TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 27 novembre 1997
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn (Lethbridge, Lib.)): Chers collègues, je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Nous allons encore avoir aujourd'hui une journée intéressante de délibérations bien remplie sur la modification à la clause 17 des Conditions de l'Union de Terre-Neuve et bien sûr du Labrador.
Les députés et les sénateurs se rappelleront que lorsque nous avons mis fin aux travaux hier en fin de journée, il nous manquait un mémoire et nous avons demandé qu'il nous soit livré le plus rapidement possible. Le comité l'a reçu hier soir. M. Hutchings, un des témoins que nous avons entendus hier, a accepté de revenir ce matin pour répondre aux questions que nous avions mises de côté en attendant d'avoir pris connaissance du mémoire.
Monsieur Hutchings, nous vous remercions d'avoir accepté de revenir devant le comité si rapidement.
J'aimerais connaître les noms des personnes que ce mémoire intéresse particulièrement. Je crois que M. Schmidt était le premier et que le sénateur Kinsella était le second.
Monsieur Schmidt, s'il vous plaît.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, madame la présidente.
Madame la présidente, j'aimerais d'abord vous remercier de nous avoir remis le mémoire et j'aimerais aussi remercier les gens qui ont rendu la chose possible. Je tiens aussi à remercier M. Hutchings, qui a dû prolonger son séjour pour revenir témoigner ce matin.
M. Hutchings, si nous allons à la page 5, paragraphe 12. On y dit que dans le cadre de la modification proposée, les pratiques et les enseignements religieux continueraient.
Avec le temps et considérant les cours de religion qui sont offerts présentement et les pratiques religieuses en vigueur—et ici le mot clé est «toutes»—toutes les pratiques religieuses...après un certain temps, est-il possible que ces pratiques disparaissent? Selon ce que vous dites dans le paragraphe en question, pour que les pratiques continuent, les parents devront en faire la demande. Est-ce que cela signifie que si les parents ne présentent pas une demande officielle, l'école pourra ou non offrir les cours ou les pratiques, l'un ou l'autre ou les deux?
M. Joseph S. Hutchings (conseiller juridique, Poole, Althouse, Clarke, Thompson & Thomas, avocats): De la façon dont c'est écrit dans le paragraphe, le processus est enclenché lorsqu'un parent en fait la demande. Il suffit qu'il y ait un parent, si je comprends bien la clause. Mais à moins qu'il n'y ait une demande de la part d'un parent, je ne crois pas que la clause puisse être appliquée. Sans une telle demande, la Chartre canadienne des droits, appliquée de façon normale, empêcherait tout type de pratique religieuse à l'école. Sans l'article 93, ces écoles deviennent des institutions laïques comme les écoles ontariennes auxquelles j'ai fait référence; mais si un parent en fait la demande, il devient alors constitutionnellement possible de pratiquer la religion à l'école.
Il sera cependant difficile de savoir comment cela va être appliqué. Cela veut-il dire que la pratique religieuse est permise tant qu'elle ne dérange personne d'autre? Par exemple, est-il possible d'avoir une crèche de Noël dans une classe si quelqu'un s'y oppose? Où se situe le juste milieu entre ceux qui veulent qu'il n'y ait aucune pratique religieuse et ceux qui désirent exercer leur droit, selon cette clause, de pratiquer leur religion à l'école?
• 0915
Ce sont des questions que des juges auront à trancher un jour.
Je crois que les gens vont avoir peur d'exiger des pratiques
religieuses car ils pensent que ça va les amener en cour et ils ne
savent pas comment cela va se terminer.
M. Werner Schmidt: On fait aussi face à des questions bien pratiques, madame la présidente, par exemple, les procédures. J'aurais trois questions, voici la première. Est-ce que l'échange va se faire entre M. Kinsella et moi?
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous sommes très intéressés à entendre ce que vous et le sénateur Kinsella avez à dire.
Le sénateur Noël A. Kinsella (Nouveau-Brunswick, PC): Je suggère que M. Schmidt termine son...
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): ...et vous pourrez ensuite faire votre présentation. Merci.
Le sénateur Noël Kinsella: Prenez votre temps.
M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, monsieur le sénateur et madame la présidente. J'apprécie énormément votre courtoisie.
Concrètement, est-ce que cela signifie qu'il faudrait faire une demande pour chaque pratique religieuse, cette demande devrait-elle être renouvelée chaque année ou à chaque événement religieux? Prenons, par exemple, des fêtes religieuses bien connues comme Noël et Pâques. Faudrait-il faire une demande pour Noël et une autre pour Pâques, et ces demandes devraient-elles être renouvelées annuellement?
M. Joseph Hutchings: Il n'y a rien dans la clause qui indique cela. On espère que le bon sens... Par exemple, si un conseil scolaire décide qu'il y aura chaque année une pièce de théâtre à l'occasion de Noël, cela devrait suffire, à moins qu'il n'y ait objection.
Il y a toutefois des gens appartenant à d'autres groupes religieux qui pourraient dire, «C'est très bien, je n'ai pas d'objection, si vous voulez faire une pièce de théâtre sur Noël, faites-en une, mais faites-la en dehors des heures de classe et dans un endroit où mon enfant n'aura pas à la regarder et où il ne se sentira pas exclu». Ce sont des problèmes concrets.
La mise en application de cette clause soulève un tas de problèmes et il n'y a pas encore de réponses à bon nombre de questions.
M. Werner Schmidt: Cela soulève d'autres questions, dont l'appartenance à différents groupes religieux. Les groupes chrétiens considèrent Noël et Pâques comme les plus importantes périodes de leur religion, mais il y a d'autres groupes, comme les Juifs et les Musulmans, pour ne nommer que ceux-là. Un parent appartenant à un de ces groupes pourrait donc, selon l'alinéa 12, déposer une demande et l'école devrait s'y conformer.
M. Joseph Hutchings: Ce n'est pas laissé à la discrétion du conseil. Cela «sera permis» lorsqu'un parent en fera la demande.
Cette loi découle directement de la Constitution. Elle fait partie de la Constitution. Ce n'est pas comme si on pouvait dire, en fait cette obligation est sujette aux autres lois.
M. Werner Schmidt: Je comprends tout cela. Il s'agit maintenant d'une disposition constitutionnelle qui englobe tout.
M. Joseph Hutchings: C'est incontournable. Il faut respecter la loi.
M. Werner Schmidt: Ma deuxième question porte sur les écoles privées. Je crois que la section à laquelle je me réfère est située au bas de la même page, alinéa 14, et qu'elle continue au début de la page 6. On y parle des conséquences sur les écoles privées de la proposition de modification à la clause 17.
Qu'arrive-t-il aux écoles privées, qu'il s'agisse d'écoles commerciales privées, d'écoles privées à orientation religieuse ou de toutes autres formes d'écoles privées? Quel impact cette modification aura-t-elle sur la création, le fonctionnement et la gestion d'une école privée?
M. Joseph Hutchings: La clause 17(3) ne se limite pas aux écoles publiques. Il est bien écrit toute école.
Donc, si par exemple, vous avez une école catholique privée et qu'avec le temps, un élève appartenant à une autre religion s'y inscrit ou qu'un élève catholique décide de se convertir à une autre religion, et que cette personne désire exercer les pratiques religieuses associées à ses croyances, l'école a l'obligation constitutionnelle, même s'il s'agit d'une école privée, de permettre ces pratiques religieuses, peu importe les différences qui peuvent exister entre celles-ci et les croyances et dogmes de du groupe catholique qui a créé l'école et qui en assure le fonctionnement.
M. Werner Schmidt: J'aimerais élargir le débat et aller au-delà des écoles privées à orientation religieuse. Prenons, par exemple, une école commerciale privée. Ou supposons qu'une école privée dont l'objectif principal est l'éducation assure le fonctionnement d'une école secondaire de premier ou de deuxième cycle. Quels seraient les effets de cette modification sur une telle institution?
M. Joseph Hutchings: Comme je l'ai déjà dit, la modification, de la manière dont elle a été rédigée, n'a pas de limites. Donc, si une société minière met sur pied une école privée dans une communauté du nord du Labrador et qu'une des personnes qui fréquentent l'école va voir les autorités de l'école et leur dit, «Je désire pouvoir observer cette pratique religieuse», je ne crois pas que la société minière ait le choix. La Constitution de notre pays stipule qu'un parent peut exiger qu'on respecte ses croyances religieuses.
M. Werner Schmidt: Ma troisième question porte sur l'impact qu'aura cette loi sur les générations à venir. Cette loi aura une portée considérable, non seulement sur les institutions publiques mais aussi sur les institutions privées, et l'impact sera le même dans les deux cas. Pouvons-nous, en tant que comité, démêler tout cela maintenant? Est-il possible de demander un report de la date du dépôt de notre rapport?
M. Joseph Hutchings: Cela revient à ce que j'ai dit dans mon introduction. Je ne veux pas vous faire de peine, mais de penser que ce comité ou que n'importe qui puisse passer à travers et comprendre toutes les questions soulevées par cette modification avant le 5 décembre est complètement ridicule. C'est tout à fait impossible. On ne peut pas y arriver. On n'est pas ici pour modifier la loi sur les taxis; on est ici pour modifier la Constitution du Canada. Si on fait des erreurs, il va falloir beaucoup de temps et d'efforts pour les corriger.
Les quelques mots qu'on veut ajouter à la Constitution du Canada auront un impact considérable. Je crois sincèrement qu'il nous est présentement impossible de soupeser toutes les ramifications que cela implique à l'intérieur de la période qui nous a été allouée. Si elle est adoptée et qu'une cour décide que le tout est valide et qu'elle fait partie intégrante de la Constitution du Canada, nous devrons vivre avec cette modification jusqu'à ce que le processus soit repris. Ça pourrait être difficile.
M. Werner Schmidt: Je ne veux pas parler à votre place, mais ne peut-on pas dire qu'en retardant l'adoption de cette modification, on aurait plus de temps pour évaluer les conséquences d'un tel changement, qui bien sûr nous touchera mais qui aura aussi une incidence sur nos enfants, nos petits-enfants et peut-être même sur la troisième génération?
M. Joseph Hutchings: Tout à fait. Je suis entièrement d'accord avec vous. Je me souviens avoir dit au juge Barry durant le premier cas devant les tribunaux, que nous parlions ici de catégories de personnes et pas seulement de parents dont les enfants fréquentent actuellement l'école. Ces enfants font eux-mêmes partie de cette classe et leurs petits-enfants en feront aussi partie. C'est un droit qui sera appliqué bien après notre départ et il mérite qu'on lui accorde toute la considération nécessaire. C'est en tout cas ce que je vous propose.
M. Werner Schmidt: Madame la présidente, j'aurais une dernière question.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Rapidement, monsieur Schmidt, nous avons de nombreux points à couvrir et d'autres personnes doivent venir témoigner après M. Hutchings. Nous sommes très heureux qu'il ait prolongé son séjour à Ottawa pour venir nous rencontrer ce matin.
M. Werner Schmidt: C'est à propos du mot «droit», qu'il vient d'utiliser. J'aimerais demander au témoin quelle est la différence entre un droit et un privilège.
L'accès aux fonds publics est un des aspects de cette modification dont on a très peu discuté. C'est là, mais ça ne semble pas être une question très importante. La question la plus importante serait plutôt le droit qu'une classe de gens a d'obtenir certaines choses. Pouvons-nous donc demander au témoin, s'il le veut bien, d'établir la différence qui existe entre un droit et un privilège?
M. Joseph Hutchings: Je crois que c'est une différence qui jusqu'à maintenant, en ce qui concerne l'éducation à Terre-Neuve, n'a pas été très marquée. On a en effet toujours eu le droit de présenter l'éducation comme on le voulait à l'intérieur des écoles confessionnelles, tout en sachant que l'argent provenait des fonds publics. Tel qu'il est écrit dans le rapport Amulree, en 1933, les écoles étaient dirigées par les communautés religieuses grâce à des subventions gouvernementales. Tout cela faisait partie du même système.
• 0925
Il est possible de séparer l'un de l'autre, mais
pratiquement—et M. Fagan ainsi que M. Regular sont beaucoup plus
compétents que moi pour en parler—sans les subventions
gouvernementales, ce droit est vide de sens.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Schmidt.
Le sénateur Kinsella est le suivant, il sera suivi de M. DeVillers, de la sénatrice Pearson, de Mme Caplan et de Mme Finestone. Aujourd'hui, nous devrons donc, comme le dirait le coprésident, essayer de nous respecter et de respecter nos témoins.
Allez-y, sénateur Kinsella.
Le sénateur Noël Kinsella: Merci, madame la présidente.
Il y a quatre points que je désire aborder et je crois que, comme mon prédécesseur, je poserai mes questions une après l'autre.
J'aimerais d'abord qu'on discute des mesures dont vous avez parlé par rapport à cette résolution et de la demande qui a été adressée à la cour pour savoir si elle nécessitera le grand sceau du Canada, si elle est adoptée par les deux chambres du Parlement dans sa forme actuelle. Pourriez-vous nous donner plus de détails?
M. Joseph Hutchings: Oui. La procédure de modification prévue dans la Loi constitutionnelle de 1982 nécessite évidemment une partie législative, à laquelle doivent participer un certain nombre d'assemblées législatives provinciales et dans tous les cas, le Parlement du Canada, c'est-à-dire la Chambre des communes et le Sénat. Lorsque cela se produit, l'article 48 de la Loi constitutionnelle exige que le Conseil privé propose au gouverneur général de prendre une proclamation dès l'adoption des résolutions nécessaires à une modification faite par proclamation.
La question est la suivante, après les différentes procédures législatives, une cour peut-elle empêcher le gouverneur général de prendre une proclamation, si l'on peut prouver que les résolutions nécessaires à cette modification n'ont pas été adoptées. Cela signifie que s'il faut un plus grand nombre de résolutions que les deux ou trois, en comptant celles du Sénat et de la Chambre des communes séparément, une cour pourrait dire au gouverneur général, «Vous n'avez pas le nombre requis de résolutions, vous ne pouvez donc pas prendre votre proclamation».
Le sénateur Noël Kinsella: Merci.
Ma seconde question porte sur le mode de révision bilatéral, en page 10 du document que nous avons présentement entre les mains. Le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve a déclaré que si le Parlement modifiait la résolution actuelle d'une façon quelconque, cela entraînerait selon lui une nouvelle ronde de consultations et peut-être même un nouveau référendum à Terre-Neuve. Cela semble vouloir dire que les deux chambres du Parlement ne peuvent pas faire une analyse critique de cette résolution ni poser un jugement judicieux. Pour reprendre les mots du sénateur Murray, il semble que nous faisions face à une «toile sans couture».
D'après vous, quel rôle peuvent jouer les deux chambres du Parlement selon la Constitution du Canada, sans tenir compte de cette nouvelle procédure telle que semble l'indiquer la déclaration du ministre de l'Éducation de votre province?
M. Joseph Hutchings: À ce que je sache, la Constitution n'impose aucune limite sur ce que le Parlement peut faire avec une résolution qui lui est présentée par un gouvernement provincial et qui requiert une modification à la Constitution du Canada. La Constitution indique que des résolutions doivent être adoptées par un nombre prédéterminé d'assemblées législatives avant qu'une modification ne soit possible. Si tous ces gouvernements ne parviennent pas à s'entendre sur la formulation de la résolution, la Constitution ne peut alors pas être modifiée.
• 0930
Quant à savoir s'il y aurait des consultations
supplémentaires, un autre référendum ou autre chose dans la
province de Terre-Neuve, à part retourner devant le Parlement et
demander à l'assemblée législative terre-neuvienne d'adopter la
modification que le Parlement propose, il s'agit là d'une question
purement politique.
Selon la Constitution, on n'a pas à tenir de référendum ou tout autre genre de consultation, mais en pratique, c'est quelque chose que les parlementaires feraient, jusqu'à un certain point.
Le sénateur Noël Kinsella: À la page 16 de votre mémoire, vous attirez notre attention sur les conventions constitutionnelles ayant trait aux droits des minorités. Parmi les tests que la Cour suprême a établis avec l'affaire Oakes en déterminant les circonstances où l'article 1 de la charte doit être appliqué, un des principes est celui de la proportionnalité. Un second principe découle du premier, les mesures législatives ne doivent pas dépasser certains paramètres afin que la loi en question puisse atteindre les objectifs de la politique publique.
À la lumière de la convention constitutionnelle ayant trait aux droits des minorités dont vous nous parlez, et du principe selon lequel on n'utilise pas une masse pour tuer un maringouin, quelle serait votre réaction à une modification à la clause 17, au paragraphe 17(4), qui irait à peu près comme suit: «Malgré le paragraphe 17(2), la province permettra l'établissement d'écoles uni-confessionnelles là où le nombre le justifiera, tel que demandé par les personnes qui avaient droit à des écoles confessionnelles au 31 mai 1997»? De cette manière, on n'utilise pas une masse et on respecte les deux principes afin d'atteindre l'objectif.
M. Joseph Hutchings: De toute évidence, il n'y aurait pas d'obstacles légaux à la mise en place d'une telle disposition. Je crois, cependant, que nous nous retrouverions avec la clause 17 actuelle, parce que selon la clause 17, les droits à une école uniconfessionnelle sont sujets aux lois en vigueur, ce qui signifie généralement qu'ils sont sujets à des lignes directrices viables. Une viabilité où la justification par les nombres, c'est synonyme.
Le problème auquel nous faisons face c'est que la clause 17 actuelle n'a pas eu l'occasion de faire ses preuves. Votre modification nous obligerait en fait à essayer de faire fonctionner un système qui fonctionnait selon l'ancienne clause 17, parce qu'avec votre modification, c'est le point auquel on revient. Le gouvernement a essayé de la faire fonctionner. La cour a dit »Non, ce n'est pas correct», nous avons donc refait un autre référendum et le processus recommence.
Je salue vos efforts, mais je crois que vous obtiendriez les mêmes résultats en rejetant cette mesure.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole aux autres.
Monsieur Hutchings, je suis aussi consciente que vous avez un avion à prendre. Merci.
Monsieur DeVillers, sénatrice Pearson, madame Caplan.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente. Je n'ai que quelques brèves questions.
La première porte sur l'alinéa 14, l'application de la clause 17 modifiée sur les écoles privées. Je sais que la clause 17(3) ne s'applique pas seulement aux écoles privées, mais n'est-ce pas un problème théorique plutôt qu'un problème pratique, car les écoles privées peuvent en fait contrôler les inscriptions et n'accepter que des gens appartenant à la même confession ou des gens sur lesquels elles auraient un certain contrôle?
M. Joseph Hutchings: On imagine qu'il y aurait en effet un certain niveau de contrôle, excepté dans les situations que nous avons mentionnées précédemment. Une école privée située dans une communauté minière du nord du Labrador devra accepter les enfants des travailleurs de la mine. Cela peut se traduire par une variété de religions.
M. Paul DeVillers: Mais ça n'aurait aucune conséquence réelle sur une école privée confessionnelle.
M. Joseph Hutchings: Dans une école privée confessionnelle, non. Évidemment, on peut imaginer des situations où il y aurait des conversions ou quelque chose du genre; ce problème n'est donc pas complètement théorique, mais ça ne serait toutefois pas un problème répandu.
M. Paul DeVillers: Merci.
Madame la présidente, juste une dernière question sur l'alinéa 21.
Vous avez fait référence au principe de la préclusion. Les gouvernements de Terre-Neuve et du Canada n'auraient pas le droit de modifier cela à cause de l'entente et des engagements qu'ils ont pris au moment de l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération. Je m'intéresse à ce concept de préclusion, avec lequel je suis familier dans le contexte du droit contractuel. Si la même chose s'applique en droit constitutionnel, j'ai l'impression que cet argument pourrait être invoqué pour n'importe quel amendement constitutionnel qui serait proposé. Je me demande sur quels cas de jurisprudence vous avez basé cette conclusion.
M. Joseph Hutchings: Je ne crois pas que cette manière de voir les choses puisse être appliquée à un amendement constitutionnel. Je crois que la situation de Terre-Neuve, c'est-à-dire les conditions de l'Union et le statut de Terre-Neuve avant son entrée dans la Confédération, est unique. Nous cherchons à mettre en place des documents qui illustreront les faits historiques entourant les conditions de l'Union de l'époque et nous sommes persuadés que ces faits viendront corroborer l'application du concept de la préclusion dans cette situation.
Ce que nous disons, c'est qu'il existe un élément contractuel en plus d'un élément constitutionnel aux conditions de l'Union. Les conditions de l'Union sont d'abord et avant tout une entente, leur appartenance à la Constitution ne vient qu'en second.
M. Paul DeVillers: Avez-vous trouvé un précédent jurisprudentiel qui s'applique à la situation?
M. Joseph Hutchings: Je ne m'attends pas à trouver de précédent à cet effet car je crois que cette situation est unique.
M. Paul DeVillers: Merci, madame la présidente.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Sénatrice Pearson.
La sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.): Merci, madame la présidente. Je serai très brève.
Je n'ai qu'un commentaire pour faire suite à la réponse de M. Schmidt. Je veux simplement dire que j'envie les parents et les enfants de Terre-Neuve qui possèdent le droit constitutionnel de partager la richesse et la variété de la condition humaine.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
Madame Caplan.
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Je tiens à vous remercier pour cet important mémoire.
Je veux vous assurer qu'en tant que membre de ce comité, je crois que je comprends la question qui nous est posée, la modification à la clause et l'histoire et l'évolution qui nous ont menés jusqu'ici. Beaucoup de personnes qui sont venues témoigner devant nous ont présenté leurs points de vue avec passion, et je tiens à ce que vous sachiez que je comprends aussi la controverse que cela soulève.
Je suis frappée par la longueur des débats, par la ferveur des gens et par le fait que votre assemblée législative provinciale en soit venue à une décision unanime. Ma question est donc, en tenant compte de tout cela, croyez-vous qu'à Terre-Neuve le statu quo ne soit plus considéré comme une option?
M. Joseph Hutchings: Non. Je crois qu'on n'a pas essayé le statu quo, c'est-à-dire la clause qui était présentée à la commission sénatoriale en 1996.
Je suis d'accord pour dire qu'il y a eu une très longue histoire et un très long débat sur la nature du système d'éducation de Terre-Neuve, mais pour les besoins de la cause, je crois que tout ce qui compte, c'est ce qui s'est passé depuis le 31 juillet 1997. Je m'éloigne un peu du domaine légal, mais je suis persuadé que si cette modification avait été présentée au lieu de la précédente, elle n'aurait pas été acceptée.
• 0940
La dernière fois, on a vraiment essayé de tenir compte des
droits des minorités et des droits confessionnels et de laïciser
l'administration des écoles, qui à l'origine était assurée par les
Églises, afin d'en préserver le caractère confessionnel.
Je ne crois pas qu'à ce moment-là une modification visant à éliminer complètement ces droits aurait pu être adoptée. Mais qu'est-ce qui a changé depuis? La seule chose qui a changé, c'est qu'on a dit au gouvernement qu'il n'avait pas correctement mis en application la modification à la clause 17. Je crois en fait qu'on aurait dû attendre pour voir si ça marchait.
Les huit dernières années ont mené à la clause 17 présentement en vigueur. Cela inclut le débat, la consultation, les référendums et tout le reste. La seule chose qui se soit passée depuis, c'est l'autre référendum. Il faut regarder ce référendum de près pour savoir si on peut se fier aux résultats.
Je suggère qu'en ce qui concerne le vote de la Chambre, vous vous procuriez une copie du Journal des débats de la Chambre des 4 et 5 septembre dernier et que vous les lisiez. La plupart des députés qui sont intervenus ont déclaré qu'ils votaient pour la résolution parce que leurs électeurs avaient voté pour au référendum. Si vous remettez en question la valeur du référendum vous devriez avoir les mêmes doutes sur le poids qui doit être accordé au vote de la Chambre.
Mme Elinor Caplan: Je tiens à dire que je n'ai aucun doute quant à la validité du référendum. Je crois que les gens comprenaient très bien la question. Je crois qu'à l'heure actuelle, toute décision prise par ce comité se traduira par de nouveaux litiges. Les gens qui n'approuvent pas les changements qui vont être mis de l'avant ont beaucoup de difficulté avec cette question.
Tout ce qu'on peut faire, c'est d'agir en toute bonne foi selon ce qu'on croit que les Terre-Neuviens veulent, tel qu'exprimé par leurs votes, par le biais de leurs élus, autant au référendum qu'à l'assemblée législative. Nous devons respecter le chemin tortueux que suit l'évolution de l'éducation à Terre-Neuve. Je suis très sensible aux passions dont ce comité a été témoin, mais je crois qu'il est maintenant temps d'aller de l'avant.
M. Joseph Hutchings: Je tiens seulement à mentionner qu'il serait malheureux que ce comité prenne des décisions sur la foi du référendum et que la cour vienne plus tard déclarer que le référendum en fait n'était pas équitable.
Mme Elinor Caplan: Il faudrait dire que le référendum n'est pas une étape obligatoire de ce processus; le poids que lui accordent les cours et ce comité n'est donc pas ce qui compte le plus. Ce compte vraiment, c'est de savoir si les Terre-Neuviens comprennent bien ce que leur gouvernement est en train de faire et si les législateurs qui ont voté en faveur de ce projet à la Chambre avaient bien saisi les désirs de leurs électeurs. C'est ce que le référendum a permis de vérifier, mais il ne s'agit pas là d'une étape obligatoire dans ce processus.
M. Joseph Hutchings: C'est vrai, ce n'est pas obligatoire. Lorsqu'on lit les déclarations de M. Tobin, on peut cependant conclure que le gouvernement croyait que c'était nécessaire d'un point de vue politique. Il n'y avait pas d'obligation légale. Le référendum a été tenu pour des raisons politiques et le gouvernement se fie aux résultats du référendum.
Si vous vous fiez aux résultats du référendum ou au vote de la Chambre, et qu'avec le temps on prouve que certaines irrégularités se sont produites durant le référendum, vous devez vous demander si ce sont des preuves assez solides pour justifier ce changement.
Ce sont des décisions politiques. Je les respecte entièrement, et légalement, elles ne peuvent pas être contestées.
Mme Elinor Caplan: Je prends la parole en tant que personne ayant siégé pendant 12 ans à une assemblée législative provinciale. Je comprends comment certains députés demeurent en contact avec leurs électeurs. Ils comprennent et défendent, comme ils doivent le faire, ce qu'ils croient être dans l'intérêt public. Ils représentent de leur mieux les points de vue de leurs électeurs en sachant qu'il y aura toujours des mécontents. Ils ne feront jamais l'unanimité.
M. Joseph Hutchings: Non, et c'est le coeur du problème.
Lorsqu'on lit le Journal des débats, on se rend compte qu'au cours du débat, seulement un député a mentionné les droits des minorités.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Chers collègues, je n'avais pas remarqué que M. Goldring désirait poser une toute petite question. J'imagine que M. Hutchings aura une très courte réponse, car il a un avion à prendre.
M. Joseph Hutchings: Madame la présidente, ce n'est pas seulement parce que je dois partir; le groupe de pentecôtistes qui me suit a aussi des choses très importantes à vous dire.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Ils nous pressent. Je le sais.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci, M. Hutchings.
J'aimerais que vous me donniez votre opinion. Les catholiques ont exprimé leur point de vue en signant la pétition de 50 000 noms qui nous a été présentée hier; ils l'ont exprimé à nouveau lorsque 24 000 étudiants se sont inscrits dans leurs écoles; pour moi, cela indique clairement qu'ils désirent conserver le système scolaire confessionnel. Qu'en pensez-vous?
En ce qui concerne les pentecôtistes, les annonces et les articles de journaux que nous avons reçus hier semblent indiquer que même dans les sondages qui paraissent dans les journaux, seulement 32 p. 100 ont appuyé le camp du «oui» durant la campagne référendaire. Lorsqu'on sait qu'ils ne possèdent des droits constitutionnels que depuis une dizaine d'années, j'aimerais connaître votre opinion: avec de telles statistiques, ne pourraient-ils pas contester cette modification avec succès?
M. Joseph Hutchings: D'après tout ce que j'ai vu, je n'ai pas vraiment entendu quoi que ce soit qui laisse suggérer que la majorité des pentecôtistes souhaitaient renoncer à leurs droits.
M. Peter Goldring: Tout à fait juste.
M. Joseph Hutchings: Si, sur la base de ces renseignements, on tenait une convention constitutionnelle, tel que nous l'avons suggéré, portant sur les droits des minorités, il me semble qu'une cour déclarerait très certainement que oui, cette modification viole la convention constitutionnelle et qu'elle restreint les droits acquis.
Je ne peux pas être plus bref que cela.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Hutchings. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de votre patience, nous avons beaucoup apprécié que vous soyez revenu ce matin.
M. Joseph Hutchings: Je suis heureux d'avoir pu vous être utile. J'espère que cela vous a aidé.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
Maintenant, chers collègues, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue—mais je crois que je vais laisser cet honneur au coprésident—à nos collègues de Terre-Neuve.
Le coprésident (M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.)): Merci; j'apprécie votre geste, madame la coprésidente.
Chers députés, mesdames et messieurs, ce matin nous aurons le plaisir d'entendre M. Melvin Regular, officier administratif des Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve et du Comité pentecôtiste sur l'éducation, ainsi que le révérend père Earl Batstone, surintendant des Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve.
Bienvenue messieurs, nous vous remercions d'être ici ce matin. Votre présence devant ce comité est très appréciée et nous avons hâte de connaître les détails de votre présentation et d'entendre les réponses aux questions qui vous seront posées.
Mesdames et messieurs les députés, jusqu'à présent nous avons joui d'une certaine latitude durant la période des questions. Vous aurez sans doute encore cette fois-ci de nombreuses questions à poser aux témoins. Si vous acceptez, la coprésidente et moi-même dirigerons les questions et, au besoin, nous devrons peut-être vous interrompre car la liste est longue et le temps très limité.
Messieurs, merci à nouveau de votre présence. Vous avez la parole.
Le révérend père A. Earl Batstone, (surintendant, Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve): Monsieur le président, honorables représentants de la Chambre des communes et honorables sénateurs, nous sommes heureux de pouvoir présenter notre position concernant cette résolution devant le comité. M. Regular sera notre présentateur ce matin, mais avant qu'il ne débute, j'aimerais formuler certains commentaires en guise d'introduction.
Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve sont un groupe de confession chrétienne dûment établi selon les lois de la province de Terre-Neuve et du Labrador. Il compte 40 552 membres, ce qui représente 7,1 p. 100 de la population totale de la province.
