SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE AMENDMENT TO TERM 17 OF THE TERMS OF UNION OF NEWFOUNDLAND

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL CONCERNANT LA MODIFICATION À LA CLAUSE 17 DES CONDITIONS DE L'UNION DE TERRE-NEUVE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 20 novembre 1997

• 1531

[Traduction]

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn (Lethbridge, Lib.)): Chers collègues, nous sommes de retour cet après-midi et vous êtes les bienvenus. Le quorum est largement réuni et nous pouvons donc commencer.

Nous allons entendre deux groupes cet après-midi. Le premier est l'Association d'éducation catholique de Terre-Neuve et du Labrador et le deuxième l'Association des droits de la personne de Terre-Neuve et du Labrador. Nous espérons pouvoir accorder une heure à chaque groupe pour l'exposé et les questions, avec éventuellement 10 à 15 minutes pour l'exposé et le reste consacré aux questions.

On s'est montré très généreux ce matin pour ce qui est du temps accordé aux questions. Cet après-midi, étant donné que nous avons un peu moins de temps, nous pourrions peut-être faire un premier tour de questions et voir ensuite le temps qu'il nous reste.

Je suis très heureuse d'accueillir les représentantes de l'Association d'éducation catholique de Terre-Neuve et du Labrador. Il s'agit d'Helena Bragg, sa directrice exécutive; et d'Alice Furlong, sa vice-présidente.

Soyez les bienvenues. Nous sommes enchantés d'avoir fait ce déplacement pour venir vous voir et nous sommes tout disposés à vous écouter.

Vous pouvez commencer.

Mme Alice Furlong (vice-présidente, Association d'éducation catholique de Terre-Neuve et du Labrador): Merci.

Je vous remercie de nous souhaiter la bienvenue mais, avec tout le respect que je vous dois, madame la présidente, je ne suis pas sûre de pouvoir partager avec vous le plaisir d'être ici. En tant que groupe, nous avons été énormément affectés par les événements de ces huit dernières années. Nous sommes très touchés et très traumatisés par ce qui s'est passé. Par conséquent, même si votre accueil est très généreux, je crois que vous pouvez comprendre ce que nous ressentons exactement.

Je vais vous parler aujourd'hui au nom de l'Association d'éducation catholique de Terre-Neuve et du Labrador. Je ferai mon exposé en compagnie d'Helena Bragg. Nous nous efforcerons d'être aussi brèves que possible.

Est-ce que ces paroles vous paraissent familières, mesdames et messieurs? Ce sont celles qu'a prononcées notre ministre de l'Éducation, Roger Grimes, lors de son intervention devant le Sénat le 11 juillet 1996.

• 1535

Un peu plus d'un an plus tard, son gouvernement s'efforçait de supprimer la modification qu'il venait ainsi d'appuyer. Cette modification, qui est en vigueur à l'heure actuelle, a été adoptée le 4 décembre 1996, proclamée en vigueur le 11 avril 1997 et menacée de suppression le 31 juillet 1997.

Mesdames et messieurs, la question qu'il faut se poser, c'est pourquoi nous sommes tous ici aujourd'hui. Je sais pourquoi nous sommes ici et il vous faudra déterminer pour quelle raison vous y êtes aussi.

Nous voulons exprimer le point de vue de nombreux Catholiques qui ont voté en faveur du maintien de leurs droits constitutionnels et qui ont renforcé cette position en inscrivant leurs enfants dans des écoles catholiques en février 1997. Soixante pour cent de nos élèves catholiques ont été réinscrits par leurs parents dans des écoles catholiques en février 1997.

L'accord entérinant l'union entre Terre-Neuve et le Canada prévoit la protection des écoles confessionnelles, mais nous voyons aujourd'hui que le gouvernement Tobin a l'intention de supprimer purement et simplement cette protection et de retirer le droit et la possibilité de suivre une instruction religieuse confessionnelle, contrairement à tout ce qui a été promis il y a un peu plus d'un an.

Contrairement à ce qui se passe au sujet de la modification du régime d'enseignement au Québec, où l'on dit qu'il y a un consensus pour révoquer la protection constitutionnelle prévue pour les écoles confessionnelles, il est clair que ce consensus n'existe pas pour la minorité conservée à Terre-Neuve et au Labrador.

Après deux référendums et un processus d'inscription dans les écoles, il reste encore des dissensions. L'inscription dans les écoles qui a eu lieu en février 1997 a montré clairement quelle était la préférence des Catholiques, puisque 60 p. 100 d'entre eux ont réinscrit leurs enfants dans des écoles catholiques.

Nous estimons que le référendum du 2 septembre 1997 n'était pas la bonne solution pour répondre au désir de la minorité concernée. Il a été organisé et, dans une certaine mesure, nous avons donc maintenant l'obligation de tenir compte de ses résultats. Des problèmes tels que le manque de financement du camp du non et l'insuffisance du temps consacré à l'examen, au débat et à l'analyse de la question, font que les résultats du référendum sont pour le moins contestables.

On va vous dire que toutes les circonscriptions catholiques ont voté oui et que toutes les circonscriptions de Terre-Neuve et du Labrador, sauf une, ont appuyé le gouvernement Tobin. Nous croyons savoir qu'une intervention vous sera présentée à cet effet la semaine prochaine.

En réalité, nous ne savons pas qui a voté et comment on a voté. En tant que groupe, on ne peut pas dire que les Catholiques aient voté d'une façon ou d'une autre. Souvenez-vous que nous n'avons pas eu le droit d'avoir des représentants et que nos électeurs n'étaient pas tenus de voter dans leur propre circonscription. De plus, nos populations étaient établies en fonction des statistiques de 1991. Par ailleurs, la notion de «lorsque le nombre le justifie» n'a rien à voir avec la limite des circonscriptions électorales.

Nous félicitons l'honorable Paul DeVillers d'avoir si bien exprimé notre point de vue au sujet de la nécessité pour la minorité de décider de son propre sort. Voici ce que M. DeVillers a déclaré à la Chambre des communes lors du débat sur la modification proposée à l'article 93 de la Loi constitutionnelle, je cite la page 1757 du hansard du 17 novembre 1997:

Il a poursuivi plus loin en ces termes:

Ce même principe doit s'appliquer à Terre-Neuve et au Labrador. Aucune préoccupation concernant le choix des minorités concernées en l'espèce par notre référendum n'a été exprimée par ceux qui nous ont imposé ce référendum, et on n'a rien proposé pour sonder éventuellement l'opinion de la minorité.

• 1540

Je le répète, les électeurs n'étaient pas tenus de voter dans leur propre circonscription, et on ne nous a pas autorisé à avoir des représentants. En fait, une analyse effectuée pour le compte de la commission confessionnelle par James Feehan, professeur d'économie à l'Université Memorial, nous révèle, sur la foi d'hypothèses raisonnables, qu'il y avait jusqu'à 61 p. 100 de Catholiques qui avaient voté non au référendum.

Vous voyez que cela concorde très bien avec le résultat de la procédure d'inscription imposée par le gouvernement aux parents en février 1997, où là encore nous avons vu 60 p. 100 de nos enfants se réinscrire dans les écoles catholiques. Je vous rappelle que cette opération a eu lieu en février, lorsque les parents ont dû aller faire inscrire leurs enfants. Ceux qui ne voulaient pas inscrire leurs enfants dans des écoles uniconfessionnelles n'ont pas eu à voter.

Dans bien des régions de Terre-Neuve et du Labrador, les chiffres ne justifient plus que l'on ait des écoles séparées. Les Catholiques vont dans des écoles que nous appelons «interconfessionnelles», où on leur donne une instruction religieuse selon leur propre confession.

Ce chiffre de 24 000 revêt donc une importance particulière lorsqu'on le rapproche d'une population scolaire totale de 101 608 élèves et en vertu de sa concentration dans des régions où le nombre justifie le maintien des écoles séparées.

Contrairement à ce qui se passe au Québec, où il est proposé dans la loi provinciale d'offrir une protection de rechange à l'enseignement religieux, aucune disposition de ce type, quelle que soit son insuffisance comparativement à une reconnaissance constitutionnelle, n'est offerte à Terre-Neuve et au Labrador.

Souvenez-vous de ce qui nous a été offert et vous comprendrez ce qui nous est arrivé sur le plan de la législation provinciale. Le gouvernement lui-même—et il en a été jugé ainsi par le juge Leo Barry—a enfreint sa propre loi. Voilà ce qu'ont fait les garanties de protection des minorités dans la loi provinciale. En remplacement, le gouvernement Tobin propose de supprimer purement et simplement les écoles confessionnelles et l'instruction religieuse et de dispenser à la place des cours religieux oecuméniques.

L'honorable Stéphane Dion vous a fait observer le 18 novembre 1997 qu'il était indéniable que l'on enlevait ainsi un droit reconnu à une minorité par la Constitution. Il a prétendu que si l'on avait pu enlever ce droit reconnu à la minorité par la Constitution, c'est en raison de l'accord qu'a donné elle-même la minorité détentrice de ces droits; toutefois, il n'en apporte nulle part la preuve.

On part d'une hypothèse, comme il l'indique clairement, qui ne s'appuie que sur la conviction qu'elle semble raisonnable. Il n'y a aucun fait qui permet de démontrer que la minorité catholique a renoncé à ses droits. Il ne s'agit en fait que d'une supposition.

Cela semble être suffisant pour le gouvernement de Terre-Neuve et pour l'honorable M. Dion, mais je vous demande, mesdames et messieurs, si la suppression pure et simple d'un droit constitutionnel n'exige pas davantage de précaution. Là encore, je vous renvoie à la déclaration de M. DeVillers.

Mme Helena Bragg (directrice exécutive, Association d'éducation catholique de Terre-Neuve et du Labrador): Je vous demande de réfléchir un instant, mesdames et messieurs, aux raisons pour lesquelles cette modification nous paraît inacceptable. En fait, toute la question qui entoure cette réforme nous paraît suspecte.

Je suis sûre que vous conviendrez avec moi que des expressions telles que «l'enseignement avant tout» et «réforme scolaire» ne sont que des généralités. Personne ne peut véritablement s'y opposer. Nous voulons tous une réforme lorsqu'elle entraîne un progrès et nous faisons tous passer en priorité l'éducation de nos enfants. C'est indéniable. Nous sommes à 100 p. 100 en faveur de la réforme scolaire et nous sommes tous d'accord pour dire que nous voulons avant tout le meilleur enseignement possible pour nos enfants.

La modification proposée à la clause 17, cependant, n'a pas grand-chose à voir avec la réforme scolaire telle qu'on la conçoit généralement. Si par «réforme» on veut parler d'amélioration à un niveau quelconque sous une forme ou une autre, nous n'y voyons certainement aucun inconvénient, les Catholiques de Terre-Neuve ayant au fil des années appuyé résolument le processus de réforme. Ils ont accepté une réduction du nombre de commissions scolaires. Ils ont accepté une réduction du nombre d'écoles. Ils ont volontairement signé des dizaines d'ententes de services conjoints. Toutes ces dispositions sont nettement antérieures aux prétendues réformes du gouvernement Tobin.

• 1545

Nous avons aussi appuyé la rationalisation des circuits de transport par autobus scolaire, et nous avons accepté la création d'une administration gouvernementale venant se substituer aux églises pour prendre des décisions en matière de construction scolaire.

De plus, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador contrôle déjà la formation des maîtres. Il contrôle l'agrément des enseignants. Il négocie les salaires des enseignants. Il négocie les conditions de travail. Il contrôle entièrement les programmes, sauf ceux qui ont trait à l'instruction religieuse, et il a désormais l'intention de supprimer cette disposition.

La modification actuelle vise à supprimer tout vestige d'enseignement catholique, pour ne pas dire chrétien. Il a déjà entraîné le démantèlement des commissions scolaires catholiques. Maintenant, il vise à supprimer complètement la représentation confessionnelle au sein des commissions scolaires et, qui plus est, à retirer le droit d'avoir des écoles uniconfessionnelles même si le nombre le justifie. C'est en raison précisément de ces mesures que la modification nous apparaît inacceptable.

De plus, cette modification nous enlève intégralement, sans notre consentement, les droits qui nous sont garantis par la Constitution. Sous prétexte de réforme de l'enseignement, les parents catholiques n'auront plus le droit de choisir un enseignement de type confessionnel pour leurs enfants.

La question a été présentée de manière très confuse, mesdames et messieurs. On nous a demandé de voter sur un projet devant nous permettre d'offrir un enseignement religieux dans les écoles puis, à la dernière minute, on nous a présenté le projet de modification de la clause 17 devant entraîner la suppression de ces droits. C'est en soi une contradiction.

C'est indéniable; nous avons été trahis par notre gouvernement. Après avoir voté en faveur du maintien de nos droits, nous nous sommes vu promettre une loi provinciale venant remplacer une garantie constitutionnelle qui protège nos droits. Nous constatons aujourd'hui que le gouvernement provincial a renié sa promesse et, pire encore, qu'il est probable que le Parlement du Canada, dont on pouvait penser qu'il protégerait nos droits en tant que minorité, risque de se faire le complice de ce mauvais coup.

Il est clair que Terre-Neuve et le Labrador se proposent de mettre en place un réseau d'écoles publiques unique, conformiste et laïque, contrairement aux souhaits exprimés par 55 871 Canadiens de notre province—nombre d'entre eux étant par ailleurs les parents de plus de 24 000 enfants qui ont été réinscrits dans les écoles catholiques en février 1997.

En tant que citoyens du Canada dont les droits sont menacés, nous méritons d'être écoutés sur cette question. De plus, je suis sûre que vous vous rendez compte que la population de notre pays s'oppose de plus en plus à ce que l'on procède à des changements constitutionnels qui entraînent des conséquences extrêmes en retirant aux Canadiens, sans leur consentement, des droits qui leur sont garantis par la Constitution.

Mesdames et messieurs, il vous appartient maintenant de régler cette question de façon raisonnable, responsable et équitable.

Mme Alice Furlong: Les gouvernements Wells et Tobin se sont servis du rapport de la Commission royale Williams, Our Children Our Future, pour justifier leurs propositions de réforme. Ils ont laissé entendre que la suppression de nos droits constitutionnels était indispensable pour y parvenir. Toutefois, vous savez peut-être, ou vous ne le savez pas, que le gouvernement provincial a depuis les années 30 le droit d'instaurer un réseau scolaire public et qu'il ne l'a pas fait.

