'aller plus loin ici, au cours des deux ou trois prochaines semaines, on devrait au moins essayer d'avoir des opinions claires sur le sujet.
L'hon. Stéphane Dion: Vous avez l'opinion claire du ministère de la Justice du Canada et l'opinion claire du sénateur Beaudoin. C'est déjà un bon début.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Monsieur le ministre, c'est bien beau, mais je ne voudrais pas qu'une fois l'amendement adopté de façon bilatérale, quelqu'un soulève la question et dise que nous n'avons pas suivi la formule d'amendement applicable dans l'instance. On peut tout faire, on peut amender n'importe quoi dans la Constitution, pourvu qu'on suive la formule appropriée.
La formule appropriée ici, c'est l'article 43. Il n'y a aucun doute. Mais dans l'esprit de certains juristes, les gens se demandent si c'est bilatéral ou trilatéral. Monsieur et madame les présidents, nous devrions entendre un ou deux experts sur cette question et la vider, après quoi nous poursuivrons nos délibérations.
L'hon. Stéphane Dion: L'avis du ministère de la Justice est que la théorie du pacte...
Le sénateur Gérald Beaudoin: Fédératif.
L'hon. Stéphane Dion: ...ne tiendra pas devant la clarté de l'article 43. Si vous le souhaitez, je peux donner la parole à une représentante du ministère de la Justice, Mme Dawson.
[Traduction]
Mme Mary Dawson: Peut-être pourrais-je ajouter quelque chose.
• 0940
Je sais que certains auteurs ont laissé entendre que cette
modification comporte une troisième dimension, mais je pense que
cela découle d'une mauvaise compréhension du paragraphe 93(2). Ce
paragraphe ne fait qu'importer au Québec des règles ontariennes.
Pour certains auteurs, cela semble donner à entendre que l'Ontario
devient de ce fait une partie prenante, mais le libellé de
l'article 43 établit on ne peut plus clairement que c'est la
province à laquelle la modification s'applique qui participe à
l'application de la formule. Je pense qu'il est très difficile de
faire dire autre chose à ces mots.
Il est aussi vrai que les versions française et anglaise diffèrent légèrement...
Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui.
Mme Dawson: ... comme certains l'ont souligné, mais il est certain que l'expression équivalente de la version française, concernée, correspond tout à fait au sens de la version anglaise. Quand il y a certaines divergences, on s'en tient à la version commune. On essaie de trouver l'élément commun dans les deux versions.
Nous ne doutons donc pas un instant du fait que le Québec soit la province à laquelle la modification s'applique, et cela se fait dans le cadre bilatéral.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Dawson.
[Français]
On va maintenant passer à un autre intervenant, M. Ménard.
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le ministre, je voudrais dire tout d'abord que j'ai beaucoup apprécié votre intervention et le mémoire que vous avez déposé.
Je voudrais vous poser deux questions. Nous sommes bien d'accord, et vous avez été très clair là-dessus, pour dire qu'un dérapage guette ce comité. Vous nous dites ce matin qu'il faut considérer un amendement qui, en l'espèce, nous permettrait de réorganiser le système scolaire québécois. Vous nous dites aussi qu'à six reprises depuis le Rapport Parent, les gouvernements se sont butés à l'article 93 et qu'en aucune manière, si on veut comprendre les droits d'accès de la minorité anglophone à des institutions scolaires publiques québécoises, on ne devrait entreprendre ce débat ou considérer l'article 93, mais bel et bien le chapitre 8 de la Loi 101, particulièrement son article 73.
Nous voyons bien que dans votre esprit et dans les conseils qui vous sont donnés par M. De Montigny, votre sous-ministre adjoint, on parle bien d'un amendement qui n'a pas, en l'espèce, à faire de considération ou de lien avec l'accès à l'école anglaise publique.
Deuxièmement, j'aimerais qu'avec l'esprit de synthèse universitaire que vous avez, vous nous rappeliez les consultations que vous avez menées auprès de la communauté anglophone, qui est solidaire de cet amendement constitutionnel. Vous nous avez d'ailleurs laissé entrevoir la possibilité de voir défiler des témoins devant nous.
L'hon. Stéphane Dion: Merci beaucoup.
Je pense que s'il y a une phrase clé dans le discours, et c'est celle où je dis que s'il y a consensus au Québec, c'est parce qu'il y a des droits religieux qui sont maintenus par la loi ainsi que par la Charte québécoise. Les droits linguistiques sont garantis par la Charte des droits et libertés canadienne, l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982, sans laquelle il n'y aurait pas de consensus parce qu'il est très probable qu'à ce moment-là, il serait difficile de faire un changement. Mais ces droits existent et là on peut faire le changement, d'autant que cela va consolider les effectifs de la communauté anglophone.
Vous avez des enfants anglo-catholiques dans les commissions scolaires catholiques qui sont isolés des commissions scolaires protestantes et qui sont très minoritaires dans les commissions scolaires catholiques. D'autre part, dans les commissions scolaires protestantes, comme je l'ai dit, le statut majoritaire des anglophones est de plus en plus menacé.
Alors, consolider les effectifs de la communauté anglophone est quelque chose que la communauté anglophone souhaite. Lorsqu'il y a un désaccord, ce n'est pas sur cette consolidation ou sur la nécessité d'avoir des commissions scolaires linguistiques; ce sont plutôt des inquiétudes touchant l'article 93 et sa suppression, et le fait que 23(1)a) ne s'applique pas. Or, 23(1)a), c'est l'accès à l'école anglaise.
M. Réal Ménard: C'est la base de la langue maternelle.
L'hon. Stéphane Dion: C'est un autre débat. C'est quelque chose qui peut être considéré, mais c'est à l'Assemblée nationale d'en décider. Jusqu'à maintenant, on n'en a pas discuté.
La communauté anglophone se retrouvera renforcée par le changement qui est proposé ici. Quant au moment où la société québécoise sera prête à appliquer 23(1)a), la Constitution canadienne a établi que c'était à l'Assemblée nationale d'en décider. Donc, on n'est pas en dehors de la loi et du cadre constitutionnel du Canada. C'est quelque chose qui a été accepté par le gouvernement Trudeau de l'époque, sans doute parce qu'il considérait déjà la société québécoise comme étant unique. Dans la société québécoise, tout le monde est minoritaire quelque part du point de vue linguistique. Les francophones sont minoritaires sur le continent et dans le pays. Les anglophones sont peut-être majoritaires sur le continent et dans le pays, mais ils vivent dans une province.
• 0945
Tous les jours, ils vivent en Gaspésie,
dans la région de Sherbrooke, dans les Cantons de
l'Est et à Montréal. Donc, la relation entre les
deux communautés doit s'établir sur des bases
spécifiques à cette société.
C'est sans doute pour cela que l'alinéa 23(1)a), dans son application, est différé selon l'avis de l'Assemblée nationale, ce qui n'empêche pas les anglophones d'avoir tous les droits requis dans l'article 23 par ailleurs.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur le ministre.
Madame Finestone.
[Traduction]
Mme Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le ministre, vos dernières observations touchent les préoccupations que la communauté anglophone ne cesse de vous soumettre.
Si l'on abroge l'article 93 sans prévoir de mesures de mise en application et si en ce qui concerne l'avenir de la communauté anglophone on s'en remet à la Loi 101 ou à la Loi 109—et nous savons ce qui s'est produit avec la Loi 107, qui a expiré au Feuilleton—ce sont toutes des mesures législatives qui ne sont pas consacrées par la Constitution. On fait donc dépendre de la volonté d'un quelconque gouvernement élu dans la province de Québec l'avenir et le bien-être de la communauté anglophone, la communauté minoritaire, qui est maintenant bien différente de ce qu'elle était en 1867 et qui est plus diversifiée qu'à cette époque.
Il y a maintenant des Grecs orthodoxes, des Arméniens, des Musulmans, des Juifs, des Italiens et de nombreux groupes minoritaires, qui n'ont été bien accueillis que dans le système scolaire protestant, le système des écoles protestantes qui est sur le point de devenir un système linguistique. Fort bien, mais on n'a aucune protection si on abroge l'article 93 et si l'alinéa 23(1)a) ne s'applique pas tant que l'article 59 n'est pas adopté.
Or le dilemme tient au fait que dans la proposition que nous a envoyée Québec on ne reconnaît pas la Constitution de 1982. On ne la reconnaît pas. Vous pouvez dire et nous pouvons dire sans nous lasser que la Loi constitutionnelle de 1982, comme tout ce que contient l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, s'applique à tous les Canadiens, ce qui inclut les Québécois, et ce qui vous inclut vous et moi, qui vivons au Québec, sans égard à la langue que nous parlons. Nous avons un sentiment d'appartenance envers cette province, mais le gouvernement n'est pas d'accord avec vous; alors pouvez-vous me dire pourquoi je devrais me sentir rassurée?
Je pense que les commissions scolaires linguistiques sont formidables, mais le ministre décide aussitôt de scinder les territoires scolaires et de retrancher la moitié de la communauté anglophone de l'ouest de l'île de Montréal jusqu'à Vaudreuil, ce qui mine le principe même du regroupement et les chiffres que vous avez eu la bonté de nous soumettre. En quoi cela peut-il me rassurer?
J'aime les commissions linguistiques. J'aime me sentir intégrée. J'aime savoir que je peux apprendre le français et l'anglais, mais vous ne me rassurez pas du tout quand vous abrogez l'article 93 sans réclamer que l'article 59 le soit aussi et que l'article 23 s'applique.
Dites-moi, je vous prie, comment tout cela peut me rassurer alors que la Loi 101 peut être modifiée et la Loi 109 aussi. La Loi 107 l'a été.
M. Stéphane Dion: Ce matin, en conférence de presse, la ministre de l'Éducation du Québec peut dire que les commissions scolaires protestantes seront de langue française. Rien dans l'article 93 ne l'en empêche. Ce n'est pas l'article 93 qui vous accorde une protection; c'est l'article 23.
Mme Sheila Finestone: Oui. C'est ce que je vous demande.
M. Stéphane Dion: Et l'article 23 s'applique...
Mme Sheila Finestone: Écoutez, comment peut-on...
M. Stéphane Dion: ... sauf en ce qui concerne l'alinéa 23(1)a). Mais les autres parties de l'article 23 qui garantissent à la minorité anglophone du Québec qu'elle aura ses propres commissions scolaires s'appliqueront. Alors vous aurez...
Mme Sheila Finestone: Si ce n'est pas le cas... excusez-moi, monsieur le ministre.
M. Stéphane Dion: ... la possibilité de regrouper la composante catholique et la composante protestante de la minorité anglophone. Quand vous dites que le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale ne reconnaissent pas la Loi constitutionnelle de 1982...
Mme Sheila Finestone: C'est juste.
M. Stéphane Dion: ... cela n'empêche pas que la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique dans tout le Canada, y compris au Québec, selon la Cour suprême du Canada. La meilleure assurance que vous pouvez avoir que la Loi constitutionnelle de 1982 s'appliquera indéfiniment, c'est le débat sur l'avenir du Québec au sein du Canada, et cela n'a pas trait au paragraphe 93(2). Ce n'est pas le maintien de l'article 93 qui consolidera l'unité canadienne.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Godin.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Monsieur le ministre, j'ai des inquiétudes. Est-ce que cet amendement pourrait servir de justification à d'autres gouvernements pour empiéter sur les droits d'autres minorités? On veut changer la Constitution et on parle ici de la province de Québec, mais cela reflète bien ce qui se passe dans le pays tout entier. Il y a eu Terre-Neuve d'abord et maintenant c'est le Québec qui demande des changements à la Constitution. Il faut se rappeler que dans la péninsule acadienne, le dernier été qu'on vient de passer a été terrible puisque les gouvernements voulaient fermer certaines écoles. On se rappelle qu'il y a eu des manifestations dans les rues, des parents avec leurs enfants. La GRC leur a lancé des gaz lacrymogènes et a même envoyé des chiens sur eux.
Je suis inquiet lorsque j'entends dire qu'il y a un consensus au Québec pour de tels changements parce que je ne pense pas que la population ait été consultée et ait pris une décision à ce sujet. Le gouvernement du Québec, à l'Assemblée nationale, a pris une décision avec un consensus, mais est-ce que la population a été consultée? Lui a-t-on donné une chance de s'exprimer? Il n'y a pas que les politiciens.
Je m'inquiète aussi de ce que les gouvernements prennent des décisions pour des minorités, parce que la Constitution est là pour protéger les minorités. Cela m'inquiète parce que ce qui se passe à Terre-Neuve ou à Québec pourrait très bien se passer en Acadie.
L'hon. Stéphane Dion: Si jamais un jour, et je ne le souhaite pas, le gouvernement du Nouveau-Brunswick nous arrivait en nous disant qu'il est fatigué du bilinguisme constitutionnel—le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue du Canada—et qu'il veut protéger sa minorité autrement que par des moyens constitutionnels, et nous présentait un amendement constitutionnel, soyez sûr que le gouvernement du Canada, que je représente aujourd'hui, demandera au premier ministre de cette province quel appui il a obtenu de la minorité francophone. Si vous n'avez pas un appui raisonnable de cette minorité, il n'y aura pas d'amendement constitutionnel. C'est comme ça qu'on procède au Québec, c'est comme ça qu'on procède à Terre-Neuve et c'est comme ça qu'on procédera dans quelque autre province que ce soit.
