TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 3 juin 1998
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Je me demande si on pourrait commencer la séance en demandant aux témoins de s'approcher du bureau, s'il vous plaît. Pendant ce temps, je voudrais, comme d'habitude, annoncer que la séance d'aujourd'hui est la 34e du comité mixte spécial chargé d'étudier la garde et le droit de visite des enfants en vertu de la Loi sur le divorce.
Aujourd'hui, chers collègues, je vous signale que c'est le dernier jour de notre collègue, le sénateur Duncan Jessiman, qui nous quitte, non pas par choix, comme l'a dit la sénatrice Pearson, mais par expiration de mandat. C'est une question de temps. Au nom de nous tous, sénateur Jessiman, je tiens à vous dire que nous avons tous été heureux de vous compter parmi nous et que vous avez apporté une inestimable contribution au comité. Je pense que nous vous rappellerons au moment de la rédaction du rapport parce que vous avez contribué de très près à ce processus. Je sais que votre engagement précède l'établissement de ce comité. Je vous remercie au nom de tous.
Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): Merci, monsieur le président.
La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): A l'instar du président Gallaway, je voudrais souhaiter bonne chance au sénateur Jessiman dans sa nouvelle carrière. Je voudrais aussi dire, en toute sincérité, que cela a été un honneur et un plaisir pour moi de l'avoir connu et de l'avoir côtoyé au Sénat pendant toutes ces années où il a été des nôtres. Je lui souhaite bonne chance dans l'avenir.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je pense que nous sommes tous d'accord avec la sénatrice. Cependant, je voudrais faire remarquer à la sénatrice Cools qu'elle a dit «de l'avoir connu» alors qu'il faut dire plutôt «de le connaître».
La sénatrice Anne Cools: C'est juste, mais, à tout le moins, monsieur le président, vous connaissez vos temps. Nous vivons à une époque où la connaissance de la langue écrite et de la grammaire est un rare phénomène.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Cela étant dit, je suis convaincu que nos témoins ne savent pas trop ce qui se passe ici aujourd'hui.
Nous avons avec nous, pour la première demi-heure, M. James Atwill, Mme Lynne Cohen Ben-Ami, M. Joseph Ben-Ami et M. George Lloyd. Je suppose que vous savez déjà, mais je vais le répéter, que vos observations doivent être très brèves, ne dépassant pas cinq minutes. Nous commencerons avec M. Lloyd.
M. George Lloyd (témoigne à titre personnel): Je vous remercie infiniment, mesdames et messieurs membres du comité, de me permettre de comparaître devant vous aujourd'hui. Il me faudrait au moins deux heures pour vous dire tout ce que j'ai à dire, mais je me contenterai de quelques brèves observations. Comme je n'ai pas de notes, je vais vous parler de mémoire.
Je voudrais vous lire deux citations. La première se lit comme suit: «Les pères qui se plaignent de ne pouvoir faire appliquer leurs ordonnances attributives du droit de visite sont tous des menteurs.» Je sais que je dispose du privilège parlementaire ici, mais j'hésite beaucoup à révéler qui a dit cela, sauf pour dire que c'est quelqu'un de bien connu dans la vie publique.
La seconde est la suivante: «Les lois sur la famille de l'Ontario sont conçues pour protéger les femmes mariées selon la formule traditionnelle.» Cette déclaration a été faite par un avocat du nom de Bob Charney, qui représentait le gouvernement de l'Ontario devant la Cour suprême de l'Ontario le 18 mars dernier. Je constate avec intérêt, en tenant compte de ces deux citations, que les pères ne sont tout simplement pas protégés par le droit de la famille.
Je n'ai pas vu ma fille de 15 ans depuis 11 ans, et la raison en est—et je tiens à ce que le comité le comprenne bien—qu'il est impossible de faire appliquer une ordonnance attributive du droit de visite au Canada. Les ordonnances attributives du droit de visite sont totalement, complètement, fondamentalement, absolument et carrément inapplicables dans notre pays, et cela est inacceptable.
Pourquoi suis-je ici aujourd'hui? Je me bats pour cela depuis bien plus de 11 ans, mais ce sont essentiellement des avocats, des juges, à cause de la teneur de leurs décisions, l'ombudsman de l'Ontario et le procureur général de l'Ontario qui m'ont poussé à comparaître devant vous, car vous êtes mon dernier recours.
Je veux voir ma fille. Je ne comprends pas pourquoi c'est impossible. Je suis père et je n'ai rien fait de mal. On n'a rien à me reprocher, ni maintenant ni dans le passé. Pourtant, je ne peux pas voir ma fille parce que les tribunaux ne se respectent pas eux-mêmes.
Je me suis présenté devant la cour et le juge a émis une ordonnance qu'il n'avait aucune intention de voir appliquer, de toute façon. Ce juge ne devrait pas faire partie de la magistrature. Je ne comprends pas ce manque d'intégrité de la part de nos juges. À cause de cela, les gens ordinaires comme moi ne respectent plus le système. Cela ne peut pas continuer. Une ordonnance de la cour a force de loi et je crois que la loi doit être respectée, mais ce n'est pas ce que pensent de nombreux juges.
• 1540
Des avocats qui travaillent en cabinet privé m'ont dit que,
selon eux, le système judiciaire est en train de s'effondrer. Je
crois, pour ma part, que c'est déjà chose faite. Il doit y avoir
intégrité de la loi et la loi doit être respectée par tous les
intervenants du système judiciaire, ce qui signifie que je devrais
être autorisé à voir ma fille. Pourquoi ne le puis-je pas?
Pourquoi mon ex-épouse agit-elle de la sorte? Je n'en ai aucune idée. Ne me le demandez pas, je l'ignore. Je ne comprends pas pourquoi elle m'empêche de voir ma fille, notre fille. J'ignore pourquoi, et mon ex-épouse n'est pas davantage tenue de l'expliquer au tribunal.
Il est inutile de s'adresser aux tribunaux pour régler cette question. Les gens dépensent des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de dollars en frais juridiques, mais sans aucun résultat. Tout cela ne sert qu'à faire travailler des avocats. Je ne veux pas dénigrer les avocats, mais c'est ainsi que fonctionne le système judiciaire.
Si le temps me le permet, j'aimerais décrire quelque chose.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Il vous reste une minute.
M. George Lloyd: D'accord. Je voudrais faire quelques recommandations.
Tout d'abord, il m'apparaît impératif que le gouvernement canadien fasse une déclaration de principe indiquant que les pères doivent être autorisés à voir leurs enfants. Sans cela, la situation ne progressera pas.
Je crois que le droit de la famille doit devenir un champ de compétence exclusivement fédérale. Les provinces ne devraient avoir aucune compétence dans ce domaine.
Le refus de visite doit relever du Code criminel, car il s'agit en fait d'un enlèvement d'enfant, un acte qui relève de la compétence du procureur général.
Le droit de mobilité de la mère doit être limité. Si cette dernière peut aller vivre où elle veut, cela équivaut, à toutes fins utiles, à empêcher le père de voir son enfant. La Cour suprême a confirmé ce droit, ce qui est inacceptable.
L'autre question importante est l'indemnisation. En tant que père, combien puis-je recevoir en indemnisation à la suite d'actes illégaux commis délibérément par la mère, à cause de l'attitude délibérée et scandaleuse du système judiciaire qui ne croit pas que les pères devraient être autorisés à voir leurs enfants, puisqu'il n'applique pas les ordonnances attributives de droit de visite? Il est inacceptable que le système judiciaire et les juges déclarent qu'il est dans le meilleur intérêt de l'enfant que son père puisse le voir, mais fassent comme s'il n'était pas du meilleur intérêt de l'enfant d'appliquer les ordonnances attributives de droit de visite. Cela prouve bien que ces ordonnances n'ont aucune valeur. Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Lloyd.
Monsieur Ben-Ami, je crois comprendre que votre épouse et vous-même partagez votre temps de parole. L'un d'entre vous peut commencer.
M. Joseph Ben-Ami (témoigne à titre personnel): Je prendrai la parole pour nous deux.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier, mesdames et messieurs, de nous avoir permis de prendre la parole devant le comité aujourd'hui. Étant donné que nous disposons de peu de temps, j'irai directement au coeur du sujet.
Lynne est ma seconde épouse. Ma première épouse nous a quittés, moi et mes deux enfants, un garçon et une fille âgés de neuf ans et sept ans respectivement, en décembre 1995. Durant les trois années qui ont précédé le départ de ma première épouse, je suis resté à la maison avec les enfants. J'occupais un emploi à temps partiel pendant qu'ils étaient à l'école. Mon ex-épouse occupait et occupe toujours un emploi à temps plein dans la fonction publique fédérale.
Au début de 1996, nous avons participé à des séances de médiation, qui ont abouti à une entente concernant le droit de visite. Je ne vous en préciserai pas les détails, car cela n'est pas important pour les fins de mon exposé. Je conservais la garde des enfants.
Quatre mois plus tard, mon ex-épouse changeait d'idée au sujet de l'entente négociée durant la médiation, mais suite à mon refus de renégocier, son second avocat m'a signifié une requête dans laquelle il demandait au tribunal d'accorder la garde complète des enfants à mon ex-épouse, sous prétexte que je les maltraitais. La requête ne contenait aucune preuve de ces horribles allégations et aucun rapport n'avait d'ailleurs été présenté à la police ou aux prises d'aide à l'enfance. En fait, la requête n'a même pas été déposée auprès du tribunal. Mon ex-épouse et son avocat l'ont plutôt utilisée comme moyen de chantage pour m'obliger à accéder à leurs demandes. Je n'en ai rien fait et la requête n'a jamais été présentée.
Cette situation m'a coûté beaucoup de temps et d'argent et a créé beaucoup de stress. J'étais fâché de constater qu'un avocat, un auxiliaire de la justice, se comporte comme un mercenaire. J'ai fait valoir auprès du barreau que cet avocat avait porté de fausses accusations pour défendre sa cliente. On m'a répondu que ce genre de situation était fréquente et n'avait rien d'illégal. J'ai été stupéfié de constater à quel point le barreau faisait peu de cas d'un tel manque d'éthique. Quoi qu'il en soit, j'ai laissé tomber l'affaire, dans l'intérêt des enfants.
• 1545
Dans l'intervalle, mes enfants m'avaient présenté à une femme,
une mère seule, qu'ils connaissaient depuis un certain temps. Après
de brèves fréquentations, nous avons décidé de nous marier.
Après avoir fait connaître notre projet de mariage, mon ex-épouse s'est de nouveau manifestée. Elle a cessé de présenter des demandes de règlement au régime de soins de santé de la fonction publique pour les médicaments et soins dentaires des enfants. Elle a même retenu ces derniers à plusieurs reprises, une fois pendant presque une semaine, jusqu'à ce que je consente à prendre certaines mesures pour repousser la date de mon mariage et mon installation dans ma nouvelle vie. Aux yeux de quiconque était témoin de cette situation, mon ex-épouse était motivée par la malveillance et ses actes étaient nuisibles pour nos enfants.
Lynne et moi nous sommes épousés en février 1997. En mars 1997, j'ai dû présenter une requête à la cour pour obtenir, provisoirement, la garde exclusive des enfants et une modification du calendrier de visite, pour des raisons d'ordre médical auxquelles je ne m'arrêterai pas ici. Mon ex-épouse a alors présenté une contre-requête dans laquelle elle demandait la garde exclusive des enfants et une ordonnance restrictive pour m'empêcher de les voir. Elle alléguait, dans sa requête, 17 mois après notre séparation, que je les avais maltraités, elle et les enfants. Là encore, aucune preuve ne venait étayer ces accusations scandaleuses.
De mon côté, j'ai pu compter sur de nombreux témoignages, notamment de la part de plusieurs médecins, qui réfutaient ces allégations. J'ai également obtenu les témoignages de voisins, d'anciens colocataires, d'amis, du directeur de l'école et de notre rabbin, qui contredisaient les allégations de mon ex-épouse et prouvaient sa malhonnêteté.
À notre grand désarroi, la première chose que nous a dit le juge, Cathy Aitken, à Ottawa, c'est qu'elle n'avait pas eu le temps de lire la documentation. Après avoir dû préparer la documentation en nous pliant aux règles rigides de la procédure civile, après nous être précipités pour déposer les documents auprès de la cour avant la date limite, afin que le juge les ait en main suffisamment longtemps avant la date de l'audience et puisse les examiner, après avoir déployé tant d'efforts, le juge a fait fi de notre confiance et de notre bonne foi en nous disant simplement qu'il n'avait pas eu le temps de lire la documentation.
Après avoir écouté les accusations de violence physique et sexuelle portées, sans aucune preuve, par l'avocat de la partie adverse et après avoir entendu les dénégations énergiques de mon propre avocat, le juge a fait l'éloge de cette grande tradition canadienne qui consiste à ne prendre position sur rien et a statué, non pas que j'avais eu des comportements violents, mais que j'avais peut-être violenté mon ex-épouse et les enfants et que je continuais peut-être de le faire. Après avoir mis cette observation gratuite par écrit, et je signale que cela nous a suivis tout au long des procédures judiciaires au cours des 18 derniers mois, Son Honneur le juge a ensuite ordonné que les enfants conservent leur domicile à ma résidence.
Mesdames et messieurs, il arrive souvent que des parents perdent la garde de leurs enfants à cause de fausses accusations de mauvais traitements. Aussi tragique que cela puisse être, on croit au moins trouver une certaine consolation dans le fait que les juges tiennent compte de l'intérêt des enfants et s'assurent que leurs ordonnances, si elles sont erronées, pèchent au moins par excès de prudence. Dans notre cas cependant, ce n'est pas ce qui s'est produit. Le juge a manifesté un manque d'intérêt flagrant pour le bien-être des enfants. Autrement, comment aurait-il pu ordonner que ces derniers viennent vivre chez mon épouse et moi s'il croyait que je pouvais faire preuve de violence à leur endroit?
Le calendrier de visite établi par le tribunal a eu des effets désastreux pour les enfants. En dépit du fait que Lynne et moi avons les enfants les trois quarts du temps, le juge n'a pas tenu compte de mes états financiers, déclarations d'impôt et comptes bancaires et a accepté l'allégation, non prouvée, que je dissimulais des revenus. Le juge a déclaré que je ne lui avais pas communiqué suffisamment de renseignements pour lui permettre de se prononcer sur la question du soutien, et cela cinq jours avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi qui rendait inutile ce genre de renseignement. Le juge a plutôt ordonné que la mère achète les vêtements des enfants, comme si nous pouvions tout simplement nous entendre.
Non seulement cette ordonnance ne tenait pas compte de la preuve, mais elle était contradictoire. Dans deux paragraphes distincts, l'ordonnance indiquait que les enfants devaient revenir à des moments différents. L'ordonnance accordait également un droit de visite à la mère des enfants, sous réserve de certaines conditions qu'elle devait respecter, mais ne précisait pas quelles seraient les conséquences du non-respect de ces conditions. Nous avons donc dû nous adresser une fois de plus au même juge, trois mois plus tard, pour obtenir des éclaircissements concernant le droit de visite, l'achat des vêtements, etc.
Chose surprenante, durant l'audience le juge a rendu une nouvelle ordonnance attributive de droit de visite, en vertu de laquelle nous avions la garde des enfants jusqu'à 80 p. 100 du temps. Au lieu de nous accorder le soutien obligatoire, le juge nous a demandé de présenter une nouvelle requête.
• 1550
Cette fois, au lieu de rédiger l'ordonnance, le juge l'a
rendue verbalement. Les avocats se sont entendus au sujet d'une
ébauche d'ordonnance, qui a été ultérieurement enregistrée auprès
du tribunal, mais qui ne précisait pas que nous devions présenter
une requête de soutien distincte. J'ai présenté la requête à
l'automne de l'an dernier, sans avocat, car je n'ai plus les moyens
d'avoir recours au service d'un avocat.
Durant l'audience, devant le juge Doug Cunningham, à Ottawa toujours, le cinquième avocat de mon ex-épouse a tenté de faire valoir non pas que l'ordonnance de soutien n'était pas nécessaire mais que la requête n'aurait jamais dû être présentée puisque le juge Aitken avait déjà statué à cet égard, même après avoir réduit le droit de visite de la mère des enfants.
Il m'a été impossible de produire une preuve contraire parce que, chose incroyable, il n'y avait aucun compte rendu de la rencontre du mois d'août avec le juge Aitken. En fait, j'ai appris qu'on ne faisait aucun compte rendu des délibérations et requêtes provisoires à moins que les parties n'en fassent expressément la demande d'avance. À moins que les avocats et les juges demeurent inchangés tout au long du procès, ce qui est rarement le cas...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je regrette de devoir vous interrompre, mais votre temps de parole est expiré.
M. Joseph Ben-Ami: Je regrette, monsieur. Je croyais que nous partagions notre temps de parole.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui, mais je croyais que vous aviez cinq minutes.
M. Joseph Ben-Ami: Voulez-vous dire cinq minutes pour nous deux?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.
M. Joseph Ben-Ami: Oh, ensemble.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Dans ce cas,... avez-vous presque terminé?
M. Joseph Ben-Ami: Oui, j'ai presque terminé, monsieur.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Combien de temps vous faudra-t-il?
M. Joseph Ben-Ami: Une minute.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien.
M. Joseph Ben-Ami: Je sais que je manque de temps, mais je voudrais faire quelques recommandations.
Tout d'abord, le juge Cunningham a rejeté ma requête et m'a ordonné de payer les frais juridiques de mon ex-épouse.
Lorsque nous nous sommes adressés au juge Aitken pour qu'il règle la question, puisqu'il était le seul à avoir conservé des notes de sa décision, il a refusé de nous rencontrer et de rencontrer l'avocat de la partie adverse, en faisant valoir que le juge Cunningham était la dernière personne à avoir statué dans cette affaire.
Bien que les règles de procédure aient été suivies de façon rigoureuse, nous avons peut-être été victimes d'un déni de justice et d'une erreur en droit, si bien que les enfants et moi nous sommes retrouvés sans soutien financier pendant deux ans et demi et que mon épouse et moi-même avons dépensé en vain des milliers de dollars en frais juridiques.
Si vous me le permettez, monsieur, je passerai immédiatement à mes recommandations.
Premièrement, d'après notre expérience, et il ne s'agit là que d'une bien petite partie des choses terribles que nous avons vécues, l'obtention d'une pension alimentaire pour enfants devait relever de la procédure administrative, et non pas des tribunaux.
Les juges devraient se prononcer uniquement sur le droit de visite et la garde. Une fois ces deux aspects réglés, le parent ayant la garde de l'enfant devrait pouvoir produire une ordonnance valide de la cour assurant l'accès au bureau de soutien de la famille afin d'obtenir une saisie-arrêt de salaire.
Nous nous objectons au fait que le paiement de la pension alimentaire soit lié au droit de visite ou inversement. Les enfants devraient avoir un droit inaliénable au soutien financier de leurs parents et ne devraient être privés de ce droit pour aucune raison.
Par ailleurs, de nombreux parents qui veulent désespérément voir leurs enfants croient que le fait de retenir la pension alimentaire est le seul moyen dont ils disposent pour y arriver. Pour remédier à cette situation, nous recommandons que la loi traite la violation des ordonnances de cour, qu'elles concernent le droit de visite ou la pension alimentaire, comme une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité et qu'elle prévoie des peines minimales claires.