Le Comité pentecôtiste sur l'éducation (CPE) est un élément de la commission provinciale sur l'éducation confessionnelle établie par la Loi sur l'éducation de 1996. Le CPE est la voix officielle des pentecôtistes qui possèdent des droits en matière d'éducation selon la clause 17 des conditions de l'Union de Terre-Neuve au Canada. M. Melvin Regular est le président de ce comité.
• 0950
Il y a environ 102 000 élèves inscrits dans les écoles de la
province. De ce nombre, près de 7 600 sont pentecôtistes et 5 000
d'entre eux fréquentent des écoles uniconfessionnelles
pentecôtistes ou des écoles de confessions mixtes—c'est-à-dire des
écoles administrées conjointement par les pentecôtistes et par des
représentants d'une autre confession. Les autres sont trop
dispersés sur le territoire pour qu'une école pentecôtiste soit
viable. Ces élèves fréquentent donc une école intégrée ou une école
catholique. Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve ne
tiennent pas à voir proliférer de petites écoles non viables.
L'histoire de notre culte et notre implication en éducation ne remontent qu'au début de ce siècle. Elles sont cependant marquées par notre engagement passionné dans le domaine de l'éducation, en particulier dans le cadre d'une éducation qui reflète les valeurs des parents et qui respecte leurs choix. Les millions de dollars qui ont été versés par les parents, en plus de leurs impôts, sont une autre preuve de cet engagement.
Pendant 20 ans, nous avons travaillé sans relâche pour faire enchâsser nos droits dans la Constitution canadienne. Nous avons finalement réussi en 1987 et nous considérons que c'est une des plus importantes réalisations de notre courte histoire. Mais à peine dix ans plus tard, le gouvernement provincial, par le biais de la résolution qui est devant vous, veut éliminer ces droits complètement et pour toujours, sans notre consentement. Nous n'avons jamais cédé nos droits en matière d'éducation et je crois que nos membres ne renonceront jamais à leurs droits constitutionnels en matière d'éducation.
Si cette résolution est adoptée, elle aura comme conséquence d'éliminer les écoles pentecôtistes subventionnées et les écoles à confessions mixtes et de les remplacer par des écoles laïques. Cela veut aussi dire que l'éducation religieuse prescrite par les Assemblées de la Pentecôte sera remplacée par des cours de religion non confessionnels conçus, élaborés et mis en place par le gouvernement. Nous trouvons que c'est intolérable dans une démocratie constitutionnelle qui s'est engagée à faire respecter les droits et libertés de tous ses citoyens.
Monsieur le président, je vais maintenant demander à M. Regular de présenter notre mémoire. Nous pourrons ensuite répondre aux questions que vous nous poserez.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Monsieur Regular.
M. Melvin M. Regular (officier administratif, Comité pentecôtiste sur l'éducation): Monsieur le président, c'est un plaisir d'être devant vous ce matin.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Vous étiez déjà ici, M. Regular.
M. Melvin Regular: Je suis ici depuis un bout de temps et j'avais hâte que cette occasion se présente. Vous aurez sûrement des questions pour moi qui m'ont déjà été posées lorsque j'étais assis à l'arrière, j'y répondrai à nouveau avec plaisir. Je suis très heureux d'être ici.
Je suis à la première page du mémoire. Lors de la préparation de notre présentation, nous avons essayé de deviner quel était le mandat du comité. Nous l'avons décrit ici pour que vous compreniez mieux d'où nous partons.
Premièrement, nous croyons que le Parlement a un devoir sacré...en passant, nous avons déjà entendu le mot «sacré». Si vous ne vous en souvenez pas, pensez au gouvernement précédent; c'était un mot très utilisé. Le Parlement a le devoir sacré de protéger l'intégrité de la Constitution et de son processus d'amendement, particulièrement lorsqu'il est question des droits et libertés qui y sont enchâssés. C'est un lourd fardeau pour le Parlement et donc pour ce comité, vous devez protéger les droits des citoyens qui se présentent devant vous.
Deuxièmement, le comité a comme mandat d'étudier la proposition de modification et le processus menant à la rédaction de la résolution, puis de présenter au Parlement les mérites de la modification, son incidence sur l'éducation et sur les droits des minorités, l'impartialité du processus référendaire et l'incidence de la modification sur le bien-être démocratique de tout le pays.
Ce sont les hypothèses desquelles nous sommes partis lorsque nous avons rédigé notre mémoire. Je m'excuse à l'avance si je redis des choses que vous avez déjà entendues, je le sais, j'étais dans la salle. Je vous demande un peu de patience. Nous voulons que notre position soit consignée officiellement.
J'aimerais partager avec vous un peu de notre histoire et de nos réalisations. L'histoire des Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve est très courte.
Nous avons vu le jour au cours de la première décennie de ce siècle. Notre première école a ouvert ses portes en 1931. En 1954, nous avons été reconnus dans le domaine de l'éducation. Durant les années 60 et 70, notre croissance a été exponentielle. Au cours des années 60, nous avons déposé une demande dans le but d'obtenir la protection constitutionnelle dont les autres jouissent depuis le début de la Confédération.
• 0955
Puis, est arrivé finalement l'événement dont nous sommes si
fiers: l'enchâssement de nos droits, en 1987, après 20 ans de
lutte, dans la Constitution.
Quels sont les résultats de notre système scolaire? Je crois que de nombreuses personnes diraient que nous avons réalisé des progrès exceptionnels, nous n'avions aucune école et en seulement 60 ans, nous nous comparons maintenant avantageusement aux meilleures écoles de la province. Comme vous le savez, nous sommes issus du groupe évangélique, des gens de l'autre côté de la «voie» qui ont décidé de la traverser. Je ne sais pas si nous devrions en être fiers, mais c'est la réalité dans une certaine mesure.
Je veux aussi ajouter qu'en ce qui concerne les progrès réalisés par le système pentecôtiste de St. John's au cours de ma vie, j'ai été l'un des premiers enseignants et le premier directeur de l'école secondaire de St. John's.
Au début, en septembre 1965, nous n'avions que quatre classes dans le sous-sol de deux églises. En septembre 1995, l'école pentecôtiste Eugene Vaters a été nommée la première école d'excellence de la province, en raison de son utilisation de programmes techniques et de nouvelles technologies dans la gestion de l'école. C'était la première dans la province.
Bien sûr, d'autres personnes distinguées sont venues présenter leurs témoignages personnels et leurs commentaires sur le système scolaire. Je remarque que le sénateur Rompkey est un membre de ce comité. En 1987, au moyen de l'enchâssement, il était député de la circonscription électorale fédérale de Grand Falls—White Bay—Labrador, la circonscription terre-neuvienne où l'on retrouve la plus forte concentration de pentecôtistes dans la province.
Durant le débat sur la proposition qui a eu lieu à la Chambre des communes le 23 juin 1987, M. Rompkey a déclaré:
...et j'imagine qu'aujourd'hui il ajouterait «et ces femmes»...
Au même moment, le premier ministre Peckford, premier ministre à l'époque, a déclaré:
...et c'est très bien...
Après tous ces compliments, je dois toutefois ajouter qu'il y a de nombreuses autres écoles dans la province qui ne sont pas pentecôtistes mais qui affichent des résultats similaires. J'ai voulu être juste et donner le contrepoids de toutes ces louanges.
Mesdames et messieurs les députés, je tiens à vous dire que ces propos sont encore vrais aujourd'hui. Nous n'avons besoin que d'une statistique pour confirmer ces évaluations personnelles. Au cours des six dernières années, le nombre d'élèves fréquentant une école pentecôtiste et ayant obtenu un diplôme de fin du secondaire a été plus élevé que la moyenne provinciale.
Je voudrais aussi attirer votre attention sur certaines statistiques s'appliquant au système scolaire de Terre-Neuve. Souvenez-vous des données démographiques avec lesquelles nous avons à composer dans la province. Voici quelques statistiques démographiques, le contexte entourant ce qui se passe présentement à Terre-Neuve: une histoire de sous-développement chronique; le taux de chômage le plus élevé au pays; le plus faible revenu familial au pays; de nombreuses années de migration extérieure que l'on pourrait qualifier d'hémorragie des plus jeunes et des meilleurs éléments de notre société; et le plus bas niveau de dépenses par élève dans le domaine de l'éducation.
• 1000
Toutefois, selon un document du ministère de l'Éducation, les
statistiques indiquent que les habilités en matière de lecture et
d'écriture de nos jeunes de 13 et de 16 ans sont supérieures à la
moyenne nationale, d'après le programme d'indicateurs du rendement
scolaire de 1995.
En 1995, le pourcentage des élèves ayant reçu une note de 3 dans les tests d'équivalence, tests qui aident les universités à évaluer les étudiants, était le plus élevé au pays. C'est la note nécessaire pour obtenir des crédits universitaires. Au cours de l'évaluation internationale du rendement scolaire en mathématique et en sciences de 1995, les jeunes Terre-Neuviens de 13 ans ont obtenu des résultats semblables à la moyenne canadienne et ils se sont classés au troisième rang; cinq populations étudiantes canadiennes participaient à ces épreuves. Je vais m'arrêter ici.
En 1992, la Commission royale d'enquête Williams a recommandé qu'on apporte d'autres améliorations à nos écoles et nous étions prêts à collaborer. Nous désirons continuer à améliorer nos écoles. Nous avons cependant rejeté les recommandations du rapport qui portaient atteinte à nos droits constitutionnels.
Il y a quelques jours, vous avez pu entendre des représentants du groupe pentecôtiste. Mon prochain point porte sur la philosophie de vie et sur l'éducation. Pourquoi les pentecôtistes s'opposent-ils si farouchement à l'élimination de leurs droits constitutionnels? Pourquoi s'opposent-ils à un système d'écoles publiques laïques? Les pentecôtistes ne sont-lis pas des gens progressistes? Pour eux, est-ce qu'il n'y a que le statu quo qui compte? Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve sont-elles plus intéressées par le pouvoir et le contrôle que par l'éducation et le bien-être de leurs enfants, à l'aube du prochain millénaire? Désirons-nous vraiment séparer nos enfants des autres comme on nous a décrit au cours du référendum? La réponse est sans équivoque, non.
Est-ce qu'il y a, dans la province, différentes idéologies en matière d'éducation auxquelles les gens tiennent vraiment mais qui sont incompatibles? La réponse est non. Il s'agit plutôt d'une raison de nature philosophique et éducationnelle. Les pentecôtistes se sont engagés à offrir une éducation de qualité et à rechercher l'excellence scolaire. Nous ne voulons que ce qu'il y a de mieux pour nos enfants. Il y a certaines personnes parmi nous qui n'attachent pas d'importance à cet engagement, mais il y en a d'autres pour qui cela importe. On ne peut que constater nos différences et se respecter mutuellement.
Cet engagement est enraciné dans les Saintes Écritures. J'ai d'ailleurs quelques références. Juste quelques-unes, si cela vous intéresse, et je suis persuadé que la plupart d'entre vous les connaissent déjà.
La motivation fondamentale des pentecôtistes... En passant, je tiens à ce que vous compreniez bien que nous ne faisons pas cela parce que nous croyons que les pentecôtistes sont meilleurs que les autres, ce n'est pas du tout cela. Ce n'est pas le cas et personne ne le pense. Personnellement, je ne le pense pas et les pentecôtistes non plus ne le pensent pas. Leur désir fondamental est plutôt de glorifier Dieu dans tous les aspects de leur vie, tel qu'il est écrit dans les Écritures. Tout ce qu'ils font est en fait un acte de culte et de prière envers Dieu et le prochain. Est-ce qu'on le fait tout le temps? Non; l'hypocrisie est un problème que chacun d'entre nous doit confronter. C'est une bataille.
Donc, si c'est notre motivation, l'éducation est holistique.
Le but est de développer la personne dans son entièreté, autant du point de vue spirituel et émotif que du côté intellectuel, social et physique. Cela vise à intégrer foi et pratique et à nous préparer au travail, aux loisirs, à nos devoirs de citoyen et aux services que nous devons rendre aux autres tout en se préoccupant des questions de transcendance et d'éternité.
L'école est considérée comme une extension de la maison, elle offre aux parents temps et compétence professionnelle pour qu'ils puissent s'acquitter de leurs responsabilités. Les enseignants sont là à la place des parents. Il est donc souhaitable que leurs valeurs, leur style de vie et leurs attitudes correspondent le plus possible à celles des parents. À la maison, ils font un choix, ils choisissent le genre d'éducation qu'ils veulent pour leurs enfants. L'enseignant incarne par ses connaissances, son caractère, ses aspirations, ses attitudes et son mode de vie, le programme qui a le plus d'influence. Le contenu culturel qui est présenté aux élèves est une chose, et c'est très important, mais l'exemple est encore plus important.
J'essaie ici d'exprimer la philosophie que les pentecôtistes ont à coeur. Les pentecôtistes croient qu'ils savent mieux que le gouvernement ce qui convient le mieux à leurs enfants. Ils sont actifs et bien informés; ils sont des citoyens et des contribuables. Lorsque leurs écoles répondent aux normes approuvées, ils trouvent qu'à titre de contribuables ils peuvent dire au gouvernement, «Offrez-nous le genre de système d'éducation que nous voulons, car nous voulons ce qu'il y a de mieux».
• 1005
Vous savez, d'autres églises partagent aussi cette façon de
penser. Mais je n'en dirai pas plus là-dessus.
J'ajouterai cependant ceci. Les pentecôtistes ne sont pas liés à une seule structure administrative. Il est vrai que nous préférons les écoles uniconfessionnelles lorsque la situation le permet. Mais nous acceptons les écoles pluriconfessionnelles lorsqu'il le faut. En bout de ligne, ce qui importe c'est le maintien des droits en matière de religion dans l'éducation afin d'assurer une influence réelle sur l'enseignement et les apprentissages.
Je voudrais revoir certains des événements survenus durant la période référendaire. Monsieur le président, je vais en profiter pour abréger cette partie car vous avez déjà entendu beaucoup de choses à ce sujet.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Nous disposons d'une certaine latitude. Si vous désirez raccourcir votre présentation, sentez-vous bien à l'aise, mais je ne voudrais pas que vous pensiez que la présentation de votre mémoire doit être restreinte de quelque manière que ce soit.
M. Melvin Regular: J'apprécie beaucoup. Merci.
Avant que je discute des événements survenus durant la période référendaire, laissez-moi vous dépeindre la situation de notre point de vue—de toute évidence, c'est notre point de vue; c'est ce que je suis venu partager avec vous.
On recule de sept ou huit ans. Il faut dire qu'un nouveau gouvernement a été élu en 1989...et en passant, je tiens à vous dire que je suis libéral. J'ai même déjà été membre du Parti. Je voulais que vous le sachiez.
Un nouveau gouvernement dont je ne partageais pas les opinions en matière d'éducation est élu. Un nouveau gouvernement entre en fonction en 1989. Pour être honnête, il faut dire que la plupart des gens diraient que le gouvernement avait un objectif bien établi, comme je suppose il doit en avoir un—un objectif bien établi en matière d'éducation. Mais nous savions, et les catholiques le savaient aussi, qu'ils voulaient «éliminer le système confessionnel si nous le pouvons». C'était le but visé.
Ce n'est pas surprenant, parce qu'à ce moment-là, Clyde Wells était premier ministre. Au cours des années 60 ou 70, je ne souviens plus très bien, il siégeait à la Chambre et il préconisait déjà un référendum. À cette époque-là, il discutait avec le gouvernement Smallwood et demandait la tenue d'un référendum car il était en profond désaccord avec le système d'éducation confessionnel. Je ne lui en veux pas. Il a le droit de penser comme cela. Mais il a été élu premier ministre et il avait toujours ce projet en tête.
Depuis la commission royale d'enquête, comme vous avez pu l'entendre hier, la lutte n'a pas cessé, nous avons le dos au mur, car nous savons que si c'est possible, il y aura élimination de nos droits confessionnels. La résistance était constante.
Vous vous demandez, la coopération est-elle possible dans ce genre de climat? Est-ce une coopération administrative? Ça ressemble beaucoup—je ne veux pas être trop dramatique—à une torture pour ensuite demander, «Maintenant, allez-vous collaborer avec nous»? La consultation n'a pas donné lieu au genre de dialogue où vous écoutez ce que l'autre a à dire pour ensuite essayer de trouver un terrain d'entente.
Je ne veux pas vous laisser croire que la situation était insoutenable. J'essaie seulement de dire qu'il y avait un objectif avoué, et que c'est le contexte dans lequel nous avons dû vivre. Nous avons résisté et nous résistons encore.
Le prochain sujet porte sur les récents événements qui ont conduit à la clause 17 actuelle.
En septembre 1995, il n'y a que 2 ou 3 ans, il y a eu une première modification à la clause 17. En mai 1996, la résolution a été adoptée par la Chambre des communes. Il s'agissait d'une modification à l'amendement, elle modifiait les droits des classes et donnait plus de pouvoir à l'assemblée législative pour adopter des lois en matière d'éducation—par plus de pouvoir, on entend législation provinciale, applicable à toutes les écoles, précisant les conditions nécessaires à la création ou au maintien des écoles, le gouvernement pourrait créer ou maintenir des écoles par le biais des lois qu'il ferait adopter; en établissant par exemple, des normes de viabilité.
En juin 1996, les Communes ont adopté une résolution et le débat a été réduit au minimum. En juin et en juillet, le Sénat a tenu des audiences. En novembre 1996, il y a eu l'amendement du Sénat. En décembre 1996, la Chambre a rejeté l'amendement du Sénat et a adopté la résolution initiale.
Je crois que l'on peut dire sans se tromper que cette question n'a pas reçu l'attention qu'elle méritait à ce moment-là et que c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
• 1010
J'aurais aimé qu'il y ait un comité de la Chambre des communes
à ce moment-là—un comité mixte ou des comités séparés—pour
vraiment étudier la question.
Le travail de votre comité est donc très important.
La loi visant à appuyer la clause 17 en 1995... Quand la modification a été adoptée, le gouvernement a préparé une loi visant à appuyer la modification. Lorsque nous avons lu le projet de modification, nous sommes allés rencontrer le gouvernement. À ce moment-là, Michael Harrington était l'avocat, un des plus éminents avocats de la province en matière d'éducation. Nous les avons rencontrés et leur avons présenté 25 différents problèmes d'importance que nous avions relevés dans la loi et nous leur avons dit qu'il y aurait sans doute contestation judiciaire si la loi était adoptée telle quelle.
En février, nous avons eu le processus des inscriptions et nous avons remarqué que les gens qui ne s'étaient pas inscrits étaient inscrits automatiquement. Ils étaient peut-être malades ou ils avaient tout simplement oublié d'envoyer leur formulaire d'inscription, mais ils ont été inscrits dans le groupe des pluriconfessionnels.
En mars 1997, nous avons reçu les résultats de l'inscription: 4 000 pentecôtistes et 24 000 catholiques inscrits.
Puis en mai, nous avons pris connaissance des désignations des écoles et des injustices qui s'y rattachaient, tout ça à cause de l'ingérence du ministre.
Les parents ont été outrés quand ils se sont aperçus de ce qui s'était passé dans certains districts scolaires. Je ne vous mentionnerai qu'un district, celui de Baie Verte/Central/Connaigre, où les écoles pentecôtistes sont les plus fréquentées. On le décrit parfois comme la région des fondamentalistes.
À l'origine, dans ce district, d'après les préférences des parents, il y avait treize écoles pentecôtistes, dont huit étaient désignées pentecôtistes. En trois semaines, sur les recommandations écrites et verbales du ministère de l'Éducation, ces désignations ont été modifiées. Ces désignations ont été annulées.
Il ne nous restait que trois écoles. C'est le district qui, on pourrait dire, était notre phare dans la province. Nous avons compris que si on en arrivait là, nous allions tout perdre. Il ne nous restait que trois petites écoles.
Des décisions de ce genre ont soulevé la colère dans les autres districts. Il y a eu des réunions, des protestations et des demandes de poursuite afin d'essayer de contrer cette injustice apparente.
Les gens se souvenaient des promesses comme celles-ci faites par le ministre au comité du Sénat, en juillet:
Le 15 mai 1997, des parents et des représentants des églises catholiques et pentecôtistes ont décidé de contester la loi en cour et essayé d'obtenir une injonction.
En passant, vous connaissez les résultats de cette injonction et la décision du juge.
Je devrais peut-être en reparler quand même. Le 8 juillet, le juge Barry a accordé une injonction pour empêcher la fermeture des écoles pentecôtistes et catholiques sans le consentement des groupes concernés, jusqu'à ce que la cause ait été entendue. Il a conclu en disant qu'il y avait matière à procès et que les requérants, les parents, ainsi que les autorités confessionnelles pourraient subir des torts irréparables si l'injonction n'était pas accordée.
Parmi les raisons invoquées dans la décision, on pouvait lire que la Loi sur les écoles de 1996, les règles de désignation des écoles de 1996, les recommandations faites aux conseils scolaires—en fait, les conseils scolaires eux-mêmes—étaient probablement inconstitutionnelles. J'ai utilisé le mot «potentiellement» inconstitutionnelles. Selon le juge, elles semblaient inconstitutionnelles.
• 1015
Vers la fin du mois de juillet, nous avons pris nos
responsabilités au sérieux et nous avons averti les conseils des
écoles qui allaient être fermées; nous avons fermé treize écoles en
tout, suite à cette action.
En ce qui concerne le référendum, était-il vraiment nécessaire? Nous savons tous qu'il n'était pas essentiel, mais était-il nécessaire? Avant l'audition de l'injonction, le juge a entendu parler des négociations qui avaient lieu et il a dit, «vous ne serez peut-être pas satisfaits des résultats». Mais le gouvernement n'a démontré aucun intérêt.
Après l'injonction, la marche à suivre logique était de réviser la loi, d'entreprendre des négociations ou d'aller en procès et peut-être d'adopter des lois temporaires pour que les choses continuent à progresser pendant le procès. La restructuration n'a débuté que le 1er janvier, on a commencé par les conseils scolaires. En réalité, les écoles elles-mêmes n'avaient pas encore été restructurées à ce moment-là. Il n'y avait pas d'écoles pluriconfessionnelles. La restructuration n'avait pas encore eu lieu. Il ne s'était pas passé suffisamment de temps pour que les structures soient établies et solides.
En fait, non, les problèmes de mise en application qui sont à l'origine de la poursuite ont été causés par le gouvernement. Ils connaissaient la Constitution. Ils l'avaient créée. Ils avaient rédigé les lois qui la supportent. Ils avaient rédigé les règles. Résultat, les parents ont dû amener leur gouvernement en cour. C'est malheureux, très malheureux. Savez-vous qu'au printemps dernier, dans notre province, les parents avaient trois causes différentes devant les tribunaux, pas pour des raisons confessionnelles mais parce que des écoles avaient été fermées sans avis et sans recours possible? Ils ont entrepris des démarches juridiques et ils ont obtenu gain de cause.
Le processus référendaire était-il équitable? Non. Je suppose qu'on pourrait dire que c'est un cas où l'on blâmait la victime. Je ne crois pas que les conséquences étaient aussi bien comprises qu'on le pense, en voici un exemple. Lorsque le premier ministre a lancé la campagne, il a dit que tous les élèves auraient accès à une éducation religieuse et qu'ils auraient un programme d'études commun. Il a déclaré «sur la base d'un programme d'études commun». Mais il a aussi dit, lorsqu'il a présenté la question, que «les écoles vont continuer à fonctionner selon les principes chrétiens, comme elles le font présentement». Suite à ces déclarations, et connaissant nos antécédents en matière d'éducation religieuse chrétienne dans nos écoles, il est probable que de nombreux électeurs ont supposé que l'éducation religieuse chrétienne continuerait comme avant.
Le texte de la clause 17 n'a été rendu public que le 25 août, comme vous le savez. Je conseille vivement au comité de comparer la question et la clause, je ne le ferai pas pour vous. Dans les faits, je suppose que nous votions sur la clause. Vous remarquerez qu'il y a une différence importante entre la question et la clause. J'aimerais que vous y jetiez un coup d'oeil. Vous préférerez peut-être le faire en groupe.
Je pourrais vous présenter un tas d'autres choses en rapport avec le référendum. Le gouvernement avait mis de l'avant une importante campagne médiatique en faveur de la clause. Selon les chiffres que j'ai devant moi, le gouvernement a dépensé 350 000$ en publicité et 1,558 million de dollars pour le vote lui-même. Les Assemblées de la Pentecôte ont dépensé environ 60 000$. À propos, je voudrais vous faire remarquer que cet argent ne provenait pas de la Commission sur l'éducation confessionnelle; il provenait des Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve.
En janvier et en février, les différentes églises ont participé avec le gouvernement à la restructuration des conseils scolaires. Nous avons élu des administrateurs, des comités confessionnels ont été formés et les politiques et les procédures nécessaires au fonctionnement de la nouvelle structure étaient en place. La sous-ministre de l'Éducation nous a de plus expliqué de quel genre d'autorité nous jouissions. Nous n'étions pas très heureux d'entendre ce qu'elle avait à dire, mais nous nous y sommes conformés. Bien qu'à ce moment-là, notre rôle, le rôle des autorités religieuses si vous voulez les appeler ainsi, ne se limitait qu'à faire des recommandations au gouvernement et aux conseils scolaires sur les questions qui nous préoccupaient, nous prenions cela très au sérieux et nous avons essayé de remplir notre rôle de notre mieux.
• 1020
Mais la campagne visait à dépeindre les autorités religieuses
comme étant encore aux commandes du système, comme des autocrates
anachroniques assoiffés de pouvoir, qui ne se souciaient ni des
enfants ni de la réforme de l'éducation. Vous avez entendu parler
de la virulente campagne des représentants du «non» et de ceux du
gouvernement.
Selon nous, le déclenchement du référendum n'était pas justifié. Il ne s'était pas passé assez de temps pour mettre en place les mesures qui avaient été adoptées suite au premier référendum. Dans ces circonstances, les procédures légales entreprises par les parents déçus étaient complètement légitimes et justifiées. La cour a déclaré qu'il y avait suffisamment de preuves qu'une supposée injustice avait été commise pour justifier une injonction temporaire.
L'étape suivante devenait donc la présentation des faits en cour ou des négociations dans le but d'éviter un procès, pas un autre référendum.
Contrairement au processus qui a été décrit précédemment, lorsqu'on tient un référendum pour connaître l'opinion des gens sur une question, nous croyons que le processus doit être équitable, démocratique et apparaître comme tel. Cela signifie qu'il faut aviser les partis dans des délais raisonnables, publier la modification suffisamment à l'avance pour qu'elle puisse être étudiée si nécessaire, fournir l'assurance que le gouvernement peut mettre en place ce qui est proposé et, s'il ne le peut pas, obtenir un avis juridique. Nous avons demandé avec insistance un avis juridique pendant toute la période référendaire pour que les gens sachent ce que l'amendement allait apporter, et aussi bien sûr pour que nous puissions obtenir les fonds nécessaires.
Quels ont été les résultats du référendum? Les résultats sont les suivants: 73 p. 100 en faveur du oui, une participation au scrutin de 53,4 p. 100 et 27,3 p. 100 en faveur du non. Les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve ont conduit leur propre analyse, il ne s'agit que d'une analyse réalisée à l'interne par les Assemblées de la Pentecôte et basée sur les électeurs de notre circonscription. Au début, nous avions estimé que le vote se situerait entre 75 p. 100 et 83 p. 100. À un certain moment, nous avons parlé de 83 p. 100, mais il y avait vraiment un écart allant de 75 p. 100 à 83 p. 100.
Vous avez déjà entre les mains un article écrit par le professeur Graesser dans lequel il indique, je crois, un chiffre d'au moins 68 p. 100. De plus, hier, les catholiques ont publié une autre analyse indépendante—il s'agit toutes d'analyses indépendantes—montrant qu'au moins 58 p. 100 des catholiques et des pentecôtistes ensemble... j'oublie le nom du professeur de biologie de l'Université Memorial.
Donc, en plus de notre propre évaluation, nous possédons deux autres évaluations indépendantes. Le fond du problème est qu'on ne peut jamais être sûr d'une analyse.
Nous savons aussi qu'un sondage indépendant a été mené par un groupe pentecôtiste de St. John's durant la dernière semaine de la campagne référendaire. Ils ne sont pas entrés en contact avec le comité pentecôtiste sur l'éducation et les Assemblées de la Pentecôte pour ne pas être accusés d'avoir été influencés par nous. Ils ont donc commandé un sondage indépendant dont les résultats ont été les suivants: 90 p. 100 des pentecôtistes étaient en faveur du maintien des écoles pentecôtistes viables, 90 p. 100 s'opposaient à ce qu'un vote majoritaire au référendum annule des droits constitutionnels et 95 p. 100 trouvaient que le gouvernement et les églises devraient continuer les négociations reliées à la réforme de l'éducation.
Il y a deux ou trois jours, lorsque le groupe pentecôtiste de la région centrale de Terre-Neuve était ici, ils ont mentionné une pétition de 4 300 noms recueillis dans leur région et je voudrais la présenter au greffier du comité. Ce sont les noms que je vous ai dit que nous allions copier. Nous les avions déjà, en passant. Ça a été fait durant la période référendaire. Il y a 4 300 noms de personnes provenant de cette région.
Mon prochain point est la modification elle-même et ses conséquences. La modification, si elle est adoptée, révoquera—et je tiens à souligner le mot «révoquer»—et remplacera la clause 17 actuelle. Elle mettra complètement fin aux droits constitutionnels et à l'enseignement des pentecôtistes et des autres classes de gens mentionnées dans la clause 17. L'assemblée législative provinciale possédera alors l'autorité exclusive de présenter des lois en matière d'éducation, mais elle devra offrir des cours de religion qui ne sont pas reliés à un culte particulier et elle devra permettre les pratiques religieuses dans les écoles où les parents en feront la demande.
• 1025
J'aimerais vraiment attirer l'attention du comité, d'une
manière dramatique, sur ce que nous considérons comme le point
crucial de cette modification. Le point crucial de cette
modification concerne les droits des minorités et la procédure de
recours permettant de supprimer ces droits. L'article 93 de la Loi
constitutionnelle de 1867 désigne les droits des différentes
confessions en matière d'éducation comme des droits des minorités
et accorde le droit d'en appeler de décisions qui leur seraient
préjudiciables auprès du Parlement du Canada. Selon Peter Hogg,
expert constitutionnel renommé, l'article 93 est «une petite
déclaration des droits visant la protection des groupes religieux
minoritaires». La clause 17, bien entendu, tient lieu de l'article
93, aussi je présume que l'on pourrait conclure que, évidemment,
cette clause protège aussi les groupes religieux minoritaires.