Il vous faut savoir aussi qu'avant le premier référendum de 1995, les églises de Terre-Neuve et du Labrador, représentant leur communauté, ont accepté 90 p. 100 des 211 recommandations du rapport Williams, et qu'au cours des 30 dernières années la majeure partie des écoles faisant double emploi dans le réseau scolaire de Terre-Neuve ont été volontairement supprimées. Toutes les écoles continuant à faire double emploi qu'il reste à supprimer peuvent l'être par voie de collaboration.

Très rapidement—madame la présidente, je sais que vous manquez de temps—nous estimons qu'il est important que les députés sachent ici qu'il n'y a des écoles que dans 241 localités de notre province. Aujourd'hui, il n'y a que 391 écoles. En 1995, il y en avait près de 500; en 1967, il y en avait 1 100. Il est important aussi que vous sachiez que 90 p. 100 de nos localités qui possèdent des écoles n'ont qu'un seul réseau scolaire. Aujourd'hui, 10 p. 100 seulement de nos localités ayant des écoles ont plus d'un réseau scolaire, qui se trouve dans les villes et les plus grandes bourgades. Il n'y a que 10 commissions scolaires. C'est ce que souhaitait le gouvernement, et les églises l'ont accepté. Il n'y a qu'une seule commission chargée des constructions scolaires.

• 1550

Nous vous avons déjà dit que le gouvernement contrôle l'agrément des enseignants, les affectations, les ratios d'enseignants, les programmes scolaires, les contenus des programmes, les finances, la construction et les dépenses d'équipement. Il veut maintenant contrôler l'enseignement religieux. Il veut y parvenir en mettant sur pied ce qu'il appelle, et ce que nous appelons, une «religion d'État».

Terre-Neuve et le Labrador doivent être considérés de manière spéciale. À part quelques régions urbaines, la population est rare et clairsemée. Notre côte déchiquetée, le long de laquelle s'était établie à une époque la majeure partie de notre population, s'étend sur plus de 10 000 milles. Les regroupements scolaires posent des problèmes différents. Parfois, lorsqu'on ferme une école, on oblige tout simplement un enfant à faire de plus longs trajets d'autobus. Les décisions ne sont pas faciles à prendre.

Seules les grandes zones urbaines ont plusieurs écoles, nous le répétons, et pourtant tous les habitants de cette région, quelle que soit leur confession religieuse, ont fait le maximum pour améliorer les chances qui s'offrent à leurs enfants en matière scolaire. Ils l'ont fait en se réunissant pour constituer des écoles interconfessionnelles, qui sont oecuméniques. C'est dans 90 p. 100 des cas. Ces écoles dispensent des classes d'instruction religieuse particulières lorsqu'il existe certaines catégories qui le justifient. Cette possibilité sera supprimée.

L'un des principaux obstacles qui empêche que l'on se regroupe davantage semble être le manque de crédits gouvernementaux devant permettre d'améliorer les installations. L'une des raisons qui a justifié le premier référendum a été la nécessité de réduire les effectifs, d'économiser de l'argent, de réinjecter de l'argent dans le système et, par conséquent, de pouvoir apporter les modifications nécessaires. Le gouvernement nous dit maintenant que l'argent économisé ne sera pas réinjecté dans le secteur de l'enseignement.

Nos droits découlant de la clause 17 ont tout d'abord été modifiés par le référendum de 1995. La première modification, comme vous le savez, a garanti le maintien de la protection des droits subsistants. Aujourd'hui, nous constatons que les promesses de protection de nos droits étaient vides de sens et, à notre point de vue, trompeuses. Nos droits sont supprimés sans notre permission, la minorité en souffre. Ils sont supprimés par un vote de la majorité.

En février 1997, le gouvernement a procédé à l'inscription dont je vous ai parlé. Il a indiqué aux parents qu'ils devaient sortir du système. Il leur fallait inscrire leurs enfants s'ils voulaient que ces derniers aillent dans une école uniconfessionnelle. Les parents sont sortis du système.

Il vous faut bien voir ce qui s'est passé en février à Terre-Neuve pour comprendre les conséquences d'une réinscription de plus de 60 p. 100 de ces enfants. Pourtant, le gouvernement n'a pas tenu compte du choix explicite de ces parents alors qu'il leur avait demandé de choisir.

Pour pouvoir exercer leurs droits, les parents en ont été réduits à s'adresser aux tribunaux au printemps 1997. La cour a statué en leur faveur. Cela a mis fin à la procédure de reclassement, mais non pas à la réforme scolaire, comme on l'a signalé ici. Cela a mis fin à la procédure de reclassement des écoles mais non pas à la réforme.

Les commissions scolaires étaient en train de reclasser les écoles en fonction des souhaits des parents lorsqu'une directive envoyée par le ministre de l'Éducation aux commissions scolaires a plongé tout le monde dans la confusion. C'est précisément cette directive que le juge Barry a jugée inconstitutionnelle et trompeuse. C'est donc l'attitude et les méthodes du ministère qui ont entraîné les difficultés dans ce cas.

Nous estimons que tous ces agissements ne respectent aucunement les promesses faites à la Chambre des communes ou aux minorités concernées. Par contre, ils nous révèlent que nous sommes une minorité dont les droits sont décidés par la majorité. Si ces agissements sont couronnés de succès, la puissance de la majorité pourra très bien être utilisée à l'avenir pour abroger les droits minoritaires d'autres Canadiens.

Ce qu'on voit bien ici, c'est que les agissements du gouvernement Tobin témoignent d'un mépris envers la population dont il a promis de protéger les droits. Ce n'est pas acceptable. Dans un pays démocratique, les minorités doivent avoir des droits protégés par la Constitution.

• 1555

Mme Helena Bragg: Je voudrais dire un mot au sujet du choix qui est offert en matière d'enseignement. Je vais résumer considérablement mon intervention, mais je tiens à dire que les Catholiques respectent pleinement les droits des partisans d'un enseignement laïc d'envoyer leurs enfants dans des écoles fondées sur ce principe s'ils le désirent. Pourtant, le gouvernement Tobin fait preuve d'intolérance envers les Catholiques en leur refusant d'envoyer leurs enfants dans des écoles qui leur dispensent un enseignement axé sur leur foi.

Nous considérons que c'est un cas patent d'intolérance religieuse. Il va à l'encontre de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du principe de tolérance et de liberté de choix en vigueur au Canada. C'est tout simplement une faute.

À l'occasion, vous entendrez dire qu'il faut retirer aux églises leurs pouvoirs en matière d'enseignement. En fait, lors de l'annonce du référendum le 31 juillet, le premier ministre Tobin a lui-même fait cette affirmation.

Nous pouvons vous dire que ce pouvoir n'est plus véritablement exercé dans l'administration de nos écoles. C'est la population qui prend la place de l'église aujourd'hui et qui insiste sur sa liberté de choix. La Déclaration universelle des droits de l'homme confère aux parents le droit fondamental de choisir le type d'enseignement qu'ils veulent pour leurs enfants. Ce droit nous est retiré.

Il est indéniable que la modification de la clause 17 qui est proposée va supprimer des écoles confessionnelles et le droit à un enseignement religieux confessionnel dans les écoles de Terre-Neuve et du Labrador. Par conséquent, elle va supprimer la liberté de choix en matière d'enseignement.

Notre position sur cette question du choix est très claire. Nous sommes en faveur du maintien du droit à avoir des écoles confessionnelles et dissidentes ainsi qu'à les conserver lorsque le nombre le justifie. Lorsque le nombre ne le justifie pas, nous sommes en faveur du droit à l'enseignement religieux de notre choix selon notre confession religieuse.

Nous défendons parallèlement les mêmes droits pour les personnes ayant une autre confession religieuse et nous respectons le choix de celles qui mettent leurs enfants dans une école publique laïque, mais nous exigeons le même respect de notre liberté de choix, telle qu'elle est protégée à l'heure actuelle par notre Constitution. Si cette protection n'est pas maintenue aujourd'hui, il y aura là un précédent pour les décisions politiques qui seront prises à l'avenir. Il pourrait en résulter une totale laïcisation de notre réseau d'enseignement et une suppression complète de la possibilité de choix.

En conclusion, mesdames et messieurs, nous tenons à souligner un certain nombre de points. Nous sommes nombreux à penser que le gouvernement nous a forcé la main grâce à son pouvoir, à son influence et à son argent—et pardonnez-moi de le préciser, mais c'est notre argent.

Nos droits nous ont été retirés par un vote à 37 p. 100 de la majorité. Selon les propres statistiques du gouvernement, seulement 53 p. 100 des électeurs sont allés voter en septembre 1997. Sur ces 53 p. 100, effectivement, 73 p. 100 ont voté oui, mais cela signifie que 37 p. 100 des électeurs de Terre-Neuve et du Labrador veulent retirer à une minorité de plus de 55 000 personnes qui a voté non les droits qu'elle possède en matière d'enseignement.

Pour tenter d'exercer nos droits à la création d'écoles viables, nous avons dû nous adresser aux tribunaux. En conséquence, le gouvernement Tobin nous a punis—nous a punis—en nous retirant les droits qui nous restaient sans notre consentement.

Nous constatons, mesdames et messieurs, que notre Constitution ne nous offre aujourd'hui que très peu de sécurité, car à quoi sert un droit s'il n'est pas garanti par la Constitution ou s'il peut être retiré selon le bon plaisir d'un gouvernement qui fait agir sa majorité?

Nous tous—la population et les parlementaires de la Chambre des communes et du Sénat—nous avons tous été littéralement trompés par un gouvernement qui avait promis, avant la première modification apportée à la clause 17, que nos droits restants seraient protégés par une loi provinciale, et que nous serions traités équitablement. Nous soutenons que les résultats du référendum n'indiquent aucunement de façon claire et sans équivoque que la minorité catholique a renoncé à ses droits.

Nous estimons que notre position est très raisonnable en l'espèce. Nous ne demandons pas des écoles catholiques entraînant des coûts supplémentaires et inutiles, ou des services faisant double emploi. En fait, je répète ce qui a déjà été dit. Il y a peu de doubles emplois de ce type aujourd'hui, et lorsqu'il y en a, c'est souvent en raison du manque de crédits du gouvernement qui permettraient d'améliorer les installations.

Depuis le début, nous ne demandons qu'une chose: le droit garanti de préserver nos écoles confessionnelles lorsque le nombre le justifie. Nous demandons par ailleurs que lorsque le nombre ne justifie pas que l'on administre une école confessionnelle distincte, nous ayons un droit garanti à un enseignement religieux catholique dans des écoles interconfessionnelles.

• 1600

À cet égard, la formulation de la nouvelle modification apportée à la clause 17 nous est préjudiciable. Les agissements du gouvernement Tobin, qui portent atteinte aux droits de notre minorité, sont injustifiés et ne doivent pas être entérinés par le gouvernement fédéral. Ce précédent, une fois établi, risque de justifier une attaque généralisée à l'échelle du Canada contre les droits des minorités, même lorsque ceux-ci semblent protégés et garantis par la Constitution.

On peut citer l'exemple de la minorité pentecôtiste de Terre-Neuve et du Labrador. Ses droits constitutionnels ne lui ont été reconnus qu'en 1987. Dix ans plus tard, on les lui retire.

Quelle est donc la valeur et les garanties d'un droit constitutionnel, je vous le demande, mesdames et messieurs, et quelle est la minorité qui sera la prochaine à être touchée?

Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Je vous remercie toutes deux.

Il nous reste maintenant une demi-heure pour poser des questions.

J'ai plusieurs noms sur ma liste: Peter Goldring, le sénateur Kinsella, le sénateur Rompkey, M. Mark et le sénateur Doody.

Nous allons commencer par M. Goldring.

M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie, mesdames, de votre exposé. Ma première question s'adresse à Mme Furlong.

La question ayant semble-t-il changée entre le 31 juillet et le 25 août, juste avant la tenue du référendum... Dans la trousse d'information que nous a fait parvenir l'autre jour le gouvernement de Terre-Neuve, il y avait une feuille de questions et de réponses datée du 4 septembre, deux jours après le référendum.

Y avait-il avant le référendum des questions de ce type, indiquant très clairement et très précisément ce que signifiait l'opération? C'est certainement le canevas ou la reproduction des publicités qu'a faites le gouvernement ou de ce qu'il a dit. Est-ce que le gouvernement a fourni dans sa publicité des renseignements supplémentaires précisant la situation et la rendant tout à fait claire? Les annonces publicitaires étaient-elles aussi claires que la question?

Mme Alice Furlong: Je me souviens qu'une série de questions et de réponses a été publiée—et je peux me tromper—une fois que M. Tobin a fait l'annonce du référendum le 31 juillet. Il a rendu publiques à ce moment-là ce qu'il estimait devoir être les questions que se poserait la population avec les réponses correspondantes.

En dehors de ça, je ne suis pas au courant de la publication d'autres questions accompagnées de réponses.

M. Peter Goldring: Est-ce que ces questions étaient satisfaisantes? La feuille que nous avons reçue porte une date postérieure, celle du 4 septembre. Avez-vous eu une série de questions et de réponses satisfaisantes publiées avant le référendum?

Mme Alice Furlong: Eh bien, c'est très embrouillé parce que la question telle qu'elle était posée impliquait en soi... s'il s'agissait de ces mêmes questions et réponses. Ainsi, on a promis à la population que les écoles allaient rester chrétiennes—en substance, comme elles l'avaient toujours été. Lorsque les clauses ont finalement été présentées à la population, il est alors devenu très évident qu'elles étaient contraires à l'information fournie le 31 juillet.

M. Peter Goldring: Serait-il possible d'avoir une copie des questions publiées pour qu'on puisse les comparer aux questions et aux réponses rendues publiques après le référendum?

Mme Alice Furlong: Certainement. Je suis sûre que nous en avons des copies. Je pourrais vous en faire parvenir une.

M. Peter Goldring: Très bien. Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci. Sénateur Kinsella.

Le sénateur Noël A. Kinsella (Fredericton—York—Sunbury, PC): Merci, sénatrice.

Je comprends bien l'exposé et l'argumentation des témoins, qui exposent les raisons pour lesquelles le Parlement du Canada ne doit pas appuyer la modification proposée. Cette modification abroge en fait le réseau d'écoles confessionnelles garanti actuellement par la Constitution. Je le comprends parfaitement.

• 1605

Je vous serais très reconnaissant de m'aider à comprendre les autres dispositions de la modification qui nous est proposée. Plus particulièrement, j'aimerais que vous m'aidiez à comprendre la clause 17(2).

Après nous avoir dit que l'on allait conférer une compétence exclusive à l'assemblée provinciale en matière d'enseignement, on poursuit en indiquant que la province dispensera «un enseignement religieux» non confessionnel. La clause 17(3) indique que la province autorisera l'observance d'une religion si les parents le demandent.