La façon dont on procède protège les minorités partout au pays. C'est parce qu'il y a un consensus assez clair sur les commissions scolaires linguistiques au Québec qu'on peut procéder de cette façon au Québec.
M. Yvon Godin: Il faut rappeler qu'au Nouveau-Brunswick, on va éliminer des commissions scolaires sans la permission des gens de cette province. Ce sera simplement des personnes qui vont donner leur avis. C'est pour la protection des minorités. C'est pourquoi j'ai bien peur que les décisions qui vont être prises à Québec ou à Terre-Neuve se répètent à la grandeur du pays.
Il y avait une entente entre le Québec et l'Ontario selon laquelle le Québec protégeait les minorités anglaises et l'Ontario protégeait les minorités françaises. Est-ce que le changement qui va intervenir au Québec va affecter les minorités en Ontario?
Prenez, par exemple, le nord de l'Ontario, où il y a des écoles catholiques. Si celles-ci ne sont plus protégées par la Constitution, elles n'existeront plus.
L'hon. Stéphane Dion: Ce que vous déciderez aujourd'hui ou dans les prochaines semaines de suggérer au Parlement, dans le cas du Québec, n'affectera en aucun cas l'Ontario, sauf de la façon suivante. Si jamais le gouvernement ontarien nous demande un changement de la sorte, nous lui demanderons s'il a l'appui de la communauté catholique de l'Ontario. Nous avons, par exemple, une lettre des évêques du Québec. De votre côté, qu'avez-vous comme appui à nous montrer? C'est pourquoi la façon dont nous procédons au Québec protège la minorité catholique de l'Ontario. C'est d'ailleurs une minorité assez forte. Elle représente 40 p. 100 de la population en Ontario. Ça ne serait pas facile pour quelque gouvernement que ce soit d'aller à l'encontre d'une volonté clairement exprimée par cette minorité.
Je vais céder la parole à mon expert.
M. Yves De Montigny (directeur, Direction constitutionnelle, Affaires intergouvernementales, Conseil privé): Je dirai simplement que la raison fondamentale pour laquelle on est convaincus, sur le plan juridique, que c'est l'article 43 qui s'applique et que ça peut se faire bilatéralement avec le seul accord du Québec, c'est que l'amendement qui est proposé n'affecte effectivement que le Québec. Ça ne crée donc aucun précédent pour les autres provinces.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Lynch-Staunton.
[Traduction]
Le sénateur John Lynch-Staunton (Grandville, PC): Je me réjouis, monsieur le ministre, de vous entendre nous rappeler que la participation des deux Chambres est requise pour cette modification constitutionnelle, ce qui m'amène à penser que bien que nous soyons d'accord pour siéger à ce comité et soyons flattés d'avoir été invités à nous joindre à nos collègues de l'autre Chambre, cela ne nous dégage pas des responsabilités qui nous incombent si nous estimons que le comité ne va pas assez loin ou laisse de trop nombreuses questions sans réponse. Le Sénat a aussi la responsabilité de faire son devoir, et notre participation ici n'équivaut pas à un abandon de ces responsabilités.
• 0955
J'aimerais revenir à l'article 43, car même s'il semble y
avoir un très grand nombre d'avis en faveur de la formule
d'amendement à l'article 43, il est intéressant de noter que tout
récemment encore le Québec même ne la jugeait pas appropriée. Je
cite ici un extrait paru dans La Presse du 23 janvier 1997:
[Français]
Et là je cite une déclaration de Mme Marois:
[Traduction]
Voici donc le Québec face à un avis diamétralement opposé provenant de ses experts juridiques quant à la formule d'amendement à utiliser. Le gouvernement fédéral est parvenu en quelque sorte à les convaincre que l'article 43 était le bon moyen.
Personne n'est parfaitement convaincu que ce soit la bonne formule, et j'aimerais que vous puissiez déposer les avis du ministère de la Justice afin que nous puissions en prendre connaissance. En outre, si nous pouvions faire comparaître les représentants du Québec... Plus nous avançons, plus nous nous rendons compte que les questions que nous posons, surtout celles de Mme Finestone, ne pourront trouver réponse que si on les pose au gouvernement du Québec. J'aimerais donc, monsieur, que vous déposiez ces avis afin que nous puissions mieux juger du débat sur la formule d'amendement.
Enfin, vous avez bien dit que la Cour suprême a jugé que la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique au Québec. Mais nous savons aussi que le Québec, et plus particulièrement le gouvernement actuel, quand cela ne lui convient pas, rejette certaines des opinions de la Cour suprême. Nous l'avons vu encore la semaine dernière à propos de sa décision sur la loi référendaire. Je ne m'attacherais donc pas trop à ce que dit la Cour suprême à propos de l'obligation du Québec de respecter la Constitution; je m'inquiéterais plutôt de savoir ce que le Québec pense de la Cour suprême.
Je vous demande donc si nous pouvons avoir les avis. En outre, avez-vous envisagé la possibilité pour le Québec de créer des commissions linguistiques sans avoir à abroger l'article 93?
Vous ai-je interrompu, monsieur le ministre?
M. Stéphane Dion: Non, poursuivez. Excusez-moi, j'ai manqué la dernière partie de votre question.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Je vous demande si au Québec on a discuté de la possibilité de créer des commissions linguistiques sans avoir à modifier l'article 93.
M. Stéphane Dion: Oui, dans les notes d'allocution vous trouverez l'historique des tentatives faites dans le passé qui n'ont pas donné de résultats.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Oui, je sais. Mais nous parlons d'aujourd'hui et de demain. À l'heure actuelle, nous sommes saisis de cette modification.
M. Stéphane Dion: Oui.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Le comité doit rendre une décision et soumettre un rapport d'ici au 7 novembre, ce qui fait que nous avons le fusil sur la tempe.
M. Stéphane Dion: L'Assemblée nationale a présenté une proposition unanime...
Le sénateur John Lynch-Staunton: Je le sais. Je vous demande si vous ou votre ministère avez eu des entretiens avec les représentants du Québec pour voir si l'on pouvait créer des commissions linguistiques sans amender l'article 93.
M. Stéphane Dion: C'est possible, mais avec une confusion de structures qui n'est pas bien accueillie au Québec.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Ils peuvent le faire en Ontario. Pourquoi pas au Québec?
M. Stéphane Dion: C'est vrai en Ontario. Chaque province a la liberté de trouver sa propre façon de le faire. Il y a des provinces où il n'y a pas de conseils scolaires confessionnels, comme au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique. Au Québec, il existe un consensus pour créer des commissions scolaires linguistiques sans cette complication de structures, dans la mesure où l'on peut protéger autrement les droits de la minorité en ce qui a trait à la religion et à la langue.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Ce qui montre bien que nous devrions faire comparaître des représentants du Québec pour répondre à nos questions.
M. Stéphane Dion: Même les évêques catholiques sont d'accord sur ce point.
Le sénateur John Lynch-Staunton: Je pense qu'il faut aussi tenir compte de l'avis des parents.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, sénateur. Avec votre permission, nous entendrons les interventions de M. Nick Discepola et du sénateur Grafstein.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Monsieur le ministre, bien que vous soyez pas mal certain que l'article et la Loi constitutionnelle de 1982 s'appliquent au Québec, et même si l'article 23, à l'exception de l'alinéa 23(1)a), s'applique au Québec, il reste qu'on a un gouvernement qui n'est pas aussi favorable au traitement de la minorité dans cette province que dans les autres. Je citerai les exemples du Manitoba, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick.
• 1000
Il reste toujours, comme le premier
ministre du Québec le déclarait publiquement, qu'on
pourrait se servir de la clause nonobstant, ce qui
m'inquiète énormément. Le ministre a même menacé de se
servir de cette clause pour aller contre le jugement
récent dans l'affaire Libman.
Je crois qu'il est important de s'assurer que leur minorité soit protégée dans la Constitution afin que les Québécois, et surtout les anglophones du Québec, n'aient pas recours à des lois comme la Loi 101, parce que ce n'est pas là que je cherche la protection.
Ma question est de savoir si vous êtes convaincu que la communauté anglophone surtout et les autres communautés francophones ailleurs auront la protection nécessaire. À la page 7 de votre discours, vous dites que la modification ne remet pas en cause le droit à l'instruction des minorités anglophones.
Dans une autre page, vous dites, si ma mémoire est fidèle, que cette disposition s'applique «à la condition que le nombre d'enfants soit suffisant pour justifier la prestation de ce droit.» Vous dites également que les protestants et catholiques francophones et anglophones pourraient peut-être se regrouper afin de protéger ce droit-là.
Il me semble qu'au fil des années, on risque de perdre l'enseignement en français ou qu'éventuellement, vu que les catholiques et les protestants pourraient être obligés de se regrouper pour atteindre les nombres suffisants, on risque de perdre l'enseignement religieux. Si les évêques... [Note de la rédaction: Inaudible] ...à la suite—excusez cette expression—, cela m'inquiète moins parce que je pense qu'on risque éventuellement de perdre l'enseignement religieux.
[Traduction]
Je redoute beaucoup, comme Mme Finestone, qu'on semble vouloir s'en remettre à un gouvernement provincial pour protéger les droits de la minorité. Comme M. Godin, je pense que cette protection devrait être garantie dans la Constitution.
J'aimerais aussi, comme l'a demandé le sénateur Lynch-Staunton, que les avis du ministère de la Justice soient déposés afin que nous puissions mieux les analyser. Je nage en pleine confusion: la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique, ne s'applique pas; l'article 23 s'applique, mais pas l'article 43. C'est une entente trilatérale. C'est une situation très épineuse, au sujet de laquelle nous avons besoin de réponses très claires dans un très bref délai.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur le député. Monsieur le ministre.
L'hon. Stéphane Dion: Vous avez soulevé de nombreux aspects et je vous en remercie.
Premièrement, je voudrais vous rassurer: l'article 23 n'est pas soumis à la clause nonobstant; il est garanti. Une province ne peut pas invoquer la clause nonobstant pour annuler l'article 23.
M. Nick Discepola: Ils l'ont fait dans le cas du projet de loi 178.
L'hon. Stéphane Dion: C'est parce que c'était un jugement qui était rendu sur la liberté d'expression et non pas sur le droit à l'instruction ou sur des articles qui sont protégés et qui ne sont donc pas soumis à la clause nonobstant.
M. Nick Discepola: Alors, on risque d'être soumis à des lois comme la Loi 101 au Québec. Si vous n'êtes pas né au Québec et si vous n'avez pas reçu votre enseignement en anglais, vous n'êtes pas admissible. Ainsi, un anglophone qui déménagerait aujourd'hui au Québec ne pourrait pas recevoir l'enseignement en anglais.
L'hon. Stéphane Dion: À moins qu'il ait lui-même reçu l'enseignement en anglais au Canada. C'est là l'alinéa 23(1)a), mais tous les autres aspects s'appliquent au Québec comme ailleurs. Quand vous vous concentrez sur le fait que l'alinéa 23(1)a) ne s'applique pas au Québec et qu'il s'applique dans d'autres provinces, vous avez raison. Mais c'est le cas du Québec qu'on examine maintenant à son juste mérite. On parle quand même d'une province où la communauté anglophone a des institutions scolaires au niveau de la maternelle, du primaire, du secondaire et de l'université. Trouvez-moi l'équivalent dans une communauté francophone hors Québec. Si vous entrez dans de telles comparaisons, on va les faire jusqu'au bout. Je pense que ce n'est pas souhaitable.
Regardez donc le Québec en soi. Regardez la situation de la communauté anglophone; il y aura consolidation du nombre. Actuellement, le nombre est déjà bien au-delà de ce que la Cour suprême a établi comme nécessaire dans le cas du Manitoba ou de l'Alberta; il est bien au-delà. Et en plus, on aura la consolidation des anglo-catholiques et des anglo-protestants. Donc, where numbers warrant, il n'y a pas de problème à atteindre la barre nécessaire pour que l'article 23 s'applique dans toute son intégrité, sauf l'alinéa 23(1)a).
Le coprésident (M. Denis Paradis): Le prochain intervenant sera le sénateur Grafstein.
[Traduction]
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (Metro Toronto, Lib.): Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir à nouveau sur cette question. Il y a une différence entre les deux résolutions. La résolution du Québec ne reconnaît pas explicitement la Loi constitutionnelle de 1982. La résolution fédérale la reconnaît, par renvoi, par renvoi direct à l'article 23. La Loi constitutionnelle de 1982 garantit dans la Charte les droits à l'éducation de la minorité anglophone.
• 1005
La Cour suprême, dites-vous, et nous sommes d'accord, a jugé
que l'article 23 s'applique au Québec comme à toute autre province.
Puis vous dites dans votre mémoire—et je cite—qu'«il n'est que
normal pour tout groupe minoritaire de vouloir accroître ses
droits». Alors, vous ne parlez pas là du maintien des droits, mais
vous parlez plutôt d'accroître les droits d'un groupe minoritaire.