La clause 17 a fait l'objet d'un débat intense au moment de la Confédération. Je ne sais pas si vous avez relu ces débats, mais deux questions importantes ont été soulevées. La question de l'enseignement confessionnel était tellement importante dans l'esprit des Terre-Neuviens à cette époque que les politiciens ont considéré la clause 17 comme une condition à l'union. Ils en ont discuté en ce sens. Deuxièmement, il était entendu que les droits des différentes confessions et des groupes qui avaient choisi ces droits à ce moment-là seraient protégés aussi longtemps qu'ils le voudraient. Je vous lis la réponse qu'a donnée M. Smallwood à M. Cashin au cours de la convention nationale au sujet des négociations qui avaient lieu à Ottawa:
Mesdames et messieurs, j'aimerais partager quelque chose avec vous. Nous savons ce qui a constitué le marché de la Confédération. Le marché de la Confédération c'était pour les protestants au Québec et les catholiques en Ontario. C'était ça le marché. Vous vous transportez à Terre-Neuve en 1949, et vous pourriez croire en toute logique que les catholiques obtiendraient leur régime distinct à Terre-neuve. Il n'en est pas question. Ils se sont battus pour l'obtenir et ils l'ont obtenu. Les protestants allaient obtenir des droits distincts aussi, mais le problème à Terre-Neuve est qu'il y a x nombre de confessions protestantes et qu'elles ont toutes leurs propres écoles.
Existe-t-il vraiment une différence entre le reste du Canada et Terre-Neuve, quant à cet argument voulant que ce ne sont pas vraiment des droits des minorités? En fait, ils sont même plus pointus, plus subtils, et ils sont accordés à chaque confession.
En ce qui concerne l'élimination de droits consentis à des minorités et formellement garantis, une simple conformité aux conditions formelles de la formule d'amendement n'est pas suffisante. Il est certain que si le consentement éclairé de la minorité ou de ses représentants était requis au moment d'accorder ces droits à l'origine, la même chose est nécessaire si on veut les supprimer. Comme on l'a fait remarquer précédemment, les pentecôtistes ont non seulement donné leur consentement pour obtenir ces droits, mais ils se sont battus pendant vingt ans pour que ces droits soient protégés. Ils ont voté lors de deux référendums contre la modification ou la suppression de ces droits. Il ne fait donc aucun doute que votre comité est devant une minorité qui a des droits. Vous devez vous demander si vous êtes prêts à conseiller au gouvernement de supprimer ces droits. C'est le problème auquel nous devons faire face.
Le comité devrait prendre note, en passant, que je fais référence à une convention constitutionnelle. Qu'est-il arrivé lorsque nous avons rapatrié la Constitution? Les gouvernements provinciaux n'étaient pas favorables à un rapatriement unilatéral de la Constitution. La question a été soumise aux tribunaux. Qu'ont dit les tribunaux? «Pour le moment, vous savez, vous devriez réellement consulter les provinces, car ce n'est pas une façon de mener des affaires.» Pourquoi la même convention ne s'applique-t-elle pas dans ce cas?
• 1030
Le professeur Monahan de la faculté de droit Osgoode Hall dit
que selon lui:
Et il poursuit:
Honorables parlementaires, c'est injuste d'enlever des droits à une minorité religieuse sans obtenir son consentement éclairé. Comment pourriez-vous?
J'ai dit «règle établie». Y a-t-il des façons d'améliorer ce processus? Un référendum auprès de la majorité ne me cause pas de problème, mais il faut aussi un référendum auprès de la minorité. Vous devez aussi établir certaines limites sur ce que devrait être le vote de la majorité et quel devrait être le taux de participation. Nous faisons cela pour les séances de travail de notre église. Nous faisons cela dans de petites organisations. Nous déterminons quel doit être le taux de participation et quel doit être le niveau pour qu'il soit valable. Dans ce cas, il est nécessaire de le faire, et c'est digne du Canada de le faire.
Monsieur le président, je vais sauter la prochaine section de mon mémoire, où il est dit que la modification proscrit l'enseignement religieux confessionnel en donnant à l'assemblée législative provinciale le contrôle exclusif sur les programmes religieux dans les écoles. Elle le fait, et je voulais simplement soulever ce point. Qu'il suffise de dire que présentement au Canada, si c'est approuvé, si c'est adopté, nous faisons face à une action en justice. On nous en a informés. Je ne dis pas que nous le ferons. Nous ferons face à des contestations en vertu de la charte, c'est inévitable. Nous faisons inévitablement face à des contestations judiciaires. Il y a une autre chose, mais j'y reviendrai.
Finalement, cette modification supprime complètement le droit qu'ont les parents de choisir une école publique confessionnelle pour leurs enfants.
Y a-t-il une meilleure façon? La suppression des droits des différentes confessions en faveur d'un système scolaire non confessionnel et unique peut s'avérer tout à fait l'opposé de ce dont nous avons besoin. Cela nous semble ridicule, car dans notre mentalité nous pensons plutôt à étendre les droits à d'autres confessions. Cela semble ridicule. Ce que nous pensons, c'est que nous enlèverons des droits et rendrons tout le monde égal, en fonction d'un nombre limité de droits.
Cependant, je crois que la façon dont le Canada doit s'orienter—et je crois que Terre-Neuve, étant en retard sur son temps, est encore ici, un peu en retard sur son temps, mais est en train de combler son retard—c'est que nous devrions probablement étendre ces droits.
Lois Sweet a terminé récemment un projet de recherche d'une durée de deux ans portant sur la religion dans les écoles au Canada. Au début, elle croyait que les écoles confessionnelles ne favorisaient pas la bonne entente entre le gens. À mesure que son étude avançait, elle a changé d'idée. Elle a conclu que le respect et l'appréciation des convictions religieuses des autres n'est possible que si une personne est fermement attachée à ses traditions et à ses croyances.
Elle dit:
Différentes façons de s'adapter au pluralisme religieux sont apparues au Canada. À Terre-Neuve, l'école mixte est l'une d'entre elles. Nous nous retrouvons tous ensemble sur un campus, mais nous conservons nos droits et nous travaillons ensemble.
En Alberta, nous avons eu les écoles Logos rassemblées en vertu du régime public, où les gens des différentes confessions, chrétiennes et autres, doivent vivre ensemble mais peuvent pratiquer leur religion. Ils ne sont pas limités à en parler; ils peuvent être ce qu'ils sont réellement, parce que la religion est une force vivifiante dans nos vies.
Ainsi, si je résume, je vous ai indiqué que notre philosophie est ce que nous motive à résister à cette modification à la Constitution. Elle découle d'une philosophie de vie.
• 1035
J'aimerais à nouveau attirer l'attention du comité sur les
points cruciaux. Je crois que les points cruciaux sont la
suppression de la protection constitutionnelle des minorités, qui
est le problème auquel nous faisons face; l'absence d'une règle
établie dans la suppression des droits des minorités; le conflit
entre cette modification et notre charte sur la liberté de
conscience et de religion; la nécessité de continuer de protéger
les groupes qui n'ont pas consenti à renoncer à leurs droits; et la
nécessité de nouvelles approches à l'égard de l'éducation qui
soient plus compatibles avec les besoins et les aspirations des
Canadiens à l'égard de la religion.
Nous recommanderions à votre comité d'envisager de proposer au Parlement le plan d'action suivant: référer la modification à la Cour suprême pour obtenir une interprétation avant de l'adopter dans la loi constitutionnelle. Ou comme autre solution, reporter l'examen de cette résolution jusqu'à ce que la demande introductive d'instance déposée par les catholiques à la division de première instance de la Cour suprême de Terre-Neuve ait été entendue par les tribunaux. Ou encore, différer l'adoption, pour permettre d'explorer une façon d'amender la résolution pour répondre aux souhaits de la majorité—ceux qui ne veulent pas du système confessionnel que nous souhaitons—et pour protéger les minorités qui s'accrochent à leurs droits et enlever toute atteinte possible à la liberté de religion. Ou bien demander au gouvernement de Terre-Neuve de retirer cette résolution et d'engager des négociations.
À propos, il y a deux autres possibilités que le comité doit aussi envisager, mais je m'arrête pour le moment.
Merci, monsieur le président. Vous m'avez supporté patiemment, et je l'apprécie beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Regular, vous êtes avec nous depuis un moment; vous pourriez dire que vous êtes un régulier à ce comité.
Des voix: Oh, oh!
M. Melvin Regular: Je me demandais quand cela arriverait.
Des voix: Oh, oh!
Le coprésident (M. Gerry Byrne): C'était en fait un jeu de mots du greffier.
Nous commencerons maintenant la période de questions.
Vous avez raison; en fait, j'ai donné une certaine latitude concernant le temps alloué pour votre présentation. Cela fait maintenant 50 minutes. Nous devons passer aux questions.
Chers collègues, de façon à faciliter une bonne discussion, je serai bref, en espérant que les témoins seront brefs eux aussi.
M. Goldring, pourriez-vous commencer les questions, s'il vous plaît?
M. Peter Goldring: Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup pour votre présentation.
Monsieur Regular, en tant que libéral, il vous fera plaisir d'entendre ce commentaire qui est tiré d'une déclaration émanant du Parti libéral:
Je suis plutôt d'accord avec cette déclaration.
Votre organisation a démontré qu'elle souhaitait conserver l'enseignement religieux lors du sondage demandé par le gouvernement en février. Vous avez aussi produit une pétition comportant 4 200 noms. Pourriez-vous apporter des précisions sur les 4 200 noms que vous avez? Est-ce l'opinion du reste du groupe? Quel pourcentage de votre organisation est d'accord avec cette pétition et serait d'accord avec les souhaits exprimés en février? En d'autres mots, quel est selon vous le pourcentage de votre groupe qui appuie le maintien de vos droits?
M. Melvin Regular: La pétition que vous avez, monsieur Goldring, indique qu'ils ont signé parce qu'ils ne souhaitent pas que leurs droits leur soient enlevés à la suite d'un vote auprès de la majorité.
Pour ce qui est d'un pourcentage précis, je pense que je n'aborderai pas cela, sauf pour dire que le résultat du référendum est une indication. Je suppose que tout ce que je peux dire vraiment, c'est que le pourcentage que nous avons estimé, de 75 p. 100 à 83 p. 100 serait de cet ordre. Il y en a peut-être même plus que cela qui ne voudraient tout simplement pas renoncer à leurs droits; je ne sais pas. Je dirais que ce serait probablement de cet ordre.
M. Peter Goldring: C'est très élevé, cependant.
Vous avez parlé du premier ministre Peckford et de son discours à l'assemblée législative concernant les bonnes qualités de votre groupe, mais il est allé plus loin dans ses propos à l'assemblée législative, et j'en lirai une petite partie:
• 1040
Quelle est votre opinion concernant les garanties
constitutionnelles compte tenu de ce qui se passe actuellement?
Pensez-vous qu'il est possible de protéger les droits des minorités
à l'avenir si cette majorité peut vous enlever vos droits en tant
que minorité?
M. Melvin Regular: Évidemment, nous pensons qu'il s'agit là d'un dangereux précédent. Je ne chercherai pas à parler des subtilités juridiques ou de toute autre chose de cette nature. Mais nous savons qu'une fois que nous l'avons fait et que nous avons réussi, si vous l'avez fait une fois et si vous l'avez fait deux fois, il y a un impact psychologique sur les autres—sur le reste du pays. Aussi, selon moi, c'est différent aujourd'hui pour l'Ontario et le gouvernement de l'Ontario d'envisager le retrait de droits de ce qui existait avant la modification à la Constitution du Québec et si cette modification était adoptée.
C'est une question très grave. Bonté divine, dans la vie, si je vous fais une promesse—une promesse; une Constitution c'est un engagement, un contrat—si je romps unilatéralement la promesse que je vous ai faite, vous sentirez-vous trahi, offensé? Serait-ce de la bonne foi? Il s'agit de la Constitution, et il y a une façon de faire cela. Il doit y avoir une règle établie. Nous pouvons la structurer.
J'aimerais participer avec le gouvernement à la tenue d'un référendum auquel j'ai pris part, de façon à ce que nous en tant que peuple, ayons un mot à dire dans l'élaboration de la question, avec le gouvernement, pour que ce soit fait équitablement et que nous obtenions l'opinion des gens. J'aimerais savoir quelle est exactement l'opinion des gens de notre groupe. Mais ce que nous avons, c'est un vote référendaire de la majorité et nous essayons de l'analyser pour voir ce qu'il signifie. Nous ne savons pas. Puis, nous sommes prêts à l'exécuter. Je crois, vraiment...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Sénatrice Pearson, s'il vous plaît.
La sénatrice Landon Pearson: Merci beaucoup.
Je suis sensible aux témoignages que nous avons entendus hier et à plusieurs autres reprises concernant les droits des enfants. Je comprends très bien qu'au sein de votre communauté, vous ne voulez pas renoncer à vos droits. Je suis sûre qu'en tant que parent, j'aimerais... je comprends cela. Pour moi, la question n'est pas vraiment là. D'une certaine façon, la question est de savoir comment au sein d'une communauté que vous partagez avec des gens d'autres croyances vous optimisez la capacité du système à répondre aux besoins des enfants. Dans le rapport qui a été publié ce matin, Campaign 2000, qui est un rapport sur la pauvreté infantile, on dit qu'à Terre-Neuve il y a présentement 36 000 enfants qui vivent dans la pauvreté, une augmentation de 20 p. 100 depuis 1989. Certains des parents qui ont témoigné devant nous ont mentionné que ce qui les préoccupe, c'est l'inadéquation des ressources pour répondre aux besoins. Je me rappelle que lorsque je lisais le rapport de la commission Williams, c'était un autre des problèmes.
Aussi, pour moi, le dilemme est une combinaison de deux genres de problèmes. L'un est la question des droits. L'autre est comment vous répondrez aux besoins de tous les enfants terre-neuviens. Voilà où j'en suis. Je ne sais pas quelle est votre réponse à cela.
M. Melvin Regular: Madame Pearson, je comprends le dilemme et je suis sincère lorsque je dis que c'en est réellement un. Je crois, et je le dis sincèrement, que nous devons économiser, utiliser nos dollars sagement. Mais il y a la réalité de ces parents pentecôtistes qui ont des droits en vertu de la Constitution, qui ont une philosophie et qui ont le droit de faire éduquer leurs enfants. Ils veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants. Nous sommes d'accord sur ce point, je pense. Ils veulent ce qu'il y a de mieux.
Là où ils peuvent avoir une école viable tout en étant conformes aux normes acceptables pour une société, je ne vois pas, si ces parents disent qu'ils favorisent et qu'ils veulent une école pentecôtiste, et que cela répond aux normes et que c'est réalisable, pourquoi ils ne peuvent l'avoir. Cependant, si nous ne pouvons pas le faire en raison du nombre, alors il n'y a pas de raison, il me semble, pour que nous ne nous rassemblions pas, même sur un campus commun.
• 1045
Je serais partisan de cela, un campus commun, où l'on
continuerait d'exercer nos droits. Respectez-nous simplement comme
nous sommes, car nous venons à l'école avec armes et bagages,
religion et tout le reste. Nous la pratiquons peu importe où nous
sommes. C'est une partie de notre identité. S'il vous plaît, ne la
niez en aucune façon. Permettez-lui de s'épanouir. Célébrons-la.
Pourquoi ne pouvons-nous pas faire cela? En réalité, selon moi, si nous donnons à la situation le temps d'évoluer, c'est peut-être ce vers quoi nous nous dirigeons. Mais ce que nous avons dans notre province, c'est un conflit entre les idéologies religieuses à l'égard de l'éducation.
Je ne dis pas—je n'oserais pas—que la nôtre est meilleure que les autres, que les autres sont meilleures que la nôtre. Mais ce que j'ai à dire, c'est qu'en tant que citoyen canadien et en tant que démocrate, je dois avoir du respect. Je devrais célébrer et favoriser et encourager. Voilà ce qu'est le Canada multiculturel.
Pourquoi ne pouvons-nous pas le faire? Nous disons, bien, nous avons essayé. Mais je ne suis pas certain que nous avons consenti tous les efforts possibles. C'est une question de compromis de la part de tous.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
M. Bélanger, puis M. Doyle.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, monsieur le président. Deux choses. Premièrement, je voudrais faire une demande, par votre entremise, aux recherchistes du comité.
J'ai en fait soulevé ceci; peut-être qu'il est temps que nous obtenions de la documentation à ce sujet. Nous avons entendu parler de la décision de la Cour suprême énonçant essentiellement—et j'aimerais voir si nous pouvons obtenir les références du jugement lui-même, et une opinion, peut-être—que les droits et privilèges dévolus aux différentes confessions ne doivent pas être envisagés de la même façon que les droits fondamentaux. Je pense que cela pourrait devenir important et utile pour notre comité.
Les recherchistes peuvent-ils en prendre en note?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Nous en discuterons avec eux, s'il y a lieu.
M. Mauril Bélanger: Bien.
Monsieur Regular, je veux vous remercier. Votre présentation amène à réfléchir. J'aimerais explorer, si vous voulez, une avenue que qui n'a pas été explorée, je crois, par le comité depuis le début des audiences.
Supposez pendant une seconde que certains des arguments que vous présentez concernant le processus référendaire ont une influence sur nous, et qu'en fait il puisse y avoir une situation où, à Terre-Neuve, certains groupes de personnes croient, à tort ou à raison, que leurs droits leur ont été retirés sans leur consentement. Ils démontrent peut-être cela jusqu'à un certain point. Supposez aussi que la modification demandée par Terre-Neuve, par l'assemblée, dans un vote unanime est accordée de façon bilatérale, avec le consentement des deux chambres du Parlement du Canada.
Voulez-vous, s'il vous plaît, nous donner vos commentaires sur la possibilité que cette situation puisse ne pas être aussi permanente que vous pourriez le croire parce que le gouvernement de Terre-Neuve pourrait invoquer la disposition d'exemption de la Constitution—l'article 33, si je me souviens bien—pour accorder des droits aux différentes confessions; qu'en fait, la situation pourrait se rapprocher de celle du Québec dans ce cas, dans le sens que l'éducation serait totalement de compétence provinciale, sous l'autorité de l'assemblée législative provinciale; et que cette même assemblée législative provinciale pourrait, si telle était la volonté, accorder l'éducation religieuse?
• 1050
Je ne suis pas certain que je veux être dans la situation de
préconiser la disposition d'exemption. Il s'agit d'une question
très épineuse et très délicate. Mais je pense que si nous risquons
de nous retrouver dans des situations où l'on se pose de sérieuses
questions sur le processus de ce référendum et sur ses résultats,
alors nous pouvons peut-être examiner des hypothèses.
Je comprends qu'il s'agit d'une «hypothèse» et que vous ne voulez peut-être pas faire de commentaires, mais je vous invite à le faire, s'il vous plaît.
M. Melvin Regular: Évidemment, selon ce que j'ai lu et entendu depuis que je suis ici et selon ce que j'ai entendu de la part des experts constitutionnels, oui, si vous vous éloignez du marché auquel a donné lieu la Confédération et que vous supprimez les droits des différentes confessions, il y a alors possibilité d'atteinte à la Charte. Je pense que c'est une possibilité très réelle. Il n'y a pas de doute à ce sujet.
S'orienter dans la voie que vous suggérez, avec la possibilité d'utiliser la disposition d'exemption, c'est possible. Cependant, voici le problème. Vous le dites vous-même. C'est complexe. Je ne suis pas certain que je suis partisan de cette solution, parce que Terre-Neuve ne sera pas si fière ou en aucune façon plus inquiète de l'utiliser que, disons, le Québec l'est. Nous en avons entendu beaucoup parler dans le pays lorsqu'elle a été utilisée.
Donc, c'est votre problème.
L'autre problème, bien entendu, c'est qu'actuellement le gouvernement dit—et vous avez vous-même entendu le ministre dire—qu'en aucune façon ce gouvernement ne considérera cette possibilité. Un autre gouvernement pourrait, mais nous connaissons les problèmes inhérents à cette situation. On s'éloigne considérablement de l'enchâssement des droits dans la Constitution et de l'obligation qu'a le gouvernement de garantir des écoles.
M. Mauril Bélanger: Je vais passer, monsieur le président.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Doyle.
M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): J'ai deux questions pour M. Regular.
Vous êtes ici depuis presque une semaine, donc vous avez entendu quelques-uns des mémoires qui ont été présentés ici. J'aimerais entendre vos commentaires sur un commentaire qui a été fait récemment par la Newfoundland and Labrador Teachers' Association dans son mémoire.
La NLTA a parlé du système de supplantation concernant l'affectation des enseignants et tout le reste, et d'une certaine façon a donné l'impression que les pentecôtistes avaient joué un rôle ou avaient provoqué le deuxième référendum et la modification en refusant de permettre la réaffectation des écoles l'an dernier.
Je voulais seulement vous donner l'occasion de commenter sur ce qu'ils ont dit. Je ne suis pas d'accord avec leur commentaire, mais je veux vous donner l'occasion.
M. Melvin Regular: Oui, j'ai remarqué que la NLTA a présenté cette information ici. Bien sûr, ils ont exprimé ce point de vue dans la province, que d'une certaine façon nous avons participé, peut-être même provoqué ce référendum en raison de ce qui est arrivé relativement à la réaffectation des enseignants le printemps dernier.
Il me fait très plaisir de partager avec vous et de décrire la situation selon notre perspective. Je dois vous donner un peu d'historique.
Le 1er janvier, nous avons commencé la restructuration. Il y avait dix nouveaux conseils scolaires non confessionnels. Cela n'était jamais arrivé auparavant. Il y avait 40... personnes qui faisaient partie de ces conseils scolaires. Dans chacun de ces conseils, il y avait des comités confessionnels, relativement nouveaux pour la plupart. Il y avait dans ces comités des citoyens ordinaires qui devaient alors s'occuper de l'affectation et de la mise à pied d'enseignants pour la première fois. Ils étaient là en janvier. Cinq cents professeurs ont été mis à pied en février et en mars. Ils devaient être mis à pied avant le 17 mai de cette année. La restructuration était en cours, comme je l'ai dit.
Voilà donc le contexte. Ces comités n'avaient aucune politique, essayaient de donner... Nous n'avions aucune autorité, vraiment, pour diriger ces comités. Nous n'avions aucune autorité pour diriger ces comités des conseils, mais nous pouvions leur donner des lignes directrices. Nous n'avons même pas eu le temps de leur donner des lignes directrices.
Maintenant laissez-moi partager avec vous ce qui est précisément arrivé, parce que voici le coup de tonnerre. C'est dans le district scolaire de Baie Verte/Central/Connaigre. Ce district scolaire comptait 13 écoles pentecôtistes. Ils ont effectué leurs désignations, et ils ont retenu 8 nouvelles écoles pentecôtistes, comme ils auraient dû faire en fonction des préférences des parents. En moins de trois semaines, tout était changé. Nous étions de retour.
Nous avions 160 postes d'enseignants pentecôtistes dans ces écoles. Ce nombre avait été ramené à 38. Maintenant, nous ne sommes plus dans une situation d'embauche. Cinq cents enseignants ont été mis à pied conformément à une convention collective, ce qui est automatique.
• 1055
En d'autres mots, vous passiez automatiquement d'une école à
l'autre. Jamais auparavant dans l'histoire de notre province il n'y
avait eu une réaffectation ou une supplantation d'une école
confessionnelle à une autre—jamais auparavant. Nous avons toujours
des écoles confessionnelles, mais soudainement parce que nous avons
des conseils scolaires non confessionnels, on présume maintenant
que les enseignants peuvent automatiquement passer d'une école
confessionnelle à une autre.
Nous avions 160 postes d'enseignants et ce comité aurait peut-être pu en accommoder quelques-uns, mais nous n'avons plus maintenant que 38 postes d'enseignants. Le conseil leur disait... je veux être honnête à ce sujet; je ne suis pas tout à fait certain, mais je crois que le chiffre était d'environ 10 ou 12 supplantations possibles dans ce groupe de 38.
Le comité était furieux parce que nous avions perdu 8 écoles. Ils avaient alors l'impression qu'ils étaient en train de participer à notre effondrement total. Dans ce district vedette de la province, nous voyions tout le système se désintégrer, et nous participions à l'effondrement.
En plus de cela, bien sûr, nous étions déjà devant les tribunaux et nous avions peur de ce que les tribunaux allaient nous dire. Vous renoncez à vos droits; qu'êtes-vous venus faire ici? Vous acceptez d'autres enseignants; qu'êtes-vous venus faire ici? C'était l'une des craintes que le comité avait.
Ce que l'on craignait aussi, c'est qu'en vertu de la Constitution, un enseignant pentecôtiste, peu importe qu'il soit débutant ou non, détient un droit sur ce poste et qu'en conséquence il entreprendrait un recours contre nous. La convention collective ne prime pas sur la Constitution. Nous étions dans une situation perdue d'avance.
Maintenant, dans la province, au centre de tout cela, ce que l'on a appelé une campagne de sensibilisation au sectarisme visant les pentecôtistes fait irruption. Mon épouse, qui est une enseignante pentecôtiste qui paie ses cotisations syndicales, s'est fait traiter de sectaire, a reçu des lettres et j'en passe.
Je veux vous faire remarquer, mesdames et messieurs, l'ironie de ce qui arrive. Nous avons ce régime confessionnel anachronique depuis des centaines d'années. Il y a soixante ou soixante-dix ans, le sectarisme dans notre province était quelque chose à observer. Nous avions nos équipes de football et nos équipes de hockey organisées dans des ligues sectaires et qui s'affrontaient.
Par l'entremise de ce régime confessionnel, nous en sommes arrivés à des rapports dont nous étions très fiers; nous nous entendions tellement bien. Nous nous enorgueillissions du fait que le sectarisme religieux n'existait plus. Il s'était dissipé, il était parti. Au cours des sept dernières années, quand on a tenté de nous forcer à nous regrouper dans un régime interconfessionnel, le sectarisme n'a jamais été aussi répandu.
J'ai mentionné la campagne de sensibilisation au sectarisme. Selon mon évaluation, on craignait la violence. D'autres peuvent ne pas être d'accord avec moi, mais c'est certain qu'à ce moment je craignais que nous puissions tomber dans ce qui semblait inconcevable. Il me semble que c'est un terrible prix à payer pour tenter de préserver nos différences, notre caractère unique. Ce que nous possédons est peut-être le plus riche et le mieux dans tout le pays, avec la contribution que nous apportons, ce caractère unique, cette diversité que nous valorisons et à laquelle nous attachons beaucoup de prix.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à Mme Folco.
M. Norman Doyle: Puis-je poser une question supplémentaire, monsieur Byrne?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Non, je regrette. Nous avons vraiment une longue liste. Cette réponse à elle seule nous a pris de 12 à 14 minutes. Si vous voulez poser une question supplémentaire, monsieur Doyle, vous pourrez le faire, je remets votre nom à la fin de la liste.
Je ferai remarquer qu'à ce moment, nous avons dépassé de 10 minutes le temps alloué. Comme je l'ai expliqué aux témoins dans mon introduction, je ferai preuve d'une certaine latitude. Je demande aux membres de poser des questions précises et à M. Regular et à M. Batstone de raccourcir un peu leurs réponses.
[Français]
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Tout d'abord, je voudrais vous féliciter, monsieur Regular. Vous êtes très convaincant. Je vais attendre la traduction.
[Traduction]
Je vous faisais un compliment, c'est pourquoi je voulais que vous l'entendiez.
M. Melvin Regular: J'aimerais l'entendre.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Je pense que j'ai compris. L'un ne va pas nécessairement avec l'autre, sénateur.
Je disais, monsieur Regular, que vous êtes très convaincant dans votre présentation. Je voudrais suivre une ligne de pensée qui a déjà été présentée et j'aimerais que vous l'approfondissiez.
M. Bélanger a parlé tout à l'heure des droits protégés par la loi par rapport aux droits protégés par la Constitution. Si je comprends bien, les droits des pentecôtistes ont été des droits en éducation, évidemment. Des pentecôtistes ont été protégés par la loi de 1954.
Cependant, votre classe, comme vous appelez cela à Terre-Neuve, a estimé que ses droits n'étaient pas garantis par la Constitution et vous vous êtes battus pour faire protéger vos droits et les faire entrer sous la protection de la Constitution. Vous avez réussi en 1987. Voilà le background.
Cela m'amène à vous poser une question sur les deux types de protection et la façon dont vous les percevez: la protection par la Constitution comparée à la protection par la loi. Je voudrais savoir comment vous voyez la relation entre les deux compte tenu que certaines personnes autour de cette table ont dit que les articles qui concernent l'instruction religieuse n'ont pas leur place dans la Constitution et devraient plutôt être inscrits dans une loi, celle que vous appelez à Terre-Neuve le Schools Act.
Donc, j'aimerais bien que vous approfondissiez votre pensée sur le type de protection que vous avez sous l'un et l'autre de ces deux types de dispositions.
[Traduction]
M. Melvin Regular: Madame Folco, la protection constitutionnelle accorde des droits aux différentes confessions en matière d'éducation, ce qui inclut l'établissement d'écoles, l'embauche d'enseignants et ainsi de suite. Il s'agit d'un droit très précis. Ces droits ne seraient pas dans la Constitution s'il n'existait pas un besoin de les protéger des caprices et des désirs changeants de la majorité. À certains moments, la majorité peut être très menacée sur le plan économique, et ainsi de suite, et sentir qu'il est temps de les supprimer. J'imagine que c'est la raison pour laquelle vous les avez placés dans la Constitution, pour leur donner une protection spéciale.
Il existe donc un lointain rapport entre le fait d'avoir des dispositions législatives, parce que la législation changera à nouveau au moment d'un changement de gouvernement et que le programme politique du gouvernement change. Le gouvernement provincial répond naturellement aux souhaits de la majorité, et s'il présente sa plate-forme aux gens et que les gens l'approuvent... C'est la différence, je pense.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Si je comprends bien, vous voyez cela comme une protection additionnelle compte tenu du fait qu'une loi peut être modifiée par la volonté de la population et qu'une constitution—nous sommes ici pour le prouver—peut elle aussi être modifiée par une volonté majoritaire. Mais pour vous, c'est une protection supplémentaire qui vient s'ajouter à la protection de la loi de la province. C'est bien cela?
[Traduction]
M. Melvin Regular: Oui, je vois cela comme une protection additionnelle.
Évidemment, ce que j'ai défendu devant ce comité, c'est la règle établie. Je ne dis pas que vous ne pouvez jamais retirer des droits aux minorités; je dis seulement que dans ce cas nous n'avons pas démontré le respect de la règle établie, c'est-à-dire un processus adéquat étant donné les circonstances.
