TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 26 novembre 1997
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn (Lethbridge, Lib.)): Chers collègues, nous reprenons nos délibérations sur l'amendement à la clause 17 des Conditions d'union de Terre-Neuve et, évidemment, du Labrador.
Cet après-midi, nous commencerons par un groupe de témoins. Nous accueillons le directeur administratif du Roman Catholic Education Committee, M. Bon Fagan; le très révérend James H. MacDonald, archevêque de St. John's et président du Catholic Education Council of Newfoundland and Labrador; et du cabinet Poole, Althouse, Clarke, Thompson & Thomas, M. Joseph S. Hutchings, conseiller juridique.
Messieurs, bienvenue et merci d'être venus nous faire part de votre point de vue sur ce sujet très important. Nous avons une heure et demie, et je suggérerais que nous commencions immédiatement par vos observations en espérant qu'elles nous laisseront suffisamment de temps pour vous poser beaucoup de questions. Sachez que les membres du comité sont très intéressés par notre sujet et auront certainement beaucoup de questions à vous poser. Merci beaucoup; veuillez commencer.
Le très révérend James H. MacDonald (archevêque de St. John's et président du Catholic Education Council of Newfoundland and Labrador): Merci. Je suis venu ici témoigner en faveur du maintien des droits des minorités en matière d'éducation dont jouissent les catholiques de Terre-Neuve et du Labrador.
Au nom des évêques de Terre-Neuve et du Labrador, je dois vous dire que les catholiques n'ont jamais indiqué qu'ils souhaitaient renoncer à ces droits en matière d'éducation.
Les parents ont le devoir et le droit de mettre leurs enfants dans des écoles qui reflètent leurs convictions religieuses. Ils doivent dont être absolument libres de choisir les écoles dans lesquelles ils veulent mettre leurs enfants.
À cet égard, les enseignants jouent un rôle crucial dans l'éducation des enfants qui leur sont confiés. C'est la raison pour laquelle ils doivent collaborer étroitement avec les parents et être prêts à les écouter dans le choix des valeurs qu'ils veulent inculquer à leurs enfants.
• 1535
Nous affirmons que les autorités civiles doivent garantir ce
droit parental et veiller à ce que les parents reçoivent leur juste
part des fonds publics pour avoir des écoles qui correspondent à
leurs valeurs. Cela s'applique non seulement aux écoles
confessionnelles, telles que nous les connaissons, mais à toutes
les écoles. Un tel droit n'est évidemment pas illimité. Les
gouvernements peuvent certainement appliquer des normes qui
s'appliquent uniformément à tous les groupes et écoles.
À Terre-Neuve et au Labrador, nous avons certes un moyen qui permet à différentes écoles de se regrouper sans que les parents de telle ou telle confession religieuse soient obligés d'abandonner entièrement leurs droits. L'école multiconfessionnelle qui résulte d'une telle entente est une solution pratique au dilemme de la viabilité d'une école, car elle permet à chaque groupe de conserver son droit d'élever ses enfants dans sa propre religion. Cette solution ne peut être rejetée alors qu'elle a fait ses preuves.
L'amendement proposé à la clause 17 contient un alinéa que nous jugeons très choquant, à savoir l'alinéa (2), qui stipule que:
Nous croyons que c'est la première fois que dans une démocratie occidentale un gouvernement décide de créer une religion d'État. Dans l'Église catholique, l'évêque local est chargé de définir le programme d'enseignement religieux approprié pour son diocèse. Au Canada, la Conférence canadienne des évêques a mis au point un programme d'enseignement religieux qui est accepté par les évêques de Terre-Neuve et du Labrador. Personne d'autre, même pas le catholique le plus qualifié, ou aucun autre organisme, n'a le droit de définir le contenu d'un enseignement religieux pour les enfants catholiques.
Nous trouvons choquant que les catholiques ne puissent plus avoir leur propre programme d'enseignement religieux alors que cela fait partie de leur système scolaire depuis quelque 150 ans. Nous ne sommes pas le moindrement rassurés lorsque nous entendons dire que le gouvernement pourra permettre aux catholiques d'avoir leur propre programme s'ils le demandent. À l'heure actuelle, nous jouissons d'un droit constitutionnel à une éducation religieuse qui nous est propre, que nous confions à nos propres enseignants. Les juristes se débattront de savoir si le gouvernement, même s'il le voulait, pourrait ou non permettre, aux termes de la modification proposée, un programme d'enseignement religieux particulier puisque toutes les écoles sauront non confessionnelles.
Il est évident que les catholiques, même si le gouvernement pouvait et voulait leur accorder la permission d'avoir leur propre programme d'enseignement religieux, ne pourraient être rassurés que ce programme serait dispensé par des enseignants catholiques qualifiés qui leur conviendrait. La modification à la condition 17 ne permet pas aux catholiques de décider qui enseignera leur religion à leurs enfants. Ce droit est laissé au conseil scolaire non confessionnel. C'est choquant et inacceptable.
Après l'inscription scolaire de février, à l'occasion de laquelle les parents de quelque 24 000 enfants catholiques ont exprimé leur préférence en disant qu'ils souhaitaient que leurs enfants soient élevés dans des écoles catholiques, le gouvernement de Terre-Neuve par l'intermédiaire de son ministre de l'Éducation, a demandé au conseil scolaire de passer outre aux voeux des parents. Le résultat fut que des écoles catholiques viables dans bien des endroits de la province ont été fermées sans aucune justification. Les parents estimaient qu'ils n'avaient pas le choix et devaient s'en remettre aux tribunaux. En tant qu'évêques, nous appuyons les parents dans cette décision.
• 1540
Quand on les traite de cette façon, il ne faut pas se
surprendre que les gens estiment encore une fois qu'ils n'ont
d'autre recours que de s'adresser aux tribunaux. Là encore, nous ne
pouvons que les appuyer. Même s'ils ont toujours été prêts à
essayer de trouver une solution politique au défit que présente
l'éducation à Terre-Neuve et au Labrador, les catholiques se sont
sentis trahis par le gouvernement.
Merci
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monseigneur.
M. Joseph S. Hutchings (conseiller juridique, Poole, Althouse, Clarke, Thompson et Thomas, Avocats et Notaires): Si le comité n'y voit pas d'inconvénient, je vais continuer et vous entretenir de certaines des questions d'ordre juridique.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Certainement.
M. Joseph Hutchings: Je vous dirais tout d'abord que pour ce qui est de l'histoire constitutionnelle canadienne récente, les délibérations touchant cette modification à la Constitution du Canada sont probablement les plus importantes depuis leur rapatriement de 1982 lui-même. Plusieurs autres modifications ont été adoptées depuis le rapatriement de la Constitution mais aucune d'entre elles n'a suscité tellement de divergences ni de controverses. Il y a une modification concernant les droits linguistiques au Nouveau-Brunswick. Je crois que les gens étaient en général d'accord. Comme vous le savez tous, une autre modification a permis d'ajouter le droit à l'enseignement pentecôtiste à Terre-Neuve. Là, cela satisfaisait tout le monde et cela a été adopté sans difficulté.
Dans le cas qui nous occupe, toutefois, il s'agit d'une situation qui consiste à retirer des droits garantis dans la Constitution. Cela touche des minorités. La modification elle-même est en cause de même que le processus d'amendement. Vous savez déjà, comme tout le monde, que le processus a été porté devant les tribunaux. Il y a des questions juridiques et constitutionnelles très importantes dont il faut tenir compte. Cette modification particulière à la Constitution va créer des précédents.
Je m'arrêterais sur un ou deux des points que nous avons soulevés dans notre mémoire. Ce mémoire a été remis au comité et je n'ai pas l'intention de vous le faire parcourir entièrement. Je vous recommanderais toutefois de le lire plus tard. Les questions juridiques sont abordées de façon très détaillée et nous n'avons pas le temps de les aborder maintenant.
J'aimerais commencer par la question relative à cet amendement, qui me semble la plus importante sur le plan juridique, et c'est la notion des droits des minorités. J'ai passé en revue les témoignages entendus par votre comité, et on semble penser que cet amendement ne concerne pas les droits des minorités. Je vous avoue que je vois mal comment on peut parvenir à cette conclusion.
Si vous considérez l'énoncé original, de 1949, de la clause 17—vous le trouverez à l'annexe B du mémoire que nous avons soumis—vous verrez de quels droits il s'agit ici. Ce sont les droits dont jouissait n'importe quelle catégorie de personnes à Terre-Neuve au moment de l'union. C'est donc un droit attaché à une catégorie, les membres d'une religion particulière. La catégorie des membres de la religion catholique a donc un droit, de même que la catégorie des anglicans. Ces droits sont propres à des minorités.
Inutile de dire que le groupe des chrétiens représentent une énorme majorité de la population de la province de Terre-Neuve et du Labrador. Mais les chrétiens ne détiennent pas un droit aux termes de la clause 17; cela n'a jamais été le cas, pas plus qu'aux termes de l'article 93 de la Constitution. C'est individuellement que les catégories ont un droit, et par conséquent chacune de ces catégories est une minorité, et le droit est propre à la minorité. Le droit de la catégorie des catholiques est le droit d'avoir des écoles catholiques; le droit des anglicans est le droit d'avoir des écoles anglicanes. La catégorie des catholiques n'a pas le droit d'exiger des écoles anglicanes pour les anglicans. Il ne s'agit donc pas d'un droit de la majorité, mais plutôt d'un droit des minorités.
• 1545
Dans la déclaration que nous avons soumise au tribunal, nous
faisons valoir, et c'est ce que nous venons vous dire ici
aujourd'hui, qu'il existe dans notre pays une convention
constitutionnelle selon laquelle les droits des minorités ne
peuvent être supprimés sans le consentement de ces minorités.
À la page 17 du mémoire que nous avons soumis, vous verrez une citation de l'honorable Stéphane Dion, qui a proposé la création de ce comité à la Chambre des communes le 27 octobre 1997. C'est une déclaration qui mérite votre attention.
En réponse à une question, il dit:
—j'imagine que là, il parle au nom du gouvernement du Canada—
Je vous ferai observer respectueusement qu'il est impossible de faire une distinction entre les droits linguistiques des minorités du Nouveau-Brunswick et les droits à l'éducation des minorités de la province de Terre-Neuve.
Le contraire reviendrait à prétendre que notre Constitution prévoit une hiérarchie de droits, et ce n'est certainement pas le cas. Personne ne prétend que les droits des Autochtones sont plus importants que les droits linguistiques ou que ceux-ci sont plus importants que les droits confessionnels. Dans tous les cas il s'agit de droits constitutionnels, et dans tous les cas, nous pensons qu'ils sont protégés par cette convention qui, à notre avis, existe dans ce cas particulier.
Quant à l'existence de cette convention, c'est certainement aux tribunaux d'en décider. Ils peuvent entendre les témoignages, assister aux contre-interrogatoires des experts et parvenir à une conclusion sur l'existence de cette convention. La première suggestion que nous avons à vous faire, c'est de ne pas autoriser ce processus d'une façon qui pourrait empêcher les tribunaux d'accomplir cette tâche.
Je veux être franc en ce qui concerne la position des gens dont je défends la cause devant le tribunal. Si l'amendement est adopté, s'il est adopté par la Chambre des communes du Parlement, selon toute probabilité mes clients demanderont de surseoir à la proclamation de cet amendement. Ils réussiront peut-être, peut-être pas.
Si l'amendement est proclamé, selon toute probabilité mes clients demanderont au tribunal de surseoir à l'application de toute loi qui pourrait en découler. Et, à mon avis, une telle requête risque fort d'être accordée, parce que cela ressemble beaucoup à la demande présentée au juge Barry en juillet 1997.
S'il y a une chose que nous voulons éviter, c'est de nous retrouver, en juillet 1998, devant un autre tribunal, avec une autre injonction, une autre année scolaire, 1998-1999, perturbée, avec tout ce que cela comporte d'inconvénients pour les enfants. À mon avis, la meilleure solution est de laisser les tribunaux prendre leur décision, de conserver le système actuel, qui fonctionne bien—et M. Fagan va vous en parler—de continuer à fonctionner une année encore, et de trouver une réponse très concrète à ces questions juridiques avant de se précipiter et d'adopter de nouveaux amendements qui risquent d'aggraver encore le chaos éducatif et d'introduire le désordre dans l'existence des enfants de Terre-Neuve.
Je veux soulever une autre question très rapidement; il s'agit des effets de la Charte canadienne des droits et libertés. Les gouvernements ne devraient pas considérer la Charte canadienne des droits et libertés comme leur ennemi. La Charte n'existe certainement pas dans le seul but d'entraver le pouvoir des gouvernements. En votre qualité de législateurs, vous devriez rechercher des moyens d'élargir et de compléter les droits fondamentaux dont il est question dans la Charte, comme la liberté de religion.
Cet amendement porte atteinte à la liberté de religion. Par contre, il favorise la liberté contre la religion. La liberté contre la religion est, en fait, un élément légitime de la liberté de religion, mais c'est un petit élément. Dans la situation actuelle, la liberté de religion est mieux servie lorsqu'on finance à même les fonds publics les écoles confessionnelles qui souhaitent profiter de ce financement. Cela est bien conforme à notre société multiculturelle, ce qui est confirmé par l'article 27 de la Loi constitutionnelle de 1982.
• 1550
Le multiconfessionnalisme n'est qu'un élément du
multiculturalisme, et devrait être encouragé dans notre pays.
Certains ont prétendu que la clause 17 n'était pas inclusive,
qu'elle introduisait en fait une discrimination contre les
catégories qui n'ont pas de droits aux termes de cette clause. Mais
l'histoire démontre que ce n'est pas un obstacle. Si vous
considérez ce qui s'est passé à Terre-Neuve en 1954, la classe des
assemblées pentecôtistes, qui n'avait pas de droits, a obtenu des
droits de l'Assemblée législative aux termes de la clause 17. À
l'époque, il s'agissait seulement de droits statutaires, qui sont
devenus plus tard constitutionnels.
La clause 17 n'est pas exclusive. Elle permet de reconnaître de nouvelles classes, et c'est d'ailleurs ce qui s'est produit. Toutefois, si vous supprimez les protections de la clause 17 et les protections équivalentes pour les autres Canadiens qui figurent dans l'article 93, le gouvernement ne pourra plus encourager la liberté de religion et financer les écoles confessionnelles comme par le passé.
J'aimerais vous recommander deux autres sources d'information. Dans le mémoire que nous avons déposé, à l'onglet 5 vous trouverez le rapport de la Division générale de la Cour de l'Ontario dans l'affaire Bal. Si vous voulez savoir à quoi ressemblerait un système scolaire séculier à Terre-Neuve aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés si cet amendement était adopté, reportez-vous donc à l'affaire Bal. C'est exactement ça.
J'aimerais également vous recommander de consulter l'onglet 11, une décision récente de la Cour suprême du Canada au sujet de la loi référendaire au Québec; il s'agit de l'affaire Libman. Vous verrez ce qui constitue un référendum juste aux termes de notre Charte canadienne des droits et libertés. M. Fagan, qui va vous décrire le dernier référendum à Terre-Neuve, va vous expliquer à quoi ressemble un référendum injuste.
Merci.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): J'invoque le Règlement; notre dernier témoin s'est référé à un rapport, et à de nombreuses reprises il a cité certaines pages et certains onglets de ce rapport. Madame la présidente, si nous n'avons pas ce rapport, toutes ces références ne veulent rien dire.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): C'est ce qu'on nous a donné.
M. Werner Schmidt: C'est ce que nous avons, mais ce n'est pas le rapport qu'il a mentionné.
M. Joseph Hutchings: C'est celui-ci. Il a été envoyé par messageries à M. Armitage le 14 novembre.
Le cogreffier du Comité (M. Blair Armitage): Après l'avoir photocopié, nous l'avons fait distribuer. Je présente mes excuses aux membres du comité. Il a raison, nous l'avons reçu par messageries. Je crois que le mémoire a été photocopié et envoyé. Je vais vérifier à mon bureau.
M. Werner Schmidt: Madame la présidente, c'est une question très complexe, et voilà un mémoire très important que les membres du comité n'ont pas sous les yeux, ce qui est un handicap certain.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Je suis tout à fait d'accord avec les membres du comité et je leur présente mes excuses. Si le comité le veut bien, nous allons entendre le reste de l'exposé. Pendant ce temps, M. Armitage va s'informer et déterminer ce qui est advenu de ce mémoire. Nous vous en donnerons des nouvelles le plus tôt possible.
Le sénateur William C. Doody (Harbour Main—Bell Island, PC): Excusez-moi, madame la présidente, mais aurons-nous l'occasion de discuter de ce document avec les témoins après que nous l'aurons reçu? De toute évidence, nous n'aurons pas cette possibilité maintenant.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous pourrons en discuter quand...
Le sénateur Noel A. Kinsella (Fredericton—York—Sunbury, PC): Si nous continuons comme vous l'avez suggéré, je propose que nous nous réservions le droit de convoquer à nouveau ce témoin, et que cette décision soit prise par ce comité mixte. C'est la seule solution équitable.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Sénateur Kinsella, je suis tout à fait prête à accepter cette motion, mais à condition que nous respections notre date limite.
M. Werner Schmidt: J'invoque encore une fois le Règlement, madame la présidente, car je considère qu'on a refusé certaines observations au comité. Mais malgré cela, sous prétexte de respecter une date limite, on va nous empêcher de faire notre travail comme il doit être fait.
• 1555
C'est une affaire assez grave, car ce témoin est venu de très
loin, et ce ne serait pas une petite affaire de le faire revenir de
Terre-Neuve. Madame la présidente, serait-il possible d'avoir cette
information d'ici à 20 minutes? J'imagine que cela ne doit pas être
si loin.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Monsieur Schmidt, ma première suggestion était de demander à M. Armitage d'aller voir le plus vite possible ce quÂil en était, ce qui nous permettrait de revenir sur ce sujet un peu plus tard.
M. Werner Schmidt: C'est une bonne idée, merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Quant à l'intervention du sénateur Kinsella, s'il est nécessaire de convoquer à nouveau le témoin, nous aurons certainement le temps de le faire. Merci.
Monsieur Fagan.
M. Bonaventure Fagan (directeur administratif, Roman Catholic Education Committee): Merci, madame la présidente.
Je commencerai par dire que le fait de me trouver ici ne m'excite pas particulièrement. J'ai l'impression d'avoir souffert au cours des deux dernières semaines, et j'imagine que cela va continuer pendant quelques jours encore. La vérité, pour m'exprimer le plus simplement et le plus honnêtement possible, c'est que vous pouvez vous regarder dans le miroir et vous dire à vous-même: «Cette situation est profondément embarrassante pour le pays.»
Dix-huit mois plus tard, nous voilà revenus à des amendements à la même clause de la Constitution. Quiconque est suffisamment honnête conclura immédiatement que le seul coupable dans cette affaire, c'est ce que nous appelons dans notre province la «morulogie». Le ministre Dion a raison: voilà un exemple de gouvernement très mal inspiré.
Je vous ai distribué un mémoire, mais faute de temps, je ne vous le lirai pas textuellement.
J'aimerais commencer par dire quelques mots au sujet du référendum proprement dit. Vous vous souviendrez—en tout cas, nous, nous nous en souvenons—de la conclusion du juge Barry, qui a déterminé que la Schools Act de 1996 était probablement contraire à la Constitution. Je parle de la loi actuelle, pas de celle qui est en préparation. Il est difficile de s'y retrouver.
Quoi qu'il en soit, au lieu de chercher à rectifier les lacunes de la Schools Act—des lacunes qui, soit dit en passant, avaient été portées à l'attention du gouvernement de Terre-Neuve avant l'adoption de cette Schools Act en décembre dernier—nous avons eu un référendum en vue d'une nouvelle modification de la Constitution.
Dans notre mémoire nous signalons les éléments de la question constitutionnelle et du processus référendaire qui nous ont semblé injustes. Notre pays, et vous-mêmes, le gouvernement fédéral, le Parlement fédéral, devez vous demander quelle est la procédure indiquée pour modifier la Constitution en vue de supprimer des droits des minorités.
Nous pouvons discuter, et certains d'entre vous vont le faire, pour savoir s'il s'agit de droits de la majorité ou de droits des minorités. Il faut absolument cesser ces niaiseries et aller au coeur du sujet. Quelle est la bonne façon de procéder? À mon avis, la procédure suivie était loin d'être la bonne.
Le climat de Terre-Neuve est une grande source de plaisanteries, à la fois dans la province et à l'extérieur. Dans les meilleures années, l'été est un moment très précieux de notre existence, et je ne parle pas de mois, mais bien de moment. Il est parfaitement ridicule pour un gouvernement d'organiser un référendum à Terre-Neuve au mois d'août. Et ce n'est pas tout; on l'avait déjà fait deux ans plus tôt, et les mêmes problèmes avaient surgi.
• 1600
En annonçant ce référendum, le premier ministre Tobin a
annoncé que le gouvernement de Terre-Neuve n'avait pas l'intention
de rester inactif, mais qu'au contraire il participerait activement
à la campagne. C'est un processus qui a coûté environ 1,5 million
de dollars au Trésor public. N'oubliez pas—et vous en avez déjà
entendu parler, et ce n'est pas la dernière fois—qu'à Terre-Neuve
un dollar est une chose très précieuse! Entre les référendums et
les boutons de porte, notre province dépense beaucoup d'argent pour
des bêtises.
En plus de cela, le gouvernement reconnaît avoir dépensé au moins 350 000 $ pour faire de la publicité dans les médias, et cela sans compter tous les fonctionnaires et tout le temps qu'ils ont consacré à cette campagne.
Nous avons immédiatement demandé au gouvernement d'être juste, et de donner à ceux qui s'opposaient au référendum quelques dollars pour pouvoir faire eux aussi une campagne ouverte, honnête, juste. Nous n'avons pas reçu un cent. Dans notre population, 37 p. 100 des gens sont catholiques—et que nous soyons une majorité ou une minorité, certains d'entre vous n'hésiteront sûrement pas à utiliser cela contre nous—et pourtant on utilise l'argent de leurs impôts contre eux.
Pour couronner le tout, le projet d'amendement a été publié à la dernière minute. Cela dit, je m'en fiche, et vous pouvez vous convaincre vous-mêmes jusqu'à l'apoplexie, mais je vous assure que personne ne s'y trompe quand on prétend que les gens savaient que la question du référendum et le projet d'amendement étaient exactement la même chose. Si c'est ce que vous pensez, vous êtes tous des illettrés. Il y a un monde entre les deux, et la vérité, c'est que ce projet d'amendement n'a absolument rien à voir avec cette question.
Personne n'a eu suffisamment de temps pour réfléchir à cet amendement. Je vous demande votre indulgence. L'amendement a été rendu public sept jours avant le scrutin. Je suis ici depuis deux semaines, et j'écoute sans arrêt des hommes et des femmes très intelligents—et pas seulement des gens passionnés comme moi-même—les gens qui sont autour de cette table, des témoins, j'entends toutes ces discussions au sujet de la signification de l'amendement, et je peux vous assurer que jusqu'à présent je n'ai pas compris ce qu'il signifiait.
Dans ces conditions, comment peut-on dire honnêtement que la population de Terre-Neuve savait précisément ce que signifiait l'amendement, alors qu'elle n'avait eu que sept jours avant le référendum, dans la dernière semaine d'août, la fin de semaine de la Fête du travail occupant trois de ces sept jours?
Pour ce qui est des représentants au scrutin, peu importe où vous votiez, aucun n'était permis. Je n'ai pas besoin d'insister là-dessus, mais je peux vous dire que si un simple citoyen canadien entendait cela à propos d'un autre pays, vous savez très bien de quel pays il s'agirait dans son esprit. Mais nous sommes au Canada, et j'ai entendu certains d'entre vous parler de l'importance de la démocratie. Qu'on nous en donne la preuve.
Je voudrais passer en revue les événements qui sont survenus au cours des derniers mois à Terre-Neuve. En février de cette année, on a demandé aux catholiques, aux pentecôtistes et à d'autres qui souhaitaient continuer d'avoir des écoles uniconfessionnelles de participer à un processus d'inscription de leur préférence. C'était un processus boiteux, mais à cet égard je vous demande non pas de m'écouter, mais de lire intégralement l'arrêt du juge Barry, sans omettre une seule phrase, comme j'ai entendu dire que certaines personnes appelées à témoigner le faisaient. Lisez tout le jugement, et vous constaterez qu'il qualifie le processus de fort boiteux. Cependant, il ajoute ceci: au bout du compte, à tout le moins, nous savons que les catholiques, les pentecôtistes et les adventistes du septième jour souhaitent avoir leurs propres écoles. Au moins, nous savons cela. Pour ce qui est de ceux qui ne se sont pas inscrits, nous n'avons aucune idée de leurs voeux. Quelque 24 000 élèves catholiques ont été inscrits par leurs parents.
