TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 10 juin 1998
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Allons-y.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.): Madame la présidente, avant qu'on commence notre séance de cet après-midi, je voudrais déposer un document qui pourrait aider le comité dans son travail. C'est un document sur le service des droits de garde. C'est personnel. Il est dans les deux langues et il pourrait être distribué à tous les membres du comité. Cela pourrait nous aider dans nos travaux futur.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Avec plaisir. La greffière peut peut-être le distribuer à tous les membres présents et s'assurer ensuite que tous les autres membres du comité en recevront un exemplaire.
• 1530
Il s'agit de la 37e séance du Comité mixte spécial de la
Chambre des communes et du Sénat sur la garde et le droit de visite
des enfants. Je souhaite la bienvenue à nos témoins de cet
après-midi, qui nous parleront des questions relatives aux
Autochtones. Du Conseil national des femmes métisses, nous
accueillons Alma Adams, Sheila Genaille et Janice Henry. De
Pauktuutit (Association des femmes inuit), Veronica Dewar, Tracy
O'Hearn et Mary Matoo. De la Native Women's Association of Canada,
Marilyn Buffalo, qui arrivera plus tard.
Nous avons une heure et demie pour discuter des questions à l'ordre du jour. Nous aimerions entendre vos déclarations, puis les membres du comité vous interrogeront.
Mme Sheila Genaille (présidente, Conseil national des femmes métisses): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Au nom du Conseil national des femmes métisses, je vous remercie tous de cette possibilité de vous adresser la parole cet après-midi. Je commencerai par des présentations un peu plus détaillées.
Je suis la présidente nationale du Conseil national des femmes métisses. Deux membres du conseil m'accompagnent aujourd'hui. Janice Henry est présidente de Metis Women of Saskatchewan. Elle vient de Prince Albert, Saskatchewan, et est aussi, je l'ajoute, une mère célibataire qui élève seule son fils depuis l'âge de six mois. Il a maintenant 13 ans. Alma Adams est présidente de la Metis Women's Association of Ontario et elle vient de MacDiarmid.
Le Conseil national des femmes métisses a été constitué en 1992 pour s'occuper des questions qui touchent les femmes métisses et leurs enfants. Les membres du conseil d'administration sont les présidentes élues des associations régionales et territoriales suivantes: Pacific Metis Federation of Women, Alberta Metis Women Association, Metis Women's Association of the Western Northwest Territories, Metis Women of Saskatchewan, Metis Women of Manitoba et Metis Women's Association of Ontario.
Le mandat principal de l'organisation consiste à s'occuper des questions et des préoccupations des Métis du Canada, en particulier les femmes et les enfants. Nos objectifs consistent notamment à protéger et promouvoir le respect des droits individuels, des libertés et de l'égalité des femmes métisses; à promouvoir la protection et l'avancement de la culture métisse; à influencer les politiques et à participer activement à l'élaboration des politiques dans toutes les organisations et à tous les paliers qui touchent les femmes métisses et leurs enfants; à obtenir la reconnaissance complète du Conseil national des femmes métisses et de ses compétences au sein du régime fédéral canadien; à maintenir l'indépendance et l'intégrité du Conseil national des femmes métisses au sein de la confédération canadienne et à résister à toute atteinte aux droits des femmes métisses.
Qui sont les Métis? Les Métis sont définis au paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982: «Dans la présente loi, peuples autochtones du Canada s'entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada». La reconnaissance juridique des Métis en 1982 a confirmé au reste du Canada ce que nous avons toujours su, en tant que Métis. Nous, les Métis, nous sommes toujours perçus comme des Autochtones qui étaient et continuent d'être distincts des deux autres groupes autochtones, soit les Indiens et les Inuit.
• 1535
D'après Statistique Canada, la population métisse est
extrêmement jeune, puisque 57,7 p. 100 de la population a moins de
25 ans. En 1990, 26 p. 100 des femmes métisses du Canada touchaient
de l'aide sociale et nous croyons que la situation a probablement
empiré depuis. Les taux de chômage chez les femmes métisses sont de
deux à trois fois plus élevés que la moyenne nationale. Les femmes
métisses qui travaillent sont nettement plus nombreuses à toucher
des salaires peu élevés dans des secteurs d'emploi saisonnier. La
majorité d'entre elles sont commis de bureau, vendeuses ou
employées dans le secteur des services. Tout comme le reste des
Canadiennes, les femmes métisses représentent plus de 50 p. 100 de
la population métisse.
Même si les femmes métisses ont toujours été actives dans divers aspects de la communauté métisse, des organisations féminines distinctes ne sont nées que récemment. Les femmes métisses ont fait l'objet et font encore l'objet de discrimination raciale et de discrimination fondée sur le sexe et leurs problèmes sont marginalisés.
Le Conseil national des femmes métisses est déterminé à collaborer avec les gouvernements et leurs organismes pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes métisses et pour régler les problèmes de la pauvreté, du développement économique, de l'emploi, des soins de santé et de l'environnement sain et durable. Même si les Canadiens jouissent en général d'un bon niveau de vie, les Métis et les autres collectivités autochtones vivent dans des conditions qui rappellent celles de certaines économies du Tiers monde. Les conséquences de la pauvreté sont la sous-alimentation, une pénurie de logements à prix abordables, une pénurie d'emplois ainsi que l'incapacité de faire vivre sa famille. Étant donné que les femmes métisses sont généralement plus pauvres et que les structures familiales sont en train d'éclater, de nombreuses femmes métisses restent seules pour faire vivre leur famille.
Le rapport du Comité canadien contre la violence faite aux femmes en 1993 prévoyait un plan d'action national qui demandait aux gouvernements de tenir leurs engagements internationaux à l'égard de l'égalité des femmes. Ce rapport affirmait en outre que lorsque les femmes auront atteint l'égalité juridique, économique, sociale et politique, elles pourront faire des choix dans leur vie qui correspondront vraiment à leurs intérêts. Elles n'auront plus à endurer la violence par crainte, pauvreté, honte ou impuissance.
Nous croyons que les conséquences de la violence contre les femmes métisses et leurs enfants sont extrêmement lourdes et que la violence influe énormément sur la dislocation des familles. Étant donné que les consultations actuelles visent à examiner la nécessité de changer les lois relatives à la garde et au droit de visite des enfants et à chercher d'autres mécanismes qui pourraient ou devraient être poursuivis, nous croyons qu'il faut se pencher sur les problèmes des préjugés sexuels et de la violence conjugale.
On peut soutenir que les femmes souffrent du fait qu'elles n'ont pas autant de pouvoir que les hommes dans la société et dans leur famille. Cette inégalité pose un grave problème lorsqu'il faut négocier un règlement en tant que partenaires égaux. C'est aussi vrai pour les femmes métisses et, à notre humble avis, pour la plupart des femmes autochtones. Ce déséquilibre du pouvoir est encore plus crucial lorsque la relation conjugale est violente. Nous croyons qu'il est très important d'examiner à fond ce déséquilibre et d'envisager les solutions dans un esprit ouvert, aussi bien les solutions judiciaires que les négociations à l'amiable.
Nous avons axé notre exposé sur l'égalité des sexes parce que sans égalité, nous ne pouvons pas nous attaquer à la myriade de problèmes auxquels nous sommes confrontées. Le Conseil national des femmes métisses a été exclu et reste encore exclu de certaines consultations, de quelques programmes et du financement de certains ministères fédéraux.
Un exemple de cette exclusion, qui a des répercussions sur la garde et le droit de visite des enfants, est le processus de consultation entre le gouvernement fédéral et certains groupes autochtones nationaux triés sur le volet concernant les prestations pour enfants.
• 1540
Étant donné que plus de la moitié de la population métisse est
constituée de femmes et que les Métis versent des impôts, nous
sommes dégoûtées par le comportement de certains bureaucrates qui
nous ont exclues de ces consultations. En vain, le Conseil national
des femmes métisses a écrit des lettres et exercé des pressions au
nom des femmes métisses pour que nous soyons incluses dans ce
processus. Ces consultations ont été menées sans que le Conseil
national des femmes métisses ait voix au chapitre. Les
collectivités métisses sont dispersées au pays et comprennent aussi
bien de petites collectivités septentrionales et rurales que de
grands centres urbains. Nous comprenons tous qu'il existe des
collectivités rurales et isolées où les services ne sont pas aussi
développés que dans les grands centres urbains. Mais, à notre avis,
les tribunaux et l'administration de la justice effraient la
plupart des Métis, ce qui est imputable, encore une fois selon
nous, au manque d'éducation et de moyens financiers pour obtenir
une bonne représentation judiciaire.
Nous pensons que la plupart des femmes métisses ne considèrent pas les tribunaux comme une voie vers un règlement, mais plutôt comme une solution imposée. Il faut se sensibiliser au droit et aux droits des femmes métisses, car celles qui ont fait l'expérience du processus judiciaire ont tendance à croire que leurs problèmes ne sont pas réglés. Bien qu'il existe de nombreuses statistiques sur les femmes dans la société dominante, il y en a très peu sur les femmes métisses. Trop souvent, les études et les recherches sur les «Autochtones» ont été menées par des gens qui ne savent pas ce que veut dire ce terme.
Vous auriez probablement beaucoup de mal à trouver des études sur les femmes métisses et le droit civil. Les femmes métisses, croyons-nous, obtiennent rarement des ententes de séparation ou des ordonnances de garde ou de pension alimentaire, parce qu'elles sont pauvres et ne connaissent pas leurs droits.
Le Conseil national des femmes métisses croit que nous avons le droit d'être sur un pied d'égalité avec le reste des Canadiens et qu'il faut redoubler d'efforts pour régler des problèmes comme la pauvreté, le chômage et la violence et comprendre comment ces problèmes touchent les femmes métisses et leurs enfants lorsque le couple se sépare et comment ils touchent aussi la garde et le droit de visite. En outre, les femmes métisses doivent participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques qui les touchent.
En conclusion, nous respectons la tâche formidable entreprise par le comité au sujet de la garde et du droit de visite des enfants. Mais nous vous demandons de tenir compte des problèmes auxquels les femmes métisses sont confrontées tous les jours, de leur répartition géographique, qui va du nord du 60e parallèle jusqu'aux collectivités rurales et aux centres urbains du Canada. Les Métis se sont toujours considérés comme des bâtisseurs de la nation et des défenseurs de cette fédération que nous appelons le Canada. Depuis le début, les femmes métisses ont été le ciment qui a uni nos collectivités et nous continuons de jouer ce rôle de nos jours. Je vous remercie de m'avoir écoutée. Ma collègue répondra aux questions.
Mme Veronica Dewar (présidente, Pauktuutit (Association des femmes inuit)): Merci. Je m'appelle Veronica Dewar et je suis présidente de Pauktuutit. Je suis accompagnée de Mary Matoo, qui vient de Coral Harbour, dans la région de Keewatin, dans les Territoires du Nord-Ouest. Elle est aussi membre de Pauktuutit. Elle lira plus tard une partie de mon exposé dans sa langue.
Mme Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Pardonnez-moi, représentez-vous les femmes des Premières Nations?
Mme Veronica Dewar: Les Inuit.
Mme Sheila Finestone: Madame la présidente, nous n'avons pas de mémoire des Inuit, du groupe des femmes inuit.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Non, nous n'avons pas reçu de mémoire.
Mme Veronica Dewar: D'abord, je remercie le comité de nous donner l'occasion de présenter les points de vue des femmes inuit sur ces questions importantes. Nous n'avons pas pu vous faire parvenir un mémoire à l'avance, parce que nos ressources humaines et financières sont extrêmement limitées.
Pauktuutit est une association nationale qui représente toutes les femmes inuit du Canada. Notre mandat porte sur un large éventail de questions sociales et de santé. Nous défendons les femmes inuit au niveau communautaire, régional et national.
• 1545
Nous avons été les premières à briser le silence qui entourait
des questions très délicates comme la violence familiale et les
agressions sexuelles des enfants. Au début, on nous a fortement
reproché de lever le voile sur ces questions, mais nous constatons
actuellement une sensibilisation accrue dans ce domaine et un
mouvement vers un changement positif.
Pauktuutit a fait du travail important dans les domaines de l'administration et de la justice au sein des collectivités inuit en général et concernant des questions comme la violence faite aux femmes et aux enfants, la sécurité des femmes et des enfants dans le système judiciaire. Nous n'avons pas eu les ressources nécessaires pour nous pencher sur le droit de la famille, mais nos membres considèrent cet aspect prioritaire depuis notre fondation, en 1984. On nous a dit que les parents seuls inuit font face à de graves problèmes et de grands obstacles actuellement, et la vaste majorité de ces parents sont des femmes.
Je ne sais pas dans quelle mesure Nancy Karetak-Lindell a pu vous informer, alors je vous donnerai d'abord un aperçu de notre situation au Canada.
Les Inuit vivent dans 53 collectivités éloignées qui vont depuis l'ouest de l'Arctique jusqu'au nord du Québec et la côte nord du Labrador. Nos collectivités sont très petites et elles ne sont accessibles que par avion. La plus grande de nos collectivités est Iqaluit, sur la terre de Baffin, et elle compte environ 4 300 habitants.
Je ne dresserai pas toute la liste de nos difficultés sociales et économiques. Beaucoup d'entre nous vivent dans des conditions qui rappellent le Tiers monde. Le taux de chômage chez les Inuit est toujours très élevé. En plus de la pauvreté liée au chômage élevé, s'ajoute le coût de la vie le plus élevé au Canada. Deux litres de lait qui coûtent 2,75 $ au sud du Canada coûtent 5,35 $ à Iqaluit, sur la terre de Baffin, et encore plus cher dans les collectivités éloignées.
Nos jeunes se suicident presque six fois plus que la moyenne nationale et le taux de criminalité dans nos collectivités est nettement plus élevé qu'au sud du Canada. Nous avons une crise du logement dans la plupart de nos collectivités. Beaucoup d'entre nous vivent dans des logements surpeuplés et inadéquats, ce qui limite gravement nos choix en cas de violence ou de dislocation des familles.
Je laisserai notre administratrice, Mary Matoo, lire les autres parties dans notre langue. Vous avez un interprète.
Mme Mary Matoo (membre du conseil régional de Kivalliq, Pauktuutit (Association des femmes inuit)):
[Note de la rédaction: le témoin parle dans sa langue]
Mme Veronica Dewar: Je lirai maintenant le reste de l'exposé. Je citerai d'abord une femme qui vit dans les Territoires du Nord-Ouest:
Cette histoire illustre le fossé culturel qui sépare les Inuit des Kablunap, les Blancs. En tant que personnes, que nous soyons Inuit ou Kablunap, nous avons en commun de nombreuses valeurs et caractéristiques humaines fondamentales, mais nos différences sont énormes. Cela ne veut pas dire qu'une façon est bonne et que l'autre est mauvaise, ni qu'une façon est supérieure à l'autre. Elles sont tout simplement différentes. Mais trop souvent, nos façons traditionnelles sont employées contre nous, dans des systèmes et des institutions qui nous sont étrangers, comme les tribunaux. Notre manière d'élever les enfants peut sembler beaucoup trop laxiste pour bien des gens qui ne sont pas Inuit, mais nous élevons simplement nos enfants différemment.