Puis vous poursuivez et dites ce qui suit au nom du gouvernement fédéral: «Les minorités linguistiques pourront toujours compter sur l'appui du gouvernement du Canada à ce chapitre.» Ainsi donc, ce que vous dites en fait—et je ne le conteste pas—c'est que le gouvernement fédéral agira toujours pour accroître les droits des minorités. Ce que j'aimerais savoir, c'est comment le gouvernement fédéral a l'intention de maintenir ses droits dans la province de Québec.
Autrement dit, si un parent ou un élève voyait ses droits contestés, comment le gouvernement fédéral interviendrait-il pour protéger les droits de cet individu minoritaire qui sont protégés en vertu de la Charte? Comment?
M. Stéphane Dion: Je vais vous donner un exemple. En Colombie-Britannique, la minorité francophone s'adressera aux tribunaux pour la troisième fois pour faire reconnaître son droit d'avoir des conseils scolaires. Ils sont financés par un programme que nous maintiendrons, j'espère, un programme financé par le gouvernement fédéral.
Nous aidons donc les minorités autant que nous le pouvons. Mais ce qu'on nous soumet ici, c'est quelque chose qui serait bon pour la minorité au Québec. Cela ne résoudra pas tous les problèmes. Cela ne changera pas l'article 1 du programme du gouvernement péquiste au sujet de la séparation. Cela ne changera pas ce genre de choses. Mais ce sera bon pour la minorité au Québec, et ce sera bon pour la majorité au Québec, pour les raisons que je vous ai présentées.
L'article 23 s'applique au Québec. Et c'est parce qu'il s'applique au Québec que c'est possible de le faire. Nous avons une bonne Constitution que nous pouvons améliorer, mais l'un dans l'autre, c'est une bonne Constitution.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: En fait ces droits consistent pour le gouvernement fédéral à dire aux citoyens canadiens au Québec et ailleurs qu'ils sont protégés s'ils veulent faire valoir leurs droits devant les tribunaux. C'est ainsi que le gouvernement fédéral va protéger les parents.
M. Stéphane Dion: Non. Nous avons à l'article 23 une mesure de protection concernant les droits linguistiques dans les écoles. L'article 93 n'est pas une mesure de protection pour toutes les populations de langue minoritaire au Canada.
Cet après-midi, en guise d'exemple, j'ai mentionné le fait que la ministre de l'Éducation du Québec peut dire que les commissions scolaires protestantes sont francophones. La seule chose qui l'empêche de le dire, c'est l'article 23. Cet article sera là. Elle n'aura pas la possibilité de le dire, surtout parce que l'expression «là où le nombre le justifie» sera largement suffisante pour assurer l'application de cet article 23.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je crois comprendre que vous devez faire une présentation au Cabinet, mais avec votre permission, on pourrait entendre deux derniers intervenants à condition que ce soit très court.
Dans un premier temps, la sénatrice Lavoie-Roux et ensuite M. Ménard. Madame Lavoie-Roux.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux (Québec, PC): J'essaierai d'être très brève, mais vous reconnaîtrez que je n'ai pas pris beaucoup du temps de cette commission, compte tenu que je n'ai jamais été avisée des réunions qui ont eu lieu hier et qu'on ne m'a informée de celle d'aujourd'hui que lorsque je suis arrivée à mon bureau, à 9 h 15.
Cela étant dit, je ne veux pas ressusciter le débat qui a eu lieu hier soir et que j'ai eu le plaisir de lire à trois reprises dans les journaux ce matin, en m'en venant par train. Il semble qu'il y ait beaucoup de réticence, monsieur le ministre, à ce que vous vous en teniez à votre date limite du 7 novembre que vous avez établie dans le cadre du traité ou du consensus avec la ministre de l'Éducation du Québec.
Je vous ferai remarquer que le Parti québécois a été au pouvoir de 1976 à 1989. Quand ils sont arrivés en 1976, il y avait des recommandations en vue de l'établissement de commissions scolaires linguistiques. Ils n'ont jamais levé le petit doigt. Je dois avouer que les libéraux qui ont suivi, et dont j'ai fait partie, n'ont pas été beaucoup plus vaillants. Vous voyez bien qu'avant que les gens soient rassurés...
• 1010
Je pense que tout le monde
est prêt à collaborer à cette initiative, et j'ai même
été la première à la recommander, à la suite d'un comité spécial du
Conseil scolaire de l'Île. Tout le monde était contre les
commissions scolaires linguistiques à ce moment-là.
Alors, quand vous dites qu'on a déjà fait six essais, je
ne pense pas qu'on en refasse d'autres.
Je vais reprendre ce que Mme Finestone et ce que mon collègue, le sénateur Lynch-Staunton, ont dit: a-t-on envisagé la possibilité de procéder autrement que par une modification constitutionnelle? Il me semble que s'il y a un tel consensus pour les commissions linguistiques, on pourrait y arriver sans mettre en danger les garanties qui existent actuellement.
Je vous dirais que c'est toujours mauvais de prêter de mauvaises intentions à des gens, mais je comprends la communauté anglophone du Québec. Quand j'ai été ministre de la Santé, j'ai fait adopter une loi qui a donné aux anglophones du Québec la possibilité de recevoir des services dans leur langue. Et je vous assure qu'on se trémousse et qu'on se démène pour essayer d'éliminer cela continuellement. Alors, je comprends la communauté anglophone vis-à-vis des droits à l'éducation dans sa langue et des droits de ses enfants. Ils veulent être bien sûrs qu'on a bloqué toutes les issues possibles. Je m'associe à la demande du sénateur Lynch-Staunton pour que l'on ait des gens qui ne soient pas mêlés d'aussi près que les politiciens à toute cette question-là et qui puissent nous apporter des opinions solides si on arrive à la division linguistique. J'ai d'ailleurs développé toute une argumentation démontrant que, pour les enfants, il fallait aller vers la division linguistique. Il n'y a donc pas de problème de mon côté.
Mais on ne peut pas faire cela sans penser à toutes les autres conséquences possibles. Aujourd'hui, tout le monde semble agir avec les meilleures intentions du monde, mais on sait que la réalité n'est pas toujours conforme à cela.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous remercie, madame Lavoie-Roux.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Excusez-moi. Je sais que j'ai dépassé les deux minutes qui m'étaient allouées, mais je voudrais vous répéter que nous vous donnons cette assurance que des personnes indépendantes seront véritablement capables de donner une argumentation qui soit irréfutable du point de vue de la protection linguistique. Je reviendrai à un autre moment sur le sujet de l'éducation confessionnelle.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur le ministre.
L'hon. Stéphane Dion: Il y a eu, comme je l'ai dit dans mon discours, différentes tentatives de procéder sans toucher à l'article 93, dont la dernière était le Rapport Kenniff.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: La recommandation Kenniff, ce n'était pas très...
L'hon. Stéphane Dion: C'est ça. Le critique en matière d'éducation de l'opposition officielle, M. François Ouimet, un de vos anciens collègues, n'a...
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Il n'a jamais été mon collègue.
L'hon. Stéphane Dion: D'accord.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Je ne le connais pas.
L'hon. Stéphane Dion: Bien. C'est l'expert en matière d'éducation et c'est le ministre de l'Éducation du cabinet fantôme de M. Johnson. Il a conclu que «cela mènera à un fouillis total».
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Et il avait raison.
L'hon. Stéphane Dion: On en a donc conclu, et la Commission des états généraux sur l'éducation en a conclu également, en septembre 1996, qu'il fallait un changement constitutionnel. Si le gouvernement du Québec a traîné les pieds et a tardé à se rallier à cette proposition, c'est peut-être pour des raisons politiques, que l'on peut deviner, par rapport à l'utilisation de la Loi constitutionnelle de 1982, mais cela n'enlève rien au mérite de la proposition qui vous est soumise aujourd'hui.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur le ministre.
Une voix: Je suis d'accord avec vous. Cela s'est fait assez vite.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Mais, monsieur le ministre, on veut les garanties.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Un instant, s'il vous plaît. Le dernier intervenant sera M. Kenney.
[Traduction]
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le ministre, ma question porte sur la confessionnalité. Dans vos commentaires ici aussi bien que devant la Chambre, vous avez fait valoir que, en l'absence de l'article 93, la Loi sur l'éducation du Québec et la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation continueraient de garantir l'accès à un enseignement religieux. Vous dites donc que, en l'absence de l'article 93, les lois du Québec, les lois visant l'éducation, continueraient de garantir l'accès à l'enseignement religieux dans le cadre d'un régime d'écoles linguistiques. Cependant, il ressort de la jurisprudence découlant de la Charte que, sans des garanties constitutionnelles visant l'enseignement confessionnel, la Charte s'appliquerait intégralement au régime d'enseignement de toute province.
• 1015
Divers précédents juridiques—en Ontario, par exemple—portent
à croire que, en l'absence d'un droit compensatoire à
l'enseignement religieux, la Charte interdit à toute province
d'adopter des lois concernant la religion dans les écoles
publiques.
Puisque c'est dans ce sens que va jusqu'à maintenant la jurisprudence concernant la Charte, quelles assurances pouvez-vous nous donner que cette jurisprudence ne servira pas à éteindre ou supprimer les dispositions légales qui protègent l'enseignement confessionnel au Québec? Quels avis vous ont été donnés, le cas échéant, par le ministère de la Justice à ce sujet?
M. Stéphane Dion: Tout d'abord, jusqu'à preuve du contraire, la Loi sur l'éducation est valide aujourd'hui, à ce que je sache. Ce n'est qu'en cas de contestation devant les tribunaux que ces derniers seront invités à se prononcer pour déterminer si les droits s'appliquent ou non à la liberté de religion et si la chose est raisonnable ou non dans une société libre et démocratique. Voilà bien des hypothèses avant d'aboutir.
En deuxième lieu, les articles de cette loi qui visent les écoles confessionnelles ne peuvent être écartés par les tribunaux, puisque la loi contient une clause nonobstant, adoptée aux termes de l'article 33, qui figure dans la Loi constitutionnelle (1982). La clause nonobstant a été intégrée à la loi en 1988 par le gouvernement libéral, par M. Claude Ryan, l'un de vos collègues, et elle a été renouvelée en 1994. Elle semble faire l'objet d'un consensus assez large parmi les Québécois, puisqu'elle n'a jamais été contestée jusqu'à maintenant. Ainsi, votre question comporte un bon nombre d'hypothèses.
M. Jason Kenney: La seule hypothèse a trait au fait que, à un moment donné, le gouvernement pourrait choisir de ne pas invoquer la clause nonobstant. À ce moment-là, la décision d'un tribunal pourrait interdire au gouvernement de légiférer pour permettre l'accès à l'enseignement religieux...
M. Stéphane Dion: Permettez-moi de vous signaler que, à ce moment-là, l'Opposition officielle se ferait un très grand plaisir d'enfourcher un tel cheval de bataille en campagne électorale, étant donné que l'idée de maintenir certains droits religieux jouit de larges appuis au Québec.
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup de votre comparution, monsieur le ministre. Avant de poursuivre, nous allons faire une pause de cinq minutes.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Nous reprenons la séance de ce matin. Dans un premier temps, j'aimerais dire que le ministre nous a offert de revenir à la fin de nos séances pour répondre à ceux d'entre vous qui n'ont peut-être pas eu l'occasion de lui poser des questions ou qui voudraient lui en poser d'autres. Donc, nous tenterons de trouver du temps à la fin de nos séances afin que le ministre puisse, s'il y a lieu, répondre à des questions additionnelles ou apporter des précisions additionnelles.
Il nous fait plaisir de recevoir ce matin, de l'Université d'Ottawa, Me Daniel Proulx, et de l'Université McGill, MM. William Foster et William Smith, qui sont des experts en droit constitutionnel. Bienvenue, messieurs.
Nous allons procéder de la façon suivante. Je vais demander à chacun de nos experts de nous faire une courte présentation d'environ cinq minutes et ensuite nous passerons à une période de questions de façon à ce que nous puissions terminer vers 11 h 30.
Un rappel au Règlement, monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Monsieur le président, avant de commencer, est-ce qu'on pourrait savoir si M. Proulx a préparé un mémoire? On n'a pas de mémoire de M. Proulx.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Est-ce que je peux demander à M. Proulx s'il a un mémoire de préparé ou quelque chose d'écrit? On n'en avait pas demandé. Y a-t-il d'autres questions?
Madame Finestone.
[Traduction]
Mme Sheila Finestone: Oui, monsieur le président. Je dirai tout d'abord que je suis très reconnaissante d'avoir reçu un document de McGill, il y a dix minutes environ, mais cela ne nous donne pas le temps de nous pencher sur l'article 2, à savoir la liberté de religion, la liberté d'expression, et sur la question de savoir si les écoles privées sont suffisamment protégées au Québec. Je n'aurai même pas l'occasion de me pencher sur cet aspect.
Je tiens à répéter à quel point je suis frustrée de devoir étudier les politiques qui nous concernent sans avoir devant moi les documents à l'appui.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame Finestone, nous sommes ici ce matin pour entendre les témoins. Si des précisions sont nécessaires, nous aurons l'occasion de leur poser des questions.