• 1605
Les conseils scolaires ont ensuite mis en oeuvre un «processus
de désignation» par lequel ils désignaient les écoles qui seraient
multiconfessionnelles ou uniconfessionnelles. Ce processus était
offensant. C'était une insulte... à l'endroit des membres d'un
grand nombre de conseils scolaires de notre province. Beaucoup me
l'ont dit, et pas seulement des catholiques.
Voici essentiellement le coeur du problème. Je vous en donne un exemple. À Grand Falls—Windsor, au centre de Terre-Neuve, la population se répartit en trois groupes de confessions religieuses distincts—les pentecôtistes, les catholiques et les intégrés. Ils avaient tous auparavant des conseils scolaires indépendants. Oublions ces foutaises au sujet de la création, à partir de zéro, de trois écoles. Tous ces groupes avaient leurs propres conseils scolaires et de nombreuses écoles.
Le conseil scolaire a décidé, en se fondant sur l'inscription, qu'il était juste, légitime et viable qu'il y ait une école pentecôtiste de la maternelle à la douzième année, une école catholique de la maternelle à la douzième année et des écoles intégrées de la maternelle à la douzième année.
Je ne veux pas vous induire en erreur; sur le plan administratif, ils ont fait un beau gâchis avec les écoles intégrées. Si j'étais un parent dont l'enfant fréquente une école intégrée, j'aurais été furieux.
On avait donc identifié trois systèmes scolaires. Que s'est-il passé? Cela n'a pas plu au ministre. Dans un premier temps, on a demandé des avis juridiques. La décision du conseil scolaire était-elle légitime? Était-elle conforme à la Constitution du pays?
Les avis juridiques ont été clairs et sans équivoque: tout avait été fait dans les règles. Le ministre s'est dit d'avis contraire. Selon lui, on avait eu tort.
Le conseil scolaire s'est donc réuni de nouveau, a renversé sa décision et a transformé toutes les écoles en écoles multiconfessionnelles. Ils n'ont pas réglé pour autant le gâchis des écoles intégrées. Ils ont supprimé les écoles pentecôtistes, catholiques et intégrées et les ont toutes transformées en écoles multiconfessionnelles.
Je ne peux vous dire le nombre de coups de téléphone que j'ai reçus. D'ailleurs, c'est une autre chose que vous devriez savoir. J'en ai par-dessus la tête d'entendre dire que les seules personnes qui s'intéressent à l'enseignement catholique dans la province sont les trois personnes assises ici à cette table. J'ai reçu des centaines de coups de téléphone de parents indignés dans cette collectivité. J'ai eu des centaines de coups de téléphone de résidants de Stephenville, de Goose Bay, de St. John's. Partout, les citoyens ont été profondément offensés. Ces parents ont exigé que nous prenions des mesures sans délai.
Nous n'avons pas agi immédiatement. Nous avons tenté désespérément de gagner du temps pour voir si les conseils scolaires reviendraient sur leur décision. Je précise qu'aux termes de la loi la décision d'un conseil quant à la désignation d'une école ne saurait être modifiée avant cinq ans. Or, le conseil a modifié sa décision en l'espace de deux semaines.
Mais je ne vais pas m'étendre là-dessus. Je vous demanderais simplement de lire la conclusion du juge Barry. En se fondant sur ce qu'on ne peut qu'appeler un désastre, le ministre a dit qu'il fallait accorder cette injonction.
J'ai joint à la fin de mon rapport—et je serai bref, madame la présidente—deux petites cartes, l'une de l'île de Terre-Neuve et l'autre du Labrador. Veuillez être patients avec moi. Je ne veux pas prendre trop de temps, mais cela est important.
• 1610
Un certain nombre de collectivités sont identifiées sur ces
cartes. Les Terre-Neuviens qui sont ici, et d'autres sûrement,
savent qu'il y a plusieurs centaines d'autres collectivités à
Terre-Neuve. Ce sont les seuls de la province où les catholiques se
retrouvent dans un système scolaire propre, aux côtés d'un autre.
Vous comprenez sûrement ce que je dis. Prenons l'exemple de Stephenville, où il y a une école catholique et une école intégrée. À Grand Falls—Windsor, il y a une école pentecôtiste, une école intégrée et une école catholique. Si on fait le compte, je pense qu'on arrive à neuf. Dans tout le Labrador, une collectivité... Happy Valley—Goose Bay. Vous pouvez facilement comprendre notre frustration lorsque nous avons entendu parler de ces nombreux cas de chevauchement.
Qu'en est-il du reste des écoles dans la province? Au Labrador, par exemple, à Labrador-Ouest, qui ne figure pas sur votre carte, à Labrador City et à Wabush, toutes les écoles sont sous le régime des services communs cette année. Cela signifie qu'elles sont toutes réunies. Qui a autorisé cela? Qui a permis que cela se produise? C'était ce comité, parce que c'était la chose à faire.
Vous pouvez passer en revue le reste de la province, et c'est précisément la même chose partout. Permettez-moi de vous donner un exemple. Le conseil scolaire de St. John's réunit quelque 31 écoles catholiques. Pourquoi y a-t-il autant d'écoles? Parce que cela correspond au nombre d'enfants inscrits.
Avec le comité, nous avons décidé que si des catholiques voulaient s'inscrire à des écoles multiconfessionnelles en février, nous ne les retiendrions pas. Le résultat, c'est que Holy Trinity, à Torbay, et Holy Heart, à Marion St. John's—la plus grosse école de la province, soit dit en passant—sont devenues multiconfessionnelles. Cela a été douloureux pour nous, mais les gens avaient exprimé leur choix, et nous le respectons.
Hier ou avant-hier, on a parlé de l'absurdité d'avoir deux écoles à Bell Island. À maintes reprises, nous avons proposé au conseil scolaire de St. John's et au comité de l'école intégrée d'avoir une seule école offrant des services communs. Vous devrez demander au comité de l'école intégrée pourquoi elle nous a opposé un refus.
Je ne veux pas consacrer davantage de temps au résultat du référendum. J'ajouterai simplement que notre mémoire renferme une évaluation effectuée par M. Jim Feehan. Aujourd'hui, j'y ai ajouté une autre évaluation, celle de M. Roy Knoechel. Ils ont tous deux examiné le référendum et donné leur avis à ce sujet.
Je ne suis pas statisticien, mais pour avoir une discussion intelligente au sujet du résultat du référendum pour ce qui est du vote catholique et pentecôtiste, il faut que vous entendiez M. Roy Knoechel.
Je remarque que vous avez M. Mark Graesser sur votre liste, et que vous avez entendu hier des catholiques qui s'inquiètent du manque d'objectivité que pourrait comporter le témoignage de M. Graesser.
Pour résumer, je signale que dans la foulée de l'injonction accordée par le juge Barry nous avons fermé 35 écoles catholiques dans la province. Nous avons été fidèles à nos propos. Avec le résultat que nous avons obtenu, comme je l'ai dit tout à l'heure, une «morulogie» encore plus grande, pour peu que ce terme existe. Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Fagan.
Nous allons maintenant passer aux questions. Le premier intervenant sur ma liste est M. Goldring, suivi de M. Doyle, de M. Pagtakhan et du sénateur Doody.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente. Messieurs, je vous remercie de votre exposé.
Monsieur Fagan, j'ai en main un document du Parti libéral sous forme de sujets d'entretien. Je vais vous en lire un paragraphe, et j'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.
Dans cette déclaration rédigée par les libéraux, on mentionne particulièrement le caractère suffisant de l'appui requis. Je pense qu'on entend par là un consensus de la majorité du groupe concerné. À mon avis, votre groupe a fait la preuve, dans l'enquête menée par le gouvernement de Terre-Neuve en février, qu'il existe un appui suffisant en faveur des écoles confessionnelles.
Pouvez-vous commenter cela et nous dire si, à d'autres occasions, votre groupe a exprimé un soutien clair en faveur du maintien des écoles confessionnelles?
M. Bonaventure Fagan: Oui.
Pour que tout soit clair, il faut que vous compreniez que le référendum du 2 septembre ne doit pas être considéré comme un incident isolé. Je peux vous dire franchement que ce processus—et je serai d'une franchise brutale—avait d'entrée de jeu pour objet de supprimer les écoles catholiques et pentecôtistes. On avait déjà écarté les adventistes du septième jour, dont l'ancien premier ministre s'était moqué. C'était donc là le but de l'opération.
Il y a maintenant sept ans que ce processus a cours. Le ministre a parlé de la commission royale d'enquête qui a mené la plus grande consultation dans l'histoire de la province avant de tirer ses conclusions. À quoi sert-il de mener des consultations dans toute la province si l'on ne tient pas compte de ce qu'ont dit 75 à 80 p. 100 des gens? Je n'invente rien. Cela est bel et bien dit dans le rapport de la commission royale. Les catholiques ont eu leur mot à dire, mais on les a ignorés.
Sous la menace constante du gouvernement Wells, dans une période d'environ une semaine en février ou mars 1993, si je ne m'abuse, les paroisses catholiques de la province ont fait circuler une pétition. Permettez-moi de vous en lire le texte:
... rappelez-vous que nous ne sommes pas censés nous intéresser à la qualité, mais simplement accaparer des pouvoirs...
Nous avons recueilli 50 000 signatures parmi les catholiques. Que s'est-il passé? On les a ignorés, sauf lorsque le premier ministre a pris la parole à la Chambre le 13 mars parce que ses députés lui disaient: «Nous sommes dans l'eau chaude. Il y aura des élections au printemps. Qu'allons-nous faire?» Il a pris la parole à la Chambre et nous a garanti qu'il n'avait pas l'intention de modifier la Constitution. Et non seulement cela, avant de prononcer ces paroles à la Chambre il a consulté les chefs religieux pour savoir si cette déclaration leur paraissait acceptable. Nous avons vraiment été impressionnés.
Il y a ensuite eu le premier référendum, qui a été toute une épreuve. Nous avons envoyé des centaines de lettres au premier ministre, des centaines aux députés et sénateurs, des centaines aux députés de l'Assemblée législative et au premier ministre de la province. Et on entend souvent dire qu'aucun d'entre eux n'a entendu parler de quoi que ce soit. Savez-vous que l'archevêque attend toujours la réponse aux lettres qu'il a envoyées au premier ministre au sujet du premier référendum? Je dis bien le premier. Voilà à quelles absurdités nous avons été confrontés.
Il y a eu les audiences du Sénat, d'accord? On a refusé catégoriquement de nous entendre. Il y a eu des audiences sur la désignation l'automne dernier. On n'a pas du tout parlé de cela, pour ne pas perdre de temps. Encore là, on ne nous a pas écoutés. Il paraît qu'on nous a écoutés au sujet du processus d'inscription, mais cela n'a rien donné. Le processus de désignation ne nous a rien donné non plus. On s'est adressé aux tribunaux pour obtenir une injonction. Le résultat? Au lieu d'agir avec fermeté, avec une fermeté sur laquelle tout le monde dans la province comptait et sur laquelle on compte encore trop... cela n'a rien donné là non plus.
• 1620
Je vais vous dire franchement que les gens en ont tellement
assez qu'il n'y aura plus d'autres pétitions; les catholiques ne
lèveront plus le petit doigt dans la province, sauf nous—et je
veux dire par là qu'on se retrouvera devant les tribunaux, parce
que nous avons été traités d'une manière honteuse.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
Je vous permets une toute petite question, monsieur Goldring.
M. Peter Goldring: Monsieur Fagan, avez-vous des documents relatifs à cette pétition, et pourriez-vous nous parler de son contenu? Vous dites que 50 000 personnes l'ont signée. À votre avis, que diraient ces 50 000 personnes si on les sondait aujourd'hui? Est-ce qu'il y aurait une différence notable? Veuillez nous dire votre avis à ce sujet aussi. Mais avez-vous des documents relatifs à cette pétition?
M. Bonaventure Fagan: J'ai les documents. J'ai ici la pétition contenant les 50 000 noms, si c'est ce que vous voulez voir.
M. Peter Goldring: Pouvez-vous déposer ces documents, s'il vous plaît? Merci.
M. Bonaventure Fagan: Deuxième chose; je ne sais pas ce qu'on vous dirait aujourd'hui. Nos gens sont tellement fatigués—et je pourrais employer ici une autre expression—ils sont tellement frustrés qu'ils ne voudront même plus vous dire ce qu'ils veulent.
Il y a eu l'inscription en février. Comparez l'inscription de février à cette pétition, au sondage que le gouvernement lui-même a fait, et vous allez constater que les catholiques sont uniformément favorables aux écoles—au moins 60 p. 100 d'entre eux.
Vous n'obtiendrez plus ce genre d'appui pour diverses raisons. L'une d'entre elles, c'est qu'il y a plusieurs localités dans notre province qui y sont déjà, comme le demandait la question du référendum; 73 p. 100 des enfants, comme je le montre ici, vont déjà à l'école unique. Donc, si on leur demande s'ils veulent aller à l'école où tout le monde va, quelle autre réponse peuvent-ils bien vous faire?
Je dois le dire: pour répondre à cette question différemment, il faut interpréter la question différemment. Je vous donne un exemple.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Veuillez être bref, s'il vous plaît.
M. Bonaventure Fagan: Oui.
Dans la localité de St. Brides, la population est catholique à 100 p. 100. Voulez-vous que vos enfants aillent à l'école unique où chacun pourra pratiquer sa religion? Pensez-y. Pour répondre non, il faut croire que la question veut dire autre chose, parce que vous y êtes déjà. Je connais cet endroit; je connais les gens là-bas. Les gens m'ont demandé: à quoi ça sert de voter? Et ils ont raison.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Fagan. Merci, monsieur Goldring.
C'est au tour de M. Doyle.
M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): Merci, madame la présidente. J'aimerais revenir à ce qu'a dit M. Hutchings plus tôt au sujet de la Charte des droits et libertés.
Nous avons entendu les témoignages il y a quelques jours, et en plusieurs autres occasions d'ailleurs, de juristes qui ont fait valoir que la nouvelle clause 17 sera entièrement assujettie à la Charte des droits et libertés. Ils ont dit que l'éducation religieuse échappe pour le moment à l'application de la Charte du fait qu'elle a été accordée lorsque le compromis sur la Confédération est intervenu en 1867, et plus tard en 1949. Cette nouvelle clause 17 rejette l'éducation religieuse, et ne sera plus protégée par ce compromis, et j'imagine qu'elle sera alors assujettie entièrement à la Charte. Étant donné que nous avons entendu des avis contraires sur cette question, comment interprétez-vous les assurances que donne le gouvernement relativement au maintien de l'éducation et des pratiques religieuses dans le futur système scolaire de Terre-Neuve?
M. Joseph Hutchings: Monsieur Doyle, vous avez parfaitement raison de dire que ce nouveau système sera entièrement assujetti à l'application de la Charte canadienne des droits et libertés. À mon avis, ce que cela veut dire essentiellement pour le système scolaire de Terre-Neuve, c'est que ce système sera laïque, semblable au système d'écoles publiques qui existe en Ontario, comme l'illustrent certains cas que j'ai mentionnés.
On va peut-être même un peu plus loin au niveau des ramifications. Si l'on considère l'adoption de cette modification et l'adoption de la modification québécoise, qui a lieu maintenant au même moment, on se retrouve avec une Constitution au Canada où il y a une disposition particulière permettant à huit provinces de créer des écoles confessionnelles, parce que l'article 93, tel qu'il existe dans les autres provinces aujourd'hui, non seulement protège les droits confessionnels existants, mais permet aussi la création de nouvelles écoles confessionnelles au sein de la province.
• 1625
Avec ces modifications concernant Terre-Neuve et le Québec, il
y aura deux provinces qui n'auront plus ce droit; et cela même
confirme une fois de plus, dans mon esprit, le fait que le
Parlement de Terre-Neuve, après l'adoption de cette modification,
ne pourrait plus soutenir une école confessionnelle à même les
fonds publics même s'il le voulait.
M. Norman Doyle: J'ai une question pour M. Fagan.
Vous me semblez un peu irrités face à tout le processus référendaire et à la façon dont il a été mené, et vous dites qu'il n'y avait pas de scrutateurs, et tout le reste, mais M. Tobin nous dit encore que le référendum a été tenu dans le respect de la loi électorale. Nous n'avons pas de loi référendaire; il a donc été tenu dans le respect de la loi électorale, ce qui veut dire qu'on a le droit d'avoir des scrutateurs et que les gens n'ont pas le droit de voter ailleurs que chez eux. Que dites-vous de cela?
M. Bonaventure Fagan: Je dis que c'est vrai. La loi électorale était censée s'appliquer, sauf dans les régions où l'on avait prévu des exceptions. Dans ces deux régions, on n'a pas prévu d'exceptions, et par conséquent les gens pouvaient voter où ils voulaient, et nous n'avions pas de scrutateurs.
Je vais vous dire une chose, en toute franchise, et cela fait partie de la difficulté que pose l'analyse du vote. Je vais vous donner un seul exemple. C'est peut-être le seul exemple à Terre-Neuve. Peut-être.
Dans un bureau de scrutin de Placentia, il y avait 168 noms sur la liste. Les dix premières personnes à voter devaient s'inscrire. Pensez-y. Cela commençait bien la journée. C'était les dix premiers. J'ignore combien d'autres il y en a eu pendant le reste de la journée. On n'avait pas le droit d'avoir des scrutateurs, et je pense que la personne qui m'a dit cela détenait probablement des renseignements privilégiés. Mais je sais que c'est vrai. Il est possible qu'on en ait fait autant ailleurs. Il est possible que les gens qui ont voté n'étaient pas de Placentia. N'oubliez pas, on parle du 2 septembre.
M. Norman Doyle: Avez-vous demandé...
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Pardon, monsieur Doyle. Notre liste est longue, et nous pourrons rediscuter de cela au second tour. Merci.
C'est au tour de M. Pagtakhan, suivi du sénateur Doody, suivi de M. Smith.
M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci à tous nos témoins.
Vous avez dit, monsieur Hutchings, qu'il serait prudent de permettre aux tribunaux de décider les premiers. Le comité du Parlement interromprait alors ses travaux. Mais n'existe-t-il pas un principe juridique selon lequel les tribunaux refusent d'arbitrer lorsque aucune loi n'existe?
M. Joseph Hutchings: Si je comprends bien votre question, vous voulez savoir si le tribunal refuserait de se prononcer sur une question parce qu'elle n'est pas mûre, comme vous dites, pour l'arbitrage.
Dans certaines circonstances, un tribunal peut tirer cette conclusion. Il y a toutefois un certain nombre d'instruments juridiques permettant de saisir un tribunal d'une question donnée afin d'obtenir ce que nous appelons un «jugement déclaratif», par lequel le tribunal, après avoir examiné une question, déclare quels sont les droits des parties, ou bien—et ce mécanisme est souvent utilisé en matière constitutionnelle—il y a le pouvoir de «renvoi».
Les gouvernements provinciaux ont le pouvoir—je crois qu'ils ont tous ce pouvoir maintenant—de renvoyer des questions à leur propre cour d'appel, et, bien sûr, le gouvernement fédéral a pour sa part le pouvoir de renvoyer des questions à la Cour suprême du Canada. Les provinces l'ont fait dans l'affaire du rapatriement en 1982, mais le gouvernement fédéral l'a fait aussi dans l'affaire de la sécession du Québec.
Il y a des dispositions permettant de demander aux tribunaux de se prononcer sur des questions. Dans le cas d'un renvoi, on leur demande presque inévitablement de se prononcer, même s'il peut y avoir d'autres affaires en instance au même moment.
M. Rey Pagtakhan: Comment pouvez-vous faire un jugement de valeur et dire qu'une décision des tribunaux serait plus valable que la décision du Parlement?
M. Joseph Hutchings: Je suis désolé. Je n'ai pas entendu la dernière partie de votre question.
M. Rey Pagtakhan: Comment pouvez-vous faire un jugement de valeur et dire qu'une décision du tribunal, dans un sens ou dans l'autre, serait plus valable que la décision du Parlement?
M. Joseph Hutchings: Ce n'est pas une question de valeur, c'est une question d'effet juridique. Si par exemple la cour décide en fin de compte que la seule procédure de modification qui permet d'apporter cette modification particulière est la procédure générale de modification prévue à l'article 38, alors il importe peu que le Parlement l'ait adoptée, que Terre-Neuve l'ait adoptée, et même que le gouverneur général l'ait proclamée. La modification est non valide. Elle n'a aucune valeur juridique. Et tout ce qui aurait été fait sous le régime de cette modification est également non valide.
• 1630
Par conséquent, ce que nous essayons d'éviter, c'est de nous
retrouver dans la situation où le Parlement aurait peut-être adopté
cette modification, après que Terre-Neuve l'aurait adoptée, que le
gouverneur général en proclame l'entrée en vigueur, et qu'en
octobre prochain les tribunaux disent que tout cela est bien beau,
mais que c'est non valide. À ce moment-là, toute loi que
l'Assemblée législative de Terre-Neuve aurait pu adopter pour
établir un nouveau régime scolaire serait non valide, et l'on se
retrouverait à la case départ, c'est-à-dire sous l'empire de
l'ancien amendement et de l'ancienne loi, alors que les écoles
auraient été complètement réorganisées. Ce serait alors le chaos.
M. Rey Pagtakhan: Monsieur Fagan, est-il clair pour vous maintenant que la modification proposée supprime le contrôle confessionnel des écoles? Est-ce clair maintenant pour vous?
M. Bonaventure Fagan: La modification proposée?
M. Rey Pagtakhan: Oui.
M. Bonaventure Fagan: Vous me demandez si c'est clair pour moi que cela supprime le contrôle confessionnel des écoles?
M. Rey Pagtakhan: Oui.
M. Bonaventure Fagan: Nous n'existons même pas. Comment pourrions-nous avoir le contrôle?
M. Rey Pagtakhan: Non, non. Ma question est la suivante: est-il clair pour vous que si cette modification est adoptée, elle aura pour effet de supprimer le contrôle confessionnel des écoles?
M. Bonaventure Fagan: Absolument.
M. Rey Pagtakhan: Pourquoi alors n'était-ce pas clair pour vous avant, pendant le référendum?
M. Bonaventure Fagan: Je ne comprends pas.
M. Rey Pagtakhan: Si c'est clair pour vous maintenant et que la terminologie n'a pas changé...
M. Bonaventure Fagan: C'est très simple, monsieur. Pour commencer, nous n'en avons eu le texte que la semaine d'avant. Dès qu'on l'a publié, c'était clair pour moi. Ce n'était pas nécessairement clair pour tous les autres. Et je n'essaie pas d'être condescendant à l'endroit du grand public; je dis simplement qu'il y avait de la confusion.
M. Rey Pagtakhan: Non, j'essaie d'établir que l'interprétation varie avec le temps. Autrement dit, si c'est clair et sans équivoque pour vous maintenant, et si on l'a diffusé publiquement et si le texte était disponible même dans les bureaux de scrutin, pourquoi les gens n'auraient-ils pas pu le comprendre au moment où ils sont allés voter et en ont pris connaissance?
M. Bonaventure Fagan: Madame la présidente, puis-je répondre très brièvement?
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Monsieur Pagtakhan et monsieur Fagan, je vous demande d'être très brefs.
M. Bonaventure Fagan: La raison pour laquelle ce n'était pas clair tient en partie au fait qu'on avait donné aux gens des assurances; on leur avait dit que ce qu'ils lisaient ne correspondait pas à la réalité. Vous aurez des écoles chrétiennes, avait-on dit, mais on s'aperçoit tout à coup que cela n'est écrit nulle part. On s'est livré à une véritable gymnastique juridique et politique pour tenter de l'expliquer. Cela ne peut manquer d'embrouiller les gens.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Fagan.
Nous allons serrer la vis un petit peu, chers collègues. Je vous demanderais de collaborer, non pas avec moi, mais les uns avec les autres.
L'honorable Sheila Finestone: (Mont-Royal, Lib.): Je voudrais avoir une précision, madame la présidente. J'ai remarqué que notre greffier est arrivé avec une grosse pile de documents. S'agit-il des documents en question?
Le coprésident (M. Gerry Byrne (Humber—St. Barbe—Baie Verte, Lib.)): Non, ce sont les pétitions.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Sénateur Doody.