L'expérience personnelle que je viens de décrire n'est pas la norme pour les femmes inuit. Nous ne sommes pas nombreuses à pouvoir nous lancer dans les longues poursuites judiciaires. Si la femme inuit est suffisamment informée sur ses droits en ce qui concerne les pensions alimentaires et sur la façon d'accéder au système judiciaire, elle doit habituellement recourir à l'aide juridique en raison des taux de chômage élevés dans nos collectivités.
L'aide juridique dans le Nord est débordée, à cause des affaires criminelles, et la femme doit attendre longtemps, parfois des années, avant d'obtenir de l'aide. Il n'est pas rare toutefois que notre culture soit employée contre nous et que le racisme systématique soit renforcé par les tribunaux. Les femmes inuit sont désavantagées lorsque les pères de leurs enfants sont Kablunap, car les hommes qui ne sont pas Inuit connaissent beaucoup mieux le système judiciaire et la façon de l'utiliser à leur avantage et ils sont souvent plus à l'aise dans un système accusatoire, comme les tribunaux. Ces hommes ont habituellement des ressources financières plus grandes et plus de moyens pour intenter des poursuites judiciaires.
Je laisserai Mary lire le reste.
Mme Mary Matoo:
[Note de la rédaction: le témoin parle dans sa langue]
Mme Veronica Dewar: Merci Mary. C'est la même attitude assimilatrice qui a été imposée aux Inuit depuis nos premiers contacts avec les non-Autochtones.
Nos enfants ont le droit de connaître leurs antécédents culturels, et les tribunaux devraient appuyer et renforcer ce droit. Notre travail limité dans ce domaine a soulevé plus de questions qu'il n'a apporté de réponses et il nous paraît important de trouver des réponses. Ainsi, quel est l'accès des femmes inuit à l'aide juridique et au système judiciaire en ce qui concerne la garde et le droit de visite des enfants dans le Nord et dans le Sud? Dans quelle mesure les femmes inuit font-elles appel aux tribunaux en cas de différend familial? Si, comme il paraît, les femmes inuit ne font généralement pas appel aux tribunaux, pourquoi en est-il ainsi et comment pourrait-on améliorer la situation? Quelles connaissances ancestrales pourraient être appliquées dans la société contemporaine pour régler les problèmes familiaux? Lorsqu'il y a des ordonnances de pension alimentaire, les montants suffisent-ils, compte tenu du coût de la vie extrêmement élevé dans le Nord?
Lorsque les paiements sont en retard, quelles mesures d'exécution sont employées? Sont-elles efficaces? Quels sont les droits des grands-parents en droit civil? Comment les grands-parents s'assurent-ils un droit de visite de leurs petits-enfants et obtiennent-ils la garde s'il le faut? Comment les taux très élevés de chômage chronique et la pauvreté connexe touchent-ils les enfants dans le contexte de la garde et du droit de visite des enfants? Comment les tribunaux devraient-ils en tenir compte? Combien de femmes inuit ont des enfants dont les pères sont retournés vivre dans le Sud et ont effectivement abandonné leurs enfants? Ces femmes savent-elles qu'elles ont droit à des pensions alimentaires? De quelle information et de quel appui ont-elles besoin pour avoir accès à des recours juridiques dans le Sud? Quelle est l'incidence de la crise du logement dans nos collectivités sur nos enfants et sur les familles dans ce contexte?
Si votre comité recommande des changements dans le domaine de la garde et du droit de visite des enfants, n'oubliez pas que tout changement que vous recommanderez aura aussi des conséquences sur les femmes inuit et leurs enfants, mais que les solutions du Sud ne s'appliquent pas toujours facilement au Nord ou à la culture des Inuit.
• 1610
Les Inuit ont accompli des progrès énormes depuis 50 ans pour
s'adapter à des institutions et à des systèmes nouveaux et
différents, mais la clé de tout changement utile consiste à
développer des solutions inuit aux problèmes contemporains.
Pauktuutit est un partenaire actif auprès de nombreux ministères sur un grand nombre de questions qui touchent les Inuit. Afin de trouver des solutions efficaces, nous devons être un partenaire actif et nous sommes ici pour vous aider en ce sens. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
Mme Marilyn Buffalo (présidente, Native Women's Association of Canada): J'essaierai d'être aussi brève que possible. Je représente la Native Women's Association of Canada. L'organisation que je représente se fonde sur les lois ancestrales, les lois de la maison sacrée des grands-mères. Ce serait trop long à vous expliquer dans des délais aussi courts, mais je tenais à porter à votre attention le fait que notre organisation a été fondée pour défendre les intérêts des femmes et des enfants. Les grands-mères et les femmes que je représente sont convaincues que si les droits des femmes sont protégés, les chances de survie des femmes et des enfants sont meilleures.
Dans nos collectivités, qui ne sont pas comme celles qui existent ailleurs au Canada, nos jeunes représentent 78 p. 100 de la population, ce qui est différent du reste du Canada. Dans une collectivité de 5 000 habitants comme la mienne, 78 p. 100 de la population a 25 ans ou moins. C'est un peu comme le serpent qui se mord la queue parce que les enfants ne sont pas entendus dans notre société.
Je dis cela parce que les services sont déjà ou seront bientôt tout à fait insuffisants dans un grand nombre de nos collectivités. Nous n'avons même pas d'école dans de nombreuses collectivités des Premières Nations, des Métis et des Inuit. Le Canada devrait avoir honte. Regardez le nombre d'écoles qui sont fermées à Ottawa parce qu'il y en a trop. J'aimerais bien que ce soit la même chose chez nous.
Quel est le rapport avec la question qui nous intéresse aujourd'hui? J'ai toujours cru, d'après le travail que nous faisons, que l'éducation est la réponse à tout. Lorsqu'un enfant peut s'instruire ou qu'une femme peut s'instruire, ses chances de trouver un emploi sont bien plus grandes.
J'aimerais me concentrer sur les droits de l'enfant. D'habitude, toutes les sociétés autochtones, qu'il s'agisse des Métis, des Premières Nations ou des Inuit, sont des sociétés matriarcales, fondées sur les lois des grands-mères, les matri. Les lois étrangères, y compris par exemple la Loi sur les Indiens, a perpétué le régime patriarcal, qui nous est tout à fait étranger. Quand ces systèmes se heurtent, que ce soit du point de vue juridique, social, législatif ou autre, il y a des problèmes. C'est ce qui arrive au Canada actuellement.
À cela s'ajoutent les pensionnats qui ont obligé des générations de jeunes des deux sexes à s'éloigner de la maison et les ont privés de contacts sains avec les membres du sexe opposé.
Je peux en témoigner, mesdames et messieurs. Croyez-moi, cela a existé. Il y avait 70 internats au pays. Certains disent qu'il y en avait 80. Le Globe and Mail affirme qu'il y en avait 80. Ils s'appliquaient à toutes les collectivités, inuit aussi bien qu'autochtones. Un grand nombre de ces pensionnats étaient aussi fréquentés par les Métis. Les chiffres sont effarants.
• 1615
Il y a donc ces problèmes qui se perpétuent de génération en
génération. Faut-il s'étonner que nous ayons au Canada le taux le
plus élevé d'Autochtones dans des prisons? Faut-il s'étonner
d'apprendre que, parmi toutes les femmes détenues dans les
établissements à sécurité maximale, il y a 50 p. 100 d'Autochtones?
Faut-il s'étonner quand, dans une collectivité comme la mienne, les
statistiques révèlent que sur 100 jeunes délinquants, il y a
75 filles? Pourquoi pensez-vous que nous travaillons 12, 14,
16 heures par jour, avec les maigres fonds que nous recevons du
gouvernement canadien, pour attirer l'attention sur ces problèmes?
Il faut protéger les droits de l'enfant et nous ne sommes pas ici pour déterminer qui est le meilleur parent, le père ou la mère. Je dirais qu'au fil des générations, les deux sexes ont souffert. Afin protéger les enfants autochtones et d'assurer la justice, il faut protéger les droits des femmes autochtones, peu importe avec qui les enfants vivent.
Dans les réserves, à cause de la Loi sur les Indiens, le foyer conjugal est enregistré la plupart du temps sous le nom du mari, du père. Lorsque la violence conjugale éclate, c'est généralement la mère qui part, avec les enfants. Il manque de refuges et de services dans les collectivités au nord du 60e parallèle dans les collectivités inuit, dans les établissements métis ou dans les collectivités autochtones, il n'y a pas de refuges pour les femmes. Il n'y a pas de maisons de transition. Il n'y a pas de services d'aide juridique. Il n'y a personne pour traduire les lois dans notre langue afin que les femmes les comprennent.
Qu'arrive-t-il dans ce cas? Nos femmes s'en vont en nombre effarant. Elles cherchent une meilleure vie, loin de ces situations. Les statistiques révèlent que de plus en plus de nos femmes cherchent refuge dans les centres urbains et emmènent leurs enfants avec elles. C'est ce qui explique, quand on regarde les statistiques, que la majorité des Autochtones dans les établissements d'enseignement postsecondaires sont des femmes. Cela veut tout dire. Mais ce n'est pas un gage de succès. Cela signifie également que de nombreuses autres femmes n'ont pas fait les études préalables nécessaires pour entrer à l'université.
Donc, nos enfants n'ont pas de soutien culturel. Si la mère doit quitter le foyer conjugal, la plupart du temps, elle doit aller dans un centre urbain où il n'y a pas de services pour elles. Elles ne peuvent certainement pas s'exprimer dans la langue qu'elles ont l'habitude de parler quotidiennement. Les enfants ne seront pas élevés dans les deux langues et deux cultures comme ils le seraient dans leur propre collectivité. Il y a moins de services sociaux et les risques de rencontrer un travailleur social qui ne comprend pas la situation sont très élevés.
La limite à la deuxième génération prévue dans la loi C-31 qui a été adoptée en 1985 a créé toute une série de problèmes qu'il faudra régler très bientôt. J'entends par là que les droits de l'enfant ne sont pas protégés au-delà de la deuxième génération.
• 1620
Ainsi, j'ai été réinscrite par suite de la loi C-31. Mes
enfants le sont, mais pas mes petits-enfants. Quels droits auront
mes petits-enfants dans un avenir très proche, s'ils ne peuvent pas
s'adresser à leur gouvernement ancestral, le gouvernement indien ou
le gouvernement métis, selon le cas? Ils n'appartiennent à aucun
groupe en réalité. Ils ne sont pas vraiment acceptés et ils n'ont
pas droit aux mêmes services d'éducation et de santé que les autres
Indiens qui ont des droits issus de traité, les Indiens non
inscrits ou les Indiens inscrits. Qu'arrive-t-il dans ce cas? Je
vous le dis, il faut commencer à en parler.
Nous avons eu une conférence préliminaire ce printemps. J'ai indiqué à Jane Stewart, la ministre des Affaires indiennes et du Nord, que nous devons donner suite à cette question très bientôt, cet automne. Je n'hésite pas à mentionner son nom ici parce que je crois qu'elle mentionne le mien assez librement dans ses témoignages devant d'autres comités. Je lui rends la monnaie de sa pièce.
En ce qui concerne la propriété du foyer conjugal, les femmes autochtones, les femmes indiennes dans les réserves, ne sont pas protégées comme le sont les autres femmes au Canada parce que la législation matrimoniale et la législation sur les biens ne les protègent pas dans les réserves. C'est une autre grande question dont nous devrons discuter cet automne.
En cas de séparation, l'enfant a rarement voix au chapitre, comme je l'ai déjà indiqué, et il est donc coupé de tout lien avec son père à cause de la distance, à cause de l'animosité et de la douleur et à cause du manque de services de counselling. Contrairement aux autres femmes, nous n'avons pas les moyens de nous payer les services coûteux d'avocats spécialistes du droit de la famille. En outre, les enfants sont non seulement séparés de leur père et de leur mère, mais aussi de leur grand-mère et de leur grand-père et de leur foyer, comme je l'ai déjà indiqué. Il y a aussi un grave danger de perdre sa langue, cette langue qui va de soi pour tout le monde. On peut perdre sa langue parce qu'on n'est pas entouré de gens qui communiquent dans cette langue sur une base quotidienne.
Nous avons besoin de plus de ressources pour soulager la pauvreté et atténuer les pressions familiales qui s'exercent sur les femmes et les enfants en cas de séparation.
Nous devons régler les problèmes de logement dans nos collectivités, dans les réserves et hors des réserves. Nous n'avons pas de foyer conjugal, encore moins de maisons de transition. Il y a une telle pénurie de logements que, bien souvent, c'est ce qui crée des problèmes, le manque de vie privée.
Nous devons avoir accès aux anciens et aux conseils spirituels pour les parents et la famille dans ces situations. Il faut mettre en place des lois qui protègent les femmes et les enfants afin qu'ils puissent rester à la maison, dans la collectivité, s'ils le choisissent.
Mais je n'ai pas l'intention de réinventer la roue, parce qu'il y a eu la commission royale et ses 440 recommandations. Je m'appuie tous les jours sur ces recommandations dans mon travail. Je vous suggère de retourner aux recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones parce qu'elles sont encore d'actualité. Nous avons dépensé beaucoup d'argent, 85 millions de dollars, en recherche pour des comités comme le vôtre. Il est temps de passer à l'action maintenant.
• 1625
En outre, je voudrais recommander ici que les femmes qui
vivent dans les réserves ou à l'extérieur des réserves dans les
établissements métis aient la priorité dans le financement des
programmes d'éducation, parce que, je le répète, si les femmes
réussissent, leurs enfants réussiront eux aussi.
Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Nous passerons maintenant aux questions.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Je suis très heureux que vous ayez pu venir ici aujourd'hui.
Vous pourriez peut-être me décrire brièvement la tradition ou le mode de fonctionnement familial matriarcal par rapport au mode patriarcal. Vous avez abordé cette question. Pouvez-vous établir le lien avec l'éducation des enfants et les problèmes lors des divorces ou des batailles lorsqu'une famille se désintègre et qu'il y a un différend?
Vous avez indiqué qu'une solution communautaire est préférable, mais si c'est impossible et que vous vous retrouvez devant les tribunaux, quelle est l'influence de la tradition matriarcale plutôt que patriarcale dans ce cas?
Vous avez abordé le sujet et déclaré que c'est un problème. Pouvez-vous donner des explications, en particulier par rapport aux tribunaux?
Mme Marilyn Buffalo: Je ne crois pas que ce soit un problème uniquement devant les tribunaux. Je pense que c'est un problème dans l'ensemble du système, en particulier les lois et la façon dont elles sont appliquées.