Je crois que le Canada est assez intelligent et assez compétent et que nous sommes assez coopératifs pour établir un processus avec lequel les gens peuvent vivre. Seulement en obtenant le consentement de la minorité—et c'est peut-être seulement que la minorité voudrait renoncer à un droit à un certain moment précis—ou en le combinant avec un large pourcentage de la minorité et un certain pourcentage minimal ou 50 p. 100 de la minorité...il y a toutes sortes de façons de le réaliser si seulement nous mettons à contribution notre esprit créateur.
• 1105
M. le président, le gouvernement de Terre-Neuve, nous le
savons, n'était pas obligé de tenir un référendum, mais s'il l'a
fait, il devait avoir une raison: démontrer une plus grande
impartialité. Il n'aurait probablement pas obtenu un vote unanime
à la Chambre s'il n'avait pas tenu un référendum, c'est vrai, mais
le processus n'est pas contaminé. C'est bien connu de tous que la
fin, une fin extraordinaire, ne justifie pas l'emploi de moyens
indignes et nous devons être circonspects quant aux moyens que nous
utilisons. Et si nous utilisons des moyens circonspects pour
supprimer un droit, ce qui pourrait être considéré comme une bonne
fin, je pense qu'il est possible de modifier la Constitution. Je ne
pense pas que ce soit nécessairement là pour toujours.
Je dirai ceci—j'hésite à le dire et peut-être que ce n'est pas juste, mais je vais le dire pour qu'on le sache—56 p. 100 de la population accepte apparemment le résultat du référendum et est prête à vivre avec. Je n'en suis pas certain. Je le dis avec hésitation, mais au moins ils ne sont pas ici hurlant et se plaignant comme nous le faisons pour conserver un droit, je peux dire cela. Et cela prouve que la population, nous pouvons l'affirmer, a abandonné. C'est bien. Il viendra peut-être un moment où les pentecôtistes feront la même chose. Et je pense qu'ils auront probablement la possibilité à un moment approprié. Mais si nous faisons une promesse, il existe une façon humaine, acceptable, juste de la rompre ou de la modifier, et je ne suis pas certain que nous l'avons suivie.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Sénateur Doody, suivi de M. Schmidt.
Le sénateur William C. Doody (Harbour Main—Bell Island, PC): Révérend Batstone, M. Regular, les catholiques de Terre-Neuve ont porté cette affaire devant les tribunaux pour obtenir un jugement. Lorsque j'ai parlé des tribunaux précédemment, je pense que les assemblées pentecôtistes s'étaient jointes aux catholiques sur ce point, mais je ne pense pas qu'elles l'aient fait cette fois-ci. Y a-t-il une raison qui explique que vous n'ayez pas porté la cause devant les tribunaux cette fois-ci.
M. Regular: Oui. À vrai dire, sénateur, j'ai écrit quelques réponses en prévision de cette question. Je parle ici et je suis conscient que mon patron est assis près de moi et qu'il n'a pas parlé beaucoup. Aussi, par courtoisie—et je ne veux pas dire que j'ai été discourtois envers lui,—aimeriez-vous répondre à cela, pasteur Batstone? Si non, je le ferai à votre place.
Le père Earl Batstone: Je vais commencer la réponse et vous pourrez ajouter des détails.
L'organe directeur des Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve est la Conférence générale des Assemblées de Terre-Neuve, pas nécessairement, toutefois, des membres de toutes les entités constituantes des Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve. Donc, l'organe directeur des assemblées a pris la décision de ne pas devenir un deuxième demandeur dans cette cause. Cependant, il n'a pas exclu la possibilité d'avoir un statut d'intervenant selon la tournure que prendra la cause. Nous nous tournons vers le Parlement du Canada, en fait, qui détient le droit sacré, nous croyons, de sauvegarder l'intégrité de la Constitution et de nous protéger en tant que minorité lorsque nos droits sont violés, et nous croyons que nous ne devrions pas être forcés de nous adresser à la Cour suprême du Canada contre le gouvernement de Terre-Neuve ou le gouvernement du Canada. Nous sommes intransigeants sur ce point.
Voilà vraiment le point crucial de toute l'affaire. En fait, nous demandons à votre comité de nous entendre et de protéger les droits des minorités afin que nous n'ayons pas à emprunter la voie judiciaire.
Et puis, vous parlez d'une petite minorité de 7 p. 100. Il y a aussi la question de notre capacité financière à nous engager dans un certain nombre de causes qui nous mènent à la Cour suprême du Canada. Nous avons été partie à un litige, comme vous le savez, conjointement avec les catholiques. Nous avons vécu deux référendums, qui ont été financés par la petite communauté des pentecôtistes, et il vient un moment où vous n'avez plus de ressources, en fait, pour défendre votre cause devant la Cour suprême du Canada. En conséquence, nous disons que c'est le gouvernement du Canada qui a la responsabilité de défendre nos droits en vertu de la Constitution.
Le sénateur William Doody: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci.
Monsieur Regular, vouliez-vous ajouter quelque chose sur ce point?
M. Melvin Regular: Non, cela me convient.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci.
M. Schmidt, suivi de M. DeVillers, suivi du sénateur Kinsella.
• 1110
Mais avant de continuer, je voudrais faire remarquer que
M. Todd Russel, de la Labrador Métis Association, nous attend
patiemment dans les coulisses, tout comme M. Mark Graesser, de
l'Université Memorial. Nous avons donc dépassé notre limite de
temps, mais nous allons poursuivre.
Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, messieurs, pour votre exposé de ce matin.
J'ai été particulièrement impressionné par l'apprentissage et l'analyse approfondie que vous avez de toute évidence effectués, M. Regular. Vous pouvez à juste titre être fier de ce qui a été présenté ici.
Vous représentez uniquement les Assemblées de la Pentecôte de Terre-Neuve, et j'en suis conscient, mais je voudrais approfondir la compréhension que vous avez de toute évidence du système d'éducation, non seulement de Terre-Neuve, mais du reste du Canada également. Vous avez fait référence à certains autres intérêts que vous avez dans d'autres provinces. Lorsque nous, en tant que parlementaires, devons tenir compte de conséquences constitutionnelles... Vous faites appel—et je crois, révérend Batstone, c'est ce que vous avez fait il y a un moment à peine. Nous sommes, si vous voulez, les gardiens. Vous avez chargé le Parlement du Canada de protéger l'intégrité de la Constitution du Canada. La Constitution du Canada sert à protéger les droits des minorités et les droits des personnes en tant qu'individus, en tant que parents, etc.
La question que je vous pose est la suivante: si cet amendement était accepté, quelles seraient les conséquences pour les droits des minorités dans d'autres provinces?
M. Melvin Regular: Monsieur Schmidt, je ne peux que donner une réponse très générale à cette question. Comme je l'ai indiqué précédemment, je crois que cela créera un précédent. Je crois que nous serons tentés de faire ça.
Je suis vraiment préoccupé au sujet de ce qui est en train de se passer dans le pays, notamment en ce qui a trait à notre consentement à envisager de toucher aux droits des minorités religieuses. Je crois que c'est sérieux.
On se demande où s'en va le pays. Ma réponse générale est que je pense que nous créons un précédent. Psychologiquement, il sera plus acceptable de faire dans d'autres parties du pays ce qui a été fait dans ce cas-ci.
Le fait est que, comme l'a mentionné M. Hutchings ce matin, si cela est adopté, il y a seulement deux provinces jusqu'à maintenant où des protections constitutionnelles sont supprimées—seulement deux. Il est toujours possible pour la Nouvelle-Écosse et d'autres de tirer avantage de l'article 93. Je ne suis pas sûr de ce que je dis parce que je ne suis pas avocat, mais c'est ce que j'ai compris en écoutant certains experts en matière constitutionnelle. Il est certain que nous nous apprêtons à suivre une voie différente, et je crois que cette voie peut être très dangereuse.
M. Werner Schmidt: J'ai une question supplémentaire. Elle a trait aux droits de minorités ou d'individus qui ne font pas partie de l'une des sept confessions mentionnées dans la Constitution.
M. Melvin Regular: Excusez-moi, je n'ai pas compris tout à fait votre question.
M. Werner Schmidt: Quels sont les droits de ceux qui ne sont pas membres de l'une des sept confessions mentionnées dans la Constitution?
M. Melvin Regular: Dans notre province, les droits des autres groupes mentionnés dans la Constitution...évidemment ils peuvent fréquenter l'école de leur choix. Une école confessionnelle ne peut refuser un enfant s'il y a de la place pour lui, absolument pas. J'ai toujours été d'avis que les droits devaient s'étendre aux autres.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers: Monsieur Regular, dans votre mémoire, un des principaux arguments est que vous avez l'impression que le processus référendaire n'était pas clair et que par conséquent il n'était pas équitable. J'ai une transcription de l'entrevue que vous avez donnée à l'émission Radio Noon du réseau anglais de Radio-Canada, le 11 août 1997, c'est-à-dire environ trois semaines avant la tenue du référendum.
• 1115
Je cite à partir de la transcription, où vous dites:
Je reconnais que dans votre mémoire vous ne parlez pas de la question, mais si, comme vous l'indiquez, la question est aussi claire que cela, la population aurait été consciente qu'il s'agissait de l'abolition des droits confessionnels. Comment se fait-il que votre position maintenant est que le processus était à ce point inéquitable, si le 11 août il vous semblait clair que ce n'était pas le cas?
M. Melvin Regular: La question à l'époque me paraissait claire et j'ai dit qu'elle l'était. Je disais qu'elle me donnait certainement une occasion... En passant, je ne me souviens pas de cette entrevue, mais j'ai peut-être dit cela. J'essaie de me souvenir de ma façon de penser au moment où la question a été rendue publique. Ma façon de penser à l'époque était qu'il s'agissait d'une question claire et qu'elle nous donnerait l'occasion d'expliquer à nos gens ce qu'elle comportait. Il n'y a aucun doute là-dessus.
Cependant, vous devez mentionner l'autre facteur, que la résolution a été introduite durant la dernière semaine. Je crois que si vous prenez la question et si vous considérez la résolution, vous allez voir qu'il y a une certaine confusion. C'est dommage que nous n'ayons pas eu à nous prononcer au sujet de la résolution.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup. Le sénateur Kinsella, suivi de M. Doyle.
Le sénateur Noël Kinsella: Merci, monsieur le président.
Je remercie nos deux témoins pour un excellent exposé. Il est clair, sans équivoque et catégorique que la collectivité pentecôtiste de Terre-Neuve ne consent pas à ce que ses droits confessionnels scolaires de minorité soient éteints. Est-ce que j'arrive à la bonne conclusion?
Le père Earl Batstone: Oui, c'est juste.
Le sénateur Noël Kinsella: Bon. Collègues et témoins, malgré la décision claire de l'Assemblée de la Pentecôte ou de la collectivité catholique et de la collectivité adventiste du Septième Jour, qui comparaissent devant notre comité, je pense qu'il est tout à fait possible que la Chambre des communes adopte cette résolution et éteigne ces droits de minorités, malgré tout ce que nous avons entendu. Par conséquent, je voudrais développer ce qu'ont mentionné Mme Folco et M. Bélanger. C'est une hypothèse, mais je crains que ce ne soit le cas.
Dans l'hypothèse que votre droit a été éteint et que la compétence exclusive en matière d'éducation a été confiée à l'assemblée législative de Terre-Neuve, quelle serait votre réaction, monsieur Regular, à la proposition de procéder à un amendement? Ça toucherait le paragraphe 17(4) et se lirait comme suit: «en vertu du paragraphe 17(2), les catégories de personnes qui détiennent des droits scolaires confessionnels au 31 mai 1997 peuvent avoir des écoles uniconfessionnelles».
J'ai soumis la même question à l'avocat, M. Hutchings, mais le mot utilisé était alors «doivent». Je vous signale que ce serait discrétionnaire, car je veux développer la question de Mme Folco et la question de M. Bélanger, mais plutôt, comme ils le laissaient entendre, l'inscrire tout simplement dans la Loi sur les écoles, avec obligation, comme nous le faisons avec la résolution concernant le Québec, d'utiliser la disposition d'exemption lorsqu'il y a un problème.
• 1120
En mettant cette disposition dans la Constitution comme
paragraphe 17(4), vous n'auriez pas à utiliser la disposition
d'exemption et ce serait laissé à la discrétion de l'assemblée
législative. Ce serait, pour utiliser les mots de Mme Folco, une
protection législative d'un droit et clairement pas une protection
constitutionnelle. Mais je situe cela dans cette situation
hypothétique qui je crains va devenir la réalité.
Le père Earl Batstone: Sénateur, nous venons d'avoir une modification à la clause 17. Nous nous sommes opposés.
La présente clause 17 prévoyait des écoles uniconfessionnelles. Pourtant lorsque le gouvernement a présenté sa mesure législative, il a rendu pratiquement impossible le maintien ou l'établissement d'écoles uniconfessionnelles viables.
Concernant votre proposition d'utiliser le mot «peuvent», encore une fois—la volonté de l'assemblée législative—ça ne me rassure pas beaucoup que l'assemblée législative va effectivement autoriser des écoles uniconfessionnelles.
Je crois qu'il est très difficile pour une minorité d'être rassurée par le fait que ses droits dépendent du caprice ou de la volonté de l'assemblée législative ou de la majorité. Politiquement, les droits des minorités ne peuvent être protégés.
M. Melvin Regular: J'imagine que notre réaction serait de demander que le Parlement procède comme vous le proposez, et même modifier la loi de cette façon pourrait être le moindre de plusieurs maux, mais ce ne serait pas ce que nous sommes venus chercher ici.
L'autre chose est que dans notre mémoire, j'ai indiqué que nous serions certainement ouverts à... Si vous reportiez ça et examiniez la possibilité d'un amendement qui viserait à satisfaire à la demande de la majorité et à celle des minorités, nous serions très intéressés, mais ce n'est pas une chose à laquelle vous pouvez donner votre consentement ici. C'est un peu trop compliqué et vous risqueriez beaucoup en faisant cela.
La réponse finale—et je reprends l'argument du pasteur Batstone, qui est un bon argument—est que vous savez que la clause existante prévoit—quoi?—des écoles interconfessionnelles, des écoles uniconfessionnelles, des écoles publiques, une école autochtone, une école française, une école que le gouvernement veut mettre sur pied et qui est non confessionnelle. La clause actuelle prévoit ça. Vous l'avez là.
Monsieur, nous sommes ici parce que le gouvernement ne veut pas... Je déteste donner des réponses et parler au sujet de mon gouvernement de cette façon.
Je reviens à un autre point. En tant que pentecôtiste, et beaucoup de chrétiens dans ce pays, on n'intente pas volontiers un procès contre son gouvernement. Pouvez-vous vous imaginer la division au sein de nos collectivités à ce sujet? Imaginez le malaise dans le coeur et dans l'esprit des pentecôtistes parce qu'ils ont eu le sentiment qu'ils devaient intenter un procès au gouvernement, et la division au sein de leurs familles respectives et de la collectivité, et l'impact sur ce que les Églises sont censées faire. Nos églises sont évangéliques—évangéliser, tendre la main. Imaginez l'impact de ceci sur cela. Quels sont les risques?
Cette histoire entraîne tellement la discorde et est si nuisible. C'est pourquoi beaucoup de gens se posent plutôt des questions. Et nous n'avons rien atteint. Nous avons gagné le procès, mais nous continuons. On continue et on continue.
M. Norman Doyle: J'ai une très brève question qui pourrait nécessiter une longue réponse.
Je n'ai pas remarqué dans votre mémoire que l'on était arrivé à une quelconque conclusion importante au sujet de ce que deviendrait l'éducation pentecôtiste à Terre-Neuve dans le cas où cet amendement serait adopté.
• 1125
Étant donné que je n'aurai pas la possibilité de poser une
question supplémentaire, je veux vous demander si vous avez la
moindre confiance que le processus qui se déroule ici
aujourd'hui—comparaître devant ce comité et soumettre votre dossier—entraînera
des modifications qui vous donneront satisfaction. Est-ce que ce
processus aura le moindre effet concernant vos préoccupations?
Mais tout d'abord, quel serait d'après vous l'avenir de l'éducation pentecôtiste à Terre-Neuve si l'amendement était adopté?
M. Melvin Regular: Concernant l'avenir de l'éducation pentecôtiste, en ce qui a trait à l'instruction publique, ça va être très difficile pour les gens de souscrire à une instruction distincte et privée pour leurs enfants. Je pense que nous ferons partie d'un système où les parents seront obligés de faire ce qu'ils ne veulent pas faire.
Vous savez, nous avons des écoles à services communs partout dans la province, en particulier dans les régions rurales où le nombre de personnes diminue. Il y a Lewisport, il y a Grand Falls-Windsor, il y a Springdale qui protestent, en disant qu'ils ont ces écoles viables. Qui va les sauver? S'il le faut, nous irons dans une école à services communs, dans une école interconfessionnelle. Mais qui va sauver ce que nous avons? Il n'y a pas de raison de perdre cela.
Vous me demandez si je pense que ce pourrait être ce comité. Je vais vous donner une réponse de politicien. D'une part, j'ai observé le comité et je n'ai pas beaucoup d'espoir. Et pourtant, il serait injuste de regarder les gens en face, des êtres humains qui éprouvent des difficultés avec cette question, parce que je sais qu'ils éprouvent des difficultés. Les gens autour de cette table sont aux prises avec ce véritable dilemme auquel nous faisons face.
La seule chose que je puis dire est, écoutez, nous nous adressons à vous. Le Canada ne s'est pas bâti en un seul jour. On n'a pas à modifier la Constitution demain. Est-ce qu'un report est hors de question? Je sais que je fais appel à vos sentiments en disant cela.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant conclure ces témoignages.
Monsieur DeVillers, vous aviez une transcription. Il y a eu une demande pour qu'on la remette au greffier. Si pouvez le faire, je l'apprécierais.
Monsieur Regular, révérend Batstone, merci. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir ici.
M. Melvin Regular: Monsieur le président, est-ce que vous permettez un dernier commentaire?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Certainement.
M. Melvin Regular: Je pense qu'il est important que ceci soit noté. L'honorable Sheila Finestone n'est pas présente, mais j'ai remarqué hier soir, lors d'une autre présentation, qu'on a soulevé la question du coût de ma présence ici, etc. Vous m'avez vu ici et vous vous demandez qui paie pour ça. Il ne semble pas tout à fait juste qu'on ait insinué cela. C'est compréhensible car l'honorable Sheila Finestone n'a pas tous les renseignements. Je veux donc vous fournir quelques informations.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Monsieur Regular, je vous mets en garde. Vous avez tout à fait raison, Mme Finestone n'est pas ici, elle ne peut donc pas se défendre ou présenter son point de vue. Je vous permets cependant un commentaire si vous voulez.
M. Melvin Regular: J'allais seulement fournir des renseignements que vous pourriez lui transmettre.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Certainement, absolument.
M. Melvin Regular: Ce ne sont que des renseignements factuels, c'est tout.
Concernant mon salaire, ce poste existe depuis des décennies. Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du ministère de l'Éducation, et c'est payé avec des fonds publics. Je reçois mon salaire, que je sois ici ou ailleurs. La responsabilité en vertu de la loi est que je sois en mesure de conseiller le gouvernement et les comités confessionnels des commissions au sujet de toute question touchant l'éducation. Pour les conseiller, et pour conseiller nos gens sur des questions abordées ici, il était nécessaire d'être ici pour surveiller ce qui se passe, et pour être en mesure de parler de manière intelligente au nom de nos gens.
La première responsabilité de cette charge a trait à des droits. Le comité pentecôtiste peut agir comme avocat afin de se protéger contre toute menace visant ses droits, et c'est pourquoi je suis ici.
Maintenant, pour terminer, ce qui est payé, c'est mon salaire, par le gouvernement. Concernant les frais de déplacement et d'hébergement durant le référendum, les frais juridiques, les frais de téléphone durant le référendum, ce que nous avons fait, c'est de laisser payer intentionnellement les pentecôtistes. Le pasteur Batstone et son bureau paient toutes ces factures. Je les lui soumets lorsque je retourne le voir, et il les paie.
• 1130
Je veux seulement que vous sachiez cela parce que nous
craignions d'entendre ce genre de...
En passant, je pense légitimement que ça pourrait être payé par la commission, mais afin d'éviter ça, voilà ce que nous avons fait.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Juste pour clarifier, le comité mixte paie votre déplacement ici.
M. Melvin Regular: Oui, c'est exact.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je voulais seulement clarifier ce point, parce que vous avez dit que c'est la commission qui payait ça.
M. Melvin Regular: Une nuit à l'hôtel, et le voyage.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup. Nous apprécions très sincèrement.
M. Werner Schmidt: Je voudrais faire une proposition, monsieur le président...
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je suis désolé, nous sommes en train d'entendre des témoins en ce moment. Je vais m'entretenir avec le greffier, mais je crois comprendre que durant l'audition de témoins, il ne doit pas y avoir de motions. Je vais conférer par respect de la procédure.
Monsieur Schmidt, voudriez-vous déposer votre motion?
M. Werner Schmidt: Je voudrais que le comité entende la motion afin de savoir de quoi il s'agit.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Certainement, veuillez procéder.
M. Werner Schmidt: Je voudrais proposer que les coprésidents présentent les arguments les plus solides possibles à leurs chambres respectives en faveur d'un report de la date de communication du rapport du présent comité, afin que le comité puisse s'occuper de manière exhaustive des conséquences des modifications constitutionnelles qui sont proposées au sujet de la clause 17.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): D'accord, la motion est présentée. Je propose qu'on continue et qu'on entende les témoins avant de conclure.
M. Peter Goldring: J'appuie la motion.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): C'est noté. Après la conclusion des témoignages, nous pourrons nous occuper de la motion. Est-ce que les membres sont d'accord?
Le sénateur Noël Kinsella: Allez-vous présenter la question?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Non, le membre l'a lue aux autres membres pour leur information. Il est prêt à la déposer. J'ai proposé qu'on termine l'audition des témoins avant d'en arriver à la conclusion que nous n'avons pas assez de temps.
Puisque je n'entends aucun dissident, je vais maintenant demander à M. Todd Russell, qui est le président de la Labrador Métis Association, de prendre place à la barre des témoins. M. Russel est accompagné par M. Robert Groves, qui est un directeur de Aboriginal Affairs Group, une firme ayant son siège ici à Ottawa.
M. Todd Russell (président, Labrador Métis Association): Mesdames et messieurs, bonjour. J'imagine que pour la plupart d'entre vous, les Métis au Labrador, ou les Métis dans l'Est, c'est quelque chose comme une énigme. Il y a des gens qui n'en ont jamais entendu parler. Or, nous existons bel et bien.
Il y a une petite anecdote que je voudrais raconter, histoire de vous montrer que notre culture est bien vivante au Labrador. Ça, c'est un parka fait à Red Bay, au Labrador.
Mme Elinor Caplan: Vous en avez besoin aujourd'hui à Ottawa.
M. Todd Russell: Et au Labrador aussi. Je ne peux pas porter les souliers du premier ministre, les souliers de M. Tobin, mais ça, c'est son blouson.
À un certain moment, nous avions prévu soumettre à M. Tobin nos arguments concernant notre revendication territoriale, notre peuple et nos collectivités, mais il a refusé. Nous allions lui donner ce blouson comme cadeau, mais malheureusement—dommage pour lui—il ne l'aura pas. C'est moi qui vais le porter.
Je voudrais remercier le comité pour l'occasion qui m'est offerte. C'est la deuxième fois que je m'adresse au comité au sujet des modifications relatives à l'éducation à Terre-Neuve, ma province.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Je pense que vous voudriez ajouter «et Labrador», n'est-ce pas?
M. Todd Russell: Il y a un petit mouvement séparatiste en cours au Labrador. Ce n'est pas seulement la géographie qui nous divise parfois.
La première fois que je me suis présenté devant vous, c'était au mois de juillet dernier à St. John's (Terre-Neuve), et j'avais alors fait un exposé en faveur d'une clause de non-dérogation claire, soit sous forme d'une modification directe de l'amendement de la clause 17, soit par l'entremise d'une résolution d'accompagnement du Parlement. Je ne vais pas trop rabâcher à nouveau cette idée, car il est clair pour moi, d'après ce qu'a fait la Chambre des communes au cours des dernières semaines dans le cas de l'amendement de l'article 93 concernant le Québec, que l'autonomie parlementaire est moribonde, si elle n'est pas déjà morte. Les députés hésitent de toute évidence à assumer leurs responsabilités en dépit des signes on ne peut plus clairs et évidents de danger pour les intérêts autochtones. J'espère que les sénateurs peuvent faire mieux et montrer la voie par l'exemple.
L'année dernière, j'ai également essayé de vous donner une idée de qui sont les Métis du Labrador et ce à quoi nous faisons face en raison de l'absence d'une relation claire avec l'État pour la protection de nos collectivités, de notre titre autochtone et de nos droits. À cet égard, j'ai fait faire pour vous un exemplaire de notre brochure. J'espère que vous l'avez. Ce n'est pas le beau genre en couleurs, mais au moins les mots sont là, et les images, je pense, parlent d'elles-mêmes.
Après ma comparution l'année dernière, ce comité a recommandé que des mesures soient prises pour reconnaître la LMA et amener les relations entre le gouvernement fédéral et la LMA dans le vingtième siècle. Je remercie le comité sénatorial pour ce petit pas. Cependant, peu de temps après éclatait une dispute au sujet des droits de pêche qui ne fait que mettre en lumière pourquoi nous ne pouvons pas attendre davantage que le Parlement ou le gouvernement bouge. Nous ne pouvons plus attendre pour obtenir justice.
Au mois de septembre 1996, une pourvoyeuse de l'extérieur à laquelle on avait accordé 300 saumons dans l'une de nos rivières, et à laquelle se sont opposés avec force nos gens durant cinq mois, est finalement entrée de force dans notre territoire avec son matériel de campement à bord d'un bateau appelé Beothuk Venture.
Comme si cette insulte ne suffisait pas, des policiers anti-émeute de la GRC en un nombre jamais vu sur la côte du Labrador ont été appelés par une partie intéressée sur une allégation inventée de toutes pièces voulant que des Métis aient tiré sur un hélicoptère. En moins de deux, nous avions plus de 300 Métis, 50 policiers et un garde-côte à couteaux tirés durant une période de dix jours. En fait, j'ai presque raté cette réunion parce qu'on m'a accusé moi-même de méfait. Heureusement, le temps était mauvais au Labrador et la comparution a été reportée pour cette raison, de sorte que c'est un peu une bénédiction d'une certaine façon.
Une voix: J'espère qu'elle ne va pas diminuer.
Des voix: Oh, oh!
M. Todd Russell: On ne sait jamais.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Todd, nous voudrions vraiment garder une certaine continuité dans tout ça, si vous pouviez éviter de...
M. Todd Russell: D'accord. Tout ça à cause de 300 saumons. Tout ça parce que le ministère fédéral des Pêches n'a pas choisi de négocier simplement un accord avec nous sur la capture de poissons. Tout ça parce qu'un ministre des Pêches et Océans, un Terre-Neuvien dont la source de fierté était les appels téléphoniques qu'il recevait tous les jours d'un autre Terre-Neuvien, s'est fait forcer la main pour qu'il nie que la LMA existe, et pour dire que si nous existons vraiment, nous ne sommes pas vraiment autochtones, et que si nous sommes autochtones, nous n'avons pas de droits.
Nous existons bel et bien, n'en déplaise à Clyde et à d'autres premiers ministres provinciaux, et malgré l'attitude de dénégation qui réussit encore à régner à St. John's (Terre-Neuve). Et nous allons continuer à exister malgré la province, malgré les intérêts privés dévolus, et malgré votre inaction lorsque nous demandons et nécessitons votre aide.
La dispute d'Eagle River n'est qu'un exemple de la façon dont les obligations du Parlement à l'égard des peuples autochtones sont muselées, étranglées et égorgées par des pressions politiques et des intérêts provinciaux. Tout ça a lieu depuis longtemps. Nous ne sommes pas les seuls à recevoir des pierres et des flèches lancées par des provinces au comportement scandaleux, mais il faut que ça cesse. Je demande à ce comité et au Parlement de s'acquitter plus qu'en paroles de leurs obligations.
La province demande que vous modifiiez la condition de l'Union relative à l'éducation. À première vue, la proposition est censée donner une plus grande protection aux confessions religieuses, étant donné que le système scolaire est restructuré pour être assujetti à un plus grand contrôle du gouvernement provincial. Le problème dans le cas de l'amendement constitutionnel de cette année, comme pour la version de l'année dernière, c'est qu'il n'y a toujours pas de reconnaissance, pas de garantie et aucune clause de non-effet en ce qui concerne les peuples autochtones et notre droit de régir l'éducation de nos jeunes.
Il n'y a pas eu de négociations avec nous pour donner la moindre assurance qu'un nouveau système scolaire régi par le gouvernement sera meilleur que l'ancien système confessionnel lorsqu'il s'agit de protéger notre culture, notre langue et notre société.
Comme vous le savez peut-être, les droits liés au titre autochtone pour le Labrador n'ont toujours pas été abordés, et ce fait est en train de démolir la confiance des investisseurs à l'égard du projet de la baie de Voisey. La province a forcé la main de pratiquement tout le monde afin d'essayer de répondre à ses besoins politiques à court terme au détriment des besoins à long terme des collectivités du Labrador, au détriment de la société qui a investi dans le projet, et au détriment de tous les habitants du Labrador et de Terre-Neuve.
• 1140
Il est temps de cesser de penser à court terme, que ce soit en
raison de la soif de pouvoir ou de la soif tout court. Lorsqu'on a
affaire à ce genre de questions, que ce soit les réformes du
système d'éducation ou les revendications territoriales, la tâche
de cette chambre est de considérer une deuxième fois et sobrement
les plans qui ont été conçus à la hâte et de mauvaise façon par
d'autres.
Encore une fois, nous sommes obligés de demander que ce comité recommande que les droits des peuples autochtones soient clairement protégés en modifiant la clause qui est proposée ou en dressant un amendement d'accompagnement. Nous avons inclus notre libellé provisoire, même si je pense qu'il faudra y apporter quelques modifications.
Notre position n'a pas changé. Ce qui a changé, c'est que vous, en tant que sénateurs et députés, ne pouvez plus vous permettre, comme l'an dernier, de formuler des exposés des faits pleins d'effusions mais parfois inefficaces. C'est ce que vous avez fait l'an dernier et ça n'a mené nulle part. Le Parlement n'a pas à attendre les autres avant de remplir ses obligations. Si vous voulez vraiment avoir de l'importance pour les peuples autochtones et pour le Canada, vous devez accepter vos responsabilités et agir en conséquence.