Le sénateur William Doody: Merci, madame la présidente.
Je veux d'abord dire que ce serrage de vis m'énerve énormément; on dirait qu'à chaque nouvelle réunion on donne un nouveau tour de vis.
On a fixé arbitrairement l'échéance au 5 décembre; cette échéance a été imposée par le gouvernement du Canada pour une raison qui nous est inconnue. Nous faisons venir des témoins, à grands frais et au prix d'un dérangement important pour eux, des témoins experts qui sont en mesure de nous conseiller sur la décision que devrait prendre notre comité, mais on dirait que notre préoccupation première est d'abréger les réunions le plus possible afin de pouvoir pondre un rapport le 5 décembre, peu importe que nous ayons pu profiter des renseignements qui sont à notre disposition. Je tiens vraiment à exprimer mon mécontentement pour que nous puissions discuter de la question quand elle surgira inévitablement.
Une voix: Très juste.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Sénateur Doody, nous avons tenté de permettre à chacun d'exprimer son point de vue. Quand j'ai dit «serrer la vis», je l'ai dit avec le sourire, parce que nous étions en train de nous lancer dans un véritable débat. Je sais que pour votre part vous irez droit au fond de l'affaire.
Le sénateur William Doody: Qu'il soit donc indiqué officiellement que la présidente a souri. Merci, madame la présidente.
J'ai une question qui s'adresse à n'importe lequel de nos trois distingués témoins qui voudra bien y répondre. C'est de la plus grande importance, et c'est au sujet de l'analyse du vote référendaire qui se trouve à l'annexe D.
Beaucoup ont prétendu que la majorité des catholiques ont voté en faveur de cet amendement. On a également prétendu que la majorité des catholiques de Terre-Neuve ont voté au référendum. L'analyse qui figure à l'annexe D du mémoire que j'ai reçu le 17 octobre démontre que, selon diverses hypothèses, entre 50,1 p. 100 et 67 p. 100 des catholiques qui se sont exprimés ont voté non.
• 1635
C'est rédigé dans un style hermétique qui échappe à ma
capacité d'entendement plutôt limitée. Je me demande, monsieur
Fagan, si vous pourriez nous aider à comprendre tout cela, ou bien
si vous proposeriez que nous fassions venir le compilateur de ce
document ici même pour nous l'expliquer.
M. Bonaventure Fagan: Sénateur, madame la présidente, l'auteur de l'annexe D, c'est-à-dire de l'analyse du plébiscite du 2 septembre 1997, est M. James Feehan, du département des sciences économiques de l'Université Memorial. Il travaille actuellement en Ukraine. Je crains que, si vous voulez respecter votre échéance du 5 décembre, il ne puisse pas venir à temps, car il ne reviendra que juste avant Noël.
J'ai reçu hier soir une analyse—je l'ai d'ailleurs jointe au document d'aujourd'hui—de M. Roy Knoechel, qui est professeur agrégé de biologie à l'Université Memorial. Je vais d'abord vous faire une brève mise en contexte.
En fin de semaine, M. Mark Graesser, qui comparaîtra devant vous demain à titre de témoin expert pour l'interprétation de ce genre de choses, a rédigé un article dans lequel il laisse entendre que la majorité des catholiques ont bel et bien voté oui. En lisant cet article, M. Knoechel, après avoir examiné les données et appliqué une formule différente, en est arrivé à un point de vue complètement différent.
Maintenant, je ne peux pas vous expliquer ces données statistiques, car je n'ai pas la compétence voulue pour le faire. Je vous dis simplement que sa conclusion est que la majorité des catholiques et des pentecôtistes ont voté non. Cette conclusion est fondée sur la courbe de progression que vous voyez ici. En toute sincérité, je vous demande de bien vouloir demander à M. Roy Knoechel de comparaître devant vous à titre de témoin expert.
Vous entendrez M. Mark Graesser, mais, sans vouloir l'offenser, et vous avez d'ailleurs entendu des témoins vous le dire hier soir, il travaille à titre d'interprète et de statisticien pour le compte du gouvernement depuis tellement longtemps que nos coreligionnaires ne peuvent tout simplement pas accepter—je le dis en toute sincérité—les conclusions que M. Graesser voudra donner comme une interprétation des voeux de notre groupe.
Je voudrais donc que vous invitiez M. Knoechel. Je suis certain qu'il pourrait témoigner par vidéoconférence. À tout le moins, son témoignage pourra démontrer qu'il y a confusion au sujet de l'analyse.
Le sénateur William Doody: Vous acceptez donc sans hésiter les chiffres de ce document?
M. Bonaventure Fagan: Cela confirme tout à fait nos sondages officieux. Pendant le référendum, même si nous n'avions pas le temps qu'il aurait fallu, nos paroisses ont fait des sondages téléphoniques. Les résultats ont confirmé notre absence de surprise devant le résultat du référendum. Vous pouvez vérifier. Vous verrez que j'ai dit le soir même du référendum que nous n'étions pas surpris.
En fait, nous étions surpris que le oui n'ait pas obtenu plus de 73 p. 100, parce que c'était à nos yeux le point de départ, et que le gouvernement n'ait pas réussi à aller plus loin.
Je vous rappelle—je ne sais plus où j'ai mis ce papier—que 46 p. 100 de la population n'est pas allée voter. Je sais que vous êtes habitués et que votre carrière tient aux résultats des élections, mais il s'agit ici d'un référendum sur la Constitution. Donc, 46,6 p. 100 des gens n'ont absolument pas autorisé le gouvernement à nous spolier de nos droits.
Nous devons respecter cela. La dernière fois, vous vous rappellerez que le premier ministre provincial avait inclus tous ceux qui n'étaient pas allés voter dans le nombre des votes en faveur du gouvernement.
Le sénateur William Doody: J'ai une autre question, monsieur Fagan, sur un sujet différent. Vous avez utilisé certaines épithètes quand vous avez énuméré la liste navrante de vos frustrations. Vous nous avez dit que l'inscription et la désignation étaient sources de frustrations pour vous. Je pense comprendre ce que vous voulez dire, mais peut-être que d'autres ne le comprennent pas. Pourriez-vous expliquer à l'intention du comité le processus d'inscription et de désignation?
M. Bonaventure Fagan: Sénateur, je vais le faire aussi succinctement que possible.
Il y a un an, à l'automne 1996—les événements s'enchaînent si vite que l'on ne sait plus où l'on en est—le ministre a mené une vaste consultation dans l'ensemble de la province pour connaître les préférences des gens quant à l'inscription de leurs enfants. Ce processus a abouti à la désignation des écoles.
On a proposé une procédure d'inscription dans la loi. Si je voulais une école uniconfessionnelle catholique, je devais déclarer que moi-même, Bon Fagan, je voulais que mes enfants, Francis et Cherie, fréquentent une école catholique, et je devais remplir un formulaire pour cela. Si je ne remplissais pas ce formulaire, mes enfants fréquenteraient une école multiconfessionnelle. Soit dit en passant, les écoles multiconfessionnelles n'existaient pas, mais elles étaient déjà mentionnées sur la formule. Si je les inscrivais dans une école multiconfessionnelle, pas de problème. Ensuite, au moment de l'inscription de février, nous avons eu, comme je le disais, 24 000 enfants d'inscrits.
• 1640
Dans le cadre du processus de désignation qui était censé être
appliqué pour mettre tout cela en place, le ministre a dit: bon, au
lieu de considérer comme un élément important les préférences
indiquées par les gens, faisons tomber cela en bas de liste. Une
fois que l'on aura tenu compte de tout le reste, nous verrons ce
que les gens préfèrent.
C'est là ce qu'on appelle le choix des parents? Les gens étaient tellement frustrés, tellement en colère. Je vous dis—et je vais en enfer si je mens—que si nous n'avons pas eu d'acte de violence physique à Stephenville et à Grand Falls, c'est un miracle; cela atteste la force de nos convictions religieuses.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Fagan.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Schmidt.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.
Je remercie beaucoup les témoins qui comparaissent aujourd'hui. Je suis très impressionné. Je voudrais d'abord poser deux ou trois questions à M. Hutchings.
Vous avez soulevé la question des classes de citoyens. Si je vous ai bien compris, vous avez dit que des droits étaient conférés à une catégorie de citoyens, c'est-à-dire aux membres d'une confession religieuse particulière.
Y a-t-il quelque chose à ce sujet dans les dispositions de la Constitution et de la Charte canadienne des droits et libertés? Y a-t-il une différence entre les droits d'une personne et les droits d'une classe de personnes?
M. Joseph Hutchings: La Charte énumère des droits qui sont conférés aux personnes. Il y a aussi des droits conférés à des groupes, essentiellement les droits linguistiques, les droits des Autochtones et les droits des groupes religieux. Le défi est de respecter tout cela en même temps. Aucun droit individuel n'a nécessairement la priorité sur l'un ou l'autre des droits des groupes, mais les tribunaux doivent s'efforcer de faire respecter tous ces droits.
Pour résoudre un conflit sur le terrain, pour ainsi dire, il faut tenir compte non seulement des droits individuels garantis par certains articles de la Charte, mais aussi des droits confessionnels et des droits qui sont garantis à des groupes dans d'autres articles. C'est ce qui s'est passé en Ontario, où le financement des écoles confessionnelles a été confirmé à titre de droit conféré à un groupe, mais pour ceux qui ne fréquentent pas une école confessionnelle, les droits individuels garantis par la Charte imposent une école laïque. Dans cette école, personne n'est forcé de participer à un culte religieux auquel il ne veut pas participer ni de s'exclure lui-même en se retirant du groupe.
M. Werner Schmidt: Je trouve que cela pose ici une question différente. Je comprends tout à fait ce que vous venez de dire.
L'argument que vous avez invoqué, je crois, monseigneur, a à voir avec le droit du parent. Ce qui est en jeu, c'est le droit d'une personne de décider de l'éducation que recevra son enfant. Si ce parent fait également partie d'un groupe religieux, mais qu'il ne souhaite pas exercer les privilèges conférés à ce groupe, qu'arrive-t-il dans ce cas?
M. Joseph Hutchings: Du point de vue juridique, la Charte ne garantit pas aux parents le droit de dicter l'éducation de leurs enfants. Mais c'est quand même accepté, en ce sens que je n'ai jamais entendu personne laisser entendre qu'un tel droit n'existe pas. C'est un droit qui existe dans certaines conventions internationales dont le Canada est partie.
M. Werner Schmidt: C'est précisément ce que je soutiens.
M. Joseph Hutchings: Dans le contexte de l'Église, je pense que vous constaterez que la réponse est la même, que le droit fondamental est celui du parent.
Le révérend James MacDonald: Oui, le droit fondamental est celui du parent. Nous avons toujours, depuis l'époque où j'étais à St. John's, préconisé que les parents catholiques qui souhaitent envoyer leurs enfants dans des écoles non catholiques soient libres de le faire.
M. Werner Schmidt: Vous estimez donc que la modification proposée ne permettrait pas l'exercice de cette liberté.
Le révérend James MacDonald: S'il n'y a pas d'écoles catholiques, alors notre enfant ne peut pas fréquenter une école catholique. Il n'y aura plus que des écoles publiques. Les parents n'auront donc plus le choix.
M. Werner Schmidt: Je voudrais poser une question supplémentaire.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Pourrions-nous...
M. Werner Schmidt: À la prochaine ronde de questions.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Oui, si nous nous rendons à la prochaine ronde.
M. Werner Schmidt: Il faut faire une autre ronde de questions.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous verrons. M. DeVillers est le suivant.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.
Ma question porte sur les référendums, le premier et le second. J'ai posé la même question à d'autres témoins. Je vous ai entendu dire qu'à votre avis l'électorat est embrouillé à cause de l'incohérence qui existe entre la question proposée et le texte définitif qui est maintenant connu. Il n'en demeure pas moins que l'appui a augmenté entre le premier et le deuxième référendum. Nous avons demandé à divers témoins pourquoi, à leur avis, le oui avait obtenu environ 53 p. 100 au premier référendum, alors qu'au second cet appui est passé à 73 p. 100 en faveur d'un changement encore plus draconien, même si l'on peut se demander si la différence était vraiment claire. Je vous pose la même question. Pourquoi cette augmentation?
M. Bonaventure Fagan: Je n'ai pas d'explication simple, mais je vous dirais qu'il y a plusieurs facteurs. Si nous demandions ici combien de personnes préfèrent les poires à tout autre fruit, et si nous revenions dans un an ou deux et posions la même question concernant les bananes, et si le pourcentage était plus élevé... Les deux questions sont différentes.
La question posée lors du premier référendum comprenait environ trois questions. La question cette fois-ci semble plus nette. Ce que je vous répète, c'est que si vous regardez la démographie de la province et si vous comprenez les types de collectivités et le système scolaire... le résultat ne m'a pas surpris.
Je vous dirais qu'un des mystères, et cela contribue peut-être à la confusion—moi, personnellement, je suis de cet avis—c'est de savoir pourquoi la participation électorale prévue est passée de 75 ou 80 p . 100 à 53 p. 100 au cours des sept ou huit derniers jours de la campagne. Il s'agit d'un écart de 20 p. 100.
J'avoue, comme tout le monde, qu'il y a des Terre-Neuviens qui ne s'intéressent pas beaucoup à l'éducation, mais on avait prédit, pour ce référendum en particulier, une participation très élevée; c'est le gouvernement, et pas nous, qui l'a dit et qui l'a confirmé. Qu'est-ce qui s'est produit, pendant la dernière semaine? Je pense que ce qui s'est produit c'est que la population ne savait pas ce qui se passait.
Il y a un professeur de droit de l'Université Queen's—j'avoue que j'oublie son nom—qui a donné une entrevue 10 jours avant le référendum. La question n'était pas encore connue. On lui a demandé ce qu'il pensait du fait que l'électorat n'avait pas encore vu la question. Il a répondu que la population n'allait pas avoir assez de temps pour étudier la question et pour en comprendre les répercussions. Je pense que cela constitue une partie de la réponse.
Le révérend James MacDonald: J'aimerais ajouter encore une fois que je ne connais pas toute l'explication, mais j'ai parlé avec plusieurs catholiques après que le libellé de la question a été rendu public, et ils étaient convaincus que la question signifiait qu'il y aurait de l'éducation catholique dans les écoles pour les catholiques qui la voulaient.
M. Paul DeVillers: À ce sujet, à savoir si la question était claire pour les électeurs, avez-vous mené ou quelqu'un d'autre à votre connaissance a-t-il mené des sondages après le vote afin de déterminer ce que les gens avaient compris? Je prends le référendum au Québec comme exemple. De nombreux sondages ont indiqué ce sur quoi les Québécois pensaient voter. Avez-vous mené ou d'autres groupes avec lesquels vous êtes associés ont-ils mené de tels sondages?
M. Bonaventure Fagan: Pas à ce que je sache. Nous ne l'avons pas fait, et comme vous pouvez le comprendre, une des raisons pour lesquelles nous ne l'avons pas fait, c'est que nous rejetons le processus. Le processus est tout simplement...
M. Paul DeVillers: Mais est-ce que des sondages ne viendraient pas appuyer votre argument, si votre position est correcte? N'aurait-il pas été bon d'avoir cette information?
M. Bonaventure Fagan: Je vous dirai tout simplement, avec tout le respect que je vous dois, qu'on n'a pas accepté notre position sur quoi que ce soit jusqu'ici. Je soupçonne que si menions trois sondages et s'ils démontraient que la majorité des catholiques ont voté non, le premier sondage ne serait pas accepté parce que c'est le premier, le deuxième parce qu'il est au milieu, et le troisième parce que c'est le dernier. Donc la réponse est non, nous n'avons pas fait de sondages. C'est une question intéressante, mais nous ne l'avons pas fait.
M. Joseph Hutchings: C'est une question sur laquelle le comité devrait évidemment se pencher. Une différence importante entre le premier référendum et le deuxième, c'est que le gouvernement a fait campagne lors du deuxième référendum et a dépensé beaucoup d'argent pour cela.
M. Paul DeVillers: Et l'autre camp n'a pas fait campagne ou n'avait pas les ressources nécessaires?
M. Joseph Hutchings: Lors du premier référendum, le gouvernement a précisé qu'il ne ferait pas campagne, et il n'a pas fait campagne. Il n'a pas puisé dans les deniers publics afin de favoriser un résultat particulier lors du premier référendum. Lors du deuxième référendum, il a annoncé qu'il allait faire campagne, et il l'a fait.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à Mme Finestone parce que, comme elle l'a dit, elle a levé la main la première. Je passerai ensuite au sénateur Kinsella, grâce au sénateur Murray. Ensuite ce sera M. McGuire, la sénatrice Pearson et, si le temps nous le permet, MM. Doyle et Schmidt.
Sénateur, ou plutôt, madame Finestone.
Mme Sheila Finestone: Eh bien, c'est quelque chose. Il semble que je suis la seule qui ait le terme «honorable» devant son nom. Je pense que c'est plutôt amusant. C'est très bien. D'habitude, le tandem se trouve dans l'autre ordre, M. Kinsella et moi ensuite. Je suis heureuse de voir maintenant que c'est moi et ensuite vous, monsieur.
Ce que le révérend MacDonald vient de dire m'a fait penser à quelque chose que je voudrais soulever tantôt concernant la déclaration: «Nous n'avions pas d'argent pour travailler au référendum.»
Mais d'abord j'aimerais poser une question à M. Hutchings. Vous décriviez les droits dans un échange avec M. Schmidt. Vous avez dit qu'il faut trouver des compromis entre tous ces droits, les droits des groupes et des individus en vertu de la Charte, de la Constitution et des pactes que nous avons signés. Dans le cas d'un pacte en particulier, un pacte très important, j'aimerais vous demander si ce pacte n'a pas un rôle très spécial à jouer dans tout cela; il s'agit du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L'article 26 stipule ceci:
Cela reflète, comme vous le savez, l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, sur laquelle nous avons travaillé très fort et dont l'application a été reportée de trois ans. Il se trouve que j'ai siégé à ce comité.
La clause 17 actuelle est en contradiction directe avec cette disposition concernant l'égalité et ne la respecte pas, comme vous devez sans doute en convenir, puisqu'elle exige, dans un sens, que seulement huit groupes religieux chrétiens reçoivent des fonds publics, et il y a beaucoup d'autres groupes dans la province. Il y a des gens exclus. Ne diriez-vous donc pas que, dans un certain sens, nous privilégions huit groupes, qu'il n'y a aucun secteur public, et qu'il est temps que tous les Terre-Neuviens soient traités de façon équitable et ne subissent pas de discrimination en raison de leur religion, et que ces droits découlent de cet article et de l'article 15?
M. Joseph Hutchings: Oui, je suis d'accord, sénatrice, avec tout ce que vous dites...
Mme Sheila Finestone: Vous voyez ce qui se produit?
M. Joseph Hutchings: ... et tout le monde devrait en effet être traité de façon équitable.
Nous sommes aux prises avec le fait que le libellé de l'article 93 concernant les classes de personnes, etc., date de 1867, et, dans le cas de Terre-Neuve, de 1949. Il y a, cependant, une garantie explicite concernant ces classes. Or, cela n'invalide pas les droits des autres classes, comme nous l'avons bien vu à Terre-Neuve. L'existence de cette garantie n'a pas empêché la reconnaissance des droits des pentecôtistes et n'empêcherait pas aujourd'hui, en vertu de la clause 17 originale—parce que la nouvelle clause 17 est trop compliquée—un groupe de moraves sur la côte du Labrador de venir dire au gouvernement qu'ils ont une école viable et qu'ils aimeraient recevoir des fonds publics. Le gouvernement, en vertu de la clause 17 originale, aurait pu accorder ces fonds publics, et de cette façon renforcer l'égalité devant la loi et favoriser la liberté de religion. Si vous adoptez cette modification, le gouvernement n'aura pas ce pouvoir.
Mme Sheila Finestone: Je vous ferais remarquer, en toute déférence, monsieur Hutchings, que le gouvernement du Canada et celui de Terre-Neuve ont considérablement évolué. En 1947 nous n'avions pas de Charte des droits, et en 1997 la population a complètement changé de composition: multiculturelle et multilingue, c'est une société bien différente de ce qu'elle était.
M. Joseph Hutchings: Si vous avez une objection au libellé de ce texte, sénatrice, je vous encourage à l'élargir plutôt que de le supprimer.
Déclarez alors que toute catégorie de personnes appartenant à une confession, ou regroupée selon tout autre critère que vous choisirez, et qui peut constituer une collectivité scolaire viable, devrait avoir droit à l'aide financière du gouvernement. Vous renforcez ainsi la liberté de religion pour les confessions qui veulent bénéficier des fonds publics.
Mme Sheila Finestone: Je ne suis pas d'accord avec vous, ni avec votre interprétation, qui me paraît totalement contraire tant à la Charte qu'au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Mais j'aimerais passer à autre chose.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): À condition que ce soit une toute petite question.
Mme Sheila Finestone: Voilà deux semaines que je remarque votre présence, monsieur Fagan, et cela m'a intriguée. Je me suis demandé qui vous étiez, et j'ai mené une petite enquête.
J'ai entendu le révérend MacDonald déclarer ici qu'il n'y avait pas de fonds pour mener la lutte référendaire. Je crois toutefois savoir que le gouvernement de Terre-Neuve a prévu des fonds, ceux-ci s'élevant actuellement à plus de 400 000 $.
J'aimerais savoir comment ces fonds sont utilisés, pourquoi ils n'étaient pas disponibles et en quoi consistaient exactement vos attributions? Quelles fonctions remplissez-vous en assistant à ces séances? Êtes-vous rémunéré par une organisation particulière pour ces deux semaines de présence, et à quel titre?
M. Bonaventure Fagan: Je vous remercie, sénatrice—ou peut-être sénatrice en puissance.
Mme Sheila Finestone: Appelez-moi simplement Sheila Finestone.
M. Bonaventure Fagan: Certainement. Il est exact que monseigneur a déclaré que nous n'avions pas dépensé d'argent pour le référendum, mais en réalité nous en avons dépensé: nous avons dû nous-mêmes lever ces fonds; ce ne sont pas des fonds publics que nous avons dépensés.
Si vous voulez maintenant parler de mon traitement, vous pouvez certainement l'inclure, mais là encore...
Mme Sheila Finestone: Vous avez été actif lors du référendum.
M. Bonaventure Fagan: Eh bien, là encore, si vous lisez la loi, je suis membre du conseil de direction de la Denominational Educational Commission (Commission de l'enseignement confessionnel), qui, aux termes de la loi provinciale, donne des conseils au ministre, aux conseils scolaires, ou, j'imagine, à tout particulier concernant les droits des catholiques sur toute question. Je n'ai donc nullement l'intention de justifier autrement mon traitement.
Mais nous n'avons pas puisé dans les fonds de la commission pour faire, par exemple, de la publicité lors du référendum. Ce que nous avons fait, c'est réunir suffisamment de fonds, grâce à notre Église, pour mettre en place un centre de télésollicitation.
L'Association d'éducation catholique a, en fait, comparu devant vous précédemment, et c'est elle qui a alors organisé les choses au niveau paroissial.
Mme Sheila Finestone: Autrement dit, vos attributions... Vous défendez ardemment votre position, et je ne peux que vous en louer. C'est l'une des vertus de notre pays: vous pouvez ne pas avoir les mêmes opinions, mais les exprimer librement et ouvertement.
Vos attributions font donc partie intégrante de votre responsabilité en tant que conseiller tant du gouvernement que de l'organisme que vous mentionniez, cet organisme confessionnel...
M. Bonaventure Fagan: Les comités au niveau du conseil scolaire. C'est exact.
Mme Sheila Finestone: Bien; c'est donc là votre rôle. J'ai également remarqué la présence de M. Melvin Regular.
J'ai également pris note d'une chose que vous avez dite à la radio, et j'espère bientôt échanger...
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Madame Finestone, je crois que le sujet est épuisé, et je...
Mme Sheila Finestone: Pourvu que je sache que le travail que fait M. Fagan fait partie intégrante de ses attributions, et qu'il est rétribué par un organisme du gouvernement de Terre-Neuve...
M. Bonaventure Fagan: Oui, nous sommes une commission législative du gouvernement.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Fagan et madame Finestone.
Sénateur Kinsella.
Le sénateur Noel Kinsella: Je vous remercie, sénatrice.
Le témoignage le plus important que nous ayons entendu cet après-midi, à mon avis, c'était la déclaration catégorique et sans équivoque de Mgr l'archevêque, d'après laquelle la communauté catholique n'accepte pas cet amendement et refuse de céder les droits scolaires uniconfessionnels qu'elle détient actuellement.