Nous n'avons jamais été consultées lorsque ces lois matrimoniales ont été mises en place ou lorsque la Loi sur les Indiens a été adoptées. Elles se basent sur la common law britannique. Matriarcal veut dire que le statut et les droits sont transmis de mère en fille parce que, lorsque la mère appartient au clan des Corbeaux, par exemple, on est membre du clan des Corbeaux.
Lorsque ces lois ont été adoptées, la Loi sur les Indiens en particulier, nous n'avons plus eu le choix, il a fallu suivre la communauté du père. Nous ne pouvions plus suivre la communauté des Corbeaux. Ce fut donc un changement très dérangeant.
M. Paul Forseth: La Loi sur le divorce est censée être non sexiste. La décision doit reposer d'abord et avant tout sur les intérêts de l'enfant, pas ceux du père ni de la mère. S'il faut choisir entre le père et la mère, déterminer quel parent assumera la garde quotidienne, la décision est censée reposer sur le parent qui est le mieux en mesure de s'occuper de l'enfant. Souvent, on tient compte de la personne qui l'a fait jusque-là. J'essaie donc de voir comment cela fonctionne quand on considère les intérêts de l'enfant.
Mme Marilyn Buffalo: Dans le cas du régime matriarcal, le rôle traditionnel de la femme consistait à enseigner et à guérir. Le rôle traditionnel de l'homme consistait à nourrir et à protéger. Quand cet équilibre est rompu, les problèmes commencent. Dans le cas du droit de la famille, bien souvent les droits du père ne sont pas protégés non plus, parce que les tribunaux ne connaissent pas bien la loi ou ne connaissent pas bien les droits ancestraux ou la culture d'où est issue la famille. Ils ne protègent personne. Les tribunaux ne protègent ni la mère, ni le père ni les enfants.
M. Paul Forseth: Je vais essayer cette question supplémentaire. En prenant le cas de la Loi sur le divorce et des lois régionales locales qui seraient équivalentes à la compétence provinciale, telles que la Family Relations Act en Colombie-Britannique ou la législation sur la famille au Yukon, existe-t-il des conflits directs avec la Loi sur les Indiens et les Indiens inscrits dans une réserve? La Loi sur le divorce est-elle vraiment pertinente?
Mme Marilyn Buffalo: Je n'ai pas amené mon avocat pour répondre à cette question et je pense qu'il faudrait la poser aux rédacteurs de lois, mais je sais que la Loi sur le divorce peut être pertinente, en ce sens que nos chefs et conseils des Premières Nations ont participé aux discussions, mais pas nous. Nous ne figurions même pas au programme.
Je dis cela parce que la politique des droits inhérents du Canada donne accès à très peu de droits à nos dirigeants au Canada. L'un d'entre eux porte justement sur le droit de la famille, le mariage, la vie conjugale et le divorce.
Nous n'avons pas voix au chapitre, alors comment pourrions-nous exercer une influence dans ce domaine?
Mme Sheila Finestone: Je vais vous poser la question directement et si vous avez un point de vue différent ou si le point de vue est différent dans votre culture, vous ajouterez votre dimension culturelle.
Je sais qu'il y a tendance à ne pas mettre tous les groupes dans le même panier parce que les organisations féminines ont dépassé ce niveau d'ignorance. Nous connaissons tous les différences en ce qui concerne la culture, le mode de vie, et les conditions de vie, mais nous connaissons aussi un grand nombre des points communs.
Je pense qu'il y a de graves problèmes dans le domaine du droit, mais que ces problèmes ne sont pas différents d'un groupe à l'autre. Ils sont peut-être différents à l'intérieur de la structure et je crois que c'est ce que vous avez voulu dire.
Les femmes métisses affirment qu'elles ne sont pas assez reconnues officiellement. Vous savez que vous êtes reconnues officiellement au sein du groupe autochtone, des bandes indiennes, mais vous n'avez pas... Je devrais peut-être vous laisser décrire vous-même la situation.
Comment décririez-vous la différence entre les besoins de votre association de femmes autochtones et ceux des femmes métisses et des femmes inuit?
Les travaux de notre comité portent sur deux aspects, la garde et le droit de visite des enfants en cas de dislocation de la famille. Je vis dans une grande ville. Les jugements me touchent peut être d'une façon tout à fait différente de la vôtre, mais je peux vous garantir que nous avons entendu que les juges sont insensibles, que les juges ne comprennent pas toujours que les relations entre les hommes et les femmes dépendent du fait que le couple a pu déterminer lui-même comment régler le divorce et qu'il suffisait alors de rendre une décision qui allait dans l'intérêt des enfants même si les deux adultes ne s'entendaient plus. Lorsqu'il y a violence familiale ou agression des enfants, c'est évidemment une autre histoire.
Souvent les juges prennent des décisions que l'on peut considérer sages ou non, mais personne n'exécute ces décisions. La police ou les services d'aide à l'enfance n'appliquent pas la décision. Nous entendons dire que les intérêts de l'enfant varient selon l'âge et le développement de l'enfant.
Souvent, on ne tient pas compte de la famille élargie, celle du mari ou de la femme ou encore les grands-parents, qui sont très importants dans votre culture. Dans la mienne, les grands-parents jouent un rôle très important dans l'apprentissage mais peut-être pas de la même façon que dans la vôtre. Mais il faudrait en tenir compte dans l'exécution de la loi, pas parce qu'ils doivent demander ce droit, mais parce qu'il faudrait automatiquement tenir compte de ces facteurs. Voilà en résumé ce que nous avons entendu.
• 1635
La plupart des témoins, je crois, provenaient de régions
urbaines, peut-être semi-rurales, mais pas vraiment des régions
rurales et certainement pas des collectivités éloignées du Nord que
vous avez décrites et qui sont de petites collectivités, Iqaluit
étant la plus grande. Quand on monte jusqu'à Grise Fiord et ailleurs,
elles doivent être beaucoup plus petites.
La reconnaissance des Métis a été très tardive, elle est venue en 1982, alors vous êtes au début de l'étape douloureuse de la reconnaissance et de l'action en ce qui concerne les droits de la femme, le statut de la femme et tous les problèmes communs auxquels les femmes sont confrontées lorsqu'elles sont majoritaires mais traitées comme une minorité dans tous les aspects de la vie.
Pouvez-vous me donner une idée de ce que seraient les besoins différents des Autochtones en ce qui concerne la loi? Faudrait-il des juges différents? Un processus différent de prise des décisions? Un autre mécanisme de règlement des différends? Que devrions-nous chercher? Quelles devraient être nos recommandations concernant, par exemple, la séparation, la garde et le droit de visite des enfants?
Mme Marilyn Buffalo: L'un des témoins a indiqué que les tribunaux devraient être le dernier recours. On revient encore une fois au système judiciaire. Nous préconisons des conseils de détermination de la peine. Je dirais que cela s'appliquerait aussi au droit de la famille. Il faut ramener un peu de bon sens et le seul endroit où il y en a c'est dans la spiritualité. Les anciens devraient nous diriger. Quand on s'adresse d'abord aux anciens, il n'y a pas de problème. La grand-mère devrait participer elle aussi à ces conseils.
Mme Sheila Finestone: Ce n'est pas automatique?
Mme Marilyn Buffalo: Non.
Mme Sheila Finestone: Les grands-mères ne participent pas automatiquement?
Mme Marilyn Buffalo: Elles ne se trouvent pas toujours dans la même région géographique, par exemple. Il faudrait donc ne ménager aucun effort pour qu'elles soient consultées et donnent leur opinion.
Dans mon cas, par exemple, j'ai la garde de mon petit-fils de 10 ans. Il vit avec moi, ici à Ottawa.
Mme Sheila Finestone: Votre petit-fils de 10 ans.
Mme Marilyn Buffalo: Mon petit-fils de 10 ans. Et c'est fréquent dans notre famille.
Mme Sheila Finestone: Madame la présidente, j'aimerais savoir s'il est possible, étant donné que nous n'avons aucune idée du nombre de familles disloquées, divorcées ou séparées, que chaque groupe nous donne des chiffres, s'ils en ont, et je comprendrais qu'ils n'en aient pas, parce que nous n'avons pas de statistiques à ce sujet.
Quels sont les chiffres? On dit qu'au Québec, trois familles sur quatre sont divorcées. Les conjoints de fait sont très nombreux. Dans le reste du Canada, ils ne sont pas aussi nombreux à certains endroits. Qu'en est-il dans le reste du Canada?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord. Merci.
Madame Genaille.
Mme Sheila Genaille: Merci, madame la présidente. Je voudrais apporter des précisions sur certaines déclarations. Je suis la septième génération de Métis. Nous ne sommes ni une société matriarcale, ni une société patriarcale.
J'ai des grands-mères indiennes qui ont vécu il y a 300 ans. J'ai des ancêtres français qui sont morts depuis belle lurette. Ma culture, la culture métisse, est distincte. C'est un mélange des deux.
Des gens supposent dans la société dominante du Canada que, parce que nous avons des ancêtres communs en un sens et la même couleur de peau, que les Autochtones sont tous les mêmes. Ils ont tendance à oublier que, d'abord et avant tout, nous sommes tous des humains. Nous sommes tous des humains, avant toute chose.
La culture s'acquiert. Ma culture métisse a été acquise. On acquiert la culture de ses parents, alors il ne faut pas supposer que, parce que j'ai une grand-mère crie décédée il y a 300 ans, j'appartiens à la culture crie et je pratique les rites cris et la spiritualité crie. Ce n'est pas le cas. Je suis une femme métisse. C'est la même chose pour la plupart des femmes métisses que je représente.
Je veux corriger l'affirmation de Marilyn au sujet du gouvernement métis.
• 1640
Il n'y a pas de gouvernement métis au Canada. Aucun. Lorsque
l'accord de Charlottetown est mort, l'accord avec la nation métisse
auquel nous tentions de parvenir en vertu du paragraphe 91(24) de
la Loi constitutionnelle du Canada est mort également. Mort de sa
belle mort. Il n'y a pas de gouvernement métis au Canada.
Il y a des organisations métisses qui prétendent parler au nom de tous les Métis du pays. Elles ne nous représentent pas tous. Les Métis n'ont pas eu l'occasion de décrire le type de gouvernement qu'ils veulent. Veulent-ils ce qui existe actuellement, un gouvernement provincial, un gouvernement tribal ou un gouvernement fédéral? Nous n'avons pas eu l'occasion de le dire. Il n'y a pas de gouvernement métis au Canada.
Je suis certaine que Sheila le sait, mais les autres ne le savent peut-être pas. La Native Women's Association of Canada est reconnue parce qu'elle a intenté des poursuites contre le gouvernement précédent en 1992, le gouvernement Mulroney, et affirmé qu'il fallait se réveiller, que les femmes avaient des droits dans notre pays, les Indiennes comme les autres. Le Conseil national des femmes métisses devra peut-être dire lui aussi au gouvernement de se réveiller et d'écouter, que les femmes métisses ont les mêmes droits que les autres. Vous pensez peut-être que nous sommes des citoyens de seconde zone, mais ce n'est pas vrai. S'il faut aller jusque là, nous sommes prêtes à le faire.
Mme Sheila Finestone: Pardonnez-moi, Sheila. Je voulais savoir si le droit canadien s'appliquera différemment le jour ou vous deviendrez, le jour où vous serez reconnus comme une nation métisse? C'est ce que je veux savoir, parce que nous devons rédiger un rapport dans lequel nous affirmerons que ce que vous nous avez déclaré est ce qui convient le mieux.
Mme Sheila Genaille: Mes collègues ont peut-être une réponse à cette question, mais je n'ai pas de formation en droit. La vérité est que nous n'avons pas d'autonomie gouvernementale. Nous n'avons pas de traités comme en ont les Indiens qui vivent dans les réserves. Nous n'avons pas le Nunavut vers lequel les Inuit se dirigent. Nous tentons encore de négocier l'autonomie gouvernementale. Nous essayons de négocier pour faire partie du processus fédéral.
Je ne sais pas, Sheila. Vous devriez me dire comment faire pour affirmer cela dans la loi afin que les gens le reconnaissent.
En ce qui concerne les statistiques sur les Métis, la Commission royale possède les données les plus complètes dans ce domaine. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous sommes inclus dans le terme général d'Autochtones. Quand je marche dans la rue, dans l'Ouest, les gens pensent que je suis Indienne, parce que j'ai la peau foncée et que je dis que je suis Autochtone. Ils ne savent pas que les Métis font partie de la famille autochtone de notre pays.
En ce qui concerne les statistiques sur les femmes métisses divorcées et qui ont la garde de leurs enfants, je sais que de nombreux grands-parents se sont battus pour obtenir la garde de leurs petits-enfants parce que la mère était sans abri et qu'elle se droguait. Je connais une grand-mère qui s'est battue pour obtenir la garde de ses petits-enfants. Il y a très peu de statistiques portant précisément sur les Métis. Très peu.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Madame Dewar, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Veronica Dewar: Merci. En ce qui concerne votre question, parmi les Inuit et surtout dans notre région, il n'y a pas beaucoup de divorces, sauf dans le cas de mariages avec des non-Inuit. Je le dis sincèrement. Les batailles pour la garde des enfants sont beaucoup plus évidentes dans les mariages mixtes, beaucoup plus fréquentes que dans notre culture.
Je ne peux vraiment pas vous donner de réponse précise parce qu'aucune étude n'a été faite sur cette question dans notre culture. Il m'est difficile de vous répondre parce qu'on ne s'est pas beaucoup penché sur le droit de la famille dans notre culture. Mais nous faisons des pressions en ce sens.
Lorsque nous avons préparé ce mémoire, en peu de temps nous avons entendu des histoires d'horreur à propos de femmes qui vivaient dans le Sud et qui sont retournées dans le Nord parce que les tribunaux n'étaient pas sensibles à leur situation.
• 1645
C'est ce que je peux vous dire. Les tribunaux doivent être
plus sensibles à la culture des femmes inuit. Je suis certaine que
cela s'applique aussi aux hommes parce qu'on ne voit pas beaucoup
d'hommes inuit divorcer. Ce n'est pas dans les habitudes des Inuit.
Les Inuit ont conservé leurs traditions. Ils s'y sont accrochés.
C'est tout ce que je peux vous répondre.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Docteure Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup.
Il y a quelques thèmes communs, quel que soit le groupe que nous entendons. L'un d'eux est qu'il conviendrait probablement d'écarter le plus possible les avocats et les juges du processus.
Dans votre culture, pensez-vous que vous pourriez vous organiser de manière à avoir très peu besoin des juges et des avocats? Je me demande si l'idée des cercles de guérison et des conseils de détermination de la peine pourrait s'appliquer pour rendre une décision concernant la garde ou ce qui conviendrait le mieux pour l'enfant, en particulier si la décision comporte un changement géographique important. Quand nous étions dans l'Ouest, nous avons entendu parler d'une espèce de cercle qui pourrait inclure les enseignants et bien des gens qui connaissent l'enfant pour pouvoir prendre la meilleure décision.