Il y a trois choses que ce comité peut recommander:
Premièrement, vous pouvez prendre des mesures en vertu de vos propres recommandations que vous avez formulées l'an dernier, lorsque vous avez dit, et je cite:
Votre recommandation n'a mené à rien. Aucune consultation de la LMA n'a eu lieu au cours de la dernière année, et on n'a pas consulté non plus un seul des autres groupes autochtones de la province, sauf dans le cadre des négociations portant sur les revendications territoriales menées avec la LMA et la nation innue. Après avoir perdu devant les tribunaux dans l'affaire du projet de la baie de Voisey, et après avoir accepté que des pourparlers portant sur l'autonomie gouvernementale devaient avoir lieu, la province veut maintenant que toutes les discussions portant sur le contrôle de l'enseignement et l'autonomie gouvernementale soient menées dans le cadre de pourparlers de traité liés à des revendications territoriales. Pour certains, il s'agit là d'un progrès, mais ce n'est certainement pas du progrès pour la LMA.
Bien sûr, la province a décidé que nous n'existons pas, sauf comme majorité non représentée dans le cadre de pourparlers menés avec un autre groupe et portant sur des revendications territoriales. C'est pourquoi vous avez l'obligation de suspendre toute considération de la clause 17 jusqu'à ce que la province repense sa position. Sinon ce comité se trouverait à soutenir et à encourager une politique illégale, non démocratique et inconstitutionnelle du gouvernement provincial.
Permettez-moi de rappeler au Sénat notre position concernant les revendications territoriales. Nous avons fait parvenir des recherches supplémentaires au ministre Ron Irwin, en mars 1996, à sa demande, avant de terminer des pourparlers avec l'autre groupe inuit du Labrador, la LIA. Dans le dossier en question, nous avons soumis une offre visant à aborder des mesures provisoires, y compris des pourparlers portant sur l'éducation et les services communautaires.
Cependant, la politique s'en est mêlée. Notre revendication a été mise en retrait par un prétendu examen juridique pendant plus de quatorze mois, au ministère de la Justice. Pourquoi ce retard? D'après ce que nous pouvons juger, ce retard signifie que quelqu'un pense que si notre revendication est accueillie, ça va empêcher de conclure une entente concernant la baie de Voisey ainsi que les pourparlers entre la LIA et la nation innue portant sur les revendications territoriales. Cette stratégie retardatrice et de dénégation reflète une mauvaise façon de penser. C'est une stratégie stupide et myope. Nous pensons évidemment qu'il s'agit d'une stratégie du gouvernement provincial.
Encore une fois, vous, en tant que sénateurs et députés, vous pouvez simplement recommander qu'aucune mesure ne soit prise concernant la clause 17 jusqu'à ce que la politique provinciale relative au commencement de discussions constructives sur l'éducation avec tous les groupes autochtones soit modifiée.
Deuxièmement, si vous êtes d'avis que vous devez procéder avec la modification à la clause 17, alors vous devez, en toute conscience, avoir une clause de non-dérogation claire. Bien que cela retarderait les choses, malheureusement, c'est un retard qui est causé par le gouvernement provincial et non par le Parlement.
Il y a une troisième mesure que vous pouvez prendre, et c'est d'accepter de tenir une audience spéciale organisée par un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat, peut-être en collaboration avec l'un ou l'autre des comités parlementaires permanents sur les affaires autochtones, ou les deux. Un tel comité spécial pourrait enquêter de manière exhaustive sur le fait que maintenant les provinces semblent pouvoir se retirer de leurs engagements bilatéraux découlant de l'article 93 de la Constitution, ou de les modifier... des engagements qui sont reflétés de manière toute particulière pour Terre-Neuve dans les conditions de l'Union, et notamment dans la clause 17. Vous, en tant que sénateurs et députés, devez aux peuples autochtones, qui ont comparu à plusieurs reprises devant vous au cours de la dernière année pour des questions liées à l'éducation, la tenue d'une telle enquête et de telles audiences spéciales.
Vous n'avez pas à attendre que le gouvernement réagisse au rapport de la commission royale, mais je sais, et vous savez, que la réponse du gouvernement est imminente. Donc, si vous devez attendre, acceptez au moins aujourd'hui, où lorsque vous ferez vos recommandations, de lancer un nouveau processus avec un comité concernant cette question. D'après ce que j'entends, je crois que vous pouvez être confiants que le gouvernement sera aussi muet au sujet de l'article 93 et de la clause 17 comme il vous a demandé de l'être pendant l'amendement des clauses concernant le Québec et Terre-Neuve. Qui ne dit mot consent, et vous n'avez pas à demeurer silencieux.
• 1145
En l'absence de mesures concernant les droits des peuples
autochtones et le contrôle de l'enseignement, la clause 17 va
libérer la voie à une autre phase d'assimilation de notre peuple,
sous l'apparence de réduction des coûts et de regroupements. Nous
n'avons aucune certitude que l'amendement proposé de la clause 17
ne vise pas ce résultat. Nous n'avons aucun engagement qui nous
garantit le contraire, aucune offre de la part du premier ministre
provincial. Nous n'avons aucune assurance.
Nous avons besoin d'une clause générale de protection ajoutée aux conditions de l'Union qui énonce clairement que les droits des peuples autochtones, y compris notre droit tout particulier de régir entièrement l'éducation de nos enfants, ne doivent pas être touchés.
Tout au plus, une telle clause ne nous apporterait qu'un moyen de négociation mineur pour commencer des pourparlers sur l'application de nos droits existants, des droits qui sont ignorés et subordonnés à l'heure actuelle, notamment par l'entremise de plans dits de «regroupement», ce qui dans notre langue signifie déplacement, réinstallation et assimilation.
Autrement, nous n'avons aucune assurance que le gouvernement provincial va implanter un nouveau régime et respecter les revendications et les droits des autochtones concernant le contrôle communautaire et la protection de notre mode de vie et de notre culture.
Cet amendement, à notre avis, équivaut à avoir des relations sexuelles sans consentement. L'éducation sans contrôle communautaire, c'est comme un viol. C'est le viol de notre culture et de notre avenir.
Je sais ce que c'est que de grandir dans un système d'éducation régi par une institution qui vous demande de nier ce que vous êtes en tant qu'individu. L'énoncé selon lequel «nous sommes tous les mêmes; nous sommes tous égaux devant la loi» est probablement l'appel le plus subtil et pourtant le plus hardi pour que nous devenions blancs. Pourquoi ne m'a-t-on pas enseigné ma langue? Pourquoi ne m'a-t-on pas raconté les contes et l'histoire de mes grands-mères? Pourquoi? Parce que l'éducation à Terre-Neuve est une question de contrôle. C'est le contrôle sur le Labrador et sur les autochtones, et c'est en fait une question de domination.
Il y a peut-être une certaine rédemption pour les Églises, mais notre sort demeure tout aussi en péril si l'éducation est contrôlée par l'État, par la province.
Pouvons-nous en tant que peuple faire confiance au gouvernement en matière de protection, au même gouvernement qui nie notre existence même, qui arrête nos gens pour avoir chassé et pêché, qui nous fait payer pour couper notre bois de chauffage ou puiser l'eau dans nos puits communautaires?
Nous avons à Terre-Neuve une administration qui nous rappelle les années Smallwood, un homme qui disait qu'il n'y avait pas d'autochtones dans cette province, un homme qui disait qu'il y aurait des lumières sur chaque séchoir à poissons de Terre-Neuve avant qu'un seul kilowatt d'électricité n'arrive sur la côte du Labrador. Pourtant ce sont nos gens qui ont vu leurs territoires de piégeage inondés et leur mode de vie changé pour toujours.
La réponse, sénateurs et députés, est non! La confiance, ça se mérite, et le gouvernement de Terre-Neuve a certainement du pain sur la planche à cet égard.
Les Constitutions doivent refléter autant l'esprit de la loi et les conventions de la décence que la lettre de la loi et l'intention des législateurs. Des mots sur du papier ne sont que le reflet de votre intention. Nous savons quelle est l'intention de la province de Terre-Neuve, et nous ne pouvons pas faire confiance au gouvernement en ce qui a trait au respect des conventions et des obligations qui engagent l'État à l'égard des relations avec les peuples autochtones.
Vous ne pouvez pas vous soustraire à vos obligations en espérant, en vain, d'une certaine façon, que la province les remplira à votre place. Tout cela va conduire à un nouvel incident comme celui du Beothuk Venture.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Merci beaucoup, monsieur Russell.
Est-ce que M. Groves avait quelque chose à ajouter à l'exposé? Ou allons-nous passer immédiatement aux questions?
M. Robert Groves (directeur principal, Aboriginal Affairs Group): Je pense, monsieur le président, que je me mets à disposition pour répondre à certaines questions touchant les annexes et les options au numéro 2 des options proposées dans les mesures recommandées, qui est un amendement direct ou d'accompagnement de la résolution.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): D'accord, nous allons commencer maintenant avec les questions. Nous avons environ quarante minutes.
Monsieur Goldring, voulez-vous commencer.
M. Peter Goldring: Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup pour votre exposé. J'ai une question pour M. Groves. Ça touche la cession foncière de la Terre de Rupert de 1867 et le Sénat canadien, qui avait négocié l'acquisition de la région de la Terre de Rupert, et la promesse que le Sénat avait faite, la condition qu'il avait faite à la Reine d'Angleterre à l'époque, que le Sénat retienne la responsabilité fiduciaire pour les autochtones dans l'ensemble du territoire en question; et lorsque la terre fut cédée à la province de Québec en 1912, le Sénat avait conservé cette responsabilité fiduciaire.
• 1150
Il semble y avoir un certain malentendu, en ce qui me concerne
en tout cas, sur la façon dont cela touche le territoire du
Labrador. Je crois comprendre que certaines parties de ce
territoire sont comprises à l'intérieur des limites actuelles du
Labrador. Pourriez-vous nous expliquer comment cette responsabilité
fiduciaire conservée par le gouvernement du Canada influe sur les
droits des Autochtones de cette région, tout particulièrement
compte tenu du fait que l'article 25 de la Charte stipule
précisément, «tous les droits et libertés dont ils jouissent
maintenant». En ce qui concerne cette demande qui vise clairement
à abolir certains de ces droits, y a-t-il un élément additionnel
dont nous devrions nous méfier ici dans le cadre de l'examen de
cette demande, plus précisément en ce qui a trait à la Terre de
Rupert et les Autochtones?
M. Robert Groves: Monsieur Goldring, comme vous le savez suite à des propositions précédentes sur d'autres questions sur ce sujet, en rapport avec la modification de l'article 93, qui a maintenant été adoptée à la Chambre, le processus et la procédure—bien que nous ne nous penchions pas sur cette question aujourd'hui—et la portée des droits atteints sont une source de préoccupations. Au cours des années 80, durant les négociations relatives à l'accord du Lac Meech, le sénateur Murray a acquis une vaste expérience des préoccupations que la modification pourrait avoir, qui autrement ne semble pas porter atteinte aux droits des Autochtones; par conséquent, les gouvernements de l'époque au Québec, dans 7 provinces et le Parlement ont accepté d'y enchâsser une disposition de non-atteinte afin de faire preuve d'une grande prudence à ce sujet.
C'est beaucoup plus évident dans le domaine de l'éducation, tout particulièrement à savoir si dans la Terre de Rupert... et il existe bien entendu une prétention, que le gouvernement du Québec fait valoir, selon laquelle la Terre de Rupert englobe la majeure partie de la région intérieure du Labrador par définition. En fait, je pense qu'il y a une petite brochure, en français et en anglais, très intéressante qui circule dans tous les foyers du Québec ces jours-ci décrivant l'intégrité territoriale du Québec, et ce territoire comprend le Labrador. Il y a une ligne floue entre le Québec et le Labrador, mais il est mis en évidence et est compris, tout au moins symboliquement si ce n'est pas explicitement, dans l'intégrité territoriale du Québec. Peu importe ce que le comité judiciaire du Conseil privé a dit en 1927, cette question est toujours d'actualité.
Il est bien évident que la question des limites, comme vous le mentionnez, a maintenu les obligations fiduciaires de l'État ou du fédéral concernant les peuples autochtones plus haut que la ligne de partage en 1898, et au-dessus de la ligne de partage en 1912, c'est-à-dire, jusqu'à l'Ungava, y compris, on pourrait dire, des parties du Labrador ou encore tout le Labrador. Que le Québec participe ou non à l'administration du Labrador ou Terre-Neuve semble peu pertinent.
Ceci nous ramène à la question à savoir quelle était la nature des droits et des privilèges au moment de l'Union dans la province en ce qui a trait aux peuples autochtones, que ce soit au Québec en 1867 ou à Terre-Neuve en 1949. La clause 17 est à toute fin pratique identique par rapport aux droits et aux privilèges en vigueur au moment de l'Union et prévus à l'article 93—la clause est identique aux dispositions de l'article 93.
Fondamentalement, la réponse est qu'il existait des systèmes scolaires confessionnels uniques strictement pour les Indiens/Inuits—quoique plus ou moins Métis—dirigés uniquement par les missions, que ce soit la mission des moraviens...ou je crois que la mission Grenfell administrait également une école à Charlottetown ou à Mary's Harbour dans la région du Labrador où vivaient des Métis et, bien entendu, il y avait des écoles catholiques à Davis Inlet et à Sheshatsheits. Ces écoles étaient réservées aux Autochtones, sauf à l'extérieur des plus grandes colonies qui étaient composées d'une population mixte, tout particulièrement dans le détroit du Labrador, mais c'était après 1949, bien sûr, et de 1940 à 1949 en ce qui concerne Happy Valley-Goose Bay, à la base aérienne.
Cependant, ils existaient, ils faisaient partie de l'Union, ils étaient uniquement confessionnels et à cette époque ils n'offraient que des services éducatifs aux collectivités autochtones par l'entremise des missions. Ce n'est que dans les années 50, seulement après l'Union, que la province de Terre-Neuve a remplacé les écoles confessionnelles des missions par des écoles confessionnelles régies par la province. Donc, des écoles confessionnelles dirigées en fait par des Terre-Neuviens ont été mises sur pied et ont remplacé les écoles des missions dirigées par des missions qui n'étaient pas de Terre-Neuve—c'est-à-dire les missionnaires moraviens et les anglicans établis en Angleterre, non pas à Terre-Neuve, et je pense que l'autre mission était une mission catholique du Québec. L'évêque de Québec exerçait en fait un pouvoir sur les deux écoles des missions qui étaient réservées aux Indiens du Labrador; ce n'était même pas l'évêque de Terre-Neuve.
• 1155
Donc, il y a une question claire et évidente qui se pose
aujourd'hui quant à savoir ce qui est abrogé. Cette modification
abroge, bien entendu, tous les droits confessionnels en vigueur en
1995, ce qui correspond à tous les droits confessionnels qui
existaient en 1949.
M. Peter Goldring: Question supplémentaire?
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Oui, absolument.
M. Peter Goldring: Si je comprends bien, monsieur Groves, vous soutenez que cette demande empiéterait non seulement sur les droits des peuples du Labrador, mais également sur ceux des Autochtones? Est-ce bien ce que vous affirmez?
En outre, selon vous, quel est le pourcentage du Labrador qui est touché par ce transfert de la Terre de Rupert?
M. Robert Groves: En ce qui concerne la première partie de votre question, je ne commenterai pas l'incidence sur les habitants du Labrador en général. Je laisse à M. Russell le soin de répondre à cette question.
Quant aux peuples autochtones, à la fois ceux qui se trouvent dans l'île et au Labrador, ils seraient directement touchés en raison du caractère confessionnel unique des systèmes scolaires. C'étaient des systèmes scolaires communautaires. En l'absence de réserves, en l'absence de la reconnaissance des Indiens, des Inuits et des Métis—et le comité du Sénat a admis très clairement l'an dernier qu'il y avait un problème—si vous éliminez les écoles des communautés locales dont la population est de 300, 400, 150 ou 600 personnes—et c'est ce qui se produit, bien entendu, elles cessent d'être des écoles gérées par des Autochtones. Qu'elles soient confessionnelles ou non, elles cessent d'être administrées par des Autochtones. Elles deviennent des écoles publiques intégrées régies par des villes—comme Corner Brook, Gander, Happy Valley-Goose Bay ou les plus grands centres.
Elles sont accompagnées comme M. Russell l'a précisé, par la fermeture des plus petites collectivités, tout particulièrement celles dont la population est inférieure à 300 personnes. C'est ce qui est prévu, bien sûr, au Labrador.
En ce qui concerne votre question relative aux limites, la province de Québec a soumis diverses cartes à l'arbitrage du Comité judiciaire du Conseil privé en 1927, ou menant à cette décision en 1927. Il existe différentes cartes maritimes britanniques historiques de ces régions. Cela comprendrait maintenant, je pense, toute la partie centre sud du Labrador sous la rivière Naskaupi, en remontant jusqu'à 12 milles de la côte, et en descendant jusqu'au détroit.
Le Québec a toujours prétendu qu'il n'est pas intéressé par une bande le long de la côte. Fait assez intéressant, c'est à cet endroit que les colonies se trouvent. Donc, le Québec semble s'intéresser davantage aux eaux et aux terres territoriales qu'aux gens. Mais c'est comme ça.
Donc, cela comprendrait 50 p. 100 ou 60 p. 100 du Labrador, et davantage, je dirais même peut-être 70 p. 100, car bien entendu la majeure partie du territoire du Labrador se situe sous la rivière Naskaupi. Le Labrador se rétrécit beaucoup en direction de Cape Chidley. Cela comprendrait la plupart du Labrador, environ 70 p. 100.
M. Peter Goldring: Merci.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Sénatrice Pearson, puis M. DeVillers, puis le sénateur Murray.
La sénatrice Landon Pearson: Merci.
Vos commentaires m'intéressent vivement. Vous avez soulevé des questions très profondes pour nous. Je suis très heureuse que vous ayez pu être parmi nous aujourd'hui. Je suis ravie de vous entendre de nouveau, parce que j'ai eu la chance de vous entendre lorsque je suis allée à Terre-Neuve.
Vous dites que vous n'avez pas été consultés sur plusieurs autres questions—et je ne soulèverai pas la question de l'éducation—mais dans le raisonnement que le gouvernement terre-neuvien a fait au sujet de cette façon d'agir en ce qui concerne les religions ou quoi que ce soit, est-ce que votre groupe a tout au moins été consulté sur l'aspect autochtone, aspect qu'il aurait été important, à mon avis, d'inclure?
M. Todd Russell: Non, nous n'avons pas été consultés, pas le moins du monde, en ce qui concerne le système éducatif d'un point de vue holistique. Je vous donne un exemple. Nous voudrions que les aptitudes traditionnelles à la vie quotidienne, dont manquent un grand nombre de nos jeunes actuellement je crois, soient intégrées au système scolaire. Nous aimerions que le système change afin d'être plus représentatif de notre culture et de notre façon de faire sur la côte du Labrador.
Nous avons dû sortir du Labrador et dépenser 10 000 $ de nos propres fonds pour la formation que nous recevons du gouvernement, car il n'y aucune bonne volonté de la part du gouvernement provincial de nous fournir ce genre d'instruction et permettre que ce genre d'enseignement soit mis en place dans nos écoles.
• 1200
Il existe de nombreux obstacles. Ce que nous disons au sujet
de toute cette modification, et ce que je disais ce matin, est en
fait qu'il ne s'agit pas tellement des régularités et des aspects
techniques de cette modification; il s'agit de l'objet. Il n'y a
aucune protection pour nous. Si vous êtes une personne vivant sur
la côte du Labrador et vous vous faites arrêter pour avoir pêché du
poisson dans le but de vous nourrir, vous n'êtes pas très confiant
que vos droits scolaires seront respectés par le même gouvernement
qui semble croire que c'est une chose extraordinaire. Nous sommes
au XXe siècle. Nous devons en parler. Nous devons retirer aux
églises le pouvoir qu'elles exercent et régler ces choses.
Toute cette proposition traite de notre manque de confiance à l'égard du gouvernement et en quoi consiste, selon nous, l'objet. Ils veulent que nous soyons des Blancs. Voilà pourquoi ils arrêtent des gens pour avoir attrapé du poisson. Il s'agit de souveraineté dans un certain sens et de domination.
La sénatrice Landon Pearson: Égalité.
M. Todd Russell: Oui.
La sénatrice Landon Pearson: Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers: Je crois que la dernière explication qu'a fournie M. Russell clarifie un peu ma question. Uniquement dans le but de m'assurer que je la comprends bien, le présent comité examine une résolution dans le but de modifier la clause 17. Il n'est pas question des droits scolaires des Autochtones dans la clause 17, mais je crois, Monsieur Groves, que vous nous avez expliqué dans votre exposé qu'il existait des systèmes scolaires réservés aux Autochtones au moment de l'entrée dans la Confédération.
M. Robert Groves: Pas tout à fait. Il y a également le problème du gouvernement provincial puisqu'il nie l'existence d'une présence d'un groupe de Métis au Labrador et de Micmacs dans l'île de Terre-Neuve, qui est obligé d'adopter la position nécessaire de prétendre qu'il n'existe pas de droits de ce genre, qu'ils soient mentionnés ou non dans la clause 17.
Si vous retenez l'hypothèse, comme le ministre Dion l'a fait auparavant devant le comité concernant l'article 93, qu'une disposition doit précisément faire mention des peuples autochtones dans le but de les toucher, ce n'est pas suffisant. De nouveau, je m'inspirerai de l'expérience du sénateur Murray dans ce domaine. Il existe de nombreuses dispositions dans la Constitution, comme l'article 109 portant sur les ressources naturelles, où il n'est pas du tout question des peuples autochtones.
Encore une fois, je ferai allusion au sénateur Murray relativement à l'érable moucheté et la décision de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick. La même journée que le ministre Dion présentait son exposé, cette cour du Nouveau-Brunswick débattait de l'article 109 qui accorde aux provinces la compétence exclusive en matière de ressources naturelles et qui protège également les droits des Autochtones. S'il devait être modifié, il changerait irrévocablement les droits des Autochtones en raison de la référence aux fiducies et aux intérêts d'une tierce partie et la décision de la Cour suprême selon laquelle cela englobe les peuples autochtones, la fiducie que le Parlement administre pour les peuples autochtones en ce qui concerne les terres des Indiens.
Tant que le gouvernement de la province maintiendra cette position, et en fait, tant que le ministère fédéral de la Justice adoptera la position selon laquelle les Métis et les Indiens qui ne vivent pas dans une réserve comme les Innu, qui sont des Indiens non inscrits au Labrador, ne sont pas visés par l'article 91.24, la compétence exclusive du Parlement sur les Indiens et les terres réservées aux Indiens, alors je ne vois pas comment le gouvernement peut, de façon crédible, se présenter devant vous avec une proposition qui laisse entendre qu'ils ne peuvent pas être touchés s'ils ne sont pas nommés. Oh, ils sont visés par l'article 91.24, mais nous avons nié qu'ils sont visés par l'article 91.24.
Il est impossible pour le gouvernement de s'en sortir. Il doit soit admettre que tous les peuples autochtones sont visés par l'article 91.24 et préciser qu'ils ne sont pas visés par la modification ou encore qu'il ment lorsqu'il dit qu'il n'y a aucune répercussion sur les intérêts et les droits des Autochtones. J'ai horreur de dire que le gouvernement ment; j'ai de nombreux amis au gouvernement et vous aussi. Cependant, en tant que députés et sénateurs ici, vous n'êtes pas des membres du gouvernement, vous êtes des parlementaires. Tout ce que nous vous demandons c'est d'agir comme des parlementaires dans l'exercice de votre devoir à l'égard des peuples autochtones.
M. Paul DeVillers: Est-ce que cette position a été présentée devant les tribunaux? Existe-t-il un autre moyen d'obtenir une interprétation juridique?
M. Robert Groves: Oui, bien entendu. L'interprétation que je viens tout juste de vous donner est entièrement appuyée dans des jugements rendus par des tribunaux qui remontent aux années 1888. Cette question n'est pas en cause.
M. Paul DeVillers: Cependant, la question de l'inclusion l'est.
M. Robert Groves: Eh bien, prétendre que vous devriez aller devant les tribunaux en ce qui concerne l'article 91.24 est intéressant. Je pense que la voie de la commission royale...
M. Paul DeVillers: Je ne prétends pas; je pose une question.
M. Robert Groves: Eh bien, si vous pouvez nous donner les 2 millions de dollars ou les 3 millions de dollars qu'il faut pour soumettre cette question à la Cour suprême, alors nous serons bien heureux d'accepter l'argent.
M. Paul DeVillers: Donc c'est une question de ressources financières.
M. Robert Groves: Tout à fait. Nous préférerions que cette question soit soumise à la Cour suprême par le gouvernement fédéral ou aux cours d'appel dans les provinces, mais ils hésitent tous à le faire pour des raisons qui sont probablement évidentes une fois que vous y avez réfléchi un peu.
M. Paul DeVillers: Face à cette question ici aujourd'hui, le comité essaie de modifier quelque chose et nous discutons d'une chose qui ne figure pas dans les conditions, il est donc difficile de comprendre comment la clause peut être amendable.
M. Robert Groves: Cependant vous ne savez pas, et c'est pourquoi par mesure de prudence vous devez ajouter une disposition, compte tenu de l'exposé présenté plus tôt et de la suggestion du sénateur Kinsella ou de M. Doyle. Un nouveau paragraphe (4) stipulerait:
Cela suffirait évidemment à assurer une protection. Il pourrait être utilisé comme argument devant le tribunal à savoir si ce groupe-ci ou ce groupe-là était visé par l'article 91.24. Cependant, l'objectif du Parlement serait clair. Il ne serait pas souillé par l'argument incroyablement faussé du gouvernement en déposant ce projet de loi de la façon dont il procède, et en déposant la modification à l'article 93 de la façon dont il l'a fait.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, sénateur Murray.
Le sénateur Lowell Murray (Pakenham, PC): Merci madame la présidente.
Vous devrez m'expliquer de nouveau pourquoi vous croyez que la modification peut—sans trop exagérer—porter préjudice à votre position juridique et constitutionnelle future en ce qui concerne ces questions de recours en vertu de la charte.
M. Robert Groves: Supposons que le gouvernement a raison. Laissons croire au gouvernement que l'article 91.24 ne vise pas les Métis, disons. Supposons que le tribunal décide que les Métis du Labrador, comme les Inuits et les Métis par opposition aux Indiens et aux Métis, sont visés par l'article 92 et non pas par l'article 91.24. Ils peuvent jouir de droits autochtones, ils peuvent avoir un titre, mais ils ne sont pas...
Le sénateur Lowell Murray: Cependant, il y a quelque chose dans la charte au sujet des Métis.
M. Robert Groves: Non, ce n'est pas dans la charte. C'est dans l'article 35.
Les droits, issus de traités, des peuples autochtones, y compris les Métis, sont protégés par l'article 35 en dehors de la charte. Aucune disposition limitative ne l'affecte. Cependant, il n'y a rien au sujet de la compétence du Parlement par opposition à la compétence des assemblées législatives provinciales en ce qui concerne l'éducation ou tout autre champ de compétence.
Maintenant, il s'agit d'une question délicate, mais il est très évident aussi que si le gouvernement a raison et qu'ils ne sont pas visés par l'article 91.24, il n'y a rien que l'on puisse faire à ce sujet par la suite. Vous aurez abrogé des droits des Autochtones—probablement, puisque c'est sans consentement, peut-être illégalement, mais vous l'aurez fait. Vous les aurez abrogés parce que cela abolit des droits et des avantages qui sont actuellement enchâssés dans la Constitution. Cela les abroge. Cela les change en ce sens qu'ils sont assujettis à un contrôle législatif beaucoup plus souple. Cela fournit une orientation en ce qui concerne le caractère de ce contrôle, en ce qui concerne le contrôle confessionnel, mais ça n'empêche pas qu'il n'y a aucune protection confessionnelle particulière. Cela permet à l'assemblée législative d'agir ainsi.
Donc, si le gouvernement a raison, alors vous devez avoir une disposition dérogatoire associée à l'article 25 et à l'article 35. Si le gouvernement a tort et qu'ils sont visés par l'article 91.24 il y a moins d'inquiétude à la fin de journée sauf en ce qui concerne le fait que le gouvernement a également adopté en cour la position selon laquelle l'éducation en tant que telle est un pouvoir qui est conféré par l'article 92, et non pas un pouvoir exercé en vertu de l'article 91, et que l'éducation des Indiens, sauf en ce qui concerne les écoles indiennes dans les réserves qui se trouvent sur les terres fédérales, relèverait des provinces. C'est ce qui a mené aux écoles confessionnelles qui ont été construites et placées sous l'autorité des gouvernements provinciaux, des administrations municipales, des confessions religieuses et des églises.
Le sénateur Lowell Murray: La situation que vit actuellement votre peuple est que l'école qu'un enfant autochtone de Terre-Neuve fréquente est maintenant tributaire de l'appartenance religieuse de cet enfant.
M. Robert Groves: Oui.
Le sénateur Lowell Murray: Est-ce que vous essayez de maintenir le statu quo?
M. Todd Russell: Non ce n'est pas cela, selon notre position avantageuse. Je crois que nous avons le droit d'autonomie gouvernementale pour contrôler notre propre système scolaire. Nous essayons également de nous libérer du système confessionnel, dans une certaine mesure. Cependant, comme je l'ai précisé dans mon mémoire, nous ne faisons pas plus confiance au gouvernement provincial qu'au système scolaire confessionnel. Nous avons été témoins de la disparition de notre langue, l'inuktitut. Actuellement, il y a probablement un pour cent de notre population qui comprend cette langue et qui peut la parler.
Nous voulons obtenir une certaine protection dans cette modification ou encore par l'entremise d'une disposition non dérogatoire selon laquelle nous disposons d'un droit d'autonomie gouvernementale pour contrôler notre propre système scolaire et pour le mettre sur pied afin qu'il reflète davantage notre culture et notre patrimoine.
Le sénateur Lowell Murray: La disposition non dérogatoire pourrait y être ajoutée. Elle citerait différents articles de la Constitution. Elle pourrait facilement y être ajoutée à l'aide d'une méthode bilatérale. À votre avis, il n'y a pas de problème là.
M. Robert Groves: Eh bien, j'ai une idée en ce qui concerne la question de la méthode à utiliser monsieur le sénateur. Si vous utilisiez l'article 43 et qu'il était valide, il s'agirait d'une chose très simple à faire. Cela signifierait simplement que l'assemblée législative de Terre-Neuve n'aurait qu'à adopter de nouveau la résolution.
Le sénateur Lowell Murray: Je sais comment on procéderait, mais il s'agit de la méthode qui pourrait être utilisée relativement à cette disposition non dérogatoire.