Mme Helena Bragg: Vous voyez, les dispositions de la clause 17 qui ont trait à la religion ne confèrent aucune garantie d'aucune sorte à l'instruction chrétienne. Après tout, qu'est-ce que la religion? Si je vous dis que cette tasse devant moi est mon Dieu, vous devrez en convenir et me dire que puisque c'est ce que j'ai choisi, rien ne m'empêche de la révérer. La notion de religion est donc très vaste.

Quant à voir s'il reste un contenu chrétien—ou même une intention, d'ailleurs—dans le réseau de Terre-Neuve une fois adoptée cette modification, je n'arrive pas à le voir. Je ne suis pas avocate, et je ne prétends pas pouvoir vous présenter la jurisprudence, mais il existe de nombreux précédents qui montrent que lorsqu'un système devient laïc, dans l'intérêt de tous—afin de préserver la liberté de chacun, au sein de ce système—il ne peut pas y avoir de religion à l'école. C'est ce que prévoit la liberté de religion.

Le sénateur Noël Kinsella: Vous considérez donc, pour résumer, que la clause 17(2)... ou la politique qui nous a été exposée par le ministre Grimes. Il nous est apparu clairement que la procédure adoptée par le gouvernement ne suivait pas précisément la voie chrétienne ou toute autre tradition religieuse. L'observance religieuse, le fait de garantir aux parents le droit de demander l'observation de la pratique religieuse, ne valent pas grand-chose à vos yeux.

Mme Helena Bragg: Je n'en vois pas l'intérêt, parce que si un élève a le droit d'observer la pratique religieuse, les 200 ou 400 autres auront les mêmes droits. Où va-t-on trouver le temps de faire autre chose? La réponse qui s'impose, c'est que l'on ne va en autoriser aucune, parce que c'est le programme scolaire qui doit passer en premier.

Mme Alice Furlong: Je pense aussi qu'on nous parle d'une possibilité, mais il faudra demander à en bénéficier. Ce n'est pas automatique.

Pour ce qui est du programme d'enseignement religieux, si les responsables arrivent à concocter quelque chose qui satisfasse tout le monde, ce sera un véritable exploit. J'en doute fort. Il semble que l'on va procéder à une certaine forme d'étude comparative des religions. Cela figure déjà dans les programmes de Terre-Neuve. Nos élèves le font déjà. Nos élèves des écoles catholiques étudient toutes les religions et la matière s'intitule: «études religieuses comparatives». Mes propres garçons l'ont fait. Ce n'est donc pas nouveau pour nous.

En tant que Catholiques, bien entendu, nous recherchons l'intégration entre la maison, l'école et la paroisse. Nous voulons non seulement faire connaître à nos enfants ces autres religions, ce que nous faisons évidemment à l'école secondaire, mais aussi leur faire comprendre leur propre foi, leur morale, leurs valeurs et les enseignements qui ont pour nous une signification.

Ce ne sera donc jamais satisfaisant, parce que ça va heurter les principes d'autres personnes au sein du réseau.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.

Le sénateur Rompkey.

Le sénateur William Rompkey (N.W. River Labrador, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je suis allé à l'école anglicane de St-Jean. Je fais une pause ici, parce que je suis sûr que le sénateur Doody va faire maintenant une intervention. Voyant qu'il en n'est rien, je poursuis en attendant les prochaines interruptions.

• 1610

Je suis allé à l'école anglicane. Il y avait des Juifs dans cette école. Lorsque nous passions à l'instruction religieuse, les Juifs quittaient la classe. Bien évidemment, ils allaient dans notre école parce qu'ils n'avaient pas d'école à eux. Il leur fallait alors aller dans une école confessionnelle, parce qu'il n'y avait pas d'école publique à Terre-Neuve à l'époque. Les Juifs ne pouvaient pas non plus siéger dans les commissions scolaires.

Les Juifs peuvent maintenant être élus au sein des commissions scolaires. Ils peuvent aller dans n'importe quelle école. De plus, ils peuvent maintenant observer leur pratique religieuse dans ces écoles, comme le font les Catholiques, aux termes de cette législation.

Ne pensez-vous pas qu'en 1997 la situation est préférable à celle qui régnait au cours des années 50, lorsque j'allais à l'école? Les Catholiques et les Juifs peuvent aller dans les mêmes écoles, observer leur pratique religieuse et siéger les uns comme les autres au sein des commissions scolaires. N'est-ce pas un système plus démocratique, plus ouvert et plus équitable que celui des écoles religieuses dont les minorités, des minorités réelles, comme celles des Juifs sont exclues?

Mme Alice Furlong: Je vous répondrai deux choses, sénateur Rompkey. Tout d'abord, nous ne nous opposons pas à ce qu'un réseau d'enseignement public permette de faire tout cela... et le gouvernement, je le répète, a le droit de créer ce réseau depuis les années 30. Nous n'y voyons aucune objection. C'est cela l'école catholique, une école que l'on choisit.

Vous n'ignorez pas qu'au fil des années de nombreux enfants d'autres confessions ont choisi d'aller à l'école catholique. Je ne m'oppose donc pas à vous sur ce point, parce que je considère qu'il devrait y avoir un réseau d'écoles publiques qui permette tout cela.

Le sénateur William Rompkey: Mais vous pourriez, bien entendu, avoir dès maintenant une école catholique, si vous le vouliez, à condition cependant de la financer vous-même. Vous ne pouvez pas faire financer les écoles catholiques par les contribuables.

Mme Alice Furlong: Mais ce sont ici de mes dollars dont vous parlez.

Le sénateur William Rompkey: C'est exact.

Mme Alice Furlong: Les Catholiques ne sont pas exonérés d'impôt à ce que je sache.

Le sénateur William Rompkey: Non, mais je paie des impôts dans la province, et vous me demandez de les affecter aux écoles catholiques.

Mme Alice Furlong: Je serais très heureuse en tant que parente catholique de pouvoir conserver mes impôts pour pouvoir financer mon école. Lorsqu'on demande aux Catholiques de financer leurs propres écoles, il faut alors se demander où sont passés les impôts que je paie et que paie mon mari, parce que nous les payons.

Excusez-moi, mais l'argument est très faible.

Le sénateur William Rompkey: Je ne trouve pas que l'argument soit si faible. Il se trouve que je crois à un réseau d'écoles publiques et au droit qu'ont les gens d'avoir leurs propres écoles à condition qu'ils les financent.

Laissez-moi vous poser une question au sujet de la réforme.

Je ne sais pas s'il me reste beaucoup de temps, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Faites vite, s'il vous plaît, sénateur Rompkey.

Le sénateur William Rompkey: Vous avez parlé de la réforme scolaire en disant qu'il ne s'agissait pas d'une véritable réforme. Il est certain que grâce à elle Terre-Neuve va ressembler à la plupart des autres provinces du Canada, à l'exception du fait que cette législation va prévoir une instruction religieuse. Selon mon interprétation, il y aura, si cette mesure est adoptée, une garantie constitutionnelle pour les différentes confessions religieuses qui suivent un enseignement religieux, et pour les gens qui suivent un cours général d'instruction religieuse.

Est-ce que cette législation ne place pas notre province plus ou moins sur le même pied que toutes les autres provinces du Canada, à l'exception du fait que nous avons le droit—la population a le droit—d'observer les pratiques religieuses dans les écoles, ce qu'aucune autre province ne prévoit?

Mme Helena Bragg: Sénateur Rompkey, à l'heure actuelle sept des dix provinces canadiennes ont des réseaux d'écoles séparées—sept d'entre elles. Les seules provinces qui n'ont qu'un réseau scolaire public dans notre pays sont l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Nous parlons d'écoles confessionnelles, elles parlent d'écoles séparées.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.

Monsieur Mark.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je dois vous préciser dès le départ que depuis 27 ans j'enseigne dans le réseau des écoles publiques. J'ai l'impression, d'après ce que vous nous dites, qu'il s'agit davantage ici d'une mesure de contrôle que d'une réforme.

Pourriez-vous me dire quels sont à votre avis les motifs du gouvernement, qu'ils soient financiers ou religieux.

• 1615

Mme Helena Bragg: D'après ce que nous pouvons voir, le gouvernement veut exercer un contrôle total sur le réseau d'enseignement. Il contrôle tout à l'heure actuelle à l'exception des programmes religieux, qui ne font l'objet que d'une matière enseignée dans certaines écoles.

Il veut contrôler entièrement le réseau d'enseignement. Il nous a dit au départ que c'était pour améliorer le réseau et économiser de l'argent qui serait réinjecté dans ce réseau. Puis, après coup, le ministre Grimes a déclaré lui-même que le gouvernement n'allait pas réinjecter dans le réseau l'argent économisé.

Nous avons déjà assisté cette année à un grand nombre de conflits dans les écoles de Terre-Neuve, dans toute l'île. Les heures d'aide aux étudiants ont été ramenées pratiquement à rien, et le nombre d'enseignants remplaçants a été ramené à zéro.

Il y a deux jours, dans deux écoles secondaires de la province, les élèves ont quitté les cours parce qu'on me mettait plus à leur disposition les programmes, les programmes musicaux, etc., dont ils avaient toujours bénéficié dans le passé. C'est ici une indication de l'orientation que va prendre la réforme, et ce n'est pas un bon signe. C'est un très mauvais signe.

Lorsque je parle du réseau d'enseignement de Terre-Neuve, je sais ce que je dis. J'ai enseigné pendant 36 ans dans les écoles de Terre-Neuve. J'ai passé le reste de ma vie dans le réseau scolaire. J'ai eu trois enfants qui sont passés par le système. Je crois donc bien le comprendre et je n'aime pas l'orientation qui est prise.

M. Inky Mark: Si c'est une question de réforme, donc, pensez-vous que l'on pourrait réformer le système sans changer la clause 17?

Mme Helena Bragg: Bien évidemment.

Mme Alice Furlong: Oui. Nous vous avons prouvé que nous étions prêts à le faire. Tous les groupes de parents veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants. Bien évidemment, nous voulons une réforme. Toutefois, depuis 1995 et même avant, chaque fois que l'on a parlé de réforme, c'est parce que l'on voulait nous retirer un droit constitutionnel. Vous pouvez voir que c'est le gouvernement qui a la mainmise sur la réforme du système.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Mark.

Le sénateur Doody, Mme Finestone puis le sénateur Murray.

Le sénateur William C. Doody (Harbour Main—Bell Island, PC): Merci, madame la présidente.

J'aimerais en revenir un instant à la question référendaire elle-même. J'aimerais me faire une idée de ce que vous pensez de la question figurant sur les bulletins du référendum et si vous estimez qu'elle reflète bien la modification proposée.

La question figurant sur les bulletins était la suivante:

Il me semble que bien des gens sont partis du principe que si l'on parlait «d'enseignement religieux» c'est parce qu'on allait leur enseigner leur religion, et qu'ils ont tout à fait accepté cela...

Mme Helena Bragg: C'était une question très habile, sénateur.

Le sénateur William Doody: La modification proposée ne me donne absolument pas cette impression. C'est une question tout à fait froide et impersonnelle.

Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?

Mme Alice Furlong: Pour ce qui est de la question référendaire, comme vous le dites, il était très difficile de répondre non. La plupart des gens ne veulent pas isoler complètement leurs enfants. Nous voulons avoir le choix en matière d'enseignement, mais nous voulons éviter que nos enfants soient placés dans de petites cases et qu'ils ne se parlent plus après l'école. C'est ridicule.

Je vous ai expliqué que beaucoup de nos écoles sont interconfessionnelles, cela signifie qu'environ 73 p. 100... Mais je ne suis pas absolument certain du chiffre. Dans la plupart des cas, les personnes qui utilisent ces écoles dans notre île, ont voté «oui» parce qu'elles voulaient conserver l'acquis, c'est-à-dire des écoles interconfessionnelles qui offraient les programmes confessionnels souhaités par ces personnes.

Le sénateur William Doody: Est-il exact de dire que 75 p. 100 environ de la population scolaire fréquentent déjà des écoles interconfessionnelles ou multiconfessionnelles?

• 1620

Mme Alice Furlong: Oui. Je ne voudrais pas vous induire en erreur, sénateur, mais dans environ 70 p. 100 des cas, ce sont des écoles interconfessionnelles. Le pourcentage exact m'échappe cependant.

Le sénateur William Doody: Reprenons la question sous un autre angle. Le pourcentage de 73 p. 100, du vote majoritaire, n'est pas très éloigné de celui des personnes dont les enfants fréquentent déjà des écoles confessionnelles mixtes d'un genre ou d'un autre.

Mme Alice Furlong: Oui—excepté, naturellement, lorsque la modification a été présentée. M. Tobin a alors déclaré qu'il n'était pas possible de protéger l'élément chrétien. Lorsque la modification a été rendue publique, tout cela a pris un sens totalement différent.

Le sénateur William Doody: En conclusion, vous estimez donc qu'il y a peu de rapport entre la modification proposée et la question posée. Pensez-vous qu'il y avait quelque chose de fallacieux là-dedans?

Mme Alice Furlong: Oui.

Mme Helena Bragg: Tout à fait. La modification de la clause 17 n'a été annoncée qu'à la dernière minute. Le temps a manqué pour l'évaluer.

Le sénateur William Doody: C'était la veille du scrutin par anticipation.

Mme Helena Bragg: En effet. Elle a été rendue publique la veille de ce scrutin.

Mme Alice Furlong: En fait, le libellé exact de la modification n'a été rendu public que moins de 24 heures avant le scrutin par anticipation.

Le sénateur William Doody: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.

Madame Finestone.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Je trouve un peu difficile d'accepter ces notions de minorité et de majorité. Franchement, je dois avouer que c'est à l'intérêt de l'enfant que je tiens avant tout. Ce à quoi je tiens aussi, c'est à notre merveilleux pays, à sa diversité et à son caractère pluraliste. Ces histoires de majorité et de minorité ne me plaisent pas particulièrement. C'est l'éducation proprement dite qui m'intéresse.

Vous avez dit que le mot religion était un terme très large. Vous avez dit, à propos de la carafe d'eau, qu'on pourrait en faire un élément de pratique religieuse. Vous avez dit que pour vous, les valeurs morales, religieuses et culturelles peuvent être transmises entre la maison, l'école et la paroisse.

Dans une société où il y a déjà six ou sept groupes confessionnels, si vous comptez les Anglicans, les Presbytériens, l'Armée du Salut, l'Église unie, les Pentecôtistes, les Catholiques romains et les Adventistes du septième jour, il apparaît lorsqu'on examine les pourcentages—n'ayant jamais vécu à Terre-Neuve, je suis obligée de consulter le tableau—les Catholiques représentent 37 p. 100 ou plus de la population. Cela vous place donc dans une situation majoritaire.