Chacun de vos groupes pense-t-il que ce serait possible dans votre culture, puisqu'il n'y a peut-être qu'environ 10 p. 100 des gens ayant besoin de ce genre d'aide? Comment pouvons-nous nous assurer que nous n'imposons pas quelque chose qui n'est pas pertinent? Pensez-vous que la révision de la Loi sur le divorce devrait tenir compte de la réalité culturelle?
Mme Marilyn Buffalo: Vous ne sauriez trop le souligner. Il arrive souvent qu'un juge du tribunal de la famille fasse une grande tournée sans connaître les antécédents familiaux ni la culture.
Bien souvent, quand les mères se présentent devant le juge, avec les pères, elles ne comprennent pas. Il n'y a pas de service d'interprétation. Une situation aussi simple que cela peut influer sur la réaction et sur les réponses données à des questions posées par une personne qui parle anglais ou une langue étrangère.
Oui, je recommanderais de trouver une solution par un mécanisme aussi peu accusatoire que possible et, dans la mesure du possible, de responsabiliser les deux parents afin qu'ils aient leur mot à dire sur ce qui arrivera à leurs enfants.
Cela ne s'applique pas seulement en cas de divorce, parce que nous avons aussi des séparations de conjoints de fait. Il faut en tenir compte également. Bien des femmes ont choisi de ne pas se marier. Dans ce cas, quelles lois s'appliquent?
Il y a aussi les problèmes de générations.
Je vais parler de la garde des enfants lorsqu'il n'y a pas de parents ou qu'il s'agit d'une famille monoparentale.
• 1650
Bien souvent, dans les provinces du Canada, les femmes
autochtones perdent la garde ou les pères perdent la garde des
enfants. Ce n'est pas lié uniquement au problème des divorces.
C'est le résultat de plusieurs générations qui n'ont aucun pouvoir.
Bien souvent, les services sociaux provinciaux font une évaluation. Je suis l'aînée de 12 enfants et ma mère nous a très bien élevés. Si un travailleur social était entré à la maison et avait évalué notre situation, 512 pieds carrés et une tente à l'extérieur, nous aurions peut-être dû quitter la maison nous aussi il y a 20, 25 ou 30 ans.
Ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on est une mauvaise mère ou un mauvais parent. Les gens ne devraient pas être pointés du doigt parce que le frigo est vide et ils ne devraient pas perdre leurs enfants parce qu'on croit que ce sont de mauvaises mères vu qu'il n'y a qu'une boîte de Kraft Dinner dans l'armoire.
Ces critères conçus pour des femmes blanches de classe moyenne ne s'appliquent pas aux femmes autochtones pauvres. Dans bien des cas, le travailleur social n'est pas autochtone, il vient visiter la maison dans la ville d'Edmonton et prend les enfants en charge. Si la mère a des difficultés parce qu'elle boit ou se drogue ou si elle est déprimée, et qui ne le serait pas dans sa situation, on lui donne un an ou deux pour changer de vie.
Quand on n'a pas de compétences monnayables, qu'on n'a qu'une septième année, qu'on touche de l'aide sociale et qu'il n'y a pas de programme de formation et d'éducation, comment est-il Dieu possible de changer de vie en un an ou deux?
Pendant ce temps, les enfants sont confiés à la garde permanente et il n'y a aucune chance que la mère obtienne de nouveau la garde de ses enfants. Elle les perd pour toujours.
Mme Carolyn Bennett: J'aimerais bien connaître la pertinence en faisant un tour de table. Dans les villes, pensez-vous qu'il existe une capacité organisationnelle pour concevoir le cercle de guérison ou de garde, peu importe, avec la collaboration d'aînés choisis, par exemple? Comment cela fonctionnerait-il en milieu urbain, hors de la réserve?
Mme Marilyn Buffalo: Je crois qu'il faut un système quasi-judiciaire reconnu, où les droits de l'enfant et de la femme seront protégés. Il ne faudrait pas s'en remettre exclusivement aux services sociaux, afin que tous les facteurs soient pris en considération et que justice soit rendue. Il faudrait un mécanisme indépendant du système judiciaire, mais qui comprendrait un mécanisme d'appel afin qu'on puisse interjeter appel quand on n'est pas satisfait de la décision.
Mme Veronica Dewar: Vu le peu de temps que nous passons avec vous cet après-midi, ce n'est pas suffisant pour vous donner des réponses complètes à vos questions. Mais j'aimerais souligner qu'il faut faire plus d'études dans les régions inuit, parce que ces recherches n'ont pas été menées jusqu'ici.
• 1655
Je le répète, il faut trouver des solutions qui seront
efficaces dans le Nord, pour les gens du Nord, pas les régions
urbaines. Les solutions du Sud ne sont pas efficaces chez nous.
J'en discutais justement avec Mary Matoo, qui vient d'une très petite collectivité. Les juges viennent une fois par année environ. Ce n'est pas assez pour trouver des solutions aux problèmes qui se posent rapidement dans nos collectivités.
Mme Carolyn Bennett: Pensez-vous qu'à cause de l'éloignement et de l'isolement, on pourrait trouver des solutions sur mesure pour ces collectivités au sujet de la sécurité, de la violence et des intérêts des enfants?
Mme Veronica Dewar: C'est ce que nous cherchons et les gens de nos collectivités ne comprennent pas vos façons de faire autant que moi. J'ai été interprète judiciaire pendant de nombreuses années et j'ai vu l'urgence extrême de faire participer les gens à ces institutions étrangères que vous nous imposez. Je ne soulignerai jamais assez que c'est urgent parce que tout arrive si vite chez nous, nous ne pouvons pas suivre, nous n'arrivons pas à traduire vos lois. Il faut du temps, et comme elle l'a dit, nous ne sommes pas avocates et nous avons besoin de temps pour faire connaître ces lois dans nos collectivités dans notre langue. Il faut plus de recherches à ce sujet.
Mme Janice Henry (présidente, Metis Women of Saskatchewan, Conseil national des femmes métisses): J'aimerais intervenir à titre de représentante des femmes métisses de ma province et apporter des précisions dans la perspective nationale.
Il faut reconnaître qu'il n'y a pas de solutions rapides. Il s'agit d'une consultation de base. À mon avis, il s'agit d'une consultation préliminaire. Je pense qu'il faut discuter davantage de cette question.
Pour vous situer un peu, je travaille depuis longtemps dans le secteur des services aux familles, depuis douze ans environ. J'ai travaillé avec des ONG et des services sociaux dans une unité spécialisée en Alberta et en Saskatchewan. Je crois, et nous en avons discuté au conseil, qu'il y a un manque évident de services de soutien efficaces aux Métis.
Par ailleurs, en ce qui concerne les tribunaux, les avocats et les questions connexes, les Métis ne savent pas comment accéder aux services et comment procéder dans ce domaine. Nous devons commencer à éduquer les gens et à nous assurer qu'ils sont au courant des ressources existantes et nous assurer aussi que les femmes métisses jouent un rôle très proactif dans la mise en oeuvre et l'élaboration de services de soutien aux Métis.
Il ne fait aucun doute qu'il existe des services actuellement, mais je crois que leur efficacité laisse vraiment à désirer.
Mes parents ont tenu un foyer de soins spéciaux pendant 30 ans. Nous avons accueilli des gens de toutes les régions du Nord. J'ai toujours cru et je crois que c'est la position du Conseil national des femmes métisses, que nous utilisons d'abord les ressources familiales existantes avant de nous tourner vers d'autres ressources. Nous avons un vaste réservoir de ressources et de soutien dans nos collectivités et je pense que nous devons commencer à partir de cette base et à travailler en tant que collectivité.
• 1700
Il me paraît très important que les femmes métisses et la
collectivité métisse collaborent avec le gouvernement fédéral pour
faire en sorte que des ressources efficaces soient consacrées à nos
enfants et à nos familles.
La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Je remercie les témoins de leur présence. Votre témoignage est très évocateur et il fait ressortir les besoins énormes qui existent dans vos collectivités. Je pense qu'il est bon de prendre contact avec notre humanité. Il est bon de voir le sénateur Watt à la séance d'aujourd'hui. Le sénateur Watt est assis à mes côtés au Sénat. C'est un bon avocat pour un grand nombre de ces questions.
Ma question découle de certains témoignages sur l'accord de Charlottetown, l'accord du lac Meech. Comme vous vous souvenez, tout au long de ces discussions, le terme «société distincte» est ressorti et il a posé des difficultés à beaucoup d'entre nous. Je pense que, durant ces années-là, de 1987 jusqu'en 1992, certains ont fini par croire que les Autochtones étaient eux aussi une société distincte.
Il y a de nombreuses collectivités, je le reconnais, mais elles sentent toutes le besoin d'une sensibilité accrue à leurs besoins culturels. Savez-vous si des efforts sont déployés dans votre collectivité pour réunir des idées, des concepts, des principes qui pourraient finir par créer un droit de la famille pour les Autochtones?
Je suis toujours très frappée lorsqu'on évoque ces besoins et, comme vous ne cessez de le répéter, le besoin de politiques publiques et de systèmes sensibles aux cultures. Je me demande si quelqu'un a réfléchi à cette question pour rassembler des idées qui pourraient servir de base au droit de la famille et qui pourraient aboutir éventuellement à des tribunaux de la famille autochtones ou quelque chose du genre. Je me demande si des gens ont fait une réflexion en ce sens ou si vous connaissez des gens qui l'ont fait.
Mme Veronica Dewar: Oui, je dirais que nous avons abordé cette question, la pointe de l'iceberg. C'est très lent. Nous aimerions aller plus rapidement, mais nous ne faisons qu'aborder la pointe de l'iceberg. Certains de nos dirigeants inuit, les grands partisans du gouvernement dans nos régions, ont demandé au gouvernement territorial de commencer à inclure nos anciens, nos dirigeants dans les collectivités pour qu'ils établissent leurs propres tribunaux. Cela ne fait que commencer, nous ne sommes pas encore très avancés.
Je suis fière d'affirmer que nous avons collaboré avec les juges de paix dans nos collectivités inuit. Certains des dirigeants qui connaissent le droit, si je peux dire, ont entrepris des travaux à ce sujet. C'est difficile. Vous, les gens du gouvernement, êtes difficiles et vous ne saisissez pas rapidement nos besoins.
• 1705
Je ne sais pas si vous êtes déjà allés dans les collectivités
éloignées. Je pense que si vous veniez dans le Nord, vous seriez
choqués par certaines situations qui sont imposées à notre
population. Vous seriez choqués de voir ce qui se passe. Nous ne
vous racontons pas beaucoup ce qui se passe. Les Inuit sont des
gens très bienveillants, très accessibles, très vulnérables et ils
ont adopté la culture de la société occidentale sans vraiment y
penser. Je crois que nous avons été un peu naïfs, parce que notre
culture est tellement généreuse que nous sommes probablement en
partie responsables de ce qui nous arrive.
Aujourd'hui, nous nous levons et nous disons que cela suffit et que nous devons participer à la mise en oeuvre de ces politiques et de ces lois.
La sénatrice Anne Cools: Marilyn, le dialogue sur l'autonomie gouvernementale autochtone se poursuit et j'ai été très frappée lorsque vous avez déclaré que vous venez d'une famille nombreuse et que les travailleurs sociaux auraient mal interprété votre situation familiale.
Je me demande si vous avez réfléchi à tout ce phénomène maintenant que les gens sont de plus en plus sensibilisés à l'autonomie gouvernementale et vu que l'autonomie gouvernementale comporte généralement un cadre juridique et un certain nombre de lois.
Mme Marilyn Buffalo: Il y a divers projets ou programmes en cours au Canada dont nous pourrions probablement vous donner des exemples, mais cela prendrait du temps. Si vous le voulez, nous serons ravies de vous communiquer cette information.
Il y en a aussi quelques-uns aux États-Unis, où le droit de la famille est relié aux coutumes. Les valeurs et les pratiques des gens ont été intégrées et reconnues. C'est ce que j'entends par processus quasi-judiciaire. Comment cela serait reconnu et comment les lois provinciales seront appliquées ou, dans le cas des lois territoriales du Nord, comment elles seront reconnues, c'est une autre histoire.
Je pense qu'en raison du nombre élevé de nos jeunes et du nombre de nos jeunes qui ont des enfants, ces questions sont très cruciales et il faut trouver des réponses. Je suis tout à fait d'accord avec Veronica lorsqu'elle affirme que le gouvernement n'écoute pas. C'est très frustrant. Je ne rajeunis pas, vous non plus sénatrice. Je ne vois pas beaucoup d'améliorations et c'est très frustrant pour moi et pour ma mère qui est une très jeune grand-mère.
La société change. Nos jeunes n'écoutent pas comme ils le devraient parce qu'ils ont perdu les traditions et les coutumes. Plus nous agirons vite dans ce domaine, mieux ce sera. Les femmes autochtones du Canada ont des préoccupations semblables à celles des autres associations autochtones comme l'APN. En général, nos préoccupations se ressemblent. La NWAC a toujours placé la famille, les droits des enfants et les droits de la femme en tête de liste de ses priorités.
La sénatrice Anne Cools: Je voudrais raconter une anecdote à Mme Buffalo et aux Inuit. Il y a quelques années, je suis tombée malade quelques jours et mes collègues, le sénateur Watt et mes collègues autochtones et inuit du Sénat, m'ont envoyé une carte. Ils disaient qu'ils étaient mes frères de l'âme parce que je suis extrêmement sensible aux peuples non blancs de notre pays.
Mme Sheila Genaille: Je répondrai brièvement à la question de la sénatrice Cools concernant la notion de droit de la famille pour les Autochtones. Nous n'avons pas vraiment examiné cette question à fond du point de vue du Conseil national des femmes métisses, mais c'est certainement une question qui mériterait notre attention.
Je suis d'accord avec mes collègues, Veronica et Marilyn, avec ce qu'elles ont dit. Nous sommes d'accord avec elles.
Janice voudrait simplement décrire brièvement une situation en Saskatchewan qui répondra peut-être en partie à la question de la sénatrice.
Mme Janice Henry: Pour revenir sur cette question, nous en avons discuté avant de prendre la parole. En Saskatchewan, la nation métisse a un système de justice métisse et des services communautaires métis et elle tente de répondre à ses besoins par ces moyens.
À l'heure actuelle, la participation est très limitée en raison du manque de ressources financières. Ils examinent actuellement le rapatriement et d'autres questions telles que les mesures préventives. Ils prennent des mesures dans ce sens.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-il possible d'obtenir de l'information à ce sujet?
Mme Janice Henry: Je peux vous faire parvenir ces renseignements.
La sénatrice Lucie Pépin: Madame Buffalo, j'ai collaboré de très près avec Mme Finestone, avec Mary Two-Axe Early, dans les années 70 et les années 80 pour faire modifier les lois applicables aux femmes autochtones. Je suis triste d'apprendre que vous avez encore des problèmes.
En ce qui concerne les femmes métisses, nous avons une sénatrice métisse, Mme Chalifoux. Elle est très active au Sénat et essaie de nous sensibiliser à ce qui vous arrive.