Commençons donc maintenant par M. Proulx.
[Français]
M. Daniel Proulx (Université d'Ottawa): Madame la présidente, monsieur le président, mesdames et messieurs les parlementaires, on me demande d'être bref. La question est tellement simple que je n'aurai pas besoin de cinq minutes.
Donc, je prendrai deux minutes et demie pour parler des questions relatives au contenu et à la portée de l'article 93 et de l'article 23, d'une part, et deux minutes et demie pour parler des modalités de modification de l'article 93.
La première chose que je veux dire sur l'article 93 a été à peine effleurée dans l'allocution du ministre. L'article 93 porte sur des droits confessionnels très particuliers, réservés aux catholiques et aux protestants de ce pays dans certaines provinces seulement et pas dans d'autres.
La Cour suprême du Canada, depuis dix ans environ, depuis le renvoi sur le bill 30 en Ontario, ensuite dans l'affaire de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, en 1989, plus tard dans le renvoi sur la Loi 107, en 1993, et enfin dans l'affaire Adler du 21 novembre 1996, pas plus tard que l'année dernière, se tue à nous dire que les droits confessionnels ne sont pas des droits fondamentaux. Ce ne sont pas des droits fondamentaux. Je vous lis le texte de la page 640 de l'affaire Adler:
Et on cite l'affaire des écoles protestantes de 1989 à l'appui. On cite le renvoi sur le bill 30 à l'appui. Dans le renvoi sur le bill 30, Mme Wilson ajoute, et la Cour l'approuve dans l'arrêt Adler, que non seulement les droits confessionnels ne sont pas un droit fondamental, mais que c'est carrément discriminatoire.
Mais elle est plus polie que moi, Mme Wilson. Elle ne le dit pas comme cela. Elle dit en parlant du statut concédé aux catholiques et aux protestants:
• 1025
Vous voyez comment on est poli à la Cour suprême du Canada.
On sait s'exprimer.
Les professeurs d'université peuvent dire pas mal de choses que d'autres ne peuvent peut-être pas dire. Moi, je le dis. Tout le monde le sait, mais personne ne le dit.
Je tiens à réaffirmer ce matin que c'est discriminatoire et que c'est pour ça qu'existe l'article 29 de la Charte, qui porte sur les droits et libertés. La liberté de religion, l'égalité devant la loi sans discrimination fondée sur la religion et le principe d'interprétation du multiculturalisme, tout ça est écarté dans le cadre des écoles confessionnelles que prévoit l'article 93.
L'article 93, on ne veut pas y toucher pour le moment. C'est une boîte de Pandore sur laquelle nous n'allons pas nous prononcer, et la Cour suprême du Canada est obligée de le dire dans l'affaire Adler.
Qu'est-ce que l'affaire Adler? D'une part, ce sont des Juifs et, d'autre part, des confessions pentecôtistes, je crois, qui réclamaient, pour l'enfance en difficulté et handicapée, les services dont jouissaient les catholiques en Ontario.
On a été obligé de leur dire que c'était bien dommage, mais qu'ils n'étaient pas catholiques. On leur a dit d'aller se faire voir, car l'article 93, c'était pour les catholiques et, au Québec, pour les protestants.
Il y a encore pire. Au Québec, ce n'est pas pour les minorités, l'article 93; c'est pour la majorité. Ce n'est pas seulement une protection pour les minorités. Oui, à certains égards, il y a une minorité protestante, mais l'article 93 confère à la majorité catholique de Montréal et de Québec le droit d'imposer sa religion. Il suffit de s'imaginer que ce serait des conseils scolaires musulmans, et tout le monde s'énerverait.
Une voix: Vous charriez.
M. Daniel Proulx: Je ne charrie pas, monsieur. Je suis en colère, par contre, et ma colère est légitime parce qu'elle est fondée sur une jurisprudence constante. L'article 93 confère des droits confessionnels particuliers qui relèvent d'un compromis historique d'une autre...
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: [Note de la rédaction: Inaudible].
M. Daniel Proulx: C'est ce que j'allais faire, madame Lavoie-Roux.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Je vous prierais de ne pas interrompre la présentation du professeur Proulx, parce que nous sommes un peu serrés dans le temps.
M. Daniel Proulx: Ça relève d'un compromis historique du XIXe siècle, de 1867. À cette époque, les choses étaient simples, mesdames et messieurs. Il y avait des protestants qui étaient anglophones et des catholiques qui étaient francophones, une société monolithique, et ces garanties correspondaient aux valeurs de cette époque.
Aujourd'hui, nous sommes dans une société multiculturelle. Nous sommes dans une société où la Charte privilégie la liberté de religion, l'égalité devant la loi et l'intégration de la culture. Le Québec—parce que c'est de lui qu'on parle—est une société multiculturelle, particulièrement à Montréal, où on essaie d'intégrer des gens de toutes les religions et où la valeur dominante de l'intégration est la langue.
On protège les commissions scolaires en fonction de la langue. On a vu que dans les commissions linguistiques françaises, les petits Noirs, les petits Musulmans, les Hindous, les orthodoxes étaient tous ensemble. On veut que ce soit pareil du côté protestant. Mais là, en superposant l'article 93, qui n'est pas un droit fondamental, et l'article 23 qui, lui, est un droit qui s'applique à toutes les provinces dans le contexte canadien, on veut que l'article 23 s'applique et s'applique franchement.
C'est la première chose que je voulais faire valoir. Je m'excuse de m'être emporté, mais sur cette question comme sur d'autres, je m'emporte. J'ai aussi besoin de divertir un peu mes étudiants. C'est une seconde nature. J'ai pensé que cela vous divertirait un peu.
Le deuxième point est la procédure de modification. Quelle est la modalité? Est-ce que c'est 43, comme le sénateur Beaudoin nous le signalait? Est-ce que c'est la formule générale? Il ne fait aucun doute dans mon esprit que c'est l'article 43 qui s'applique.
Pourquoi est-ce l'article 43? Parce que l'article 93, comme le dit l'article 43, c'est ce qui s'applique quand une disposition constitutionnelle enchâssée, et donc protégée par la Constitution, s'applique seulement à certaines provinces et pas à d'autres.
Nous avons fait un choix en 1982. On s'est dit que ça ne ferait pas toujours l'unanimité, que ça ne serait pas toujours l'artillerie lourde avec l'unanimité ou les deux tiers des provinces et 50 p. 100.
• 1030
Auparavant, c'était cela. C'était le Parlement britannique
avec une demande du fédéral et un degré appréciable de
consentement provincial, nous a dit la cour en 1981.
On a fait des choix spécifiques en 1982. Dans certains cas, c'est l'unanimité quand ça concerne une disposition particulière enchâssée; dans certains cas, c'est les deux tiers des provinces quand ça concerne le fédéralisme, la Charte des droits, certains compromis historiques concernant le Sénat et la représentation égale des régions, le Québec, l'Ontario, les Maritimes et l'Ouest.
Cependant, quand ça touche seulement certaines provinces, quand c'est une disposition constitutionnelle limitée dans son application à certaines provinces, donc limitée territorialement, quand ça ne touche pas le fédéral mais seulement certaines provinces, on a toujours besoin de l'accord des Chambres fédérales et il y a, bien sûr, un veto là-dessus, mais cela mis à part, on a besoin seulement de l'accord de la province dans laquelle l'amendement s'applique.
Je n'ai jamais vu un texte constitutionnel aussi clair que la version anglaise de l'article 43. Dans l'interprétation bilingue, il faut toujours choisir l'expression qui est la plus claire, qui donne un sens commun. Mais ce n'est pas tout. Il faut aussi que le sens clair soit le sens qui correspond à l'objet de la disposition de l'article 43.
Or, tous les auteurs s'accordent pour dire que si on a l'article 43, cette disposition particulière qui ne demande pas les deux tiers ou l'unanimité, c'est pour donner de la souplesse à la Constitution. Tout le monde s'accorde là-dessus. Le juge Betz a dit, dans l'affaire de la Société des Acadiens, que l'article 43 était là pour donner de la souplesse à la Constitution, afin que cela ne devienne pas un carcan dans lequel on est enfermé. Pourquoi de la souplesse? Parce que ça s'applique seulement à certaines provinces.
Ce n'est pas quelque chose de transcendant, qui touche toutes les provinces, comme le partage des compétences ou la Charte des droits. Cela, ça touche toutes les provinces et le fédéral, et c'est quelque chose qui concerne nécessairement tout le monde. Par ailleurs, l'article 43, par définition, concerne seulement certaines provinces et ne s'applique que quand la modification constitutionnelle ne s'applique qu'à certaines provinces, seulement avec l'accord de celles-là.
On a fait un choix. Là il y a une confusion chez les auteurs. On dit que l'article 95 est un compromis historique fondamental, un compromis entre le Québec et l'Ontario, et qu'il faut absolument l'accord de l'Ontario. À mon avis, c'est une erreur que de penser comme cela. L'article 43 protège toutes les dispositions qui sont des compromis fondamentaux. Si ce n'était pas un compromis fondamental, ces dispositions ne seraient pas enchâssées. Et ça ne serait pas l'article 43. Ce serait l'action unilatérale des provinces, à l'article 45.
L'article 43 vise les dispositions enchâssées, celles qui concernent les choses fondamentales pour certaines provinces seulement. Ces choses fondamentales ont été négociées en 1867 ou plus tard, lors de l'entrée dans l'Union des autres provinces: la Saskatchewan en 1905 et ainsi de suite. Elles ont été négociées et jugées fondamentales et on les a mises là-dedans, mais elles sont applicables à certaines provinces seulement.
Peu importe ce qui s'est passé, il faut d'abord dire que c'est un compromis fondamental, que c'est enchâssé. Ensuite, à l'article 43, on a fait un choix en 1982. Ça exige l'accord de la province à laquelle l'amendement s'applique, la province concernée par la modification. C'est ça qu'il faut comprendre. La province concernée par la modification ici, c'est la province de Québec, en ce sens que ce n'est que dans cette province que cet amendement s'applique.
Je vous remercie, monsieur le président, madame la présidente.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, professeur Proulx. Nous allons maintenant passer au professeur Foster, et nous aurons ensuite une période de questions.
Le professeur William F. Foster (Faculté de droit, Université McGill): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, membres du comité, de l'occasion qui nous est donnée de prendre la parole devant vous.
Après ce que vous venez d'entendre, je ne pourrai que m'efforcer d'être à la hauteur.
Des voix: Oh, oh.
M. William F. Foster: Permettez-moi tout d'abord de vous dire que je n'aborderai pas la procédure d'amendement. En effet, je suis convaincu que nous y reviendrons au cours de la période de questions.
Vous avez devant vous le résumé passablement exhaustif—si vous me permettez l'oxymoron—que le professeur Smith et moi-même avons rédigé pour exposer nos opinions. Je ne vais en aborder que certains aspects qui me semblent essentiels, et ensuite le professeur Smith vous parlera des autres points essentiels.
• 1045
Nous venons ici, je suppose, comme le professeur Proulx, avec
une certaine perspective. Tout d'abord, nous ne représentons aucun
groupe d'intérêts particulier lié au processus auquel nous
participons. La position que nous avons prise s'appuie sur une
triple perspective. Tout d'abord, nous appuyons une structure qui
ne vise à rien d'autre qu'à assurer l'infrastructure aux écoles,
comme lieux d'enseignement et d'apprentissage. Deuxièmement, nous
appuyons une structure qui assurera l'épanouissement de
l'enseignement en langue minoritaire au Québec, une structure,
donc, qui souffrirait d'être fragmentée. Également nous appuyons
une structure qui s'inspire d'un cadre des droits de la personne
comme la Charte canadienne des droits et libertés.
Évidemment, une question mérite d'être posée au départ. En effet, devons-nous établir des commissions scolaires linguistiques? Il me semble qu'une réponse claire a été donnée au Québec, et elle est affirmative. Cependant, sur le plan de la mise en oeuvre, certaines nuances méritent d'être apportées.
Il faut essentiellement répondre à la question suivante: est-il nécessaire ou souhaitable de modifier la Constitution pour assurer l'établissement de commissions scolaires linguistiques, et, dans l'affirmative, quelle forme doit prendre la modification?
Dans notre document, nous avons quatre possibilités. Cependant, je ne veux parler que de la première, à savoir celle de maintenir le statu quo.
La Cour suprême du Canada, dans le renvoi sur la Loi 107, a pavé la voie à des structures parallèles de commissions scolaires—si la chose est jugée souhaitable—à la superposition de commissions scolaires linguistiques à la structure confessionnelle actuelle. On a déjà demandé si les deux types de structures pouvaient être créées, et la réponse donnée a été affirmative. Il faudrait peut-être plutôt parler de maintien dans un cas et de création dans l'autre. Toutefois, nous ne favorisons pas cette possibilité, puisqu'elle entraînerait des coûts et un degré de fragmentation inacceptables pour la structure anglophone.
Il faut rappeler qu'il est clairement ressorti de l'affaire Mahé devant la Cour suprême que les garanties visant les écoles confessionnelles pouvaient diviser à tel point un groupe admissible d'étudiants de langue minoritaire que la création d'une école de langue minoritaire à laquelle ils auraient normalement droit par ailleurs deviendrait impossible. Une telle éventualité, aussi malheureuse qu'elle soit, ne diminue en rien la validité de l'interprétation de l'article 23 et n'a aucune incidence sur le fonctionnement du double système dans les limites de l'article 93.