M. Robert Groves: Oh oui, facilement.
Le sénateur Lowell Murray: Nous ne pourrions pas le faire unilatéralement, n'est-ce pas?
M. Robert Groves: Non je ne pense pas qu'une déclaration, ni même une résolution pour orienter les tribunaux, par exemple, serait efficace sur le plan juridique. Les tribunaux ont, en général, précisé que ce genre de terminologie peut être rejetée par les juges comme n'étant pas liée à la terminologie et à la formulation du projet lui-même.
Le sénateur Lowell Murray: Ça ne prendrait pas autre chose que la méthode bilatérale pour le faire.
M. Robert Groves: Non, rien d'autre.
Le sénateur Lowell Murray: Merci, madame la présidente.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur le sénateur Murray.
Mme Caplan, puis une question de M. Goldring.
Mme Elinor Caplan: Je pense que le problème que j'ai lorsque j'examine la clause 17 réside dans le fait que vous n'êtes pas dans la terminologie ou le langage utilisé dans la clause 17. Je n'arrive tout simplement pas à comprendre comment la nouvelle clause 17 pourrait avoir une incidence négative sur votre collectivité.
J'aimerais savoir si vos collectivités ont eu la possibilité de voter dans le cadre du référendum. Dans l'affirmative, est-ce que votre circonscription faisait partie de celles qui ont voté pour la majorité? Je sais que la personne qui représente votre collectivité à l'assemblée législative provinciale de Terre-Neuve et du Labrador appuyait la clause 17. Je me demande si vous avez invoqué ces arguments durant le débat qui a suivi.
J'ajoute à cela que je comprends la conversation que vous avez eue avec le sénateur Murray. Je crains que votre problème, qui selon vous en est un de manque confiance en ce qui concerne les mesures que prendra votre gouvernement dans l'avenir, est tout à fait différent et distinct du problème qui nous est soumis ici aujourd'hui, si on part du point de vue que nous nous penchons uniquement et entièrement sur le caractère confessionnel du système scolaire de Terre-Neuve. En me fondant sur ce que j'ai constaté, je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit qui empêche le gouvernement d'entamer des discussions ou des négociations avec votre collectivité à la suite de ce changement.
Je voulais que vous connaissiez mon opinion étant donné que je pose la question, donc vous pourriez répondre et peut-être me dire pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec moi.
M. Todd Russell: Ce n'est pas que je sois nécessairement en désaccord avec votre opinion, mais pour répondre à la première partie de votre question, nous n'avons pas effectué d'analyse interne afin de savoir dans quelle proportion notre peuple a voté sur la clause 17 comme certains autres groupes l'ont fait. Je sais que dans la majeure partie des collectivités que je représente, environ 40 p. 100 ont en fait voté. De ce 40 p. 100, je crois que 75 p. 100 ont voté en faveur. Je ne peux pas dire précisément combien d'entre eux étaient des Métis et combien n'étaient pas des Métis. Je suis convaincu que certains étaient en faveur de la réforme et d'autres pas. Dans quelle mesure notre peuple était renseigné sur la question pour laquelle il votait, il serait préférable de poser cette question directement à des gens de la collectivité.
Nous avons l'impression qu'il n'existe aucune protection précise écrite dans cette clause. Si le gouvernement veut réellement étendre la portée de la clause et souhaite vraiment remplir ses obligations envers les peuples autochtones, alors dites-moi pourquoi cela ne figurait pas dans la clause? Ce n'est pas seulement au sujet du système scolaire confessionnel; cette modification concerne le système éducatif en général. Nous voulons savoir pourquoi il n'y avait aucune forme de protection écrite dans cette clause relativement à nos droits en tant que peuples autochtones afin de contrôler nos propres systèmes scolaires.
Mme Elinor Caplan: Je pense que mon argument est que cela n'était pas écrit dans la clause avant. Ma question est la suivante, pourquoi s'attendrait-on à ce que ça change? Il n'y avait aucune protection en vertu de cette clause avant en ce qui concerne la question confessionnelle, donc pourquoi faudrait-il espérer qu'elle y figure maintenant puisque vous pourriez, en fait, profiter de ce changement à la suite de la demande de parents relative à l'intégration au nouveau système scolaire des pratiques religieuses et des cultures de votre collectivité.
M. Robert Groves: Je peux répondre à ces deux questions de la façon suivante.
Tout d'abord, vous parlez du gouvernement de Terre-Neuve que rien dans cette modification ou dans les modifications précédentes n'empêche de prendre des dispositions particulières avec les Métis ou les Inuits ou les Micmacs sur l'île pour ce qui est du contrôle et de la prestation du programme d'enseignement, en particulier l'élaboration du programme d'études et la langue d'enseignement. Vous avez tout à fait raison. Mais rien n'est requis non plus. En l'absence d'une contrainte quelconque, il semblerait que la province est très réticente à faire cela.
Mme Elinor Caplan: Mais j'indiquerais que rien auparavant ne l'exigeait.
M. Robert Groves: Oui, il y avait quelque chose. Prenez, par exemple, le libellé de la modification que vous abrogez. Il y est dit très clairement, sauf en vertu des dispositions prévues en (b) et (c), «les écoles établies, entretenues et exploitées à même les fonds publics doivent être»—puis il est fait mention des écoles confessionnelles, ce qui touche à peine la question de la confession de la prestation—«et toute catégorie de personnes ayant des droits en vertu de la présente clause qui se lisait au 1er janvier 1995»—c'est-à-dire, avant la proposition de la modification—«doit continuer à avoir le droit», etc.
La question est donc, à quoi est-ce que «catégorie de personnes» fait référence dans les conditions de l'union de Terre-Neuve. Il n'y a jamais eu de débats à ce sujet, sauf en ce qui concerne des confessions précises qui s'estimaient exclues en 1949 parce qu'elles ont vu le jour par la suite. C'était donc une aubaine d'inclure toutes ces confessions qui étaient exclues en 1949 en réalité, mais qui ont vu le jour entre 1949 et 1995. C'est ce que d'autres mémoires ont fait ressortir.
Cela signifie que vous abrogez tout ce qui est survenu en 1949 et tout ce qui est survenu entre 1949 et 1995 pour ce qui est de la protection constitutionnelle reconnue à l'égard des catégories de personnes.
Est-ce que les Indiens, les Inuits et les Métis du Labrador ou de l'île de Terre-Neuve sont des catégories de personnes à qui la prestation confessionnelle de l'enseignement était donnée? La réponse, c'est oui.
Donc, en fait, ce n'est pas reconnu maintenant par la province. Ce n'est pas mis en oeuvre par la province en ce moment, mais ce n'est que depuis les années 60 que ça n'a pas été mis en oeuvre. Auparavant, les missions, les confessions dispensaient l'enseignement, sans lien avec le système de réglementation de la province, avec la vision de la région Central Avalon de la réforme de l'enseignement, et localement par de très petites écoles communautaires.
Vous avez donc une situation pour laquelle deux choses se produisent. Une première est la déconfessionnalisation du programme d'études et des normes, et c'est je crois ce qui incite les gens de façon générale à appuyer la modification visant à mettre en place des normes plus séculaires. Je sais que le gouvernement de Terre-Neuve est très préoccupé par la question de la norme d'enseignement, et par conséquent, de façon générale, que tout le monde appuie ce principe. Je ne pense pas qu'il y ait de témoins qui ne l'appuient pas.
Toutefois, la deuxième chose qui se produit, c'est qu'on réunit sous le contrôle législatif l'administration et la prestation des services d'enseignement. Qu'est-ce-que cela signifie? Cela signifie que les communautés, qui sont de façon générale des communautés autochtones... sont petites, entre 25 dans le plus petit des cas et environ 600. Nain, qui a une population de 1 500, serait la plus importante communauté autochtone de Terre-Neuve et du Labrador. La plus petite communauté, Paradise River, compterait 25 personnes.
La raison pour laquelle c'est dix, c'est parce que l'école a été supprimée. Tout le monde invoquait des raisons liées à la fréquentation scolaire; ils ont dû se déplacer de Paradise River à Cartwright. C'est ce qui s'est produit dans les années 60, rappelez-vous. Nain est une grande communauté, partiellement parce que les écoles d'Okak et de Hebron ont été fermées par la province.
Les parents doivent envoyer leurs enfants à l'école. C'est contraire à la loi de ne pas le faire. Vous devez y aller en raison des lois sur la fréquentation scolaire.
Ce n'est donc que depuis les années 60 que cette question a vu le jour, avec l'aide et l'argent du gouvernement fédéral, par le biais de transferts à la province, mais la province a éliminé graduellement le contrôle local et le contrôle de l'Église.
La sécularisation du contrôle de l'Église sur les critères de l'éducation, sur les membres, est une chose; le contrôle local, le contrôle de la communauté entre les mains de petites communautés, en est une autre. Tout cela est balayé.
Mme Elinor Caplan: Pas si vous avez des conseils élus par les gens de ces communautés, et c'est ce que prévoit ceci.
M. Robert Groves: Oui. Tout dépend de la façon de définir communauté et conseil scolaire. Un conseil scolaire peut être au service des écoles...
Eh bien, quelques-uns d'entre vous peuvent-ils me dire à quoi ressemblera probablement le plus important conseil scolaire de Terre-Neuve après le regroupement? Il sera énorme.
• 1220
Par exemple, je connais l'île un peu mieux, et je connais
l'école de Flat Bay East, qui est ce qui s'approche à peu près le
plus d'une communauté sur une réserve à Terre-Neuve, en dehors de
Conne River. C'est une communauté entièrement micmac. On y trouve
une école, de la maternelle à la cinquième année. Avec le
regroupement, elle sera fermée. Elle sera intégrée. Les enfants
devront se rendre par autobus à St. George, qui est une ville qui
compte de 6 000 à 8 000 personnes environ.
Oui, ils auront une représentation au sein du conseil scolaire. Une communauté d'environ 130 personnes aura une représentation au sein d'un conseil scolaire représentant des écoles d'une communauté d'environ 10 000 personnes.
C'est un problème, et c'est un problème au Labrador également.
M. Todd Russell: Le conseil scolaire qui est créé en ce moment et qui administre la majorité de nos communautés... nous représentons environ 30 p. 100 de la population, et nous serons probablement en mesure d'élire une ou deux personnes à ce conseil scolaire. Notre influence au sein des conseils scolaires, même s'il s'agit d'un organisme élu, sera minime. Nous n'avons certainement pas beaucoup confiance à ce mécanisme non plus.
Mme Elinor Caplan: Je suppose que le confort que je retire de cette discussion que nous avons avec vous est qu'il s'agit de questions qui existent et qui ont cours depuis longtemps dans la province de Terre-Neuve et du Labrador. Je ne crois pas qu'elle puisse être résolue rapidement, uniquement du trait d'une plume. Je crois que la participation des gens dans vos communautés à faire des représentations au gouvernement provincial et à influer sur les dirigeants de la province est ce qui en bout de ligne permettra d'apporter les changements visant à encourager non seulement les normes d'éducation, tel que vous l'avez dit, mais aussi la sécurité culturelle que vous recherchez.
M. Robert Groves: Je dirais simplement que bien que ce soit de bonnes moeurs et de bonne éthique, c'est mauvais sur le plan du droit constitutionnel.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Groves.
Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.
Messieurs, j'aimerais vous remercier d'être venus nous rencontrer et de la façon dont vous avez présenté votre cause.
J'aimerais demander si votre préoccupation est principalement une préoccupation liée au peuple autochtone en tant que peuple autochtone, ou si elle est liée à une préoccupation autochtone en rapport aux confessions auxquelles le peuple autochtone adhérerait.
M. Todd Russell: Notre préoccupation a trait à une société autochtone et à l'intégrité de cette société. Je crois que c'est ce qui est remis en question, et la question de cette dame ici. C'est évident, ces problèmes ne seront pas résolus d'un simple trait de plume, et il est évident que la province a un rôle à jouer pour s'assurer que nous participons pleinement et que nous sommes pleinement consultés et que nos droits et intérêts sont pris en compte.
Comme je l'ai dit, nous n'avons pas cette confiance, mais nous croyons aussi que vous avez une responsabilité pour ce qui est de nous aider dans cette lutte. Nous avons vu et nous voyons une occasion ici de faire cela. Nous voyons une occasion où on peut dire explicitement qu'il y a une certaine protection pour ce qui est du droit des autochtones à l'autonomie gouvernementale, ce qui comprend le droit des autochtones, en ce qui nous concerne, à avoir leur propre régime scolaire.
Par conséquent, notre préoccupation est bel et bien en tant que groupe autochtone et en tant que société autochtone.
M. Robert Groves: Monsieur le sénateur, si je peux me permettre, en ce moment, je pense que le conseil scolaire intégré du Labrador Est—c'est un conseil scolaire intégré—prévoit l'existence de matières à cachet culturel, mais qu'un certain nombre de changements peut changer facilement tout cela. Disons que si l'on avait une autre situation, comme celle de Voisey's Bay, il serait très facile de modifier ces choses.
Autochtone, c'est autochtone. Vous pouvez faire la distinction d'une certaine façon des préoccupations et considérations plus générales si vous le considérez de cette façon. Ce n'est qu'à Terre-Neuve, sauf pour une exception en 1984, que le paragraphe 91(24) ne s'applique pas en vertu des lois et principes habituels du pays, ce qui comprend la Loi sur les Indiens et d'autres lois. C'est une province unique en raison de la date à laquelle elle s'est jointe à la Confédération.
En raison de ce sentiment de négation qui s'y est installé, quoique juste au moment où il commence à dégeler... Ce n'est tout de même que la pointe de l'iceberg qui fond. Il vous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Pendant que cela se produit, il est très important que le Parlement surveille de près ses devoirs, indépendamment de l'encouragement politique et social que vous devez donner au gouvernement de Terre-Neuve.
M. Werner Schmidt: Je pense qu'il y a deux très importantes questions ici. Monsieur Russel, je pense que vous les avez identifiées et clarifiées très bien.
L'autre question qui a rapport à ceci, évidemment, c'est que même si Terre-Neuve et Labrador est une province unique et qu'il y a une application très précise—et j'en conviens—il y a le principe plus général de la Constitution du Canada dont il faut également tenir compte. Même si vous pouvez prétendre avec succès qu'il s'agit d'une province unique, je pense que la question ne se limite pas uniquement à Terre-Neuve et au Labrador parce que, en ce qui concerne les préoccupations du peuple autochtone, qu'il s'agisse de l'association des Métis de Terre-Neuve et Labrador ou qu'il s'agisse de l'association en Alberta ou en Colombie-Britannique, c'est en principe la même chose.
Quelles seraient donc les répercussions pour les autres provinces et les autres parties du Canada si cela se produisait?
M. Robert Groves: Je pense que le comité pourrait tirer profit, et certainement que ce serait votre cas, monsieur le sénateur, de la lecture d'un mémoire juridique historique de 18 pages—M. Goldring l'a vu, j'en suis sûr—qui a été déposé lorsque le comité mixte étudiait l'article 93, à sa demande. Il s'agit d'un mémoire de lois historiques, je crois. Ce n'est pas une longue lecture, il ne compte que 18 pages. Il est en ce moment entre les mains d'avocats, pour obtenir un avis juridique sur une poursuite en justice éventuelle, et il porte sur la situation au Québec.
Le Québec, la région de l'Atlantique et l'Ontario en particulier sont toutes des compétences uniques pour ce qui est des écoles confessionnelles et de la prestation du programme scolaire, à l'endroit des Indiens en particulier. Pas tous les Indiens... de fait, un grand nombre d'entre eux n'ont jamais été placés sur des réserves dans des écoles fédérales que les Indiens contrôlent. Un grand nombre sont toujours dans des communautés hors réserve, des communautés qui ne sont pas sur des réserves, et reçoivent leur instruction dans des écoles provinciales.
Mais en raison du libellé de l'article 93, qui est très semblable à celui de la clause 17 et qui a rapport aux droits et privilèges qui existaient «au moment de l'Union», et qui parle ensuite du pouvoir de redressement du Parlement et des pouvoirs du gouverneur en conseil pour ordonner l'application de ces droits et privilèges en ce qui concerne les écoles confessionnelles, tout cela est en place. C'est pourquoi, en ce qui concerne les questions autochtones, c'est une modification générale, si ce n'est une modification qui nécessite le consentement des peuples autochtones en vertu de l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle, qui requiert une réunion des premiers ministres avec les dirigeants autochtones pour examiner une modification qui touche directement les droits des autochtones.
C'est en raison de cet énorme potentiel, compte tenu de la nature du Canada en 1867 et de la nature de Terre-Neuve et du Labrador en 1949 en ce qui concerne l'éducation, qu'il s'agit d'un danger bien réel pour le Parlement de tout simplement supposer que c'est en application de l'article 43 et de prétendre qu'il n'y a aucun droit touché, étant donné qu'ils ne sont pas expressément nommés. C'est la nature du Canada. Notre histoire est très subtile.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Groves.
M. Goldring aura le dernier mot.
M. Peter Goldring: Merci.
Pour confirmer que, monsieur Groves, vous considérez la présente demande comme créant probablement un précédent. À votre avis, cela pourrait créer un précédent pour le retrait... en particulier dans le cas pentecôtistes alors que c'est de toute évidence un nouvel enchâssement, un enchâssement récent survenu en 1987, et vous pensez que c'est évidemment une extinction de ces droits que vous enchâssez. Vous estimez que c'est le début de la fin. Est-ce le prédicat de votre annexe, que rien ne devrait l'influer, que rien dans l'article 17 ne devrait influer sur l'autorité législative?
M. Robert Groves: Je crois que le paragraphe (3) de la clause 17 proposée donne une protection constitutionnelle. Il y est dit que les «célébrations religieuses doivent être permises».
Évidemment, c'est beaucoup moins que les droits et privilèges actuellement garantis dans la Constitution, parce que la Constitution est vivante. Elle évolue constamment et elle se développe par la jurisprudence et les conventions, et les tribunaux en tiennent compte. Étant donné qu'elle est comme un arbre vivant qui croît constamment—je crois que c'est ainsi qu'on y fait référence couramment—vous ne pouvez jamais recourir à la clôture ou figer des droits autochtones ou autres protégés par la Constitution comme ceci.
Donc, oui, il ne fait aucun doute que vous remplacez des droits enchâssés dans la Constitution, ce qui peut—beaucoup le croient, et je pense que j'aurais tendance à être d'accord—enchâsser ou introduire des mesures plus sages que les écoles et la province auraient pu prendre en ce qui concerne le programme d'études. Quoi qu'il en soit, ils sont là, et si vous les modifiez, tout le monde doit savoir qu'on est en train de les abroger. Ils peuvent être abrogés, mais vous devez en être conscients.
• 1230
Toutefois, en ce qui concerne les peuples autochtones, il
existe une protection particulière contre l'abrogation des droits.
Par conséquent, si une autre instance statue que vous n'avez pas
pris les mesures appropriées en ce qui concerne la protection des
droits autochtones, alors tout est à recommencer; tout ce que vous
avez essayé de faire est ramené à la case départ. C'est insensé,
tout à fait insensé de ne pas prendre la mesure maintenant.
M. Peter Goldring: N'auriez-vous donc pas l'impression que si les droits constitutionnels de la minorité devaient être touchés, on devrait sonder les membres mêmes de cette minorité pour déterminer s'ils sont en faveur de cette mesure? Ne serait-ce pas la façon prudente d'apporter une modification à la Constitution qui soit propre à cette minorité? La minorité même n'est-elle pas une minorité englobée dans une majorité?
M. Robert Groves: Bien, c'est une question distincte de celle des intérêts des autochtones, parce qu'ils ne sont pas, en loi comme en politique aujourd'hui, traités comme des minorités; ils sont traités comme des éléments constituants uniques de la Confédération.
Mais en ce qui concerne les droits des minorités, mon propre sentiment—je ne parlerai pas au nom de M. Russell—est que le caractère distinct du Canada en tant que société humaine est enraciné dans le grand respect de la majorité à l'égard des droits et intérêts de la minorité, et dans la recherche du consentement virtuel, si ce n'est absolu, des minorités lorsque ces droits sont modifiés de façon inaltérable.
M. Peter Goldring: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Goldring.
Merci beaucoup d'être venus, monsieur Russel et monsieur Groves—qui, les membres du comité pourraient être intéressés de savoir, vient de l'Alberta.
M. Robert Groves: Merci, madame la sénatrice.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous vous sommes très reconnaissants que vous ayez pris le temps de venir nous rencontrer et de nous faire part de ce qui est toujours un message et un point de vue extrêmement importants en cette occasion et en d'autres occasions également.
Je vous remercie également beaucoup, monsieur Russell.
M. Todd Russell: Merci, madame la coprésidente et monsieur le coprésident, de me donner l'occasion de m'adresser à vous. Je crois que c'est un processus instructif pour vous également, et j'espère que cela vous plaira. J'invite toujours les gens du Labrador à venir rencontrer nos concitoyens, à venir visiter nos communautés.
Je voulais transmettre les salutations de notre aîné, Ken Mesher, qui a comparu devant le comité à St. John's en juillet.
Je vous souhaite la meilleure des chances et de bonnes délibérations, et j'espère que vous tiendrez compte de ce que nous avions à dire.
Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
M. Robert Groves: Merci également, madame la sénatrice.
Je voudrais simplement faire remarquer que la mauvaise version de la modification et la version de la résolution d'accompagnement ont été jointes en annexe au présent document à la hâte ce matin. J'enverrai par télécopieur aux greffiers cet après-midi la bonne version.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Gerry Byrne): Indiquez tout simplement qu'il s'agit de la bonne version, c'est tout.
M. Robert Groves: Oui, je le ferai, certainement. Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Maintenant, chers collègues, nous avons un autre témoin, très patient, qui a été avec nous la plus grande partie de la matinée, et je lui demanderais de bien vouloir s'avancer, M. Mark Graesser, de l'université Memorial.
Je suis convaincu, monsieur, qu'il y aura un très grand intérêt à votre présentation. Nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'être venu et d'avoir fait preuve de tant de patience. Veuillez commencer.
M. Mark Graesser (professeur, Université Memorial): Merci, madame la coprésidente.
Je crois comprendre, d'après des remarques entendues plus tôt ce matin, qu'une version d'une partie du document que je prévois déposer a déjà circulé sous la forme d'un article de journal. Je dois avouer que j'avais initialement pensé comparaître devant le comité la semaine dernière, au moment où j'avais fait parvenir cet article pour publication, de sorte que votre comité aurait reçu mon témoignage directement plutôt que par ce moyen. Toutefois, je considérerai ceci peut-être comme une possibilité de préciser tous les points qui auraient besoin de l'être.
• 1235
Je suppose que vous avez tous mon mémoire. Je pense que je
peux procéder assez rapidement—j'ai tenté d'être aussi concis que
possible—puis de consacrer la plus grande partie de notre temps à
répondre aux questions des membres du comité.
Je suis un politicologue de l'université Memorial, où j'enseigne depuis 1970. Je suis particulièrement intéressé à l'étude de l'opinion publique et aux élections. Je suis donc intéressé à la façon de penser des gens en général sur les questions de nature publique, et à la mesure dans laquelle les préférences publiques se reflètent dans les politiques publiques.
Il y a longtemps, ceci m'a forcé à réfléchir à la question de savoir si le système d'éducation confessionnelle unique de Terre-Neuve reflétait en effet les souhaits des parents et citoyens de Terre-Neuve, tel qu'on me l'a assuré, malgré le fait qu'à certains égards ça ne semblait pas cadrer avec la nature généralement séculaire et tolérante de la société moderne de Terre-Neuve.
Au fil des ans, j'ai effectué beaucoup de recherches sur la question, y compris environ une douzaine de sondages de l'opinion publique. Dans l'ensemble, il s'est agi de recherches purement académiques. J'ai agi à titre de consultant en quelques occasions—une fois dans le cadre de la commission royale Williams sur l'éducation à Terre-Neuve, avec laquelle je suppose que vous êtes familiers.
Je me présente donc devant vous non pas au nom d'un groupe, mais plutôt en tant que chercheur ayant une expertise particulière sur la question complexe qui, après de nombreuses années d'attente, a paralysé la politique provinciale en matière d'éducation au cours des cinq dernières années.
Je devrais dire dès le départ que la conclusion primordiale découlant de ma recherche depuis un certain temps a été que la population de Terre-Neuve est très en avant des chefs politiques et ecclésiastiques quant à leur réceptivité à l'égard d'une réforme en profondeur du système confessionnel. Lorsque je parle ici de la population de Terre-Neuve, je parle d'une grande majorité de toutes les confessions et catégories.
Aujourd'hui, mon mémoire portera principalement sur une analyse que je vous soumettrai comme étant l'analyse définitive de la façon dont les groupes confessionnels ont voté lors du référendum. J'y ajouterai alors une certaine perspective qui, je pense, est importante pour comprendre pourquoi un pourcentage si élevé de la population, englobant toutes les confessions, a voté oui lors du référendum.
Tout d'abord, le vote référendaire. Comme vous le savez très bien, 73 p. 100 de toutes les personnes habilitées à voter ont répondu oui lors du référendum, la participation se situant je crois aux environs de 53 ou 54 p. 100. Le premier ministre et tous les députés de l'assemblée législative ont interprété ce vote comme étant un fort mandat pour aller de l'avant avec les modifications à la clause 17, qui élimineront complètement le rôle que les Églises ont joué de façon historique dans l'éducation.
Toutefois, la validité du mandat découlant du référendum a été contestée, en particulier par ceux qui interprètent le vote comme une question de droit des minorités neutralisé par une majorité tyrannique. On a fait valoir que les droits constitutionnels garantis à l'égard d'une minorité ne peuvent être abrogés sans le consentement du groupe en question.
Je ne compte pas entrer dans les complexités morales, historiques et juridiques sérieuses du débat sur les droits des minorités. Toutefois, je constate que les personnes qui présentent cette cause ont tendance à accorder une construction particulière au vote référendaire. Elles remarquent que, par exemple, les catholiques romains forment une minorité de la population de Terre-Neuve, environ 37 p. 100, qui ne pourrait vraisemblablement pas annuler un vote uniforme du oui chez les non-catholiques, même si tous les catholiques votaient non. Il y a donc une insinuation, peut-être non formulée, que tous—ou du moins une majorité—les catholiques ont voté non, mais ont été battus par une majorité non catholique qui n'était pas en faveur.
Ça devient donc une question qui ne se limite pas seulement à l'intérêt scientifique de connaître l'importance de la majorité de l'ensemble de l'électorat, mais aussi la répartition confessionnelle du vote. En particulier, de quelle façon est-ce que les catholiques et les pentecôtistes ont voté?
Se fondant sur des motifs principalement liés à des impressions, de nombreux commentateurs ont laissé entendre que la grande majorité était tellement importante et étendue qu'elle incluait probablement une majorité des catholiques et peut-être même des pentecôtistes. Toutefois, cette analyse a été contestée par les porte-parole de ces groupes.
La seule façon certaine de connaître de quelle façon les catholiques, les pentecôtistes, ou d'autres groupes ont voté aurait été de consigner la confession de l'électeur sur le bulletin de vote, puis d'effectuer un comptage distinct par religion. À défaut de cette façon de faire douteuse, qui je crois n'a sagement pas été suivie, un bon sondage post-référendaire pourrait donner une telle répartition, sous réserve d'une certaine marge d'erreur. Jusqu'à maintenant, il n'a été fait aucune mention d'un tel sondage à la suite du référendum de septembre.
• 1240
Toutefois, une autre méthode connue sous le nom d'inférence
écologique a depuis longtemps été utilisée par les politicologues
pour estimer le comportement des personnes lors d'un vote,
notamment la façon dont les catholiques ont voté, en partant de
statistiques globales, qui peuvent être plus facilement disponibles
que des données de sondage. Par exemple, en prenant le pourcentage
du vote oui district par district, et en établissant la corrélation
entre cette donnée et le pourcentage de catholiques dans le
district, nous pouvons projeter statistiquement la corrélation
entre les deux variables.
Les politicologues ont fait preuve de prudence quant à l'utilisation de cette méthode parce qu'elle permet souvent une possibilité importante d'incertitude ou d'erreur. Par exemple, même si les districts comportant une forte proportion de catholiques ont eu tendance à voter en relativement grand nombre non, il est toujours mathématiquement possible que la plupart des catholiques dans un district donné aient voté oui, alors que la plupart des non-catholiques ont voté non.
Plus tôt cette année, un politicologue de l'Université Harvard, Gary King, a publié un livre qui donne une solution à ce problème. La méthode de M. King est déjà reconnue comme étant une percée importante en science sociale. La nouvelle technique est mathématiquement complexe et a recours à des calculs informatiques exhaustifs pour produire des estimations précises et fiables des tendances du vote dans chaque unité électorale.
On en a vérifié à fond l'exactitude dans des situations où les véritables renseignements quant au vote de chaque personne sont connus afin d'évaluer les projections informatiques. La méthode de M. King a déjà été utilisée en preuve devant plusieurs tribunaux des États-Unis où l'évaluation des tendances du vote des minorités est cruciale dans les contestations des limites des districts du congrès en vertu de la Voting Rights Act.
Vous savez peut-être qu'aux États-Unis, les tribunaux peuvent ordonner ce que nous pourrions appeler un remaniement palliatif, s'il est démontré qu'un groupe minoritaire, par exemple les Noirs, élirait un démocrate si on pouvait les concentrer dans un district. Donc, pour ces types de considération, cette technique particulière a été utilisée en preuve devant les tribunaux des États-Unis, y compris la Cour suprême des États-Unis.
Je me suis par conséquent procuré le programme informatique mis au point par le professeur King pour effectuer une analyse du vote référendaire à Terre-Neuve. Fait également important pour cet exercice, j'ai obtenu les statistiques exactes du recensement du gouvernement de Terre-Neuve sur la répartition confessionnelle des populations dans chaque district provincial, que l'on peut faire correspondre aux résultats officiels du référendum fournis par le directeur général des élections.
Dans l'ensemble, je pense que vous le savez probablement, 37 p. 100 de la population de Terre-Neuve est catholique, 7 p. 100 est pentecôtiste, 52 p. 100 appartient aux diverses confessions intégrées, et 4 p. 100 appartient à d'autres confessions ou ne pratique aucune religion.
Les résultats des analyses sont résumés au tableau 1. Selon l'analyse, la meilleure estimation est que 62 p. 100 des catholiques de la province ont voté oui, tout comme 32 p. 100 des pentecôtistes et 87 p. 100 des autres, qui forment principalement les confessions protestantes intégrées, ainsi que les 4 p. 100 qui appartiennent à d'autres confessions.