Vous avez évoqué la commission, la Commission Dussault. Pardonnez mon ignorance, mais s'agissait-il d'une recommandation précise concernant le divorce, le droit de la famille chez les Autochtones ou les Inuit?
Mme Marilyn Buffalo: Je ne peux la citer de mémoire.
La sénatrice Lucie Pépin: Je vais faire mes devoirs.
Mme Marilyn Buffalo: Ils recommandent le résumé et les 440 recommandations. Cela ne se lit pas rapidement.
La sénatrice Lucie Pépin: Non, je le sais.
Madame Matoo, vous nous avez déclaré que les femmes qui vont devant les tribunaux ne sont pas les bienvenues. Vous avez même affirmé que les tribunaux tyrannisent les femmes. Vous avez aussi déclaré que la deuxième épouse ou la nouvelle épouse de votre ex-mari aimerait adopter vos enfants. Quand vous dites que les tribunaux tyrannisent, vous voulez dire que vous n'avez aucun droit? Vous avez aussi déclaré que, très souvent, vous n'allez pas devant les tribunaux parce que vous préférez régler vos problèmes vous-même. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu ce que vous entendez quand vous dites que le tribunal vous a tyrannisée.
Comment cette personne peut-elle adopter vos enfants si vous êtes encore là? La loi dans votre collectivité lui donne-t-elle le droit d'adopter vos enfants?
Mme Mary Matoo:
[Note de la rédaction: le témoin parle dans sa langue]
La sénatrice Lucie Pépin: Avez-vous beaucoup d'anciennes?
Mme Mary Matoo:
[Note de la rédaction: le témoin parle dans sa langue]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Sénateur Watt, une dernière question.
Le sénateur Charlie Watt (Inkerman, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
• 1720
Premièrement, j'aimerais remercier Sheila Finestone de m'avoir
demandé de siéger ici puisque je suis un parlementaire.
Je pense que c'est un domaine pour lequel on pourrait donner un exemple, car nous ne connaissons pas bien les procédures et les lois qui s'appliquent à la population en général au Canada.
J'aimerais faire appel aux services des interprètes en inuktitut. Est-ce acceptable?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui.
Le sénateur Charlie Watt:
[Note de la rédaction: le sénateur Watt parle dans sa langue]
Mme Veronica Dewar:
[Note de la rédaction: le témoin parle dans sa langue]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
Sénateur Watt, voulez-vous poser une autre question?
Le sénateur Charlie Watt: J'y arrivais.
[Note de la rédaction: le sénateur Watt parle dans sa langue]
Mme Veronica Dewar:
[Note de la rédaction: le témoin parle dans sa langue]
Le sénateur Charlie Watt:
[Note de la rédaction: le sénateur Watt parle dans sa langue]
Nous avons un problème commun. Nos solutions ne sont peut-être pas exactement les mêmes, mais toute solution s'appliquerait aux Inuit, aux Métis et aux Indiens. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'article 35 décrit les Indiens, les Inuit et les Métis, parce qu'il faut tenir compte de leur situation.
J'aimerais aussi ajouter que l'une des raisons pour lesquelles je suis venu ici est que je dois trouver une solution à ce problème. À titre de président du Comité permanent des peuples autochtones, j'ai entrepris d'examiner quelle serait la meilleure façon de mettre en oeuvre l'autonomie gouvernementale, dont il est question dans le rapport de la commission royale.
J'espère que le Sénat adoptera le budget demain. Je suis allé au Bureau de régie interne l'autre jour. Je progresse lentement. C'est lent mais les questions que vous portez à l'attention de ce comité, nous les examinerons et nous les approfondirons. J'espère que nous nouerons tous une relation de travail avec les groupes et les organisations autochtones.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup, sénateur Watt.
Merci beaucoup à vous tous. Nous avons dépassé notre temps...
Mme Sheila Genaille: Je voulais simplement rappeler au sénateur Watt, puisqu'il préside le Comité permanent des peuples autochtones, de se souvenir que les femmes autochtones veulent être entendues. Nous pouvons nous exprimer nous-mêmes. Il n'y a pas de gouvernement métis. Tout le monde doit s'exprimer. Ne l'oubliez pas.
Le sénateur Charlie Watt: Je comprends très bien.
J'ajoute également que Sheila Finestone m'a dit—probablement parce que je siège au comité qui étudie le projet de loi C-31—que je suis maintenant plus sensible aux questions féminines. Ce n'est pas vrai. J'ai toujours été sensible aux questions féminines. J'ai été élevé par des femmes. Ma mère est à la fois ma mère et mon père. Je ne crois pas pouvoir être plus sensible que je le suis. Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Merci beaucoup à tous. La réunion a été extrêmement intéressante.
Est-ce que je pourrais demander aux prochains groupes, l'Assemblée des Premières Nations et le Métis National Council, de bien vouloir s'approcher?
Je vous remercie infiniment, messieurs, de votre patience. Nous avons un tas de questions à aborder et je sais, M. York, que vous avez un avion à prendre et que vous allez devoir nous quitter bientôt.
M. Art Dedam, directeur du Développement social, le chef Victor York et M. Wendall Nicholas représentent l'Assemblée des Premières Nations. M. Lance Larose et Mme Sonia Prevost-Derbecker représentent le Métis National Council.
Le chef Victor York (Bande indienne de Lower Nicola, Assemblée des Premières Nations): Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous permettre de comparaître devant vous pour vous présenter ce mémoire.
Honorables coprésidents, sénateurs, députés et invités, notre grand chef, Phil Fontaine, qui ne pouvait pas être ici aujourd'hui m'a demandé de vous faire ses amitiés. Je vais vous présenter notre mémoire en son nom.
J'ai à mes côtés deux représentants de l'équipe technique, Art et Wendall.
Je suis le chef Victor York de la Bande de Lower Nicola des nations Nlaka'pamux. Je suis ici aujourd'hui pour vous faire part de nos vues sur la garde et le droit de visite des enfants.
Parce qu'elle représente une communauté distincte, l'Assemblée des Premières Nations a la responsabilité de se faire le porte-parole de ses membres.
• 1735
Le cas du traitement réservé aux
enfants des Premières Nations par les tribunaux canadiens de la
famille montre que le patrimoine et la culture viennent au deuxième
rang derrière le bien-être physique et l'équilibre psychologique de
l'enfant. En tant que communauté responsable, l'APN souhaite que
vous sachiez qu'elle est très préoccupée par le fait que les
tribunaux du Canada, au nom de la loi, accordent si peu
d'importance au patrimoine et à la culture des enfants des
Premières Nations.
L'Assemblée des Premières Nations vous soumet son mémoire qui traite des points suivants: l'impact des tribunaux de la famille du Canada sur les enfants des Premières Nations qui font l'objet de modalités de garde; les principales questions touchant les modalités de visite des enfants des Premières Nations; et les attributions, question que nous considérons de la plus haute importance.
Les solutions de rechange que nous proposons englobent, par exemple, l'Indian Child Welfare Act des États-Unis, l'adoption coutumière, de nouvelles méthodes de règlement des différends et le respect des traditions. Je tiens à signaler que le problème des attributions est celui que nous considérons comme le plus important à tous les points de vue.
Avec le temps, le bien-être des enfants des Premières Nations, pour ce qui est de la garde et de l'accès, a fini par relever de la compétence des provinces, parce que même s'il a le pouvoir d'adopter des lois pour porter remède à la situation, le Parlement a choisi d'abdiquer ses responsabilités légales. La Loi sur les Indiens ne fait pas précisément allusion à la garde et au droit de visite des enfants, mais elle a été modifiée en 1951 par l'ajout de l'article 88 qui dit ceci:
Cette disposition de la loi donne à entendre que les lois et les services provinciaux relatifs à la protection de l'enfance s'appliquent aux enfants des Premières Nations qui vivent dans les réserves et à l'extérieur de celles-ci.
Pour nous, les chefs, où que nous vivions au Canada, les frontières n'existent pas. Si nos enfants vivent dans une réserve, tant mieux; sinon, nous avons quand même des responsabilités envers eux. C'est là le point de vue des chefs et j'aimerais attirer votre attention sur le fait que nous tenons à nous acquitter de nos responsabilités, mais que nous avons besoin de votre aide pour y arriver, et je vais vous expliquer pourquoi.
L'introduction de lois étrangères, par exemple de lois provinciales, a gravement perturbé les systèmes traditionnels d'aide à l'enfance qui font partie inhérente de la vie des communautés des Premières Nations. La coutume voulait et veut encore que la famille ou les membres de la communauté s'occupent d'un enfant. On s'attendait habituellement à ce que la famille élargie au complet participe à son éducation. La famille élargie demeure un élément important dans les collectivités des Premières Nations. À notre époque moderne, elle a aussi un rôle à jouer auprès des enfants de la séparation et du divorce.
Je crois que vous savez déjà que dans les collectivités des Premières Nations, la famille élargie joue un rôle très important pour nos enfants, et il vous est probablement arrivé à l'occasion d'entendre dire qu'il faut toute une collectivité pour élever un enfant. Je pense que ce sont là des questions que nous devons examiner.
Les tribunaux canadiens de la famille prétendent qu'ils agissent dans le meilleur intérêt de l'enfant; pourtant, l'approche adoptée a eu un effet contraire sur les enfants des Premières Nations. L'appareil judiciaire met l'accent sur l'enfant en tant qu'individu et porte donc des jugements en fermant les yeux sur la contribution traditionnelle de la communauté et de la famille élargie.
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Les organismes de protection de la jeunesse du Canada
fournissent très peu de statistiques sur l'impact des tribunaux de
la famille sur les enfants des Premières Nations. Ce sont peut-être
les statistiques sur les enfants pris en charge qui donnent la
meilleure idée de l'engagement des autochtones. Les organismes
d'aide à la famille, les rapports sur la protection de l'enfance et
les enquêtes n'ont généralement pas permis d'obtenir des
statistiques sur le nombre de cas d'enfants des Premières Nations.
Vous reconnaissez qu'un grand nombre de travailleurs sociaux ont un volume de travail tellement énorme que, bien souvent, nos enfants passent à travers les mailles du filet. Je crois qu'il est important de le reconnaître, parce qu'il est essentiel pour les enfants des Premières Nations d'être élevés dans leur milieu et de se sentir membres à part entière de leur communauté. Leur avenir en dépend.
Par exemple, l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants menée en 1994 est l'étude la plus complète jamais effectuée au Canada sur l'incidence de la séparation et du divorce sur les enfants. Pourtant, les enfants des Premières Nations ont été exclus de cette étude. Comment arriver à comprendre ce qui s'est passé? Comment arriver à comprendre l'incidence de la séparation et du divorce?
Comment peut-on proposer des remèdes quand on ne comprend pas le système lui-même et les effets à long terme? Je sais que vous êtes tous au courant d'un grand nombre des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises, et je n'ai donc pas à vous les expliquer.
Même lorsque des statistiques existent, elles sous-estiment la situation. Généralement, un enfant doit être un autochtone pur sang pour être inclus dans les statistiques sur les autochtones. Cela est particulièrement vrai pour les enfants des Premières Nations qui vivent en dehors des réserves.
Nous savons que les enfants des Premières Nations représentent un nombre disproportionné des cas de placement. Les statistiques du ministère des Affaires indiennes montrent que le pourcentage des enfants autochtones qui sont retirés de leur foyer est bien supérieur au pourcentage des autochtones dans la population. Par exemple, en Colombie-Britannique, 50,8 p. 100 des enfants qui sont placés suite à une ordonnance du tribunal sont autochtones. C'est la province d'où je viens. Il y a quelques mois, vous avez entendu parler de ce qui s'est passé à Quesnel. Cela vous donne une bonne idée de la situation.
En outre, les enfants autochtones représentaient 29,5 p. 100 de tous les cas confiés aux services à l'enfant et à la famille de la Colombie-Britannique au 31 janvier 1997. À l'échelle nationale, 4 p. 100 des enfants des Premières Nations avaient été confiés à un organisme d'aide à l'enfance et à la famille en 1996 et en 1997. Donc, près d'un enfant autochtone sur vingt ne fait plus partie de sa communauté et ne jouit pas de la protection accordée aux droits des Premières Nations. Cela a une incidence importante.
Même s'il est difficile d'obtenir des données sur le nombre de cas de garde d'enfants autochtones, d'après les intercesseurs pour les enfants des Premières Nations, encore une fois, les enfants autochtones ne sont pas représentés également.
Une des principales raisons pour lesquelles l'accès peut poser un problème est le ressentiment face aux ententes imposées par le tribunal, y compris les ententes financières, parce que l'approche communautaire veut que les pratiques traditionnelles des Premières Nations soient utiles dans ce cas-là également.
Même si l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants n'englobait pas les enfants autochtones, elle a quand même permis d'avoir un bon aperçu de la situation. Elle a révélé que plus d'enfants voyaient régulièrement le parent n'en ayant pas la garde, au moins une fois par mois, quand une entente à l'amiable avait été conclue au lieu d'être imposée par un tribunal. L'étude a indiqué aussi qu'un délai de réflexion après que les parents se sont séparés est une bonne chose et, dans bien des cas, fait en sorte qu'il n'est pas nécessaire pour un tribunal d'intervenir.
• 1745
Ces résultats montrent qu'une approche moins formelle qui fait
davantage appel à la conciliation fonctionne mieux. Cette approche
est plus conforme à l'approche traditionnelle des Premières Nations
qui est davantage axée sur la famille et la communauté.
Bien souvent, lorsqu'un tas de problèmes se posent au sein de la famille et parfois même au sein de la famille élargie, la tante, l'oncle ou le grand-père va s'occuper de l'enfant et les parents vont pouvoir s'accorder un délai de réflexion. L'enfant est protégé. Il se sent en sécurité et il est important que nous en tenions compte, je pense. Nos enfants tirent leur force de la communauté qui leur donne un sentiment d'appartenance.
Des problèmes de culture interviennent aussi dans la question de l'accès. Comme nous l'avons déjà dit, la culture est un aspect de la plus haute importance de la garde des enfants. Les Premières Nations estiment que leur langue et leur culture devraient être considérées comme un élément positif dans la vie de l'enfant.
Parce que nous en sommes pleinement conscients, nous devrions faire tous les efforts raisonnables pour exposer l'enfant autochtone à sa culture et aux valeurs traditionnelles. Dans bien des cas, les décisions de la Cour ne tiennent pas compte de la nécessité de préserver ces valeurs ou n'en tiennent pas suffisamment compte.
Nous avons tous entendu de nombreuses histoires d'horreur au sujet d'enfants qui ont été adoptés et élevés dans des familles d'accueil. Nous savons qu'un grand nombre d'entre eux ont perdu leur identité et je pense que c'est une question importante au Canada. À mon avis, il est important que nous protégions les enfants du mieux que nous le pouvons. Sinon, que va-t-il arriver à la prochaine génération, aux Premières Nations? C'est une question importante. Ces enfants doivent être élevés dans nos réserves. Ils doivent être élevés dans des familles élargies ou dans nos collectivités par des gens responsables qui vont bien s'en occuper et leur inculquer toutes les valeurs des Premières Nations.