Il est tout simplement ridicule qu'une personne soit obligée de demander une ordonnance de la cour pour obliger quelqu'un à se plier à une autre ordonnance du tribunal. Les autorités devraient automatiquement appliquer les ordonnances.
La production d'un faux document constitue déjà une infraction. Nous croyons que le fait de produire une déclaration mensongère en vertu d'un affidavit ou de se parjurer dans le cadre d'un procès concernant la garde ou le droit de visite devrait aussi constituer une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité et la loi devrait prévoir des peines minimales claires à cet égard.
Enfin, nous croyons que les juges doivent être tenus responsables de leurs actes. Il existe bien un processus d'appel, mais ce processus est beaucoup trop lent et coûteux. Il faudrait simplifier cet aspect du processus.
Merci beaucoup, monsieur.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
M. Joseph Ben-Ami: Je remercie le comité de son indulgence.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Atwill.
M. James Atwill (témoigne à titre personnel): Bon après-midi.
Mon numéro de dossier, dans l'affaire Atwill p. Atwill, en 1998, était le 33565.
Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole aujourd'hui. Mon enfant unique, Jamee Beth, est née il y a 12 ans. L'emploi que j'occupe au service des incendies de Gloucester m'a permis de passer beaucoup de temps avec elle, probablement plus que ne le peuvent la plupart des pères.
Depuis le premier soir où Jamee Beth est née, je me suis occupé d'elle: je préparais ses repas, je la nourrissais, je lui donnais son bain, je l'habillais, je jouais avec elle et je la mettais au lit. Nous passions tellement de temps ensemble qu'on disait d'elle qu'elle était mon ombre. Là où je me trouvais, on voyait ma fille.
Tout cela a pris fin avec la rupture de mon mariage au début 1988. Le 17 mars 1988, à mon retour du travail, j'ai constaté que mon épouse avait quitté la maison avec ma fille et qu'elle était allée vivre chez sa mère, à Saint-John, au Nouveau-Brunswick. À partir de ce moment, j'ai communiqué avec mon épouse par l'intermédiaire des avocats. En dépit de nombreuses demandes pour voir mon enfant, j'ai dû attendre une ordonnance attributive de droit de visite de la cour, en septembre, soit six mois plus tard. Cette date a sonné le début de la fin de ma relation avec ma fille.
• 1555
Pendant ce temps, j'ignorais complètement ce qui nous
attendait, ma fille Jamee et moi, et j'ai accepté que mon épouse
ait la garde de notre fille. À ma connaissance, ceux de mes amis
qui étaient séparés ou divorcés n'avaient jamais eu de problème en
ce qui concerne le droit de visite de leurs enfants. En juin 1988,
le tribunal a émis une ordonnance accordant à mon épouse la garde
provisoire et une pension alimentaire, et à moi-même un droit de
visite raisonnable. L'ordonnance prévoyait également que Jamee Beth
devrait demeurer dans la province de l'Ontario, bien que mon épouse
ait déménagé en mars 1988.
En septembre, j'ai effectué la première des sept visites que j'allais faire au Nouveau-Brunswick au cours d'une période de deux ans. Après avoir attendu près de six mois pour voir Jamee Beth, mon avocat m'a informé que mon épouse avait présenté une requête qui devait être entendue le matin de ma première journée de visite.
Elle voulait limiter le nombre d'heures de visite qui m'avaient été accordées et souhaitait qu'elle-même ou un membre de sa famille soit présent auprès de ma faille lorsque je lui rendrais visite. Sa requête a été rejetée. Mon épouse ne s'est cependant pas laissée décourager par cet échec et a fait en sorte, avec les membres de sa famille, que je n'aie plus de relations avec ma fille.
La première visite que j'ai rendue à ma fille a été un désastre. Elle n'avait pas été préparée à ma venue. Lorsque je me suis présenté à sa résidence, je pouvais l'entendre dire, à grands cris, qu'elle ne voulait pas venir avec moi. Sa mère, sa tante, son oncle et sa grand-mère m'ont clairement fait comprendre, par leur attitude, qu'ils ne m'aimaient pas. Je n'avais pas vu ma fille depuis plusieurs mois. Elle avait eu deux ans la veille du jour où sa mère l'a emmenée au Nouveau-Brunswick. J'étais presque devenu un étranger pour cette enfant, qui me suivait pourtant pas à pas six mois plus tôt.
Mon épouse savait ce qu'elle faisait lorsqu'elle a décidé d'empêcher ma fille de me voir le plus longtemps possible: un enfant de deux ans oublie plus vite qu'un enfant de dix ans.
J'ai parlé à d'autres pères qui ont vécu des situations semblables et qui tentaient de rendre visite à leurs enfants alors que leur mère voulait les en éloigner. Ils m'ont raconté que la police avait parfois dû intervenir, que l'enfant était malade et ne pouvait sortir de la maison, qu'ils ne pouvaient voir leur enfant pendant toute la durée prévue de la visite parce que ce dernier suivait des cours de danse ou de natation, ou encore que la fin de semaine ne convenait pas à une visite parce l'enfant partait en vacances avec le parent qui en avait la garde.
Je connais toutes ces raisons. J'ai vécu ces situations. La plupart des autres pères qui ont éprouvé des difficultés à visiter leurs enfants ont eux aussi vécu ces situations.
Le plus difficile pour moi, c'était de constater, lorsque je voyais ma fille ou lui parlais au téléphone, à quel point elle était manipulée par mon épouse et sa famille. Jamee était devenue une petite fille apeurée qui ne savait pas à quoi s'attendre de ma part. Pour elle, j'étais devenu l'ogre d'Ottawa qui allait l'emporter. Lorsque je lui téléphonais entre mes visites, elle me disait qu'elle ne voulait pas me parler, ou encore qu'elle me haïssait. Une petite fille de cet âge ne tient habituellement pas ce genre de discours. On lui avait certainement appris quoi dire. Mon épouse m'avait clairement fait comprendre qu'elle ne voulait pas que j'aie de contacts avec Jamee.
En octobre 1988, mon avocat a reçu, par télécopieur, une proposition signée par mon épouse, dans laquelle celle-ci me proposait de me dispenser des pensions alimentaires pour ma fille et pour elle et des autres coûts, si j'acceptais de renoncer à mon droit de visite auprès de ma fille.
La dernière fois que j'ai vu ma fille, c'était en 1990. Comme les autres fois, mon épouse et les membres de sa famille m'ont clairement montré que je n'étais pas le bienvenu. Ma fille est devenue tellement excédée qu'elle en a été malade. Je me suis alors rendu compte que mon seul plaisir, qui était pourtant peu de chose, était de voir ma fille. Mes visites ne lui apportaient rien, car elle était manipulée par sa mère et les membres de sa famille, qui voulaient l'empêcher d'avoir toute relation avec moi.
Cela fait huit ans que j'ai vu ma fille. Celle-ci avait alors quatre ans. Elle a maintenant douze ans. Je ne sais pas de quoi elle à l'air. Je n'ai jamais reçu de photo d'elle. Je ne sais pas si elle aime l'école, si elle est en santé, si elle va à l'église, ou si on lui a parlé de moi.
Elle me manque à chaque jour et je prie pour elle. Je lui écris à toutes les deux semaines et je lui envoie des cartes, des cadeaux et des lettres à sa fête, à Noël, à la Saint-Valentin et à Pâques. Je ne sais pas si elle les reçoit.
• 1600
Il y a aussi d'autres personnes dans ma vie à qui Jamee
manque. Ma mère a perdu son seul petit-enfant lorsque celui-ci
avait deux ans. Mon frère, ma soeur, mes oncles et mes cousins ont
été privés de la possibilité de donner à Jamee leur amour et leur
soutien. Celle-ci ne connaîtra jamais ce côté de sa famille.
J'ai toujours payé la pension alimentaire de Jamee. Je ne suis pas un père mauvais payeur. Si je suis ici aujourd'hui, ce n'est pas parce que je pense que vous pouvez faire quelque chose pour moi. Je crains qu'il ne soit trop tard. Je suis plutôt ici parce que je veux que vous fassiez tout ce que vous pouvez pour faire en sorte que d'autres pères et leurs enfants n'aient pas à vivre ce que Jamee et moi avons vécu.
J'ai quatre recommandations à faire. Premièrement, nous avons tous entendu parler des pères mauvais payeurs. Des peines sont prévues dans leur cas. Mais qu'en est-il des mères qui ne respectent pas leurs engagements? Il faut prévoir des mesures pour celles-ci. Si les mères ne respectent pas à trois reprises ce qui est prévu en matière d'accès, elles devraient être emprisonnées. Si elles récidivent par la suite, la garde de l'enfant devrait être transférée à l'autre parent.
Deuxièmement, le conjoint ayant la garde ne devrait pas avoir le droit de déménager de la ville ou de l'endroit où il vit, sauf si c'est à une distance raisonnable en auto, par exemple trente ou quarante milles.
Troisièmement, la garde conjointe devrait être automatique, sauf si ce n'est pas indiqué en raison de circonstances exceptionnelles.
Quatrièmement, si la garde doit être accordée à un seul parent, il ne faut pas automatiquement supposer que la mère est le meilleur parent. La société a changé. Les deux parents travaillent et tous deux dispensent des soins aux enfants et subviennent à leurs besoins. Il faut prévoir des critères afin de déterminer quel parent fera volontairement participer l'autre à la vie de l'enfant.
Je vous remercie.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup, monsieur Atwill.
Chers collègues, nous passons aux questions, mais je dois vous rappeler que la séance ne dure qu'une demi-heure. Par conséquent, essayez de limiter vos questions et de faire en sorte que celles-ci soient brèves.
Nous commençons avec la sénatrice Cohen.
La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Merci beaucoup.
Je vous remercie beaucoup de vos exposés. Comme c'est habituellement le cas, cela fait mal que de vous entendre relater ces expériences malheureuses. Nous ne les avons pas vécues personnellement, mais nous ressentons la douleur que vous exprimez.
Monsieur Atwill, je dois vous dire qu'au tout début je n'étais pas d'accord avec votre recommandation portant qu'un parent qui refuse l'accès trois fois à un enfant se voit imposer une peine par les autorités. Je me préoccupais de savoir ce qui était dans l'intérêt de l'enfant. Toutefois, l'intérêt de l'enfant inclut aussi l'amour et l'attention du père, en plus de ceux de la mère. Par conséquent, je suis d'avis que cette recommandation mérite d'être prise en considération.
Ma question s'adresse à n'importe lequel d'entre vous. Si l'action en divorce et tout ce qui s'y rattache avaient été tranchés par une instance autre qu'une cour de justice, par exemple un tribunal ou un groupe spécial, pensez-vous que cela aurait fait une différence au niveau des hostilités? Non?
M. James Atwill: Pas dans mon cas. Nous avons eu recours aux procédures de communication et d'interrogatoire préalables, mais ma femme n'a pas rien voulu savoir. Même avant ces procédures, j'ai proposé que nous ayons du counselling, mais ma femme s'y est tout à fait opposée.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Ben-Ami, voulez-vous répondre à cette question?
M. Joseph Ben-Ami: Madame la sénatrice, nous avons eu recours à la médiation au début et des changements ont été apportés. Nos points de vue ont changé. Par conséquent, cela n'aurait pas non plus fait quelque différence que ce soit dans notre cas.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Lloyd.
M. George Lloyd: Je dois aussi dire que la médiation, ou une tentative faite afin d'éviter de devoir passer par le système judiciaire, entraîne une certaine réaction. Par exemple, ma femme ne s'est tout simplement pas présentée aux séances de médiation. Elle s'est fait représenter par son avocat.
C'est ce qui va se passer tout au long du processus. Chaque fois que vous essayer quelque chose, vous vous retrouver face à un avocat, puis devant la cour. Je ne pense pas qu'il soit possible d'éviter de passer par les tribunaux.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Cohen Ben-Ami.
Mme Lynne Cohen Ben-Ami (témoigne à titre personnel): Je dirais que lorsque vous traitez avec un menteur psychopathique et pathologique, il faut passer par les tribunaux. Des peines doivent être prévues.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame Finestone.
L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
• 1605
Il n'est pas facile pour nous d'entendre ces témoignages, et
je sais qu'il n'a pas été facile pour vous de vivre ces
expériences, mais nous voulons des recommandations concrètes que
nous pourrons soumettre au ministre, dans le but d'apporter des
changements au système. Par conséquent, je veux vous demander si
les ordonnances émises par la cour à l'origine renfermaient une
directive portant que la police avait le pouvoir d'assurer le
respect ou l'exécution de ces ordonnances.
M. George Lloyd: Au début, l'ordonnance de la cour prévoit simplement un accès raisonnable, puis vous obtenez une ordonnance plus précise dans laquelle on stipule la date, l'heure et l'endroit où vous voyez l'enfant, et même la façon dont les choses doivent se passer.
Mais pour ce qui est de savoir si l'ordonnance renferme une directive permettant à la police d'assurer l'exécution de ladite ordonnance, la réponse est non. Les avocats m'ont dit que la cour peut inclure quelque chose—je pense que vous avez utilisé la phrase «la police peut...
L'hon. Sheila Finestone: «doit».
M. George Lloyd: ... intervenir», mais la cour n'utilise pas le mot «doit». Ce terme ne figure pas sur une ordonnance du tribunal et, selon les avis juridiques que j'ai obtenus, il n'est pas possible d'obtenir un tel libellé. Les avocats m'ont aussi dit que le solliciteur général avait ordonné aux policiers de ne pas assurer l'exécution des ordonnances de la cour, sauf lorsqu'ils en reçoivent l'ordre précis, ce qui, à ma connaissance, ne s'est jamais produit.
L'hon. Sheila Finestone: Merci.
Je dois donc reformuler ma question. Supposons que l'on recommande que le tribunal donne l'ordre que les ordonnances d'exécution soient respectées. Une telle recommandation permettrait de s'assurer que l'accès est accordé.
M. George Lloyd: Je serais très heureux de cela. Je serais très heureux si l'ordonnance de la cour prévoyait automatiquement que la police veillera à l'exécution de celle-ci, dès la première fois où l'accès est refusé.
L'hon. Sheila Finestone: Merci.
S'il y en a parmi vous qui ont des choses à ajouter, n'hésitez pas à le faire.
M. James Atwill: J'ai obtenu une ordonnance pour voir mon enfant, après avoir attendu six mois. Lorsque je suis finalement arrivé—je ne vous raconte que l'essentiel, sans entrer dans les détails—mon ex-femme a appelé la police. Les policiers sont arrivés. Pendant ce temps, mon enfant était hystérique. Toute l'affaire était un véritable cirque. Lorsque les policiers sont arrivés et qu'ils ont vu mes documents, ils ont dit que j'étais dans mon droit et qu'il n'y avait aucun problème, mais ma petite fille était tellement terrorisée que je me suis retrouvé à l'intérieur de la maison de mon ex-femme et que j'y suis resté une heure. J'étais censé avoir ma fille durant plusieurs heures. Toute la journée a été ruinée.
Le lendemain, encore au moyen d'ordonnances de la cour, ils ont appelé un travailleur des services à l'enfance du Nouveau-Brunswick, parce qu'un de leurs amis est médecin. Encore une fois, je n'ai pu voir ma fille. Je suis rentré à Ottawa en auto. Et je ne vous raconte pas les détails.
L'hon. Sheila Finestone: Merci. Je comprends. Je sais combien cela a dû être pénible.
J'ai aussi une question au sujet des fausses allégations.
M. Joseph Ben-Ami: Pouvons-nous uniquement répondre à la première question?
L'hon. Sheila Finestone: Oui.
M. Joseph Ben-Ami: Je m'oppose à ce que la police s'occupe de l'exécution des ordonnances de la cour, parce que c'est une expérience plutôt traumatisante pour les enfants.
Cela dit...
L'hon. Sheila Finestone: Comment faire pour que les ordonnances de la cour soient respectées? Cette question est très préoccupante. Lorsque vous constatez que les juges donnent des avis contradictoires—comme dans votre cas—qui sèment la confusion et que vous devez revenir devant les tribunaux, cela coûte très cher. Si la première ordonnance avait été claire et non frelatée, les choses auraient-elles été plus simples? L'autre question que je veux vous poser a trait aux fausses allégations.
Vous avez la parole.
M. Joseph Ben-Ami: Pour revenir brièvement à votre question sur l'accès et les ordonnances de la cour, je pense que la principale raison pour laquelle ces ordonnances ne sont pas respectées est que les gens savent que celles-ci ne sont pas prises au sérieux. Le problème ce n'est pas que la police ne peut assurer l'exécution des ordonnances, c'est le fait que personne ne prend celles-ci au sérieux.
L'hon. Sheila Finestone: La recommandation de notre comité à la ministre de la Justice et au solliciteur général est que ces ordonnances doivent être prises au sérieux et qu'elles doivent être respectées.
M. Joseph Ben-Ami: Absolument.
L'hon. Sheila Finestone: La deuxième question a trait à la manière et au mécanisme d'exécution utilisés par la police. Ai-je raison? L'exécution doit être assurée par la police. De quelle autre façon peut-on assurer l'exécution s'il n'y a pas de terrain neutre où les enfants peuvent être vus et supervisés?
Mme Lynne Cohen Ben-Ami: À ce sujet, j'allais justement mentionner que, parfois... Dans notre cas, il y a une autre personne qui a accès aux enfants. Nous sommes les parents qui dispensons les soins primaires. Or, cette autre personne a téléphoné cinq fois à la police pour faire de fausses...
L'hon. Sheila Finestone: En invoquant quels motifs?
Mme Lynne Cohen Ben-Ami: Oh, divers motifs. Dans un cas c'était pour faire respecter un droit d'accès dont elle ne s'était jamais prévalue. Les policiers sont venus cogner à la porte à une heure du matin. Cette femme les accompagnait. Ils voulaient voir l'ordonnance de la cour. Il n'y avait pas d'exécution de la part de la police. Cette personne n'avait jamais sorti les enfants à ce moment là, puis tout à...
L'hon. Sheila Finestone: À une heure du matin, j'espère bien que non.
Mme Lynne Cohen Ben-Ami: Ce soir là, ils étaient censés... De toute façon c'est un exemple de motif, elle a appelé...
L'hon. Sheila Finestone: Je vais vous dire ce que je conclus de tout cela. Je ne veux pas vous interrompre, mais nous n'avons pas beaucoup de temps. Je tiens seulement à dire clairement qu'il faut prévoir un mécanisme en ce qui a trait aux fausses allégations liées à des ordonnances attributives de droit de visite. Des peines doivent être prévues pour de tels cas. Les policiers doivent savoir qu'ils ont le droit d'agir de la sorte, et les juges doivent respecter leur propre question.
J'ai une question au sujet de l'absence de comptes rendus. Avez-vous quelque chose à dire concernant la nécessité de toujours avoir un compte rendu écrit de toute audience devant un juge siégeant en chambre ou à la cour?