C'est M. Hutchings, si je ne me trompe, qui a mentionné le Nouveau-Brunswick et l'amendement à la Constitution portant sur les deux communautés linguistiques de ma province, au cas où on irait aux urnes, dans un référendum, et si la majorité disait vouloir changer bilatéralement la Constitution et supprimer ces droits.
• 1700
Même s'il y avait plébiscite, et même en cas d'urgence
nationale, si la vie même de la nation était en danger, en tant que
parlementaire je ne voterais pas en faveur de la suppression de ce
droit.
Il me semble—mais j'aimerais entendre ce que les témoins en pensent—que si nous devons porter un jugement pour adopter ou non ce projet de modification à la clause 17, c'est un jugement qui doit tenir compte tant de l'analyse qualitative que de l'analyse quantitative.
Cet après-midi la discussion, fort intéressante, a porté sur l'analyse quantitative, mais j'aimerais de nouveau que Mgr l'archevêque nous dise, au nom des catholiques, quel est son jugement qualitatif sur la question: les catholiques de Terre-Neuve approuvent-ils ou non que leur droit de minorité, leur droit à l'enseignement, soit supprimé? C'est là une résolution toute différente de celle que nous avons dû prendre pour les écoles du Québec.
Le révérend James MacDonald: Je répète que la communauté catholique de Terre-Neuve et du Labrador ne souhaite pas se voir retirer les droits dont elle jouit actuellement.
J'ajouterais que la seule indication réelle que nous ayons, c'est celle fournie par la consultation que nous avons tenue, dans laquelle les parents de 24 000 enfants catholiques ont fait savoir qu'ils tenaient à ce que leurs enfants soient éduqués à l'école catholique.
Nous devons prendre en compte le fait que—comme on l'a déjà dit—de nombreuses localités de Terre-Neuve n'ont qu'une seule école; il n'y avait donc aucune raison ou motivation pour un catholique, dans ces régions, d'inscrire ses enfants à une école catholique, car il n'en existait pas; c'était tout simplement impossible. S'il y avait eu des écoles catholiques dans ces collectivités, je pense que nous aurions eu un chiffre beaucoup plus élevé que 24 000 répondants.
Certes, 24 000 est un petit nombre si vous voyez les choses du point de vue de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique, mais à Terre-Neuve c'est un nombre significatif, qui représente environ 60 p. 100 de la population scolaire catholique.
S'il y avait eu des écoles catholiques dans un grand nombre de collectivités où il y a des catholiques, je suis sûr que ce nombre serait beaucoup plus élevé. Je ne doute nullement que les parents catholiques de la province de Terre-Neuve souhaitent conserver leurs droits en matière d'éducation.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant donner la parole à M. McGuire et à la sénatrice Pearson.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.
J'aimerais poser une question à M. Fagan, mais je voudrais avant tout le féliciter de l'éloquence de son exposé. Voilà neuf ans que je suis ici, et c'est l'un des exposés qui m'a le plus impressionné.
Quant au problème en question, nous sommes saisis pour la deuxième fois de la modification à la clause 17. La première tentative semble avoir échoué devant les tribunaux, et il semblerait que la balle soit de nouveau dans notre camp. Nous entendons donc toutes sortes d'arguments, pour et contre cette modification.
• 1705
Il y a, à Terre-Neuve, deux groupes particuliers sur lesquels
je voudrais vous poser des questions. Tout d'abord les députés à la
Chambre d'assemblée de Terre-Neuve qui, tous, ont voté en faveur de
cette modification. Ils représentent tout l'éventail des
partis—libéraux, conservateurs et NPD—et sans exception ils ont
voté en faveur de cette modification.
En d'autres circonstances—comme cela se présente souvent dans le monde politique—l'un ou l'autre parti se serait rangé du côté opposé, entrevoyant l'avantage qu'il pourrait en tirer, et peut-être les voix qu'il pourrait récolter aux élections.
L'autre groupe est le syndicat des enseignants qui, j'imagine, représente tous les enseignants catholiques de Terre-Neuve. Lui aussi est en faveur de cette modification, et pourtant ce sont là ceux que vous employez pour enseigner dans vos écoles.
Ce sont là deux groupes relativement influents, dont l'opinion compte. Pourquoi ne devrions-nous pas les écouter? Pourquoi devrions-nous rejeter cet amendement?
M. Bonaventure Fagan: Je vous remercie.
Monsieur McGuire, tous ceux qui sont réunis ici—sénateurs et députés—comprennent mieux que moi le processus politique. Mais moi, en tant que Bon Fagan, citoyen de ce pays, j'aimerais vous dire ce que j'en pense. Je le dis en toute déférence, mais sans m'embarrasser de circonlocutions.
Jack Harris est le seul député NPD de la Chambre. Une semaine avant le référendum, Jack Harris a déclaré en public que la solution à ce dilemme était de donner... Il y a des écoles uniconfessionnelles, et des écoles laïques ou publiques. Jack Harris a tourné casaque, sous la pression de son parti. Je vous le dis tout franc: j'appelle un chat un chat: il a cédé sous la pression de son parti.
M. Loyola Sullivan, leader du caucus conservateur, est catholique romain. Quelle est la majorité, à son caucus? C'est elle qu'il doit respecter, de même que vous. Vous connaissez les réalités politiques.
Il n'y a aucun doute quant à ce que pensait le caucus libéral: d'un coté, 73 p. 100 des gens, de l'autre, 27 p. 100. Est-il besoin de réfléchir? Vous êtes des politiciens, vous vérifiez les dates. On n'y a pas réfléchi à deux fois: «faites-la passer de force!», parce qu'on n'avait pas intérêt à laisser aux gens un temps de réflexion.
Le député du district de Placentia—chacun pensait que ce serait le seul district à avoir une majorité de non—a demandé si une seule voix contre permettrait de conserver le système confessionnel à Terre-Neuve et au Labrador. Quand on lui a répondu par la négative, il a voté pour le oui. Peu importe, à mon avis, à quel parti il appartenait, parce que c'était la logique qu'il aurait appliquée de toute façon.
Vous êtes donc mieux au courant que moi des réalités, et je voudrais vous faire bien comprendre que l'homme de la rue, lui, les comprend également. Nous savons ce qui se passe dans votre caucus; nous comprenons les forces qui s'exercent.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Je vous remercie.
M. Joe McGuire: Les enseignants? Pourriez-vous nous donner l'explication?
M. Bonaventure Fagan: Vous avez entendu hier, je crois, le président de la NLTA, du Syndicat des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador. Je ne sais de quel article il s'agit, mais il y en a un, dans les statuts de cette association, aux termes duquel aucun des membres n'est autorisé à critiquer le syndicat en public. J'ignore ce qui s'est passé, il y a peut-être un millier d'enseignants qui pensent que c'est une mauvaise affaire. Je n'ai aucun moyen de le savoir, mais il vous a répondu hier qu'il avait consulté les présidents locaux.
M. Joe McGuire: Les enseignants fonctionnent donc de la même façon? Si la majorité de leur caucus est en faveur de cette modification, tous les autres doivent suivre?
M. Bonaventure Fagan: Oui, mais ne vous méprenez pas sur ce que je dis: je ne mets pas en doute le caractère démocratique du syndicat. Un syndicat se doit de représenter ses membres. Tout ce que je dis, c'est que je n'ai aucun moyen de découvrir ce que pensent les enseignants catholiques et pentecôtistes, parce que je n'ai pas le droit de le leur demander, et si je leur demandais...
M. Joe McGuire: Ils n'ont pas le droit de vous répondre.
M. Bonaventure Fagan: Laissez-moi vous assurer que...
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Je vous remercie, monsieur Fagan.
Monseigneur l'archevêque.
Le révérend James MacDonald: Il y a une chose que je voudrais dire à propos du Syndicat des enseignants de Terre-Neuve et du Labrador. Peu après mon arrivée à Terre-Neuve, un fort pourcentage des enseignants a manifesté l'intention de constituer un syndicat catholique, et sa demande a été rejetée.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous allons devoir passer à une autre question, monsieur McGuire. Vous avez largement dépassé votre temps.
M. Joe McGuire: Vous nous menez à la baguette, madame la présidente.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Madame la sénatrice Pearson.
La sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.
Je voudrais vous poser une question sur les écoles mixtes. Vous mentionniez tout à l'heure le chiffre de 24 000, mais il s'agissait de 24 000 enfants, et non de 24 000 parents, ce qui serait possible, mais peu probable. Vous disiez qu'il y en aurait eu davantage si, dans certaines localités où les enfants se trouvaient dans des écoles mixtes... Dans une école mixte, ils ne reçoivent pas une éducation catholique, n'est-ce pas?
M. Bonaventure Fagan: Non, une école mixte est le résultat... Prenons une localité comme Gander, qui est une grande collectivité. Les parents catholiques ont constaté que l'école n'était plus viable et ils ont voulu—j'insiste bien sur le fait que ce sont les parents—fusionner avec l'école intégrée, pour avoir ce qu'ils appellent une école mixte, où un pourcentage du personnel est catholique, proportionnellement à la population scolaire. C'est pourquoi nous n'avons pas eu de difficulté à assurer un programme d'enseignement religieux, et il en va de même pour les écoles intégrées.
Examinons maintenant le processus d'inscription. Je sais que ces termes sont obscurs pour vous. Les parents pouvaient s'inscrire pour une école interconfessionnelle—ce qui n'est pas la même chose qu'une école mixte—ou pour une école uniconfessionnelle, mais ils ne pouvaient s'inscrire pour une école mixte.
Voici donc l'interprétation; elle est réelle. Si en tant que citoyen catholique romain je vote, dans une collectivité à école mixte, pour une école catholique romaine, ce vote est interprété comme un désir de désintégrer l'école mixte. Or les gens ne voulaient pas de cela. Pourquoi l'auraient-ils voulu? Ce sont eux-mêmes qui l'ont créée de toutes pièces.
Certains ont pourtant voté pour cela parce que, vous le comprenez, chaque fois que vous réunissez des gens pour une école mixte... Ce projet n'avait en effet pas fait l'unanimité des catholiques de Gander. Nous avons donc eu quelques votes dissidents.
Mais le fait est que les écoles mixtes n'étaient pas sur la liste. Les gens n'avaient pas... Si les écoles mixtes avaient été en jeu, je puis vous assurer—je n'ai aucun doute sur ce point—qu'un très grand nombre de gens se seraient inscrits et réinscrits pour des écoles mixtes. C'est d'ailleurs pourquoi le juge Barry a déclaré que les écoles mixtes étaient une solution parfaitement viable à Terre-Neuve, et leur a donné le feu vert.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Je vous remercie.
Au secours, chers collègues: nous sommes très en retard, et d'autres témoins attendent. Si vous me promettez d'être très brefs, je peux encore donner la parole à M. Schmidt et à M. Doyle.
Mais je demande votre coopération à tous. Je sais que la question est importante, et je veux que les témoins qui vous succèdent aient également leur temps de parole. Nous permettrons encore ces deux questions, mais j'insiste pour que vous soyez tous très brefs.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente. Je vous remercie de cette faveur.
Ma question porte sur l'école mixte et les dispositions sous lesquelles elle fonctionne aux termes du projet d'amendement. Craint-on que les catholiques, les pentecôtistes ou toute autre confession n'aient pas voix au chapitre pour l'enseignement religieux donné dans cette école?
Le révérend James MacDonald: C'est l'une de nos craintes.
M. Bonaventure Fagan: Mais ce n'en est qu'une, il y en a d'autres.
M. Werner Schmidt: Si des assurances étaient données, auriez-vous encore la même préoccupation?
M. Bonaventure Fagan: En bref, cela ne peut pas l'être, car pour que ce soit possible, ils devraient nous donner leurs enseignants et ils ne le feront pas. On nous enlève donc nos droits.
Pour en revenir à la clause 17 dans son libellé actuel, on y énumère les droits. Ils y sont énumérés et on peut donc voir ce qu'il en est. Ces droits comprennent celui de nommer et de renvoyer les enseignants, entre autres, parce que c'est fondamental également dans notre cas, soit celui d'une école catholique. Donc ce n'est pas possible. C'est une cause perdue.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Fagan et monsieur Schmidt.
Monsieur Doyle, vous devez essayer d'être très bref.
M. Norman Doyle: Oui, j'ai une très brève question à poser, madame la présidente. Je crois que les représentants de l'Association des enseignants de Terre-Neuve ont comparu hier. Ils ont fait allusion à l'embauche et au renvoi d'enseignants en fonction de leur affiliation religieuse et j'ai remarqué que cela avait fait tiquer certaines personnes autour de cette table.
Je voulais vous poser une question à ce sujet. Je connais déjà la réponse, mais je veux vous donner l'occasion de répondre vous-mêmes et de rétablir les faits. À ma connaissance, cela n'a jamais posé de problème et je voulais seulement vous donner l'occasion de...
M. Bonaventure Fagan: Non, cela n'a pas tellement posé de problème cette année. Nous avons eu quelques cas et je pense qu'on posera probablement la question à M. Regular demain matin. Il est probablement mieux placé pour y répondre.
Je dirai simplement que sur 6 000 enseignants qui ont fait l'objet d'une nomination, d'une réaffectation ou de toute autre mesure cette année, il y a eu deux ou trois cas. Ce n'est pas mal. Il y avait aussi d'autres façons de faire.
Je dois cependant établir une distinction en ce qui concerne le type de problèmes auxquels nous avons fait face à cause du libellé actuel de la clause 17. Avant l'adoption de cette clause 17, il y avait un conseil scolaire catholique romain, un conseil scolaire intégré, et un conseil scolaire pentecôtiste.
Ce sont les conseils scolaires qui embauchent les enseignants. Vous pouvez vérifier les dossiers. N'acceptez pas seulement ma parole, vérifiez plutôt les dossiers. J'ajoute en passant que j'ai travaillé au conseil scolaire pendant 23 ans—à un conseil scolaire catholique. Nous embauchions les enseignants les plus compétents. Si un enseignant était catholique, nous n'hésitions pas à l'embaucher et nous ne nous en sommes jamais excusés. Mais dans un grand nombre de cas, la personne la plus compétente n'était pas catholique et nous l'embauchions quand même.
Lorsque nous avions un surplus d'enseignants—autrement dit, lorsque nous devions en mettre à pied—les mises à pied se faisaient dans l'ensemble du conseil scolaire. Ce n'était pas un problème. Nous avions 25 écoles catholiques, de sorte que nous pouvions affecter des enseignants à une autre école catholique tout en respectant les règles de la convention collective. La même chose s'appliquait aux conseils scolaires intégrés et aux conseils scolaires pentecôtistes.
En vertu de la présente clause, nous avons maintenant un conseil scolaire regroupé. Je répète que c'est vous qui avez choisi l'expression et non moi, parce que nous ne l'aimions pas. Il y a donc un conseil scolaire regroupé et composé de comités confessionnels. L'ancien conseil scolaire relève maintenant de ces comités. Le problème réside dans le fait que personne ne voulait s'occuper du problème qui résultait d'une interprétation littérale de la convention collective, c'est-à-dire que le rapport entre les responsabilités du comité et le conseil scolaire constituait une bombe à retardement. Si la bombe éclatait... eh bien sûr, comme dans bien des cas de cette nature, il s'agissait en réalité d'un pétard, mais qui se transformait en bombe.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Je vais permettre à M. DeVillers de dire un dernier mot, étant donné que j'ai été un peu sévère avec lui tout à l'heure, et ce sera tout.
M. Paul DeVillers: Merci, madame la présidente.
Monsieur Fagan, je sais que votre position est très claire. Vous aimeriez que cette résolution soit rejetée. Mais si ce n'est pas possible—et je sais que vous avez suivi les audiences des dernières semaines—il y a un membre du comité, dont les initiales sont celles du sénateur Kinsella, qui a proposé un amendement à l'alinéa (2), visant à enlever la référence à l'enseignement religieux qui serait établi par le gouvernement.
Appuieriez-vous cet amendement si votre première position, le rejet pur et simple de la résolution, s'avérait totalement impossible?
M. Bonaventure Fagan: Madame la présidente, monsieur DeVillers, sauf tout le respect que je dois au sénateur Kinsella, je comprends parfaitement la situation. Soyons tout à fait clairs. Aucun amendement ne nous intéresse. L'ennemi c'est cette résolution qui supprime des droits, un point c'est tout.
La manière dont ils sont supprimés par ce procédé injuste... Aucun amendement ne nous intéresse. Je comprends exactement la situation dans laquelle vous vous trouvez mais sauf le respect que je vous dois, comprenez que vous ne nous ferez jamais accepter un amendement de ce genre.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier tous les trois de vous être dérangés.
Nous allons continuer avec les témoins suivants. Je pourrais vous dire où en est notre document. Nous l'aurons aux environs de 18 heures. Le greffier pourrait peut-être discuter avec M. Hutchings pour déterminer la marche à suivre.
Encore une fois merci beaucoup.
Chers collègues, nous entendrons deux représentants très patients d'Education First, Mme Oonagh O'Dea et Mme Brenda Bryant.
Madame O'Dea et madame Bryant, je vous remercie infiniment de votre patience. Merci d'être ici. Nous allons suivre l'horaire prévu et ajouter, si nécessaire, quelques minutes de plus pour les questions. Je vous invite à faire votre exposé et je suis certaine que ce faisant nous en apprendrons un peu plus sur Education First.
Mme Oonagh O'Dea (Education First): Je m'appelle Oonagh O'Dea. Brenda Bryant est l'autre parent qui m'accompagne. Nous sommes très heureuses d'être ici ce soir pour vous faire cet exposé. Les deux dernières années ont été très tendues et nous espérions que tout serait désormais réglé principalement pour nos enfants.
Education First est un groupe de citoyens apolitiques, multiconfessionnels de Terre-Neuve qui souhaitent la meilleure éducation possible pour tous les enfants de Terre-Neuve. Nous croyons que ce type d'éducation ne peut être dispensée que par un seul système scolaire fréquenté par tous les enfants.
Les réalités économiques de notre temps ne nous permettent pas d'avoir dans nos communautés deux, quand ce n'est pas plus, systèmes scolaires religieux séparés. C'est dans ce contexte que nous avons mené une campagne active dans la région d'Avalon-Est pendant le dernier référendum en faveur du oui.
Nous voulons des écoles qui ont l'eau courante et qui offrent un maximum de cours et de programmes aux élèves. Lorsque dans une région il y a deux écoles secondaires alors qu'une seule suffirait, ce sont les élèves qui sont les perdants. Il n'y a pas suffisamment de personnel ou de ressources pour offrir à ces élèves toute la gamme de cours donnant des crédits.
Il y a des élèves un peu partout à Terre-Neuve qui doivent suivre des cours par correspondance pour obtenir tous les crédits qu'il leur faut. Il y en a même qui sont obligés de déménager pour pouvoir suivre les cours dont ils ont besoin pour le métier qu'ils ont choisi. Un système réformé ne fera pas forcément disparaître tous ces problèmes, mais nous estimons qu'il les réduira au minimum.
Nous voulons que nos enfants passent moins de temps dans les autobus scolaires—quand ils ne peuvent pas faire autrement.
J'ai entendu l'autre jour l'histoire d'une élève qui habite à Paradise, pas très loin de St. John's. Elle est en septième. De chez elle, elle pouvait se rendre à pied à son école primaire. Maintenant elle doit quitter la maison à 7 h 30 du matin. Son autobus passe devant une école catholique romaine qui va jusqu'à la huitième et qui se trouve à 10 minutes de chez elle, devant une autre école qui va jusqu'à la huitième à 20 minutes et devant une école qui va de la septième à la neuvième avant d'arriver à sa propre école au bout d'une heure de trajet. Elle repasse devant toutes ces écoles l'après-midi dans le sens contraire pour se retrouver chez elle à 16 h 30.
• 1725
Pour suivre cinq heures de cours, cette jeune élève doit
passer neuf heures en dehors de chez elle. Elle doit également
renoncer aux activités qui ont lieu à l'école après les classes à
moins que quelqu'un veuille bien la raccompagner. C'est un scénario
qu'on retrouve un peu partout dans la province.
Devant l'école secondaire de premier cycle que fréquentent mes deux enfants, il y a tous les jours dix autobus. Cette école ne compte que 500 élèves. Elle se trouve en plein milieu de la capitale, en plein milieu de St. John's. Ces dix autobus ne sont pas utilisés par les élèves qui habitent en ville. Ils doivent utiliser des transports publics ou des transports privés. Ils servent à transporter des enfants qui habitent près d'écoles d'autres confessions.
Vous avez entendu pendant cette semaine plusieurs groupes et plusieurs particuliers critiquer le processus démocratique et les 73 p. 100. Ils vous ont dit entre autres qu'il ne reflétait pas le vote des catholiques, qu'une majorité bafouait les droits d'une minorité, que les électeurs n'avaient pas compris la question et que le gouvernement n'avait financé que le camp du oui.
Les catholiques romains dans notre province, comme vous le savez déjà, représentent 37 p. 100 de la population. Nous sommes le groupe confessionnel le plus important. Je dis nous car Brenda et moi-même avons été élevés et éduqués dans la foi catholique et nos enfants sont catholiques romains. Un des enfants de Brenda fréquente une école catholique romaine alors que de notre côté nous avons décidé que nos trois enfants fréquenteraient le système intégré.
Je ne suis pas statisticienne, mais sur les 48 circonscriptions électorales provinciales, 28 ont comme groupe le plus important les catholiques romains et quatre les pentecôtistes. Si vous prenez 14 de ces circonscriptions et que vous y ajoutez les catholiques romains et les pentecôtistes, ils représentent plus de 50 p. 100 de la population. Seule une circonscription sur 48 a voté non.
Est-ce que les électeurs n'ont pas compris la question? La question était très simple et très directe. Les discussions des deux côtés n'ont pas manqué dans tous les médias. Je trouve insultant que quelqu'un ose supposer que mes compatriotes et moi-même n'avons pas compris la question. Si, nous savions très bien pourquoi nous votions et nous avons voté oui à 73 p. 100.
Qui a financé le camp du oui? Qui a financé le camp du non? Qui était dans le camp du oui? Qui était dans le camp du non? Le gouvernement avait ces problèmes. Le gouvernement n'a financé aucun groupe faisant campagne soit pour, soit contre le référendum. Oui, nous avons demandé à être financés. Ce sont des bénévoles qui ont organisé notre campagne financée entièrement par des dons privés de moins de 20 000 $. Nous avons démarché 70 000 foyers. C'est l'équivalent de deux circonscriptions fédérales dans notre province, de 14 circonscriptions provinciales. Nous avons distribué une brochure que j'ai incluse à notre mémoire et nous avons contacté par téléphone au moins une fois chacun de ces 70 000 foyers.
Le jour du vote nous avons de nouveau contacté par téléphone nos électeurs au moins une fois. Vous qui êtes des connaisseurs des campagnes électorales auriez été surpris des efforts que nous avons déployés. Nos centaines de bénévoles ont renoncé à leurs vacances d'été pour participer. Pour eux c'était une question très importante. C'est le genre de campagne qu'on a pu constater dans toute la province. Nous n'avions pas de Bon Fagan ou de Melvin Regular qui est payé à coup d'obligations gouvernementales.
• 1730
Pour ce qui est de l'enseignement religieux, le gouvernement
a la responsabilité d'élaborer tous les programmes utilisés dans
les écoles à l'exception de l'enseignement religieux. Il confie
l'élaboration de ces cours à des spécialistes pédagogiques et
autres professionnels. Il en ira de même pour l'enseignement
religieux et qui serait mieux placé pour le conseiller que les
membres des diverses religions?
Les électeurs de la province ont appuyé par leur vote le maintien de l'enseignement religieux dans les programmes et le maintien des observances religieuses. Changer la modification pour supprimer de la Constitution l'enseignement religieux irait à l'encontre du vote du référendum. Les Terre-Neuviens ont indiqué qu'ils voulaient conserver dans leur programme d'éducation l'enseignement religieux. Les élèves peuvent ne pas le suivre s'ils le veulent.
Est-ce mieux que les écoles soient contrôlées par l'Église ou soient placées sous la gouverne des parents? Le temps est venu d'éliminer le contrôle exercé sur les écoles par les Églises et de confier les écoles aux parents. Depuis quelques années, nous déployons de grands efforts afin de créer des comités d'écoles où sont représentés les parents, les enseignants et la collectivité. Ces comités sont créés en vertu de la loi. En tant que parents, nous devrions avoir un droit de regard sur l'administration des écoles, à la place des Églises. Les membres de ces comités et de ces conseils devraient être élus en fonction de leurs compétences et de leur contribution au système, et non pas en fonction de leurs croyances religieuses.