En quoi restreignons-nous les droits de la minorité? Voilà ma première question.

Mme Alice Furlong: Premièrement, toutes les religions mentionnées par vous, en dehors des Pentecôtistes, des Adventistes du septième jour et des Catholiques ont constitué un groupe intégré. Ce groupe existe depuis de nombreuses années.

L'hon. Sheila Finestone: Oui, je le sais.

Mme Alice Furlong: Je pensais que c'étaient des choses dont je n'aurais jamais eu à parler; c'est cela qui constitue le groupe majoritaire protestant.

L'hon. Sheila Finestone: En gros, tout le monde croit en Dieu, mais les pratiques sont différentes. La foi prend cependant des formes communes commune dans les éléments fondamentaux judéo-chrétiens ou musulmans de la vie.

Il me semble que si vous avez un système scolaire dont les principes reflètent notre charte, c'est-à-dire, en fait, les valeurs fondamentales canadiennes, vous ne tenez pas à ce que l'enseignement donné à nos enfants soit séparé... vous voulez qu'ils apprennent à vivre ensemble dans le respect des différences.

Je trouve ici une majorité—pour moi, c'est ce que vous représentez, et j'aimerais que vous me prouviez le contraire—qui cherche à protéger une minorité au lieu de soutenir un système intégré. J'ai bien du mal à l'accepter et à le comprendre. Pourriez-vous me l'expliquer?

Mme Alice Furlong: Sénatrice, quel que soit votre point de vue...

L'hon. Sheila Finestone: Je ne suis pas sénateur.

Mme Alice Furlong: ... le groupe catholique auquel nous appartenons représente tout de même 37 p. 100 de la population, du moins si l'on en croit les statistiques de 1991. Je vous ai expliqué que les autres groupes forment en fait un groupe majoritaire protestant.

L'hon. Sheila Finestone: Je regrette, ce n'est pas ainsi que je vois les choses.

Mme Alice Furlong: Ces gens se sont volontairement regroupés pour former ce qu'ils appellent le système scolaire intégré.

• 1625

Je voudrais répondre à une de vos remarques. Vous dites que vous avez surtout à coeur l'intérêt des enfants. Je crois que c'est le cas de toutes les personnes assises à cette table. Mais, dans notre pays, ce sont les parents qui prennent les décisions dans l'intérêt de leur enfant.

Dans le cas présent, ce sont les parents catholiques qui ont décidé qu'ils voulaient conserver les droits de la minorité qu'ils représentent, le droit d'avoir des écoles confessionnelles pour leurs enfants, lorsque les chiffres le justifient.

L'hon. Sheila Finestone: Eh bien, convenons que nous ne sommes pas d'accord sur le principe.

Mme Alice Furlong: Ce sera peut-être nécessaire. Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Il nous reste peu de temps et je vais donc demander aux personnes qui ont encore des questions à poser et à celles qui y répondront de le faire aussi rapidement que possible pour permettre à tout le monde de présenter son point de vue.

Sénateur Murray, à votre tour; nous aurons ensuite M. Pagtakhan, puis M. Matthews, et enfin, M. DeVillers.

Le sénateur Lowell Murray (Pakenham, PC): Merci, madame la présidente. J'ai une seule question à poser.

Les Assemblées de la Pentecôte du Canada nous ont présenté un mémoire dans lequel elles indiquent que 70 p. 100 environ des Pentecôtistes admissibles ont voté au référendum. Près de 83 p. 100 d'entre eux ont voté «non». Je dois avouer que cela me donne à réfléchir sur la question des droits des minorités.

Vous devez être très déçue par le petit nombre de Catholiques qui sont venus voter. Un simple coup d'oeil aux chiffres me donne l'impression que si le pourcentage des Catholiques qui ont voté était le même que celui des Pentecôtistes et que si le pourcentage des «non» avait été le même, les résultats auraient été tout autres. La différence, c'est que les Pentecôtistes pensaient que c'était important. Leur pourcentage a été beaucoup plus élevé que la moyenne provinciale et la très grande majorité d'entre eux ont voté «non»; qu'avez-vous à dire au sujet du nombre des Catholiques qui ont voté et de leur choix?

Mme Helena Bragg: C'est un peu difficile à évaluer. La question est délicate. Je ne suis naturellement pas une économiste et je suis incapable d'analyser les résultats. Les chiffres les plus précis dont nous disposons montrent qu'entre 51 p. 100 et 62 p. 100 des nôtres ont voté au référendum. Les Catholiques, naturellement, constituent un groupe beaucoup plus important.

Il est possible que l'époque de l'année ait été un facteur important. Annoncer un référendum à la fin de juillet et tenir un scrutin le 2 septembre ne favorisent guère une forte participation.

D'autre part, du fait de la concentration de la population, une grande partie des Catholiques se trouvent dans la péninsule d'Avalon et dans la région de St-Jean, autre facteur qui a peut-être aussi joué. Tous ces gens-là venaient de voter en faveur de l'inscription de leurs enfants dans des écoles catholiques. Or, le gouvernement venait de leur imposer l'inscription obligatoire. J'ai l'impression que cela a neutralisé, dans une large mesure, l'importance de ce référendum, mais ce n'est qu'une impression personnelle.

Mme Alice Furlong: Sénateur, nous ne savons vraiment pas qui a voté ni comment. Nous n'en savons rien. Les estimations sont fondées sur un certain nombre d'hypothèses.

Le sénateur Lowell Murray: Nous savons qu'il y a eu un pourcentage de 53 p. 100 de participation électorale.

Mme Alice Furlong: Exactement.

Le sénateur Lowell Murray: Apparemment, la campagne n'a pas passionné beaucoup de monde.

Mme Alice Furlong: C'est exact. Comme je l'ai déjà expliqué, un nombre important de membres de notre groupe avaient déjà leurs enfants dans des établissements interconfessionnels; ils ont donc jugé qu'on leur demandait de voter pour quelque chose qui était déjà acquis.

Mme Helena Bragg: Il y a aussi le fait qu'on a dérogé aux dispositions de la Loi sur les élections et que les gens ont pu voter n'importe où et pas seulement dans leur circonscription électorale. À cause de l'époque de l'année, cela a sans doute aussi joué, mais c'est vraiment difficile à évaluer.

Mme Alice Furlong: Sénateur, si vous me le permettez, je voudrais simplement dire que nous avons été quelque peu ébranlés par tout cela. Nous sommes las. L'expérience a été dure, et les gens sont fatigués. Au moment où nous pensions avoir acquis le droit d'avoir nos propres écoles confessionnelles, on nous assène un autre référendum. Tout cela a duré d'avril à juillet. Le référendum a été proclamé le 11 avril et en juillet, nous avons tout perdu à nouveau. Est-ce ainsi qu'un gouvernement est censé traiter ses citoyens? Nous avons été malmenés.

• 1630

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.

Pardonnez-moi, madame Finestone, mais il y a d'autres personnes sur la liste. Je voudrais aussi leur donner la possibilité d'intervenir. Je ne pense pas qu'il nous reste une minute à la fin.

Monsieur Pagtakhan, faites vite.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Je vous remercie de votre exposé. Si le comité le veut bien, je souhaiterais que vous lui remettiez un exemplaire complet de l'étude effectuée par M. Feehan, à laquelle vous avez fait allusion. Un exemplaire de l'analyse complète de ce document serait apprécié. Cela nous permettra de faire une étude exhaustive du document dans le contexte de votre mémoire.

Deuxièmement, j'ai une question à vous poser. Manifestement, le droit de vote est accordé à tout le monde. Je crois qu'on a déjà dit que le taux de participation n'avait malheureusement pas dépassé 53 p. 100. Or, ce droit a été accordé à 100 p. 100 à la population. Dans votre mémoire, vous avez indiqué que le gouvernement fédéral était favorablement disposé à offrir une aide financière aux écoles confessionnelles appartenant à un système séparé et qu'à votre avis, cette solution serait la bienvenue. Vous ai-je bien compris?

Mme Alice Furlong: Excusez-moi, voulez-vous dire par là que nous serions heureux qu'un système séparé reçoive une aide financière?

M. Rey Pagtakhan: Oui.

Mme Alice Furlong: Oui.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Pagtakhan.

Le sénateur William Doody: En ce qui concerne l'étude demandée par M. Pagtakhan, je signale qu'un mémoire a été soumis par le Comité d'éducation catholique et qu'il a été communiqué aux membres. L'annexe D contient tous les renseignements. J'imagine qu'on l'a déjà distribuée.

M. Rey Pagtakhan: Je ne l'ai pas encore vue.

Le sénateur William Doody: Je sais que c'est un document volumineux.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Le sujet, lui aussi, est immense. Merci beaucoup.

Monsieur Matthews, vous avez la parole. Ce sera ensuite au tour de M. DeVillers.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Je voudrais faire quelques observations. J'ai fait mes études dans un système intégré, il y a plus de 30 ans. Dans ce système, il y avait des Catholiques, des Anglicans, des membres de l'Église unie, et de l'Armée du Salut. Tout c'est parfaitement passé. Nous avons commencé à entreprendre des réformes il y a 30 ans.

Il me semble que ces dernières années, le gouvernement a vraiment éprouvé des difficultés à régir le système d'enseignement de la province. C'est du moins mon avis.

Revenons cependant en arrière. Vous avez dit que le seul domaine que le gouvernement ne contrôlait pas était celui de l'enseignement religieux. Que pensez-vous alors du fait que le gouvernement paie le salaire des enseignants mais que dans la majorité des cas, leur recrutement est effectué par les commissions scolaires et par les églises? Ce recrutement est déterminé en grande partie par l'appartenance religieuse. Reprenez-moi si je me trompe, mais au cours de ces 12 derniers mois, lors du licenciement d'enseignants, n'a-t-on pas évincé des enseignants dans certains cas, mais pas dans d'autres?

Il est certain que la lassitude des gens a joué un rôle dans ce domaine et dans ce vote. Il y a bien trop d'années que les habitants de Terre-Neuve et du Labrador se débattent avec ce problème. C'est vrai, madame la présidente, ils ont beaucoup travaillé. Je ne sais combien d'entre eux m'ont dit qu'ils ont été obligés de faire face à la situation, et qu'ils sont passés outre.

Je crois que dans l'esprit de la plupart des habitants de Terre-Neuve et du Labrador, c'était la qualité de l'enseignement donné entre les quatre murs de la classe, qui comptait le plus. Au cours des six, sept ou huit dernières années, nous avons été témoins d'une sorte de guerre de territoire.

Nous n'avons pas suffisamment parlé de la qualité de l'enseignement donné aux élèves. Ce n'est pas là-dessus que nous avons mis l'accent. Je le dis aujourd'hui en toute franchise. Le véritable objectif n'a pas été d'améliorer la qualité de l'enseignement dispensé les classes de Terre-Neuve et du Labrador.

Je voudrais avoir votre sentiment sur les quelques remarques que je viens de faire. Les enseignants sont payés par le gouvernement qui ne peut pourtant pas les recruter. Dans la plupart des cas, le recrutement se fait en fonction de l'appartenance religieuse et non des compétences, ce qui a nui à la qualité.

Franchement, j'ai aussi un autre problème. Je fais de la politique depuis une quinzaine d'années. Si, le 2 juin, vous étiez à St. Georges, que 20 p. 100 seulement des personnes étaient venues voter et que si 11 p. 100 d'entre elles avaient voté pour moi, j'aurais été absolument ravie et reconnaissante parce que cela représentait malgré tout une majorité.

J'écoute toutes les raisons invoquées par les gens pour voter ou ne pas voter. Pour quelqu'un dont la profession est la défense des valeurs démocratiques, j'ai du mal à accepter certains des arguments présentés ici.

• 1635

Mme Alice Furlong: Votre collègue, M. DeVillers, a très clairement montré que nous traitons ici d'une question totalement différente. Des élections politiques et une décision relative au droit d'une minorité sont deux questions totalement étrangères l'une à l'autre.

En ce qui concerne le recrutement—M. Feehan vous en reparlera tout à l'heure—mon expérience de commissaire m'a appris que nous essayons toujours de trouver le meilleur enseignant possible. Dans notre commission scolaire catholique, il était fréquent que le meilleur enseignant recruté par nous n'était pas catholique. Il est donc faux de dire que les enseignants sont avant tout recrutés en fonction de leur appartenance religieuse.

Sauf erreur de ma part, 460 enseignants ont perdu leur poste à la suite de la réorganisation du système, l'an dernier. En dehors de leur départ, il y a eu de nombreuses mutations. L'autre jour, dans la commission scolaire la plus importante de l'île, on m'a expliqué que des centaines d'enseignants ainsi mutés, un seul avait présenté un grief. Il était mécontent des conditions. Donc, les choses se sont beaucoup mieux passées qu'on ne l'a dit.

M. Bill Matthews: On en a en tout cas beaucoup parlé. C'était une affaire importante pour la province.

Mme Alice Furlong: Oui, c'est vrai.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci.

Mme Alice Furlong: Je suis cependant certaine que M. Feehan sera capable de mieux vous expliquer cette question.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Nous allons entendre une dernière observation de M. DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente et merci aussi aux témoins qui, et j'en suis flatté, ont utilisé mes remarques à la Chambre des communes sur la question du droit des minorités. Le principe dont nous parlons ici a trait aux droits des minorités.

Je crois que la difficulté pour nous, dans le cas de Terre-Neuve, est d'essayer de déterminer qui sont les membres de la majorité et qui sont ceux de la minorité. On inverse le problème en essayant de faire une distinction entre ceux qui ont des droits confessionnels et ceux qui n'en ont pas. À mon avis, c'est la majorité qui a les droits de la minorité. On pourrait donc dire dans ce cas, si j'interprète bien les chiffres et les pourcentages, que nous sommes en train d'éteindre les droits de la majorité. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet.

Ce que j'ai aussi du mal à comprendre c'est la raison pour laquelle il y a eu une telle augmentation du nombre des votants entre le premier et le second référendum. Pour le premier, je crois que le pourcentage des votants était de 53 p. 100 et, pour le second, d'environ 73 p. 100. Pourtant, la seconde proposition prévoit l'extinction de plus de droits. Si c'est le cas, je voudrais savoir pourquoi il n'y a pas eu plus de votants parmi ceux dont les droits étaient menacés.

J'aimerais que vous répondiez à ces deux questions.