M. Joseph Ben-Ami: Oui. Il n'y a pas toujours d'ordonnances écrites. Parfois, on laisse aux avocats la...
L'hon. Sheila Finestone: Il n'y a pas de compte rendu écrit. Monsieur le président, je pense qu'il y a un problème lié au fait que les audiences tenues par un juge siégeant en chambre ne font pas nécessairement l'objet d'un compte rendu et qu'il n'y a aucune obligation de conserver de tels dossiers.
M. Joseph Ben-Ami: Madame Finestone, le problème est beaucoup plus répandu que cela. En fait, il n'y a pas de rapporteurs dans les salles d'audience pour enregistrer les discussions ayant trait aux ordonnances provisoires, sauf si une demande est présentée à cet égard. Il n'y a pas de transcriptions. Si un témoignage est donné, celui-ci ne peut être utilisé comme élément de preuve au cours d'une audience ultérieure lorsque le juge ou les avocats ne sont pas les mêmes. Par conséquent, il faut essentiellement repartir à zéro à chaque nouvelle audience.
L'hon. Sheila Finestone: C'est un point très important et je vous remercie de l'avoir porté à notre attention. Nous l'avions entendu auparavant, mais je tiens à dire clairement que c'est une question dont nous voulons discuter dans notre rapport.
M. George ou M. Lloyd, c'est intéressant d'avoir un nom comme George Lloyd au lieu de Lloyd George.
M. George Lloyd: En effet. À l'école secondaire, on m'appelait des deux façons.
Vous avez dit que les policiers allaient assurer l'exécution des ordonnances de la cour. La loi nécessaire est déjà en place. En Ontario, la Loi portant réforme du droit de l'enfance ne dit pas que les policiers doivent assurer l'exécution des ordonnances, mais celle-ci prévoit que la cour peut ordonner à la police d'assurer cette exécution. Pour autant que je sache, cela ne s'est jamais produit, et je me demande comment réagit le Parlement lorsque les tribunaux ne tiennent pas compte des dispositions législatives adoptées par celui-ci.
L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Lloyd, cette question a déjà été portée à notre attention, et on nous a dit que, dans bien des cas, le juge stipule que l'ordonnance doit être exécutée. Toutefois, lorsqu'un juge n'a pas donné cette directive écrite, les policiers refusent d'assumer ce que nous considérons actuellement comme une obligation qui leur incombe.
Le dernier point abordé était celui des allégations fausses, non étayées. Votre exposé et vos suggestions quant à l'utilité d'avoir un mécanisme pour s'occuper des fausses allégations ont le mérite de souligner qu'il s'agit d'une infraction criminelle en vertu du Code criminel. Je pense que c'est une question dont nous devrions faire mention dans notre rapport et qui mérite notre appui.
Avez-vous d'autres observations à formuler relativement à ce point?
M. Joseph Ben-Ami: Madame Finestone, je veux simplement ajouter que je ne suis pas avocat. Je ne suis pas certain, mais je ne pense pas que ce soit une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité. Je pense que c'est un aspect qui serait abordé plus tard.
Les juges devraient avoir le pouvoir... Ce devrait être une infraction distincte en soi. Lorsque des preuves incontestables réfutent des allégations faites, les auteurs de ces allégations devraient... Je ne suis pas d'accord que l'on emprisonne les mères et les pères. Cela ne servirait pas les intérêts de qui que ce soit, surtout pas les enfants, mais je pense qu'il faut frapper là où cela leur fait mal. Comme nous sommes au Canada, ce n'est pas en emprisonnant les personnes qu'on leur fait mal, mais bien en s'en prenant à leur porte-monnaie. Il faut imposer des amendes, de lourdes amendes.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Le sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Monsieur et madame Ben-Ami, nous savons qu'il existe un problème d'accès, mais vous nous avez dit que, dans votre cas, une partie du problème était liée au fait qu'une pension alimentaire à laquelle vous aviez droit n'avait pas été payée.
M. Joseph Ben-Ami: Et ne l'est toujours pas, monsieur.
Le sénateur Duncan Jessiman: Bien. Nous avons resserré la Loi sur le divorce. Je sais par expérience que les gouvernements provinciaux exécutent ces ordonnances. La personne peut faire l'objet d'une saisie-arrêt. Elle travaille pour le gouvernement et son salaire peut être saisi. En outre, elle peut être privée de son permis de conduire, et il devrait être possible de lui enlever son passeport. Avez-vous essayé ces mesures?
M. Joseph Ben-Ami: Monsieur, le problème n'est pas que nous avons une ordonnance que l'on ne peut faire respecter. Le problème c'est que nous n'avons pu trouver un seul juge pour nous donner une ordonnance. Nous nous occupons des enfants bien au-delà de 60 p. 100 du temps sur l'ensemble de l'année, tel que prévu dans la loi. Lors de la dernière audience que nous avons eue relativement à la pension alimentaire devant le juge Cunningham, ici à Ottawa, celui-ci a essentiellement dit que, même si nous respectons la norme de temps prévue dans la loi, Mme le juge Aitken avait déjà rendu une décision et qu'il n'allait pas renverser celle-ci. Nous pensons qu'il a commis une erreur de droit et on nous a conseillé d'interjeter appel de la décision. Toutefois, le processus d'appel est long, lourd et, comme je l'ai mentionné, extrêmement coûteux. Nous avons pour ainsi dire renoncé à la pension alimentaire jusqu'à ce que nous puissions aller en procès et faire trancher cette question. Ce n'est pas nous qui avons perdu de l'argent. Ce sont les enfants qui ont été privés de milliers de dollars. Ils n'ont pas reçu un sous en pension alimentaire depuis plus de deux ans.
Mais voilà le problème. Ce n'est pas que le mécanisme d'exécution n'est pas prévu.
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais vous n'avez pas d'ordonnance. Je croyais que vous aviez une ordonnance pour obtenir l'exécution forcée...
M. Joseph Ben-Ami: Non, monsieur.
Mme Lynne Cohen Ben-Ami: Nous avons un droit. Nous avons un droit établi par la loi.
M. Joseph Ben-Ami: Nous avons un droit, mais il était impossible d'obtenir l'accès à un tribunal.
M. George Lloyd: Je tiens à souligner qu'il y a en fait, contrairement à ce qu'affirment les avocats, un lien manifeste en fait comme en droit entre le droit de visite et la pension alimentaire. Vous-même, monsieur le sénateur, vous venez de mentionner le projet de loi C-41, qui retire le passeport, et la loi ontarienne 82 ou 128—j'oublie son numéro exact—qui retire le permis de conduire. Le résultat, c'est qu'il y a effectivement déni du droit de visite au parent qui n'a pas la garde et qui, pour une raison quelconque, s'abstient illégalement—ce que je n'approuve pas—de payer la pension alimentaire.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Nous avons déjà dépassé d'un quart d'heure le temps alloué. Je vous remercie tous de vos témoignages qui sont vraiment émouvants.
La sénatrice Anne Cools: Je crois, madame la présidente, que le deuxième groupe de témoins, les Ben-Ami, n'ont pas fait consigner au compte rendu l'intitulé de leur cause, ou est-ce que je me trompe? Il serait bon peut-être de...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'allais poser la même question.
Monsieur Ben-Ami, auriez-vous l'obligeance de nous indiquer le numéro du greffe de votre cause?
M. Joseph Ben-Ami: Quel numéro du greffe, monsieur?
La sénatrice Anne Cools: Le numéro du greffe de votre cause.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Le numéro du greffe de votre cause, oui.
M. Joseph Ben-Ami: Ah oui. Je crois que c'est 9654404.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Et l'intitulé de la cause?
M. Joseph Ben-Ami: C'est Ben-Ami c. Wilcox.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
J'appelle Mme Leighann Burns-Campagna. Veuillez vous avancer, s'il vous plaît.
Madame Burns-Campagna, vous représentez Harmony House. Voulez-vous commencer?
Mme Leighann Burns-Campagna (directrice exécutive, Harmony House): Oui, merci.
Harmony House est un asile de deuxième recours pour les femmes maltraitées et leurs enfants. Il existe depuis 1987. le projet a été proposé pour la première fois par l'église anglicane St. Matthews dans le quartier Glebe après consultation du conseil de planification sociale d'Ottawa-Carleton pour savoir quels étaient les groupes les plus nécessiteux et quelle était la meilleure façon pour la paroisse d'aider bénévolement la collectivité.
À l'époque de sa création, Harmony House, Il n'y avait qu'un seul autre asile de la sorte en Ontario et cinq autres dans tout le Canada. Même aujourd'hui, Harmony House est le seul asile de deuxième recours pour les femmes maltraitées et leurs enfants dans l'est de l'Ontario. Nous disposons de 16 logements à prix abordable à offrir aux victimes de violence. Le loyer est fonction de leur revenu. Au départ, Harmony House n'avait que dix logements et après 11 années d'existence, nous disposons maintenant de 16.
• 1620
Les services que nous offrons comprennent des logements
sécuritaires, un soutien individuel et collectif, et des services
d'accompagnement, d'assistance et de présentation. Le soutien
individuel consiste, notamment, à aider les femmes à raconter ce
qui leur était arrivé, à leur faire comprendre que la violence qui
leur était faite n'était pas de leur faute et à leur redonner
confiance en elles-mêmes. Nous offrons le même genre de soutien à
leurs enfants; en plus, nous les aidons à comprendre que la
violence n'est pas la seule solution et à trouver d'autres façons
d'exprimer leurs sentiments que celle violente de leur père.
C'est le soutien mutuel et collectif offert par Harmony House qui est vraiment important parce que les victimes de violence conjugale se sentent habituellement très isolées. Grâce aux amies qu'elles se font parmi les autres résidentes, elles retrouvent l'estime de soi et un autre sens à leur vie. Parmi les services offerts par Harmony House, ceux d'accompagnement et d'intervention sont relativement nouveaux.
La plupart des femmes qui résident à Harmony House ont été parties à une action en justice, à propos notamment de la garde et du droit de visite des enfants, des ordonnances d'interdiction de communiquer ou de bonne conduite, des poursuites pour voies de fait contre leur ex-partenaire. Ces procédures sont complexes et longues; pour les femmes et leurs enfants surtout qui n'ont jamais eu affaire avec la justice, il leur est difficile, sinon impossible, de s'y retrouver.
Notre personnel explique les procédures judiciaires aux résidentes et à leurs enfants, les aide à comprendre leurs droits, leur indique à qui s'adresser au sujet des aspects particuliers de leur situation, affecte des bénévoles pour les accompagner au tribunal, au poste de police, au service d'immigration, etc.
Avant de venir habiter chez nous, beaucoup de nos résidentes devaient vivre en cachette depuis la dernière scène de violence tant elles avaient peur de se retrouver face à face avec leur attaquant. C'est pourquoi il est essentiel pour elles d'avoir la présence rassurante d'une accompagnatrice dans la salle d'audience.
En janvier 1996, le gouvernement conservateur en Ontario a coupé sa subvention au programme de Harmony House et à tous les autres asiles de deuxième recours dans la province. Plusieurs de ces asiles ont dû fermer leurs portes. D'autres, dont Harmony House, continuent à grand-peine d'offrir des services aux victimes de violence conjugale. Depuis que nous avons perdu notre subvention, soit depuis environ deux ans et demi, nous avons donné sécurité et liberté à 250 femmes qui ont trouvé asile chez nous ainsi qu'à beaucoup d'autres qui continuent de faire appel à nos services de soutien.
Harmony House appuie sans réserves les mémoires présentés par l'Association nationale de la femme et du droit et l'Ontario Association of Interval and Transition Houses. Ces mémoires traitent en détail des aspects juridiques et politiques particuliers sur lesquels devrait se pencher ce comité. En tant qu'organisme de service de première ligne, Harmony House est bien positionnée pour traiter des questions de garde et de droit de visite et de leur conséquence pour nombre de femmes et d'enfants qui ont trouvé asile chez nous ou qui utilisent nos services.
Aujourd'hui, avec le peu de temps dont je dispose, je voudrais simplement vous parler de la réalité de la garde et du droit de visite en ce qui concerne les femmes et les enfants victimes de violence conjugale qui ont trouvé asile chez nous. À cet effet, j'ai analysé la situation en 1997. Cette année-là, nous avons donné asile à 61 femmes et 62 enfants. Trente-quatre femmes, soit 55 p. 100 de nos résidentes adultes, sont venues avec leurs enfants. Dans leurs cas, les situations concernant la garde et le droit de visite des enfants se divisent en plusieurs catégories.
Droit de visite, actuellement en place, 26 p. 100; pas de droit de visite, le père ne l'a pas demandé ou ne l'exerce pas, 41 p. 100; pas encore de droit de visite, mais la mère est disposée à l'accepter s'il est stipulé, 9 p. 100; les enfants sont assez grands pour décider eux-mêmes, 3 p. 100; le tribunal n'a pas stipulé de droit de visite, 9 p. 100; enfin, la mère n'a pas cherché à mettre obstacle au droit de visite, 12 p. 100. Ainsi donc, dans 76 p. 100 des cas, le droit de visite est déjà en place, est disponible ou va bientôt l'être.
Ces chiffres démentent les affirmations qu'on voit souvent dans la presse selon lesquelles le parent qui n'a pas la garde des enfants, habituellement le père, se voit fréquemment empêché de rendre visite à ses enfants. En effet, à Harmony House en 1997, la catégorie la plus nombreuse des cas est celle où il n'y a pas de droit de visite parce que le père ne l'a pas demandé ou ne l'exerce pas.
En revanche, très souvent la mère est disposée à consentir au droit de visite si elle estime que le père de ses enfants prennent suffisamment soin d'eux, ne va pas commettre d'autres actes de violence à leur égard ou ne va pas profiter du droit de visite ou de communication pour continuer à la harceler ou à la maltraiter. Même dans les cas elle craint pour le bien-être affectif ou la sécurité physique de ses enfants durant les visites, très souvent son avocat lui conseille activement de faciliter, d'encourager et d'accepter les visites afin de ne pas paraître inamicale. En outre, lorsque les enfants ne veulent pas rendre visite à leur père ou craignent d'aller le voir, la mère se voit quand même obligée de les envoyer le voir contre leur meilleur jugement ou contre leur gré.
Je m'inquiète beaucoup de la presse qu'a reçue cette question. La presse ne semble pas refléter la réalité des situations que connaissent les femmes qui doivent recourir aux asiles pour fuir la violence conjugale et qui sont, à première vue, la catégorie de parents à refuser le droit de visite à leur ex-partenaire selon toute vraisemblance. Par conséquent, je compte sur le comité pour faire les recommandations qui s'imposent sur la réalité de ces situations. J'estime que la première chose à faire à ce sujet est d'examiner soigneusement le nombre de fois où le droit de visite a été refusé.
• 1625
J'ai terminé mon exposé de cinq minutes et je suis à votre
disposition pour répondre à vos questions.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
La sénatrice Pépin.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.): On sait que pour un certain groupe de familles, la violence familiale est la raison du divorce. On sait également, comme vous l'avez précisé, que les visites du parent violent posent un problème. Vous nous avez dit que 70 p. 100 des pères avaient un accès et que 41 p. 100 des pères ne demandaient pas ou n'utilisaient pas ce droit.
Mais quels sont les besoins des femmes, des mères de famille, et quel est leur point de vue? On nous dit qu'on ne devrait pas nier au père le droit de visite même s'il est violent et que, dans un tel cas, les visites du père devraient être supervisées. Comment peut-on concilier le fait que les mères sont dans des maisons d'abri avec le droit de visite des pères? Comment voyez-vous cela dans la perspective du bien de l'enfant? Comment peut-on faciliter cela? Est-ce que c'est bon? Est-ce qu'il y a des façons de le faire qui sont meilleures que d'autres?
[Traduction]
Mme Leighann Burns-Campagna: C'est une question plutôt compliquée. D'après mon expérience, la grande majorité des femmes sont disposées à accepter le droit de visite si les visites surveillées sont possibles, accessibles et peu coûteuses, car elles se préoccupent de la sécurité de leurs enfants. Si la question de la sécurité des enfants pendant les visites ne les inquiète pas, elles ne s'opposent habituellement pas au droit de visite si celui-ci a été stipulé.
Là où le problème se complique, c'est lorsque le père violent jouit déjà du droit de visite. Ce que nous voyons dans notre asile lorsque le droit de visite n'est pas stipulé, c'est que le père appelle à toute heure pour arranger une visite ou vient à l'improviste pour l'obtenir et c'est au moyen des choses comme ça qu'un homme qui maltraite une femme peut continue de la harceler. C'est ainsi que les femmes doivent souvent faire indiquer très précisément dans l'ordonnance des choses comme «Vous avez le droit de visite de 18 h 30 à 20 h 30 les mercredis soirs à telle ou telle adresse» qui vont permettre d'arrêter les tentatives des partenaires violents d'utiliser le droit de visite pour continuer de les harceler.
À condition d'avoir de tels outils, la plupart des femmes sont disposées à accepter le droit de visite quand la sécurité de leurs enfants pendant les visites ne les inquiète pas.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Merci.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Je vous remercie, madame la présidente.
Quel est le mandat de Harmony House?
Mme Leighann Burns-Campagna: Nous sommes ce qu'on appelle un asile de deuxième recours ou asile de longue durée pour les femmes maltraitées. Il existe des asiles de crise qui offrent des séjours allant habituellement de six à huit semaines et où les résidentes vivent en communauté et...
M. Eric Lowther: Votre mandat est donc de répondre aux besoins des femmes maltraitées? Cela veut-il dire généralement...
Mme Leighann Burns-Campagna: C'est exact, sur une base permanente.
M. Eric Lowther: Ainsi donc, les personnes qui viennent chez vous sont des victimes de la violence et elles cherchent un asile, la sécurité, etc.
Mme Leignann Burns-Campagna: C'est exact.
M. Eric Lowther: Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi cela fait de vous la porte-parole en matière de garde et de droit de visite des enfants? À mon avis, votre échantillon n'est pas un échantillon représentatif et ne se rapporte qu'à un sous-ensemble. Les ruptures du mariage ne comportent pas toutes—loin de là, j'imagine, je ne sais pas—nécessairement un élément de violence.
Donc, j'essaie de faire le lien parce que votre échantillon, votre position, vos données concernant la question proviennent d'une optique vraiment biaisée—pas très biaisée certes, mais quand même biaisée—car il ne s'agit que de situations conjugales où il y a peut-être de la violence. Quand même, vous me dites...
Une voix: Il y a effectivement violence, pas peut-être.
M. Eric Lowther: C'est vrai. Merci.
• 1630
Et pourtant, dans 76 p. 100 de ces cas, il n'y a pas de
problème avec le droit de visite. Voulez-vous donc éclairer ma
lanterne? Il me semble que votre connaissance et votre perception
du sujet sont très limitées.
Mme Leighann Burns-Campagna: La violence faite contre les femmes et leurs enfants est au centre de toute notre discussion et il faut tenir compte de l'expérience des gens qui travaillent avec les victimes de cette violence dans tout changement à apporter ou dans tout examen de la question.
En outre, plus d'un quart des femmes signalent qu'elles ont été physiquement maltraitées dans leurs relations conjugales. Les statistiques sont renversantes et il faut examiner la question.
M. Eric Lowther: D'où prenez-vous cette statistique, le quart?
Mme Leighann Burns-Campagna: Du Centre canadien sur la violence faite aux femmes.