Qu'en est-il des droits des enfants? Les droits des enfants sont au coeur de ce débat, mais il n'en est pas tenu compte dans le raisonnement. En tant que parents, notre seule préoccupation porte sur nos enfants. Nous ne sommes pas préoccupés par le pouvoir et l'autorité, mais nous voulons pouvoir donner à nos enfants le meilleur enseignement que la province peut se permettre. Il s'agit de tirer le plus grand profit possible de nos ressources financières, en réduisant au minimum le stress pour nos enfants.
Nous voulons nous assurer que nos élèves réussissent aussi bien que ceux d'autres provinces et d'autres pays. L'enseignement est essentiel au succès futur de nos élèves.
Je dois dire que nos enfants font face à un certain stress. Certains enfants ne savent pas où ils vont aller à l'école l'année prochaine, lorsqu'ils devront quitter l'école qu'ils fréquentent actuellement, et ils ne le savaient pas non plus l'année dernière. Ils demandaient tous à leurs parents où ils devaient aller. En janvier ou février, il faudrait inscrire ces enfants à l'école secondaire, mais nous ne savons pas où les envoyer.
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le reste du pays a autant de mal à comprendre que les gens de chez nous veulent intégrer les enfants dans les écoles et non pas les séparer.
Les religions peuvent-elles continuer à prospérer, hors du réseau scolaire? Si la religion fait ce qu'elle est supposée faire, elle restera forte grâce à ses églises et à ses fidèles. L'intégration de plusieurs croyants montre aux enfants l'importance de l'acceptation et du respect des autres, peu importe leur race ou leur religion. Les enfants qui ont reçu un enseignement dans un milieu intégré ne considèrent pas une religion ou une race supérieure à une autre, et ils ne jugent pas les autres enfants en fonction de leur race ou de leur religion.
L'intégration des religions ne diminue ni les valeurs chrétiennes ni la moralité de nos élèves, au contraire, elle peut renforcer ce que les enfants ont appris à la maison et à l'église. Si une société tolère toutes les religions et encourage le respect mutuel, toutes les religions peuvent s'épanouir. Dans un pays considéré comme étant un des plus tolérants au niveau social, la ségrégation dans les écoles en fonction de la race ou de la religion ne devrait pas être acceptable.
• 1735
Les gens de Terre-Neuve ont indiqué massivement qu'ils
voulaient intégrer tous les enfants et ils vous demandent d'adopter
l'amendement à l'article 17 tel que proposé par notre gouvernement.
S'il vous plaît, respectez notre processus démocratique et
permettez à nos enfants de vivre et d'apprendre ensemble. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, madame O'Dea.
Madame Bryant, aimeriez-vous dire...
Mme Brenda Bryant (Education First): Oui. J'aimerais faire quelques observations. Une porte sur les inscriptions qui ont eu lieu en février dernier.
À l'époque, on nous avait dit qu'il y aurait des inscriptions. Nous ne savions pas ce que nous avions comme option. La majorité des écoles avaient fait venir quelqu'un du conseil scolaire afin de parler aux parents à propos du réseau scolaire. Nous avions demandé si on pouvait nous garantir que les enfants allaient pouvoir rester à la même école, peu importe l'inscription. Rappelez-vous que le processus d'inscription se faisait au niveau des conseils scolaires; il y avait une base de données, donc à partir de ce jour-là, par exemple, on savait que j'avais inscrit mon enfant dans une école uniquement catholique.
Nous avons essayé de voir si, en indiquant uniquement catholique romaine ou interconfessionnelle, on pouvait nous assurer que nos enfants resteraient là où ils étaient. On nous a dit qu'il était impossible de nous garantir que nos enfants resteraient à la même école. On nous a dit que le conseil scolaire avait demandé aux comités confessionnels de laisser les enfants là où ils étaient, mais qu'à l'heure actuelle, on ne pouvait pas nous garantir que ce serait le cas.
En tant que parents, nous essayions de trouver la meilleure solution possible. Bien des gens avaient décidé de se mettre dans une situation pour essayer de gagner sur tous les fronts.
L'école de ma fille est juste en face de la maison, et c'est une école catholique romaine. Si je dis que je vais inscrire ma fille dans une école catholique romaine uniconfessionnelle, cela veut dire que si son école est désignée comme étant une école catholique romaine, j'aurai une place pour elle là-bas. Toutefois, en choisissant une école interconfessionnelle-catholique romaine, même si mon école devenait une école de quartier, j'avais encore une place. On a constaté plus tard que beaucoup de gens avaient fait la même chose pour s'assurer que leurs enfants puissent rester au même endroit.
C'est un des aspects dont je n'ai pas beaucoup entendu parler, et c'est un argument que j'aimerais faire valoir auprès de beaucoup de gens.
Parlons maintenant de la clause 17. En tant que catholique romaine et comme bien des parents à Terre-Neuve, qu'ils soient catholiques romains, anglicans ou d'une autre croyance, lorsque j'ai voté oui, j'ai voté pour que mes enfants reçoivent un enseignement religieux à l'école—pour qu'ils aient droit de prier le matin et à midi, d'observer le carême et d'avoir des crèches à Noël. C'est exactement ce que nous voulons. Les parents n'accepteraient aucun amendement maintenant. Je crois que vouloir apporter des amendements serait considéré comme une honte aux yeux des Terre-Neuviens.
Nous connaissions l'objet du vote; c'était la première fois que nous le connaissions. Lors du premier référendum, c'était différent et comme bien d'autres personnes, j'ai voté non automatiquement parce que je n'étais pas sûre. J'avais peur de perdre les fêtes comme Noël et Pâques et toutes les autres pratiques religieuses dans nos écoles. Je n'étais pas prête à accepter cela.
J'ai profité des deux ou trois années suivantes pour me renseigner et m'informer sur la signification de l'amendement proposé. J'ai constaté que cela serait inclus. Nous voulions une garantie constitutionnelle, une garantie enchâssée dans la Constitution.
C'est ce que nous avons reçu; c'était là l'objet du vote. C'est la raison pour laquelle 73 p. 100 des gens ont voté en faveur d'une réforme du système éducatif.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Nous passerons maintenant à la période de questions. Nous commencerons par M. Schmidt, suivi de Mme Finestone, du sénateur Kinsella, de M. Brien et de la sénatrice Pearson.
M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais remercier les deux témoins pour leur mémoire précis et bien présenté. Je vous en félicite toutes les deux. Je tiens à vous remercier d'avoir été si claires.
Ma question est la suivante: pensez-vous que les garanties qui portent sur l'enseignement religieux que vous croyez obtenir grâce à cet amendement sont les mêmes que celles que vous avez avec les écoles confessionnelles maintenant. Sinon, croyez-vous que l'enseignement religieux prendra une autre forme aux termes du nouvel amendement par rapport à ce que vous aviez jusqu'ici?
Mme Brenda Bryant: Oui, on nous a dit que ce serait différent. Cela a été dit clairement. On nous a dit, par exemple, que la religion catholique romaine ne sera pas enseignée dans les salles de classe. On nous a dit qu'il s'agirait plus ou moins d'un cours global, où on enseignerait les autres religions, les autres croyances et où nos enfants auraient de meilleures connaissances et plus de tolérance vis-à-vis ses autres religions.
M. Werner Schmidt: Je crois comprendre que vous êtes toutes les deux catholiques.
Mme Brenda Bryant: Oui.
M. Werner Schmidt: Donc, cela ne vous inquiète pas que cet amendement enlève la disposition concernant les écoles confessionnelles?
Mme Brenda Bryant: Non. Cela ne m'inquiète pas, car mes enfants recevront l'éducation catholique dans leur église.
M. Werner Schmidt: Donc vous croyez toutes les deux que l'amendement proposé maintient votre droit en tant que parents de décider du genre d'enseignement qu'auront vos enfants?
Mme Oonagh O'Dea: Oui.
M. Werner Schmidt: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Schmidt.
Madame Finestone.
Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup, madame la présidente.
Je ne peux m'empêcher de dire pour commencer que j'aimerais vous voir diriger une campagne politique. Il était fort agréable de vous entendre transmettre de l'information de façon concise et éloquente. Je vous en félicite. Je regrette que vous ne soyez pas en politique.
Vous aimeriez peut-être les avoir dans votre équipe, Joe.
Blague à part, c'était un plaisir de vous entendre.
Puisque nous avons toujours à l'esprit l'intérêt de l'enfant, je dois vous dire que j'ai trouvé que le fait que vos enfants passent neuf heures à l'école et surtout dans l'autobus scolaire n'est vraiment pas dans leur intérêt. J'ai été contente que vous nous signaliez cela.
Il est inutile que je passe en revue les points que vous avez soulevés, car votre exposé était extrêmement clair et logique. Il a su répondre à bien des questions que nous avons eues pendant les audiences.
Je crois que la Charte canadienne des droits et libertés, qui est fondée en grande partie sur la Charte des Nations Unies et sur le Pacte relatif aux droits civils et politiques, qui a été rédigé par un Américain et un Canadien, John Humphrey, est quelque chose dont les Canadiens peuvent être très fiers. Le travail est toujours en cours, mais la Fédération canadienne fait preuve de souplesse, comme en témoignent les délibérations de ce comité. J'aimerais vous poser la question suivante.
Le comité vient de terminer son étude de l'application de l'article 93 au Québec. Même si la solution que nous avons trouvée est imparfaite—car rien n'est parfait—je pense qu'elle est la bonne solution pour le Québec en ce moment. Je pense que l'amendement proposé pourrait vous convenir également, car vous avez dit, et vous êtes toutes les deux des catholiques, que l'école pourra continuer à enseigner les choses que vous jugez importantes. En même temps, l'amendement ne nuit pas aux rapports entre l'Église et l'école, qui sont en évolution en ce moment à Terre-Neuve. Est-ce exact?
Mme Oonagh O'Dea: Oui. Les églises ont été présentes dans les écoles jusqu'ici, et elles continueront de l'être à l'occasion de différentes célébrations comme celles du Jour du Souvenir, de Pâques, ou de Noël. Dans ces cas, les prêtres ou les ministres du culte seront présents.
• 1745
On nous a dit que les écoles pourraient être utilisées pour
offrir de l'instruction religieuse. Je sais que certains
catholiques voulaient que l'instruction concernant la communion et
la confirmation continue d'être donnée dans les écoles. On peut
continuer de faire cela à l'école si on veut.
Mais s'il y a un cours d'instruction religieuse, le gouvernement a dit qu'il va faire participer tous les intervenants, donc toutes les religions du Canada. Je sais que des Sikhs, des Hindous et des juifs ont tous dit qu'ils aimeraient participer à cette discussion.
Ça, c'est l'élément important à mon avis. Nous ne disons pas que l'Église ne jouera plus aucun rôle dans la vie de nos enfants. Elle continuera de le faire. L'Église a une tradition et une histoire très fortes à Terre-Neuve. Les écoles confessionnelles existent depuis longtemps.
Mme Sheila Finestone: Je pense que nous avons tous ressenti la spiritualité qui est au coeur des Terre-Neuviens. Nous respectons beaucoup vos inquiétudes. Nous avons aussi eu l'impression que le régime scolaire était exclusif, car il n'y avait que des écoles confessionnelles, et qu'il est grand temps d'avoir un modèle beaucoup plus englobant. Je pense que l'amendement proposé va dans ce sens. Êtes-vous d'accord?
Mme Oonagh O'Dea: Oui, certainement.
Mme Sheila Finestone: En dernier lieu, je tiens à dire que j'espère que les cours qui seront enseignés insisteront sur les causes des conflits et le rôle actuel et passé joué par l'histoire, la religion et la culture. J'espère que ces cours encourageront une meilleure compréhension de ces questions.
J'ai trouvé très drôle la réponse de M. Fagan quand je lui ai demandé qui finançait son travail. Je pense que sa présence ici pendant deux semaines, les voyages aller-retour et tout le travail qu'il a fait pendant le référendum ont dû coûter plus de 20 000 $. Vous avez dit la même chose dans votre exposé, et je vous en remercie.
Mme Brenda Bryant: J'aimerais faire un commentaire.
Comme Oonagh l'a dit, à Terre-Neuve, les liens avec l'Église et la religion sont très forts et nous n'allons pas laisser Dieu à la porte de nos écoles, comme on l'a laissé entendre pendant le référendum.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Le sénateur Kinsella, suivi de M. Brien.
Le sénateur Noel Kinsella: Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier également nos témoins.
Je vais commencer par examiner la question de l'éducation religieuse. Dans la proposition, en plus d'exiger que le gouvernement prévoie des cours d'enseignement religieux, M. Grimes nous a dit—c'est à la page 14 du mémoire du gouvernement—que la politique sera la suivante. Si un groupe de parents veut faire préparer un cours de religion qui vise une confession, ce sera permis si c'est faisable du point de vue administratif. Êtes-vous d'accord avec cette deuxième sorte de cours?
Mme Oonagh O'Dea: Oui.
Mme Brenda Bryant: Bien sûr.
Le sénateur Noel Kinsella: D'accord.
Donc vous êtes d'accord, même si ce n'est pas dans l'amendement, pour qu'un groupe de parents puisse demander un cours confessionnel—mettons qu'il s'agit d'un cours de préparation pour la première communion pour les catholiques au niveau primaire. Ce serait fait en vertu de la Loi sur les écoles ou des politiques connexes.
Si un groupe de parents demande des observances religieuses précises, c'est prévu à la clause 17(3) proposée. Êtes-vous d'accord avec cela également?
Mme Brenda Bryant: Oui.
Le sénateur Noel Kinsella: Prenons l'exemple suivant qui est tiré de l'annexe de votre mémoire qui contient des chiffres. Seriez-vous d'accord si un groupe de parents de Placentia et de St. Mary's—et d'après votre graphique ils sont catholiques à 91 p. 100—demandait des cours de religion et des observances catholiques, plutôt que les cours offerts par le gouvernement. Puisqu'ils représentent 91 p. 100 de la population, ils aimeraient avoir une école confessionnelle catholique à Placentia—St. Mary's. Appuieriez-vous une telle demande?
• 1750
Je pose la question à cause de ce que vous dites au sujet du
contrôle par l'Église ou de la surveillance parentale. Vous dites
que vous voulez que les parents contrôlent les écoles. Les parents
de Placentia—St. Mary's, qui sont tous des catholiques, demandent
une école confessionnelle catholique.
Mme Oonagh O'Dea: La population de Placentia—St. Mary's est catholique à 91 p. 100, donc un cours d'éducation religieuse serait prévu au programme. Il pourrait s'agir d'un cours d'enseignement religieux.
La veille du référendum, j'ai parlé à un parent pentecôtiste pendant le référendum. Je lui ai dit qu'il ne fallait pas oublier que ce sont les parents et les enfants qui continueraient à donner le ton de l'école.
Donc, si vous avez une communauté à forte majorité anglicane, catholique ou pentecôtiste, les habitants du secteur auront une idée très nette de ce que leur religion leur permet ou ne leur permet pas. Nous parlons donc d'une mère qui a un enfant dans une école pentecôtiste dans un quartier de St. John's à forte majorité pentecôtiste. Je lui ai dit que la situation ne changerait pas tant que le quartier et les autres parents ne changeraient pas aussi.
Cela ne veut pas dire que l'on ne suivra pas les préceptes religieux de l'Église catholique, bien au contraire. Qui plus est, ces gens seront foncièrement chrétiens.
Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas respecter en même temps les 9 p. 100 d'habitants de la localité qui ne sont pas catholiques et qui sont juifs, par exemple. Les parents pourraient demander l'autorisation à l'enseignant d'aller parler aux élèves de Hanoukka.
Le sénateur Noel Kinsella: Voici ma question supplémentaire: accepteriez-vous que nous fournissions la garantie dont vous parlez, ce qui voudrait dire que, aux termes de la clause 17(2), lorsque la province a compétence exclusive en matière d'éducation et doit fournir le cours interconfessionnel, on pourrait avoir lorsque le nombre le justifie et que les parents d'une confession particulière le demandent une école uniconfessionnelle.
Mme Oonagh O'Dea: Non. Ce serait encore un système scolaire unique. Les Terre-Neuviens n'ont pas dit qu'ils voulaient des écoles uniconfessionnelles. Ils ont dit qu'ils voulaient un système unique pour tous les enfants.
Chaque conseil confessionnel a pour politique d'accorder la priorité pour les admissions aux enfants de leur propre groupe confessionnel. C'est seulement après que tous les enfants de ce groupe ont une place dans l'école, et peu importe qu'ils habitent la localité ou non, qu'on autorisera l'admission des autres enfants. Cela veut dire que nous devons d'abord avoir de l'espace pour tous les enfants du groupe majoritaire et que c'est seulement après que nous pourrons admettre les autres 9 p. 100.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci. Monsieur Brien.
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): J'étais très content de vous entendre dire que vous faisiez confiance au jugement de la population pour comprendre une question. Vous avez beaucoup de sympathie.
J'entends souvent les mêmes arguments dans le cas du Québec. Lors d'un référendum, les gens pourraient ne pas comprendre les questions, et je tiens à vous assurer que nous allons, du côté du Bloc, respecter la volonté des gens de Terre-Neuve qui se sont exprimés dans un processus référendaire.
Comme vous étiez une organisatrice, j'aimerais que vous me donniez une explication sur quelque chose qui me laisse un peu perplexe, soit le taux de participation au référendum.
• 1755
Comme vous avez été impliquée directement dans la
campagne et que vous appeliez les gens pour les faire
sortir, vous savez sûrement quel genre de raisons ils
invoquaient. Quelles sont les raisons qu'ils
invoquaient pour ne pas aller voter ou pour ne pas
avoir voté?
[Traduction]
Mme Oonagh O'Dea: Il y avait bien des raisons de voter oui, mais la principale raison invoquée par ceux qui avaient décidé de voter oui, peu importe qu'ils aient voté oui ou non au dernier référendum, c'est qu'ils en avaient assez de la confusion; qu'ils en avaient assez de se battre; qu'ils n'avaient pas l'impression que leurs convictions religieuses seraient menacées s'ils votaient oui au dernier référendum. Ils faisaient suffisamment confiance au gouvernement, et cela veut dire beaucoup quand on fait confiance au gouvernement parce que les gens ont tendance à se méfier du gouvernement, mais dans ce cas-ci, ils lui faisaient suffisamment confiance pour voter oui.
Je ne sais pas où M. Fagan a pris ces chiffres au sujet de la participation électorale prévue. Nous n'avions certes pas de chiffres précis là-dessus, mais nous avions cependant avant le vote une bonne idée du pourcentage de ceux qui allaient voter oui. En fait, la semaine précédant le vote, le pourcentage que j'avais établi n'avait que 0,1 p. 100 d'écart avec le résultat obtenu. C'est vous dire à quel point nous étions près du compte avant le vote.
[Français]
M. Pierre Brien: Mais ce que je demande a trait à ceux qui ne sont pas allés voter, pas à ceux qui ont voté oui. Je suis convaincu que avez appelé des gens qui vous ont dit: Moi, je n'irai pas voter pour une raison particulière. En ce qui a trait aux quelque 40 p. 100 des gens qui ne sont pas allés voter, pourquoi n'ont-ils pas fait cet exercice-là?
[Traduction]
Mme Oonagh O'Dea: Oui, un fort pourcentage de gens n'ont pas voté. Dans la région dont nous nous sommes occupés, le secteur d'Avalon-Est, qui regroupe 14 districts provinciaux, le taux de participation a été très élevé. Parmi ceux qui n'ont pas voté, certains ont dit que cela les laissait indifférents. D'autres ont dit qu'ils ne votaient jamais, qu'il s'agisse d'élection provinciale ou fédérale ou d'un référendum. Certains autres étaient absents, mais il y en a toujours qui ne sont pas là au moment d'élections. Parmi ceux à qui j'ai parlé au téléphone, je ne me rappelle personne qui m'ait dit qu'il n'allait pas voter parce qu'il ne pensait pas que le gouvernement tiendrait compte de son vote.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Madame Pearson.
La sénatrice Landon Pearson: Merci, madame la présidente.
J'ai été ravie de vous entendre parler des droits de l'enfant. Vous ne le saviez peut-être pas, mais nous avons accueilli hier soir deux groupes d'étudiants. Nous l'avons fait par vidéoconférence, ce qui nous a permis d'entendre un groupe de St. John's et un autre de Corner Brook. C'était excellent parce que ces élèves nous ont dit toutes sortes de choses au sujet des questions qui vous intéressent. Ils n'étaient pas tous d'accord, ce qui n'est pas vraiment étonnant, mais ils avaient des idées nouvelles et nous ont dit qu'ils étaient très heureux d'avoir pu participer à la discussion.
Dans vos discussions et vos travaux préliminaires, vous avez sans doute consulté vos propres enfants, mais avez-vous aussi obtenu le concours de jeunes adolescents?
Mme Oonagh O'Dea: Certainement. C'était nos experts en électronique. Les élèves qui nous ont aidés étaient surtout des élèves du deuxième cycle, mais il y avait toujours des élèves plus jeunes dans le bureau qui faisaient toutes sortes de petits travaux pour nous aider. Bon nombre d'élèves du deuxième cycle sont allés distribuer nos feuillets. Certains d'entre eux ont aussi aidé au téléphone, mais c'était une chose assez difficile pour eux. Ils sont cependant venus pour empaqueter les feuillets, tout mettre sur ordinateur et verser toutes les données sur ces 70 000 familles sur ordinateur. Ils ont vraiment été merveilleux.
Nous avons vraiment eu une bonne participation. C'est très difficile de communiquer avec les élèves pendant l'été. Bon nombre d'entre nous ont donc demandé l'aide de ceux que nous connaissions et qui avaient déjà participé à des processus de désignation plus tôt dans l'année.
Mme Brenda Bryant: Oui, et ma fille de sept ans pense qu'elle devrait pouvoir fréquenter la même école que ses amies du quartier et certaines de ses amies doivent habiter le quartier pour fréquenter leur école.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
Nous entendrons maintenant M. Pagtakhan, Mme Caplan, M. Goldring et M. McGuire. Cela mettra fin à la première période de questions, après quoi nous donnerons la parole à M. Schmidt.
M. Rey Pagtakhan: Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de votre exposé. Je suis moi-même pédiatre et je suis ravi de voir comment vous considérez l'enfant. Ce que vous préconisez est ce qu'il y a de mieux pour l'enfant. Je suis aussi ravi de voir que, à titre de parents catholiques d'enfants d'âge scolaire, vous pensiez que le genre de changement que l'on propose ne constituera pas un obstacle à vos convictions religieuses et celles de vos familles, mais qu'elles renforceront votre foi en vous permettant de mieux connaître d'autres religions. C'est très rassurant.
Je reconnais comme vous que la situation dont vous avez parlé peut être une cause de stress pour les enfants. Même si vous ne l'avez pas dit, j'imagine que ce que vous voudriez, c'est que nous adoptions rapidement cette modification pour qu'on puisse procéder le plus rapidement possible aux inscriptions. Est-ce bien cela?
Mme Oonagh O'Dea: Oui. Les inscriptions au niveau de la maternelle se sont faites hier dans le secteur d'Avalon-Est, ce qui veut dire que les enfants qui se sont inscrits hier au niveau de la maternelle l'ont fait dans l'école qu'ils pensent pouvoir fréquenter en septembre. Les élèves d'école secondaire devront s'inscrire en janvier ou en février et essayer de voir quels cours ils devront suivre.
Nous voulons donc que la question soit réglée rapidement. Nous voulons que la question soit réglée à l'échelle fédérale pour que l'Assemblée provinciale puisse étudier et adopter la Loi sur l'éducation. Les conseils scolaires pourront ensuite faire le nécessaire pour chacune des écoles. Cela représente beaucoup de travail. Seulement dans notre secteur, il y a 87 écoles.
M. Rey Pagtakhan: Plus tôt cet après-midi, j'ai aussi eu la pensée que vous avez exprimée vous-même, sauf que vous avez exprimé cette pensée de façon encore plus claire que moi en disant que, si l'on modifiait l'amendement pour enlever le programme d'éducation religieuse de la Constitution, cela irait à l'encontre de la question du référendum. Je suis donc ravi de voir que j'avais presque pu lire votre pensée avant que vous ne veniez.