Mme Helena Bragg: Une des raisons pour laquelle le pourcentage des votants était si élevé au second référendum a été l'habileté avec laquelle le gouvernement a mené la campagne publicitaire. Il a dépensé énormément d'argent pour ce référendum. L'objectif de la campagne n'était d'ailleurs pas contestable car elle donnait la priorité à l'enfant dans le système d'enseignement. Pas un parent au monde n'aurait été d'un avis différent.

M. Paul DeVillers: Mais il n'y a pas eu tellement de différence dans le nombre des votants entre les deux référendums, n'est-ce pas?

Mme Helena Bragg: Non.

M. Paul DeVillers: Le résultat était différent mais le nombre des votants était à peu près le même.

Mme Helena Bragg: Oui, mais n'oubliez pas ce que nous avons déjà dit. Dans ce dernier référendum, le libellé de la question était tel qu'un très grand nombre de personnes ont cru qu'elles votaient pour conserver leur acquis, du fait que les écoles interconfessionnelles prédominent à Terre-Neuve. Nous n'en connaissons pas le chiffre exact, mais il est de l'ordre de 80 p. 100. Dans ces établissements, les enfants reçoivent l'instruction religieuse de leur choix. C'est là-dessus que portait la question. Les gens ont donc réagi en disant, c'est précisément ce que nous avons, cela marche très bien, gardons le même système.

• 1640

Ce n'est que dans les grands centres tels que St-Jean, Corner Brook ou Grand Falls—Windsor que cela devient un problème. On y trouve de multiples systèmes scolaires parce que la population est suffisante pour que les diverses écoles soient viables. À St-Jean, par exemple, toutes les écoles sont pleines. Nous avons des écoles pentecôtistes, des écoles catholiques, des écoles intégrées. Elles sont toutes pleines, et on les ferme lorsqu'elles cessent d'être viables, c'est indiscutable. Aucune école dont les effectifs sont insuffisants ne demeure ouverte sous prétexte qu'elle est catholique, ou qu'elle représente une autre religion.

M. Paul DeVillers: J'ai une dernière question, madame la présidente.

D'après vous, donc, la campagne menée par le gouvernement est en partie responsable du problème. Est-ce bien cela?

Mme Helena Bragg: À mon avis, oui.

M. Paul DeVillers: Pourtant, à la législature, le vote a été unanime. L'autre soir, nous avons entendu le chef du Parti néo-démocrate, qui est dans l'opposition. Il nous a dit qu'il trouvait que la question était juste et que le processus était équitable. Qu'en pensez-vous?

Mme Helena Bragg: Il a certainement droit à son opinion.

Mme Alice Furlong: Ce n'est pas la nôtre.

M. Paul DeVillers: Bien.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, mes chers collègues.

Merci encore d'avoir fait le voyage pour présenter au comité un point de vue auquel vous tenez tant.

Mes chers collègues, poursuivons; les prochains témoins attendent. Nous allons maintenant entendre M. Buddun, vice-président et M. Vink, directeur exécutif de l'Association des droits de la personne de Terre-Neuve et du Labrador. Ils ont fait circuler le texte de leur exposé.

Nous avons légèrement dépassé le temps dont nous disposions pour la dernière intervention. Nous avons l'intention de vous réserver environ une heure et manifestement, vous êtes les derniers témoins. Comme les membres du comité ont beaucoup de questions à poser, je vous serais gré de limiter votre exposé de dix à quinze minutes. Cela permettra à tous nos collègues de poser des questions. Merci beaucoup. Veuillez commencer.

M. Geof Buddun (vice-président, Association des droits de la personne de Terre-Neuve et du Labrador): Merci. Comme la sénatrice Fairbairn vient de le dire, je m'appelle Geof Buddun, et je suis vice-président de l'Association des droits de la personne de Terre-Neuve et du Labrador. Jerry Vink, son directeur exécutif, m'accompagne.

Notre association a été établie en 1968. Depuis lors, nous nous sommes activement employés à promouvoir les droits de la personne à Terre-Neuve et au Labrador. Nous sommes une organisation non gouvernementale dont le conseil d'administration est composé de membres bénévoles et qui a un petit personnel rémunéré. Notre mandat, qui a changé avec les années en fonction de l'évolution des besoins de notre province, est actuellement axé sur l'éducation, la défense des droits et la recherche.

Dans le passé, nous nous sommes attaqués à de nombreuses questions, mais aucune n'a autant retenu notre attention ni suscité autant de préoccupations chez les habitants de Terre-Neuve qui s'intéressent aux droits de la personne, que notre système d'enseignement.

• 1645

L'Association des droits de la personne de Terre-Neuve et du Labrador est toujours demeurée fidèle à sa position à l'égard du système d'écoles confessionnelles. Nous avons toujours dit qu'un système scolaire non confessionnel était une alternative valable au système actuel d'écoles confessionnelles. Au cours de ces dix dernières années en particulier, nous avons fréquemment témoigné à ce sujet et avons porté la question devant le public à de nombreuses occasions.

En voici quelques exemples: notre mémoire à la Commission royale provinciale d'enquête sur l'éducation en 1991, un mémoire détaillé en réponse aux recommandations de la Commission royale, l'année suivante; une réponse au Livre blanc du gouvernement, Adjusting the Course, en 1993; et notre témoignage devant le comité du Sénat à St-Jean, il y a environ un an et demi. Nous avons également été fréquemment interviewés par les médias.

Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, notre exposé n'a pas pour objet de rappeler nos vues sur toutes les questions. Les réserves et les préoccupations que nous inspire le système d'écoles confessionnelles portent essentiellement sur cinq domaines.

À notre avis, le système d'écoles confessionnelles exerce une censure sur le programme d'études, et cette censure est le fait des groupes religieux. Dans le passé, cela s'est traduit par la suppression de certains passages dans des oeuvres littéraires d'auteurs tels que Hemingway et Margaret Atwood. Ce système est également responsable des restrictions imposées à la diffusion de l'information sur le sida et sur l'éducation sexuelle. À cause de cette attitude, des modifications ont été apportées à certains sujets tels que l'évolution de la sélection naturelle, lorsque cela contredisait certains enseignements religieux. Mais ce qui est peut-être le plus important et le plus fondamental, c'est que cela a provoqué la ségrégation de certains étudiants pour des raisons d'appartenance religieuse ainsi qu'une discrimination systémique dans la sélection de candidats pour les commissions scolaires en fonction de critères religieux.

Notre association est nettement favorable à la modification proposée à la clause 17. En effet, nous considérons que cette modification est conforme à ce que nous réclamons: l'égalité de traitement pour tous les citoyens. Nous croyons qu'elle est également conforme au principe de la protection des droits de tous les habitants de Terre-Neuve, y compris les droits de toutes les minorités religieuses. Nous considérons cette modification comme un moyen de lutter contre l'injustice, et non pas de la créer.

Dans notre exposé que nous allons faire aujourd'hui, nous désirons examiner trois points qui ont été soulevés à la suite du désir exprimé par Terre-Neuve de modifier la clause 17 des Conditions de l'union. Nous parlerons des mesures législatives internationales pour la protection des droits de la personne, la modification de la clause 17, la séparation de l'Église et l'État, et les droits et privilèges des minorités.

M. Jerry Vink (directeur exécutif, Association des droits de la personne de Terre-Neuve et du Labrador): Je voudrais parler de deux des trois premières questions qui ont été mentionnées: la législation internationale sur les droits de l'homme et la modification de la clause 17, et la question de la séparation de l'Église et de l'État.

Un des choses notables au cours du débat, du référendum, etc., a été cette insistance constante sur certains articles ou sections de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies. Bien évidemment, on a souligné le fait que les parents ont le droit d'inscrire leurs enfants dans le système scolaire de leur choix.

Permettez-moi de vous rappeler comment fonctionne la législation internationale sur les droits de l'homme. Le document de base, dans ce domaine est, bien entendu, la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont nous allons célébrer le 50e anniversaire l'an prochain.

Les dispositions contenues dans ce document sont appliquées par l'intermédiaire de nombreux pactes, dont deux nous concernent plus particulièrement. Le premier est le Pacte relatif aux droits sociaux, économiques et culturels et le second, aux droits civils et politiques.

Les gens aiment évoquer l'article 18, par exemple, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Mais plutôt que d'utiliser des citations, j'ai repris intégralement l'article à la page 4 de notre mémoire. Plutôt que de prendre l'article 26.3 qui dispose que les parents ont priorité dans le choix de l'enseignement qui sera donné à leurs enfants, j'ai cité l'article tout entier.

• 1650

Permettez-moi de vous rappeler que cet article soulève trois points. Le premier est le droit universel à l'éducation. Le second note que l'éducation promeut l'humanité, le respect d'autrui, la compréhension, la tolérance et l'amitié. Le troisième point concerne le droit des parents de choisir le genre d'enseignement qui sera donné à leurs enfants.

Manifestement, la modification proposée par le gouvernement répond à deux de ces objectifs, c'est-à-dire le droit à l'éducation, ce qui va de soi. Deuxièmement, nous proposons l'introduction d'un système qui encourage l'humanité, le respect d'autrui, la compréhension, la tolérance et l'amitié. Cela peut se faire sans aucune difficulté dans un système scolaire unifié. En ce moment, une mentalité de rivalité existe dans nos écoles. Malheureusement, c'est une chose établie.

Le pacte qui a un rapport avec cette question de droits des parents est le Pacte relatif aux droits sociaux, économiques et culturels. Pour votre gouverne, j'ai reproduit le texte de ce document aux pages 5 et 6. Si vous vous reportez à la page 6, vous constaterez que les deux points relatifs à la liberté d'éducation et à la tolérance reprennent presque mot à mot le texte de la déclaration universelle, simplement, l'ordre est inversé.

Ce qui importe, c'est que ce pacte ajoute quelque chose dans le cas de l'éducation. Il invoque le droit des parents de choisir pour leurs enfants un type d'enseignement qui peut être autre que celui qui est fixé par les autorités publiques. Autrement dit, nous considérons que les parents ont le droit d'ouvrir des écoles privées s'ils le souhaitent. C'est tout ce que disent la déclaration universelle et la convention.

La situation actuelle à Terre-Neuve est totalement contraire à la législation relative aux droits de la personne. Dans notre système, les églises imposent leurs critères aux personnes qui ne pratiquent pas de religion ou qui ne sont pas des Chrétiens. Le système actuel enfreint indiscutablement le pacte international.

On parle actuellement de financer un système scolaire séparé. Nous y sommes totalement opposés. Cela menacerait la viabilité des écoles publiques qui doivent continuer à exister dans notre province. Nous n'avons pas les moyens de nous offrir un tel système. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Ceux d'entre vous qui viennent de Terre-Neuve n'ont qu'à s'imaginer ce que serait la situation dans certaines régions. Nous ne pouvons pas avoir deux systèmes scolaires. C'est impossible.

En conclusion, nous nous appuyons sur la Déclaration internationale des droits de l'homme et sur le pacte pertinent pour affirmer que la modification proposée n'enfreint rien. En fait, elle renforce et continuera à renforcer la création d'un système scolaire plus humain dans lequel le respect et la tolérance pourront s'épanouir.

À la page 8, nous consacrons une brève section à la séparation de l'Église et de l'État. Dans le second paragraphe, j'ai souligné le fait que le système éducatif actuel à Terre-Neuve et au Labrador tourne en dérision la notion de séparation de l'Église et de l'État étant donné que ce sont les églises qui contrôlent toutes les écoles. Il n'y a donc pas de séparation de l'Église et de l'État à Terre-Neuve. Nous sommes partisans de cette séparation.

• 1655

Cela dit, nous serons probablement tous d'accord pour dire que nous ne voulons pas nous engager sur la voie choisie par les Américains. Cela devient parfois excessif. Personne ne veut qu'on enlève les crèches des écoles à Noël. Après tout, c'est vraiment un peu stupide.

Cependant, au cours du débat sur la modification de notre système scolaire, il y a eu des lettres dont les auteurs déclaraient qu'on interdisait à Dieu de franchir la porte des écoles; nous ne voulions pas de la laïcité à l'Américaine; et le rôle historique de la religion devait être protégé.

Selon l'habitude à Terre-Neuve, le gouvernement et les partisans du changement ont essayé, après le premier référendum, de préserver une certaine latitude ou liberté de choix. Bien entendu, l'idée du gouvernement a été d'établir un programme de base d'études religieuses—l'étude de la religion, les études religieuses; on a joué avec les titres. Certains ont aussitôt interprété cela comme un désir de voir la religion enseignée par le gouvernement.

Personne ne veut que le gouvernement enseigne la religion, loin de là. L'enseignement est un processus dans lequel le gouvernement, les autorités scolaires et les parents doivent avoir leur mot à dire. À la page 8, j'ai donné l'exemple de l'éducation sexuelle. J'ai, moi aussi, l'obligation de l'enseigner à mon enfant. Certains aspects de l'éducation sexuelle seront traités à l'école. Très bien. C'est ce qu'on appelle un partenariat.

Il en va de même dans le domaine des idées religieuses. Ce dont nous ne voulons pas, c'est du système actuel qui est en fait de la formation religieuse, le système dans lequel les enfants catholiques—mon fils, par exemple—sont rendus encore plus catholiques, ou l'enfant pentecôtiste est plus pentecôtiste. Ce n'est pas le rôle des écoles. C'est de la formation religieuse. C'est une tâche qui m'incombe et qui incombe à mon église.

Certains ont dit qu'après tout, c'était aux parents de prendre la décision. À cela nous répondons, il y a un temps pour que vous vous en occupiez vous-mêmes; ce n'est pas à l'école que ça doit se faire.

L'argument selon lequel si l'on procédait de cette manière et si certains groupes étaient exclus du système... ne nous paraît pas valable. Nous ne parlons pas d'endoctrinement; nous parlons de la préservation d'idées générales sur des religions de notre planète. C'est pourquoi nous sommes fermement convaincus qu'un cours sur les religions n'est pas la même chose qu'un enseignement religieux d'État. Nous ne pensons pas que cela soit contraire à l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Nous pensons au contraire, que c'est le système qui convient.

Je vais maintenant demander à mon collègue de passer à la section suivante.

M. Geof Buddun: En ce qui concerne la question des droits et des privilèges des minorités, la question se pose de savoir si un système confessionnel financé grâce aux deniers publics est un droit ou un privilège. Même si l'on considère que c'est actuellement un droit—l'argument est valable—et non un privilège pour les habitants de Terre-Neuve—Catholiques, Pentecôtistes ou membres d'autres confessions—d'avoir leurs enfants dans des écoles contrôlées par leur propre église, il s'agit peut-être d'un droit, mais il est manifestement imposé aux dépens de ceux qui n'appartiennent pas aux mêmes confessions. Essentiellement, si vous êtes Catholique, vous avez ce droit, mais si vous êtes Juif, vous ne l'avez pas. Un point c'est tout.