La participation au référendum était de 53 p. 100. Les estimations que j'ai faites tiennent explicitement compte de ces données.
Il y a la possibilité que la participation au référendum peut avoir été différente chez les groupes religieux. De fait, on a démontré que c'était précisément le cas. La meilleure estimation est que 65 p. 100 des catholiques ont voté par rapport à 44 p. 100 des autres catégories. La participation était beaucoup plus élevée chez les catholiques que les non-catholiques.
Je n'ai pas été en mesure d'évaluer les taux de participation chez les pentecôtistes parce que les nombres sont beaucoup plus petits et beaucoup plus concentrés dans quelques districts.
• 1245
C'est significatif. Mon estimation que 62 p. 100 des
catholiques ont voté oui est affectée de façon importante par le
fait que les catholiques ont en fait voté en grand nombre. Un
examen superficiel des différents districts illustrerait que c'est
évidemment le cas. Les districts qui comptent la plus forte
proportion de catholiques, en particulier dans la péninsule
d'Avalon et à St. John's, ont obtenu les taux les plus élevés de
participation au référendum. Les districts où les taux de
participation sont faibles avaient tendance à être dans des régions
de la côte Sud et de la côte Nord-Est, qui sont presque
exclusivement non catholiques. Les districts où il y a eu des taux
élevés de participation et des pourcentages élevés de catholiques
avaient également des pourcentages élevés du vote oui.
Il existe une certaine marge d'erreur que cette méthode peut évaluer. Il s'agit d'une marge statistique. Ce n'est pas une question de devinette. C'est analogue à la marge d'erreur dont vous entendez parler dans les résultats de sondages. Il y a environ une chance sur six que le vote catholique ait été en réalité inférieur à 51 p. 100. En d'autres mots, il y a cinq chances sur six, ou une chance que 83 p. 100 des catholiques ont voté du moins en majorité pour le oui.
Chez les pentecôtistes, pour qui on a évalué le vote oui à 32 p. 100 ou le vote non à 68 p. 100, la marge d'erreur est plus grande du fait que le nombre de pentecôtistes est plus faible. Mais il semblerait qu'il y ait moins d'une chance sur six que plus de 50 p. 100 des pentecôtistes aient voté oui. La meilleure estimation de la façon dont chaque groupe a voté est le nombre donné dans le tableau, toutefois, que 62 p. 100 des catholiques ont voté oui et 32 p. 100 des pentecôtistes ont voté oui.
J'ai fourni un tableau semblable à celui reproduit dans l'article de journal, si vous l'avez lu, qui présente une répartition semblable pour chaque district de la province et qui illustre que dans seulement deux districts une majorité des catholiques a de toute évidence voté non. Dans tous les autres districts, une majorité des catholiques a voté oui, majorité qui pouvait même atteindre 70 p. 100 dans certains districts.
Je pense donc que mon message à cet égard est clair, et je serai heureux d'élaborer en réponse à des questions, mais j'aimerais prendre seulement quelques minutes de plus pour mettre le tout en perspective. J'ai remonté jusqu'au référendum de 1995, qui évidemment portait sur une question différente, mais tout de même sur la même question en général, et j'ai effectué une analyse semblable. J'ai constaté que lors de ce référendum, 41 p. 100 des catholiques et 65 p. 100 de tous les autres, y compris les pentecôtistes, ont voté oui. Je n'ai pas été en mesure de faire une distinction entre chacun, de sorte qu'il y a donc un taux inférieur de 20 p. 100 du vote oui pour les catholiques et les autres en 1995. Le décalage entre les référendums était important et il s'est produit de toute évidence pour tous les groupes.
Je fournis certaines preuves dans le mémoire découlant d'un sondage d'opinion relativement petit effectué à St. John's après le référendum de 1995, et qui sont conformes à ceci. Selon ce sondage, 48 p. 100 des catholiques auraient voté oui par rapport à 81 p. 100 des protestants, mais je pense que ces deux données sont quelque peu surestimées du fait que le vote global du oui lors du sondage était un peu plus élevé que le vote réel du oui. Toutefois, ces résultats sont conformes aux résultats obtenus par ce que j'appelle l'inférence écologique.
Pourquoi y a-t-il eu un décalage si important entre 1995 et 1997? Pour passer rapidement dans un grand nombre de renseignements que votre comité a déjà entendus en témoignage au cours des deux dernières semaines, j'indiquerais deux explications possibles, toutes deux exploitées. Tout d'abord, il y a les faits qui sont survenus après le référendum de 1995; puis il y a la différence dans les questions référendaires.
Pour ce qui est survenu entre septembre 1995 et septembre 1997, comme vous le savez, le processus de finalement obtenir l'amendement constitutionnel, puis de rédiger une nouvelle loi sur les écoles et une nouvelle loi de l'éducation pour donner effet à ce nouveau compromis interconfessionnel était semé de conflits, de tensions supplémentaires. Un certain nombre d'entre vous ont fait partie du comité sénatorial à l'été de 1996 et en étaient conscients.
• 1250
L'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les écoles, avec le
processus de demander aux parents d'indiquer une préférence entre
les écoles uniconfessionnelles et interconfessionnelles, semait la
confusion et soulevait véritablement des sentiments terribles de
colère et de frustration chez les diverses confessions, tel qu'on
n'en avait pas vu depuis des générations à Terre-Neuve.
Les choses étaient parvenues à un point plus tôt cet été lorsque le juge Leo Barry a rendu sa décision quant à l'injonction. Je pense que le sentiment de frustration à l'égard du modèle interconfessionnel et que les difficultés de le faire se réaliser étaient palpables. Il y avait de la colère, les gens avaient des idées différentes de ce qu'ils voulaient qui en ressortent, mais on avait le sentiment général que la situation telle qu'elle était n'était pas acceptable et ne pourrait être résolue à l'avenir d'une façon prévisible.
Toutefois, il y a un autre côté à cette question, et c'est la nature de la question même. Comme vous le savez, en 1997 on demandait aux électeurs «Appuyez-vous un système scolaire unique dans lequel tous les enfants iront à la même école, sans égard à la confession?». Je pense que cette question, en comparaison avec celle de 1995, a fait une grande différence. En 1995, un certain nombre—je ne sais pas combien, mais je parle d'au moins 5 p. 100 et peut-être 10 p. 100—des électeurs qui ont voté non ont agi ainsi parce qu'ils estimaient que ce qui était offert en 1995 n'était pas suffisant.
Dans le sondage que j'ai réalisé à St. John's, parmi les personnes qui ont voté non, par exemple, 12 p. 100 à une question distincte ont dit qu'ils étaient en faveur d'un système totalement non confessionnel, sans la participation des Églises. On peut donc supposer que si la question avait ressemblé davantage à celle de 1997 en 1995, le vote oui aurait été supérieur au résultat de 55 p. 100 obtenu.
L'idée selon laquelle une importante majorité avait prévu depuis un certain temps la question de 1997 est étayée par les résultats du sondage de l'opinion publique. Au tableau 4 de la page 9 du mémoire, j'ai inclus plusieurs questions qui provenaient d'un sondage panprovincial réalisé en 1991 dans le cadre de la commission royale Williams. Il s'agit d'un important sondage comportant un échantillon de 1 000 personnes et réalisé selon les normes scientifiques les plus élevées.
Ce que nous voyons ici, ce sont plusieurs questions qui indiquent, si on examine la première, que de très importantes majorités, dans les 80 p. 100, appuyaient pour diverses questions l'idée qu'il devrait y avoir un seul système scolaire où tous fréquenteraient la même école, sans égard à la religion.
À la première question, il devrait y avoir un seul système scolaire pour tous, peu importe la religion, 79 p. 100 de tous les électeurs de Terre-Neuve étaient d'accord avec cet énoncé, dont 74 p. 100 des catholiques et 56 p. 100 des pentecôtistes.
Concernant la question si tous les enfants devraient fréquenter la même école ou l'école séparée, 85 p. 100 ont répondu qu'ils devraient fréquenter la même école. Ceci incluait 79 p. 100 des catholiques et 53 p. 100 des pentecôtistes.
Une forte majorité, comprenant toutes les confessions, était d'accord que les écoles confessionnelles créaient des divisions entre les gens de la même collectivité.
En ce qui a trait à une autre question qui, évidemment, était présente au référendum de 1997, s'il devrait y avoir une disposition quelconque en ce qui concerne l'enseignement religieux dans l'école, encore une fois, en 1991 sur la question, l'enseignement de la religion dans les écoles donne une meilleure éducation générale, 77 p. 100 étaient d'accord avec cet énoncé, y compris 75 p. 100 des confessions intégrées, 80 p. 100 des catholiques, et 95 p. 100 des pentecôtistes. Il y avait donc un large consensus.
• 1255
Sur la question de savoir si on devrait enseigner aux enfants
dans les écoles les croyances et les pratiques de toutes les
religions, 85 p. 100 étaient d'accord avec l'énoncé: 88 p. 100 des
parents ou citoyens des confessions intégrées, 80 p. 100 des
catholiques et 86 p. 100 des pentecôtistes.
La plupart n'étaient pas d'accord avec la proposition selon laquelle on ne devrait enseigner aux enfants que leur religion, et cela incluait des majorités pour toutes les confessions. La plupart étaient d'accord de ne pas s'opposer à ce qu'un enseignant d'une autre religion enseigne la religion à leurs enfants. On rejetait en très grand nombre l'idée que les enseignants devraient être engagés et congédiés en fonction de la religion, ce qui, comme vous le savez, est ce que prévoit toujours la loi à Terre-Neuve, même en vertu de la clause 17 révisée de 1995.
On pourrait consacrer beaucoup plus à cette question. La conclusion que je tire de tout cela est qu'à Terre-Neuve, il y a eu pendant une période considérable de temps—et je pense à des décennies—un large consensus selon lequel un système scolaire unique et non confessionnel, qui prévoit néanmoins l'inclusion de la religion dans le programme d'études et l'inclusion de la reconnaissance des fêtes qui ont une connotation religieuse, a été largement acceptable et profondément souhaité par certains. Il y en a quelques-uns qui s'y sont opposés profondément, dont un grand nombre ont témoigné devant vous.
Le résultat du référendum de 1997, avec la majorité globale de 73 p. 100, dont 62 p. 100 de catholiques mais non une majorité des pentecôtistes selon mon analyse, était prévisible. La question faisait appel aux principaux sentiments des citoyens de Terre-Neuve dans leur ensemble de façon beaucoup plus étroite que ne le faisait la question de compromis de 1995, que la plupart des gens ne pouvaient pas comprendre. Un grand nombre de personnes voient dans tout cela beaucoup plus de changements qu'il n'était à l'origine prévu, sur le plan juridique, ce qui permet d'expliquer une partie du changement dans le vote.
En conclusion, je pense qu'il serait très regrettable si la vaste majorité multiconfessionnelle des habitants de Terre-Neuve et du Labrador était une fois de plus soumise à des détours et à des retards dans la mise en oeuvre de ses souhaits. La question de l'autorité devrait une fois pour toutes être clairement et franchement réglée de sorte que toutes les parties intéressées puissent s'attaquer aux problèmes pressants d'une véritable réforme de l'éducation.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Graesser.
Nous allons commencer par M. Goldring, suivi de Mme Caplan, de M. Doyle, du sénateur Gigantes et de M. DeVillers.
M. Peter Goldring: Merci beaucoup de votre présentation, monsieur Graesser.
Vous avez indiqué dans votre mémoire:
Selon moi, c'est vraiment le coeur du problème. J'aimerais que vous expliquiez les difficultés et complexités du débat sur les droits des minorités.
J'aimerais ajouter que lorsque les droits des pentecôtistes ont été enchâssés, on a mentionné à l'assemblée législative de Terre-Neuve qu'aujourd'hui nous étions sur le point de consacrer, ou si vous préférez, de garantir dans la Constitution du Canada la reconnaissance des droits en matière d'éducation des assemblées de la Pentecôte. Pourriez-vous expliquer pourquoi vous estimez que c'est un sujet très complexe et peut-être élaborer un peu, s'il vous plaît?
M. Mark Graesser: Je pourrais peut-être commencer.
Tout d'abord, il y a toute la question de savoir si nous parlons de droits ou de privilèges. Comme vous le savez, la Constitution parle de «droits ou de privilèges». Je ne suis pas certain qu'il y ait une distinction définitive, mais une distinction que je ferais est la tendance à considérer les droits comme quelque chose qui est donné universellement à tous les citoyens, tel que les droits fondamentaux de la charte, par opposition aux privilèges, qui représentent des avantages particuliers accordés à quelques-uns mais non à tous à la suite d'ententes historiques, essentiellement des ententes politiques antérieures.
Lorsqu'on a recours aux «droits», ce mot qui a acquis un important cachet au Canada, en particulier depuis 1982, est empreint d'un message rhétorique puissant qui, je crois, découle de façon très importante des sentiments des gens à l'égard des droits individuels; par exemple, le droit fondamental de la liberté de religion et de croyances.
Mais, évidemment, les droits auxquels on fait référence ici sont les droits des minorités, c'est-à-dire les droits des groupes qui, dans le présent cas, comme dans beaucoup de cas, contredisent fondamentalement les droits individuels. C'est pourquoi nous avons la protection de l'article 29 à l'égard des organismes minoritaires, l'Église catholique, l'Église de la Pentecôte, et les autres Églises de ne pas engager et congédier des enseignants pour des motifs prévus à l'article 15, par exemple. C'est déjà un domaine de complexité.
Un autre, je pense, a rapport à la question suivante: À qui reviennent les droits communément appelés droits des minorités? Reviennent-ils à une catégorie quelconque, à une entité abstraite, à un organisme tel l'Église, ou reviennent-ils aux personnes? J'ai lu énormément sur cette question et je constate qu'il y a beaucoup de désaccords.
Voici donc quelques-unes des choses auxquelles je fais allusion lorsque je parle de complexité historique. Il en a été un peu question dans le témoignage précédent. Quels étaient précisément les droits détenus par les prétendues catégories en 1949 à Terre-Neuve? Quelles étaient les catégories et ainsi de suite? Il nous faut remonter à la loi de 1927 sur l'éducation et à la loi de 1887 sur l'éducation, puis à commencer à interpréter la signification de tout cela. Ce n'est pas une tâche facile ni évidente.
C'est tout ce que je veux dire lorsque je mentionne qu'il s'agit de questions complexes. Je ne présente aucune analyse définitive de la question. Je dis tout simplement que dans la mesure où les membres du comité estiment important de connaître dans leur propre jugement de cette question—qui est vraiment votre question—quels sont les sentiments exprimés par les groupes respectifs et quels sont ces points de vue, je pense que je peux apporter une certaine aide, raisonnablement fiable, à cet égard.
M. Peter Goldring: En question supplémentaire, permettez-moi de souligner qu'il s'agit d'un enchâssement assez récent (1987) dans le cas des pentecôtistes, et qu'il est très spécifique également. Il n'y a aucune erreur à ce sujet.
Compte tenu du fait que les pentecôtistes ont exprimé le souhait de continuer dans le contexte confessionnel à plusieurs reprises, depuis le recensement organisé par le gouvernement en février de cette année jusqu'à une pétition de 4 200 noms qu'ils ont déposée aujourd'hui... et je renvoie à vos propres estimations ici, alors que vous évaluez qu'environ de 29 à 32 p. 100 des pentecôtistes ont voté oui, ce qui veut dire que les autres ont voté non. En d'autres mots, une importante majorité de ce groupe a voté non. Ne semblerait-il pas prudent et sensé et correct de consulter les pentecôtistes pour connaître leurs souhaits sur cette question? Ne devrions-nous pas respecter leurs souhaits?
M. Mark Graesser: Il est certainement approprié d'essayer de connaître leurs souhaits. Il reste la question de savoir comment s'y prendre.
• 1305
Je suis passablement confiant que les dirigeants des
assemblées de la Pentecôte, qui ont témoigné devant vous, ainsi que
les porte-parole de l'une des écoles de St. John's, représentent
probablement bien leurs membres. Ils obtiennent un grand nombre de
signatures pour les pétitions, par exemple, ce qui porte
raisonnablement à croire qu'ils représentent leurs membres. Mais je
pense qu'il faut ajouter une mise en garde, à savoir que les porte-parole
des diverses catégories religieuses à Terre-Neuve devraient
être jugés en fonction des preuves que ces dirigeants avancent
selon lesquelles leurs membres appuient en fait leur position.
En ce qui concerne les pentecôtistes, je dirais que c'est le groupe qui présente le plus petit doute. Je les considérerais comme la confession la plus démocratique de Terre-Neuve.
M. Peter Goldring: Je me réfère à vos propres statistiques ici, où vous indiquez qu'il s'agissait uniquement d'une minorité d'une minorité qui a voté en faveur de cette motion. De toute évidence, ceci indiquerait, selon vos propres statistiques, qu'ils n'étaient pas en faveur de cette modification. Ma question par conséquent est véritablement la suivante, qu'est-ce que «droits constitutionnels enchâssés» signifie? Est-ce que cela signifie simplement que la prochaine majorité peut se présenter et éteindre cette minorité lorsqu'elle souhaite et veut le faire? Autrement dit, y a-t-il une signification à l'enchâssement des droits des minorités s'ils peuvent tout simplement être éliminés par une majorité?
M. Mark Graesser: Selon mon analyse de la question, ce que vous retrouvez dans la clause 17, c'est une configuration particulière du système scolaire selon laquelle certaines Églises désignées doivent avoir le droit de diriger des conseils scolaires... et s'il doit y avoir ségrégation des enfants et qu'on doit les envoyer dans des écoles différentes. La première partie de cette question a été éliminée en partie en 1995, mais dans la mesure où il y avait toujours la possibilité d'avoir des écoles soi-disant uniconfessionnelles, il y avait toujours cet élément qui était présent.
J'hésite à parler de «droits», autrement que pour dire qu'il s'agit d'une disposition avantageuse particulière. À mon avis, ce n'est pas de la même nature que des droits enchâssés de pratiquer librement votre religion et de croire. Il s'agit d'une organisation du système d'éducation qui a permis à certains groupes d'occuper une place privilégiée et à d'autres de ne pas avoir une place privilégiée. Je suis frappé par le fait que l'enchâsser, comme vous dites, signifie... De toute évidence, il y a une garantie constitutionnelle solennelle que les assemblées législatives ne peuvent contourner tant que la Constitution n'est pas amendée. Mais si la Constitution est amendée à la suite d'une procédure établie... et nous avons finalement un système d'amendement, depuis 1982 et, pour ce faire, nous devons maintenant, pratiquement par convention, démontrer par le biais de référendums que c'est largement appuyé par le public. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas une garantie pour toujours.
C'est ce que j'en pense. L'arrangement était là. Dans la mesure où il était là pour toutes les confessions, les pentecôtistes devraient certainement en tirer profit. Mais si on l'élimine pour toutes les autres confessions, probablement qu'il devrait en être de même pour eux.
M. Peter Goldring: Je suis d'accord qu'une Constitution devrait être vivante et dynamique, et non quelque chose de figer pour toujours; mais si elle fait référence à une identité précise—ils ont mentionné les pentecôtistes, je crois—ne croyez-vous pas qu'ils devraient être les personnes à consulter quant à savoir si vous redonnez vie à cette constitution; autrement dit, savoir si vous allez modifier cette constitution? Ne devraient-ils pas être les personnes à consulter; pas la grande majorité, mais la minorité à qui il est fait précisément référence?
M. Mark Graesser: À mon avis oui, ils devraient être consultés par l'assemblée législative élue démocratiquement lorsqu'elle prend sa décision au nom de toute la société. Consultation ne veut pas nécessairement dire obtenir un consentement absolu ou un veto. On doit parvenir à un équilibre, et on devrait de toute évidence accorder un certain poids aux souhaits exprimés des personnes touchées, mais non un veto absolu, en autant qu'il n'y ait pas interférence avec ce que je considérerais comme étant leurs droits fondamentaux—non pas les droits de leur catégorie ou de leur groupe d'avoir des écoles exploitées même les deniers publics, mais plutôt de pratiquer leur religion. En ce qui me concerne, c'est une tout autre question.
M. Peter Goldring: Je vous dirais que les derniers groupes qui ont comparu, les groupes autochtones, ne seraient absolument pas d'accord avec cet énoncé. Qu'en pensez-vous?
M. Mark Graesser: Je crois qu'il y a certains droits inhérents que les peuples autochtones ont et qui, comme nous le savons, sortent petit à petit pour ce qui est d'obtenir une reconnaissance plus grande tant dans la loi constitutionnelle que dans d'autres lois. Leur fondement est quelque peu différent, mais il ne fait aucun doute dans mon esprit que les non-autochtones sont tous partie à la Constitution du Canada, y compris sa formule d'amendement.
M. Peter Goldring: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Madame Caplan.
Mme Elinor Caplan: Merci beaucoup pour ce mémoire très intéressant.
Nous en avons appris beaucoup sur l'histoire et l'évolution de cette question dans la province de Terre-Neuve et du Labrador. J'ai trouvé que les résultats du sondage mené dans le cadre de la commission royale de 1991 étaient particulièrement utiles. Dans ce sondage, est-ce qu'on a demandé aux gens d'indiquer le groupe religieux auquel ils appartenaient?
M. Mark Graesser: Oui, on leur a demandé quelle était leur religion, et les données recueillies correspondent précisément à celles du recensement.
Mme Elinor Caplan: S'attendait-on, à la suite de cela, qu'on pourrait devoir demander un amendement constitutionnel pour apporter les changements envisagés par ce sondage?
M. Mark Graesser: Oui. La commission royale Williams savait très bien que pour mettre en place un système scolaire unifié non confessionnel nécessiterait soit le consentement des Églises ayant des droits—qu'elles accepteraient ce changement sans le contester en vertu de la clause 17—ou une modification à la clause 17. C'est d'ailleurs ce qui est dit dès la première page.
Je sais que la commission a trouvé cette question extrêmement difficile à traiter, mais les membres avaient parcouru toute la province. Ils avaient tenu des audiences très nombreuses, ils avaient en main les données du sondage et ils ont dit que c'était la seule conclusion à laquelle ils pouvaient tenir pour enrayer les inscriptions à la baisse, régler les problèmes financiers, et le fait que la plupart des habitants de Terre-Neuve—pas tous; ils ont certainement entendu les mêmes témoignages que vous—semblaient prêts à accepter un système unique. Ils ont dit que c'était ce qu'ils proposaient, que les Églises pouvaient y mettre un frein en vertu de la clause 17 si elles le voulaient, mais qu'ils espéraient que les Églises seraient d'accord de ne pas y mettre fin. Telle était la situation, et tout le monde le savait.
Mme Elinor Caplan: Le fait que tout le monde le savait me porte maintenant à poser ma prochaine question. J'ai demandé à de nombreux témoins si les gens comprenaient la question. Cette question a d'ailleurs été soulevée. Au fil du temps, si on revient au moment du débat avant l'établissement de la commission royale, la commission royale elle-même et le fait qu'il y avait eu deux référendums, croyez-vous que les gens comprenaient ce sur quoi ils votaient lors du référendum? C'est la première question.
Deuxièmement, de votre point de vue, en tant que professeur, pensez-vous que le vote unanime à l'assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador reflétait le fait que les législateurs croyaient que les citoyens de la province comprenaient la question?
M. Mark Graesser: Bien, je répondrais oui aux deux questions.
Comme je l'ai dit dans mon mémoire, certaines personnes ont laissé entendre que la question «Appuyez-vous un système scolaire unique dans lequel tous les enfants, quelle que soit leur affiliation religieuse, fréquentent les mêmes écoles...» était une question évidente. Qui serait en désaccord avec un tel énoncé? C'était le noyau résiduel du litige à Terre-Neuve. Ce n'était pas le fait d'enseigner la religion à l'école. Ça n'a jamais été le litige.
La question de savoir qui contrôlait quoi n'était pas vraiment un problème non plus. Les conseils scolaires confessionnels étaient principalement intéressés aux questions d'éducation, non pas à se livrer des batailles confessionnelles. Pour la plupart des gens, les questions résiduelles étaient de savoir si les enfants iraient dans des écoles distinctes, et tout ce qui découlait de cela. Comment décidez-vous du genre d'école—uniconfessionnelle, interconfessionnelle? Quelle ville? Est-ce que les autobus se croisent?
• 1315
Ce n'était donc pas une question de relations publiques, comme
certaines personnes l'ont laissé entendre. Je pense que c'était une
question significative. Je pense que les gens la comprenaient.
Qu'ils en aient compris toutes les répercussions, je ne pourrais
dire, mais ils avaient certainement l'impression qu'ils la
comprenaient, je pense beaucoup mieux que celle de 1995.
Mme Elinor Caplan: Enfin, pour ce qui est de la consultation des groupes touchés par ce débat que nous avons en ce moment, les différentes perspectives et les différents points de vue, je suppose, étaient connus à Terre-Neuve depuis l'institution de la commission royale ou avant, et chacun des membres de l'assemblée législative provinciale qui ont voté en faveur de la nouvelle clause 17 aurait eu la possibilité d'entendre tout ce qui s'est dit sur la question avant la tenue du vote.
Y a-t-il eu ce genre de consultation des électeurs? Y a-t-il eu d'autres événements que vous connaissez qui constitueraient une consultation et dont nous devrions connaître l'existence?
M. Mark Graesser: Je pense qu'il y a eu trois occasions publiques de consultation à l'égard de ce processus, dans les dernières années.
La première, la commission royale a tenu en 1991 et en 1992 entre 60 et 100 audiences partout dans la province. Tous les groupes ont présenté des mémoires.
La deuxième, lors des audiences du comité sénatorial de la justice sur la première modification à la clause 17, au cours de l'été de 1996—certains sénateurs étaient présents à cette occasion—il y a eu des audiences publiques.
Enfin, en prévision de l'adoption de la clause 17 à l'automne de 1996, le ministre de l'Éducation, M. Grimes, a tenu quelque 20 audiences publiques un peu partout dans la province sur la façon de mettre en oeuvre le nouveau système, sur la façon de désigner les écoles et ainsi de suite.
Ce sont là les trois occasions publiques. Évidemment, les représentants des comités de l'enseignement confessionnel, tels M. Fagan et M. Regular, ont eu régulièrement accès au gouvernement tout au long du processus. Il y a toujours une consultation avec eux. Ils sont les liens officiels pour ce qui est des conseils entre les Églises respectives.
Mme Elinor Caplan: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Monsieur Doyle.
M. Norman Doyle: Merci, madame la présidente.
Je suis très heureux que vous soyez venu nous rencontrer, monsieur Graesser, parce que vous apportez des précisions à une partie de ce qui semblait confus pour moi. Nous avons entendu les propos du ministre des Affaires intergouvernementales à la Chambre des communes, M. Dion, qui est également le président du Conseil privé. Lorsqu'il a présenté sa résolution, il a dit que le référendum recevait un appui raisonnablement élevé des citoyens du Labrador, y compris des minorités touchées.
Maintenant, les pentecôtistes et les catholiques nous présentent des mémoires. Ils disent qu'à de nombreuses reprises ils n'ont pas voté pour renoncer à leurs droits en matière d'éducation. Vous avez confirmé, du moins en ce qui concerne les pentecôtistes, que 70 p. 100, ou presque 70 p. 100, de ces gens n'ont pas voté pour que leurs droits en matière d'éducation soient supprimés.
Vous apportez donc des éclaircissements sur ce point confus en ce qui me concerne. Comme vous le savez, on m'a réprimandé dans ma propre province sur cette question précise. Le fait de dire que les pentecôtistes n'ont pas voté en faveur de cette modification était en quelque sorte une erreur.
Oublions tout cela et passons à un autre aspect de la question, en tant que politicologue et en tant que personne concernée par le processus électoral, vous avez beaucoup plus qu'un simple intérêt dans cette question. Quelle est votre opinion sur le fait de divulguer la clause 17 seulement 16 heures avant l'ouverture des bureaux de scrutin par anticipation et une semaine avant la tenue des élections? Est-ce une bonne façon de faire?
Ici, nous modifions la Constitution du Canada; de nombreuses personnes autour de la table ont indiqué que c'était un processus très compliqué; et cette nouvelle clause a été divulguée 16 heures avant l'ouverture des bureaux de scrutin par anticipation. Est-ce une bonne façon de faire?
• 1320
C'est une question très complexe. Comment équilibrez-vous cela
avec vos commentaires que les gens savaient en fait ce sur quoi ils
votaient alors que cette clause très complexe n'était communiquée
que 16 heures avant l'ouverture des bureaux de scrutin par
anticipation?
Plusieurs personnes sont venues témoigner devant notre comité et disent que les répercussions sur la Charte des droits et libertés seront considérables. Il y a une personne de l'Association canadienne des libertés civiles qui a dit qu'il y a eu des répercussions considérables pour l'engagement sur les libertés civiles et politiques.
Donc, comment équilibrez-vous cela avec les commentaires selon lesquels les gens savaient en fait ce sur quoi ils votaient et que c'est une bonne façon de faire? De toute évidence, ce n'est pas une bonne façon de faire lorsque vous avez une question très complexe comme celle-ci qui est divulguée au public au beau milieu de l'été, 16 heures avant l'ouverture des bureaux de scrutin par anticipation. Déjà que nous pouvons à peine étudier cette question autour de la table, et nous avons lu des masses de documents de recherche.
Pensez-vous que les gens de Terre-Neuve et du Labrador savaient en fait ce sur quoi ils votaient et quelles en étaient les répercussions sur la charte et l'engagement sur les libertés civiles?
M. Mark Graesser: Tout d'abord, mon impression est qu'il aurait été beaucoup plus approprié si le gouvernement avait communiqué le libellé de la modification proposée au même moment où il a annoncé la tenue d'un référendum et communiqué la question. Ce point est bien reçu. C'était mon impression à ce moment-là.
Ceci étant dit, j'ai tout de même quelques doutes quant à savoir si les gens comprenaient les répercussions du vote, parce que par rapport à 1995, le libellé de l'amendement constitutionnel était vraiment le coeur de la question, et ce libellé... Nous savons maintenant que non seulement il n'était pas compris des électeurs, mais qu'il n'était pas compris non plus par un grand nombre d'avocats.
M. Norman Doyle: Vous avez raison.
M. Mark Graesser: Le premier ministre du temps, M. Wells, m'a assuré qu'il le comprenait, mais je pense qu'il a eu des doutes depuis, d'après les remarques que j'ai entendues.
En 1997, à la décharge du gouvernement, je pense, le libellé de la modification était entièrement... bien, je ne devrais pas dire entièrement—en grande partie conforme à la question référendaire. La principale incertitude qui a subsisté jusqu'à ce qu'on connaisse le libellé de l'amendement constitutionnel était de savoir précisément de quelle façon la religion serait intégrée comme matière scolaire dans le langage constitutionnel. Comme vous le savez, c'est toujours une question difficile.