Pour nous, là où la minorité anglophone est petite, et c'est effectivement le cas dans certaines régions, il ne vaut pas la peine de risquer de ne pas obtenir l'enseignement en langue minoritaire officielle par la fragmentation des étudiants minoritaires entre commissions scolaires protestantes et catholiques.
Deuxièmement, tout en reconnaissant que l'article 93 est peut-être utile pour ceux qui souhaitent le maintien des privilèges confessionnels actuels des catholiques et des protestants, nous ne croyons pas—et je pense bien que le professeur Proulx est d'accord là-dessus—que de tels privilèges constitutionnels doivent être maintenus, puisqu'ils ne correspondent pas aux valeurs canadiennes contemporaines contenues dans la Charte, et tout particulièrement celles qui sont visées par l'article 2a), soit la liberté de conscience et de religion, l'article 15, soit la protection contre la discrimination et la garantie des droits à l'égalité, et l'article 27, qui vise le patrimoine multiculturel.
Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, professeur Foster. Nous passons maintenant au professeur Smith.
Le professeur William J. Smith (directeur, Bureau de recherche sur la politique scolaire, Université McGill): Merci beaucoup.
• 1050
Comme l'a dit mon collègue, nous avons envisagé quatre
possibilités, la première étant le statu quo. La deuxième et la
troisième, sur lesquelles nous n'allons pas nous attarder, faute de
temps, ont trait au rafistolage ou à la modification de
l'article 93, qui serait toutefois maintenu. La quatrième
possibilité, dont je vais parler brièvement, vise la suppression
des garanties de l'article 93, comme le propose le gouvernement du
Québec. À notre avis, cette possibilité est clairement celle qui
mérite d'être retenue, selon notre analyse de l'article 93 de la
Loi constitutionnelle et de l'article 23 de la Charte.
Vous constaterez à la lecture de notre mémoire que, dans notre analyse, nous comparons les droits conférés par l'article 93 à ceux que confère l'article 23 pour ce qui est de divers aspects comme l'administration, la maîtrise des programmes, les ressources humaines, le financement et la fiscalité, la langue d'enseignement, et la confessionnalité. Évidemment, nous ne pouvons aborder chacun de ces aspects dans le temps qui nous est imparti ici, mais notre mémoire contient une analyse plus détaillée qui pourra vous intéresser.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Où est votre document, monsieur?
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): S'il vous plaît?
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Il nous parle toujours de son papier, mais on ne l'a pas.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Madame la sénatrice, est-ce que je peux permettre au professeur Smith de continuer? Continuez, professeur Smith.
M. William Smith: Merci, monsieur Paradis.
[Traduction]
Il ressort de notre analyse que les droits protégés aux termes de l'article 93 sont beaucoup moins considérables que ne voudraient nous le laisser croire ceux qui préconisent son maintien, et ce, en dépit de 20 années de recours aux tribunaux.
Dans une affaire concernant la Loi 22, la loi linguistique du Québec au début des années 70, le procureur général du Québec a affirmé que le paragraphe 93(1) protégeait le droit à la dissidence, le droit d'établir des écoles protestantes gérées par des protestants, où seule la religion protestante serait enseignée; le droit d'embaucher des enseignants et d'accueillir des élèves protestants; et le droit à une part traditionnelle des prélèvements fiscaux. Il s'adressait à des plaignants de la commission scolaire protestante. Il aurait pu en dire autant à ceux des commissions scolaires catholiques.
C'est ce point de vue, à quelques détails près, qui a été maintenu à ce moment-là et par la suite au cours des 18 années qui ont suivi. Le droit à la dissidence a été maintenu. Cependant, il a été déterminé qu'un tel droit n'englobait pas le droit de lever des impôts sans référendum, le droit de choisir la langue d'enseignement, le droit d'exercer un contrôle sur le programme, ou, comme il est ressorti de l'affaire la plus récente, concernant la Loi 107, le droit de gestion et de maîtrise de l'éducation que visaient les demandeurs.
Les efforts visant le maintien de commissions protégées par la Constitution se sont avérés quelque peu illusoires. On a pu maintenir des commissions confessionnelles et dissidentes, mais sans bénéficier des pouvoirs qui allaient censément de pair avec le droit d'exister.
Le peu de protection offert par l'article 93 se limite aux aspects confessionnels de l'enseignement, et, même là, dans un cadre passablement étroit. La protection n'englobe pas le principe plus général relatif à la gestion et au contrôle des écoles qui découle de la jurisprudence relative à l'article 23 de la Charte.
La protection accordée par la Charte peut être jugée insuffisante par bon nombre de personnes. Toutefois, on peut dire que ce que visent les défenseurs des droits des minorités, qu'ils soient confessionnels ou linguistiques, s'apparente peut-être dans certains cas à l'exercice du contrôle sur l'enseignement à l'échelle locale, c'est-à-dire à l'exercice du contrôle au palier local plutôt que provincial.
Tel n'est cependant pas l'objectif de la constitutionnalisation des droits des minorités. Il ressort clairement des jugements des tribunaux que les gouvernements provinciaux jouissent d'un large pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de la gestion de leur régime d'enseignement et que les minorités ne peuvent s'attendre à s'appuyer sur une protection constitutionnelle des droits des minorités pour influer sur la politique générale en matière d'éducation.
Évidemment, la jurisprudence relative à l'article 23 est en voie de développement, et notre analyse n'est pas aussi complète que nous le souhaiterions. Toutefois, à ce jour, cette jurisprudence nous semble beaucoup plus généreuse et riche en possibilités que celle qui a caractérisé les affaires portant sur l'article 93.
Il ressort clairement des commentaires du professeur Foster que nous ne favorisons pas la discrimination institutionnalisée, à savoir le maintien de privilèges pour les catholiques et les protestants, à l'exclusion de personnes d'autres confessions.
À cet égard, nous proposons, comme l'a fait notre collègue, le professeur Proulx, que l'arrêt Adler de la Cour suprême du Canada nous serve de guide. Il y est proposé que ce soit des écoles privées ou indépendantes qui répondent aux besoins de ceux qui souhaitent un enseignement confessionnel. Si la province décide de financer de telles écoles, comme c'est le cas au Québec, mais non pas en Ontario, alors elle doit le faire sans discrimination—c'est-à-dire sans créer de distinction, d'exclusion ou de préférence à l'égard d'une religion aux dépens d'une autre. Au Canada, nous avons deux langues officielles, mais nous n'avons pas de religion officielle. La reconnaissance exclusive des religions catholique et protestante n'a pas sa place dans nos écoles publiques.
• 1055
En terminant, nous aimerions rappeler, et plus
particulièrement à ceux auxquels notre document est destiné, les
législateurs et les décideurs, quel est l'objectif véritable de la
réforme des commissions scolaires et de la modification
constitutionnelle. La politique, la structure et les ressources de
tout système scolaire doivent être organisées en fonction de ces
objectifs—l'enseignement et l'acquisition du savoir. Cependant,
ceux dont l'activité consiste à étudier la politique et le droit,
tout comme ceux qui occupent des postes clés comme décideurs,
risquent trop facilement de s'isoler de ce qui constitue la raison
d'être du système d'enseignement: les étudiants.
Si on est trop pris dans son petit monde, on risque d'oublier que les grandes politiques, les lois, les règlements, les infrastructures, etc., n'ont pas, ou tout au moins ne devraient pas avoir, une vie qui leur est propre. Conséquemment, si notre mémoire fait en sorte que les responsables de la réforme constitutionnelle à Ottawa et à Québec prennent des décisions essentiellement en fonction de l'enseignement et de l'acquisition du savoir, nous aurons atteint notre objectif.
A la question que nous avons posée, à savoir si la réforme des commissions scolaires peut fournir une occasion qu'il importe de saisir, la modification de la Constitution fournit une réponse cruciale qui est nécessaire, mais qui n'est pas suffisante. En effet, il ne suffit pas d'adopter la modification que demande le Québec pour assurer la réforme des commissions scolaires. Lorsque certains aspects structurels de la question auront été réglés, nous pourrons faire porter nos efforts sur le bon fonctionnement du nouveau système à l'avantage des étudiants, qui sont les vrais bénéficiaires du système.
Comme nous l'avons déjà déclaré devant l'Assemblée nationale du Québec dans un autre mémoire, l'établissement de commissions scolaires linguistiques fournit l'occasion de réinventer notre système scolaire, de créer des commissions scolaires qui sont des structures de soutien des écoles plutôt que des structures hiérarchiques de pouvoir. Si nous n'arrivons pas à réaménager les commissions scolaires de cette manière, alors peu importera qu'elles soient linguistiques ou confessionnelles, car nous aurons manqué le bateau tout à fait et gaspillé l'occasion qui s'offrait à nous.
Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup.
Je tiens à vous remercier, messieurs Smith et Foster.
[Français]
Nos remerciements vont également au professeur Proulx. Nous allons entreprendre une série de questions.
[Traduction]
C'est M. Peter Goldring qui prendra tout d'abord la parole.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci.
Professeur Proulx, l'article 43 de la Constitution de 1982 prévoit clairement pour toute demande de modification constitutionnelle un processus de résolution de l'assemblée législative. L'Assemblée nationale du Québec a demandé la modification et l'extinction de l'article 93, mais, dans la même demande, on refuse de reconnaître la Constitution de 1982, dont s'inspire la demande du Québec. Les autorités du Québec déclarent qu'elles n'ont pas à reconnaître la protection de la Constitution de 1982. Puisque la demande vise l'extinction et la suppression à tout jamais d'une telle protection, comment pouvez-vous expliquer cette ambiguïté?
[Français]
Le coprésident (M. Denis Paradis): J'ai demandé tantôt qu'il n'y ait pas de téléphones cellulaires dans la salle. Est-ce que je pourrais demander la collaboration de tout le monde pour qu'il n'y ait pas de téléphones cellulaires activés dans cette salle, s'il vous plaît? Merci. Vous avez la parole, professeur Proulx.
M. Daniel Proulx: Je résume votre question pour être sûr que je l'ai bien comprise. Vous me demandez si le fait que le Québec n'a pas accepté la Constitution de 1982 a un effet sur l'amendement actuel. Est-ce que c'est bien le sujet de votre question?
[Traduction]
Le coprésident (M. Denis Paradis): S'ils font la demande aux termes de l'article 43 de la Constitution de 1982 tout en déclarant dans leur demande qu'ils ne reconnaissent pas la Constitution de 1982, alors comment expliquer cette ambiguïté?
[Français]
M. Daniel Proulx: D'accord. Je crois en effet qu'il y a une ambiguïté fondamentale. Le gouvernement du Québec refuse politiquement l'application de la Loi de 1982. Le gouvernement actuel, le gouvernement libéral précédent et les gouvernements successifs depuis 1982 au Québec refusent la refusent. C'est un précédent historique au Canada. Un amendement constitutionnel majeur a été apporté à la Constitution sans le consentement de la province de Québec. Cela ne s'était jamais vu avant 1982 et cela ne s'est pas vu depuis 1982.
• 1100
C'est la seule modification constitutionnelle
majeure qui a été opérée au Canada depuis 1867 sans
l'accord de la province de Québec. Alors, vous
comprendrez que les gouvernements
successifs trouvent qu'il y a quelque chose
d'inacceptable là-dedans. C'est la première
chose. On peut être d'accord ou non, mais c'est la
position des gouvernements successifs du Québec.
Maintenant ils sont pris dans un dilemme. C'est, cher monsieur, une des explications, mais ce n'est pas tout. C'est ce qui explique pourquoi le gouvernement du Québec a mis si longtemps avant de se décider à présenter cette proposition. C'est parce qu'ils sont en contradiction avec eux-mêmes. On ne reconnaît pas la Constitution mais on s'en sert.
Je vous dis que d'un point de vue politique, si vous voulez que le Québec reconnaisse la Constitution, il faut que vous adoptiez sa proposition d'amendement. Vous le placez justement—c'est d'autant plus amusant que c'est un gouvernement du Parti québécois—en contradiction avec lui-même et il se trouve à reconnaître la Constitution sans le vouloir parce que des impératifs plus importants sont en cause. Il s'agit de l'instruction de nos enfants, qui est la base de la société, et il y certainement aussi une question de coûts.
[Traduction]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Question supplémentaire, monsieur Goldring.
M. Peter Goldring: Étant donné qu'ils refusent de reconnaître la Constitution de 1982 et que nous allons supprimer à tout jamais les droits conférés par l'article 93 de la Constitution, quelle garantie avons-nous qu'ils vont respecter les lignes directrices de la Constitution de 1982, comme on l'a laissé entendre?
[Français]
M. Daniel Proulx: Je ne sais pas si la question s'adresse à moi, mais je peux vous dire que les assurances sont aussi claires que toutes celles des autres garanties constitutionnelles de la Constitution. Le gouvernement du Québec est obligé de refléter le partage des compétences. La Charte, aussi bien que l'article 23, tout est sous le contrôle de la Cour suprême du Canada, et il est impossible pour le gouvernement du Québec de déroger, avec la clause nonobstant, aux garanties linguistiques en matière scolaire. C'est possible en matière de liberté d'expression, comme pour l'affichage public par exemple, mais c'est une autre histoire.