La sénatrice Anne Cools: Sheila Finestone est très au courant de cela.
Le sénateur Duncan Jessiman: Les deux tiers des accusations se sont révélées fausses. C'est ce qu'on nous a dit à Vancouver.
Mme Leighann Burns-Campagna: Oh, je...
Une voix: Non, non et non.
Le sénateur Duncan Jessiman: Nous l'avons appris de...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman, est-ce là une question complémentaire?
Mme Leighann Burns-Campagna: C'est là une question qu'il faudra étudier. Certaines des statistiques rapportées dans les médias me semblent bizarres et il m'est difficile de croire qu'elles sont exactes. C'est pourquoi avant de venir témoigner je me suis rendue à l'Université Carleton pour faire un peu de recherche informatisée sur PsychLit, qui contient les revues de psychologie de 1991 à 1997. Aucune des données que j'ai consultées ne confirme ce genre d'affirmation. Je ne sais donc sur quoi on s'est fondé pour dire cela. En fait, j'ai essayé en vain de mettre la main sur certaines des données qui ont été mentionnées dans ces audiences.
Le sénateur Duncan Jessiman: Si vous lisez le témoignage de la femme, je crois que c'était à Vancouver, qui se trouvait dans la même...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman, est-ce là une question complémentaire? M. Lowther n'a pas encore tout à fait fini?
M. Eric Lowther: Je voudrais simplement demander ceci. Votre principale préoccupation, c'est de protéger les femmes victimes de violence. Intervenez-vous dans les différends que vivent ces femmes concernant la garde des enfants ou est-ce un sujet à part? Intervenez-vous dans ces différends?
Mme Leignann Burns-Campagna: Qu'est-ce que vous voulez dire, intervenir dans un différend sur la garde des enfants?
M. Eric Lowther: Eh bien, leur donnez-vous des conseils sur ce qu'il faut faire?
Mme Leighann Burns-Campagna: Nous conseillons ces femmes sur les lois en vigueur, l'accès à un avocat, à l'aide juridique, etc. Nous les encourageons à décider elles-mêmes ce qu'elles veulent obtenir du système, mais nous leur donnons les outils afin d'y arriver.
M. Eric Lowther: S'agit-il de femmes mariées?
Mme Leignann Burns-Campagna: Est-ce qu'elles sont mariées?
M. Eric Lowther: Oui.
Mme Leighann Burns-Campagna: Je ne vois pas le rapport, mais la réponse est oui, beaucoup de nos résidentes sont mariées.
La sénatrice Anne Cools: Sénatrice, j'aimerais un éclaircissement.
M. Eric Lowther: Pouvez-vous nous donner des statistiques détaillées? Il y a un rapport avec ce que le comité étudie. Je me demande quelle est la répartition des femmes dans votre asile.
Mme Leighann Burns-Campagna: Je dois rentrer consulter mes données, mais je peux vous les fournir.
La sénatrice Anne Cools: Je suis désolée; je n'ai pas entendu. Mon collègue était en train de bavarder. De quels renseignements s'agit-il?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Elle ira chercher les données et elle nous les fournira.
La sénatrice Anne Cools: Elle doit rentrer pour consulter quoi?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pour obtenir les données et elle dit qu'elle les fournira.
La sénatrice Anne Cools: Pour savoir combien de ses résidentes sont mariées et combien vivent en concubinage?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est juste.
Sénatrice Cools, c'est votre tour de poser des questions.
La sénatrice Anne Cools: J'ai une petite question.
J'ai un exemplaire du rapport daté du 19 décembre 1996 et intitulé Prévention de la violence faite aux femmes: Un schéma de mise en oeuvre. C'est un rapport préparé et autorisé par la direction générale de la condition féminine à Toronto.
On peut lire à la page iv du rapport, section 9, et je cite:
Il s'agit d'un rapport sur les asiles pour femmes et sur la prévention de la violence en Ontario. Je me demande ce que le témoin pense que la direction générale de la condition féminine veut dire par là.
Mme Leighann Burns-Campagna: Je ne sais absolument pas ce que la direction générale de la condition féminine veut dire par là, mais je sais que le rapport a suscité une vive controverse en Ontario.
Je suis membre de l'Ontario Association of Interval and Transition Houses. J'ai travaillé pendant plusieurs années dans des refuges, dans plusieurs refuges de l'est de l'Ontario, et ce n'est certainement pas ce que j'ai constaté en travaillant à ces endroits ou dans des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle qui, je crois, sont aussi visés en l'occurrence.
La sénatrice Anne Cools: Je trouve simplement curieux que la Direction générale de la condition féminine du gouvernement de l'Ontario se...
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Cela s'appelle la...
[Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Leighann Burns-Campagna: En réalité, le rapport en question n'a pas été rendu public; il a été...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Continuez, je vous prie, ce que vous disiez au sujet de...
L'hon. Sheila Finestone: Il est important que cela figure dans le compte rendu.
Mme Leighann Burns-Campagna: Il y a toute une controverse à ce sujet.
La sénatrice Anne Cools: Madame la présidente, j'aimerais que le comité connaisse ce que je considère comme l'étiquette élémentaire lors des séances.
Mme Leighann Burns-Campagna: Il existe une énorme controverse au sujet de ce rapport. À mon avis, vous constaterez que certaines femmes...
La sénatrice Anne Cools:
[Note de la rédaction: Inaudible]... qui cadrent bien avec ce que vous avancez, de sorte que vous pouvez...
Mme Leighann Burns-Campagna: J'estime que ce rapport...
La sénatrice Anne Cools: Ne me montrez pas...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): À l'ordre, je vous prie. Cela vaut pour les deux côtés.
Mme Leighann Burns-Campagna: Je ne voudrais pas amener ici des enfants de notre centre.
La sénatrice Anne Cools: Franchement, madame la présidente, j'ai encore la parole. On m'a interrompue. J'avais la parole.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous avez posé une question, et le témoin y répond.
La sénatrice Anne Cools: J'étais en train de poser une question lorsqu'on m'a interrompue. De la façon dont nous fonctionnons, lorsque quelqu'un se fait interrompre, on redonne la parole à cette personne, pas à quelqu'un d'autre.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): En effet. Mme Burns-Campagna est en train de répondre à votre question.
Mme Leighann Burns-Campagna: Il y a tellement de choses qui laissent à désirer dans ce rapport qu'il m'est difficile de toutes vous les expliquer. Je sais que certaines recommandations proposaient diverses mesures, par exemple, de ramener la durée des séjours dans les refuges à une période de 24 à 48 heures et de renvoyer les femmes dans leur milieu afin qu'elles demandent à leurs voisins de veiller sur elles.
Toutes les femmes à qui j'en ai parlé en Ontario, notamment des militantes, mais aussi des survivantes dans les refuges, toutes ont condamné le rapport. Nous discutons quotidiennement de ces questions. Toutes les survivantes à qui j'en ai parlé ont systématiquement rejeté le rapport.
J'aimerais aussi savoir quel échantillon de femmes a été consulté par les auteurs du rapport. Ces derniers n'expliquent pas la méthode d'échantillonnage utilisée, mais ils semblent s'être fondés sur un échantillon trié sur le volet et très limité qui fournissait l'information qu'ils recherchaient.
La sénatrice Anne Cools: Madame la présidente, je veux simplement remercier le témoin, parce que j'ai, moi aussi, énormément de réserves au sujet de ce rapport; puisque vous avez dit que vous faites partie de l'OA, j'ai pensé qu'il était important que vous puissiez répondre. Comme vous vous en souvenez peut-être, j'ai fondé l'OA.
Mme Leighann Burns-Campagna: Oui.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie infiniment.
Dr Bennett, la parole est à vous.
Mme Carolyn Bennett: Vous avez dit que 41 p. 100 n'exercent pas leur droit de visite. Pouvez-vous expliciter?
Mme Leighann Burns-Campagna: Oui. Je devrais ventiler davantage cette statistique, car je pense que ce serait utile. D'après mon expérience, souvent, les hommes violents iront devant les tribunaux pour obtenir un droit de visite, pour le faire modifier et ainsi de suite, mais ils ne l'exercent pas nécessairement. La femme se rendra donc avec ses enfants à l'endroit convenu pour la visite, mais l'homme ne se présentera pas et il lui fera faux bond de façon répétée. La femme qui s'est déplacée pour rien rentre donc chez elle, et les enfants sont parfois bouleversés de n'avoir pas vu leur père et pour toutes sortes de raisons comme celle-là.
À mon avis, de nombreux hommes violents se servent des droits de visite pour faire du harcèlement et ils ne s'en prévalent pas ou s'en prévalent partiellement, de manière à perturber continuellement la vie de la femme.
Mme Carolyn Bennett: Bien des gens voudraient que le comité recommande une présomption de garde conjointe. Je pense que la meilleure solution consiste à envisager un régime parental qui met à contribution les deux parents. Certains d'entre nous ont, de toute évidence, étudié l'idée de supprimer des expressions comme «garde d'enfants» et «droit de visite».
Croyez-vous que les femmes qui ont été victimes de mauvais traitements devraient, d'entrée de jeu, tomber dans une catégorie différente, relativement à certaines suggestions comme la médiation, la présomption de garde conjointe et d'autres questions semblables? Pensez-vous que les cas de mauvais traitements appellent une solution différente de ce que bon nombre d'entre nous considèrent comme un mode de règlement moins accusatoire et davantage axé sur la conciliation?
Mme Leighann Burns-Campagna: Je pense que ce serait effectivement nécessaire, parce que la médiation et ce genre de démarche supposent un pouvoir de négociation égal, supposent que la femme pourra participer pleinement à la négociation de ses droits et des droits de ses enfants. À mon avis, c'est inconcevable dans une relation empreinte de violence. En fait, je pense que c'est plutôt le contraire qui se produit: il est difficile, voire impossible de négocier avec l'auteur de ses mauvais traitements ce qui est dans l'intérêt de ses enfants. Je pense que ces cas devraient être exclus d'office.
Par contre, il faut aussi se montrer très prudent dans notre façon de classer ces cas, car il est arrivé que des femmes ayant vécu le processus de la médiation auraient dû en être exclues, auraient dû être dépistées, mais ne l'ont pas été. S'il y a eu violence, les femmes ne le disent pas nécessairement. Il faut donc mettre au point des outils très rigoureux pour pouvoir déceler ces cas.
Mme Carolyn Bennett: Avez-vous un outil de prédilection? Le groupe des soins infirmiers a dit qu'il y en a un qu'il privilégie. À votre, avis, y a-t-il un bon outil pour dépister ces cas?
Mme Leighann Burns-Campagna: Je ne peux pas penser à un outil, comme cela, spontanément. Je sais qu'il a beaucoup été question des fausses accusations, mais, d'après mon expérience, les femmes ne parlent pas de violence lorsque celle-ci n'existe pas. En fait, elles ont plutôt tendance à dissimuler la présence de violence dans leur vie. Aussi, si une femme fait des révélations à ce sujet, je pense que c'est parce que la violence existe bel et bien.
Mme Carolyn Bennett: Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Nous disposons encore de quelques minutes. Y a-t-il d'autres questions?
Je vous remercie beaucoup, madame Burns-Campagna.
Messieurs Tacit, Gordon Green et Michael Blackburn, veuillez prendre place à la table? Vous comprendrez que nous souhaitons que votre exposé soit le plus bref possible pour que nous puissions vous poser des questions.
Monsieur Blackburn, voulez-vous commencer?
M. Michael Blackburn (témoigne à titre personnel): Je voudrais tout d'abord vous remercier infiniment. Excusez-moi si je vous semble un peu maladroit. Je suis très nerveux. Je n'ai jamais comparu devant un groupe comme celui-ci.
Je tiens à préciser que je suis moi-même un parent qui a la garde conjointe de ses deux enfants et qui vit une partie du temps avec eux—ma fille, qui aura 17 ans le mois prochain, et mon fils, qui aura 14 ans le mois prochain, ce beau jeune homme que vous voyez là-bas.
Je ne prends pas la parole à titre de membre d'un groupe de pression, et l'expérience que je vais essayer de vous livrer est très personnelle. Je viens d'écouter le dernier exposé et je tiens à signaler que je pense représenter la majorité des pères. Nous aimons énormément nos enfants, et ceux qui sont comme moi veulent pouvoir passer avec eux le plus de temps possible. Cela dit, voici mon court exposé.
Personnellement, je pense que la garde et la tutelle sont vraiment deux questions distinctes en cas de divorce et de séparation. À mon avis, la majorité des parents—les pères comme les mères—sont de bons parents. Pour les questions qui nous touchent droit au coeur, nous semblons tous agir de manière très irrationnelle lorsque nous vivons des divorces, et nous agissons de manière stupide. Nous essayons de penser à ce qui est dans l'intérêt de nos enfants, mais nous n'y parvenons pas toujours.
Selon moi, les tribunaux de notre pays, notamment ceux de l'Ontario—je ne puis me prononcer sur ceux du reste du Canada—considèrent trop souvent les hommes comme étant moins aptes que les femmes à assumer leur rôle de parent. Je sais faire la cuisine et je sais coudre. Je suis aussi bon que n'importe quelle femme et je pense que, dans la plupart des cas, les tribunaux ont le devoir d'évaluer les parents et de se demander s'ils sont tous les deux de bons parents. Ils ont certainement des défauts, mais sont-ils de bons parents? Oui, ils le sont. Que pouvons-nous faire alors pour leur permettre de continuer de jouer un rôle utile et complet dans la vie de leurs enfants?
Les lois actuellement en vigueur en Ontario sont de nature accusatoire. Je le répète, je ne puis me prononcer sur la situation ailleurs au Canada. Quoi qu'il en soit, on accorde trop d'importance aux considérations financières.
• 1645
Je pense que la tutelle et la garde doivent être deux
questions bien distinctes. La garde concerne mon droit de savoir
quel médecin mes enfants consultent, quelle école ils fréquentent
et d'autres questions semblables. La tutelle a à voir avec le fait
que mes enfants vivent avec leur mère ou avec moi. Je crois que ce
sont deux questions différentes et qu'il faut en tenir compte.
Selon moi, ce qui contrarie de nombreux pères, dont moi-même, c'est le fait qu'on met actuellement tout en oeuvre pour faire respecter les ordonnances alimentaires. Je suis certain que je ne suis pas le premier à mentionner cela. Bien des pères trouvent qu'on n'est pas aussi efficace lorsqu'il s'agit de faire respecter les droits de visite.
Récemment, le gouvernement de l'Ontario a publié une petite brochure où l'on dit... J'ai été tellement blessé, comme père, en lisant cela. On y dit que si un père ne verse pas la pension alimentaire de son enfant, on saisira son salaire, on lui retirera son permis de conduire, etc. Cependant, si sa conjointe ou son ex-conjointe refuse de le laisser voir ses enfants, c'est une question du ressort privé. Manque de veine. Il faut retenir les services d'un avocat et se présenter de nouveau devant les tribunaux.
J'aurais dû vous remettre un exemplaire de cette brochure. Je me ferai un plaisir d'en distribuer à tous les membres du comité.
J'ai la garde conjointe de mes enfants et je verse une pension alimentaire pour eux parce que, en principe, mon ex-femme gagne moins que moi. J'ai toujours versé ma pension alimentaire à temps—toujours. Malgré cela, mon ex-conjointe se sent tout à fait à l'aise de venir chercher les enfants chez moi pour les amener avec elle même si elle sait pertinemment que c'est à mon tour d'être avec eux. De toute façon, elle les a déjà la plupart du temps, et je ne vais pas amorcer de dispute à ce sujet. Je suis heureux de pouvoir élever mes enfants, mais compte tenu du peu de temps pendant lequel ils sont avec moi, je voudrais bien qu'ils le soient vraiment. Je ne vois pas pourquoi je devrais retenir les services d'un avocat et lui verser des honoraires pour envoyer ses enfants à lui au collège au lieu des miens, car c'est cela qui se produit en fin de compte.
Personnellement, je suis tout à fait disposé à faire les sacrifices nécessaires et à verser une pension alimentaire pour mes enfants à condition que l'argent en question soit dépensé pour eux. Je n'ai plus les moyens de conduire une voiture—comme je suis à l'emploi des Forces armées canadiennes, nous ne sommes pas très riches—mais je ne m'en plains pas. Je prends l'autobus. Je me déplace à bicyclette—on aurait pensé que je perdrais ainsi un peu de poids, mais il n'en est rien—et je le fais avec plaisir. Je me sens toutefois tellement blessé et insulté quand j'entends parler de... Il semble que tous les cas dont on entend parler sont ceux de mauvais pères, de pères qui sont violents envers leur ex-conjointe. Or, je pense que la majorité des pères sont comme moi. Nous aimons nos enfants. Nous voulons simplement passer du temps avec eux et nous ne voulons pas nous engager dans une bataille à cette fin.
Voilà, en gros, ce que j'avais à dire.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Green, la parole est à vous.
M. Gordon Green (témoigne à titre personnel): Bon après-midi, honorables sénateurs et députés.
Si je comparais devant votre comité aujourd'hui, c'est pour vous faire part de mon expérience dans le processus concernant la garde et le droit de visite. Je suis conscient que mon expérience est particulière. Je vais simplement vous la relater. Ensuite, je pourrai répondre à vos questions.
Si nous avons été amenés progressivement vers tout ce processus de droit de la famille, c'est simplement parce que nous avons reconnu que notre mariage ne fonctionnait pas. Quelques semaines après le début de notre séparation, mon ex-épouse m'a téléphoné au travail pour s'excuser de ce qu'elle disait être des déclarations que son avocate avait faites à mon sujet. Je ne connaissais absolument pas la teneur de ces déclarations, mais j'en ai pris connaissance à peu près une heure plus tard en recevant une ordonnance d'urgence dans laquelle on disait que je complotais en vue de kidnapper ma fille et de l'amener irrémédiablement à l'extérieur d'Ottawa.
Je n'avais jamais nourri de tel projet et, en fin de compte, on m'a empêché d'amener ma fille à une fête avec des enfants handicapés, enfants auprès desquels je faisais du bénévolat. Un accord est intervenu en cour, ou plutôt avant que nous nous présentions devant le tribunal, au sujet de mes droits de visite, du montant que je devais verser, et ainsi de suite.
Il est vraiment trop compliqué pour moi d'entrer dans tous ces détails maintenant, mais disons que, deux jours plus tard, alors que je menais notre deuxième voiture au garage pour y faire installer un siège d'auto, j'ai, j'ai...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Voudriez-vous faire une petite pause?
M. Gordon Green: Je préférerais tenter d'aller jusqu'au bout si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord.
M. Gordon Green: J'ai heurté et tué un père et sa fille.
Dans les mois qui ont suivi, j'ai essayé de comprendre ce qui s'était passé. Pendant longtemps, j'ai dû prendre des médicaments et consulter des médecins, des psychologues et ainsi de suite. En avril de l'année suivante—c'est-à-dire sept mois plus tard—j'ai téléphoné à mon ex-femme, comme je le faisais habituellement, pour savoir si elle allait se présenter avec ma fille le lendemain et j'ai entendu un message disant qu'il n'y avait plus de service au numéro composé. Je n'avais aucune idée de l'endroit où se trouvait ma fille. J'ai contacté mon avocate qui a téléphoné à celle de mon ex-femme. Celle-ci ne savait absolument pas où se trouvait sa cliente ni comment la rejoindre. On m'a donc recommandé d'attendre à la maison en espérant que ma fille s'y pointe.