Étant donné que les États-Unis ont toujours respecté le droit conféré par les traités aux membres des Premières Nations de vivre et de travailler des deux côtés de la frontière canado-américaine, des problèmes transfrontaliers se posent lorsqu'il faut décider des cas de garde d'enfants qui entrent dans ce scénario. Des conflits relatifs aux lois et au statut des gouvernements des Premières Nations ajoutent à la confusion pour les parents et les enfants dans ces cas. Il faudrait que le gouvernement du Canada reconnaisse la compétence des Premières Nations et adopte une loi semblable à la Child Welfare Act américaine.
La question des attributions pose un problème. Étant donné que les Premières Nations ont traditionnellement traité avec le gouvernement fédéral au Canada, les lois provinciales qui régissent cette question empêchent les collectivités des Premières Nations d'apporter les changements qui s'imposent. Comme dans le cas de Santé Canada et du transfert social, le gouvernement fédéral est une fois de plus fidèle à son habitude de se décharger de son obligation fiduciaire sur les provinces.
Les problèmes transfrontaliers dont j'ai parlé tout à l'heure font ressortir l'importance de reconnaître la compétence des Premières Nations. Cela permettrait aux Premières Nations des deux côtés de la frontière canado-américaine de prendre des arrangements. Il est donc important d'adopter des approches bilatérales pour tenir pleinement compte de la situation des enfants autochtones.
De plus, en tant que communauté distincte au Canada, les Premières Nations se plaignent de ce que souvent les tribunaux ne tiennent pas compte de l'importance pour les enfants de la culture et du patrimoine qui sont inhérents aux Premières Nations.
L'Assemblée des Premières Nations souhaite qu'on reconnaisse le patrimoine des Premières Nations, qu'il fasse partie de ce qu'on enseigne habituellement dans les écoles du Canada et qu'il en soit question dans les lois afin qu'il soit jugé acceptable par les tribunaux. La reconnaissance de la compétence des Premières Nations contribuerait à un tel état de choses. Nous reconnaissons que le gouvernement du Canada a pris des mesures pour réparer certaines des injustices à cet égard, comme les programmes d'équité en matière d'emploi et de sensibilisation aux autres cultures. Il reste néanmoins que les tribunaux et les services sociaux n'ont pas pour la plupart suivi l'exemple du gouvernement. Les tribunaux canadiens de la famille doivent prendre exemple sur lui et instaurer un climat dans lequel les collectivités des Premières Nations et la complexité des attributions seront mieux comprises.
• 1750
Il est donc évident que la question la plus importante et à
laquelle il faudrait apporter des changements à titre prioritaire
est celle des compétences. Les solutions de rechange et les
améliorations que nous allons maintenant vous proposer font partie
intégrante du mode de vie et des valeurs des Premières Nations.
Il importerait que les changements apportés aux lois et aux politiques canadiennes concernant la garde des enfants, pour bien respecter les valeurs et les traditions des Premières Nations, soient fondés sur la reconnaissance de leur compétence.
J'espère que vous comprenez qu'à nos yeux cette question relève de notre responsabilité et de celle aussi du gouvernement fédéral. Il est important que vous reconnaissiez ce qui arrive lorsqu'il y a un transfert aux provinces et que nous ne sommes pas parties à la décision. Nous voulons pouvoir travailler, mais tout en nous acquittant de nos responsabilités envers les enfants. Nous avons vu ce qui est arrivé à la santé et aux services et les répercussions qui ont suivi.
Prenons l'exemple du congrès américain. Il a accordé une certaine autonomie aux Premières Nations lorsqu'il a adopté l'Indian Child Welfare Act fédérale en 1978. Les dispositions de cette loi touchent la garde des enfants, le placement en famille d'accueil, la détermination des droits des parents, le placement avant l'adoption et l'adoption.
Dans son article intitulé «The Indian Child Welfare Act in Nebraska: 15 Years», publié dans Creighton Law Review: A Foundation for the Future, Catherine M. Brooks explique que l'une des dispositions principales de la loi est la reconnaissance de la compétence exclusive des tribus dans un grand nombre des domaines couverts par la loi. Les questions légales concernant la garde des enfants qui vivent dans la réserve d'une tribu indienne américaine reconnue à l'échelle fédérale ou qui sont des pupilles des tribunaux de la tribu de cette réserve relèvent exclusivement de ces tribunaux.
M. Art Dedam (directeur du Développement social, Assemblée des Premières Nations): Madame la présidente, je vais terminer pour le chef York.
Premièrement, il est préférable, selon la loi, que les décisions concernant la garde des enfants d'une tribu reconnue à l'échelle fédérale qui vivent en dehors de la réserve soient prises par le tribunal de la tribu.
Deuxièmement, dans les causes entendues par les tribunaux de la jeunesse et les tribunaux de la famille des États, la loi accorde une protection à la partie défenderesse, à l'enfant et à la tribu de cet enfant.
• 1755
Troisièmement, la loi exige de plus nombreuses preuves dans
les affaires de garde d'enfants indiens qui sont entendues par les
tribunaux de la jeunesse des États.
Quatrièmement, les autochtones qui sont assujettis à la loi jouissent d'un droit considérablement accru de refuser leur consentement à un placement volontaire de l'enfant en dehors de la famille ou à la cession volontaire des droits parentaux.
Cinquièmement, lorsqu'un enfant doit être placé, la loi accorde la priorité en premier aux membres de la famille, en deuxième à la tribu de l'enfant et en troisième à sa culture. À l'heure actuelle, les politiques canadiennes relatives au droit de la famille veulent, en ce qui concerne les enfants en danger des Premières Nations, que des mesures proactives soient prises pour s'assurer que les droits ancestraux et issus de traités de ces enfants ne seront pas éteints par les tribunaux.
En ce qui concerne la défense des droits des enfants, les collectivités des Premières Nations sont préoccupées par le bien-être psychologique et physique de leurs enfants et de ceux de leurs voisins. Par conséquent, il est déplorable que ce soient les tribunaux qui décident de l'avenir des enfants des Premières Nations. Des décisions sont habituellement prises sans que compte soit vraiment tenu de leur bien-être en tant que membres d'une communauté distincte ou de la tradition culturelle de la famille et de la communauté.
L'Assemblée des Premières Nations recommande la nomination d'intercesseurs pour les enfants victimes d'un conflit. Il s'agirait d'individus qui auraient reçu une formation spéciale et seraient sensibles à la culture de ces enfants pour que la décision prise soit dans leur meilleur intérêt.
Quant à la question de l'adoption coutumière, l'Assemblée des Premières Nations aimerait que le comité mixte l'examine dans le cadre d'une future étude. Une telle étude partirait du principe que c'est une coutume sociale qui tient compte du patrimoine social et culturel de l'enfant, mais que le système juridique du Canada ne reconnaît pas officiellement. À l'heure actuelle, il arrive dans bien des réserves que le conseil de bande demande à une famille de s'occuper d'enfants pendant une période donnée lorsque leurs parents ne peuvent pas ou ne veulent pas s'en occuper.
Quant aux autres méthodes de règlement des différends, le système de justice canadien et, à son tour, la société canadienne ont commencé à s'apercevoir des avantages qu'elles présentent pour le règlement des conflits. Par exemple, les conseils de détermination de la peine qui aident les tribunaux à rendre une décision dans les affaires criminelles ont montré que la participation de la collectivité peut avoir une incidence positive. L'Assemblée des Premières Nations recommande que votre comité mixte examine plus à fond les avantages que peuvent présenter d'autres méthodes de règlement des différends concernant la garde des enfants.
Quant aux pratiques traditionnelles, l'Assemblée des Premières Nations voudrait qu'une étude soit commandée sur le comportement social qui y est associé. Il souhaite que des modifications soient proposées à la suite de cette étude à la législation canadienne actuelle et que soient adoptées des lois destinées à fournir des directives aux tribunaux sur le respect des pratiques traditionnelles qui sont jugées appropriées.
En terminant, je tiens à vous signaler que l'enfant est au coeur des préoccupations des familles et des collectivités des Premières Nations depuis des temps immémoriaux. L'enfant est toujours respecté. Il est considéré comme sacré car c'est sur lui que notre avenir repose. Le bien-être d'un enfant compte énormément pour les collectivités des Premières Nations. Il continue à être de coutume aujourd'hui que la famille et les membres de la collectivité contribuent à l'éducation d'un enfant. L'éducation des enfants a toujours bénéficié de l'appui de la famille élargie et il continue à en être de même aujourd'hui. La famille élargie demeure un aspect essentiel des collectivités des Premières Nations.
Toutes les modifications aux lois et aux politiques canadiennes concernant la garde des enfants doivent respecter les valeurs et les traditions des Premières Nations. Pour qu'il en soit ainsi, il est essentiel que des changements soient apportés avant tout aux sphères de compétence. Il faut absolument que soit reconnue la compétence des Premières Nations.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
Nous allons maintenant entendre le témoignage du Métis National Council.
Mme Sonia Prevost-Derbecker (Metis National Council): Merci à vous, aînés, sénateurs et membres du comité.
Au nom du Métis National Council, j'aimerais vous remercier de cette occasion de prendre la parole à propos d'un sujet très important qui a eu une grande incidence sur nos collectivités métisses et leurs membres.
Avant d'aborder la question à l'étude, j'estime qu'il est nécessaire que j'essaie de vous faire comprendre de quoi pourrait avoir l'air une communauté métisse et comment de nombreux Métis vivent aujourd'hui.
Je vis et je travaille actuellement avec les Métis du Manitoba. Je vais donc vous citer de nombreux exemples du Manitoba. Je vous demanderais de ne pas oublier que ces exemples ne sont en rien uniques au Manitoba. La culture métisse se fait sentir partout au Canada.
La seule province du Manitoba compte environ 130 collectivités métisses. Bon nombre d'entre elles se trouvent dans des régions éloignées et isolées où les gens n'ont pas accès à certains des services que vous et moi tenons pour acquis. Un nombre tout aussi grand de Métis vivent dans des agglomérations urbaines comme Winnipeg. Un pourcentage important d'entre eux ont vécu en milieu rural à un moment ou à un autre et trouvent souvent difficile la transition et l'intégration au milieu urbain. Nombreux sont ceux qui sont confrontés au racisme, à la pauvreté et à la violence.
• 1800
Contrairement à certains groupes marginalisés du Canada, les
Métis sont assez distincts. Ce sont des gens qui vivent à
l'intérieur de leurs propres collectivités et qui ont des
traditions qui sont souvent différentes de celles des Premières
Nations, des Européens et des Français. Ce n'est pas sous ce jour
que les ont vus de nombreux gouvernements ou habitants du Canada.
La culture des Métis est à la fois différente et riche. Leurs traditions sont axées sur la famille et la communauté. Notre culture est le résultat de la fusion de nombreuses cultures. Il n'est pas inhabituel que la population de nombreuses collectivités métisses parle de trois à cinq langues. Par exemple, la femme qui était censée être ici aujourd'hui en parle cinq: le michif-cri, le michif-saulteux, le cri, le français et l'anglais.
Cela ne cadre peut-être pas avec l'idée que les Canadiens se font en général de la culture métisse. Les habitants des grandes villes en particulier qui n'ont jamais visité de telles collectivités ou qui n'en ont pas entendu parler en ont une connaissance limitée. Pour comprendre comment les services peuvent le mieux répondre aux besoins des enfants métis, il faut d'abord comprendre les collectivités métisses où ces enfants grandissent. La pauvreté et l'oppression se sont mises à miner un grand nombre de ces collectivités peu après la création du Canada; pourtant, leur culture a survécu, culture dont on ne peut que vanter la beauté.
Le Métis National Council convient que les services aux enfants doivent reposer sur la reconnaissance du fait que l'intérêt des enfants doit primer avant tout. La plupart des gens s'entendent pour dire que le divorce ou la séparation est préjudiciable pour les enfants, même dans le meilleur des cas. La question est de savoir comment faire en sorte que la garde et l'accès soient le moins préjudiciables possible. Je suis moi-même ici aujourd'hui pour essayer de répondre avec vous à cette question dans un contexte métis. Le Métis National Council recommande fortement qu'un certain nombre de facteurs soient pris en considération.
Notre première recommandation concerne la mise en oeuvre d'un programme obligatoire de counseling pour toutes les parties à des différends relatifs à la garde et au droit de visite. Ce counseling serait offert au moment d'un différend et par la suite. Il s'adresserait aux parents individuellement d'abord, puis ensemble, et enfin aux enfants. Ce type de programme sensibiliserait les parents à leurs émotions et leurs agissements et à l'influence qu'ils exercent sur leurs enfants au moment de la rupture du mariage. Il offrirait en même temps à toutes les parties à un différend la chance d'expliquer ce qu'elles ressentent tout en apprenant aux enfants et aux parents à communiquer, de sorte qu'ils pourraient continuer à entretenir de meilleures relations après la période de transition qui suit la séparation.
La première étape de ce programme de counseling consisterait à dépister les abus. C'est un élément important pour que les parties en cause puissent passer à la médiation et au counseling conjoint. La médiation ne peut fonctionner que lorsque les deux parties jouissent de pouvoirs égaux, que lorsqu'il n'y a pas d'intimidation ou de violence dans la relation. Il ne suffit pas de poser la question suivante: «Êtes-vous victime de violence?» Bien des gens peuvent ne pas reconnaître la dynamique de la violence qu'ils ont vécue. Il se pourrait aussi qu'ils soient intimidés par leur partenaire ou qu'ils aient peur de répondre directement. L'embarras et la honte sont des sentiments qui peuvent être associés à la violence. Bien des facteurs peuvent inciter une personne à taire le fait qu'elle a été victime de violence par le passé. Le counseling individuel avant la médiation pourrait permettre un meilleur dépistage qu'à l'heure actuelle.
Notre deuxième recommandation est d'offrir aux Métis des services accessibles et adaptés à leur culture. L'absence de services adaptés à leur culture dans les collectivités métisses et pour les Métis vivant en milieu urbain pose un problème depuis des générations. Pour avoir du succès dans les collectivités métisses, les services doivent être offerts en michif ou dans la langue maternelle de la collectivité, de même qu'en anglais ou en français. La prestation doit en être assurée par des Métis. Nos membres pourraient ainsi aider nos collectivités à se prendre en charge.
Il faut aussi que le système soit assez souple pour permettre la participation des membres de la famille élargie. Ce serait l'occasion idéale de solliciter l'avis et l'aide de la famille élargie quant aux mesures qui serviraient le mieux les intérêts de l'enfant. La consultation de la famille est la fibre même du tissu métis. Chaque membre de la famille est un fil et ce sont tous ces fils qui, tissés ensemble, font notre force comme peuple. C'est en consultant la famille qu'on peut arriver le mieux à définir en quoi consiste le meilleur intérêt de l'enfant, parce qu'on tient alors compte de la famille, de la communauté et du patrimoine de l'enfant.