En ce qui concerne l'article 23, soit la garantie des minorités linguistiques de garder leurs écoles, leurs structures scolaires et conseils scolaires, la Constitution s'applique intégralement, que le gouvernement du Québec le veuille ou non.
On l'a vu d'ailleurs en 1984, dans la deuxième décision de la Cour suprême sur la Charte, concernant le Quebec Association of Protestant School Boards, où la Cour suprême a cassé ce qu'on appelait la clause Québec de la Loi 101, qui limitait l'accès aux écoles anglaises du Québec aux seuls anglophones du Québec. L'article 23 dit que les écoles anglaises du Québec sont pour les anglophones du Canada, et pas seulement pour ceux du Québec. On a donc cassé la Loi 101 à cause de l'article 23.
Par conséquent, la législation québécoise en matière scolaire est entièrement, totalement et radicalement soumise à la Charte, sans possibilité de déroger. Je ne vois pas ce qu'on peut avoir de plus clair comme garantie constitutionnelle.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Ma question s'adresse au professeur Proulx. Vous concluez que l'article 43 s'applique et il n'y a aucun doute là-dessus. Le seul doute soulevé par certains est de savoir si c'est bilatéral ou trilatéral.
Votre conclusion est que c'est bilatéral.
M. Daniel Proulx: Peut-être plus que ça, sénateur Beaudoin, car un de mes collègues dit que ça couvre les six provinces.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, je sais, car je le connais bien. Mais je pense que le débat, pour les fins de notre amendement ou de la résolution qui est devant nous, porte sur la question de savoir si c'est bilatéral ou trilatéral. Je suis cependant d'accord avec vous que certains vont prétendre que ça couvre les six provinces. On est pas mal proche du 7-50.
Mais l'argument, et je voudrais être bien sûr que c'est ce que vous pensez, m'apparaît être le suivant: comme on parle du Québec et de l'Ontario dans l'article 93, dans lequel il est dit que les droits confessionnels, dans les écoles séparées de l'Ontario, s'appliquent et sont étendus au Québec, certains arrivent à la conclusion que le Québec et l'Ontario sont interreliés.
• 1105
L'autre argument est le suivant: il est vrai qu'on
parle du Québec et de l'Ontario dans l'article
93 puisqu'il est dit que les droits confessionnels de
l'Ontario s'appliquent au Québec. Mais si le Québec
ne veut pas de droits confessionnels, il peut dire non et
l'Ontario ne perdra absolument rien parce que les droits
confessionnels continueront à s'appliquer en Ontario tant
qu'il n'y aura pas eu d'amendement constitutionnel.
C'est donc le Québec seul qui doit se présenter
et non pas le Québec et l'Ontario. Est-ce que c'est votre
raisonnement?
M. Daniel Proulx: Vous me donnez la question et la réponse, monsieur Beaudoin. Je ne peux qu'abonder dans votre sens.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Je voulais poser la question à d'autres experts, mais vous êtes le premier expert qui comparaît.
M. Daniel Proulx: Je partage entièrement votre point de vue, monsieur Beaudoin, et je réitère ce que j'ai dit tantôt en essayant d'être encore plus clair. Il est tout à fait possible que certaines dispositions interrelient deux provinces ou interrelient le fédéral et une province.
Prenons l'article 133 qui est une garantie linguistique, mais pas dans le domaine scolaire. Les lois bilingues, les tribunaux bilingues, les débats parlementaires dans la langue du député ou du sénateur, dans la langue de votre choix, c'est à l'article 133 qui s'applique au Québec et également au fédéral. C'est la même chose au Manitoba de par l'article 23 de la Loi du Manitoba qui a répété l'article 133. Dans les deux cas, cela s'applique aussi au fédéral.
Si on voulait modifier 133, il faudrait faire des compromis fondamentaux. Cela interrelie d'une certaine façon le fédéral et le Québec, le fédéral et le Manitoba. Si on voulait modifier 133 pour le Québec seulement, personne ne demanderait l'accord du Manitoba. Aucun constitutionnaliste ne dira qu'il faut l'accord de quelqu'un d'autre que les Chambres fédérales et l'Assemblée nationale du Québec.
Il y en avait un que je ne nommerai pas et qui disait qu'il fallait l'accord unanime des dix provinces. Mais il vient de changer d'idée dans le livre qu'il vient de publier, où il dit qu'il faudrait tout simplement avoir l'accord du Québec puisque cela n'affecterait que cette province. C'est l'article 43 et on n'a pas besoin du Manitoba.
Par contre, il est clair pour les députés fédéraux que, pour modifier l'article 133 au fédéral, ce qui touche tout le Canada, on invoquera l'article 41 qui prévoit qu'il faut avoir l'unanimité des dix provinces si on touche aux questions linguistiques au niveau du fédéral.
Et même si l'article 93 interrelie le Québec et l'Ontario, il n'y avait pas autrefois de compromis entre le Québec et l'Ontario pour la bonne raison qu'à l'époque, il n'y avait pas de Québec ni d'Ontario. Il y avait le Canada-Uni avec deux délégations séparées lors des négociations, celle du Bas-Canada et celle du Haut-Canada. Il y avait aussi le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, et c'était un compromis entre toutes ces parties. Il n'y avait pas de garantie confessionnelle. Mais le choix est fait maintenant avec 1942. Le problème, c'est qu'on réfléchit à partir de l'ancienne jurisprudence. Mais 1942 rompt avec le passé. Il y a une nouvelle formule de modification. On dit «à l'avenir». Quelles que soient les raisons invoquées, c'est l'accord de la province touchée.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Excusez-moi, je voudrais apporter une précision. Vous dites 1942, mais je pense que vous voulez dire 1982, n'est-ce pas?
M. Daniel Proulx: J'ai dit 1942, moi?
Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, 1982, c'est la formule actuelle.
M. Daniel Proulx: Excusez-moi, 1982.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Je voulais aussi...
Le coprésident (M. Denis Paradis): Sénateur Beaudoin, avec votre permission, on y reviendra. Madame Marlene Jennings
Le sénateur Gérald Beaudoin: Oui, mais on perd le fil de la discussion.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur le sénateur, je vais vous dire que... Madame la coprésidente?
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.): Précisez, s'il vous plaît.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Ce que je veux dire, c'est que la formule d'amendement considérée ici concerne les droits confessionnels. Il est dangereux de faire des comparaisons avec les droits linguistiques, parce ce n'est pas la même formule d'amendement. C'est tout ce que j'avais à dire.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur le sénateur. Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Premièrement, j'aimerais vous remercier tous les trois pour vos présentations, et particulièrement le professeur Proulx pour une présentation aussi passionnée de si bon matin. Je pense que cela a réveillé tout le monde dans la salle et c'était bien parce que le café n'est pas tellement fort.
Professeur Proulx et professeur Smith, j'aimerais que vous répondiez à une question que nous allons entendre souvent au cours des prochains jours dans les présentations des témoins qui vont venir devant nous. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des groupes dans la communauté anglophone au Québec qui craignent beaucoup que la modification de l'article 93 ne mettre en péril leurs droits linguistiques.
Dans le contexte de la suspension de l'application de l'alinéa 23(1)a) de la Charte pour le Québec, j'aimerais que vous nous donniez votre opinion sur cette situation. Est-ce que, malgré la suspension de cette partie de l'article 23, celui-ci est quand même pour le Québec une meilleure garantie des droits linguistiques des minorités que l'article 93?
[Traduction]
M. William J. Smith: Permettez-moi une première tentative de réponse. Certaines personnes estiment que la modification de l'article 93 aura un tel effet. D'après moi, c'est tout à fait erroné, et ce, pour deux raisons.
Tout d'abord, rappelons que le fait de supprimer l'article 93 n'a aucune incidence sur l'article 23. Cet article est tout à fait indépendant—pour le meilleur et pour le pire, peut-être, mais il est tout à fait indépendant.
L'article 93 ne prévoit aucune garantie pour une minorité linguistique au Québec. L'affaire MacKell, en Ontario, dans la première moitié du siècle, a permis de le vérifier, et on a pu le vérifier également dans la deuxième moitié du siècle dans le cas de la Loi 22, où le juge en chef Deschênes a invalidé à tout jamais l'idée que l'article 93 pouvait servir de garantie de protection des droits linguistiques des anglophones au Québec.
La suppression de l'article 93 ne diminue en rien les droits d'une minorité linguistique découlant de l'article 93, puisqu'il n'en existe pas. Elle ne diminue pas les droits issus de l'article 23, puisqu'elle n'a aucun effet sur cet article de la Constitution. Avec ou sans la modification visant l'article 93, de tels droits existent.
Il est bien vrai, comme vous l'avez laissé entendre et comme d'autres l'ont dit devant le comité, que l'un des alinéas de l'article 23, à savoir l'alinéa 23(1)a), ne s'applique pas à la province de Québec et ne s'y appliquera pas tant que le gouvernement du Québec n'accordera pas son assentiment. Comme l'a dit le ministre Dion, il s'agit essentiellement d'une question d'accès, et, pratiquement, cela veut dire que les enfants de la personne dont la première langue apprise et encore comprise est l'anglais mais qui, par ailleurs, n'est pas admissible même si elle a reçu un enseignement en anglais au Canada, ne peuvent avoir accès aux écoles anglaises au Québec.
Il est certain que tout le monde, y compris nous-mêmes, de la collectivité anglophone du Québec, souhaiterions avoir une modification en ce sens et souhaiterions voir le Québec reconnaître l'alinéa 23(1)a). Mais, avec ou sans la modification de l'article 93, cette situation est telle qu'elle est. Elle n'est modifiée ni dans un sens ni dans l'autre.
Signalons également que de nombreux commentaires ont été faits au sujet du processus de modification visé par l'article 43. À cet égard, nous sommes tout à fait d'accord avec les opinions exprimées par le sénateur Beaudoin pour ce qui est de la validité du processus de modification par rapport au présent débat sur l'article 93.
Pour l'article 23, ce serait tout à fait autre chose. Si nous voulions nous pencher sur la portée et l'ampleur des droits découlant de l'article 23, alors il faudrait un débat national, et non pas un débat bilatéral entre le Québec et Ottawa au sujet d'un système scolaire; il s'agirait d'un débat national au sujet des droits des minorités linguistiques. Nous nous ferions un grand plaisir de participer à un tel débat à un autre moment, mais il ne nous semble pas opportun de le faire aujourd'hui.
La coprésidente (la sénatrice Lucie Pépin): Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Ménard.
M. Réal Ménard: J'ai beaucoup aimé ce que nous avons entendu. J'ai craint un certain dérapage, cependant, lorsque vous avez laissé sous-entendre que le gouvernement du Québec pourrait être piégé. Vous savez combien le gouvernement du Québec, comme le Bloc québécois, se prête de bonne foi à l'idée qu'on a une Assemblée nationale, des parlementaires légitimement élus et un consensus. Vous savez que les consensus sont assez rares dans les partis politiques et dans les assemblées. Je veux donc dire que ce n'est pas parce que le Québec reconnaît qu'on doit procéder maintenant avec la formule d'amendement bilatérale qu'il reconnaît la Constitution.
Vous savez très bien que dans le libellé de la résolution, tout cela est très explicite. Est-ce que l'ordre constitutionnel fait en sorte que ça s'applique? Sachez que le rapport Beaudoin, qui a été rendu public il y a un an et demi—je ne parle pas du célèbre sénateur mais de la ministre de la Culture—, dit que la Loi 101 a eu 200 amendements.
Les différents jugements des tribunaux ont fait en sorte que la Loi 101 a subi 200 amendements. Il est donc clair que la Constitution s'applique, mais aux termes d'un processus positif dans lequel on s'engage. J'espère que vous ne doutez pas du fait que l'Assemblée nationale ne va jamais reconnaître la Constitution de 1982.
Ce que je viens de dire est plus un commentaire qu'une question et je suis sûr que vous n'allez pas résister à la tentation de réagir.
Je vous demanderais tout d'abord si vous pensez que l'on se trompe, sur le plan de la générosité des textes, en disant que la Loi 101, dans son Chapitre VIII et son article 73 sur l'admissibilité des anglophones à des institutions scolaires publiques, est beaucoup plus généreuse que l'article 23 qui l'assujettit à un critère de nombre.
Je vous dis cela parce que je pense qu'il serait malheureux qu'on ait des préjugés dans ce comité. D'ailleurs, mon collègue, le député de Vaudreuil—Soulanges, a bien inconsciemment colporté ce préjugé tantôt, quand on vous a donné à penser que la minorité anglophone pourrait être menacée et que le Québec laissé à lui-même, avec sa Loi 101, pourrait faire en sorte que la minorité anglophone soit handicapée.
Alors, est-ce que vous partagez cette idée que, sur le plan de la générosité des textes, la Loi 101 concernant l'admissibilité est plus généreuse que ne l'est l'article 23?