Mais c'était fondamentalement conforme. J'ai dit que les Églises n'auraient plus aucun rôle à jouer, que c'était ce qui était promis, mais qu'il y aurait certaines garanties à l'égard de la religion et du droit d'avoir des cérémonies religieuses.
Dans cette mesure, je pense que le langage constitutionnel n'était pas une surprise pour qui que ce soit et que par conséquent les gens n'avaient pas de doute quant à ce sur quoi ils votaient. Mais je suis d'accord qu'il aurait été de beaucoup préférable d'avoir dit dès l'annonce que c'est la question, et que c'est l'amendement constitutionnel qui suivra si la majorité vote oui.
M. Norman Doyle: Précisément, je suis d'accord.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Doyle.
Sénateur Gigantes, puis M. DeVillers.
Le sénateur Philippe Gigantès (De Lorimier, Lib.): Merci, madame, et merci, monsieur.
Y a-t-il d'autres politicologues fiables, comme vous-même, qui ne sont pas d'accord avec vous quant à ce que signifiait le vote?
M. Mark Graesser: Voulez-vous dire que mon avis au sujet du...
Le sénateur Philippe Gigantès: Pour ce qui est des nombres, et combien au sein de chaque communauté minoritaire ont voté oui et combien ont voté non.
M. Mark Graesser: Autant que je sache, je suis la seule personne à avoir effectué cette analyse, et je n'ai certainement rien entendu de qui que ce soit d'autre à ce sujet.
Le sénateur Philippe Gigantès: Vous avez également parlé d'inférence écologique. Pourriez-vous éclairer ma lanterne s'il vous plaît?
M. Mark Graesser: Si nous réalisons un sondage de l'opinion publique, par exemple, sur un vote, tel que l'indique le sondage de 1991, nous pouvons demander à chaque personne «Comment avez-vous voté?», par exemple et «Quelle est votre religion?». Nous pouvons alors établir une corrélation et en venir à une certaine conclusion quant au pourcentage de catholiques qui ont voté oui et non, et quant au pourcentage de protestants qui ont voté oui et non. Sous réserve de la marge d'erreur qui accompagne un échantillonnage lors d'un sondage, nous pouvons dire avec certitude de quelle façon les différents groupes ont voté.
L'inférence écologique signifie que nous allons essayer d'inférer ce que les personnes ont fait à partir... Nous disons qu'elle est écologique parce que ce n'est pas l'information au sujet de chaque personne. Nous obtenons plutôt un pourcentage de personnes dans un district qui ont voté oui; nous avons un pourcentage de personnes qui peuvent être catholiques; et nous pouvons constater que plus les pourcentages de catholiques sont élevés, par exemple, peut-être que plus les pourcentages du non sont élevés. De cette constatation nous tirons des conclusions.
C'est ce qui se fait tout le temps en politique. Les gens disent, ce sont des circonscriptions rurales, ce sont des circonscriptions urbaines, ce sont des circonscriptions ethniques, ce sont des circonscriptions catholiques. Les Libéraux réussissent bien dans les circonscriptions ethniques. Les Conservateurs réussissent bien dans les circonscriptions rurales. C'est l'inférence écologique, mais ce sont des données brutes et approximatives.
Tout ce que nous avons fait dans le présent cas, c'est de raffiner ce processus de façon très importante afin que nous puissions effectuer des calculs beaucoup plus précis en ce qui concerne les proportions au niveau individuel, même si nos données de départ sont ces pourcentages totaux.
Le sénateur Philippe Gigantès: Merci, monsieur. Au tableau 4, la question 27 se lit comme suit:
Est-ce qu'on a informé les gens qu'il pouvait y avoir des personnes de certaines confessions qui enseignent des croyances religieuses contraires aux dispositions de la charte?
M. Mark Graesser: De toute évidence, on n'a rien dit aux gens. Il s'agissait d'un sondage de l'opinion publique. On leur a posé ces questions. Ce que le répondant avait en tête quant aux contingences, etc., nous ne le savons pas, nous pouvons seulement le deviner.
Le sénateur Philippe Gigantès: Il y a une école à Montréal, une école fondamentaliste islamique, qui donne un enseignement religieux selon lequel les femmes sont classées...
M. Mark Graesser: Oui, je comprends.
Le sénateur Philippe Gigantès: ...comme des non-personnes, pratiquement, et selon lequel la mutilation sexuelle des femmes est considérée comme une bonne pratique religieuse. J'ai entendu deux femmes qui appartiennent à cette foi, qui ont été élevées au Canada, qui détiennent toutes deux des doctorats, indiquer à la télévision d'État qu'il s'agissait là d'un droit des minorités religieuses et qu'on ne devrait pas s'immiscer dans cette question.
M. Mark Graesser: Bien, monsieur, je crois qu'il est évident qu'il n'y a personne à Terre-Neuve qui a répondu à cette question et qui envisageait cette possibilité. Par contre, je pense qu'il est raisonnable de supposer que ces personnes ont agi en fonction de leur compréhension du comportement des enseignants à Terre-Neuve et du comportement des habitants de Terre-Neuve, et que dans l'ensemble ce sont des personnes tolérantes l'une envers l'autre. De façon générale, ce ne sont pas des personnes doctrinaires. De fait, certaines en ont fait l'expérience. J'ai connu des enseignants protestants qui ont travaillé—et c'est la réalité—dans le système catholique, et ils ont enseigné le cours d'enseignement religieux catholique à partir des documents.
Je pense donc que lorsque les gens ont répondu à cette question, c'était selon l'hypothèse qu'ils parlaient des gens en fonction d'une certaine expérience très tolérante et libérale et où les gens se respectent mutuellement et où on peut attendre d'un professeur qualifié qu'il fasse bien son travail.
On soulève peut-être une question ici. Dans quelle mesure est-ce qu'un cours d'enseignement religieux dans une école est un cours en doctrine, et dans quelle mesure est-ce un cours portant sur les questions générales en religion? Encore une fois, c'est une question de réalité; dans l'ensemble, l'enseignement religieux à Terre-Neuve a cessé depuis longtemps d'être doctrinal. On y enseigne les valeurs chrétiennes fondamentales et même les valeurs universelles. Mais on n'y enseigne pas les valeurs particulières, je ne pense pas, comme c'est le cas dans cette école dont vous parlez.
Le sénateur Philippe Gigantès: Je suis bien heureux de vous l'entendre dire, monsieur. De fait, je savais déjà que les habitants de Terre-Neuve étaient des gens bien.
M. Mark Graesser: Tout à fait.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers: Merci, madame la présidente.
Merci, Monsieur Graesser. Je suis heureux de faire enfin votre connaissance, parce que votre réputation vous a précédé à ce comité. Des témoins des deux côtés ont fait référence à vos travaux, les témoins pentecôtistes favorablement, parce que votre position appuie la leur, et certains témoins catholiques moins favorablement.
Sur ce point d'ailleurs, certaines allégations ont été faites relativement à votre objectivité, allégations selon lesquelles vous militez contre les écoles confessionnelles dans la province et que vous vous en prenez à ces écoles. Par conséquent, les auteurs de ces allégations n'accepteraient aucun de vos travaux ou de vos résultats comme étant factuels. En toute équité, je pense qu'on devrait vous donner l'occasion de répondre à ces allégations.
M. Mark Graesser: Je serais curieux de savoir exactement ce qui s'est dit.
Premièrement, en ce qui concerne mes propres opinions, comme vous pouvez peut-être le déduire d'après ce que je dis ici, je suis porté à être, comment dirais-je, très sceptique à l'égard d'un grand nombre des prétentions faites au nom du système confessionnel. Je suis fondamentalement un libéral qui croit aux droits individuels. J'ai constaté que ce système contredit les droits individuels, et cela m'a dérangé. Toutefois, je n'ai jamais milité publiquement dans un sens ou dans l'autre. Mes propos aujourd'hui sont de loin les déclarations les plus fortes que j'ai faites sur le sujet, et la première question m'a amené à l'aborder.
J'ai fait des recherches sur le sujet d'un point de vue académique et scientifique depuis de nombreuses années sans que je sois mêlé à la question. Fondamentalement, ce qui m'a poussé à effectuer ces recherches, c'est mon intérêt pour... Je suis sceptique lorsque des porte-parole prétendent dire ce que les gens croient sans vérifier d'abord avec ces gens. J'ai une expertise professionnelle dans ce domaine.
Avant le début de mon témoignage ici, quelqu'un m'a remis une feuille qui, apparemment, vous aurait été remise par le professeur Knoechel de notre département de biologie, feuille qui commentait l'article que j'ai rédigé dans le journal. Dans mon mémoire, j'ai ajouté une annexe portant sur la méthodologie. Le professeur Knoechel n'a jamais daigné me demander de quelle façon j'avais effectué mon travail. Ce qu'il a fait, en autant que je puisse voir, c'est d'adopter une approche brute, qui est totalement remplacée par la méthode que j'ai utilisée. Je ne savais même pas qu'il était un sociologue, et encore moins quelqu'un qui était intéressé à la question.
Tout ce que je vous ai présenté ici se fonde sur des preuves rigoureuses, soit une analyse statistique réalisée à partir de procédures établies, soit des recherches d'enquêtes, et encore là reposant sur des normes élevées. Il n'est jamais arrivé que qui que ce soit conteste la validité d'une enquête que j'ai réalisée.
Je crois donc que tout repose sur le fait que je suis prêt à réagir à une critique de bonne foi à l'égard de ma méthodologie. J'enseigne la méthodologie aux étudiants et je leur dis, écoutez, nous devons composer avec nos valeurs personnelles et nous astreindre, lorsque nous effectuons un travail scientifique, à le rendre public, à supporter les données, quelle que soit leur orientation.
Qui sait? Je suppose que j'aurais préféré voir une majorité des pentecôtistes voter oui également. Mais ce n'était pas le cas, c'est ce que disent les données.
M. Paul DeVillers: Merci.
La seule question portait sur la clarté de la question et ce sur quoi les gens votaient et ce qu'ils comprenaient au moment de voter. Avez-vous fait des sondages de suivi ou êtes-vous au courant de l'existence de sondages de suivi réalisés après la tenue du référendum et visant à déterminer ce que les gens pensaient au moment de voter?
• 1335
J'utilise l'exemple du référendum au Québec en 1995. On a
effectué des masses d'enquêtes et de sondages et on a demandé aux
gens ce qu'ils pensaient qu'était l'objet du vote et ce qu'ils
comprenaient quant aux conséquences du vote.
Est-ce que la même chose s'est produite dans le présent cas?
M. Mark Graesser: J'ai réalisé moi-même une enquête et les résultats n'ont commencé à sortir que dans les derniers jours. Je n'ai pas vu les résultats, mais il y a un nombre de questions dans l'enquête où on demande aux gens si la question était claire, etc. Je ne peux pas vous parler encore des résultats, si ce n'est que je ne suis pas au courant de quoi que ce soit.
M. Paul DeVillers: Compte tenu des allégations selon lesquelles les gens ne comprenaient pas, pouvez-vous expliquer pourquoi aucune enquête n'a été faite jusqu'à maintenant?
M. Mark Graesser: Je n'ai aucune explication. Des groupes d'intérêts spéciaux, je suppose, auraient intérêt à le faire. En ce qui me concerne, ce qui me motive à faire une telle enquête, compte tenu des ressources très limitées dont je dispose, c'est que je continue à m'intéresser à savoir ce que les gens pensent de ces questions; c'est un intérêt purement académique. En temps opportun, les résultats de mon enquête seront connus. Je n'ai pas été en mesure de le faire plus tôt parce que je compte sur des étudiants pour réaliser les entrevues. Ils ont été formés sur la façon de le faire en premier lieu. C'est donc une question de choix du moment.
D'après les propos que j'ai tenus, il devrait être évident que je pense vraiment que les gens ont compris la question. Dans une certaine mesure, c'est fondé sur une impression, mais une impression éclairée par les résultats de mes enquêtes exhaustives précédentes dans lesquelles j'ai posé de nombreuses questions sur la sujet.
Je pense que le public en était arrivé au point où c'était un test dont un seul facteur était déterminant, la position des gens. Encore une fois, même si je dis que la frustration était palpable en juillet, je pense que le soulagement était aussi palpable lorsqu'on a fait l'annonce du référendum. Les gens avaient peine à croire que cela pouvait arriver, mais ils ont dit «enfin, nous allons pouvoir régler la situation. Voici la question, oui ou non».
M. Paul DeVillers: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Il nous reste deux membres qui veulent poser des questions et nous devons tenir compte du temps qui passe.
Sénatrice Pearson et monsieur Schmidt.
La sénatrice Landon Pearson: Je serai brève.
J'aimerais faire deux commentaires, le premier au sujet du référendum et le deuxième au sujet des droits. Je vais les faire en même temps et peut-être que vous pourriez alors avoir un commentaire en guise de réponse.
Personnellement, je pense qu'il n'y a rien de tel qu'un vote secret. Les pétitions et toutes les autres façons d'évaluer l'opinion, y compris le questionnaire, à franchement parler sont probablement moins fiables que le vote secret où les gens ne subissent aucune pression pour répondre d'une façon particulière. Il faut souvent plus de courage pour ne pas signer une pétition que pour la signer. On a eu recours aux pétitions et aux autres mécanismes pour étayer l'appui et ainsi de suite. J'aimerais un commentaire à ce sujet.
Je comprends la méthode et la méthodologie m'a fascinée. J'ai beaucoup de respect pour elle. Ce n'est pas vraiment de cela dont je parle; je parle de l'autre façon de sonder l'opinion publique, par voie de pétition ou autrement. C'est un premier commentaire.
Je suis convaincue que lorsque les gens ont voté à Terre-Neuve lors du référendum, ils ont voté par rapport à la question. C'est vrai que la nouvelle clause aurait dû être communiquée plus tôt, mais ce n'était pas vraiment ce qui était inscrit sur le bulletin de vote. Sur le bulletin de vote, c'était la question n'est-ce pas?
M. Mark Graesser: Oui.
La sénatrice Landon Pearson: C'était en rapport avec le référendum.
Mon deuxième commentaire est le suivant. Je crois comprendre que la Cour suprême a défini un droit des minorités à l'éducation comme ne faisant pas intervenir un droit au financement public. Donc, lorsque nous parlons des droits confessionnels à l'éducation, cela ne signifie pas nécessairement que si ce qui se produit en ce moment correspond à une diminution de ce droit fondamental précis. Ce dont il est vraiment question, c'est la diminution du droit au financement public pour les confessions.
M. Mark Graesser: Je vais d'abord répondre à la deuxième question.
Pour commencer, je ne parlerai pas de la jurisprudence, c'est-à-dire ce que les tribunaux peuvent avoir déclaré exactement comme étant un droit des minorités à l'éducation. De toute évidence, ce dont il était question à Terre-Neuve, en partie, c'était le financement public des écoles confessionnelles séparées, mais il y avait aussi la question de la réglementation publique des écoles confessionnelles. Fondamentalement, bien que les écoles, tel que vous l'ont fait remarquer des témoins précédents, allaient admettre les enfants des autres confessions, ces enfants étaient à la toute fin de la liste et on ne leur avait pas permis de participer à certains programmes, et il était également question de l'embauche et du congédiement des enseignants.
Il était donc question de la réglementation et du financement. Les Églises avaient reçu un pouvoir énorme qu'elles exerçaient, pour être justes, pour la plupart, indépendamment et depuis longtemps par l'intermédiaire des conseils scolaires pertinents. C'est là le litige.
Ce que les tribunaux en ont dit, je ne peux faire de commentaires.
Pour ce qui est de votre premier commentaire, que le vote lors d'un vote secret comporte une validité particulière, vous avez raison. Je ne suis pas un partisan des référendums. Je pense qu'ils sont dans une grande mesure une source importante d'injustices dans la société, en particulier pour régler des questions complexes comme celle-ci. Heureusement, la plupart des référendums canadiens ont été limités à deux questions, l'heure avancée et la prohibition des liqueurs alcoolisées. Je ne sais pas si le deuxième est simple, mais je pense qu'un l'est.
Lorsque nous avons une situation qui comporte de si nombreuses dimensions—et l'accord de Charlottetown en 1992 était une telle situation—c'est comme six aveugles qui regardent l'éléphant. Je vote non parce que je veux mes droits de minorité; je vote oui parce que nous avons besoin d'économiser de l'argent. Je pense que les législateurs élus, le compromis politique, sont le meilleur mécanisme pour régler ces questions. Quoi qu'il en soit, il est devenu de toute évidence impératif sur le plan politique que les amendements constitutionnels de nos jours—je parlerais pratiquement de convention constitutionnelle—reçoivent un appui, quoique l'expérience récente au Québec le dément, par un vote référendaire. Je pense que les preuves découlant d'un sondage sont un complément très utile d'un vote référendaire. Ainsi, vous pouvez faire ressortir les différentes dimensions de la question qui peuvent avoir donné lieu à une convergence sur un oui ou un non particulier.
Je pense que vous avez raison. Au moment de l'inscription, au début de 1997, une grande pression était exercée sur les parents catholiques en particulier pour qu'ils optent pour le système uniconfessionnel—une pression très explicite. Il en va de même évidemment pour les pétitions. Je pense qu'on ne devrait pas en tenir compte, dans une certaine mesure.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Graesser, d'être venu témoigner cet après-midi.
Vous indiquez que vous êtes un professeur de sciences politiques. Dans votre mémoire, vous faites valoir que la façon dont une question est formulée peut avoir une incidence sur les résultats, en particulier lorsque vous comparez les résultats du référendum de 1995 à ceux de 1997. Je pense que vous indiquez également que vous avez eu recours à une méthode statistique particulière pour ce qui est de tirer une inférence à partir de données écologiques. Je crois que la méthodologie est très intéressante. Toutefois, je ne suis pas tellement préoccupé par les nombres. Je pense que les nombres sont corrects.
La question que je veux vous poser porte sur la fiabilité et la validité des questions mêmes. Je me réfère en particulier à l'enquête de la commission en 1991. J'aimerais me reporter tout particulièrement à la question 28. Elle se lit comme suit:
Il s'agit d'une question ouverte. Pourtant, selon votre tableau, une réponse dit «même». Que signifie «même», et que signifie 86 p. 100 au total? Pourriez-vous donner des explications s'il vous plaît?
M. Mark Graesser: Ce n'était pas une question ouverte. Pour utiliser une terminologie technique, c'était une question «fermée», pour laquelle les gens avaient deux choix de réponses. Par souci de concision, je n'ai donné qu'une des options.
Leur premier choix était que les enfants devraient continuer comme ils le font actuellement, soit fréquenter des écoles séparées, ou ils devraient tous fréquenter les mêmes écoles. Compte tenu de ces deux choix, en éliminant ceux qui ont répondu «ne sais pas», soit probablement moins de 10 p. 100, 85 p. 100 ont dit qu'ils devraient tous fréquenter les mêmes écoles et 15 p. 100 ont dit qu'ils devraient continuer à fréquenter des écoles séparées en fonction de leur propre religion.
C'est ce que cela signifie. C'est simplifié.
M. Werner Schmidt: Alors, madame la présidente, je dirais que ce tableau est trompeur, fallacieux et inexact.
C'est indigne de vous, en tant que professeur de sciences politiques. Ceci ne devrait jamais être accepté. Vous nous avez fourni une explication, mais vous ne nous avez pas dit qu'il y avait cette division. Vous ne nous avez pas dit que les réponses respectives avaient trait à ces questions. Vous venez de nous dire qu'il y avait deux questions distinctes. Ce n'est pas ce qu'indique ce tableau.
M. Mark Graesser: Sauf le respect que je vous dois, je pense que vous faites tout à fait erreur.
M. Werner Schmidt: Je savais que vous diriez cela, mais...
M. Mark Graesser: J'ai cité précisément la question—le libellé exact—et j'ai donné ici les réponses, toutes les réponses. La plupart des réponses sont des choix entre accord/désaccord. J'ai donné les réponses «accord». Le pourcentage restant indique «désaccord».
Il est vrai que j'aurais peut-être dû mettre une note à la fin pour indiquer dans tous les cas de soustraire le pourcentage de 100 p. 100 pour obtenir l'autre réponse. Mais j'utilise souvent cette méthode lorsque je résume à des fins de comparaison plusieurs questions pour permettre aux lecteurs de voir la tendance.
Dans le présent cas, il y avait deux choix. Ils font partie de la question. J'ai donné le pourcentage des personnes qui ont répondu «a», si vous préférez, et les 15 p. 100 qui restent qui ont répondu «b».
M. Werner Schmidt: J'accepte votre explication. Je n'ai aucun problème à accepter votre explication. Je vous suggère tout simplement que vous ne fassiez plus ça à l'avenir, parce que ça peut être très trompeur. Si vous n'aviez pas fourni cette explication, on n'aurait pas pu tirer cette conclusion de ce résumé particulier. C'est tout ce que je veux faire valoir ici.
Je pense que ceci soulève une question tout à fait différente. Essayer de ramener quelque chose d'aussi important qu'un amendement constitutionnel, qui aura non seulement une incidence sur la province de Terre-Neuve mais aussi sur les autres provinces, à une série de nombres qui peuvent être mal interprétés, est je pense une entreprise très dangereuse.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Le sénateur Philippe Gigantès: Question supplémentaire?
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Une question très brève, sénateur Gigantès. Nous avons une autre question à débattre.
Le sénateur Philippe Gigantès: À votre avis, est-ce qu'une décision entraînant un amendement constitutionnel en vertu de l'article 43 pourrait avoir une incidence sur d'autres provinces, et ce malgré elles?
M. Mark Graesser: Non.
Le sénateur Philippe Gigantès: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, sénateur, et merci, monsieur Graesser, pour votre mémoire. Tel qu'on l'a dit, au cours des derniers jours vous avez été très présents à l'esprit des membres du comité. Nous apprécions beaucoup que vous soyez venus témoigner et nous vous en remercions beaucoup.
M. Mark Graesser: Merci, madame la présidente, et monsieur le président.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Chers collègues, avant de quitter, je devrais dire que je suis très consciente que nous avons encore des affaires en cours en ce qui concerne l'amendement proposé plus tôt par M. Schmidt. C'est un point dont on peut s'occuper maintenant ou plus tard.
Tous les membres devraient avoir une copie de la motion.
Mme Elinor Caplan: J'aimerais simplement faire un bref commentaire, si je peux me le permettre. J'ai fait partie de ce comité, j'estime que nous avons entendu les deux côtés. Je suis très consciente de l'histoire, et à franchement parler, madame la présidente, je considère cette motion tout simplement comme une tentative de retarder ce que je pense être le travail important du comité. Je m'oppose à tout retard. Je crois qu'un retard aurait une incidence négative sur les concitoyens de Terre-Neuve, qui s'attendent à ce que notre comité termine ses travaux dans un délai raisonnable.
Je demande que nous mettions la question aux voix puis que nous procédions. Je n'appuierai pas cette motion pour retarder les délibérations du comité.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous recueillons les noms. Nous avons Mme Folco, M. Schmidt et M. DeVillers.
M. Paul DeVillers: Mon commentaire a davantage trait à une question de procédure, à savoir si la motion est recevable étant donné que la Chambre et le Sénat auraient à se prononcer encore une fois sur l'ordre de renvoi au comité à la date précise qui est inscrite. Demander à nos coprésidents de faire des représentations à la Chambre et au Sénat sous-entend que la question devrait être soulevée à nouveau à la Chambre et au Sénat et qu'il y ait un vote.
M. Werner Schmidt: Je pense que les deux chambres ont donné le mandat, et je pense que c'est juste et légitime.
Mon appel, madame la présidente, ne porte sur rien d'autre que les répercussions du référendum. Je suis d'accord avec la sénatrice Caplan, de l'autre côté de la table, que...
Des voix: Oh! oh!
M. Werner Schmidt: Oh, je suis sur le point de vous nommer sénatrice.
Mme Elinor Caplan: Vous avez été vous-même nommé sénateur plus tôt.
M. Werner Schmidt: Madame la présidente, j'ai agi ainsi de façon délibérée parce que quelqu'un d'autre a fait de moi un sénateur plus tôt, j'ai donc pensé que je me devais de rendre la pareille.
Des voix: Oh! oh!
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous sommes heureux de vous compter parmi nous.
M. Werner Schmidt: Plus sérieusement, ce n'est pas que nous ne comprenons pas les questions. Je suis d'accord avec la députée d'en face. Je pense que je comprends les questions et je pense que le comité les comprend aussi. Je ne pense pas que ce soit la question. La question en ce qui me concerne est l'appel que je fais auprès des membres du comité est que nous comprenons clairement quelles sont les répercussions. Ce ne sont pas les questions, mais les répercussions, les répercussions juridiques et les répercussions partout au Canada. C'est tout à fait différent.
Madame la présidente, c'est là le fondement de mon appel. Rien d'autre. Nous devons régler quelque chose qui aura une incidence à long terme et qui touchera un grand nombre de personnes. Je ne pense pas que nous devrions adopter une position sur un sujet d'une telle importance et dire que nous devons lui faire respecter un échéancier particulier. Je pense que c'est là que se trouve le danger, et j'aimerais en appeler à chacun d'entre nous de considérer la question suivante avec soin. Pouvons-nous, dans le temps qui nous est alloué, saisir toutes les répercussions, pas les questions, mais les répercussions? C'est ma préoccupation. Je ne pense pas que nous disposions du temps nécessaire.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Madame Folco, puis le sénateur Gigantès, le sénateur Doody, et monsieur Doyle.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Je viens tout juste de recevoir la motion qui, je voudrais le souligner, est proposée seulement en langue anglaise. Je voudrais dire devant le comité que cette proposition présentée par M. Schmidt, qui se dit depuis plusieurs jours préoccupé par la sauvegarde des droits de minorités à travers le Canada, me semble jurer étrangement avec les vues qu'il présente devant le comité depuis plusieurs jours. Donc, je demanderais que cette proposition soit traduite en français, s'il vous plaît, et je voudrais aussi ajouter qu'en temps et lieu, je voterai contre la proposition. Merci.
[Traduction]
M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.): Je n'agis pas à titre de président en ce moment. La sénatrice Fairbairn est la présidente ce matin et cet après-midi.
Nous allons immédiatement traduire ceci, parce que c'est ce qu'il faut. Tout d'abord, la question est de savoir si oui ou non la motion est recevable. Je pense que c'était un rappel au Règlement qui a été soulevé.
Madame la présidente, si je peux me permettre, je ferai certaines suggestions quant au rappel au Règlement qui a été soulevé et quant à savoir si la motion est recevable ou non.
À mon avis, madame la présidente, sous réserve de votre avis, la motion est effectivement recevable. Elle ne mentionne aucune date précise pour ce qui est de l'extension du délai à demander aux deux chambres. Elle demande à la Chambre de considérer. Cela ne veut pas dire que l'une ou l'autre des deux chambres doit considérer.
• 1355
Toutefois, je soulignerais, à titre d'information, qu'il y a
eu un vote dans chacune des deux chambres. C'était la résolution
adoptée par la deux chambres. Cette résolution précise indiquait
nommément le 5 décembre comme la date du rapport.
Je ne crois pas qu'il appartienne à notre comité de contourner le Parlement. C'est dans l'esprit de ce que nous essayons de faire.
Ceci étant dit, en tant que membre du comité, je m'opposerai à cette motion. Selon moi, rien dans ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant n'indique que nous ayons prématurément mis un terme à nos délibérations.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Madame Folco, entre-temps, j'ai consulté nos deux greffiers. Ils m'ont fait savoir que dans les circonstances du dépôt d'une motion comme celle-ci aux comités, il n'est pas nécessaire de la faire traduire, à tort ou à raison.
Mme Raymonde Folco: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Sénateur Doody.
Le sénateur William Doody: J'invoque le Règlement, je présente une question de privilège ou autre. Lorsque cette question a été soulevée ici plus tôt ce matin, le sénateur Kinsella a demandé d'avoir la question. Je pense que la réponse de la présidente était qu'il n'y aurait pas de question présentée pour l'instant, mais qu'elle sera présentée une fois que nous aurons entendu tous les témoins.
Dois-je en conclure maintenant que nous avons entendu tous les témoins? Est-ce que le ministre de Terre-Neuve ne doit pas comparaître cet après-midi?
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Oui, il comparaîtra, sénateur.
Le sénateur William Doody: Donc, pourquoi est-ce que nous nous préoccupons de cette question? Nous avons obtenu l'assurance que ce serait fait une fois que nous aurons entendu tous les témoins. Un grand nombre de nos représentants ne sont pas ici en ce moment. C'est du jamais vu.
M. Gerry Byrne: J'agissais à titre de président à ce moment-là. Voulez-vous que je réponde?
La question qui a été déposée ce matin par M. Schmidt. Elle a été déposée par écrit à ce moment-là. À titre de président, j'ai demandé précisément au comité si on voulait reporter la question à la conclusion des témoignages. Je n'ai pas dit que ce serait à la conclusion des témoignages pour la présente réunion ou à la conclusion des témoignages dans le cadre des travaux du comité.
Par conséquent, sans causer préjudice aux délibérations du comité, à la conclusion des témoignages de la présente réunion, on a demandé au comité s'il voulait ou non traiter de la question. Le comité a décidé qu'il voulait traiter de la question. Il n'y a aucun conflit dans ce cas particulier, sénateur.
Le sénateur William Doody: Je m'excuse, mais je ne suis pas d'accord. Lorsque vous dites que vous allez attendre pour reporter la question jusqu'à la fin de tous les témoignages, on doit supposer que vous parlez de tous les témoignages, point.
M. Gerry Byrne: Sénateur, si tel est le souhait du comité, nous pouvons très certainement reporter le tout à la fin de tous les témoignages. C'est votre comité; ce n'est pas mon comité. Ce n'est pas le comité de quiconque.
Si le comité est d'accord, je suggère qu'à la conclusion de tous les témoignages, ce qui devrait être lundi vers 10 h 30, lorsque la ministre Dion aura comparu, alors nous pourrons rappeler la question et procéder à ce moment-là. C'est parfait, mais il est question de règle établie ici. J'ai simplement posé la question, voulons-nous débattre de la motion maintenant? À cette question, j'ai entendu oui.
Le sénateur William Doody: Je vous remercie de votre réponse, monsieur. Cela donne à tous les sénateurs du comité une chance de reconsidérer.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Dans la nature collégiale du comité, je suis d'accord avec la sagesse du comité et je lève la séance. Nous reprendrons les travaux à 15 h 30.
La séance est levée.