J'ai cependant une question à vous poser. Vous avez terminé une partie de votre exposé en disant que les élèves peuvent toujours se retirer du cours d'instruction religieuse. Ma question porte sur le processus. Vu que le cours serait facultatif, il y a bien des exemples de cours facultatifs dans les universités et les collèges communautaires du Canada où ce sont les étudiants eux-mêmes qui décident de s'inscrire à un cours facultatif s'ils le désirent, autrement dit où tout le corps étudiant n'est pas automatiquement inscrit à ce cours à moins de s'en retirer expressément, pensez-vous qu'il serait préférable que le processus permette de s'inscrire à un cours si on le veut au lieu d'être obligé de s'en retirer si l'on ne veut pas le suivre?
Mme Oonagh O'Dea: Le problème, c'est que, sauf pour les cours de deuxième cycle, on ne saurait pas avant l'arrivée des enfants à l'école en septembre qu'ils voulaient participer au cours d'éducation religieuse parce que les élèves sont automatiquement inscrits à tous les cours jusqu'après la neuvième année. Quand ils décident de ne pas participer à un cours particulier, ils doivent avoir la permission écrite de leurs parents. Dans certains cas, si le nombre n'est pas suffisant, on peut être obligé d'envoyer l'enfant dans une autre école parce qu'il n'y a personne pour surveiller les enfants.
M. Rey Pagtakhan: D'après vous, sur le plan administratif, l'option de retrait est préférable.
Mme Oonagh O'Dea: L'option de retrait est préférable. Le contraire serait un cauchemar administratif pour les écoles.
M. Rey Pagtakhan: Merci.
Mme Brenda Bryant: À l'école catholique que fréquente ma fille, il y a des enfants qui ne sont pas des catholiques et qui ne participent pas aux cours de religion.
M. Rey Pagtakhan: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Madame Caplan.
Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Merci.
Ma question porte aussi sur le fait que vous ayez affirmé que nous ne devons pas modifier la proposition qui nous a été renvoyée à la suite d'un vote unanime à l'Assemblée législative de Terre-Neuve. Pour ma part, j'envisage la question dans le contexte du partenariat fédéral et du fait que, selon le processus de modification bilatéral, les conditions de l'union peuvent être modifiées si le Parlement fédéral, c'est-à-dire la Chambre des communes et le Sénat, sont convaincus que la population de Terre-Neuve a été consultée et qu'elle est d'accord. J'ai été très impressionné par le fait que le vote ait été unanime et que tous les partis se soient mis d'accord à l'Assemblée législative provinciale.
• 1805
Je me demande donc ce qui arriverait si les suggestions, sans
doute bien intentionnées de certains membres du comité, nous
poussaient à modifier l'amendement qui nous a été proposé. Quelle
serait d'après vous la réaction des habitants de Terre-Neuve si la
Chambre des communes et le Sénat du Canada modifiaient la
proposition que la population de Terre-Neuve nous a transmise par
l'entremise de sa propre Assemblée législative pour être ratifiée?
Mme Brenda Bryant: Cela déplairait beaucoup aux habitants de Terre-Neuve et du Labrador. Ils se cassent vraiment la tête depuis cinq ans. Au départ, nous avons dû voter sur une chose dont nous n'étions pas vraiment certains parce que le gouvernement ne nous a pas dit sur quoi nous nous prononcions au juste. À cause de cela, le oui l'a remporté par une très faible majorité la première fois.
Comme je l'ai dit tantôt, nous sommes ensuite allés devant les tribunaux. Puis, il y a eu un autre référendum. Les Terre-Neuviens en sont satisfaits. Nous progressons. Nous allons maintenant faire ce que font déjà la plupart des autres provinces. Nous allons reconnaître que nous devons maximiser nos ressources. L'idéal serait peut-être d'avoir une école pour chaque groupe confessionnel, mais ce n'est pas pratique à Terre-Neuve. Tous les jours, il y a des gens qui quittent la province.
Les habitants de Terre-Neuve et du Labrador se sont donc cassé la tête. Ils voudraient la meilleure éducation possible pour leurs enfants et ils voudraient que cela commence immédiatement. Si vous nous renvoyiez la balle encore une fois, cela déplairait beaucoup au public parce qu'il faudrait encore tout recommencer. Nous n'accepterions pas ce que nous avons maintenant.
Mme Elinor Caplan: C'est la réponse que je voulais entendre. Ce que je voulais savoir, c'est si, d'après vous, il faudrait reprendre le processus et le débat à l'Assemblée législative avant de revenir encore une fois devant le Parlement fédéral.
Mme Brenda Bryant: Absolument.
Mme Elinor Caplan: J'ai l'impression que certains pensent que, si nous modifions la clause, on pourra l'appliquer telle quelle à Terre-Neuve. Vous pensez que les Terre-Neuviens voudraient de leur côté se prononcer sur ce que le gouvernement fédéral leur propose.
Mme Brenda Bryant: Oui, cela déplairait beaucoup aux habitants de Terre-Neuve. J'imagine un autre référendum et nous n'avons certainement pas besoin de cela.
Mme Elinor Caplan: J'en arrive à ma dernière question. Vous parlez de l'évolution de la question et du casse-tête que tout cela a représenté pour les habitants de Terre-Neuve. Le processus dure depuis environ huit ans. Si l'amendement est accepté par la Chambre des communes et le Sénat à Ottawa et commence à être appliqué, pensez-vous que cela mettra fin au débat? Ou bien pensez-vous que la situation évoluera avec le temps et que, même si l'on modifie la Constitution, il pourrait y avoir des contestations judiciaires ou autre chose qui nécessiteraient un changement à la façon dont fonctionne le système scolaire à Terre-Neuve et au Labrador?
Mme Oonagh O'Dea: D'après ce que nous avons entendu cet après-midi, il semble que l'Église catholique ait l'intention de contester le changement, quoi qu'il arrive. Les seuls qui vont en profiter sont les avocats.
Mme Elinor Caplan: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Monsieur Goldring.
M. Peter Goldring: Merci, madame la présidente.
Madame O'Dea, vous avez dit que vos prévisions préliminaires relatives à la participation des électeurs n'avaient pas changé du tout ou changé de moins de 1 p. 100 pendant la semaine précédant le référendum.
Vu que la question pour les trois premières semaines du référendum était sensiblement différente de celle proposée au sujet de la clause 17 publiée une semaine plus tôt, est-ce que cela ne montre pas que les électeurs ne s'étaient pas rendu compte de l'exclusion du facteur confessionnel dans la clause 17 et qu'ils n'auraient pas été... À part cela, est-ce sur cette question que l'Assemblée législative de Terre-Neuve s'était prononcée, sinon, sur quoi avait-elle voté? L'Assemblée législative avait-elle reçu tous les détails de la clause 17 proposée au moment du vote? Cela ne montre-t-il pas que les électeurs n'auraient pas compris l'exclusion confessionnelle?
Mme Oonagh O'Dea: C'est seulement après le référendum que l'Assemblée législative a voté. Le référendum a eu lieu le mardi et la résolution a été adoptée à l'Assemblée législative le vendredi suivant.
Avant qu'on publie tous les détails de l'amendement, bien des gens à qui nous avions parlé au téléphone nous ont dit qu'ils voulaient voir la question. Dès le début, notre groupe a dit qu'il était d'accord avec l'objectif de l'amendement, mais qu'il tenait à voir le texte de la question. Quand nous avons communiqué de nouveau avec ceux qui n'étaient pas certains de leur position avant que la question soit publiée, ils nous ont dit qu'ils étaient d'accord et qu'ils pouvaient accepter l'amendement.
On en discutait tous les jours aux émissions de ligne ouverte. Les trois postes de radio tenaient constamment les Terre-Neuviens au courant. La chose qui a convaincu bon nombre d'électeurs de voter oui était qu'on inclue un enseignement religieux et que l'on autorise l'observance des pratiques religieuses.
M. Peter Goldring: Votre annonce était incluse dans le dossier de publicité du gouvernement. On dit ici dans votre annonce que l'on autorisera l'observance des pratiques religieuses et qu'un enseignement religieux devrait être offert, ce qui reprend le texte qui avait été publié pendant les trois premières semaines.
J'ai une question au sujet de la publicité. Dans combien de journaux cette annonce est-elle passée? Combien de fois a-t-elle été publiée? Qu'a-t-elle coûté? D'après ce qu'on peut lire au haut de la page, il semble que vous aviez prévu la faire passer dans 12 ou 14 journaux. Dans combien l'avez-vous publiée?
Mme Oonagh O'Dea: Voulez-vous me montrer l'annonce un instant?
M. Peter Goldring: Est-ce la seule annonce que vous ayez publiée?
Mme Oonagh O'Dea: Oui, je le pense. Il y a longtemps de cela. Je ne peux pas vous dire combien la publicité avait coûté exactement. Nous avions aussi fait passer de la publicité à la radio la semaine avant le référendum. Notre budget pour tout le référendum était de moins de 20 000 $.
M. Peter Goldring: Le coût de ces annonces était compris dans votre budget de 20 000 $?
Mme Oonagh O'Dea: Tout a été payé à partir de notre budget de moins de 20 000 $.
M. Peter Goldring: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Goldring. M. McGuire a gentiment accepté de céder sa place à Mme Folco.
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.
Je n'ai malheureusement pas entendu votre exposé, mais j'ai eu l'occasion de lire rapidement votre mémoire. Je tiens à vous remercier sincèrement parce que je suis parfaitement d'accord avec certaines des choses que vous avez mentionnées. Je viens du Québec, province où nous avons essayé dans certaines écoles de séparer nos enfants.
Vous parlez d'intégration et de ségrégation. Il est encourageant de voir deux peuples—et je n'essaye pas d'être paternaliste—qui ont pris les mesures qui s'imposaient pour défendre les choses dans lesquelles ils croient, et parler d'intégration dans le système scolaire, ce qui, si j'ai bien saisi la modification proposée à la clause 17, n'assurerait pas l'uniformité dans les écoles. Plutôt, les enfants et les parents pourraient avoir accès à l'enseignement religieux en petits groupes dans les écoles s'ils en font la demande.
J'aimerais vous poser une question. Tout semble indiquer que si l'amendement est adopté ici au Parlement, cela ne mettra pas fin au problème dans le domaine de l'éducation à Terre-Neuve. D'après ce que nombre de témoins ont dit, ils sont même prêts à pousser les choses plus loin. Ils sont prêts à se tourner vers les tribunaux et à invoquer la Charte canadienne des droits et libertés.
Croyez-vous que cela sera la réaction de ceux qui s'opposent aux idées que vous mettez de l'avant? Dans l'affirmative, seriez-vous disposés à défendre votre position? Pensez-vous que ceux qui appuient votre position à Terre-Neuve seraient prêts à aller aussi loin?
Mme Oonagh O'Dea: Oui, nous pensons que les choses pourraient aller aussi loin. Nous ne croyons pas que les gens soient disposés à se laisser faire. Je suis convaincue que l'archevêque a reçu nombre d'appels de membres de l'Église qui lui ont suggéré de tout laisser tomber, de s'attaquer aux vrais problèmes, de laisser à nouveau les églises plutôt que les écoles s'occuper de l'enseignement religieux.
Je ne sais pas dans quelle mesure il nuit à l'Église dans la province et je ne connais pas vraiment la réaction des gens. Tout cela a créé des conflits entre les familles, et les voisins. Tout cela est renversant.
Quant à savoir si nous serions prêts à aller plus loin, nous avons déjà dit que nous suivions cette affaire jusqu'au bout. Nous ne pouvons pas nous permettre d'embaucher des avocats, mais nous sommes disposés à être consultés comme témoins, comme parents et comme représentants de nos enfants. Nous ne voulons pas le faire mais si nous devons le faire, nous le ferons.
Mme Raymonde Folco: Et vous croyez être appuyés par une bonne partie des résidants de Terre-Neuve?
Mme Oonagh O'Dea: Certainement.
Mme Brenda Bryant: Lors du premier référendum, environ 50 p. 100 de ceux qui pouvaient voter se sont présentés aux bureaux de scrutin. Lors du deuxième référendum, je crois que ce pourcentage était passé à 54 p. 100, mais il y a eu une augmentation de 19 p. 100 de ceux qui ont voté oui. Je crois qu'il y a une tendance très nette qui se dessine. Je crois qu'il faut faire front commun pour offrir à nos enfants la meilleure éducation possible et se réconcilier. Plus les gens sont en conflit, plus... Il suffit de se rendre à l'école que fréquente ma fillette pour sentir la tension qui existe dans la salle de classe et dans les couloirs. Les gens disent ce qu'ils pensent et cela crée des conflits entre amis, au sein des familles et entre les conjoints.
Mme Raymonde Folco: Dans les petites collectivités, où tout le monde se connaît.
Mme Brenda Bryant: C'est exact.
Mme Oonagh O'Dea: Nous sommes une collectivité étroitement liée.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
M. Schmidt puis M. Pagtakhan, et cela mettra fin à notre liste d'intervenants.
M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.
Un peu plus tôt, je crois que vous avez toutes deux signalé que l'amendement qui a été proposé n'empiéterait aucunement sur votre droit d'assurer à votre enfant l'enseignement religieux de votre choix. En termes pratiques, comment cela se passera-t-il? N'oubliez pas que le premier ministre a dit qu'il y aura moyen d'assurer toutes les observances traditionnelles dans les écoles, et que tout cela sera garanti?
Je ne voix pas très bien ce qu'il veut dire quand il parle d'observances traditionnelles; je ne sais pas très bien ce que vous entendez par là, mais comment conciliez-vous cela et ce que vous avez dit tout à l'heure? Quelle coordination est nécessaire pour que cette assertion soit vraie?
Mme Oonagh O'Dea: C'est intéressant car Brenda vous a dit qu'il lui avait fallu deux ans pour bien se familiariser avec la situation. Il n'y a pas longtemps, elle m'a dit qu'elle ne savait pas que dans les écoles intégrées il y avait des prières le matin, on disait le bénédicité avant le dîner, ou encore on organisait des concerts pour Noël et des assemblées de Pâques. Beaucoup de parents catholiques ne savaient pas qu'il y avait toutes ces activités dans les autres écoles, et ce sont justement certaines des observances auxquelles le gouvernement a fait allusion. Il a mentionné ces deux exemples, la prière du Seigneur et les concerts de Noël, au nombre des activités qui seraient garanties et qui continueraient.
M. Werner Schmidt: Je n'y vois aucun inconvénient. Ce qui m'ennuie, c'est le mot: «toutes». «Tous» comprendrait les musulmans, les Sikhs, les Hindous, les baha'i, les chrétiens, les juifs—je ne sais pas combien il y en a, mais il y en a beaucoup, avec toutes les fêtes religieuses que cela suppose.
Mme Oonagh O'Dea: Oui. Comme je l'ai dit, mes enfants fréquentent une école intégrée. Mes enfants ont eu l'occasion de visiter une synagogue juive, ils ont entendu des musulmans leur parler des observances et des fêtes qui sont propres à leur religion, on leur a expliqué en quoi consistait Hanoukka. Un jour, mon plus jeune est rentré à la maison et m'a dit: «Maman, est-ce que nous pouvons célébrer Hanoukka nous aussi? On leur donne des cadeaux juste avant Noël. Nous pourrions avoir Noël ensuite.» Je me suis dit, un instant, il y a quelque chose qui lui a échappé. Cela dit, il était en première ou deuxième année.
Par contre, ce genre de chose permet à un parent de venir voir un enseignant et de lui dire: «Mon enfant appartient à telle religion, et j'aimerais venir en parler pendant un des cours de religion que vous aurez cette semaine. J'aimerais expliquer aux enfants en quoi consiste cette fête, ce que cela signifie pour mon enfant, les raisons que nous avons de fêter cela au lieu, peut-être, de fêter Noël».
Quand le gouvernement parle d'observances traditionnelles, il s'agit d'observances chrétiennes traditionnelles.
M. Werner Schmidt: C'est très intéressant, car vous introduisez un adjectif très révélateur. L'expression qui figure ici est: «observances traditionnelles». Pour votre part, vous parlez d'«observances chrétiennes traditionnelles».
Je ne sais pas ce que le premier ministre voulait dire, peut-être exactement la même chose que vous, mais si on va au fond des choses, cela va plus loin que la possibilité de parler d'une religion dans une salle de classe, cela comprend la manifestation religieuse proprement dite dans l'école. Peut-être y a-t-il un léger malentendu, mais je trouve intéressant que cela ne vous pose pas de problème.
Mme Oonagh O'Dea: Non.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Monsieur Pagtakhan.
M. Rey Pagtakhan: Merci, madame la présidente.
Le groupe que vous représentez est un groupe pluriconfessionnel. À titre d'information, pourriez-vous nous donner une idée du nombre de gens qui appartiennent à votre groupe et quelle proportion d'entre eux sont des catholiques romains?
Mme Oonagh O'Dea: Non, je ne peux pas vous le dire, car lorsque les gens se sont présentés à notre bureau, lorsqu'ils ont téléphoné pour offrir leurs services, nous ne leur avons pas demandé quelle était leur religion. Nous ne leur avons pas demandé quelle était leur affiliation politique. Nous ne leur avons pas demandé à quelle race ils appartenaient. Rien de tout cela n'était pris en considération. Tout ce qui comptait, c'était: «Êtes-vous en faveur des principes défendus par Education First et êtes-vous prêt à participer à cette campagne? Si c'est le cas, nous allons prendre note de votre numéro de téléphone et vous mettre au travail».
M. Rey Pagtakhan: Et combien y a-t-il de gens au total?
Mme Oonagh O'Dea: Tout ce que nous savons, c'est que pendant les cinq semaines en question, il y en a eu des centaines. Comme je l'ai dit, nous avions 14 circonscriptions, et partout il y avait des gens qui travaillaient dans les circonscriptions, dont certains ne sont jamais venus au bureau. Dans chaque circonscription il y avait de 30 à 36 sections de vote, et dans chacune d'entre elles, nous avions probablement un minimum de deux personnes. Il pouvait y avoir deux personnes pour distribuer des brochures, deux autres pour téléphoner aux gens, et tout cela faisait énormément de monde, mais nous n'avons pas une liste de tous ceux qui ont participé.
M. Rey Pagtakhan: Merci, madame la présidente.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Pagtakhan.
Je vous remercie infiniment toutes les deux. Cela a été un véritable plaisir, et je sais que vous avez eu une longue journée, mais nous vous sommes très reconnaissants de vous être déplacées pour venir nous voir. Ce que vous nous avez dit ajoute une nouvelle dimension à ce sujet.
Mme Oonagh O'Dea: Merci, madame la présidente. Nous avons été ravies de venir pour informer votre comité.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
Collègues, nous avons maintenant un dernier témoin, le directeur de l'École Sainte-Anne au Cap St. Georges...
Une voix: Sur le continent.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): ... dans la partie continentale de Terre-Neuve; monsieur Joe Benoit.
[Français]
M. Joe Benoit (directeur, École St. Anne): Je suis le directeur de l'école située à La Grand'Terre.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Monsieur Benoit, c'est un plaisir de vous recevoir. Vous avez pu voir à quel point ce sujet intéresse les membres de notre groupe, et nous allons vous écouter, vous aussi, avec beaucoup d'intérêt.
M. Joe Benoit: Il est certain que c'est un sujet particulièrement intéressant, c'est le moins qu'on puisse dire.
[Français]
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés fédéraux, sénateurs et sénatrices, avant que je ne commence ma présentation, permettez-moi de vous dire un grand merci de m'avoir accordé un peu de temps pour venir vous parler ici ce soir.
C'est un sujet que j'ai à coeur et quelque chose que je considère très important dans ma vie.
Laissez-moi vous dire que je me considère comme étant un assez bon catholique, un catholique pratiquant, et que je suis très fier de cet aspect de ma vie et du rôle que cela a joué dans mon développement personnel.
Les sentiments que je vais exprimer ne devraient pas être interprétés comme étant anticatholiques ni antireligion. Néanmoins, je pense qu'il y a une place pour tous et que tous ont leur place.
L'histoire des Églises et de l'Église catholique dans l'éducation et dans l'administration des écoles de Terre-Neuve et du Labrador est longue et certainement assez intéressante. Mais n'oubliez pas que tout change avec le temps et que l'Église catholique ne devrait pas faire exception à cette règle.
Le plus grand défi du système d'éducation de notre province et celui des autres provinces canadiennes est de savoir comment se préparer pour le monde du XXIe siècle. À vrai dire, c'est une tâche assez difficile.
Pendant ces dernières années, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a essayé de changer notre système d'éducation afin de nous permettre d'atteindre ce but. Au centre de cela est le rôle passé et à venir des Églises.
Personne ne remet en question les nombreuses contributions des Églises dans le domaine de l'éducation, mais la majorité des gens croient que c'est un ancien système qui doit être changé et qui est prêt à l'être.
Lors du premier référendum, en tant que processus démocratique, le gouvernement de la province avait obtenu un mandat qui lui permettait de continuer les changements commencés il y a quelques années. Les Églises ont contesté ces changements et, selon moi, c'était une simple question de perte de pouvoirs.
Le gouvernement s'est montré flexible sur la question du partage des responsabilités administratives, mais l'Église continue de résister aux changements. À vrai dire, les Églises ne savaient pas qu'elles étaient bien dans leur peau.
La décision du juge Barry, à l'été de 1997, n'a fait que créer plus de chaos. Les parents ont blâmé et continuent toujours de blâmer les Églises pour toute la confusion qui existait au début de cette année scolaire.
Comme vous le savez, un deuxième référendum a eu lieu le 2 septembre dernier. Je dois vous dire que, lors du premier référendum, personnellement, comme bien d'autres parents, j'ai voté comme un fidèle de notre Église. Les arguments de l'Église ont eu préséance sur ceux du gouvernement.
Lors du deuxième référendum, j'ose dire que j'étais un peu plus hésitant. En d'autres mots, cette fois-ci, j'ai voté avec la tête plutôt qu'avec le coeur, non comme la première fois.
Comme vous le savez, les résultats ont donné un mandat clair et précis au gouvernement quant à l'élimination du système confessionnel dans la province.
Comme parent catholique, je continue à enseigner à mes enfants l'importance de respecter les droits et les opinions des autres. Dans un système comme le nôtre, cela veut dire accepter les résultats d'un vote démocratique même quand on n'est pas du côté de la majorité.
Les gouvernements provinciaux et fédéral prennent le pouvoir avec une simple majorité de 50 p. 100 plus un. Cela leur donne le droit et la responsabilité de gérer et administrer la province ou le pays. À ce moment, l'Église catholique ne respecte pas le processus démocratique et, encore plus important, ne respecte pas mes droits, comme parent catholique, de décider ce qui, à mon avis, est le mieux pour mes enfants. Et cela, je le trouve inacceptable. Je considère mon Église hiérarchique, certainement pas démocratique et, en plus, répressive dans la façon dont elle traite la question.
• 1830
Ce qu'elle a fait, c'est mettre de côté la chose la
plus importante. Qu'est-ce qui est le mieux pour nos
enfants du point de vue de l'éducation? Le fait que notre
Église s'est tournée encore une fois vers la cour sur
la question de la perte des droits minoritaires a
laissé les parents encore plus confus qu'ils ne l'étaient.
Le commentaire qu'on entend le plus souvent, non
seulement de la part des catholiques, mais aussi des Terre-Neuviens
et Terre-Neuviennes, Labradoriens et Labradoriennes en
général, y compris plusieurs de ceux qui ont voté Non,
est le suivant, et je les cite:
Ce sont, mesdames et messieurs, des mots assez forts dans un système démocratique. On peut se demander: Est-ce que je tourne le dos à mon Église? La réponse à cela est assez simple et honnête: c'est non. Comme je l'ai déjà mentionné, je dois toujours respecter ce que mon Église enseigne. Mais mon Église ne se démontre pas réciproque quant à la question du respect. J'ose même dire que mon Église est plutôt dictatoriale sur le sujet en question et sur d'autres questions semblables.
Elle a certainement besoin de faire des pas de géants si elle veut avancer dans le XXIe siècle. Une façon de le faire serait de laisser tomber ses attitudes draconiennes. L'un des points que l'Église fait valoir pour sa défense, c'est qu'elle ne sait pas vraiment quel pourcentage de catholiques ont voté au dernier référendum. Si elle veut vraiment avoir une réponse à cela, elle a à sa disponibilité des mécanismes tels que des comités paroissiaux, des Chevaliers de Colomb, etc. pour faire un plébiscite dans les communautés catholiques.