J'aurai ensuite une autre question très courte. Si vos collègues veulent réagir, qu'ils le fassent.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Professeur Proulx.
M. Daniel Proulx: Ah, c'est tout! Je pensais que vous en aviez d'autres.
M. Réal Ménard: Oui, j'en aurai deux autres après.
M. Daniel Proulx: Excusez-moi. Sur la première question très politique, à savoir si le Québec reconnaît la Constitution en procédant à cette modification constitutionnelle, c'est certain. Vous mentionnez qu'on a pris la précaution de dire dans le préambule que ce n'est pas parce qu'on fait ça qu'on reconnaît la Constitution, mais il faut bien admettre que le Québec se sert de la Constitution qu'il ne reconnaît pas.
Là-dessus, je n'ai rien d'autre à ajouter sinon que c'est une belle occasion qui se présente au Parlement fédéral, une belle perche qui lui est tendue. Il est clair qu'on a hésité longuement, mais heureusement, on a vu les intérêts supérieurs du Québec l'emporter. Effectivement, le préambule réaffirme que le Québec ne reconnaît pas la Constitution. Je pense que cela n'empêchera pas le gouvernement du Québec de réaffirmer qu'il ne reconnaît pas la Constitution de 1982, mais il y a quand même un beau paradoxe qu'on ne peut s'empêcher de constater.
En ce qui concerne la Loi 101, est-elle aussi généreuse ou plus généreuse que l'article 23? Il est certain que la Loi 101 ne conditionne pas l'accès à l'école anglaise et que Québec a un critère de nombre, c'est certain.
Il y a des cas qui sont très clairs. On sait que la loi prévoit des ententes obligatoires entre les conseils scolaires, même pour le cas d'un seul enfant. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas d'affaires judiciaires au Québec. Ce n'est pas un problème.
Ce qui pose un problème, c'est l'alinéa 23(1)a), dont on a parlé tantôt. J'aimerais d'ailleurs faire un peu d'histoire, et Mme Lavoie-Roux est bien au courant. En ce qui concerne l'alinéa 23(1)a), qui écarte le critère de la langue maternelle, vous savez bien que ce n'est pas un caprice du Québec.
C'est arrivé et cela a été confirmé par la Constitution du Canada, justement en 1982, quand la légitimité des choix québécois a été confirmée.
• 1120
Au Québec, avant la
première loi qui a limité l'accès à l'école
anglaise, avant la Loi 22, 90 p. 100
des immigrants au Québec allaient à l'école anglaise.
Des études l'ont démontré. Le Québec et Montréal
étaient en train de couler à pic au point de vue de
leur caractère
unique français. Je conviens que des facteurs religieux
jouaient aussi un rôle, mais la réalité était
tout de même telle.
C'est pour cela que le gouvernement de M. Bourassa a commencé à faire une première limitation. On a parlé de langue maternelle et de langue d'usage: n'auront accès à l'école anglaise que ceux qui peuvent s'exprimer en anglais. On était alors dans l'obligation de créer des tests linguistiques. Cela a été l'enfer. Tout le monde voulait se déclarer anglophone. La langue anglaise, c'est l'attraction sur le continent nord-américain; c'est irrésistible à bien des égards. On ne retrouve pas en Ontario ou en Saskatchewan l'attraction de la langue française; elle n'est pas très forte comparativement à l'attraction de la langue anglaise au Québec.
Alors, on a commencé par exiger des tests linguistiques. Cela a été un capharnaüm et a créé du mécontentement partout dans la communauté anglophone et dans la communauté francophone. C'est pourquoi en 1976, deux ans plus tard, le nouveau gouvernement en place remplaçait le critère de la langue maternelle et de la langue d'usage par un critère objectif, celui du dossier scolaire des parents de ces enfants. On se demandait si l'un des deux parents avait étudié en anglais. On n'a pas besoin de passer des tests pour cela. Probablement que 99,9 p. 100 des parents anglophones ont étudié en anglais.
Ce critère était tellement bon d'ailleurs que la Constitution du Canada l'a repris, à l'article 23. Au Québec, on a laissé la situation telle qu'elle était, puisqu'elle était extrêmement difficile. On lui a dit que si un jour il n'éprouvait plus d'inquiétude au point de vue culturel et jugeait qu'il n'avait plus besoin de l'article 59 parce que la Loi 101 avait fait son oeuvre, etc., il serait toujours possible de permettre à tous ceux...
M. Réal Ménard: Monsieur Proulx, pour résumer votre pensée, qui est fort éloquente, vous reconnaissez que sur le plan de la reconnaissance, c'est explicite. Vous vous rappelez qu'en philosophie, un paradoxe, ce n'est que l'apparence d'une contradiction; ça n'en est pas une. Là-dessus, l'Assemblée nationale a pris toutes les libertés qu'il fallait avoir.
Deuxièmement, je comprends que vous craignez...
Le sénateur Gérald Beaudoin: Aristote n'a pas dit cela.
M. Réal Ménard: Non, mais il n'y a pas juste Aristote en philosophie.
M. Daniel Proulx: Je vois que les parlementaires sont plus dissipés que mes élèves.
M. Réal Ménard: Surtout à côté de vous. En conclusion, dans le fond, vous êtes d'accord sur cette idée que si jamais l'alinéa 23(1)a) trouvait application, il pourrait y avoir, sur le plan de l'équilibre qu'on essaie d'établir avec les communautés, quelque chose d'extrêmement préoccupant.
Vous rappelez-vous le rapport Chambers publié il y a trois ans? C'est la soeur du philosophe Charles Taylor qui disait que si on appliquait l'alinéa 23(1)a), il y aurait seulement un transfert de 1 p. 100 des effectifs.
Un tel point de vue ne saurait trouver un écho favorable auprès du gouvernement du Québec. Je suis très content des explications que vous avez données sur l'alinéa 23(1)a) et sur la reconnaissance concernant 1982. Je vous remercie beaucoup.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci beaucoup, monsieur Ménard.
[Traduction]
La parole est maintenant à Mme Val Meredith.
Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.
Monsieur Proulx, vous reconnaissez que, à l'époque de la Confédération, il n'y avait pas une province du Québec et une province de l'Ontario, mais bien une province du Canada. Vous reconnaissez que telle était la situation du Québec et de l'Ontario au moment de la Confédération.
Voici ce sur quoi je m'interroge. Si le Québec peut se soustraire à un article de la Loi constitutionnelle de 1867 pour cette raison, à cause du fait qu'il n'existait qu'une seule province au moment de la Confédération, alors la province pourrait se soustraire à d'autres articles de la Loi constitutionnelle de 1867 sans l'accord de l'autre moitié de cette province unique, soit l'Ontario. Y a-t-il là un précédent qui pourrait avoir une incidence sur l'évolution constitutionnelle à l'avenir?
[Français]
M. Daniel Proulx: D'abord, disons une chose. J'ai mentionné qu'avant 1867, il n'y avait pas le Québec et l'Ontario, mais le Bas-Canada et le Haut-Canada, ce qui faisait la province du Canada-Uni. Dans les faits et dans la négociation constitutionnelle, il y avait le Bas-Canada, entité distincte du Haut-Canada. Chacun avait ses représentants et ses négociateurs constitutionnels. Donc, en vérité, c'était deux provinces dans une, deux équipes de négociation distinctes, d'autant plus qu'on voulait en faire deux provinces distinctes dans le projet de modification.
• 1125
Je ne crois pas que ça va créer un
précédent. De toute façon, ce qu'il faut comprendre,
c'est que l'article 43 s'applique lorsqu'on veut
modifier une disposition qui ne s'applique qu'en
Ontario, et en Ontario seulement.
Si une disposition s'applique uniquement au
Québec... Il faut qu'elle soit enchâssée, par contre;
il faut qu'elle ait donné lieu à un compromis
fondamental de l'union. C'est la condition pour
que l'article 43 s'applique; c'est un compromis fondamental de
l'union, comme c'est le cas ici. Si on voulait
modifier l'article 93 en Ontario, on n'irait pas demander
au Québec de se mêler des affaires de l'Ontario.
Là on est au Québec. Pourquoi irait-on demander à la
province de l'Ontario de se mêler des affaires du
Québec?
Parce qu'à l'origine, ces garanties s'appliquaient
dans les deux provinces? Bien sûr, elles
s'appliquaient dans les deux provinces, mais
l'article 43 est clair: on veut adopter
une disposition constitutionnelle
qui s'applique dans une seule province, et donc seul
l'accord de cette province est nécessaire.
Qu'il y ait de la réciprocité ou pas, si ça n'a aucun effet dans l'autre province... Cet amendement n'a aucun effet en Ontario. Si on modifiait le système scolaire catholique en Ontario, cela n'aurait aucun effet au Québec. Pourquoi demanderait-on l'accord du Québec? L'article 43 nous dit que ce n'est pas nécessaire. C'est aussi simple que cela.
[Traduction]
Mme Val Meredith: Mais cet argument selon lequel seul le Québec est touché, même si d'autres provinces ont participé à l'entente, ne pourrait-il pas servir par rapport à d'autres articles de la Loi constitutionnelle de 1867? Ne soutiendrait-on pas que tel ou tel aspect ne touche que le Québec et que le Québec a le droit, selon l'article 43, de se soustraire à d'autres aspects ou à d'autres articles de cette loi constitutionnelle?
[Français]
M. Daniel Proulx: Prenons l'exemple de l'article 133 dont on parlait plus tôt. C'est un débat linguistique qui n'a rien à voir avec la religion et un article qui ne s'applique que dans la province de Québec. C'est le seul article pertinent auquel je puis penser; il y a l'article sur la composition de la Cour suprême, mais ça c'est prévu déjà.
Puisque l'article 133 ne s'applique qu'au Québec, si on veut le modifier dans cette province, soit en vue d'en augmenter ou d'en diminuer les garanties, ça prendra l'accord de la province de Québec seulement et, bien sûr, du Parlement fédéral, qui ici se trouve être le protecteur des minorités. Par l'article 43, le Parlement fédéral joue le rôle de protecteur des groupes minoritaires, linguistiques et religieux dans la mesure où il juge important de le faire.
J'ajouterai une dernière chose. Si cet amendement est adopté bilatéralement, je suis convaincu que la Cour suprême ne s'y opposera jamais advenant que l'affaire soit contestée. Comme je le disais plus tôt, elle a déjà déclaré de toute façon que, premièrement, ce n'est pas un droit fondamental dont on se débarrasse ici au Québec. Deuxièmement, je pense bien que nos juges, sans être en mesure de le dire ouvertement, sont sensibles aux considérations politiques. C'est bien clair. Devant un accord du Parlement fédéral et le consentement unanime de la province de Québec, ça créerait une crise politique majeure s'il fallait qu'elle s'y oppose pour des considérations qui tiendraient à une interprétation de l'article 43 poussée à l'extrême et qui irait au-delà du texte. Je suis convaincu que la Cour suprême confirmerait l'accord bilatéral dans ce cas particulier.
[Traduction]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Proulx.
Sénateur Grafstein.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Merci, monsieur le président.
Permettez-moi à nouveau de revenir en arrière pour tenter de comprendre l'effet des deux résolutions incompatibles et les répercussions de la formule d'amendement sur ces deux résolutions incompatibles. D'une part, il y a la résolution provinciale qui s'exclut de la Loi constitutionnelle de 1982. Puis, il y a la formule d'amendement de 1982, et, il y a le gouvernement provincial qui cherche à modifier l'article 93 selon la Loi constitutionnelle de 1982.
L'un des témoins y voit un paradoxe. Permettez-moi de poser certaines questions pour obtenir des précisions d'ordre juridique.
Un seul choix s'offre au gouvernement du Québec pour changer la situation: c'est la voie de l'article 43. Il n'y a aucune autre façon d'atteindre l'objectif. Le gouvernement du Québec a choisi la seule possibilité qui s'offre à lui.
• 1130
N'est-il pas plus que paradoxal que les autorités du Québec
aient choisi la seule voie possible pour modifier la Constitution,
à savoir le processus de la Loi constitutionnelle de 1982?
N'ont-elles pas ainsi reconnu tacitement la Constitution de 1982?
Le gouvernement du Québec n'est-il pas devant l'impossibilité de
nier sa reconnaissance de la Constitution?
Il ne s'agit pas d'un paradoxe, mais d'une prise de position qui impose des obligations juridiques.
En effet, les autorités du Québec, en choisissant la seule voie qui leur était offerte, n'ont-elles pas donné leur accord tacite à la Constitution de 1982, même si elles peuvent invoquer le caractère précatif de leur résolution pour s'en soustraire? Il me semble que c'est bien davantage qu'un paradoxe. N'est-ce pas une convention?
M. William J. Smith: Je ne prétends pas être un expert des questions constitutionnelles, mais leur action implique évidemment une certaine reconnaissance.
Mais il s'agit là d'aspects d'ordre politique, et non pas d'ordre juridique ou constitutionnel. La résolution du Québec affirme la non-reconnaissance sur le plan politique. Il s'agit d'une position que les autorités québécoises tiennent à prendre sur le plan politique.