Les membres des groupes confessionnels visés par les dispositions législatives bénéficient des avantages que leur assure ce privilège. Je considère que ce droit est tout à fait différent des droits fondamentaux tels que les droits à la vie, à la liberté, et à la sécurité énoncés dans les articles 2 à 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est un droit totalement différent.

En tant qu'association de défense des droits de la personne, cependant, nous sommes naturellement très inquiets de toute tentative de l'État ou de toute autre partie d'éliminer ou d'enlever un droit, même s'il est relativement limité. Nous sommes parvenus à la conclusion qu'il est faux de dire qu'un droit ne peut jamais être supprimé, en quelque circonstance que ce soit. Il arrive que les droits d'autrui—les droits de la majorité, en quelque sorte—exigent la suppression ou la restriction d'un droit existant.

• 1700

Pour comprendre l'origine de l'adoption de ce droit à Terre-Neuve, il faut avoir une certaine connaissance du contexte de son système scolaire. Encore une fois, je serai bref, mais dans les années 1830, Terre-Neuve avait un système que l'on pouvait considérer comme non confessionnel. Cependant, vu le climat d'une époque au cours de laquelle les Catholiques s'étaient heurtés à certains obstacles à cause de la position qu'ils occupaient dans la société de Terre-Neuve, les Catholiques se jugeaient les victimes de l'enseignement de la doctrine protestante dans des écoles qui étaient censées être non confessionnelles. À cause de cela, les Catholiques ont exercé des pressions sur le plan politique et ont finalement obtenu le droit d'avoir leur propre système scolaire séparé. Cela s'est produit en 1847 et rétrospectivement, c'était clairement la mesure à prendre, compte tenu du climat de l'époque. Tout dernièrement, dans les années 80, les Pentecôtistes ont obtenu le même droit, mais à la suite d'un processus quelque peu différent.

Je considère que les circonstances qui ont justifié l'établissement d'un système scolaire séparé pour les Catholiques, pour les Pentecôtistes, et par défaut, pour les autres confessions reconnues, n'existent plus. Cent cinquante ans plus tard, il n'est pas déraisonnable de réexaminer notre système confessionnel dans le contexte d'une société qui n'est plus exclusivement chrétienne, d'une société dans laquelle les droits religieux des Catholiques et de tous les citoyens sont protégés par l'article 2 de la Charte des droits et libertés, droit qui n'existait manifestement pas en 1847. Le monde a changé, et il n'est plus nécessaire aujourd'hui d'enchâsser un système séparé.

Cependant, comme les circonstances ont changé et que le moment est venu de réexaminer les droits, comment une société devrait-elle agir pour modifier un droit en vigueur depuis 150 ans? À notre avis, il faudra procéder avec beaucoup de prudence. Un droit ne se modifie pas à la légère; en particulier lorsqu'une majorité enlève un droit à la minorité, ou à certains membres de celle-ci au moins, auquel elle est très attachée. Nous croyons cependant que dans la démarche adoptée à Terre-Neuve, on n'a pas agi cavalièrement, sans tenir compte des droits des minorités. Nous avons ici un processus que seuls ceux qui vivent à Terre-Neuve depuis bon nombre d'années, sont vraiment capables d'apprécier.

C'est un processus qui a été bien discuté, bien débattu, bien médité. Il y a eu deux référendums, au cours desquels chaque partie a amplement eu l'occasion d'exprimer ses vues, et il l'a fait. Le processus s'est terminé par un référendum qui était aussi démocratique et juste, à mon avis, que tout autre référendum ou élection jamais tenue au Canada. Un pourcentage important de la population—73 p. 100—a répondu à une question sans ambiguïté, qu'elle voulait un système scolaire non confessionnel.

Après examen du processus, notre association a conclu qu'il ne lui inspirait aucune objection. Si un droit dont jouissaient certains membres de la collectivité a été supprimé, des droits beaucoup plus larges ont été accordés au reste de la collectivité.

En conclusion, notre association donne son aval au processus utilisé par le gouvernement de Terre-Neuve pour essayer de modifier la clause 17. Cette démarche n'inspire aucune réserve à l'association de la défense des droits de la personne que nous sommes, et nous demandons instamment au comité de recommander l'adoption de la clause 17.

Je vous remercie.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Buddun et monsieur Vink.

Nous allons maintenant passer aux questions. M. Goldring est le premier sur ma liste; il sera suivi par le sénateur Murray, M. Pagtakhan et le sénateur Rompkey.

Allez-y, Peter.

M. Peter Goldring: Merci beaucoup, madame la présidente, et merci aussi de votre exposé, messieurs.

• 1705

Monsieur Vink, à la page 1, vous dites:

Pourriez-vous nous expliquer un peu cela et nous dire s'il y a autre chose?

M. Jerry Vink: Il est probable que notre organisation participe depuis plus longtemps que toute autre au débat et, chaque année, de nouvelles questions se posent. Notre sagesse collective nous incite à nous montrer sélectifs et à oublier parfois certaines choses.

Nous avons eu toutes sortes de débats dans notre province, notamment au sujet d'un manuel de français destiné à la première ou à la seconde année d'immersion française, qui contenait le mot «danser». Un groupe religieux nous a dit qu'il n'était pas possible de conserver ce mot dans le manuel car «danser» était contraire à sa religion. Savez-vous ce qui s'est passé? Le manuel a été réimprimé et «danser» a été remplacé par «chanter». Les gens ont oublié cela.

Dans une foule d'anthologies destinées à la 11e ou à la 12e année, le mot «sacré» figurait dans un extrait de Hemingway. Eh bien, nous avons été obligés de supprimer ou de modifier cet extrait. Je ne me rappelle plus exactement ce que nous avons été contraints de faire. Cela aussi, on l'a oublié.

L'éducation sexuelle nous a posé des problèmes car certains groupes s'y sont opposés alors que d'autres groupes, y tiennent. L'église a usé de son pouvoir pour la faire supprimer. Voilà le genre de choses dont je veux parler.

M. Peter Goldring: Croyez-vous maintenant que les décisions concernant le programme d'études, le manuel, et autres questions du même genre sont uniquement prises par la commission scolaire sans consultation des parents?

M. Jerry Vink: Le système est en fait très différent de cela. Vous savez bien sûr que dans la région de l'Atlantique, on est en train de fusionner des cours à l'heure actuelle. Tout le système est en train de changer là aussi. Habituellement, on crée un groupe de travail—et je fais partie d'un certain nombre de ces groupes—et on met sur pied un cours. Les groupes communautaires sont invités à participer à ce processus. Ensuite, on offre le cours et on l'évalue. On demande aux parents et à d'autres personnes ce qu'ils en pensent. On le modifie et ensuite, il arrive qu'on l'adopte. Voilà le processus général que l'on suit dans toutes les provinces.

M. Peter Goldring: Mais dans la demande présentée par le gouvernement, on peut lire «mais la commission scolaire détermine». Autrement dit, la commission scolaire peut prendre elle-même la décision. Elle peut consulter les parents mais elle peut également décider seule.

M. Jerry Vink: En vertu de l'entente qui s'applique à la région de l'Atlantique, on met sur pied des cours qui sont ensuite offerts. Les commissions scolaires peuvent également élaborer leurs propres cours, qui reflètent évidemment la situation régionale, comme, par exemple, celle de Terre-Neuve. Il peut également arriver que l'on introduise des composantes religieuses.

M. Peter Goldring: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Goldring.

Le sénateur Murray.

Le sénateur Lowell Murray: Merci, madame la présidente.

Pour que cela soit officiel, je vous demande si, compte tenu des préoccupations que vous avez exprimées au sujet de la possibilité de se retrouver avec toute une série d'écoles religieuses, laïques, linguistiques et ethniques, si vous êtes en faveur de garanties accordées par la Charte à une éducation dans la langue de la minorité officielle et qui serait contrôlée par ces minorités.

M. Jerry Vink: Évidemment, oui.

Le sénateur Lowell Murray: Très bien.

En tant que résidant de l'Ontario, je ne pense pas que notre société soit contaminée par les écoles confessionnelles. Il existe ici trois systèmes publics qui coexistent de façon harmonieuse et je ne vois pas les symptômes dont vous avez parlé dans votre mémoire.

• 1710

J'aimerais vous poser une question. Avec vos convictions et les déclarations que vous avez faites au sujet de la séparation de l'église et de l'État, de l'église et de l'éducation, comment pouvez-vous appuyer le paragraphe 17(3) du projet de nouvelle clause 17, qui prévoit l'observance d'une religion à l'école lorsque les parents le demandent?

M. Jerry Vink: C'est parce que nous croyons également que les parents ont un rôle à jouer dans les conseils scolaires. Prenons un exemple très simple. Supposons que dans un secteur, un secteur exclusivement catholique, les parents souhaitent que l'on organise des pièces de théâtre, il n'y aurait pas de problème. Si c'est la décision du conseil scolaire, il faudrait leur permettre de le faire. Dans d'autres secteurs, il faudrait peut-être en arriver à un compromis mais c'est une décision qui relève des parents et il nous paraît tout à fait raisonnable...

Le sénateur Lowell Murray: Une majorité de parents dans un district.

M. Jerry Vink: Les gens ont une certaine sagesse et nous estimons qu'il faut les laisser prendre ce genre de décisions. Il ne faudrait pas interdire cela. Je ne pense pas que cela soit bon. Nous ne sommes pas aux États-Unis.

Laissons cela aux gens. Ils arrivent habituellement à trouver d'excellentes solutions lorsqu'on les laisse faire.

Le sénateur Lowell Murray: Ne pensez-vous pas que l'on puisse invoquer la Charte, comme l'a déclaré un de nos témoins ce matin, au cas où, par exemple, les parents de certains enfants estimeraient que l'observance d'une religion à l'école porte atteinte à leurs propres croyances religieuses?

M. Jerry Vink: Cela se produit fréquemment aux États-Unis. Je crois qu'à Terre-Neuve nous devrions pouvoir créer notre propre système scolaire en fonction de nos caractéristiques particulières et uniques. C'est le genre de problèmes que nous pouvons régler. S'il y a par la suite des contestations, nous ferons ce qu'il faut.

Le sénateur Lowell Murray: C'est ce que vous avez à l'heure actuelle...

M. Jerry Vink: Nous voulons le changer.

Le sénateur Lowell Murray: ... en quantité.

M. Jerry Vink: Mais la plupart des habitants de Terre-Neuve ne le souhaitent pas.

Le sénateur Lowell Murray: Merci, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, sénateur Murray.

Nous allons maintenant entendre M. Pagtakhan, le sénateur Rompkey, la sénatrice Pearson, M. Mark, Mme Caplan et M. Bélanger.

M. Rey Pagtakhan: Merci, madame la présidente. J'aimerais également que soit consigné au procès-verbal un commentaire sur tout le bien que je pense des écoles confessionnelles même si on les compare à celles du système d'éducation public, avec les deux systèmes financés par les gouvernements provinciaux. C'est ce qui se passe dans ma province du Manitoba. Évidemment, c'est au gouvernement provincial de déterminer la mesure dans laquelle il souhaite les financer.

C'est pourquoi vos prévisions apocalyptiques ne m'inquiètent pas vraiment. En fait, j'aimerais beaucoup qu'un gouvernement provincial—si je peux déclarer cela officiellement—s'attaque à cette question, parce qu'il pourra alors se rendre compte qu'il s'agit de mettre sur un pied d'égalité des croyances qui sont si diverses dans nos collectivités.

En fait, cela conforte votre argument, si je peux le mentionner: si notre droit fondamental est le droit à une éducation libre quel que soit le niveau, peu importe la manière dont cette éducation est fournie, qu'il s'agisse d'un système confessionnel ou non, pourvu que ce soit la collectivité qui définisse les cours essentiels. En fait, je pense que le financement doit être accordé pour les cours essentiels. Les autres cours offerts par les deux systèmes constituent des dépenses qui doivent être assumées d'un côté, par le système public et de l'autre, par le système privé.

Je suis comme le sénateur Murray. J'ai vécu de belles choses... et j'ai déjà été président d'une commission scolaire catholique, j'ai été conseiller scolaire dans le système public et j'apprécie les aspects positifs des deux systèmes.

Voici ma question...

Le sénateur William Rompkey: Puis-je poser une question à M. Pagtakhan?

Des voix: Oh, oh.

M. Rey Pagtakhan: Voici quelle est ma question, madame la présidente. Le droit à l'éducation pour tous n'a un sens que si cette éducation est gratuite au niveau élémentaire. Les parents n'ont pas à s'inquiéter parce qu'ils ont payé leurs taxes. Ces coûts augmentent au niveau supérieur en fonction de l'accessibilité, et cela est bien sûr compréhensible. Mais ne pensez-vous pas que le droit des parents de créer leurs propres écoles, le droit des parents de choisir le genre d'éducation que l'on va donner à leurs enfants, même lorsque cette éducation s'accompagne d'une composante religieuse importante, n'a vraiment un sens que si le gouvernement est prêt à la financer, avec l'appui des citoyens, selon une formule à déterminer? Sans financement, ce droit n'est qu'une coquille vide. Qu'en pensez-vous?

• 1715

M. Geof Buddun: Je ne pense pas que ce droit ait uniquement un sens que s'il s'accompagne d'un financement. Même à Terre-Neuve, il y a d'autres confessions, comme la communauté baptiste, qui ont leurs propres écoles depuis des années. Je sais qu'ailleurs au Canada il y a des membres d'autres confessions religieuses qui opèrent leurs écoles sans l'aide d'un financement public. Il est évidemment plus difficile de faire fonctionner un système scolaire qui n'est pas financé par le gouvernement mais ce n'est pas impossible. Les écoles non confessionnelles sont là pour tous. Si ce n'est pas ce que souhaite une personne, et que celle-ci préfère se retirer de ce système, comme un citoyen peut se retirer d'un programme gouvernemental, je dirais que c'est son droit. Mais je ne pense pas que cela ait uniquement un sens qu'avec un financement du gouvernement.

M. Rey Pagtakhan: Voici ma dernière question, madame la présidente.

Êtes-vous prêt à reconnaître que les gouvernements provinciaux ont déjà financé ce genre d'écoles dans d'autres provinces et que les affirmations qu'a faites tout à l'heure votre collègue d'après lesquelles cela menacerait le système scolaire public ne se sont pas réalisées?