Mais est-ce nécessaire? Elle n'osera pas faire cela parce qu'elle connaît déjà la réponse. Le résultat sera le même que celui du référendum de septembre dernier et, possiblement, par une plus grande majorité. À ce point-là, que fera-t-elle? Je ne crois pas qu'elle va changer son attitude parce que, comme je le disais, cela représente pour elle une perte de pouvoirs que nous lui avions confié il y a si longtemps. Nous avons bien apprécié tout ce que l'Église a fait, mais c'est le temps de penser et de passer à l'avenir.
M. Fagan et les autres, à St. John's, ne parlent pas pour moi ni pour un grand nombre de catholiques dans la province. Peu importe les grands mots des experts, rien ne changera le choix que nous, les gens de Terre-Neuve, avons fait lors du dernier référendum, le 2 septembre.
Mesdames et messieurs, j'imagine que vous avez entendu le point de vue de bien des gens sur cette grande question. Cela comprend sans doute celui des députés fédéraux. J'ajouterais que, sauf pour un district, tous ont voté en grande majorité pour l'abolition de la confessionnalité dans notre système d'éducation. En ce moment, je ne connais pas la position de tous les députés fédéraux sur cette question, mais je vous dis sans hésitation que je considère irresponsable de leur part de ne pas appuyer l'amendement à l'article 17.
• 1835
Ces derniers ont la responsabilité, en tant qu'élus,
de représenter leurs commettants politiquement et
moralement. Leur choix, comme le mien, aurait dû être
fait la journée du vote, comme tous les autres
Terre-Neuviens et Terre-Neuviennes.
J'oserais même dire leur dire, comme je vous le dis, chers mesdames et messieurs, que nous voulons un changement. Nous avons voté pour un changement et vous avez la responsabilité de compléter le processus en modifiant l'article 17 tel que demandé par la population Terre-Neuvienne le 2 septembre.
Chers mesdames et messieurs, je ne sais pas si les quelques mots que j'ai prononcés ce soir vont vous convaincre de recommander l'amendement à l'article 17 mais, du fond de mon coeur, je souhaite que vous teniez compte des besoins et des désirs des Terre-Neuviens et Terre-Neuviennes, Labradoriens et Labradoriennes. S'il vous plaît, modifiez l'article 17 et laissez-nous débattre de la question la plus importante, à savoir le visage que nous donnerons à notre système d'éducation et la façon dont nous pourrons livrer ce système afin d'assurer que nos enfants soient prêts pour le XXIe siècle, comme tous les autres Canadiens et Canadiennes.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
Chers collègues, je pense que nous avons tous des questions à poser à M. Benoit. Nous allons donc commencer par M. Goldring, suivi du sénateur Kinsella, de Mme Folco, du sénateur Corbin, de M. DeVillers, de M. O'Brien, de Mme Caplan, de M. Pagtakhan et puis de M. Schmidt. Allons-y.
M. Peter Goldring: Merci, madame la présidente.
Monsieur Benoit, je vous remercie pour votre intervention.
Vous avez dit que Bon Fagan et la troupe—j'imagine que vous faites référence au système d'éducation catholique romain—n'expriment pas l'opinion de la majeure partie des catholiques, et pourtant, ils ont déposé une pétition de 50 000 noms de catholiques qui souhaitent conserver un système scolaire confessionnel. Ils ont parlé du système d'inscription dans les écoles: il y a 24 000 étudiants catholiques qui sont inscrits pour un enseignement confessionnel. Comment pouvez-vous concilier cela et ce que vous avez dit?
M. Joe Benoit: Je me permets de vous demander de quand date cette pétition.
M. Peter Goldring: Je pense qu'elle date d'il y a trois ans, ou quelque chose de ce genre. Je ne connais pas la date exacte.
M. Joe Benoit: Il y a trois ans. D'accord, mais dans tous les cas, supposons qu'elle date d'avant le mois de septembre dernier.
M. Peter Goldring: Il y a trois ans, puis encore une fois en février de cette année. Le second résultat semble confirmer le premier: beaucoup de catholiques veulent maintenir un système scolaire confessionnel. Autrement dit, cela confirme que la tendance n'a pas disparu. Comment pouvez-vous concilier cela et vous déclaration?
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): À titre d'information, la date sur ce document est le 19 mars 1993.
M. Joe Benoit: Comme la plupart d'entre vous le savent, c'est une question qui ne nous quitte pas depuis quatre ou cinq ans. Il est certain que pendant toutes ces années, des opinions différentes ont été exprimées, mais avec toute l'information qu'on a donnée aux gens, je ne suis pas surpris que 50 000 personnes aient signé cette pétition la première fois. Je suis certain qu'en y regardant bien, vous y trouverez mon nom également, et cela ne m'ennuie pas du tout.
Toutefois, la première fois, les gens ne savaient pas très bien pourquoi ils votaient. Je ne prétends pas avoir compris tous les aspects de la question, mais à l'époque, les gens pensaient qu'ils votaient pour changer un système. En dernière analyse, la plupart des changements proposés ne correspondaient pas vraiment à ce que les gens souhaitaient.
• 1840
La question fondamentale, qui a été posée aux gens le 2
septembre dernier, est très claire. Cette question était: Voulez-vous un
système scolaire confessionnel ou bien voulez-vous un
système scolaire unique où tous les enfants sont regroupés, avec
tous les problèmes que cela comporte?
Cette fois-ci, la question était beaucoup plus claire. Il a suffi aux gens de la lire pour comprendre pourquoi ils votaient. La première fois, le résultat était de 55 p. 100—54,3 p. 100 je crois—et cette fois-ci, il a été de 73,4 p. 100.
Peu importe combien de noms figurent sur cette pétition, l'important c'est que cette fois-ci les gens ont pris une décision parce que la question leur a semblé beaucoup plus claire, ce qui devrait donner une indication très claire à ce comité. Comme les gens de Terre-Neuve et du Labrador ont trouvé la question beaucoup plus claire, le pourcentage a beaucoup augmenté.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.
M. Peter Goldring: Pas exactement; je me référais à une pétition signée il y a quatre ans qui indiquait clairement une préférence pour l'éducation catholique romaine. Ensuite, en février, le gouvernement a demandé aux parents s'ils souhaitaient maintenir l'éducation confessionnelle ou pas. À l'époque, 34 000 personnes s'étaient déclarées en faveur. C'est seulement une semaine avant le référendum qu'on a vraiment su ce qu'il en était de la question confessionnelle.
La seconde question qui concernait l'instruction confessionnelle n'était pas claire. Cela n'a été précisé qu'une semaine avant le référendum. Comme le témoin précédent l'a dit, le résultat de ces sondages n'a pas changé dans la semaine qui a précédé le scrutin. Autrement dit, il est possible que les gens n'aient pas du tout compris l'élément confessionnel.
M. Joe Benoit: Probablement. Je peux seulement vous parler de l'opinion des gens de ma communauté.
Les gens considèrent que tout ce qui entoure les droits confessionnels est une complication inutile. Lorsqu'ils sont allés voter, ils ont voté pour changer notre système—73 p. 100 d'entre eux ont voté en faveur du changement—et c'est la seule chose qui les intéresse à l'heure actuelle. Voilà pourquoi nous avons voté, c'est ce que nous voulons. La seule question à l'étude devrait être celle sur laquelle nous avons voté. Voilà ce que j'entends dans la communauté, et en particulier, ce que j'entends en ma qualité d'éducateur.
M. Peter Goldring: Je reviens à ma première question, et il est fort possible à mon avis que Bon Fagan et le système scolaire catholique expriment l'opinion de la majorité des catholiques.
M. Joe Benoit: Je ne suis pas d'accord, monsieur.
M. Peter Goldring: À cause de la pétition et des informations soumises avant...?
M. Joe Benoit: J'irais jusqu'à dire que si l'on reprenait l'exercice aujourd'hui, il y aurait beaucoup de gens qui signeraient la pétition. Je suis certain que c'est un fait.
Dans sa décision, le juge Barry n'a pas dit que le système actuel était mauvais. Il a dit que nous avions «accepté une norme moins qu'idéale en choisissant de préserver une partie au moins du système scolaire confessionnel». Il a dit que ce n'était pas une critique, mais une constatation. C'est la vérité. Ce qu'il dit, c'est que nos propositions ne vont pas suffisamment loin, car l'objectif est d'éliminer le système confessionnel. Voilà comment j'interprète cela.
M. Peter Goldring: Je me demandais seulement si ce groupe représente bien les catholiques comme il le prétend. Si l'on considère les chiffres, 50 000 signatures sur la pétition, et les détails au sujet des inscriptions au début de février, il est indéniable qu'il représente véritablement les catholiques.
M. Joe Benoit: Monsieur, je suis forcé de m'inscrire en faux. La situation n'est pas ce qu'elle était il y a quatre ans. Le scénario dans la province a beaucoup changé depuis lors. Le pourcentage des gens qui ont voté pour changer le système a énormément augmenté, ce qui, à mon avis, constitue la meilleure indication.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
Sénateur Kinsella.
[Français]
Le sénateur Noël Kinsella: Monsieur Benoit, merci pour votre témoignage. Dans votre mémoire, si j'ai bien compris, vous soulignez l'importance, pour les membres de ce comité, de respecter le désir des gens. C'est donc notre problème de déterminer en quoi consistent les désirs des gens.
1845
Par exemple, la communauté pentecôtiste a donné l'impression qu'elle était tout à fait contre l'idée de retirer le droit aux écoles confessionnelles. Donc, je me dois de poser un peu la question. Votre position est-elle que nous devons respecter le désir des gens et, si c'est le cas, qu'advient-il des désirs des communautés pentecôtistes?
M. Joe Benoit: Ma seule réponse à cela, monsieur, est que la question a été posée à tous les Terre-Neuviens et Terre-Neuviennes, Labradoriens et Labradoriennes. C'est cela, le processus démocratique. C'est comme cela qu'on fonctionne. Tout le monde avait à répondre à la même question.
Si c'est une question qui est posée au public et que chaque personne vote individuellement, nous devons être liés par les résultats. Soixante-treize pour cent d'entre nous ont dit: On veut changer notre système. Ce n'est pas un petit nombre; on ne peut questionner un tel résultat. La première fois, l'Église a contesté parce qu'elle disait qu'elle ne savait pas si le 54,3 p. 100 était représentatif. Mais, mon Dieu, si 73 p. 100, ce n'est pas représentatif, je questionnerais la validité du système démocratique.
Le sénateur Noël Kinsella: Prenons une situation qui m'affecte beaucoup, parce que je suis un sénateur représentant la province du Nouveau-Brunswick qui, dans sa Constitution, accorde la protection aux deux communautés linguistiques. Donc si, dans l'avenir—et j'espère bien que cela ne se produira pas—, suite à un référendum, à un vote unanime de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, une résolution voulant abolir le droit des communautés francophones d'être traitées de la même manière que les communautés linguistiques anglophones était présentée au Parlement, quel serait notre rôle?
Devrions-nous, dans l'intérêt national, porter un jugement sur la demande qui nous serait faite et protéger des droits garantis par la Constitution? Ce ne serait pas la première fois, dans l'histoire du Canada, qu'on demanderait d'abolir des droits déjà garantis à une minorité. Cela me paraîtrait un précédent très sérieux. Quelle est votre réaction à cela, particulièrement en ce qui a trait à la communauté pentecôtiste?
M. Joe Benoit: Avec respect, monsieur, je ne vois pas de similarité entre la question des droits linguistiques au Nouveau-Brunswick et la question de l'éducation religieuse à Terre-Neuve. Au Nouveau-Brunswick, ce n'est pas 100 p. 100 de la population qui est francophone, mais à Terre-Neuve, 100 p. 100 de la population pratique une religion ou une autre.
Le sénateur Noël Kinsella: À votre avis, l'évêque de l'Église catholique a-t-il un rôle à jouer en déterminant la politique de l'Église catholique?
M. Joe Benoit: De l'Église, oui, mais cela doit arrêter à la porte de l'Église, et non pas à la porte de l'école.
Le sénateur Noël Kinsella: Merci.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
Madame Folco.
[Français]
Mme Raymonde Folco: Tout d'abord, monsieur, je voudrais vous féliciter. Cela me fait tellement plaisir de vous entendre parler en français. Je sais à quel point la minorité francophone à Terre-Neuve s'est battue pour survivre. Cela me fait doublement plaisir de vous entendre nous parler ce soir.
Je voudrais faire allusion, si vous le permettez, à la question que M. Goldring vous a posée plus tôt à propos des deux référendums. Vous avez répondu que c'était le libellé de la question qui avait fait qu'il y avait eu un écart immense entre les deux, soit 54,3 p. 100 et 76,4 p. 100.
Moi, je peux comprendre très bien cela. Je viens d'une province, le Québec, où le libellé de la question, en 1995, a fait que presque 50 p. 100 de la population a voté en faveur de quelque chose sans comprendre exactement pourquoi elle devait voter. Donc, le libellé de la question est une chose fondamentale, et je peux très bien comprendre que vous et d'autres aient changé d'avis, selon le libellé de la deuxième question par rapport à la première.
• 1850
J'aurais quand même deux ou trois questions à vous
poser. Premièrement, ce soir, parlez-vous ici
en votre propre nom ou au nom d'un ou de plusieurs groupes?
Ma deuxième question est peut-être plus fondamentale. Vous dites dans votre présentation, et je cite:
Pourquoi, à votre avis, ce système doit-il changer et qu'est-ce qui fait qu'il est prêt à changer?
Ma dernière question en est une que j'ai posée aux personnes qui se sont présentées juste avant vous. Vous l'avez entendue, mais je la répéterai quand même. Il semble probable que les adversaires de l'amendement à l'article 17 vont vouloir aller plus loin, si jamais l'amendement reçoit l'approbation du Parlement canadien. Pensez-vous que les personnes avec qui vous travaillez, peut-être même les personnes que vous représentez, sont prêtes à continuer la bataille et à aller plus loin qu'une simple présentation devant le comité parlementaire aujourd'hui?
M. Joe Benoit: En réponse à votre première question, chère madame, je suis venu ici en tant que parent. Je suis préoccupé par ce qui se passe dans le système scolaire à Terre-Neuve, et cela, pour deux raisons. Premièrement, je suis un parent. Deuxièmement, je suis un enseignant et un directeur d'école.
Je pense que ma première responsabilité est mon rôle comme parent. Cela étant dit, je crois fermement, du fond de mon coeur, que la responsabilité de parent demande touche tout ce qui fait partie de la vie de mon enfant ou de mes enfants, et cela inclut la religion. C'est mon rôle, comme parent, de transmettre à mes enfants mes croyances et tout ce qui se rattache à ma religion.
L'automne dernier, on a passé cette responsabilité aux écoles, à travers leur Église. Cela n'aurait jamais dû arriver, parce que cette responsabilité me revient. Je crois que cela devrait revenir comme c'était. Cela assurerait que tous les parents fassent bien leur travail à la maison et que l'école fasse le reste du développement en termes d'éducation.
Je crois fermement que cela doit rester à la maison. C'est le rôle des parents.
Mme Raymonde Folco: Vous disiez que la majorité des gens croient que c'est un ancien système qui doit être changé et est prêt à changer. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi. Qu'est-ce que cela veut dire pour vous?
M. Joe Benoit: Pour moi c'est très simple. La première fois que nous avons tranché la question, 54,3 p. 100 ont dit: On veut changer le système. La deuxième fois, 73 p. 100 ont dit: On veut changer le système. C'est un fait qui nous frappe en plein front. Donc, on ne peut remettre en question le résultat. Le rôle que l'Église joue dans le système d'éducation va plus loin qu'un cours de religion. Actuellement, ce n'est pas un système démocratique. Les membres du clergé ne sont pas élus au conseil scolaire; ils sont nommés. Cependant, nous, les parents, il nous faut être élus pour représenter notre peuple. Je trouve cela inacceptable.
Deuxièmement, ils ont un mot à dire sur toutes les questions dont on discute au conseil scolaire, comme la question de ce qui se passe à l'intérieur des écoles, la programmation, l'embauche du personnel et les mises à pied. Je m'excuse, mais ce n'est pas un groupe qui est élu. C'est un pouvoir inacceptable de nos jours. Ce sont des choses qui datent des années 1940, 1950 et 1960, que les gens ont acceptées, peut-être parce qu'ils étaient moins éduqués qu'aujourd'hui.
Aujourd'hui, on ne laisse pas la religion nous mener. Nous avons le droit de questionner tous les aspects de notre vie. Je pense que le fait qu'on se questionne porte fruit. On questionne tout ce qui touche à la vie.
Mme Raymonde Folco: Vous êtes le directeur d'une école qui s'appelle St. Anne. Quelle sorte d'école est-ce, monsieur Benoit?
M. Joe Benoit: C'est une école francophone dans la péninsule de Port-au-Port, la section française de la province. C'est une école de la maternelle à la douzième année. L'an passé, nous avons eu notre première remise des diplômes.
Mme Raymonde Folco: Mais est-ce une école catholique ou une école neutre?
M. Joe Benoit: Je pense qu'on peut dire catholique, parce que la région où j'habite est catholique. Donc, la question ne se pose pas.
Mme Raymonde Folco: Par «école catholique», j'entends une école qui est contrôlée par l'Église, où les enseignants et le directeur doivent être catholiques, où l'enseignement est aussi un enseignement de la religion catholique.
M. Joe Benoit: Oui.
Mme Raymonde Folco: Donc, cela s'appelle une école catholique.
M. Joe Benoit: Oui, mais je dois aussi vous dire que si on posait la question aux enfants de 10 à 18 ans, qui ne sont pas trop jeunes pour comprendre, la réponse serait claire: 80 à 90 p. 100 vont dire qu'ils ne veulent plus de la religion, qu'elle n'a plus sa place à l'école.
Mme Raymonde Folco: Ce ne fut pas notre expérience hier soir, alors que nous avons visionné une vidéo. Nous y avons vu plusieurs élèves de toutes sortes d'écoles: écoles neutres, écoles pentecôtistes, écoles catholiques, etc.
J'ai remarqué, et je pense que les autres l'ont remarqué aussi, que les élèves avaient tendance à vouloir la continuation du système qu'ils connaissaient eux-mêmes. Si c'était catholique, ils trouvaient que leur école était bien et ils trouvaient que leur école était bien parce qu'elle était catholique. Si elle était de la secte pentecôtiste, ils disaient la même chose, et s'ils venaient d'une école neutre, eux aussi trouvaient que l'école neutre, c'était la meilleure des choses.
Donc, à des fins de discussions, cela n'a pas été l'expérience que j'ai vécue à travers cette vidéo. Évidemment, ce n'était que quelques élèves, et on ne doit pas trop généraliser, mais je fais simplement ce commentaire.
M. Joe Benoit: C'est un bon point, madame. Mais cela reflète-t-il vraiment la réalité de tous les jeunes? Comme vous l'avez dit, on ne le sait pas.
J'enseigne au secondaire. J'enseigne un cours de droit, les mathématiques et l'économie. Quand il a fallu qu'on fasse le choix des cours—j'ai 55 élèves de la dixième à la douzième année—, il n'y en a pas un ou une qui a voulu prendre un cours de religion. Cela me dit quelque chose.
Le dimanche matin, à la messe, si la religion est tellement importante pour toutes les personnes, comment cela se fait-il que, dans une église qui peut réunir 400 personnes, il n'y en ait que 100 dont 95 p. 100 sont des parents ou des personnes âgées? On va peut-être y voir une dizaine d'enfants, bien que tout le monde continue à nous dire que la religion est importante dans leur vie.
Mais si c'est le cas, qu'on le prouve. Actuellement, je ne vois pas cela. Même mon enfant me l'a bien dit avant que je vienne ici, aujourd'hui. Il m'a dit: Dada, la religion et aller à la messe, pour le moment, ce n'est pas fait pour moi, mais je sais que quand je serai parent, je vais vouloir quelque chose pour mes enfants, moi aussi, mais j'aurai le choix.
Ce sont là des mots qui viennent de la bouche d'un enfant. On ne peut en avoir de meilleurs. Et les jeunes de mon coin me le disent. Je ne sais pas ce qui se passe ailleurs, mais je connais bien la péninsule de Port-au-Port et là, la majorité des enfants ne veulent plus de religion dans les écoles. Ils pensent que c'est un gaspillage de temps, que s'ils veulent de la religion, l'Église devrait la fournir et que l'Église n'a rien à faire avec l'école.
C'est cela qu'on veut faire: on veut séparer l'école et l'Église. Si je me souviens bien, c'est ce qu'on a voulu faire en Russie dans les années 1800 ou 1900, juste avant la révolution des bolcheviques. On voulait séparer l'Église de l'État. Nous, nous voulons séparer l'Église de l'école. Il n'y a pas une grande différence entre ces deux cas.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
Sénateur Corbin.
[Français]
Le sénateur Eymard G. Corbin (Grand-Sault, Lib.): Est-ce que l'Église catholique romaine a été un facteur dans l'obtention de vos écoles à Terre-Neuve?
M. Joe Benoit: Je n'ai pas compris.
Le sénateur Eymard Corbin: Est-ce que l'Église a été à l'avant-garde dans la création de votre école francophone?
M. Joe Benoit: Non.
Le sénateur Eymard Corbin: Non! Expliquez-moi donc cela.
M. Joe Benoit: Quand j'allais à l'école, le clergé ne voulait rien savoir de cela. Ils ne voulaient rien savoir des francophones. Le fait qu'on a une population francophone qui s'exprime encore, qui a revendiqué ses droits, c'est grâce aux efforts des parents, et je m'inclus là-dedans. Cela fait 25 fois que je me bats pour la francophonie canadienne.
• 1900
Si j'avais eu à attendre que l'Église le fasse, j'aurais
espéré longtemps. Je ne dis pas que les attitudes
n'ont pas changé. Les attitudes de quelques-uns ont
changé. Ils voient l'importance de cela. Mais, en ce
qui a trait aux prêtres que j'ai connus, leurs attitudes
ont changé très peu. Ils pensent que tout le monde
devrait être de la même source; tout le monde devrait
être pareil; on devrait être dans un melting pot et
respecter cet aspect-là. Moi, je dis qu'on est tous
différents.
Le fait qu'on s'est battus pour l'école, le fait qu'on ait pris des pancartes dans nos mains et qu'on ait, en pleine route, arrêté la circulation, qu'on ait forcé le clergé à nous écouter, de même que la commission scolaire, tout cela nous a donné une école française de même qu'à d'autres endroits dans la province.
Le sénateur Eymard Corbin: Monsieur Benoit, vous vous souviendrez que, lors de la première tentative de votre gouvernement provincial de faire adopter un amendement constitutionnel ici, à la Chambre des communes et au Sénat, les francophones de Terre-Neuve ont exprimé une certaine inquiétude et ont voulu profiter de l'occasion pour obtenir du gouvernement provincial des garanties quant au maintien de l'enseignement dans la langue française, et je crois que cette garantie vous a été donnée par le premier ministre lui-même, par-dessus la tête du ministre de l'Éducation, si je me souviens bien. C'est bien le cas?
M. Joe Benoit: Oui.
Le sénateur Eymard Corbin: Maintenant, vous avez cette garantie. Pour autant, elle ne jouit pas de la même protection que celle dont jouit le Nouveau-Brunswick, parce qu'en ce qui a trait à cette garantie au Nouveau-Brunswick, cela fait maintenant partie de la Charte canadienne des droits.
Donc, vous êtes dans une situation minoritaire sur le plan linguistique et scolaire. Que diriez-vous, demain matin, si la majorité de la population de Terre-Neuve décidait d'en finir avec les écoles francophones?
M. Joe Benoit: Pensez-vous que c'est possible?
Le sénateur Eymard Corbin: C'est à vous de me répondre. C'est moi qui pose la question.
M. Joe Benoit: Je vous dis en toute honnêteté, monsieur, que la Charte canadienne des droits et libertés, en termes linguistiques, n'est pas la même qu'en termes religieux. Je continue à le dire. Cela n'est pas comparable.
Le sénateur Eymard Corbin: D'un côté, vous ne semblez pas reconnaître l'exigence d'une minorité religieuse à Terre-Neuve, que ce soit les pentecôtistes ou autres, à savoir que la protection qu'ils ont obtenue au moment de l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération soit maintenue. Ils n'acceptent pas qu'une majorité puisse leur imposer un changement qu'ils n'appuient pas.
En d'autres mots, les pentecôtistes, comme communauté minoritaire, n'ont jamais été spécifiquement sondés pour connaître leur volonté, n'est-ce pas, et si je comprends bien, ils s'opposent toujours à cet amendement.
M. Joe Benoit: N'oubliez pas, monsieur, que je fais partie de cette même minorité qui questionne ce qu'on veut faire.
Le sénateur Eymard Corbin: Pardon?