À mon avis, madame la présidente et monsieur le président, je crois que cette discussion concernant la formule de modification et ses conséquences pour les rapports entre le Québec et Ottawa ne sert qu'à détourner l'attention des vrais enjeux qui doivent intéresser le comité.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein: Monsieur le président, je commenterai en disant que nous sommes ici non seulement hommes et femmes politiques, mais également pour traiter d'une modification de la Constitution comme législateurs. Ainsi y a-t-il convergence, que cela nous plaise ou non, entre le juridique et le politique. La réalité est ainsi faite.
Je demande aux conseillers juridiques de nous donner des avis d'ordre juridique. Je veux savoir quelles sont les conséquences sur le plan juridique.
À titre d'hommes et de femmes politiques, nous devrons assumer nos responsabilités. Cependant, vous, les juristes, les constitutionnalistes, qu'avez-vous à dire au sujet des répercussions juridiques de l'adoption par le Parlement fédéral d'une résolution qui s'appuie très clairement sur la Constitution de 1982 et qui répond aux aspirations du Québec? Quelle est la situation juridique dans laquelle nous nous trouvons? Laissez-nous l'aspect politique. Donnez-nous vos conseils juridiques.
M. William J. Smith: Selon moi, le fait d'adopter la résolution ne modifie en rien la situation juridique. Si la résolution est adoptée, la Constitution n'aura pas du tout changé; elle s'appliquera de la même façon. Donc, il n'y a, à mon avis, aucune répercussion juridique.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, professeur Smith.
Nous passons maintenant à l'intervention de Nick Discepola.
M. Nick Discepola: J'ai deux questions, monsieur le président, et il convient, me semble-t-il, de les adresser à M. Smith ou à M. Foster.
Existe-t-il des précédents juridiques pour ce qui est de l'interprétation de l'expression «là où le nombre le justifie»? Faut-il des milliers de personnes? S'agit-il de critères géographiques, régionaux? Tient-on compte de la situation géographique du conseil scolaire? Y a-t-il des précédents?
M. William F. Foster: Il existe un certain nombre de lignes de conduite. Tout d'abord, pour déterminer si «le nombre le justifie» dans telle ou telle localité, on ne se fonde pas sur le nombre de personnes dans une commission scolaire donnée. Ainsi, selon la Cour suprême, il ne serait pas possible de redécouper les limites des commissions scolaires pour fragmenter une minorité linguistique au point de déboucher sur un résultat désavantageux pour elle. On doit évaluer la localité de façon générale, puisqu'il peut s'agir de n'importe quel endroit de la province. Le libellé m'échappe, mais la portée est très générale.
En deuxième lieu, la Cour suprême n'a jamais défini de nombres précis. Tout est relatif. Dans la loi, on dit: «partout où le nombre d'enfants est suffisant pour justifier... l'instruction dans la langue de la minorité», et, dans une autre disposition du même article, il est question d'«établissements d'enseignement». Le droit au financement est proportionnel au nombre d'élèves.
M. Nick Discepola: Cette interprétation vous satisfait-elle?
M. William F. Foster: Oui. Le tribunal n'a jamais précisé quel est le nombre minimum à partir duquel la garantie s'applique et quel est le nombre minimum qui justifie des établissements d'enseignement...
M. Nick Discepola: J'ai une deuxième question qui fait suite à la première. À l'heure actuelle, les commissions scolaires ont des pouvoirs d'imposition qui leur permettent, notamment, d'offrir des services dans les langues minoritaires. Si l'article 93 est abrogé, le gouvernement provincial pourra-t-il modifier unilatéralement ces pouvoirs d'imposition?
M. William J. Smith: La question est délicate. On a assisté au Québec à des contestations en vertu de la Constitution sur la mesure dans laquelle l'article 93 protège le droit des commissions scolaires de lever des impôts. En règle générale, on conclut en dehors des tribunaux que ce droit n'est guère protégé.
En 1867, les commissions scolaires de la ville de Montréal n'avaient pas le droit de lever des impôts, et cet état de fait a été confirmé en 1984 dans l'affaire mettant en cause le grand Hull. De manière générale, les tribunaux ont statué, à quelques nuances près, que les structures ont le droit au bénéfice égal des impôts publics, mais n'ont pas nécessairement le droit de lever des impôts. Ces dernières années, les tribunaux de l'Alberta ont aussi été saisis de la question, notamment en ce qui concerne le maintien du droit des commissions scolaires séparées de lever des impôts à l'encontre de la volonté du gouvernement albertain, qui souhaitait faire adopter une formule d'imposition différente.
Je ne crois pas que, dans la pratique, l'article 93 protège vraiment le droit de lever des impôts. Le peu de pouvoirs qui existent à cet égard disparaîtra certainement. Pour ce qui est de savoir si l'article 23 prévoit le droit de lever des impôts, encore là, la jurisprudence indique jusqu'à maintenant que les minorités linguistiques ont le droit de gérer leur système, ce qui va plus loin que les décisions rendues en vertu de l'article 93. La décision rendue dans l'affaire Mahé contenait des exemples précis de l'implication du pouvoir de gestion où il était question de financement. Nulle part à ma connaissance, cependant, les tribunaux n'ont dit expressément qu'aux termes de l'article 23 les commissions scolaires ont, par exemple, le droit de lever des impôts.
M. Nick Discepola: Cela pourrait-il se produire cependant?
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Smith.
Nous passons maintenant à
[Français]
Mme la sénatrice Lavoie-Roux.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Vous allez être heureux, monsieur le président. Ce que j'allais dire allait soulever un débat, particulièrement avec la collègue du Bloc québécois, qui nous disait que la Loi 101 est une loi généreuse.
M. Réal Ménard: C'est un collègue, un vrai collègue.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Pardon? Oui, une collègue.
M. Réal Ménard: C'est moi qui ai dit cela.
La sénatrice Thérèse Lavoie-Roux: Mais elle aussi. En tout cas, peu importe, je veux éviter cela et je vais laisser tomber.
[Traduction]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, madame Lavoie-Roux.
Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney: M. Foster et M. Proulx ont tous deux indiqué dans leurs remarques qu'ils étaient fermement convaincus que l'article 93 devrait être modifié afin d'éliminer ce qu'ils appellent les droits préférentiels accordés selon la confession religieuse dans le système scolaire québécois.
Le consensus évoqué par le gouvernement québécois et M. Dion en faveur de la modification constitutionnelle se fonde en grande partie sur la conviction que le système scolaire québécois continuera à prévoir l'accès garanti à l'enseignement religieux: aux termes de la Loi sur l'instruction publique du Québec, de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation et de la Loi 109, les écoles pourront, et devront en fait, soit maintenir un certain statut confessionnel, soit garantir à tout le moins l'accès à l'enseignement religieux catholique ou protestant.
Monsieur Proulx ou monsieur Foster, ou les deux, croyez-vous que le maintien dans la loi de cette protection de l'enseignement religieux comme partie intégrante du système public porte atteinte aux droits à l'égalité consacrés par l'article 2 de la Charte et viole l'esprit de la décision Adler, dont il a été question? Dans l'affirmative, proposeriez-vous d'éliminer ces dispositions législatives qui maintiennent la protection de l'enseignement religieux, du moins dans une certaine mesure?
Le coprésident (M. Denis Paradis): Monsieur Foster.
M. William F. Foster: La position que mon collègue et moi-même avons soutenue à Québec quand nous avons été appelés à nous prononcer sur d'autres changements au système scolaire consiste à dire que la religion n'a pas sa place dans les écoles publiques. Si elle y a effectivement sa place... et je ne crois pas que la décision ontarienne où il en a été question—la décision dans l'affaire Zylberberg et des libertés civiles qui traitait de la religion et de divers aspects religieux relativement aux écoles publiques—exclut complètement la religion des écoles publiques. Elle en exclut la religion discriminatoire. Il serait possible de maintenir l'enseignement religieux dans les écoles publiques dans la mesure où toutes les confessions religieuses y auraient un accès égal; cela serait sûrement acceptable. Ce qui est inacceptable à nos yeux dans la province de Québec, c'est le traitement préférentiel accordé à l'enseignement protestant et catholique...
M. Jason Kenney: Ces lois, la Loi sur l'instruction publique et les autres, parlent expressément de l'enseignement religieux catholique et protestant. Il en est fait expressément mention. Vous dites donc que ces lois sont, selon vous, incompatibles avec les valeurs consacrées par la Charte dont vous vous faites le défenseur et qu'elles devraient par conséquent être modifiées ou abrogées.
Comment alors conciliez-vous votre position avec l'appui public important au Québec en faveur du maintien d'un enseignement confessionnel quelconque, qui est une des raisons pour lesquelles le public accepte la modification proposée?
M. William J. Smith: Premièrement, nous considérons effectivement que ces dispositions sont incompatibles avec la Charte, et c'est d'ailleurs pour cette raison, comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, que la Loi sur l'instruction publique du Québec contient deux articles permettant une telle discrimination. Le premier précise que les dispositions de la loi s'appliquent par dérogation à la Charte canadienne et l'autre précise qu'elles s'appliquent par dérogation à la Charte québécoise.
Le gouvernement québécois reconnaît lui-même qu'en l'absence de ces clauses dérogatoires qui y sont prévues les dispositions de la Loi sur l'instruction publique du Québec pourraient être contestées en vertu tant de la Charte québécoise que de la Charte constitutionnelle des droits de la personne.
Le fait est que les écoles confessionnelles recueillent beaucoup d'appui; il y a bien des gens qui veulent ces écoles confessionnelles. Certains d'entre nous n'en veulent pas. Certains d'entre nous pensent qu'il est temps de mettre fin à ces privilèges consacrés par la Constitution et estiment qu'ils ne sont pas plus valables parce qu'ils sont consacrés dans une loi sur l'instruction publique plutôt que dans une constitution.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Smith.
Monsieur Mauril Bélanger.
[Français]
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais poser la question à n'importe lequel des trois experts qui nous font face.
L'article 93 traite de la garantie des droits de nature confessionnelle, et l'article 23, des droits linguistiques. Lorsque le ministre nous a parlé tout à l'heure, il a fait allusion à la jurisprudence, à propos de la section 23, qui plaçait la barre assez basse quant à la reconnaissance des droits—on parlait de 242 élèves en Alberta et de 5 000 au Manitoba—pour forcer tout un système à s'ajuster.
Il a aussi parlé, dans son allocution, des franco-protestants. Il a parlé de pourcentages. Si je peux interpréter les pourcentages qu'il mentionnait, soit 2 p. 100 de la population, on peut peut-être s'entendre sur, disons, 10 000 à 20 000 étudiants.
La question que je voudrais poser, qui est d'intérêt général, car je n'ai pas de parti pris là-dessus, c'est de savoir s'il y a une jurisprudence en rapport avec les droits de nature confessionnelle afin de pouvoir établir une barre quelconque, plus haute ou plus basse. En somme, est-ce que le principe exprimé par «là où le nombre le justifie» s'applique en quelques endroits de la jurisprudence à la question des droits de nature confessionnelle? Je cherche à le savoir.
M. William J. Smith: En un mot, non. La jurisprudence relative à l'article 93 concerne toujours les dispositions législatives qui existaient au moment de la Confédération. On examine le contenu de la loi touchant aux droits confessionnels au moment de la Confédération pour décider si un droit est applicable ou non. Dans la loi au moment de la Confédération, il n'était pas question de nombre.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, professeur Smith.
M. Mauril Bélanger: Je crois que M. Proulx voulait ajouter quelque chose.
M. Daniel Proulx: Non, ça va.
M. Mauril Bélanger: Vous êtes tous d'accord? Merci.
Le coprésident (M. Denis Paradis): Merci, monsieur Bélanger.
Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin: J'ai une question très courte. Je suis impressionné par la question posée par mon collègue, le sénateur Grafstein. Ma question s'adresse au professeur Smith. La résolution que nous avons ici se rapporte à l'article 43, c'est clair et net. Le Québec veut un amendement bilatéral.
Mais on dit dans un préambule que le gouvernement du Québec ne reconnaît pas la Constitution actuelle, alors qu'il veut en prendre avantage. Selon moi, si jamais cela était porté devant la Cour suprême, celle-ci répéterait ce qu'elle a déjà déclaré, à savoir que toutes les provinces sont liées par la Loi de 1982 et qu'une déclaration de nature politique, dans une résolution, ne change pas la Constitution. Ce qui change la Constitution, c'est l'article 43.
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Quand on dit dans un préambule que le Québec ne reconnaît
pas le rapatriement de 1982—il l'a toujours dit
d'ailleurs et cela est très clair—, c'est
une déclaration de nature politique qui ne
change pas la Constitution du Canada. Est-ce que vous
êtes d'accord là-dessus?
M. William J. Smith: Pleinement d'accord.
[Traduction]
Le coprésident (M. Denis Paradis): Qui voudrait changer les experts?
[Français]
Je remercie beaucoup les experts qui ont éclairé la lanterne des membres de ce comité. À ceux-ci je voudrais dire que les documents qui leur seront nécessaires cet après-midi leur ont été distribués. Nous reprenons cette séance à 15 h 30 aujourd'hui dans cette salle-ci.
Apportez vos documents, parce qu'on me dit qu'on ne peut pas verrouiller la salle.
La séance est levée.