• 1805
Notre troisième recommandation est de permettre aux enfants de
demeurer dans leur famille dans la mesure du possible. Trop
souvent, les enfants sont retirés du foyer familial au moment d'une
séparation ou d'un divorce, ce qui non seulement leur nuit à
l'école mais peut aussi rompre leurs liens avec leur culture, leur
communauté, leurs amis et leur famille élargie. Les enfants sont
souvent trimballés de la maison d'un parent à celle de l'autre, ce
qui perturbe les deux familles et est source d'instabilité en
général pour les enfants.
Dans le cas de la garde conjointe, une solution de loin préférable serait de permettre aux enfants de demeurer dans le foyer familial alors que les parents feraient la navette entre l'enfant et un deuxième logement commun ou, si leurs finances le leur permettent, leur propre logement.
Notre quatrième recommandation consiste à obliger tous ceux qui travaillent en médiation ou à l'intérieur du système de justice à suivre une formation sur la culture métisse, la pauvreté et la violence familiale et sur leurs répercussions sur les différends relatifs à la garde et au droit de visite.
Étant donné que tous les services offerts en cas de différend relatif à la garde et au droit de visite dépendent de ceux qui en assurent la prestation, des efforts plus concertés devraient être faits pour que tous soient conscients de la dynamique des questions qui entrent en jeu. Trop souvent, lorsqu'une formation est offerte à l'appareil judiciaire, nous nous rendons compte que nous prêchons à des gens convertis, c'est-à-dire à des juges qui comprennent déjà bien la culture métisse, les questions de pauvreté et la violence familiale. Il faudrait faire plus d'efforts pour s'assurer que les professionnels qui sont plus réfractaires au changement reçoivent la formation voulue.
Un certain nombre de nos préoccupations concernant la garde et le droit de visite des enfants relèvent de la compétence des provinces. Je pense à l'appréhension, au rapatriement, à la pension alimentaire, au système judiciaire et à l'aide sociale et au peu d'aide apportée aux marginaux, aux pauvres, aux opprimés, aux Métis.
Nous comprenons clairement l'étendue de l'examen du comité permanent, mais les questions que nous venons de mentionner revêtent une grande importance par rapport à la rupture des familles métisses. Nous espérons que le comité permanent pourra recommander que les provinces évaluent leurs systèmes en ce qui concerne les autochtones.
Notre dernière recommandation est de poursuivre les efforts pour aider au recouvrement des pensions alimentaires pour enfants. Pendant des générations, nous avons passé sous silence le fait que la pauvreté chez les enfants est directement attribuable à la pauvreté des familles. Cela est vrai dans la vie de bien des Métis. Nous louons respectueusement les efforts faits dans certaines provinces pour assurer le versement en permanence de pensions pour les enfants. Si les adultes choisissent d'avoir des enfants, ils doivent être prêts à partager leurs ressources avec eux et à contribuer à leur éducation. Idéalement, nous aimerions que les parents acceptent pleinement et avec joie leurs responsabilités parentales.
En terminant, j'aimerais vous rappeler que dans la culture métisse il y a un seul groupe qui pour nous compte autant que les enfants, les aînés. Nous jetons un regard sur le passé pour voir d'où nous venons, pour savoir où nous allons, pour comprendre et pour avoir une vision de l'avenir pour nos enfants. Nous le faisons parce que c'est notre responsabilité. C'est la façon dont les choses se font depuis des générations, pour les enfants. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. M. Larose souhaite-il ajouter quelque chose?
M. Lance Larose (Metis National Council): Bonsoir mesdames et messieurs les sénateurs, les membres du comité et les anciens. Je tiens à vous remercier de m'offrir l'occasion de m'adresser à vous ce soir.
Ma collègue du Manitoba vient de vous donner une petite idée des nombreux obstacles auxquels les Métis sont confrontés partout au Canada, notamment dans les plus petites collectivités rurales et du Nord.
La province de la Saskatchewan compte environ 123 collectivités métisses. Il s'agit dans bien des cas de petites collectivités rurales et septentrionales qui n'ont pas accès à un grand nombre des services offerts dans les plus grands centres urbains.
Je suis ici aujourd'hui pour vous raconter mon histoire. Je ne suis pas ici pour me plaindre ou pour blâmer qui que ce soit. Je suis venu vous raconter des faits que j'ai vécus et que mes enfants ont vécus et qui ont joué un rôle important dans ce que nous sommes aujourd'hui.
En tant que parent n'ayant pas la garde, j'étais à la merci de la mère de mes enfants. Notre mariage et le divorce qui a suivi ont été marqués par la colère et l'amertume. Mon ex-femme s'est servi des enfants pour se venger et pour me punir de toutes les années d'angoisse et de souffrances que je lui ai fait vivre.
• 1810
Pendant leur enfance, la mère de mes enfants leur a parlé de
ma violence, non seulement envers elle, mais aussi envers eux.
Parce qu'ils l'ont crue, ils m'en ont voulu et ont eu peur de moi
pendant des années de sorte que j'étais très mal à l'aise avec eux
lors de mes visites, au point où je les ai interrompues. Les
enfants ne voulaient plus me voir à cause de leur peur, de leur
colère, de leur ressentiment.
Quelques années plus tard, mes enfants ont été adoptés par leur beau-père. Je n'ai pas été consulté. On ne m'en a même pas avisé. Ils ont cessé d'être mes enfants. Je l'ai su le jour où leur mère, pour me faire mal, pour remuer le couteau dans la plaie, m'a dit: «Regarde ce que j'ai fait.» Cela a été très tragique pour mes enfants.
Aujourd'hui, j'ai le bonheur d'avoir pu renouer des liens avec ma fille de 21 ans. J'ai un petit-fils qui va avoir deux ans cet été. Parce que ma fille est une jeune femme saine et forte, nous sommes parvenus ensemble à venir à bout de la colère et du ressentiment avec lesquels elle a grandi.
J'ai un fils de 23 ans. Malheureusement, lui et moi n'avons pas pu renouer nos liens et je ne vois pas comment nous y parviendrons s'il ne se produit pas dans sa vie des changements qui l'amènent à vouloir faire partie de la mienne.
Comme je vous l'ai dit, je ne suis pas ici pour me plaindre. Je suis ici pour vous expliquer à quel point le divorce et la question de l'accès peuvent être préjudiciables pour les enfants. Je vous ai fait ces déclarations pour appuyer les recommandations de ma collègue et faire ressortir la nécessité de lois, non seulement pour protéger les enfants, mais aussi pour accorder la priorité à des liens solides entre les enfants et leurs deux parents.
J'ai deux autres recommandations à vous faire. La première serait que les deux parties aient obligatoirement accès à l'aide juridique. Le budget total de la province de la Saskatchewan pour l'aide juridique étant très restreint, la partie consacrée au droit de la famille est très mince. Les ressources sont minimes. On fonctionne selon le principe du premier arrivé, premier servi. Si le père est le premier à obtenir une aide juridique, il y a de fortes chances que la mère doive aller chercher ailleurs ou se rendre en ville pour obtenir des services.
L'autre recommandation serait que le comité mixte spécial tienne des audiences dans les collectivités rurales et du Nord. J'ai vu d'après votre itinéraire que vous vous êtes rendus dans un certain nombre d'endroits, surtout de plus grands centres urbains comme Vancouver, Edmonton et Calgary. Le divorce et les questions qui entourent la garde ont une incidence encore plus grande sur les plus petites collectivités rurales et du Nord en raison du manque d'accès et de la pénurie de ressources.
Nous voudrions aussi que nos jeunes aient l'occasion d'exposer leurs préoccupations au comité. Après tout, ce sont eux qui sont le plus touchés par le divorce et la séparation.
C'est ce que j'avais à vous dire. Une fois de plus, je tiens à vous remercier de votre temps et de votre invitation.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup, monsieur Larose. Nous avions au départ prévu d'aller dans les collectivités rurales et du Nord, mais notre budget a été coupé de moitié de sorte que tous nos voeux n'ont pas pu être exaucés. Nous comprenons très bien votre point de vue et nous aurions aimé pouvoir le faire.
Nous allons commencer par les questions de M. Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): J'ai une question même si je ne sais pas si je suis assez compétent pour la poser, parce que je ne suis pas tellement au courant des différences d'attributions et de leur incidence sur les collectivités des Premières Nations. Donc, pardonnez-moi si ma question n'est pas trop intelligente.
Je me suis aperçu que les mêmes thèmes revenaient constamment dans les témoignages que le comité a entendus un peu partout au Canada, c'est-à-dire la nécessité d'écouter tous les membres de la famille, la médiation, le dépistage précoce de la violence, l'importance pour les enfants de ne pas être retirés de leur foyer et le besoin de leur assurer la plus grande stabilité possible.
La chose qui me déroute un peu est le désir de respecter les compétences, le désir de tenir compte des droits ancestraux et issus des traités et de s'assurer que la médiation est sensible aux différences culturelles. C'est une préoccupation que je trouve légitime. La loi actuelle sur le divorce pose-t-elle des problèmes particuliers aux Premières Nations? De la façon dont elle est administrée, la loi actuelle vous convient-elle? Vous aimeriez qu'elle tienne un peu plus compte des différences culturelles et des droits issus des traités. Auriez-vous des modifications en particulier à recommander à la Loi sur le divorce? C'est là l'essentiel de ma question. J'aimerais avoir certaines précisions. Est-ce une question de différences culturelles ou aimeriez-vous que des changements précis soient apportés à la loi?
M. Art Dedam: Du moins pour l'Assemblée des Premières Nations, ce qui compte le plus, c'est l'enfant et ce qui lui arrive après le divorce. La politique sociale actuelle est un véritable bourbier. Lorsqu'il y a eu une action en divorce et que la garde pose un problème, nous sommes surtout préoccupés par ce qui va arriver à l'enfant. Nous croyons que c'est la communauté qui devrait s'en occuper, qu'il devrait relever de notre compétence. Autrement dit, peu importent les circonstances, nous devrions avoir compétence et il faudrait reconnaître et respecter nos pouvoirs à l'égard de cet enfant.
Nous sommes d'accord avec les Métis et les femmes autochtones pour dire qu'il faudrait que le système soit beaucoup plus sensible à nos besoins. Le système juridique actuel qui a été conçu en fonction de la population canadienne en général ne répond pas nécessairement à nos besoins. Je vais vous donner un exemple.
Dans ma collectivité, sur la côte ouest, une jeune femme mère de jumelles a eu toutes les misères du monde à se séparer et à divorcer d'un mari qui avait fait preuve envers elle de violence psychologique et mentale. Elle n'a pas pu prouver qu'il l'avait maltraitée. Tout cela devant les enfants. Il savait bien ce qui se passait. Les tribunaux ont décidé de prendre les enfants en charge parce qu'elle n'avait aucune ressource financière. Elle ne travaillait pas. C'était une femme au foyer.
Un jour, ce «monsieur» a essayé de les kidnapper elle et sa mère. Il les a battues devant les enfants. Neuf accusations distinctes ont été portées contre lui.
• 1820
Le juge l'a reconnu coupable des neuf chefs d'accusation, lui
a imposé une amende de cinq dollars pour chaque accusation et l'a
condamné avec sursis en blâmant la femme d'être une mauvaise épouse
et une mauvaise mère. Les enfants étaient retournés avec leur mère
dans la collectivité avant que tout cela arrive et ils s'étaient
bien adaptés. La famille élargie s'en occupait.
Pendant plusieurs mois, à cause d'une ordonnance du tribunal, elle a été considérée comme une criminelle aux yeux de la loi canadienne. La loi a été sans pitié. Ce n'est que par chance qu'elle a enfin rencontré quelqu'un qui a pu lui donner les conseils juridiques dont elle avait besoin. Dieu merci, elle a pu trouver un juge qui l'a comprise, qui était sensible à la situation des Premières Nations et aux valeurs de la communauté et qui l'a disculpée.
Il faudrait tout repenser en fonction non seulement des gens qui travaillent avec les parents à l'intérieur du système juridique, mais aussi des travailleurs sociaux et des gens qui sont en contact avec les enfants, y compris les juges. C'est ce que nous voulons. Nous pensons que le mieux serait que la compétence des Premières Nations à l'égard des enfants soit reconnue. Nous sommes certainement prêts à travailler en collaboration avec les organismes, le gouvernement, le comité, pour en arriver à des programmes de sensibilisation pour nos juges et tous ceux qui travaillent au tribunal ou à l'intérieur du système juridique.
Mme Sonya Prevost-Derbecker: Quelqu'un m'a demandé avant que je quitte le Manitoba si on envisageait dans le cadre de la révision de la loi d'accorder l'accès obligatoire aux grands-parents. Est-ce exact? Il va falloir que vous m'éclairiez.
Mme Sheila Finestone: La grand-mère qui est derrière vous suit nos audiences depuis le premier jour.
Mme Sonya Prevost-Derbecker: La Manitoba Metis Federation et le Métis National Council que je représente ici sont d'avis qu'il faudrait avoir recours au besoin à la famille élargie à la condition qu'elle fasse l'objet d'un examen aussi minutieux que n'importe quel parent en cas de litige au sujet de la garde et du droit de visite pour voir s'il n'y a pas eu de violence.
La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Vous avez dit, monsieur Dedam, que c'est une femme au foyer, qu'elle ne travaille pas, mais laissez-moi vous répondre avant de poser ma question que les personnes au foyer ont le plus beau travail au monde.
Une voix: Et le plus important.
La sénatrice Erminie Cohen: Oui, un travail important. J'ai une question à poser à M. Larose au sujet de l'aide juridique. Elle pose un problème dans toutes les régions du pays. Il n'y a pas assez d'argent pour l'aide juridique. J'espère que nous allons recommander d'offrir une forme quelconque de services de soutien. Il n'est pas juste que seulement un des parents ait droit à une aide juridique. L'autre parent doit patauger devant un tribunal dont le juge n'a aucune indulgence pour la personne qui doit se défendre elle-même. C'est ce que nous ont dit des témoins de toutes les régions. J'espère que c'est une chose que nous pourrons examiner.
Par exemple, supposons qu'un autochtone marie quelqu'un qui ne fait pas partie de sa communauté et qu'il y ait un divorce. La mère prend l'enfant et déménage à l'extérieur de la réserve ou de la collectivité. Quels sont les avantages culturels dont le père pourrait faire bénéficier l'enfant et qui seraient importants à son développement? J'imagine que ce serait difficile à moins que la séparation soit très amiable.
M. Wendall Nicholas (conseiller, Questions touchant l'invalidité, Développement social, Assemblée des Premières Nations): Je veux vous donner un exemple qui est presque le contraire, je suppose, de celui de mon ami M. Larose. Je fais partie des Premières Nations malécites. Ma femme a eu un fils d'un mariage précédent. Le père naturel de mon fils n'est pas autochtone. Le dilemme, c'est qu'à l'heure actuelle les lois et les politiques canadiennes ne tiennent pas compte de la situation dans laquelle mon fils se trouve.