Lorsque mon ex-femme s'est présentée, j'ai enregistré la conversation que nous avons eue sur les circonstances de son déménagement—elle était déménagée quelque part au Québec—et sur ce qui s'était passé plusieurs mois plus tôt. Au cours de cette conversation que j'ai enregistrée, j'ai appris que son avocate lui avait essentiellement conseillé de se parjurer afin d'obtenir un traitement préférentiel des tribunaux. Cela venait confirmer la conversation téléphonique que nous avions eue sept mois plus tôt et au cours de laquelle elle m'avait mis en garde contre ce qui allait se produire.
J'ai fait entendre la bande à mon avocate, qui a alors communiqué avec celle de mon ex-femme. Lorsque mon ex-femme a appris cela, j'imagine comment elle a dû se sentir. J'ai été privé de mon prochain droit de visite.
Malgré cela, mon ex-femme et moi avons fait des efforts et nous nous sommes entendus, à l'amiable, sur une formule de garde conjointe. Nous avons fait cela sans l'aide de nos avocates. J'ai téléphoné à la mienne pour la mettre au courant de la nouvelle. Elle semblait vraiment enthousiaste. Deux jours plus tard, elle m'a rappelé pour me dire que la garde conjointe était assortie d'une note de plus de 42 000 $. C'était l'aubaine de la semaine. Le lendemain, on l'a informée qu'aucune autre tentative ne serait faite pour négocier un accord à l'amiable.
Vers la fin d'août, j'ai reçu par courrier électronique un message étonnant d'une collègue de ma femme. Je n'entrerai pas dans ces détails maintenant, mais si vous voulez m'interroger ultérieurement sur cela, j'ai en main une copie de ce message. Entre temps, j'avais rencontré la sénatrice Cools et une plainte avait été déposée auprès du Barreau du Haut-Canada. Nous avons fait ces découvertes avant qu'une décision ne soit rendue au sujet de la plainte. Il y a eu certains incidents qui ont entouré ces découvertes et qui m'ont grandement perturbé, mais, encore une fois, je ne veux pas m'attarder là-dessus.
Après l'interrogatoire préalable, j'ai reçu les résultats de la plainte portée devant le barreau. Essentiellement, le barreau refusait de trancher entre ma version et celle de mon épouse. Je leur ai téléphoné pour leur expliquer qu'aucune des deux versions entendues n'était la mienne, que les deux versions provenaient de la même partie. Ils ont rendu une autre décision, dans laquelle ils réaffirmaient leur intention de ne pas intervenir entre mon épouse et son avocate. Essentiellement, même si je n'avais rien à voir là-dedans, le barreau refusait quand même d'intervenir.
Le Noël suivant, ma fille a contracté la varicelle, ce qui nous a donné, à mon épouse et à moi, une merveilleuse occasion de collaborer. J'étais à Mississauga à l'époque. Je n'avais pu conduire mon auto depuis l'accident et mon épouse s'était fait interdire l'accès aux transports publics. J'ai donc invité ma femme chez mes parents afin que nous puissions tenter de nous réconcilier. C'est ce que nous avons fait. Nous nous sommes même rendus à la maison de ses parents, à Kingston, et la semaine suivante, pendant la tempête de verglas, parce que je n'avais pas accès à ma fille, elle a choisi de faire braver les intempéries à mon enfant tous les soirs pour qu'elles puissent aller se laver à une maison voisine qui avait l'eau et l'électricité. Mon domicile n'était situé qu'à 25 kilomètres, dans un endroit sûr, non touché par la tempête, mais mon épouse a décidé de ne pas amener ma fille à l'abri chez-moi, parce que ce n'était pas à mon tour de garder l'enfant.
• 1655
Je crois que j'ai subi le plus gros choc à l'audition avant le
procès, il y a deux ou trois semaines, lorsque, 18 mois après les
événements, l'avocate représentant mon épouse a laissé échapper au
beau milieu des délibérations qu'elle n'avait aucune preuve que
j'avais réellement acheté la maison. Elle avait pourtant la
documentation en sa possession depuis 18 mois. Heureusement, la
juge avait parcouru la documentation au préalable. Elle s'était
préparée pour l'audition. Elle a très rapidement répliqué à
l'avocate, mais, à ma grande surprise, la juge, qui s'était
aperçue, me semblait-il, que l'avocate avait sciemment faite une
fausse déclaration n'a pas cru bon lui en faire le reproche. Elle
s'est contentée de lui dire: «Vous avez tort. Passons à autre
chose.»
Hier, j'ai parlé à un journaliste qui semble s'intéresser véritablement aux travaux de votre comité. Il a publié récemment certains articles sur le travail que vous accomplissez. Il m'a demandé combien tout cet exercice m'avait coûté jusqu'à maintenant. Je lui ai répondu que je ne pouvais plus conduire, qu'il arrive très souvent que je doive prendre des médicaments pour enrayer mes cauchemars, que les médecins ont établi que je souffrais de ce qu'ils appellent une névrose post-traumatique. Le psychologue m'a expliqué qu'il s'agit d'une maladie semblable à celle dont souffre les soldats lorsqu'ils reviennent de la guerre. Depuis le début des poursuites judiciaires, il y a 18 mois, je me suis effondré, inconscient, à trois occasions, dont une fois devant mes collègues.
Je travaille sur l'Accord de libre-échange nord-américain. J'étais en mission en Géorgie lorsque j'ai dû être hospitalisé. Une deuxième fois, je me suis écroulé pendant que je faisais du bénévolat à un hôpital, ici, à Ottawa, et j'ai passé trois heures à l'urgence, pendant que les médecins tentaient de stabiliser mon rythme cardiaque et ma tension artérielle. J'ai subi un électrocardiogramme, qui n'a décelé rien d'anormal avec mon coeur. Les médecins étaient déconcertés et n'arrivaient pas à comprendre ce qui s'était passé.
J'ai demandé au reporter: «Comment accorder une valeur monétaire à tous ces ennuis? Au fait que vous ne puissiez conduire votre enfant au zoo apprivoisé ou que vos collègues ont perdu confiance en vous et se demandent si vous pourrez tenir le coup pendant toute une journée?»
Pour résumer mon expérience devant les tribunaux, je dirai que je crois sincèrement que les avocats devraient être tenus responsables des fausses accusations qu'ils portent en toute connaissance de cause. Il y a une grande différence entre tenter d'atteindre à la réputation de quelqu'un et l'accuser faussement d'activité criminelle. Je possède un titre comptable professionnel en tant qu'enquêteur certifié dans le domaine de la fraude. Je suis membre de cette association. Il s'agit d'une association américaine. Je suis également titulaire d'un titre comptable professionnel au Canada. Je siège au conseil d'administration, à l'exécutif, de l'association des enquêteurs dans le domaine de la fraude. Je le signale pour prouver que je m'y connais un peu en matière de fraude.
Je recommanderais également que le droit familial soit plus axé sur l'enfant, afin que les juges puissent administrer au moins l'esprit d'une législation qui défendrait les intérêts de nos enfants.
Je vous laisse le soin de songer aux questions soulevées par l'audition avant le procès. Ce qui n'a pas été abordé, c'est le fait que ma fille et moi sommes restés coincés dans notre demeure, où les eaux d'égout étaient montées à plus de quatre pieds à la suite d'une inondation, pendant que la mère de l'enfant préférait s'amuser avec ses collègues. Ce qui a été mentionné, c'est que la valeur de la maison, selon eux, a grimpé de 20 p. 100 sur une période de trois ans, malgré trois inondations et le fait que le sous-sol a été complètement détruit à deux occasions.
La juge a lu à haute voix...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je m'excuse, mais aurez-vous bientôt fini? Il restera très peu de temps pour les questions, puisque vous avez déjà parlé pendant plus de dix minutes.
M. Gordon Green: Oh, je m'excuse. J'en étais à la conclusion, mais je peux m'interrompre pour répondre à vos questions, si vous le désirez.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous pourriez faire cela et aussi céder la parole à M. Tacit.
M. Gordon Green: Certainement.
M. Christian S. Tacit (témoigne à titre personnel): Je vous remercie beaucoup. Je suis heureux d'avoir l'occasion de témoigner devant votre comité aujourd'hui.
J'ai vécu des situations plutôt délicates et je ne tiens pas à en discuter. Je crois qu'il conviendrait mieux aujourd'hui de tirer des leçons que j'ai apprises certaines recommandations qui pourraient, du moins je l'espère, être utiles à votre comité.
Je peux dire toutefois que je suis avocat. Je ne suis pas spécialiste du droit familial, bien que j'aie eu à approfondir mes connaissances dans ce domaine, car je n'ai plus un sou à cause des nombreuses poursuites entamées contre moi. J'ai dû me défendre moi-même devant les tribunaux, tout en dirigeant mon propre cabinet d'avocat et en m'occupant de ma deuxième famille, formée de ma deuxième conjointe et nos quatre enfants, deux de mon premier mariage, un beau-fils et une famille que nous avons eue ensemble. Vous avez donc devant vous une personne très occupée qui est à bout.
• 1700
Encore hier prenait fin une séance d'arbitrage, mon ex-conjointe
réclamant une révision de la pension qui lui est versée.
Voilà pourquoi je n'ai pas eu le temps de préparer des documents
détaillés, outre la lettre que je vous ai fait parvenir le 1er
avril et que vous avez peut-être déjà reçue.
En me fondant sur ma propre expérience, je voudrais faire six brèves observations et si l'un d'entre eux veut savoir comment j'en suis venu à ces conclusions, je serai heureux de le lui expliquer par la suite.
Premièrement, je crois que votre comité se doit de tenir compte du fait que les parents sont des parents avant la séparation et le divorce et qu'ils demeurent des parents après la séparation et le divorce. Rien dans le divorce comme tel prive un parent du droit inhérent d'être un parent, et l'État n'a aucune raison d'intervenir là-dedans ou de faire des présomptions contraires, à moins que le comportement du parent justifie l'intervention du bureau de la protection de l'enfance ou du système de justice pénale.
À part cela, nous sommes tous des parents. Nous connaissons tous de bonnes journées et de mauvaises journées comme parents. Aucun d'entre nous n'est parfait et nous ne devrions pas être jugés en fonction de la perfection. Certains d'entre nous donnent le bain à leurs enfants une fois, deux fois ou trois fois par semaine. Certains d'entre nous parviennent mieux à coordonner les vêtements que doivent porter les enfants et à les peigner. Peu importe, nous ne devrions pas être jugés en fonction de tels critères.
Deuxièmement, je ne crois pas que le système de droit familial devrait inciter les gens qui vivent des situations émotives et qui peuvent devenir irrationnels à s'en prendre à leurs ex-conjoints et à miner ainsi les relations qu'ils vivent avec l'autre parent et avec leurs enfants. À l'heure actuelle, le système de droit familial et la formulation de la Loi sur le divorce et des lois provinciales connexes incitent trop les gens à agir de la sorte.
L'un des principaux problèmes ce sont les avantages financiers liés aux droits de garde et de visite. Il y a, dans certains cas, des personnes qui se sentent économiquement lésées par une séparation et un divorce, d'autres qui sont tout simplement en colère et qui veulent se venger, et d'autres encore qui peuvent se sentir inquiètes par suite de la fin de la relation et qui se trouvent soudainement dans une position où elles peuvent se venger d'un conjoint, par exemple en le privant de son droit de parent ou en lui signifiant qu'il ne pourra exercer ce droit que s'il a une autre contrepartie à offrir. À mon avis, il faut s'occuper de cet aspect de la question.
Troisièmement, les deuxièmes familles sont complètement, absolument et totalement ignorées par notre système de droit familial. Celles-ci n'existent tout simplement pas.
Je suis remarié. J'ai un beau-fils dont je suis principalement responsable au plan financier. Ma nouvelle femme et moi avons une petite fille. Pourtant, à chaque fois, le système judiciaire donne la priorité à mon ex-femme et aux enfants de mon premier mariage. Il n'y a rien à redire sur le fait que le système s'efforce de veiller aux besoins de mon ex-femme et des enfants de mon premier mariage, et de s'assurer que ceux-ci sont adéquatement protégés. Par contre, il y a beaucoup à redire sur le fait que le système mesure la valeur relative des conjoints et des enfants, et c'est là un grave problème qui dont il faut s'occuper.
Quatrièmement, il est très facile de continuer à faire de fausses allégations portant qu'il y a abus ou que le droit de visite n'est pas respecté. Or, mon expérience personnelle m'a permis de constater que lorsqu'une personne fait des efforts véritables pour mettre un frein à cette situation, le système ne bouge guère. En fait—et je vais ici ajouter une note personnelle—l'accord de séparation conclu avec mon ex-conjointe renfermait une disposition de règlement des différends qui prévoyait entre autres que, si nous avions un problème que nous ne parvenions pas à résoudre, nous pouvions essayer de négocier avec ou sans avocats, et avec ou sans médiateur. Une clause d'arbitrage était prévue pour le cas où nous ne parviendrions pas en arriver à une entente.
Nous savons tous que les tribunaux sont débordés de travail. J'avais des problèmes de droit de visite, notamment les lundis après l'école, même si l'accord de séparation prévoyait expressément que je pouvais voir les enfants à cette période. J'ai essayé de communiquer, directement par lettre au début, puis par l'entremise de mes avocats. Je n'ai pas obtenu de réponse. Finalement, en désespoir de cause, j'ai présenté une demande à la cour afin que celle-ci nomme un arbitre, en pensant que cette mesure aurait au moins le mérite de trancher la question. Je me disais qu'un arbitre serait nommé et que mon ex-conjointe allait devoir se présenter afin que l'on règle le différend. J'espérais que l'on puisse négocier avant d'en arriver à l'arbitrage mais, dans le cas contraire, il y aurait au moins un arbitre pour faire en sorte que l'ordonnance soit respectée.
• 1705
L'avocat de mon ex-conjointe a décidé que la cour avait la
compétence inhérente d'annuler les décisions d'arbitrage, et il a
décidé d'entreprendre des démarches pour la garde des enfants.
Deux ans plus tard, j'attends toujours d'aller en procès relativement à une action en justice que je n'ai pas amorcée. Tout ce que je voulais c'était d'exercer mon droit de visite de la manière prévue dans l'accord de séparation.
Par conséquent, l'une des recommandations clés que je veux faire c'est que la Loi sur le divorce soit modifiée et que des recommandations semblables soient faites aux provinces afin qu'elles modifient leurs lois respectives de façon à rendre exécutoires les dispositions des accords de séparation qui ont trait à la garde, au droit de visite et à la pension alimentaire pour enfants, parce qu'à l'heure actuelle, la compétence inhérente des tribunaux leur permet d'annuler ces dispositions.
Même lorsque les intéressés expriment clairement leur intention de recourir à d'autres mécanismes de règlement des différends relativement à ces questions, si l'une des parties change soudainement d'idée, elle peut complètement détruire le processus auquel elle a donné son accord quelques mois auparavant, ce qui entraîne des coûts énormes sur le plan personnel. Dans mon cas, cela fait deux ans que je vis dans l'incertitude liée au fait que je pourrais ne pas obtenir la garde de mes enfants et, par conséquent, passer beaucoup moins de temps avec eux, parce que le système actuel a permis qu'un problème de visite devienne inutilement un problème de garde, et que toute la question se retrouve devant les tribunaux.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je regrette de vous interrompre, mais vous avez largement dépassé vos cinq minutes. Je vous demande de poursuivre avec...
M. Christian Tacit: Oui.
Mon dernier point est que les avocats ne devraient pas avoir le droit de recourir à des tactiques agressives, tout particulièrement dans ce domaine, et que des conséquences sévères devraient être prévues.
Je veux discuter brièvement de l'aspect financier de la question. Je sais que votre mandat ne porte pas sur la pension alimentaire mais, de la façon dont elles sont actuellement rédigées, les lignes directrices sur la pension alimentaire sont carrément une invitation à faire appel aux tribunaux concernant la garde et le droit de visite. Premièrement, il y a le seuil de 40 p. 100 relatif au droit de visite, qui est prévu indépendamment des besoins et des circonstances des parties, au lieu de simplement consulter les tableaux. Deuxièmement, il y a la présomption selon laquelle les gens, après une séparation et un divorce, après avoir subi un désastre sur le plan financier, peuvent tout simplement s'en remettre aux tableaux sans tenir compte des dépenses engagées; troisièmement, il y a le fait que le critère des difficultés indues utilise un test de rapport moyen qui est tout à fait irréaliste, compte tenu encore une fois des coûts que les parties ont engagés relativement à la séparation et au divorce. Il y a donc des problèmes importants à ce niveau.
En outre, lorsqu'on examine la question de la pension alimentaire versée aux enfants et au conjoint, il est absolument essentiel d'accorder la même importance aux droits de la deuxième famille.
Ce sont les points que je voulais faire valoir. Je vous remercie de votre attention.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Nous passons maintenant aux questions.
Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther: Merci messieurs d'avoir pris le temps de faire bénéficier le comité de vos témoignages. Nous vous en sommes reconnaissants.
J'ai une question à poser à M. Tacit. Je n'ai pas bien saisi un point que vous avez mentionné. Quelque chose m'a échappé.
Vous avez parlé d'une disposition d'arbitrage ou d'un régime parental que vous aviez signé avec votre ex-conjointe, et vous avez dit que lorsque cette entente n'a pas fonctionné, vous avez formulé une recommandation portant que... Je n'ai pas très bien compris. Voulez-vous dire que l'entente devrait avoir un caractère plus officiel, ou qu'il faut faire quelque chose pour que celle-ci fonctionne, si ce n'est pas le cas?
M. Christian Tacit: Oui.
Le problème est le suivant: en vertu de notre cadre constitutionnel, les cours supérieures des provinces sont considérées comme des tuteurs qui veillent aux intérêts des enfants. Par conséquent, lorsque vous avez un problème lié à la garde, au droit de visite ou à la pension alimentaire d'un enfant, indépendamment de ce que les parties peuvent convenir entre elles, les tribunaux ont le pouvoir d'annuler l'entente et de dire que ce sont eux qui décident parce qu'ils sont les tuteurs qui veillent aux intérêts des enfants.
L'une des conséquences de cette situation est que même lorsque les parties ont convenu de régler entre elles ces différends sans faire appel aux tribunaux, par exemple en ayant recours à un spécialiste du droit de la famille, et même si elles ont signé une entente de séparation ou une ordonnance d'accord à cet égard, s'il y a un différend et que l'une des parties ne tient pas à ce que celui-ci soit réglé rapidement, parce qu'il est dans son intérêt de créer des difficultés ou de retarder le règlement du différend ou l'exécution d'une obligation, cette partie peut aller devant les tribunaux et leur demander essentiellement d'oublier le recours à l'arbitrage qui est prévu et qui peut se faire très rapidement.
Dans mon cas, le différend aurait été tranché il y a plus de deux ans et demi si nous avions pu aller en arbitrage, ainsi que le prévoyait l'entente que nous avions tous deux signée.