M. Geof Buddun: Excusez-moi, j'ai presque passé toute la journée en avion et j'ai manqué une partie de votre question.

M. Rey Pagtakhan: Compte tenu de ce qui s'est passé dans les autres provinces canadiennes, il n'est pas possible d'affirmer que le fait que le gouvernement finance d'autres écoles que celles du système public constitue une menace pour le système public lui-même.

M. Geof Buddun: Il n'y a pas de système public à Terre-Neuve et c'est bien là le problème fondamental.

M. Rey Pagtakhan: Non, je ne parle pas de Terre-Neuve. Je parle de ce qui s'est passé dans les autres parties du pays. Êtes-vous au courant de cela?

M. Geof Buddun: Dans les autres régions du pays, je crois qu'il y a dans chaque province un système d'éducation public.

Le sénateur William Rompkey: Terre-Neuve est vraiment une province spéciale. Il n'y en a pas d'autres.

M. Geof Buddun: Je crois que c'est la seule province ou État d'Amérique du Nord à ne pas avoir de système d'éducation public. Il n'y a que Terre-Neuve.

Le sénateur William Rompkey: Exact.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, monsieur Pagtakhan.

Sénateur Rompkey.

Le sénateur William Rompkey: Accordez-moi un moment, madame la présidente. Je sais que M. Pagtakhan veut vraiment approfondir cette question mais il n'a peut-être pas bien compris le dernier commentaire.

Hier, M. Grimes nous a très bien décrit quelle était la situation à Terre-Neuve en 1949 et comment elle avait évolué depuis. Il n'y a jamais eu de système d'éducation public à Terre-Neuve mais c'est pourquoi il est très difficile de comparer la Saskatchewan avec Terre-Neuve parce que cela est en fait impossible.

Si vous disiez aujourd'hui que vous voulez un système public à Terre-Neuve et un système catholique financé par les contribuables, je serais le premier à demander que l'on finance également des écoles anglicanes à Terre-Neuve. Cela nous ramènerait à la situation qui existait en 1949. Les Pentecôtistes vous diraient que si vous êtes prêt à financer un système public et un système catholique, vous allez également devoir financer un système pentecôtiste. Comme je l'ai dit, je demanderais moi que l'on finance un système anglican.

Pour simplifier, il n'existe dans aucune autre province canadienne le genre de système que nous avons à Terre-Neuve et au Labrador. C'est l'élément fondamental que les gens doivent comprendre. Il n'y a jamais, jamais eu de système scolaire public à Terre-Neuve. Jamais. Cette province est différente de toutes les autres provinces canadiennes.

J'ai deux questions et je vais essayer d'être bref. Vous avez déclaré que les églises pouvaient imposer des normes aux commissions scolaires. Vous avez cité des cas où elles avaient effectivement imposé des normes, exercé leur pouvoir et supprimé diverses variantes de textes. D'autres témoins nous ont déclaré hier que les églises n'avaient pas vraiment exercé ce genre de pouvoir, que la plupart des écoles de Terre-Neuve étaient en fait interconfessionnelles et avaient été mises sur pied volontairement par les parents. On n'était pas très sûr du pourcentage—on ne savait pas s'il était de 70 ou de 80 p. 100—mais d'après les témoins, la plupart des gens avaient accepté des systèmes interconfessionnels et il n'était pas nécessaire d'imposer un système scolaire public.

• 1720

J'aimerais connaître votre réaction là-dessus, compte tenu, évidemment, de ce que nous a dit M. Grimes au sujet des cas où on s'était entendu au départ sur des écoles interconfessionnelles. Il a parlé de Springdale, par exemple, où deux écoles de 200 élèves devaient être regroupées dans une école secondaire de 400 élèves mais avec la décision Barry, ils sont revenus à une école secondaire catholique de 200 élèves et à une école secondaire pentecôtiste de 200 élèves aussi.

J'aimerais que vous disiez ce que vous pensez des écoles interconfessionnelles et de la façon dont elles sont perçues.

M. Jerry Vink: Il y a une chose que je dois bien préciser: nous ne parlons pas au nom du gouvernement. En fait, nous nous trouvons dans une position très étrange pour une association de défense des droits de la personne. Habituellement, nous déployons beaucoup d'énergie pour lutter contre le gouvernement. D'une certaine façon, il m'est difficile de défendre ici le gouvernement, mais je vais le faire.

Je ne suis pas en mesure de juger les services interconfessionnels entre écoles, ni de vous en parler mais je vais vous donner deux exemples qui illustrent notre perspective.

J'ai un de mes voisins qui est marié aujourd'hui à une femme épatante. Avant de se marier, elle était, et elle l'est d'ailleurs toujours, directrice d'une école catholique. Il s'agit de personnes qui sont dans la fin quarantaine. Lorsqu'elle passait la nuit chez lui avant d'être mariée, elle était obligée de stationner sa voiture dans une autre rue.

Autrement dit, nous avions à Terre-Neuve un système où l'église n'imposait pas sa volonté mais où elle faisait sentir son influence.

Le deuxième exemple est plus récent. Après le premier référendum, le gouvernement a changé le Schools Act et le mécanisme d'élection des membres des commissions scolaires. Les commissions scolaires ont été divisées deux tiers, un tiers; deux tiers pour les représentants des confessions religieuses, et un tiers, pour les gens sans confession religieuse. Les Catholiques votent donc pour des membres catholiques et ceux qui sont sans confession votent pour des membres sans confession. Les Catholiques peuvent toutefois également voter pour les membres sans confession. Autrement dit, les Catholiques ont deux votes mais les Juifs n'en ont qu'un.

Cela est apparu clairement. Peu avant le début de la deuxième campagne référendaire, la commission scolaire catholique de St-Jean a invité les Catholiques à se porter candidats aux sièges réservés aux personnes sans confession religieuse.

Je vous signale la chose pour vous montrer qu'il y a effectivement une certaine coopération, et nous pourrions en parler, mais que les églises ont traditionnellement exercé une grande influence sur le système scolaire, cela change mais on en ressent encore les effets aujourd'hui. Nous estimons qu'il est temps, et les gens de la province ont fait connaître leur opinion là-dessus, 73 p. 100, de créer un système financé par le gouvernement, pour tous les habitants de la province et de mettre fin à tous ces jeux et ces conflits entre confessions.

Le sénateur William Rompkey: Merci.

Ma deuxième question concerne les élections et les efforts déployés par diverses personnes pour essayer de modifier la répartition des pouvoirs. Ce que j'essaie de montrer, c'est qu'il n'existe pas vraiment de différence entre un parent et un électeur. Il me semble qu'un électeur est un parent et qu'un parent est un électeur et qu'il n'est pas possible de séparer ces deux aspects. Les gens qui ont voté au référendum étaient des parents. Les gens qui élisent les membres des commissions scolaires sont des parents.

On peut dire qu'en ce sens, les parents ont un choix. Ils peuvent choisir les membres des commissions scolaires, ils peuvent choisir l'école que va fréquenter leur enfant, ils peuvent décider de lui faire suivre un enseignement dans la religion de leur choix.

N'est-il pas vrai que cette loi accorde aux parents plus de pouvoirs qu'ils n'en ont jamais eu? Des témoins nous ont déclaré hier que les parents voulaient faire des choix et qu'ils avaient le droit de faire ces choix. Je suis d'accord avec cela mais il me semble que cette loi accorde aux parents beaucoup plus de droits qu'ils n'en possédaient auparavant. Ils ont maintenant la possibilité d'élire les commissaires scolaires qu'ils veulent. S'il s'agit d'une communauté catholique et que tout le monde est catholique, les parents peuvent élire des commissaires catholiques.

• 1725

M. Geof Buddun: Je suis d'accord avec cela.

M. Jerry Vink: Il faut également signaler que les parents posséderont beaucoup plus de pouvoir au niveau du conseil scolaire. C'est une excellente idée que nous aimerions voir la province adopter.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la sénatrice Pearson et ensuite à M. Mark, Mme Caplan, M. Bélanger et M. DeVillers.

La sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'ai beaucoup apprécié la présentation exhaustive que vous avez faite des dispositions de la déclaration et de la convention. Il est très utile de voir tout cela par écrit.

J'aimerais signaler une autre convention que nous avons signée, à savoir la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, que le Canada a ratifié et que Terre-Neuve a adopté et qui garantit, en son article 12, à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant.

Je me demandais ce que vous aviez à dire au sujet du rôle que jouent, d'après vous, les jeunes dans toute cette affaire.

M. Jerry Vink: Si vous donnez à votre chercheur Alta Vista les mots «Newfoundland human rights», vous allez tomber sur la page d'accueil de notre association. Une fois que vous y serez, vous pourrez cliquer sur les droits de l'enfant et vous allez trouver toutes sortes de choses.

J'aurais dû être à Terre-Neuve aujourd'hui, cela est sûr. C'est la journée nationale de l'enfance et cela aurait été la chose à faire. Nous avions prévu diverses activités et préparé une jolie affiche.

Nous nous sommes engagés...

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Ce n'est sans doute pas une mauvaise chose d'être avec la sénatrice Pearson aujourd'hui.

M. Jerry Vink: Nous le savons.

Nous n'avons pas mentionné les droits de l'enfant dans ce mémoire. J'ai beaucoup parlé des conventions mais les droits de l'enfant reflètent également les idéaux reconnus dans la déclaration universelle. Il est très regrettable qu'au cours de tous ces débats, la voix des enfants n'ait pas été présentée de façon plus structurée. Je crois que c'est un reproche que l'on peut faire au gouvernement. Avec la vive controverse qu'a suscitée cette question, on aurait sans doute parlé de propagande ou de choses du genre mais j'espère que les enfants vont à l'avenir participer davantage à ces débats, y compris... et je pourrais peut-être dire que cela est très intéressant, mais les conseils scolaires qui vont être créés vont comprendre des représentants des étudiants, aspect qui me paraît assez unique.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Monsieur Mark.

M. Inky Mark: Merci, madame la présidente.

Tout comme le sénateur Murray, je crois que la diversité est une chose positive parce que c'est ce qui fait la richesse de notre pays. Je pense également que Terre-Neuve n'a peut-être pas de système public mais que cette province devrait peut-être regarder ce qui se fait ailleurs dans notre pays.

Comme vous le savez, je viens du Manitoba et nous avons un système d'écoles séparées. C'est un système d'écoles confessionnelles que nous appelons séparées. Il n'est pas financé à 100 p. 100 comme le système public mais nous avons également des types d'écoles multilingues qui sont également financées, tant au niveau privé que public. Nous réussissons apparemment à nous entendre, à fonctionner ensemble et à vivre dans la bonne entente. Il est donc toujours possible de résoudre les problèmes, quels qu'ils soient.

Étant donné que sept autres provinces ont également des systèmes mixtes, ne pensez-vous pas que votre province ne respecte pas la Déclaration universelle des droits de l'homme, comme vous l'avez mentionné dans le document que vous avez distribué?

M. Geof Buddun: M. Vink a mentionné que la déclaration universelle garantissait le droit des parents de choisir le genre d'éducation donnée à leurs enfants. Cette déclaration oblige également les États à mettre sur pied un système scolaire public qui respecte certaines conditions, comme celle d'être gratuit pour les classes élémentaires.

• 1730

Là encore, cette modification n'interdit aucunement à une confession religieuse ou même à un autre groupe de créer ses propres écoles ou un système d'écoles, comme d'autres l'ont fait dans notre système actuel, comme les Baptistes.

C'est pourquoi je ne pense pas que Terre-Neuve ne respecte pas la déclaration. Ce n'est peut-être pas un système parfait sur le plan des principes mais je ne pense pas non plus que ce soit un système qui porte atteinte aux droits des habitants de Terre-Neuve.

M. Inky Mark: Si vous me permettez de vous répondre brièvement, je trouve un peu paradoxal que Terre-Neuve ait eu le pouvoir de créer un système d'éducation mais qu'il ne l'ait pas fait. Je crois également que c'est parce que l'éducation est une question provinciale que la province n'a pas créé de système public.

On constate actuellement au Canada que tous les systèmes sont en train d'évoluer et de renforcer la participation des parents et les pouvoirs qui leur sont accordés. On cherche à donner davantage de pouvoir aux utilisateurs. Comment concilier cette évolution avec le fait qu'à Terre-Neuve vous demandez un système public centralisé?

M. Geof Buddun: Cela vient du fait qu'à Terre-Neuve, nous nous trouvons encore dans la situation que les autres provinces du Canada ont abandonnée il y a des dizaines d'années, et je ne sais même pas si les provinces se sont vraiment déjà trouvées dans cette situation.

Regardez l'avenir. Cela ne va peut-être pas clore définitivement ce débat mais il est possible que d'autres options s'offrent à l'avenir. Pour le moment, c'est celle que la majorité des gens de Terre-Neuve souhaitent voir adopter. C'est la décision à laquelle ils en sont arrivés après un débat approfondi et difficile.

M. Inky Mark: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci, monsieur Mark.

Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Merci beaucoup.

Je crois que la plupart des gens ne savent pas que Terre-Neuve n'a pas et n'a jamais eu de système scolaire public. Sur ce plan, c'est une province distincte, unique, vous pouvez choisir le mot qui vous plaît, par rapport à ce qui se fait dans le reste du Canada et très probablement en Amérique du Nord. Je ne connais pas de province ou d'État qui n'ait pas mis sur pied un système scolaire public non confessionnel. Je comprends donc fort bien que la population de votre province ait eu du mal à prendre cette décision.

Ma question porte sur l'aspect suivant. Nous avons entendu des commentaires au sujet de la campagne publicitaire du gouvernement. Je n'ai pas eu l'occasion de voir cette publicité. Je me trouvais à Terre-Neuve et j'ai parlé à des Terre-neuviens qui m'ont dit ce qui se passait et qui m'ont fait connaître leur opinion. C'est comme cela que j'ai appris cette histoire. On m'a parlé de débats bien trop souvent partisans et diviseurs. Je veux savoir si vous, les représentants de l'Association des droits de la personne, pensez que la publicité du gouvernement était partiale ou si elle décrivait clairement les enjeux du référendum.

M. Geof Buddun: Bien évidemment, la publicité du gouvernement favorisait le système scolaire unique en utilisant des expressions comme «tous nos enfants vont apprendre ensemble». Le ton de cette publicité n'était pas passionné.

Ce serait commettre une erreur que de conclure de la publicité du gouvernement que le débat n'a pas été équilibré. Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé. Tous ceux qui étaient à Terre-Neuve au moment du référendum ont constaté que les deux côtés ont eu la possibilité de présenter leurs arguments dans les médias et en faisant de la publicité. Je ne connais pas les chiffres mais je sais parfaitement, parce que j'y étais, j'étais du moins à St-Jean et dans d'autres régions de la province que je visitais à l'époque, qu'il y a eu un débat. Nous n'avons pas entendu qu'un seul son de cloche.