Nous avons peur que si nous nous présentons devant les tribunaux pour régler la question de la garde avec son père naturel, il perde tous ses droits comme Indien micmac.
Cela illustre jusqu'à un certain point ce que vous dites. C'est une question qui préoccupe ma famille. Je devrais dire la famille de ma femme. Nous ne savons pas ce qui va arriver. Nous ne savons pas ce que le tribunal va dire. Actuellement, les tribunaux de la famille sont insensibles au fait que mon fils risque, à cause du processus judiciaire, de perdre ses droits ancestraux.
La sénatrice Erminie Cohen: Il faudrait qu'une espèce de période de formation soit offerte aux juges et aux avocats pour les sensibiliser à ce que votre culture veut vraiment dire pour l'enfant. C'est une culture magnifique, vieille de milliers d'années. C'est une question que nous devrons examiner.
L'autre chose qui m'a choquée, c'est que l'enquête longitudinale n'a pas tenu compte des enfants autochtones. Je pense que c'est une chose que nous devons dénoncer haut et fort. Si nous faisons des études au Canada, elles doivent englober les enfants de toutes les communautés ethniques, surtout des Premières Nations.
Venez-vous du Nouveau-Brunswick?
M. Wendall Nicholas: Oui.
La sénatrice Erminie Cohen: Je suis du Nouveau-Brunswick moi aussi. J'ai reconnu le nom Nicholas. C'est un nom dont vous devez être fier.
M. Art Dedam: À la lumière de ce genre de situation, nous devons aussi examiner ce que nous pouvons faire. Je suis d'accord pour dire qu'il faut que le système soit plus sensible aux besoins de nos enfants. En même temps, je pense qu'il est important dans les situations comme celles dont M. Nicholas vient de nous parler d'examiner la structure qui est déjà en place pour voir ce qui arrive lorsque le père ou la mère déménage avec l'enfant à Montréal, Winnipeg ou ailleurs. À Ottawa, il y a des centres d'accueil autochtones. Il y a une communauté autochtone ici. Nous devons trouver un moyen de mettre en place des programmes d'extension pour que l'enfant ait accès à sa culture, qu'il y soit exposé en grandissant.
Je sais que ce ne sera pas possible dans tous les cas, mais je pense que c'est essentiel parce que notre avenir en dépend. Nous devons travailler ensemble pour qu'il soit possible pour cet enfant d'être exposé à sa culture. Les centres d'accueil sont un bon exemple d'organismes de prestation de services dans les grands et les plus petits centres urbains.
M. Lance Larose: L'organisme que je représente en Saskatchewan s'occupe de services juridiques à la famille et à la communauté métisses. Nous nous trouvons très chanceux en Saskatchewan de pouvoir concevoir, avec notre partenaire en éducation, le Gabriel Dumont Institute, un programme de formation à l'intention des travailleurs sociaux, de la police et de certains services du ministère provincial de la justice. Ils veulent en connaître plus long sur la culture autochtone. Ils veulent arriver à mieux nous comprendre.
Nous sommes très chanceux que cela se fasse, mais il faudrait que ça se fasse à plus grande échelle. Il faudrait faire les choses à beaucoup plus grande échelle au lieu d'y aller au coup par coup, mais c'est un début.
La sénatrice Erminie Cohen: Un petit pas pour l'homme, mais un pas de géant pour l'humanité?
M. Lance Larose: C'est exact, oui. Vous avez raison.
Mme Sheila Finestone: Je pense qu'il s'agit pour nous tous ici de poser les premiers jalons.
Monsieur Nicholas, quel âge a votre fils?
M. Wendall Nicholas: Il a huit ans.
Mme Sheila Finestone: C'est une question que nous nous posons nous-mêmes. Je pense que nos enfants ne nous appartiennent pas, mais que nous leur appartenons, et cela fait toute une différence. À quel moment pouvons-nous poser la question à un enfant sans qu'il ait l'impression qu'il doit choisir entre ses parents? Je ne connais pas la réponse à cette question.
C'est une des choses qui m'ont frappée pendant que vous parliez. Je viens moi-même d'une communauté culturelle différente. Je tiens à ma culture et aux traditions que nous nous transmettons et je sais que c'est une chose très importante pour les Premières Nations et les premiers habitants de ce pays. Je comprends très bien votre point de vue.
Je me demandais si vous pensez que votre fils est assez vieux pour se rendre compte que la culture compte énormément, mais je ne veux pas de réponse parce que je ne dirige pas une agence de services sociaux. C'est juste une idée qui m'est passée par la tête.
À en juger par ce que M. Nicholas, M. Larose et Sonia ont dit, il me semble, madame la présidente, que les pratiques traditionnelles sont une des choses que nous pourrions vouloir examiner de beaucoup plus près. Le genre d'étude qui a été proposé pourrait servir à examiner le comportement social et les modifications proposées à la loi canadienne actuelle sur lesquelles on a attiré notre attention dans le mémoire qui a été présenté. Je pense que les deux mémoires vont très bien ensemble si on prend les observations finales des Premières Nations et des Métis.
Ils comportent un nombre extraordinaire de similarités, même s'il y a des différences marquées, et Dieu bénisse notre pays multiculturel. Je crois qu'il est essentiel à notre avenir que nous reconnaissions le tissage multiculturel dont peut être faite la magnifique tapisserie qu'est le Canada.
Si un projet pilote quelconque devait être mis en place, la première étape, avant de passer à la médiation, à la réconciliation ou à l'arbitrage, serait, comme vous l'avez indiqué, d'avoir recours à des amis de la famille. C'est une notion dont nous avons entendu parler il y a quelque temps. Il me semble que c'est ce dont vous parlez vous aussi.
Au départ, il y aurait un cercle plus large, composé d'amis de la famille, à l'intérieur duquel on pourrait essayer de se faire une idée de la situation, prendre toute l'unité familiale, l'enfant, la mère et le père, pour voir si on peut trouver une solution. Cela correspondrait au délai de réflexion auquel vous avez fait allusion.
Qui ferait partie de ce cercle? Choisiriez-vous des aînés des deux côtés de la famille? Choisiriez-vous un ami de la famille? Choisiriez-vous un enseignant? Comment vous y prendriez-vous? J'aimerais recommander dans notre rapport que la ministre mette en place un ou deux groupes d'étude ou étudie des exemples de groupes que nous pourrions mettre en place.
Comment vous y prendriez-vous? Selon vous, qu'est-ce qui serait dans le meilleur intérêt de l'enfant? Je ne pense qu'à l'enfant pour le moment. Vous êtes les gens qui allez entourer cet enfant, que ce soit comme mère, père, beau-père, grand-mère, grand-père, tante ou oncle. C'est une grande inconnue. Chaque cas est différent.
Que feriez-vous?
Mme Sonia Prevost-Derbecker: Tout d'abord, il est important de faire observer que les deux parents seraient convoqués à tour de rôle avant qu'on en arrive là. À un moment donné, il pourrait y avoir une discussion à l'échelle de la famille, si on peut parler de discussion, et le chef de...
Mme Sheila Finestone: Avez qui?
Mme Sonia Prevost-Derbecker: Tous les membres actifs de la famille qui choisissent d'y être. Ce serait libre à eux.
• 1835
Il ne s'agirait pas d'une séance de counseling et il y aurait
deux moyens de s'y prendre. La séance de counseling aurait lieu
avec les parents et l'enfant. Si d'autres personnes devaient elles
aussi jouir de droits de garde et d'accès, elles pourraient être
incluses. Mais l'idée d'une discussion familiale est d'avoir l'avis
du plus grand nombre de sources différentes possible sur ce qui
conviendrait le mieux pour l'enfant et d'avoir un meilleur tableau
de la situation. Il pourrait s'agir de médiation. Un programme
pourrait être mis en oeuvre. Il y aurait bien des manières de s'y
prendre.
Mme Sheila Finestone: Y aurait-il une différence selon qu'on vit en milieu urbain ou dans des collectivités métisses traditionnelles plus petites de l'extérieur de la ville?
Mme Sonia Prevost-Derbecker: Oui.
Mme Sheila Finestone: Soit dit en passant, je suis désolée que les femmes métisses qui ont témoigné avant vous et qui nous ont fait un très bon exposé ne soient pas ici pour vous entendre parce qu'elles se plaignaient justement du peu d'intérêt que leurs préoccupations suscitent. Cela les aurait consolées. C'est dommage.
Avez-vous quelque chose à ajouter avant que je passe à autre chose?
M. Wendall Nicholas: Madame Finestone, c'est la raison pour laquelle nous avons essayé d'illustrer dans notre exposé les avantages de l'Indian Child Welfare Act des États-Unis. Certaines choses ont été déterminées au préalable et c'est la règle de droit aux États-Unis. Mme Brooks en a parlé dans son document.
Nous avons discuté ouvertement de la question avec notre fils et nous l'avons aidé en fait à prendre des décisions. Il a ses propres idées là-dessus.
Nous en avons aussi discuté avec nos familles. Si nous décidons de demander au tribunal d'intervenir, nous allons avoir l'appui de nos familles.
Lorsque ma femme et moi nous sommes mariés il y deux ans, la communauté a accepté non seulement ma femme, mais mon fils. C'est important. Elle l'a accepté comme s'il était mon propre fils et, en ce qui concerne notre culture, nous avons une famille. Mais en ce qui concerne les lois et les politiques canadiennes, ce n'est pas une véritable famille.
Mme Sheila Finestone: Je trouve que vous avez très bien décrit la situation. Cependant, je ne sais pas si la question sera réglée pendant l'existence du comité.
Je dois dire que les statistiques qui nous ont été présentées sont plutôt troublantes. En effet, 50,8 p. 100 des enfants pris en charge et placés en Colombie-Britannique sont des enfants autochtones. Pourquoi? Il y a un certain nombre de raisons qui sont fondées sur la vie familiale et sur ce qui est arrivé à cette vie de famille.
Je crois que nous avons devant nous des gens qui témoignent ici à titre de représentants de ces familles. Je ne sais pas comment elles vivent; je peux seulement essayer de comprendre.
Étant donné le lien étroit que je vois entre l'exposé du Métis National Council et celui de l'Assemblée des Premières Nations, lorsqu'ils parlent de la sphère d'attributions, ils ne font pas allusion aux Métis. Ce sont des Canadiens. Ce sont des Canadiens à cause de Louis Riel et de certains faits historiques qui remontent à bien des générations. Nous sommes désormais tous beaucoup plus sensibles à cette question.
Mais étant donné la tendance que vous avez décrite dans vos exposés et vos recommandations, je me demandais si vous seriez prêts à un moment donné à les examiner ensemble, ou du moins à nous faire connaître votre avis sur les exposés. J'aimerais examiner les cinq mécanismes proposés à l'égard de cette question très délicate qui est très importante pour le bien-être du Canada.
• 1840
Si ça vous convient, faites-le nous savoir. Sinon et si vous
voyez des choses qui ont besoin d'être changées, il serait très
utile que nous le sachions pour la rédaction de notre rapport. Il
en va de même à propos de ce que vous aviez à dire dans votre
propre rapport qui est très bien rédigé et dont je vous remercie.
J'ai l'impression que la question des attributions va au-delà de l'impact. L'impact sur la vie de nos enfants semble être le même, peu importe la culture. Est-ce que j'ai raison? Est-ce exact?
M. Wendall Nicholas: Oui.
Mme Sheila Finestone: C'est ce que j'aimerais et nous recommanderions à la ministre de mettre sur pied un groupe de travail ou d'étudier des exemples. Je recherche la meilleure pratique possible.
M. Art Dedam: Je voudrais répondre aux commentaires de Mme Finestone et lui dire que nous serions certainement prêts à faire une analyse...
Mme Sheila Finestone: L'organisation des femmes métisses s'il vous plaît.
M. Art Dedam: Nous sommes prêts à examiner toutes les présentations et à discuter de nos intérêts communs.
Nous aimerions aussi que le comité sache que l'Assemblée des Premières Nations vient de terminer un programme exhaustif de recherche sur les questions sociales. Une des études portait sur les attributions et sur la famille. Nous serions tout à fait prêts à la présenter au comité.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous en prie.
M. Art Dedam: Nous allons l'envoyer à la greffière pour qu'elle la fasse circuler.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Durant ma carrière de député, j'ai dû présenter une pétition à la Chambre des communes près de 200 fois. Elle dit en partie que les soins du ménage et l'éducation des enfants d'âge préscolaire sont une honorable profession que notre société ne reconnaît pas à sa juste valeur. Ce n'est pas un travail rémunéré, mais ça reste un travail qui mérite d'être respecté et indemnisé.
Je pense que vous me voyez venir et je pense aussi que ça explique en partie le problème qui se pose pour la société. Ce n'est pas une question de culture. C'est quelque chose que nous devons reconnaître.
Nous allons rencontrer des juges ce soir et il y a une question très importante dont il faut que nous discutions avec eux. Je me demande si vous pouvez me dire dans quel pourcentage des cas la garde des enfants est confiée à la mère dans la communauté que vous représentez. Croyez-vous que les tribunaux ou les juges ont fait des erreurs de jugement concernant la garde?
Savez-vous quel pourcentage des divorces sont contestés devant les tribunaux? Avez-vous une idée du nombre de personnes qui s'adressent aux tribunaux, la moitié, le quart?
Mme Sonia Prevost-Derbecker: Je ne me suis pas munie de statistiques. Je ne peux pas vous donner de chiffres exacts.
Les habitants des nombreuses collectivités métisses où le taux de chômage est de 95 p. 100 ne peuvent pas vraiment se rendre là où les services sont offerts. C'est bien évident.
M. Paul Szabo: D'après votre expérience personnelle, la garde est-elle généralement accordée à la mère?
M. Art Dedam: Oui.
Mme Sonia Prevost-Derbecker: Je n'ai pas de statistiques, mais c'est mon père qui m'a élevée.
Le chef Victor York: Bien des notions échappent à de nombreux juges, à moins qu'ils s'intéressent particulièrement aux Premières Nations et à ce qui leur est arrivé.
• 1845
L'étude que nous avons ici montre que bien souvent les
statistiques n'englobent pas les Premières Nations, ce qui fait que
bien souvent on porte des jugements sans vraiment comprendre
l'impact qu'ils peuvent avoir sur la communauté.
Nous allons sûrement partager avec vous l'information qui ressortira du symposium de Winnipeg sur les répercussions sociales que peuvent avoir les décisions qui sont prises sans notre consentement ou même sans nous. Je pense que c'est une question importante et nous voulons travailler avec le gouvernement du Canada.
Mme Sheila Finestone: Madame la présidente, pour que nous sachions à quoi nous en tenir lorsque nous rencontrerons les juges, la recommandation est-elle d'assurer la formation du personnel de soutien et des juges pour qu'ils soient plus sensibles aux différences culturelles?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vois des hochements de tête.
Je vous remercie infiniment d'être venus nous rencontrer. Le comité reprendra ses travaux à 19 heures.