M. Eric Lowther: Qu'est-ce qui a empêché qu'il en soit ainsi?
M. Christian Tacit: L'avocat de mon ex-conjointe est allé à la cour et a dit que sa cliente avait effectivement signé une entente prévoyant que les deux parties étaient censées recourir à l'arbitrage et que le tribunal pouvait nommer un arbitre, mais il a ajouté que la cour avait aussi la compétence inhérente de permettre à sa cliente de présenter une demande de garde, comme celle-ci souhaitait maintenant le faire.
• 1710
Par conséquent, au lieu que les différends liés à la garde ou
au droit de visite soient réglés rapidement, soit en quelques mois,
par un spécialiste du droit familial, et conformément à ce qui
était prévu dans notre entente de séparation, la situation a
perduré, ce qui a créé beaucoup d'autres problèmes depuis deux ans,
ainsi que de l'animosité et toutes sortes de délais et de
difficultés, tout cela parce que la cour s'en est mêlée. Pourtant,
les tribunaux n'ont vraiment pas besoin d'une telle surcharge de
travail.
M. Eric Lowther: Quelle est votre recommandation précise?
M. Christian Tacit: Que les parties...
M. Eric Lowther: S'en remettent directement à l'arbitrage lorsque les négociations échouent.
M. Christian Tacit: ... s'en remettent à l'arbitrage obligatoire devant une personne d'expérience. Nous ne disons pas qu'il faut aller devant un cuisinier ou un concierge. Nous disons que, si les intéressés ont donné leur accord et qu'ils ont un différend relativement à toute question liée à l'éclatement de leur couple...
M. Eric Lowther: Ils devraient alors être tenus de respecter leur entente et ne pas aller devant les tribunaux.
M. Christian Tacit: C'est exact.
M. Eric Lowther: Merci. Je comprends votre point de vue.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup, madame la présidente.
Vous n'êtes pas la première personne qui souligne l'impact important du lien entre le droit de visite et la pension alimentaire. Êtes-vous d'accord qu'il serait préférable que la décision relative au paiement de la pension alimentaire soit prise dans un cadre administratif, en prévoyant un montant précis?
Je pense—je ne me souviens pas lequel d'entre vous a dit cela, mais je crois que c'est M. Tacit—que les parents sont des parents avant et après le divorce et qu'il existe une obligation inhérente de subvenir aux besoins financiers des enfants d'une façon partagée, lorsque c'est possible. Ainsi, la détermination du montant devrait être faite dans le cadre d'un processus administratif.
M. Christian Tacit: Je ne suis pas certain. Je pense vraiment que moins les tribunaux ont de questions à trancher, mieux cela vaut. Je ne pense pas que les tribunaux soient l'endroit où régler cette question, puisque le cadre en soi favorise les conflits. Par conséquent, il serait certainement approprié d'avoir un processus à caractère plus administratif.
L'autre aspect ce sont les règles. Les efforts faits pour essayer de simplifier les lignes directrices et d'assurer une certaine uniformité sont admirables, mais la réalité c'est que les cas de garde exclusive ou partagée ne sont pas tous identiques. Par exemple, j'assume une part beaucoup plus grandes des frais directs liés à mes enfants que ne le fait mon ex-conjointe, même si je verse une pension très généreuse. Il en est ainsi tout simplement parce qu'elle l'a décidé. Je ne peux tolérer de voir mes enfants porter le linge que d'autres personnes donnent à mon ex-conjointe lorsque celle-ci prétend être pauvre, malgré le fait qu'elle reçoit des milliers de dollars à chaque mois. Par conséquent, j'achète des choses.
Il faut tenir compte de ce genre de situation. On ne peut tenir compte uniquement du revenu et décider que, à tel niveau de revenu, tel ou tel montant devrait pouvoir être consacré à un enfant, indépendamment des circonstances particulières. Il faut nuancer. Le fait d'avoir un seuil de 40 p. 100 ne signifie pas que quelque chose de magique se produit soudainement.
L'hon. Sheila Finestone: Vous avez parlé de la deuxième famille et des droits de celle-ci. Dans le premier cas, même avec les parents naturels, le fait de ne pas tenir compte des revenus de l'homme et de la femme semble poser un problème. Je pense que, parfois, les tribunaux ont encore une mentalité qui prévalait il y a 20 ou 30 ans, même si la capacité des femmes de gagner leur vie a énormément changé. Il y aussi eu une évolution des rôles traditionnels au sein de la famille, en vertu desquels la femme travaillait à la maison, tandis que le mari travaillait à l'extérieur. La femme qui travaillait à la maison ne touchait aucun revenu, contrairement au mari qui travaillait à l'extérieur, et l'on se trouvait en présence d'une entente de partage. Cette situation a changé et la détermination des paiements de pension alimentaire doit tenir compte des revenus des deux parties, puis faire une répartition.
Si vous allez au-delà de cette répartition et que vous poursuivez l'exercice, vous arrivez à la vie après le divorce. Si deux personnes ne peuvent s'entendre, cela ne veut pas dire qu'elles sont libérées de leurs obligations en tant que parents, mais cela ne veut pas dire non plus qu'elles devraient toutes deux vivre de façon malheureuse dans la misère ou seule—ou de façon heureuse seule—si ce n'est pas ce qu'elles souhaitent. Vous dites donc qu'il y a lieu de revoir les autres obligations et droits de la deuxième famille.
M. Christian Tacit: C'est précisément ce que je dis. Je peux vous dire que ma femme se sent misérable. Elle se sent comme un citoyen de deuxième classe. Elle dit que le meilleur emploi qu'une personne peut avoir c'est celui de première femme.
L'hon. Sheila Finestone: C'est vrai. En un sens c'est vrai. Mais elle vous a marié en sachant que vous étiez le père d'autres enfants.
M. Christian Tacit: Tout à fait. Mais j'ai aussi une obligation envers elle, envers notre enfant et envers son fils.
L'hon. Sheila Finestone: Je suis d'accord.
M. Christian Tacit: Il faut établir un équilibre entre ces obligations. Je ne dis pas que je vais ignorer mes enfants issus du premier mariage. Je dis qu'il faut établir un équilibre rationnel, et non pas un équilibre irrationnel en vertu duquel on peut dire: Monsieur Tacit, même si avez un bon revenu, vous et votre ménage allez vivre dans la pauvreté, parce que l'objectif le plus important est que vos enfants issus du premier mariage puissent jouir d'un certain niveau de vie.
Soit dit en passant, les enfants de mon premier mariage sont avec moi à peu près la moitié du temps, et je m'occupe directement d'eux à ce stade-ci, en assumant leurs dépenses. En fait, je fais plus que cela puisque je paie pour des choses que mon ex-femme ne veut pas payer.
L'hon. Sheila Finestone: Très bien. Merci beaucoup.
Monsieur Blackburn, je veux d'abord vous dire que vous êtes très chanceux d'avoir comme fils un jeune homme aussi charmant. J'aimerais connaître son opinion et j'aimerais qu'il vienne à la table. Malheureusement, vous ne l'avez pas emmené à la table, par conséquent je ne peux le lui demander.
M. Michael Blackburn: En fait, je voulais le faire, mais le greffier a dit que ce n'était pas possible.
L'hon. Sheila Finestone: Madame la présidente, avez-vous objection à ce que ce jeune homme témoigne?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Des objections? Non.
Aimeriez-vous venir rejoindre votre père?
L'hon. Sheila Finestone: Adrian, voulez-vous vous joindre à nous?
Monsieur Green, je veux vous dire que j'espère (a) que vous allez vous sentir beaucoup mieux, (b) que vos problèmes vont se régler, et (c) que je pense que nous discutons d'un bon nombre des questions que vous avez soulevées. Je crains de ne pas avoir le temps de vous poser de questions—même si j'aimerais bien savoir quel a été le résultat de la plainte adressée au barreau. Peut-être que quelqu'un d'autre posera la question.
Adrian, qu'est-ce que vous aimeriez nous dire, compte tenu de ce que vous avez entendu ici? Au fait, je vous remercie beaucoup d'avoir accepté de témoigner devant nous. J'aimerais bien connaître votre réaction face aux propos des deux autres témoins qui ont comparu avec votre père.
Êtes-vous ici depuis le début? Quelle impression vous laisse ce que vous avez entendu, et comment l'expérience que vous avez vécue se compare-t-elle à ce que vous avez entendu ici?
M. Adrian Blackburn (témoigne à titre personnel): Les trois expériences sont toutes semblables en un sens. Je connais mon père. Je sais qu'il dit toute la vérité et qu'il exprime essentiellement une opinion personnelle.
L'hon. Sheila Finestone: Votre père est une très bonne personne.
M. Adrian Blackburn: Oui.
L'hon. Sheila Finestone: Très bien. Nous avons compris cela et nous l'avons senti dans ses remarques, et nous savons aussi que vous êtes un très bon fils.
M. Adrian Blackburn: Je ne sais pas. Je ne sais trop quoi répondre. Après tout, je ne peux pas dire que je ne suis pas d'accord.
L'hon. Sheila Finestone: Quel âge avez-vous?
M. Adrian Blackburn: Treize ans.
L'hon. Sheila Finestone: Depuis combien de temps vivez-vous séparé de votre mère et de votre père?
M. Adrian Blackburn: Cela fait maintenant huit ans.
L'hon. Sheila Finestone: Avez-vous des frères et des soeurs?
M. Adrian Blackburn: Oui, j'ai une soeur.
L'hon. Sheila Finestone: Du même mariage?
M. Adrian Blackburn: Oui.
L'hon. Sheila Finestone: Comment réagit-elle? Parlez-vous de cette situation ensemble?
M. Adrian Blackburn: Non, nous n'en parlons pas. En fait, ma soeur et mon père ne se sont pas vus depuis environ deux ans maintenant, à cause d'un événement qui s'est produit il y a un bout de temps. Comme il s'agit d'une question personnelle, je ne veux pas en discuter.
Nous n'en parlons pas souvent, ma soeur et moi.
L'hon. Sheila Finestone: D'accord. Je suis sûre que c'est très dur pour vous.
Pensez-vous que les choses auraient pu être plus faciles pour votre père ou pour votre mère?
M. Adrian Blackburn: Je ne suis pas certain. Peut-être pour mon père, car de la façon dont se sont passées les choses après le divorce et le règlement, je n'ai pas trouvé que les choses aient été très justes. Après que le divorce ait été prononcé, mon père s'est retrouvé dans un modeste appartement d'une chambre pendant que ma mère gardait la maison et tout le reste et que mon père lui versait une pension alimentaire de 600 $ par mois, je crois. Il n'a jamais manqué un seul versement depuis le divorce et le règlement; il continue à payer. Mon père a été défavorisé.
L'hon. Sheila Finestone: Il en est ressorti perdant, en quelque sorte?
M. Adrian Blackburn: Oui. C'est ce que j'essaye d'expliquer.
L'hon. Sheila Finestone: Combien de temps passez-vous chez votre père et chez votre mère?
M. Adrian Blackburn: Malheureusement, je dois dire que je ne passe que deux jours par semaine avec mon père, sans compter les vacances et autre. Habituellement, je vois mon père deux jours par semaine, et ma mère et le reste de la famille environ cinq jours par semaine.
L'hon. Sheila Finestone: Adrian, pensez-vous que ce qui compte c'est la quantité ou la qualité du temps que vous passez avec vos parents?
Je suis grand-mère et j'ai un petit-fils qui a à peu près votre âge. J'aimerais savoir comment vous réagissez au fait de passer de la maison de votre mère à l'appartement d'une chambre de votre père, qui selon vous n'est pas formidable.
M. Adrian Blackburn: En fait, c'est les deux, car dans un certain sens quantité signifie qualité car si on ne passe que peu de temps avec son père ou sa mère, on a moins de chance de s'amuser et de faire des choses intéressantes.
L'hon. Sheila Finestone: Je vous remercie infiniment d'être venu nous parler. Je ne sais pas ce que la présidence a décidé.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Veuillez rester avec nous s'il vous plaît. Nous sommes très heureux de vous avoir. Nous allons maintenant donner la parole à M. Mayfield.
M. Philip Mayfield (Cariboo—Chilcotin, Réf.): Je vous remercie, madame la présidente.
Je vous prie de m'excuser de n'avoir pu être là dès le début. Je ne m'adresserai qu'à M. Tacit, qui est le seul dont j'ai entendu le témoignage du début jusqu'à la fin.
J'aimerais vous demander des précisions au sujet de l'une de vos recommandations. Il s'agit des relations entre les avocats et leurs clients respectifs. Vous avez laissé entendre qu'on devrait réglementer ce que vous avez appelé les «tactiques agressives». Comme vous êtes vous-même avocat, je me demande si vous pourriez expliquer comment on pourrait s'y prendre pour éviter que les avocats ne profitent de la situation.
M. Christian Tacit: Je vais vous expliquer ce qui s'est passé dans mon cas. Jusqu'à ce que survienne la problème de la garde, mon ex avait un avocat très raisonnable qui essayait d'entamer le processus de négociation. Elle n'a pas aimé ses conseils et elle s'est adressé à un autre avocat, ici en ville, qui s'est montré très agressif et qui a essayé d'envenimer la situation autant que possible et de faire traîner les choses dans l'espoir que je ne réponde pas aux critères pour partager la garde et que mon ex obtienne la garde exclusive. En outre, si elle parvient à me faire descendre en deçà du seuil des 40 p. 100, il y aura toutes sortes d'avantages pécuniaires. Tout ça est fait exprès.
En passant, les honoraires que l'avocat a facturés depuis deux ans s'élèvent à 110 000 $, que mon ex a pu payer, entre autres, en empruntant de l'argent à sa famille. Et pendant tout ce temps-là, je lui verse une pension alimentaire très généreuse à tel point que je suis presque acculé à la faillite. Si ce n'est pas un effet pervers, je ne sais pas ce que c'est.
Donc, ce que je pense c'est que le juges, les parents et autres ont le devoir d'agir dans l'intérêt des enfants. Il semble que ce ne soit pas le cas des avocats qui représentent les parties en cause. Dans les affaires relevant du droit familial, les avocats devraient être obligés par la loi d'agir au mieux des intérêts des enfants lorsqu'ils conseillent leurs clients et de réduire au minimum les occasions de conflit inutile.
Je ne prétends pas qu'il ne soit pas parfois nécessaire d'adopter des positions diamétralement opposées, mais envenimer délibérément et inutilement un conflit dans le seul but de toucher des honoraires supplémentaires et de faire traîner pendant des années quelque chose qui devrait être réglé rapidement est tout simplement dévastateur. Je ne peux pas vous dire à quel point je suis en colère. Je ne le suis pas tant contre mon ex, qui d'une certaine façon est elle aussi victime, que contre son avocat actuel à qui on a permis, en toute impunité, de faire subir tout ça à notre famille, à mes enfants. Un tel comportement devrait avoir des conséquences, et à la fin de ce processus il y en aura peut-être, mais je n'ai pas grand espoir vu le cadre législatif actuel.
Il faut qu'il soit très clair que le devoir de l'avocat... Les avocats qui s'occupent de transactions immobilières ont des obligations très précises. Par exemple, s'ils veulent se lancer dans des opérations de courtage ou accorder des prêts hypothécaires privés, ils doivent obéir à toutes sortes de règles spéciales. Pourquoi n'y a-t-il pas des règles similaires en droit de la famille pour obliger les avocats à se conduire correctement et à ne pas envenimer inutile le conflit?
C'est pour moi un problème et je pense que les conséquences devraient être graves car les parties auxquelles ce genre de conduite porte tort sont les membres les plus vulnérables de la société, les enfants.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie.
Nous allons poursuivre car il ne nous reste pas beaucoup de temps et il y a encore trois personnes qui veulent poser des questions.
Sénatrice Cohen.
La sénatrice Erminie Cohen: Je suis contente que vous ayez dit ça car après avoir écouté votre exposé et plusieurs autres, je commence à comprendre, sauf le respect que je dois aux avocats qui sont autour de cette table, que les juges, les avocats et les tribunaux constituent notre plus gros problème. Je pense qu'il faut que nous étudiions l'ensemble de la situation de très près. Dans votre cas personnel, votre femme et vous étiez sur le point de conclure une entente jusqu'à ce que son avocat s'en mêle.
• 1725
Je voulais vous poser une question concernant les droits de la
seconde famille, car j'ai moi aussi des enfants dans cette
situation. Si vous avez une seconde famille, est-ce que votre
épouse a une responsabilité financière? Est-ce qu'on tient compte
de son revenu quand on décide du montant de la pension que vous
devez verser?
M. Christian Tacit: L'accord de séparation d'avec mon ancienne épouse a été conclu avant que je ne me remarie. Par conséquent, rien de cela n'entrait en ligne de compte. Toutefois, les choses ont changé avec l'arbitrage qui a eu lieu hier, mon ex ayant demandé le maintien de sa pension et bien sûr de la pension alimentaire pour les enfants.
L'hon. Sheila Finestone: De la pension au conjoint.
M. Christian Tacit: Oui, de la pension au conjoint.
L'hon. Sheila Finestone: Plus la pension pour enfants.
M. Christian Tacit: Oui, elle en demande le maintien dans une certaine proportion. Je n'entrerai pas dans le détail. Son avocat a fait valoir très énergiquement que le revenu de mon épouse actuelle—qui, en passant, ne travaille plus pour pouvoir s'occuper de notre enfant de deux ans. Il a dit qu'il faudrait qu'elle retourne au travail pour que je puisse payer la pension alimentaire. C'est ce qu'il a prétendu.
La sénatrice Erminie Cohen: Je voulais vous dire que, dans le cas de ma fille, si son mari est un jour incapable de lui verser la pension alimentaire prévue, son revenu à elle entrerait en ligne de compte. Ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre.
Donc, nous devrions tenir compte du revenu des deux conjoints pour la première famille puisqu'on le fait pour la deuxième. Je fais partie du comité d'examen des lignes directrices et je voulais vous assurer que je porterai vos recommandations à son attention, particulièrement celle qui concerne le seuil de 40 p. 100, car nous commençons tout juste l'étude ligne par ligne.
M. Christian Tacit: En ce qui concerne votre premier point, madame la sénatrice, je pense que tenir compte du revenu de l'autre conjoint, que ce soit dans la première ou dans la seconde famille, n'est pas une bonne idée et ne peut que semer la discorde. Tout ce que ça fait, et je parle d'expérience, c'est que ça crée beaucoup de ressentiment et d'amertume et que ça augmente les chances pour que la seconde famille finisse comme la première. Ce n'est pas dans l'intérêt du public, surtout lorsqu'il y a des enfants du deuxième mariage. Vous pouvez imaginer ce que mon épouse actuelle pense de l'idée d'être forcée à retourner au travail, parce que je suis quasiment insolvable et que ma première épouse réclame une pension plus importante ou d'une durée plus longue. Cela me met moi et ma famille dans une position intenable.
La sénatrice Erminie Cohen: Ce que vous voulez donc, c'est un équilibre.
M. Christian Tacit: Exactement. C'est ma responsabilité, je l'accepte, et je devrais être le seul juge de ce que je peux faire dans la mesure de mes moyens. À moins que je ne cache des biens ou des revenus—ce qui n'est pas le cas, et personne ne m'a accusé de le faire—personne d'autre que moi ne devrait avoir à verser une pension alimentaire à ma première famille. Si elle épousait un millionnaire, je ne serai plus responsable.