M. Joe Benoit: Je fais partie de la même minorité qui conteste et qui veut changer notre système d'éducation.
Le sénateur Eymard Corbin: Oui, d'accord.
M. Joe Benoit: Je suis un catholique, mais...
Le sénateur Eymard Corbin: Mais vous n'êtes pas un pentecôtiste.
M. Joe Benoit: Non. Plus tôt, j'ai parlé de l'Église qui ne savait pas combien de personnes avaient voté. Connaissez-vous le Dr Mark Graesser du Memorial University? C'est un homme qui est inconnu au niveau politique, mais il fait beaucoup de recherche. Il a fait une synthèse, une évaluation des résultats.
Selon le processus qu'il a utilisé, il dit que 62 p. 100 des catholiques ont voté. Si la majorité des catholiques veut changer le système, on ne perd pas nos droits; on vote pour les changer. C'est nous qui optons pour les changer.
Ce n'est plus une question de minorité; on vote pour changer.
Le sénateur Eymard Corbin: Dans le moment, je vous parle du cas des pentecôtistes de Terre-Neuve.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Excusez-moi un instant. Monsieur Benoit, vous avez fait allusion à un document, serait-il possible d'en avoir des exemplaires?
M. Joe Benoit: Oui, je devais arriver à midi aujourd'hui, et je devais terminer ce travail, mais malheureusement mon avion a eu du retard et je ne suis arrivé qu'à 17 h 45. Cela dit, je vous donne volontiers ce document.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
M. Joe Benoit: Il est tiré de l'édition de samedi du Evening Telegram.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Je m'excuse de vous avoir interrompu.
Le sénateur Eymard Corbin: Je ne pense pas qu'il vaille la peine de poursuivre car nous ne sommes manifestement pas sur la même longueur d'onde là-dessus.
[Français]
M. Joe Benoit: Reposez-moi la question et j'essaierai d'y répondre.
Le sénateur Eymard Corbin: Cela fait deux fois que je vous la pose et vous revenez toujours aux catholiques romains. Les pentecôtistes jouissent d'une protection, à l'heure actuelle, sous la Constitution canadienne. Ils sont une minorité. Je ne crois pas, d'après ce que j'ai compris, que la majorité des pentecôtistes appuient ce changement demandé par la province. Est-ce le cas? Ai-je raison?
M. Joe Benoit: Si je me souviens bien, entre 30 et 35 p. 100 d'entre eux ont aussi voté pour changer le système. Ce n'est quand même pas la majorité de leur population.
Le sénateur Eymard Corbin: Justement.
M. Joe Benoit: Ce qui est important, c'est qu'en ce qui a trait à l'éducation religieuse, la question a été soumise à tout le public de la province. On a demandé à tout le monde, district par district, de se prononcer.
Je m'excuse, mais c'est à cela que je dois en revenir. On est entrés dans un processus démocratique avec les deux yeux grands ouverts cette fois-ci. Une fois que la décision est prise, le moins qu'on puisse demander, c'est que cela soit respecté. C'est le moins qu'on puisse demander.
Si vous regardez l'ensemble de Terre-Neuve, il y a plusieurs petits groupes et la majorité des autres ne contestent pas la décision. Donc, ils me disent à moi, en tant que parent, que les autres veulent faire la même chose, qu'ils veulent qu'on avance.
On a fini par trancher la question. Elle n'est plus tranchable. On l'a tranchée deux fois et le résultat a été le même deux fois. Si on fait la demande une troisième fois, j'imagine que ce sera la même chose. Faut-il continuer d'en parler parce qu'il y a une petite minorité de pentecôtistes qui disent qu'ils ne veulent pas le changement? Laisse-t-on une petite minorité abolir tout ce qu'on veut faire avec le système d'éducation? Est-ce qu'on les empêche de conserver leur religion dans leurs églises?
Le sénateur Eymard Corbin: Merci.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): M. Benoit, le sénateur Corbin, M. DeVillers, Pierre Brien, Mme Caplan, M. Pagtakhan et M. Schmidt.
[Français]
M. Paul DeVillers: Nous avons reçu plusieurs témoignages nous disant que la question référendaire n'était pas claire. C'est clair que ce n'est pas votre avis, mais vous indiquez, dans votre mémoire, que pour la question de savoir quel pourcentage de catholiques ont voté pour ou contre la résolution, vous émettez l'opinion que l'Église n'a pas fait de sondage parce qu'elle connaissait la réponse.
En ce qui a trait à la question de savoir si la question était claire ou non, est-ce que, premièrement, vous connaissez les sondages? Qui a fait ces sondages? Et pourquoi ce n'est pas fait?
M. Joe Benoit: Je vais vous lire la question la question qui a été soumise aux Terre-Neuviens et Terre-Neuviennes, Labradoriens et Labradoriennes:
[Traduction]
[Français]
Excusez-moi, mais pour moi, c'était assez clair. On a dit oui ou on a dit non. Il n'y a pas de question, dans le système politique, qui soit plus claire. Je m'excuse, mais quand j'ai pris ma décision comme parent, pour moi, c'était clair.
Le sénateur Eymard Corbin: En ce qui a trait à la question de savoir si le monde avait bien compris la question, êtes-vous au courant des sondages?
M. Joe Benoit: Je peux seulement répondre pour les gens à qui j'ai parlé avant de voter. La majorité d'entre eux m'ont dit qu'ils étaient contents, qu'ils voulaient faire cela. C'était soit oui, soit non. Si l'Église pense que ce qu'on a fait au niveau provincial ne reflète pas le désir de la population catholique, qu'elle le fasse dans ses communautés.
• 1910
Je suis membre des Chevaliers de Colomb. Cela me fera
plaisir de faire des appels téléphoniques à toutes les
maisons de ma communauté. Il y en a 400. Un comité de 20
peut facilement faire cela dans une journée sans
problème. S'ils font cela dans chaque communauté et
qu'ils regardent les résultats... Je vous dis que les
résultats...
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Brien.
M. Pierre Brien: Je ne peux m'empêcher de faire deux commentaires avant de poser ma question. Il y a des choses que j'entends ici et qui me surprennent. Je trouve cela dommage que Mme Folco ne soit plus là, mais pour ce qui sera inscrit dans nos travaux, je ne peux m'empêcher de corriger ce qu'elle a affirmé plus tôt, quand elle faisait allusion au cas du Québec et disait que les gens n'avaient pas compris la question.
Quand 94 p. 100 des gens s'expriment, je prends pour acquis qu'ils savent ce qu'ils font et qu'ils vont s'exprimer sur quelque chose dont ils ont pris le temps de s'informer. Je trouve que de telles affirmations démontrent un manque de respect pour la population, un manque de jugement. Cela s'applique à tous les référendums; les gens qui y participent, selon moi, savent ce qu'ils font.
En ce qui a trait à la minorité linguistique, quand on fait allusion par exemple, au cas du Nouveau-Brunswick et qu'on dit qu'un référendum pourrait enlever des droits des minorités et qu'à ce moment-là on aurait un problème, qu'est-ce qu'on fait? On a fait allusion au cas du Nouveau-Brunswick à plusieurs reprises dans ce comité. Penser qu'une telle chose pourrait arriver démontre à quel point il y a une contradiction entre les valeurs fondamentales de tolérance qui existent au Québec et au Canada et l'acceptation des minorités.
Je suis convaincu que si on faisait un référendum au Nouveau-Brunswick, les gens seraient d'accord sur ce qui existe et que ce serait la même chose au Québec pour le droit des anglophones: cela passerait très largement. Je ne suis pas un spécialiste de ce qui s'est passé au référendum de Terre-Neuve, mais on se demande s'il y a un grand nombre de personnes qui n'ont pas participé à l'exercice.
D'après vous, quelles en sont les raisons? Est-ce pour des raisons historiques? Traditionnellement, les gens participent peu aux exercices démocratiques. Est-ce parce qu'un certain nombre de gens ne sont pas concernés parce qu'ils n'ont pas d'enfants? J'aimerais savoir quelles sont vos hypothèses pour justifier le fait que 47 p. 100 des gens ne sont pas allés voter.
M. Joe Benoit: Je pense que vous avez répondu à la question en me la posant. Si je me souviens bien, dans très peu d'instants, à Terre-Neuve, on a eu plus de 70 à 75 p. 100 de voteurs. Donc, on peut dire facilement que 20 à 25 p. 100 s'en foutent. Si tu ne prends pas le temps de voter, tu n'as pas le droit de te prononcer sur une question; tu n'as même pas le droit de critiquer les décisions qui sont prises, parce que tu n'as pas fait ton devoir démocratique. Tu n'as même pas pris cinq minutes pour aller voter.
Donc, je dirais que de 20 à 25 p. 100 des gens ne votent jamais; on ne les voit pas. Cette fois-ci, le fait que l'Église a contesté si fortement la décision du premier référendum a complètement écoeuré les gens face au système. Ils disent que si la majorité ne peut pas se décider sur une question aussi importante, sans avoir un groupe cible qui n'est même pas élu, on peut dire facilement que cela n'en vaut pas la peine. À cause de cela, on a perdu un bon 10 p. 100. Il y en a d'autres, comme vous le dites, qui ne sont pas des parents. Ces derniers se disent: Je n'ai pas d'enfants ou de petits-enfants, et cela ne me concerne pas.
Le sénateur Eymard Corbin: Je soulève la question de privilège. M. Brien a complètement transformé ce que j'ai dit.
M. Pierre Brien: Je ne vous ai jamais cité.
Le sénateur Eymard Corbin: Vous avez fait allusion à mes propos. Je ne parlais pas d'un référendum au Nouveau-Brunswick. Je voulais faire la comparaison à un référendum possible à Terre-Neuve sur la question des écoles françaises, pour faire le parallèle avec le référendum sur la question religieuse dans les écoles à Terre-Neuve. C'est tout ce que j'ai dit. Je pense que vous m'aviez compris à ce moment-là.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, sénateur Corbin, de ces éclaircissements.
[Français]
M. Pierre Brien: Je ne vous ai pas nommé, mais si vous pensez que le chapeau vous va, portez-le.
Le sénateur Eymard Corbin: Vous viendrez au Nouveau-Brunswick et je vous en apprendrai.
M. Pierre Brien: Merci de l'invitation.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous pouvons continuer.
Madame Caplan, vous avez la parole.
Mme Elinor Caplan: Merci beaucoup.
Je vous remercie de votre exposé.
Au cours de nos audiences, j'ai interrogé les témoins sur la clarté de la question du référendum, même si un référendum n'a pas été exigé en vue d'apporter cette modification bilatérale aux conditions de la clause 17. Cependant, il est de notre devoir de nous assurer que les citoyens savaient quelles étaient les intentions de leur Assemblée législative.
Personnellement, j'ai été très impressionnée par le fait qu'il y a eu un vote unanime de tous les partis à l'Assemblée législative de Terre-Neuve, même ceux dont la clientèle est composée majoritairement de catholiques romains et ceux composés majoritairement de pentecôtistes, et d'autres aussi qui appuyaient cette idée. En fait, ils ne l'appuyaient peut-être pas. Nous n'en savons rien, étant donné que nous ignorons comment les citoyens auraient voté individuellement. Ils ont cependant eu leur mot à dire dans le débat et leurs représentants à l'Assemblée législative ont voté en faveur de la demande de changement aux conditions de la clause 17.
Ce soir, on nous a parlé du moment où la question a été rendue publique et on s'est interrogé à savoir si cela avait eu une incidence sur la compréhension des gens qui ont participé au référendum. J'ai relu un discours prononcé par votre premier ministre le 31 juillet. Vous vous souvenez sans doute de ce discours.
M. Joe Benoit: Je l'ai ici.
Mme Elinor Caplan: Vous l'avez sous les yeux.
Avec votre permission, je voudrais citer deux paragraphes de la page 6. En fait, j'aimerais revenir à la page 5, qui commence ainsi: «la question serait la suivante», et je cite:
Je voudrais savoir dans quelle mesure cette question est différente de celle qui, au bout du compte, s'est retrouvée sur le bulletin de vote au moment du référendum à Terre-Neuve?
M. Joe Benoit: Je ne me souviens pas mot pour mot de ce qui figurait sur le bulletin de vote, mais la formulation n'était pas tellement différente. Essentiellement, je pense que les gens ont compris ce sur quoi ils votaient.
Vous m'avez interrogé au sujet du moment où l'on a communiqué la question. En toute honnêteté, madame, c'est de la politique pure et simple. Cette fois-ci, le gouvernement du jour ne s'est pas lancé dans une campagne aussi active que la première fois. Il a laissé le peuple décider. Le gouvernement ne s'est pas ou à peu près pas livré à de savantes manoeuvres. Il y a peut-être eu des tractations de coulisses, mais c'est normal. Il y en a eu autant dans tous les foyers de la province.
Mme Elinor Caplan: À la page 6 du discours du premier ministre, il a précisé la signification de la question. J'ai été très impressionnée. Il a dit:
Quelques paragraphes plus loin, il dit:
Voici ma question. Ce fut là le début du débat. Le référendum a eu lieu le 2 septembre. Pensez-vous que les citoyens de Terre-Neuve et du Labrador comprenaient la question qui leur était posée et que tous les membres de l'Assemblée législative qui ont voté après le référendum comprenaient l'enjeu, la façon dont les gens avaient voté? Pensez-vous que la question était claire dans l'esprit de tous?
M. Joe Benoit: Je peux vous répondre oui sans hésiter. En tant qu'enseignant, un grand nombre de parents sont venus me consulter et m'interroger au sujet de la question. Je la leur ai expliquée en termes simples et, à mon avis, il aurait été difficile d'être plus clair que cela.
Mme Elinor Caplan: Voici ma dernière question. Vous avez dit être venu témoigner aujourd'hui en tant que parent et en tant qu'enseignant inquiet au sujet d'un système d'éducation moribond. Ce sont les termes que vous avez employés.
Pensez-vous que tous les tenants du changement souhaitent pour leurs enfants une éducation qui soit à la fois de très haute qualité et efficiente sur le plan des coûts, dans un cadre qui suscitera moins de divisions que par le passé dans votre province?
M. Joe Benoit: Si l'on interroge même les tenants convaincus du non, ils vous répondront que sur le plan éducatif—vous constaterez que la religion est au bas de l'échelle de leurs priorités. Ils veulent savoir comment leurs enfants se rendront à l'école. Ils veulent savoir quels cours sont offerts à l'école. Ils veulent savoir quelle technologie est utilisée à l'école. Ils veulent savoir quels événements spéciaux sont organisés à l'école. Quant à savoir quelle religion est dispensée à l'école, c'est au bas de leur liste. Il y a de multiples autres choses qui sont plus importantes aux yeux des parents.
Ce qui me préoccupe surtout au sujet de ma fille qui recevra son diplôme cette année, c'est de savoir si, lorsqu'elle quittera Cap St. Georges pour fréquenter l'Université de Moncton, elle sera sur un pied d'égalité en tant que francophone avec les autres francophones de la province et les francophones des autres provinces qui viennent à Moncton. Voilà ma première préoccupation. Deuxièmement, je m'inquiète de savoir si ma fille sera capable de se débrouiller dans le nouveau monde de la technologie.
Ce sont là les deux questions les plus importantes à mes yeux. Évidemment, un parent anglophone ne s'inquiéterait pas de voir son enfant partir pour Moncton. Il s'inquiéterait s'il allait à l'Université Memorial.
Le fait que jusqu'à 30 p. 100 des étudiants échouent après le premier semestre de leur première année universitaire, voilà ce qui est important. Cela signifie-t-il que notre système ne fait pas son travail? Voilà ce qui préoccupe les parents, et c'est un élément très important.
À mon avis, ce sont là les grandes questions que se posent les parents à l'heure actuelle. Ils souhaitent en finir avec cette affaire, puisque la décision a été prise. Ils veulent que le processus aboutisse, qu'on propose l'amendement au Parlement et ensuite qu'on se mette à la tâche pour réorganiser et renouveler un système qui est dans le chaos total à l'heure actuelle.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.
M. Pagtakhan voudrait poser une brève question avant de nous quitter pour prendre un avion, et M. Schmidt aura le dernier mot.
M. Rey Pagtakhan: Merci, madame la présidente, je voulais simplement faire consigner au compte rendu une maxime que j'ai apprise de ma mère: n'accomplis pas par la guerre ce que tu peux accomplir par la paix.
Je vous transmets ces propos car j'ai décelé en vous une passion au cours de votre exposé. Vous avez dit que l'Église catholique ne respectait pas le processus démocratique, vous lui reprochez de s'être adressée aux tribunaux, comme si les tribunaux n'étaient pas parties prenantes de l'appareil démocratique. Selon vous, l'Église continue d'être dictatoriale, mue par sa crainte de perdre son pouvoir.
J'ai été attentif à votre requête qui est que nous adoptions l'amendement—mais lorsque nous avons des divergences d'opinions, il convient, à mon sens, de les accepter dans un esprit de démocratie, de chrétienté et de tolérance de la foi d'autrui. Il s'agit là de divergences d'opinions légitimes. Si nous les acceptons dans cet esprit, monsieur Benoit, je crois que nous progresserons sur la voie de la réalisation de nos objectifs en tant que nation.
Madame la présidente, je tiens également à dire officiellement que la province de Terre-Neuve doit trouver des moyens de soutenir financièrement des écoles confessionnelles comme le font d'autres provinces du Canada. Je sais qu'il faut être réaliste et que cela ne se fera pas aujourd'hui, mais c'est une possibilité qu'il ne faut pas écarter pour l'avenir. Nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve pas plus que sur le passé, mais pour l'heure, nous évoluons.
Je voulais simplement communiquer cette réflexion aux membres du comité. Si nous voyons les choses sous ce jour, nous pourrons sans doute réaliser nos voeux et nos aspirations avec beaucoup plus de succès, dans la paix et la prospérité.
• 1925
Madame la présidente, je tenais à dire ces quelques mots avant
de partir pour l'aéroport.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Je vous remercie beaucoup, monsieur Pagtakhan. Faites un bon voyage.
M. Joe Benoit: Madame la présidente, puis-je répondre?
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Certainement, monsieur Benoit.
M. Joe Benoit: On vient de mettre en cause ma réaction au fait que l'Église catholique allait s'adresser aux tribunaux.
Je suis membre de l'Église catholique, et 62 p. 100 des membres de notre association ont voté et décidé que c'était ce qu'ils souhaitaient. En tant que leader, je me dois de respecter le voeu de la majorité et de le véhiculer comme si c'était le mien.
L'Église n'a pas fait cela. L'Église s'est fondée sur le voeu de la minorité. Dans une démocratie, nous savons que ce n'est pas la bonne façon de faire des choses. Cela ne jettera pas des ponts, cela les détruira.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Monsieur Schmidt, c'est à vous.
M. Werner Schmidt: Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté de comparaître devant le comité. J'aimerais vous poser une question toute simple et ensuite, une autre qui n'est pas simple.
Si l'amendement est adopté et que les conditions de la clause 17 sont modifiées, quels changements cela entraînera-t-il pour votre école?
M. Joe Benoit: Rien de plus facile que de répondre à cette question. Pour ce qui est de l'administration quotidienne de la plupart des écoles dans la province, dans un district rural, cela ne changera rien. Les principaux changements surviendront dans les municipalités et les villes, là où il y a dédoublement de services. Vous aurez deux écoles secondaires parce que la collectivité se répartit entre deux ou trois groupes religieux. C'est là qu'on verra la différence.
Ma communauté est entièrement catholique, et ses habitants souhaitent qu'on y observe les préceptes catholiques. Cette garantie existe. Par exemple, si les gens souhaitent construire une scène de la nativité pour Noël, il y en aura une. Si c'est ce que veulent les parents, l'école le fera. Ce n'est pas un problème.
La seule différence sera dans les villes. Et si l'on songe au déclin des recettes fiscales, je pense qu'il y a belle lurette qu'on aurait dû faire cela.
M. Werner Schmidt: Si j'ai bien compris, la modification des conditions de la clause 17 ne changera rien.
M. Joe Benoit: Oui, le changement, c'est que l'administration des écoles sera retirée au clergé et remise entre les mains de représentants élus, comme cela se doit.
M. Werner Schmidt: J'aimerais obtenir une précision. N'y a-t-il pas des conseils scolaires dont les membres sont élus à l'heure actuelle?
M. Joe Benoit: Il y en a, mais les membres du clergé y sont nommés automatiquement. Comme vous le savez, lorsqu'il s'agit d'exprimer des opinions, le clergé est très doué. Il peut facilement obtenir les votes nécessaires.
M. Werner Schmidt: Vous n'avez pas non plus la langue dans votre poche.
M. Joe Benoit: Non, monsieur. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui m'a incité à venir ici. Je n'ai pas peur de parler, et je pense qu'il est grand temps que les chefs de notre collectivité en fassent autant pour dire qu'assez, c'est assez. Si les voeux de la population ne sont pas respectés par les députés du gouvernement, à quelque palier que ce soit, alors la démocratie n'existe pas au Canada.
Je vous affirme que cela existe. J'ai confiance au système. C'est un système dans lequel j'enseigne la démocratie et le droit, et je pense qu'il peut fonctionner.
En tant que membre de ce comité, vous n'avez qu'à nous donner ce que nous demandons en modifiant la clause 17 et en nous laissant faire notre travail dans notre province.
M. Werner Schmidt: Madame la présidente, j'en ai terminé sur ce chapitre.
J'ai d'autres questions à poser, mais la plus importante est la suivante: le débat porte-t-il essentiellement sur les droits individuels par opposition aux droits collectifs, ou sur la prise du contrôle des écoles par un groupe?
M. Joe Benoit: Dans le cadre de l'élection des conseillers scolaires, mettons qu'un conseil a neuf membres. Il pourrait y avoir neuf conseillers élus par la population dans une certaine région pour gérer les écoles et assumer la responsabilité administrative des écoles de la région. Si le clergé veut participer à ce processus, ses membres doivent faire campagne et se faire élire comme les autres candidats. Dorénavant, le clergé ne sera plus en mesure d'imposer aux gens la marche à suivre. Auparavant, il en était ainsi parce que les écoles appartenaient aux Églises et elles étaient dirigées par le clergé, qui n'était pas élu. Voilà la source du problème.
Dans la situation actuelle, quand tous les conseillers sont élus, nous avons au moins de meilleures chances de faire respecter les décisions prises. Ces décisions seront prises par des gens qui nous représentent.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à la question.
M. Werner Schmidt: Non.
Madame la présidente, il n'a pas répondu à la question. La situation est très simple: actuellement, les conseils scolaires sont élus.
M. Joe Benoit: En effet.
M. Werner Schmidt: Et il y aura des conseils scolaires élus à l'avenir. Le fait qu'il puisse y avoir prépondérance d'un groupe par rapport à un autre est une question assez différente. Si nous voulons parler de démocratie, nous devons faire très attention et mettre tout le monde sur un pied d'égalité, et non pas faire ce qui nous arrange à un moment donné.
Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Schmidt.
Merci beaucoup, monsieur Benoit. Vous avez certainement terminé la soirée en beauté, et nous vous sommes très reconnaissants d'être venu à Ottawa nous parler. Merci.
M. Joe Benoit: Merci beaucoup.
M. Peter Goldring: Un rappel au Règlement, madame la présidente. La trousse d'information que nous avons reçue du gouvernement de Terre-Neuve et la note qui l'accompagnait indiquaient que ces informations remontaient à la période référendaire. Les deux pages de questions et réponses ne sont pas datées, mais je vois une date sur la feuille que j'ai, qui comporte des questions et des réponses identiques, et il s'agit du 4 septembre, c'est-à-dire après le référendum. Quelqu'un pourrait-il nous dire si ces informations ont été diffusées après le référendum? En regardant l'autre texte, on a l'impression qu'il a été diffusé avant le référendum.
La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous ferons les vérifications pour vous, monsieur Goldring.
Avant de lever la séance, je vous signale que les documents tant attendus sont arrivés. Ils sont là. Je tiens à préciser qu'on ne les a pas retenus délibérément. Il y a eu une erreur humaine quelque part. Maintenant, nous les avons.
D'autre part, M. Hutchings s'est engagé à venir tôt demain matin pour répondre aux questions. Ce document est essentiellement le sien. Nous avons parlé au sénateur Kinsella avant son départ, et cela lui convient. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, M. Hutchings se mettra à notre disposition demain matin.
Entre-temps, nous allons les faire distribuer et chacun aura son exemplaire.
Merci beaucoup. La journée a été longue. Je vous remercie de votre contribution.