Mme Elinor Caplan: Je sais qu'il y a eu un débat. Peut-on dire que les gens ont bien compris ce dont il s'agissait? Vous dites que la question était simple et claire. Avec toute la publicité et le débat qui a eu lieu autour de cette question, pensez-vous que les gens savaient sur quoi ils votaient?

• 1735

M. Jerry Vink: Puis-je faire un commentaire sur ce sujet? Oui, ils le savaient et tout cela, c'est ce que j'ai constaté. Nous n'avons pas participé à la planification du processus référendaire, cela est évident, mais j'ai passé toute la journée à aller chercher les gens pour les faire voter et je pourrais vous raconter des histoires à dormir debout.

Il y a une femme qui n'avait jamais voté auparavant. Elle n'avait jamais voté, pour quoi que ce soit. Elle a décidé que cette fois-ci elle voterait et qu'elle allait le faire à cause du système proposé. Dans son cas, elle habitait à 300 mètres d'une école. Son enfant y avait été accepté jusqu'à ce que les responsables examinent son certificat de naissance. Lorsqu'ils ont constaté que l'enfant n'était pas catholique, ils l'ont refusé et celui-ci a dû fréquenter une école qui était assez éloignée.

Oui, les gens étaient informés. Oui, ils savaient ce qui se passait. Mais l'autre côté, le côté favorable aux écoles confessionnelles, avait dépensé beaucoup d'argent pour le premier référendum. Stratégiquement et tactiquement, ils ont décidé de ne rien faire pour pouvoir dire ensuite que le gouvernement a acheté les résultats. C'est comme cela que ça se passe. Je sais que nous avons passé beaucoup de temps à aller chercher les gens, à faire des appels téléphoniques, et nous n'étions pas payés par le gouvernement.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Avez-vous une dernière question?

Mme Elinor Caplan: Une très brève.

Je sais que tout cela est subjectif mais pensez-vous que les gens ont compris la question? Ils voulaient mettre sur pied un système public qui résoudrait toutes ces difficultés, qui réduirait les coûts et qui accorderait la priorité à l'éducation des enfants, pensez-vous que c'est bien tout cela qui a poussé à voter les gens à qui vous avez parlé?

M. Geof Buddun: Je crois que les gens ont vu dans ce référendum l'aboutissement d'un processus qui a commencé il y a déjà pas mal d'années à Terre-Neuve. Je vais prendre mon cas, à titre d'exemple. J'ai 35 ans. J'ai commencé l'école dans une école de l'Église unie qui a fusionné lorsque je suis arrivé en première année. Ces systèmes fusionnaient après la maternelle, tout comme l'école anglicane et celle de l'Armée du salut. Je crois qu'il est presque ridicule de penser que les gens pourraient revenir en arrière et vouloir un système scolaire anglican séparé et un système scolaire séparé pour l'Église unie.

Le sentiment que je retire de tout cela est que les gens ont pensé qu'il était temps de le faire. Nous sommes tous des gens de Terre-neuviens. Nos valeurs ne sont pas si différentes que cela, on peut même se demander si elles diffèrent d'une confession à l'autre et il est temps d'adopter un système scolaire commun. Les mots utilisés «système scolaire public» ou «interconfessionnel» importent peut-être à ceux qui aiment alimenter le débat. Pour la population, je crois que cela veut dire que nous sommes prêts à ce que nos enfants soient instruits ensemble et que les églises cessent de jouer un rôle actif dans le fonctionnement de notre système d'éducation.

Mme Elinor Caplan: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup, madame Caplan.

Monsieur Bélanger.

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

J'aimerais aborder deux points. Lorsque les témoins auront quitté la salle, j'aimerais parler un peu du calendrier des réunions, à huis clos si vous le souhaitez, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Cela dit, je voulais revoir cette question. Cela n'est certainement pas définitif.

M. Mauril Bélanger: Merci.

Messieurs, j'aimerais examiner avec vous un aspect qui a posé certains problèmes à un comité très semblable, celui qui examinait la modification constitutionnelle relative aux commissions scolaires du Québec, à savoir l'article 93 de l'AANB. L'aspect qui a suscité bon nombre d'interrogations est toute cette notion des droits des minorités. Dans ce cas-là, nous parlions de droits confessionnels et de droits linguistiques et il y avait des gens qui avaient tendance à les confondre. Je ne sais pas s'ils le faisaient exprès ou non mais il y avait une certaine confusion sur cette question.

Je crois qu'il y a un peu de confusion ici aussi et j'aimerais savoir ce que vous pensez de quelque chose. La section qui se trouve à la page 11 de votre document traite des droits et des privilèges de la minorité. Dès qu'on parle de minorité, cela veut dire qu'il doit y avoir une majorité. Traditionnellement, il s'agit de protéger la minorité contre la majorité. C'est pourquoi on a adopté tous ces droits constitutionnels. Dans ce cas-ci, je me demande s'il existe vraiment une majorité qui risquerait de brimer une minorité. Je crois savoir qu'il y a quatre confessions qui ont décidé de regrouper leurs services et qu'ensemble, elles représentent un peu plus de 50 p. 100 de la population. Mais aucune des sept confessions qui sont reconnues aujourd'hui dans la clause 17 ne constitue une majorité.

• 1740

Est-il exact de parler de droits de la minorité? Ne devrait-on pas plutôt parler de droits confessionnels? Cela pourrait peut-être clarifier le débat parce que j'estime, et vous allez voir en quoi je suis partial—qu'il existe des droits pour la minorité à Terre-Neuve mais qu'ils ressemblent davantage aux droits linguistiques. On traite ces droits de façon tout à fait différente et, si j'ai bien compris, la minorité concernée est satisfaite. Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de cela?

M. Geof Buddun: Pour les trois premiers, je mentionnerais que la communauté catholique romaine et pentecôtiste regrouperait la moitié de la population. Cela veut donc dire que cette modification n'aurait pas été adoptée si ces deux communautés s'y étaient vivement opposées.

Je suis également d'accord avec vous quand vous signalez qu'ensemble, ces confessions privilégiées sont loin de constituer une minorité; elles représentent plutôt près de 90 à 95 p. 100 de la population. La véritable minorité est celle que constituent les habitants de confession juive et les autres personnes qui n'appartiennent pas aux confessions énumérées.

Nous utilisons l'expression «droits de la minorité» parce que c'est comme cela que la question a été formulée. Nous n'affirmons pas qu'il s'agit là de véritables droits de la minorité, comme cela le serait pour les droits linguistiques, un petit groupe caractérisé par un élément particulier.

M. Mauril Bélanger: Vous ne vous opposeriez pas à ce qu'on parle plutôt de droits confessionnels.

M. Geof Buddun: Non.

M. Mauril Bélanger: Merci.

Merci, madame la présidente.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: Merci, madame la présidente.

Je voudrais revenir sur la question que le sénateur Murray a posée au témoin, la professeure Bayefsky, ce matin. Elle a mentionné que la modification proposée, la clause 17(3), serait susceptible d'être contestée parce que les activités religieuses sont autorisées dans les écoles, lorsque les parents le demandent. En tant qu'association de défense des droits de la personne, je crois que vous êtes habitué aux contestations relatives à la Constitution.

Monsieur Vink, je crois que vous aviez commencé à dire quelque chose mais que vous n'avez pas terminé votre réponse au sénateur Murray. Vous avez dit «s'il y avait une contestation» mais vous n'avez pas terminé votre phrase. Je me demande si vous pourriez le faire maintenant.

M. Jerry Vink: Pour qu'une société soit vivante et dynamique, il faut que les gens fassent des compromis mais il faut aussi qu'ils exigent beaucoup. Avec la mise sur pied d'un nouveau système scolaire public dans la province, pour ce qui est de l'observance d'une religion, si les conseils ou les commissions scolaires veulent que soit observée une religion et que cela suscite des contestations, nous agirons à ce moment et nous essaierons de voir si nous ne pourrions pas en arriver à un compromis comme cela est traditionnel à Terre-Neuve.

Il est curieux de penser que les gens de Terre-Neuve et du Labrador ont toujours réussi à régler leurs problèmes. Ils n'ont pas tendance à intenter des poursuites pour ce genre de choses. Mais vous avez raison, cela pourrait se produire mais nous examinerons ce problème lorsqu'il surviendra. Nous avons toujours défendu la veuve et l'orphelin et je peux vous garantir que nous allons continuer. Nous espérons que nous pourrons en arriver à un compromis, comme nous le faisons habituellement.

M. Paul DeVillers: Autrement dit, les questions de constitutionnalité ne vous inquiètent pas trop.

M. Jerry Vink: Non, c'est ce qui donne du sel à la vie.

M. Paul DeVillers: Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Merci beaucoup.

Merci d'être venu. Je sais que vous avez fait un long voyage et que la journée a été longue. Nous sommes heureux que vous ayez pu venir. Je remercie également mes collègues de l'intérêt qu'ils ont manifesté.

• 1745

M. Jerry Vink: Notre journée a été plus longue que vous ne le pensez. Il y avait du brouillard à l'aéroport d'Halifax et on nous a fait passer par Toronto. Nous n'avons pas encore été à l'hôtel et pour vous parler très franchement, j'ai besoin de...

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Eh bien, je vous souhaite un bon dîner et une bonne soirée.

M. Geof Buddun: Nos bagages sont restés quelque part.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Cela m'arrive souvent.

Merci beaucoup.

Chers collègues, je voulais vous signaler que nous avons distribué une autre version de notre projet de programme et j'insiste sur le mot «projet». Rien n'est définitif parce que nous communiquons avec tous ces gens et voyons s'ils peuvent confirmer ou non leur présence mais la plupart d'entre eux l'ont fait. Il y a déjà eu quelques changements et vous remarquerez que nous voulions entendre la Fédération des parents francophones de Terre-Neuve et du Labrador. Ils ont été invités et ont décidé de ne pas venir. Nous leur avons demandé de nous fournir quelque chose par écrit s'ils ne viennent pas.

Il y a un autre groupe qui figurait sur le projet de liste qui a décliné notre invitation. Il s'agit de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Ils sont en voyage à l'étranger en ce moment mais il est possible que d'autres groupes expriment leurs opinions.

Le sénateur Kinsella et M. Kenney ont également demandé que l'on invite un représentant de l'Association des droits civils. Nous essayons de parler avec un représentant de ce groupe. Je crois...

M. Mauril Bélanger: Je propose d'entendre demain le premier groupe de témoins de 9 à 10 heures, pour deux raisons. La première est que nous pourrons ensuite entendre le groupe suivant de 10 à 11 heures, sans gêner la période des questions. La deuxième raison est que cela serait équitable parce que vous allez voir que le lendemain, le lundi 24 novembre, nous allons entendre entre 3 h 30 et 4 h 30 deux témoins, à qui nous allons consacrer une heure ensemble. Voilà mon premier commentaire.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): J'en prends note.

M. Mauril Bélanger: Mon deuxième commentaire est que je ne pense pas qu'il soit nécessaire que le ministre de l'Éducation, malgré le respect que je lui dois, revienne devant le comité. Je ne suis pas certain que cela soit nécessaire. Je proposerais deux choses. Premièrement, que nous ne l'invitions pas et que nous invitions à sa place le ministre Dion s'il peut venir.

J'estime que nous ne devrions pas entamer la discussion du rapport préliminaire avant d'avoir entendu tous les témoins. La proposition a été faite de commencer le débat le 28 novembre et d'entendre le ministre Dion le 29 novembre. Je propose d'entendre le ministre Dion comme notre dernier témoin le 27 novembre, s'il peut venir. Si ce n'est pas possible, nous l'entendrons lundi mais ne commençons pas le débat avant de l'avoir entendu.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Vos commentaires sont tout à fait pertinents, monsieur Bélanger. C'est au départ une question de calendrier. Nous allons continuer en tenant compte de vos commentaires. Pour demain, compte tenu de la période des questions de la Chambre des communes, nous allons retenir votre suggestion et, je vais veiller à ce que cela se sache, demander la collaboration de tous pour que nous puissions respecter l'horaire et entendre nos deux séries de témoins en deux heures pour qu'ainsi nous ayons terminé avec eux avant la période des questions, si cela convient à tous. Nous allons également continuer à parler avec M. Dion pour voir si nous pouvons l'entendre de cette façon.

• 1750

Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: Merci beaucoup, sénateur.

J'ai également remarqué que l'ordre du jour prévoyait parfois une heure et demie d'audition. Le 25 novembre, nous entendons des témoins de 9 à 10 h 30 et le lendemain, c'est de 10 h 30 à midi.

Il semble que la seule exception à une audience d'une durée d'une heure a été celle au cours de laquelle nous avons entendu le gouvernement de Terre-Neuve. Une période d'une heure me paraît suffisante pour entendre les exposés et poser nos questions et cela permet de libérer le comité. Les membres du comité ont en effet d'autres obligations. À moins de cas spécial, je demanderais que tous les invités soient entendus en une heure.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Nous allons certainement en tenir compte, madame Caplan, et je vais vérifier moi-même pourquoi on a prolongé ces périodes, pour voir s'il y a une raison valable. Nous vous dirons ce qu'il en est.

Monsieur Pagtakhan.

M. Rey Pagtakhan: Merci, madame la présidente.

Dans le document que j'ai ici, M. Dion comparaîtrait le 1er décembre. J'appuie la demande de M. Bélanger pour que nous entendions M. Dion avant d'examiner le projet de rapport mais cela ne devrait pas nous empêcher d'examiner ce projet de rapport parce que ce sera pour le comité la première occasion de résumer nos opinions. Nous pourrons préciser ces aspects au moment où le ministre comparaîtra par la suite. Je ne suis donc pas d'avis qu'il faille absolument l'entendre après avoir commencé à examiner le projet de rapport.

L'unique suggestion que je souhaite faire, et c'est parce que je suis déjà pris jeudi et que le ministre est un témoin essentiel, est qu'il ne vienne pas jeudi. Il pourrait venir vendredi ou lundi mais pas ce jeudi-là, si vous le permettez.

Merci.

La coprésidente (la sénatrice Joyce Fairbairn): Comme je l'ai dit, nous sommes en pourparlers avec le cabinet du ministre et nous allons voir si nous pouvons arranger tout le monde. Nous allons certainement tenir le comité informé de tout cela. Je ne vous promets pas que cela sera fait demain mais nous allons continuer à y travailler.

Je vous remercie tous. Je sais que ce sont de longues journées et j'apprécie énormément votre présence.

Merci. La séance est levée.