La sénatrice Erminie Cohen: Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Pépin.
La sénatrice Lucie Pépin: Monsieur Green, y a-t-il une recommandation ou un point sur lequel vous aimeriez insister plus particulièrement? Avez-vous une recommandation qui aiderait les pères dans la même situation que vous et qui contribuerait à s'assurer que cette situation ne se reproduise jamais? Sur quoi aimeriez-vous insister plus particulièrement?
M. Gordon Green: Avec ce qu'il m'a été donné d'observer dans le cadre de ce qu'on appelle l'interrogatoire préalable, la conférence préparatoire, et au Barreau, et je ne parle que de ma situation et de mon expérience, il me semble que cette avocate avait une intention criminelle, mais qu'elle savait jusqu'où elle pouvait aller sans se faire prendre. Pour répondre directement à votre question, j'ai appelé la police et j'ai demandé ce qui arriverait à une cassette si j'avais sur cette dernière la preuve d'une infraction qui, au lieu de relever du Barreau, était prévue par le Code criminel. La réponse que m'a donnée la police régionale d'Ottawa-Carleton est que la cassette serait envoyée au procureur de la Couronne et que c'était lui qui déciderait de poursuivre ou non. Il me semble que ce serait là une façon beaucoup plus raisonnable de procéder dans ce que je considère être une affaire de fraude. Il y a fraude lorsqu'on fait une déclaration que l'on sait fausse concernant un acte criminel et ça devrait être traité comme tel.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice DeWare, voulez-vous être la première à poser des questions au témoin suivant? Ça va être le tour des grands-parents.
La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, PC): J'aimerais juste demander à M. Green quel âge a sa fille maintenant et s'il a droit de visite. Quel âge à votre fille?
M. Gordon Green: Elle a trois ans et, oui, j'ai droit de visite.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
M. Philip Mayfield: Madame la présidente, il y a une chose que j'aimerais demander. Je ne vais pas insister pour poser une question, mais j'aimerais que ce soit inclus dans les délibérations du comité. C'est un point qu'a soulevé Mme Finestone. Il s'agit de trouver un moyen administratif qui permettait aux parents de faire autre chose que de s'adresser à des avocats qui font de la surenchère.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord, je vous remercie beaucoup.
Merci à tous. Merci Adrian d'être venu.
J'invite maintenant Mme Henderson, Mme Gallinger et M. Denys à se présenter.
Madame Henderson, voulez-vous commencer.
Mme Linda Henderson (témoigne à titre personnel): Oui.
Je suis devenue grand-mère pour la première fois en juin dernier. La vie n'a pas été facile pour notre famille depuis. Je pense que les tribunaux sont injustes envers les grands-parents. Pour commencer, la mère se sert des enfants pour obtenir ce qu'elle veut ou elle nous dit quoi faire. J'ai élevé mes propres enfants. Je suis parent nourricier depuis 15 ans et je ne suis occupée de plus de 75 enfants. Je trouve que les grands-parents... Je suis très heureuse que ce comité existe car on l'attend depuis longtemps.
J'ai fait une liste de recommandations que je vous laisserai. Nous sommes en retard et je suis venue avec quelqu'un. Ma voisine a eu un grave accident et nous sommes allés à l'urgence, à Ottawa.
J'aimerais que les grands-parents aient davantage de droits, pas seulement les pères. Nous nous sommes adressés à la cour de l'Ontario... Quand l'enfant n'avait que deux semaines, un nouveau-né, j'ai décidé que nous en avions assez des menaces que l'amie de mon fils proférait à son égard et au nôtre, disant que si nous ne fournissions pas ce dont l'enfant avait besoin, nous n'aurions pas le droit de le voir.
Je ne suis pas folle comme grand-mère... Malheureusement, la première fois, j'ai laissé tout ce que j'avais acheté pour l'enfant. Il n'a jamais manqué de rien. J'avais tous les reçus. Si nous n'avions pas été là, cet enfant n'aurait rien eu.
Actuellement, le tribunal a permis à la mère d'aller s'installer en Nouvelle-Écosse. Pour aller voir notre petit-fils, ça nous prend 18 heures en voiture. Mon fils a obtenu la garde partagée, ce qui est bien, mais les tribunaux laissent ces jeunes mères partir trop loin des pères et des grands-parents pour qu'ils puissent voir l'enfant. Il faut que ça change car 18 heures pour pouvoir passer un peu de temps avec son petit-fils... c'est très dur pour notre famille.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Voulez-vous un verre d'eau?
Mme Linda Henderson: Je trouve que la mère ne devrait pas imposer aux grands-parents la façon dont ils peuvent voir leurs petits-enfants, ou s'en occuper, à moins qu'il ne s'agisse d'un problème médical.
Quand mon petit-fils est né, il souffrait de la paralysie de Bell. On ne nous a pas tout dit. Quand nous avons demandé des renseignements, on nous a dit que comme les parents n'étaient pas mariés, nous n'avions aucun droit en la matière.
• 1735
Nous n'avons pas le droit de lui téléphoner. Notre petit-fils
va avoir deux ans en juillet. D'après sa famille, il ne parle pas
encore, mais il dit quelques mots. L'ordonnance du tribunal nous
donne le droit de lui parler, mais ils ne veulent pas. Sa mère ne
respecte pas l'ordonnance.
Les autres grands-parents ont le droit de voir leur petit-fils quand ils veulent. Ils peuvent l'emmener où ils veulent. Mais quand vient notre tour, on nous dit où l'emmener et quand, etc.
Il y a beaucoup de pères et de grands-parents qui veulent passer du temps avec leur enfant. Mon mari et moi sommes de ceux-là. Nous voulons les mêmes droits que les autres grands-parents, nous ne voulons pas qu'un seul côté ait tous les droits.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie.
Monsieur Denys.
M. Laurent Denys (témoigne à titre personnel): Madame la présidente, mesdames, messieurs. C'est pour moi un privilège de vous adresser la parole ici, dans notre Parlement national. Je dis cela exprès car j'espère qu'il va demeurer l'instance supérieure de notre pays. Merci.
Lors de l'exposé de la société GRAND, il y a quelques semaines, un membre du comité—peut-être vous, madame la présidente—a demandé s'il y avait des grands-pères parmi les membres de la société. J'en suis. JÂai trois fils et trois petits-fils. Malheureusement, à cause en partie de l'épidémie actuelle de divorces, je n'ai pas vu l'aîné de mes petits-fils depuis quatre ans.
Nous n'avons pas beaucoup de temps, alors je vais aller droit au but. Comme le comédien Dave Broadfoot, je pense que je suis assez vieux pour pouvoir dire ce que je pense. J'ai assisté à cinq ou six de ces audiences.
Pour commencer, il a été recommandé à maintes reprises qu'on épure le langage qui entoure le divorce et qu'on supprime les mots «garde» et «droit de visite», par exemple. Personnellement, je ne pense pas que l'épuration sémantique ait jamais réglé le moindre problème dans le vécu des gens.
J'ai quelques mots à dire sur la violence dont les hommes sont victimes dans notre société. À l'heure actuelle, bien qu'il y ait une certaine amélioration, elle est à peine mentionnée dans les comptes rendus de recherche et les médias. En 1992, j'étais membre du seul groupe de soutien pour hommes divorcés ou séparés existant à Ottawa et qui bénéficiait d'une aide clinique à l'Hôpital municipal. Privé de son financement public, le groupe a disparu il y a plusieurs années.
Je ne veux pas couper l'herbe sous les pieds des Drs Landers et Nihon, qui parleront après nous des effets sur les hommes de la séparation, du divorce et de la privation du droit de voir leurs propres enfants. Je vais parler brièvement du groupe auquel j'ai appartenu en 1992. Il comptait six membres. L'un s'est suicidé. Un autre a été obligé par le tribunal à subir ce que j'appellerais un test de sensibilité du pénis avant d'avoir le droit de voir ses enfants. Pour ma part, j'ai dû déclarer faillite après avoir essayé de me réconcilier avec ma famille.
Par conséquent, oui, incluez une analyse de la violence dans votre rapport au Parlement, mais par souci de justice et d'équité, n'oubliez pas de parler de la violence faite aux hommes, de la violence institutionnelle, de la violence aux mains des tribunaux, de la police et des sociétés d'aide à l'enfance et, par-dessus tout, de ce que j'appellerais la violence de la parole, qui se manifeste dans les fausses accusations et les fausses allégations. Je me mets à la disposition du comité pour lui fournir de la documentation à ce sujet.
Mon expérience personnelle et les comptes rendus de recherche m'ont convaincu que nous sommes tous capables de violence, les hommes, les femmes et oui, même les enfants, comme en témoigne la récente vague de crimes violents commis par des adolescents et des adolescentes. La violence n'est pas une question de sexe, c'est un problème à l'échelle humaine. Nous sommes tous responsables.
Quel genre de démocratie voulons-nous au Canada? Toutes les études valables qui ont été faites sur le comportement social des enfants et leurs résultats scolaires indiquent que l'unité familiale a besoin d'une présence masculine forte et constante à laquelle se mesurer afin d'apprendre les limites acceptables de la force physique et d'avoir un modèle à imiter. Et pourtant, au Canada, le résultat des lois provinciales et fédérales sur le divorce a été d'émasculer le mâle canadien dans son rôle d'époux, de père et de grand-père. Pour ce faire, nous avons eu recours à la loi et aux tribunaux, comme nous l'avions fait dans le cas des autochtones, des Acadiens, des Ukrainiens, et des Canadiens d'origine allemande et japonaise pendant les deux guerres mondiales.
• 1740
Le groupe qui est actuellement l'objet de l'hystérie morale et
de la rectitude politique du jour a la loi contre lui, il est privé
de ses droits, trop souvent exproprié, et toujours entouré d'une
hystérie médiatique lucrative. N'oublions pas que l'hystérie morale
en vogue constitue le capital dont s'enrichissent les politiciens.
J'ai deux questions. Est-ce que le Canada désire que l'État continue à envahir agressivement plus de la moitié des chambres de la nation, comme il le fait actuellement? Les Canadiens sont-ils devenus moralement aveugles ou sommes-nous en proie à une telle rectitude politique que les citoyens respectueux des lois comme je le suis—et comme l'est la majorité des hommes dans ce pays—sont obligés de s'adresser au Parlement du Canada pour avoir le droit de voir les enfants et les petits-enfants auxquels ils sont liés par le sang, ce qui, dans toutes les cultures auxquelles j'ai été exposé pendant les 35 années qu'a duré ma carrière dans le développement international, est considéré comme bon et naturel? Dans une démocratie politique, ces questions sont fondamentales.
Je demande humblement au comité de recommander au Parlement d'éliminer la loi fédérale sur le divorce et de recommencer à zéro. C'est pour toute une génération l'occasion d'améliorer nettement le bien-être de la nation. Je propose le même sort pour la Loi sur les jeunes contrevenants et les lois provinciales sur le divorce, calquées sur les lois fédérales, qui ont toutes tant de lacunes qu'elles ne peuvent être améliorées.
La notion d'absence de responsabilité peut être valable dans le règlement des réclamations d'assurance automobile, mais ne peut s'appliquer au comportement conjugal car elle va à l'encontre de l'engagement pris par les conjoints pour la vie. Supposer qu'il n'y a pas de responsabilité revient à nier la valeur sociale inhérente à l'institution civile qu'est le mariage.
Je prédis que la révocation immédiate de la loi fédérale actuelle sur le divorce, même à titre temporaire, aurait les effets immédiats suivants. Les industries du divorce et de la psychothérapie retrouveraient des proportions normales. Au risque d'avoir l'air ironique ou peut-être même sarcastique, je dirais que les nouveaux chômeurs de ces secteurs pourront demander de l'aide au fédéral, comme le faisait récemment la LNH, en invoquant le nombre de personnes qui y sont employées.
Par ailleurs, le bon sens s'emparerait à nouveau de l'esprit et de l'âme de la nation. On pourrait investir dans la médiation, la guérison et la promotion des intérêts des enfants au sein d'une famille saine.
Deuxième recommandation—soyez patiente, madame la présidente, je n'en ai plus que pour une minute environ. Si le Parlement veut s'amuser à rafistoler la loi actuelle sur le divorce, il doit envisager un changement très important. Qu'il redonne aux pères et aux grands-pères leurs droits et le respect des garanties procédurales de la common law. Que nous soyons présumés innocents jusqu'à ce que nous soyons déclarés coupables. Le fardeau de la preuve devrait toujours revenir à l'accusateur, sans aucune exception.
Du seul fait de notre sexe, un trop grand nombre d'entre nous, moi y compris, avons été présumés coupables de violence familiale et soupçonnés d'être capables d'infliger des mauvais traitements à nos enfants avant d'être déclarés innocents. Tous les pères et les grands-pères de ce pays qui n'ont pas d'antécédents violents devraient pouvoir obtenir rapidement une ordonnance du juge, sans être représentés par un avocat et sans débourser un sou, leur donnant le droit de voir leurs enfants ou leurs petits-enfants.
Je le répète, le fardeau de la preuve devrait toujours incomber à la partie accusatrice, la partie qui refuse le droit de visite. Je prédis que ces mesures serviront les intérêts des enfants, de la famille et de la collectivité, qu'elles atténueront l'hystérie actuelle et le phénomène de la rage au volant.
C'est tout, madame la présidente.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie.
Madame Gallinger.
Mme Margery Gallinger (témoigne à titre personnel): Madame la présidente, mesdames, messieurs. Je vous remercie de me recevoir.
Mon expérience en tant que mère et grand-mère qui a aidé son fils à traverser les épreuves d'un divorce et d'une demande de garde a été frustrante et épuisante, sur le point financier et émotif, et n'a pas servi les intérêts de mon petit-fils.
Le système peut fonctionner si les deux parties placent l'intérêt de l'enfant en premier, mais si, comme dans notre cas, l'autre partie se comporte constamment de façon irrationnelle et mesquine, faisant tout pour empêcher l'autre de voir son enfant, ça ne marche pas.
• 1745
En octobre 1996, nous avons obtenu une ordonnance du tribunal.
La séparation datait de 1993. À partir de ce moment-là, la mère a
fait de son mieux pour nous mettre les bâtons dans les roues. Avant
l'ordonnance, elle rendait les choses difficiles, mais après, elles
sont devenues presque impossibles. Je suis timide, et je devais
avoir recours à des techniques détournées pour essayer de voir mon
petit-fils, arrivant chez lui à des moments inattendus de la
journée, pendant l'après-midi et en soirée, dans l'espoir qu'il
soit chez lui. Depuis l'ordonnance... elle continue à nous mener la
vie dure comme si de rien n'était. Elle rend tout contact avec elle
et avec l'enfant désagréable; c'est la guerre des nerfs quand il
s'agit de prendre des dispositions pour ramasser mon petit-fils. Je
n'aime pas être accueillie avec hostilité à chaque fois que je fais
quelque chose, et ce n'est pas bon pour l'enfant d'en être témoin.
Ça me chamboule vraiment.
Pour commencer, ses soupçons que Jim puisse avoir tendance à maltraiter son fils l'ont empêché de le voir sans être surveillé. Jim a été examiné à l'Hôpital royal d'Ottawa et déclaré non violent, c'est un homme normal. Ça nous a coûté très cher et ça continue. Jusqu'à maintenant nous avons payé près de 60 000 $ et ce n'est pas fini.
Ils ont tous les deux suivi des séances de counselling avant et après leur séparation. Ils ont eu recours à cinq ou six conseillers différents. Dès qu'un conseiller remettait son comportement ou ses propos en question, elle changeait de conseiller. Elle a engagé cinq avocats successifs, de telle sorte qu'il n'y a eu aucune continuité dans la façon dont l'affaire a été traitée. Elle venait rarement chez nous, sauf quand elle voulait nous reprocher quelque chose. Une fois, elle a invectivé mon mari, qui était atteint d'un cancer des poumons, pendant deux heures, lui reprochant les défauts de son époux, notre fils. Cela l'avait vraiment mis en colère, pourtant c'était un homme habituellement très calme.
Nous avons enregistré de nombreuses conversations téléphoniques qui prouvent qu'elle tourmentait son fils quand il avait deux ou trois ans, lui disant que son papa lui avait pris son bateau, sa tente, etc. et lui racontant des histoires fausses sur son papa qui lui avait soi-disant fait du mal. Il arrive que nous ayons Shane au téléphone et qu'il hurle et pousse des cris hystériques, c'est bouleversant. Comme je le disais, j'ai obtenu le droit de visite après avoir fait une demande en même temps que mon fils, en 1996. Nous avons obtenu une ordonnance du tribunal, mais elle ne la respecte pas toujours ou pas entièrement.
Je pense que cette incertitude constante crée une atmosphère instable pour Shane qui ne sait pas à quoi s'en tenir quant aux arrangements en matière de garde; c'est une source de souffrances morales pour son père, ses oncles et moi-même. Je vais continuer à me battre et à insister pour que Shane fasse partie intégrante de notre famille. C'est son droit, c'est son sang.
Notre avocat nous avait conseillé l'arbitrage, ce que nous avons accepté. Ça c'est bien passé. Nous avons obtenu beaucoup de choses, la communication des renseignements médicaux, la participation à sa vie scolaire et aux soins médicaux. Nous avons perdu des semaines consécutives de vacances d'été, que nous avions déjà organisées, mais nous y avons renoncé de bonne grâce, sachant que nous avions gagné quelque chose en contre-partie. Mais à la fin de l'été, ma belle-fille a commencé à nous mettre les bâtons dans les roues, me refusant le droit de le ramasser à l'école, m'empêchant de le déposer chez elle. Nous voulions lui assurer une certaine stabilité. Nous ne voulions pas qu'il ait l'impression d'être un colis qu'on se renvoyait de part et d'autre. Nous n'y sommes pas encore parvenus.
Comme les résultats de l'arbitrage n'étaient pas respectés, nous lui avons signifié un outrage au tribunal. Les tribunaux étaient engorgés. Nous avons été envoyés dans une salle qui n'était pas prévue au programme et nous n'avons pas eu assez de temps pour revoir toute la documentation, qui était épaisse comme ça. Nous avons perdu une grande partie des gains que nous avions obtenus en matière de garde et nous sommes revenus à la première ordonnance.
À l'heure actuelle, nous lui avons fait une offre de règlement à l'amiable après qu'on nous ait conseillé d'intenter un recours en justice, mais elle n'a toujours pas répondu.
• 1750
Voilà ce que nous avons vécu. C'est bouleversant et épuisant.
Sans parler des pertes financières, cette expérience m'a laissée
avec de nombreux problèmes; j'ai du mal à me concentrer et à faire
mon travail correctement. J'ai laissé tomber d'autres choses dans
ma vie car, en tant que mère et grand-mère, je dois mettre mon
énergie là où c'est le plus important.
C'est ce que j'avais à dire. N'accordez pas automatiquement la garde à la mère ou au parent qui soustrait l'enfant à sa famille. Pour faire un enfant, il faut être deux. Les deux devraient être également responsables et devraient avoir un droit de visite égal à moins qu'il soit prouvé légalement que l'enfant, la mère ou le père sont mal traités ou qu'il y ait des antécédents d'instabilité mentale ou d'abus de drogues et d'alcool qui pourraient être néfastes pour l'enfant.
Ne séparez jamais un enfant de l'un de ses parents. Je me souviendrai toujours de Shane la première fois que je suis allée le voir. Il avait le visage fermé, il ne disait rien, il refusait de me regarder. Quand il a ouvert la bouche, il m'a demandé: «Tu n'as pas pu venir avec papa, n'est-ce pas, Marge?» Ce genre de choses est très bouleversant.
Les soupçons ne devraient avoir aucune influence sur le droit de visite; uniquement les faits prouvés.
Il faut plus de juges pour assurer la continuité dans les affaires. Si la nôtre pouvait relever d'un seul juge, on pourrait éviter une grande partie des retards et des incohérences.
L'idée d'un arbitrage ou de médiations avant le divorce est une bonne chose.
Et je suis tout à fait d'accord que nous avons besoin de l'aide juridique et de foyers pour les victimes de violence. C'est nécessaire, mais j'aimerais que ces systèmes de soutien surveillent les cas qui traînent et les cas où l'une des parties, ou les deux, est incapable de se contenter de ce qui est équitable pour l'autre parent et pour les enfants ou lorsque la solution proposée a été acceptée par les autres et rejetée par une partie comme n'étant pas suffisante.
S'il y a...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Excusez-moi, madame Gallinger, mais avez-vous bientôt fini?
Mme Margery Gallinger: Oui, je suis désolée.
Lorsqu'il y a constamment obstruction, non-respect des ordonnances et des ententes, il faudrait se demander s'il est sage de permettre une croisade judiciaire contre un ex-partenaire.
Mais, par-dessus tout, il ne faut jamais perdre l'enfant de vue. Il a le droit d'avoir ses deux parents. Il a le droit d'avoir des contacts avec sa famille élargie. C'est ça qui lui donne le sens de la famille, le sentiment d'être valorisé, d'être aimé et appuyé par des personnes autres que les deux parents qui lui ont donné la vie, les parents qui s'entre-déchirent et qui lui rendent la vie insupportable.
Si je n'avais pas eu les moyens de payer les examens à l'Hôpital royal d'Ottawa—et en passant, j'ai également payé pour ma belle-fille vers la fin car ce n'était pas couvert par l'aide juridique—ni moi ni mon fils ne ferions partie de la vie de mon petit-fils.
S'il vous plaît mettez l'enfant au centre de vos préoccupations et s'il vous plaît, n'oubliez pas la médiation. Et faites en sorte que ce soit le même juge qui s'occupe d'une affaire du début jusqu'à la fin; ce serait une nette amélioration.
Je vous remercie de m'avoir permis de témoigner.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie.
Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Je suis désolée que le premier témoin ait été obligé de partir. Les difficultés et les souffrances que vous éprouvez sont incroyables pour ceux d'entre nous qui sont aussi parents et grands-parents. Sans avoir vécu les mêmes expériences, nous compatissons.
Je suis pas sûre de ce que nous pouvons faire en ce qui concerne la loi, mais je me rends compte qu'il y a un véritable problème au niveau des tribunaux. Certains avocats sont un problème, certains juges aussi, parce qu'ils ne semblent pas être sensibilisés à ces questions.
Nous avons entendu les témoignages d'un grand nombre de regroupements de grands-parents, d'un bout à l'autre du pays, comme vous le savez sans doute si vous avez suivi nos audiences. La plupart parlaient de la perte de leurs enfants et de l'interdiction qui leur était faite de voir leurs petits-enfants. Ça doit être terrible. Nous nous demandons ce que nous pouvons faire car les parents sont aussi des beaux-parents. On n'a pas associé ce terme avec celui de grands-parents, et pourtant nous sommes aussi des beaux-parents. Les gens ont souvent une certaine méfiance à l'égard des beaux-parents, et je pense que ça se reporte aussi sur les grands-parents.
• 1755
Je ne sais pas comment nous allons nous en sortir, mais je
sais qu'il faut faire quelque chose. Ce qui est triste dans nos
audiences, dans toutes nos audiences, c'est que nous ne pouvons
jamais entendre, vraiment entendre, l'autre version des faits ou la
troisième version, dans certains cas. Nous n'entendons toujours
qu'une version, la version triste de l'histoire. C'est ce qui est
si frustrant pour nous. Comment s'y prendre? Nous ne pouvons être
juge et jury si nous n'avons pas accès à toutes les versions de
l'histoire.
Est-ce que vous avez le droit de visite maintenant, Marge?
Mme Margery Gallinger: Oui.
La sénatrice Mabel DeWare: Quel âge a l'enfant?
Mme Margery Gallinger: Il a sept ans, maintenant; il en avait deux quand tout a commencé.
La sénatrice Mabel DeWare: Depuis combien de temps vous battez-vous?
Mme Margery Gallinger: Depuis cinq ans.
La sénatrice Mabel DeWare: Est-ce que votre fils vit avec vous?
Mme Margery Gallinger: Non, il est dans l'armée de l'air. Au début, il était à Chicoutimi, et il devait faire huit heures de route. Nous devions faire preuve de beaucoup d'ingénuité pour arriver à respecter le programme que le juge nous avait aidé à organiser.
Quand il a été muté à Trenton, c'est devenu beaucoup plus facile. Pour venir ici, ça ne lui prend que trois heures. Maintenant, je peux aussi emmener mon petit-fils voir son père. C'est beaucoup plus facile.
Comme je l'ai mentionné, toute cette affaire nous a causé beaucoup de peine, de souffrance et de ressentiment que j'aurais mieux aimé ne jamais connaître.
La sénatrice Mabel DeWare: Voilà le plus triste. On sent ce que ressentent les enfants. C'est impossible qu'ils ne ressentent pas ce qui se passe entre les parents et les grands-parents.
Mme Margery Gallinger: Oui, c'est exact.
La sénatrice Mabel DeWare: Monsieur Denys, voudriez-vous nous donner d'autres précisions sur votre situation? On vous a accusé, semble-t-il, en tant que parent...
M. Laurent Denys: Très brièvement, sur le plan personnel, mon cas est plutôt particulier. Il n'a rien à voir avec une nouvelle belle-fille. En fait, ma femme a divorcé d'avec moi pendant qu'elle était dans la cinquantaine pour des raisons personnelles, et elle est allée vivre avec mon fils aîné. Je ne sais pas ce qu'elle a dit, et je ne veux pas le savoir, car j'ai déjà été assez blessé comme cela.
Voici l'effet net. Le plus vieux de mes petits-fils est né le 25 décembre 1992. Je l'ai gardé toute une année. Tout de suite après, en 1994, je ne pouvais plus le voir. Je ne pourrais le reconnaître sur une photo.
La sénatrice Mabel DeWare: Vous avez été faussement accusé.
M. Laurent Denys: Oui, de la possibilité d'agression sexuelle contre un enfant.
La sénatrice Mabel DeWare: Jouez-vous un rôle de dirigeant dans cette organisation à laquelle vous appartenez?
M. Laurent Denys: Je suis membre de la GRAND Society, dont la présidente est ici présente, Liliane George.
La sénatrice Mabel DeWare: Vous avez dit, n'est-ce pas, que la plupart des membres de cette société ont eu le même genre de problème...
M. Laurent Denys: Très semblable.
La sénatrice Mabel DeWare: ... soit qu'ils ont été accusés et que l'on a abusé d'eux.
M. Laurent Denys: Oui.
La sénatrice Mabel DeWare: Vous êtes d'avis que le recours aux séances de guérison serait dans l'intérêt de l'enfant.
M. Laurent Denys: J'en suis convaincu. Je voudrais seulement faire une très courte observation à cet égard. J'ai assisté à une demi-douzaine de séances de ce genre, de sorte que j'ai laissé libre cours aux impressions, après quoi j'ai pris un certain recul.
Je ne vois pas la nécessité de raffiner le système, de faire des ajouts sur le plan juridique, ni de faire appel à plus d'avocats, de policiers ou de juges. Les juges rendent à profusion des ordonnances d'interdiction de communiquer dans notre pays, dans ma province à tout le moins. Je ne sais où l'on peut trouver des statistiques là-dessus, mais la vaste majorité d'entre elles doivent être rejetées. Elles n'ont aucune valeur parce que la situation globale est si mauvaise. C'est pourquoi j'ai fait certaines de mes recommandations.
La sénatrice Mabel DeWare: J'ai une autre question. Un juge du Michigan a comparu devant nous. Nous lui avons posé pas mal de questions sur les ordonnances attributives de droit de visite. Il a dit qu'ils n'avaient pas le même problème aux États-Unis parce que les juges font respecter ces ordonnances. Et les couples américains le savent; par conséquent, ils ne semblent pas éprouver le même problème que nous.
Je lui ai demandé combien de grands-parents ont comparu devant lui pour des ordonnances attributives de droit de visite relatives à leurs petits-enfants. Il a dit que, durant ses 20 années dans la magistrature, il ne se souvenait pas d'un seul cas semblable.
• 1800
Cela nous a vraiment surpris. Leur système fonctionne bien et
nous devons savoir comment ils s'y prennent pour faire appliquer
les ordonnances attributives de droit de visite et ne pas avoir de
problèmes avec cela.
M. Laurent Denys: Puis-je répondre très brièvement?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui, allez-y.
M. Laurent Denys: Ce que je recherche fondamentalement, comme vous vous en êtes sans doute rendu compte, c'est de prendre du recul par rapport à cela. Je crois que nous sommes les artisans de notre propre cauchemar au Canada. C'est comme être les personnages d'un roman kafkaïen. Ma femme est partie de son côté il y a huit ans maintenant. J'ai encore des cauchemars à cause de tout ce qui a été raconté devant le tribunal cet automne-là sous la rubrique cruauté mentale et physique.
Comment prouver que l'on n'est pas un agresseur en puissance même avec une batterie de psychologues et de psychiatres cliniques? Je suis même allé volontairement au ROH pour y être examiné. Nous avons hérité de la Grande-Bretagne une des meilleures traditions de common law du monde sur ce point, et le principe fondamental que l'on est innocent jusqu'à preuve du contraire a été inversé dans le droit de la famille de notre pays.
Je me tiens donc à distance. Il se peut bien que les Américains aient la solution, mais pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui? Est-ce naturel? Dans la société du prochain millénaire, le taux de divorce sera-t-il de 50 p. 100 et tous ces problèmes nous assailliront-ils de nouveau? Est-ce un niveau naturel?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.
Je voulais simplement vous dire que j'ai assisté, le week-end dernier à Washington, à une conférence au cours de laquelle, vous vous en souviendrez, j'ai été très intéressée d'apprendre que deux des questions avec lesquelles nous sommes aux prises, semble-t-il, et qui nous préoccupent ont trait au droit de visite. Cependant, la question a été abordée sous un angle différent. Ils ont fait beaucoup de recherche sur le droit de visite là-bas.
Madame la présidente, corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois qu'il est juste de dire que leur principale préoccupation était la renonciation volontaire au droit de visite par les pères, la plupart du temps. Je trouve cela extrêmement intéressant.
C'était un chiffre très élevé, et je ne doute pas que nous obtiendrons les documents faisant état de ces constatations. Et cela a été remarqué non seulement aux États-Unis, mais encore en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle Zélande.
C'est donc un profil, monsieur Denys, que l'on retrouve dans de nombreuses parties du monde, mais l'élément auquel vous avez fait allusion avait trait à votre espoir que le taux de divorce n'atteigne pas les 50 p. 100, si jamais il est aussi élevé. Il n'en est pas loin, mais j'espère qu'il n'atteindra jamais ce sommet.
Nombre des problèmes que l'on voit au Canada sont très semblables à ceux dont il a été question à cette conférence internationale à laquelle nous avons assisté. Cela ne nous aide guère, mais j'espère que nous trouverons des solutions plus utiles.
En cette matière, je voudrais vous remercier d'avoir reconnu l'importance des droits civils et du fait que l'on devrait revenir aux principes de base de la common law. Je pense que c'est certainement une chose dont il faut prendre note. Étant donné qu'il s'agit de fausses accusations et de la possibilité d'agressions, ce sont des questions qui doivent être traitées avec le fardeau de la preuve. J'aime donc l'avis que vous avez présenté sur la common law. Pour ma part, en tous les cas, c'est la première fois que j'en entends parler d'une façon aussi concrète et succincte.
En second lieu, il y a ce genre de traitement abusif que l'on observe quand un enfant n'est pas capable de voir ses parents. Puis il y a ce harcèlement non fondé auquel, me semble-t-il, vous avez fait allusion, madame Gallinger. Vous voulez que le harcèlement juridique soit considéré comme un méfait.
Je me demande si vous pourriez expliquer davantage ce que vous pensez de ce genre de harcèlement, des droits des grands-parents et des parents par alliance.
Mme Margery Gallinger: J'ai vu les effets sur Shane. Il ne sait trop comment il devrait se comporter. Il ne veut pas me serrer dans ses bras quand sa mère peut nous voir. Pour qu'il le fasse, je dois le lui demander avant que l'on parte de la maison. C'est le genre de chose que j'ai remarquée.
Quant au harcèlement—il y a des plaintes incessantes quant à savoir qui devrait téléphoner, qui devrait payer les appels interurbains et qui devrait aller chercher l'enfant. Elle pouvait avoir 15 ou 20 minutes de retard. Autrement dit, c'était comme elle voulait ou rien. C'était tellement constant que je ne puis mettre le doigt sur le problème sans tout revoir.
L'hon. Sheila Finestone: On nous demande de songer à des modifications terminologiques—que M. Denys, je le sais, n'estimait guère intéressantes—, comme passer de «parent ayant la garde» et de «parent visiteur» à «parent qui assume l'hébergement principal» et à «parent non cohabitant» ou à «parent ayant le droit de visite», et d'envisager sérieusement d'intituler le paragraphe de la Loi sur le divorce «exercice conjoint de la responsabilité parentale», «coparentialité» ou «garde exclusive». Tellement d'options différentes nous ont été présentées. Croyez-vous que ce changement signifie vraiment quelque chose?
Mme Margery Gallinger: Pas beaucoup.
Une voix: C'est exact.
Mme Margery Gallinger: L'enfant est assis dans la cuisine ou au salon et il écoute son père ou sa mère discuter avec l'autre partie ou parler d'un moyen de contourner un problème donné. Les enfants absorbent tout comme des éponges. Ce sont de merveilleuses petites éponges. Ils apprennent. Entre le moment où ils apprennent à comprendre les mots et où ils atteignent l'âge de six ans, leur caractère se forme.
Nous disons faire de la reprogrammation parce que nous lui apprenons à être responsable de ses actes, à être poli avec les gens et à ne pas pousser... Vous savez, ce n'est qu'une question d'uniformité, il ne faut pas le rendre malheureux avec nous, mais on doit lui apprendre à bien s'entendre avec tout le monde.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui, monsieur Denys?
M. Laurent Denys: Madame la présidente, puis-je répondre brièvement à Mme Finestone sur le fait que les pères n'invoquent pas assez leur droit de visite en lui donnant des détails sur mon cas particulier, ce qui pourrait peut-être expliquer les autres cas par la même occasion?
Avez-vous pensé que nous faisons peut-être preuve de gentillesse dans ce cas-là? J'ai délibérément évité de faire comparaître mon fils devant le tribunal pendant quatre ans parce que cela n'entraîne que de l'acrimonie; cela n'entraîne, comme ma collègue vient de le dire si éloquemment, que le fait que les enfants captent tout, même le non-dit. Je suis dans le domaine de l'éducation, et j'estime que les gens apprennent tant par osmose que par voie verbale et audiovisuelle. Les gens, tout comme mon chien d'ailleurs, captent les signaux et les sensations. Les enfants le font; les adultes le font.
Je n'ai pas poussé mes démarches plus loin parce que je ne veux pas que mon petit-fils se retrouve au milieu de tout cela. Et, franchement, pour ne pas nuire à l'éventuelle réconciliation avec mon fils et ma belle-fille—qui arrivera un jour j'espère—, je ne veux pas verser de l'huile sur le feu en ce moment. Je me suis donc abstenu. Même si je n'avais pas d'ordonnance attributive de droit de visite, je n'ai même pas effleuré le sujet.
Selon ce qu'il adviendra des modifications proposées à la Loi sur le divorce, peut-être qu'il sera plus facile d'obtenir une ordonnance attributive du droit de visite et que mon fils et ma belle-fille conviendront que le cadre juridique facilite maintenant les choses et que c'est également dans l'intérêt de mon petit-fils.
Ce qui me renverse, c'est que dans tous les pays où j'ai travaillé—et j'ai séjourné un certain nombre d'années en Afrique, au Sri Lanka et dans les Indes occidentales dans le cadre de mes fonctions; j'ai passé la plus grande partie de la carrière au sein de l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international—, le contact entre les générations est si naturel. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'abus; il y a des abus dans toutes les sociétés, les collectivités et les associations. Cependant, les très grands avantages de la relation entre les grands-parents et leurs petits-enfants sont indéniables dans toutes les sociétés et dans tous les pays. Et la plupart d'entre vous, ou certainement...
L'hon. Sheila Finestone: Vous ne croyez donc pas devoir demander la permission du tribunal? Vous pensez qu'il va de soi que les grands-parents soient entendus?
M. Laurent Denys: Absolument, absolument.
Poussons les choses un peu plus loin. Faut-il maintenant que tous les pères et les grands-pères passent un test de sensibilité du pénis avant de voir leurs propres enfants et petits-enfants?
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Monsieur Mayfield, avez-vous une courte question à poser? Je vais mettre votre nom en tête de liste pour la prochaine question. Je ne veux pas que vous l'amputiez, mais nous avons 40 minutes de retard, et nous devons faire une pause maintenant.
M. Philip Mayfield: Je comprends.
Je suis ici en tant que grand-parent ne sachant pas ce qu'il ferait sans l'autorisation de visiter librement et largement deux de ses précieuses petites-filles, pour écouter vos doléances, et je le fais avec beaucoup d'émotion.
Je vous ai entendu dire que vous aimeriez que la Loi sur le divorce soit abrogée. Sans vous demander de rédiger ici même une nouvelle loi, je me demande si vous pouvez nous donner les grandes lignes de ce que vous considérez comme une loi qui convient.
M. Laurent Denys: Je n'en ai pas à vous donner. Franchement, je ne cherchais qu'à attirer l'attention des membres du comité.
L'hon. Sheila Finestone: Eh bien, vous avez réussi. Vous avez gagné.
M. Laurent Denys: Non, j'espère que les pères, les grands-pères et les grands-mères ont gagné.
Prenons un peu de recul. Nous avons vraiment une chance unique de faire quelque chose. Ne nous précipitons pas. Qu'est-ce qui presse? Nous allons établir un nouveau cadre global, juridique, entre autres. Quand cette question sera-t-elle de nouveau soulevée, dans 25 ans encore?
Je vous prie de ne pas croire que j'estime qu'il ne devrait pas y avoir de divorce dans notre société. Dans notre société, ces choses-là arrivent; la vie est pleine de surprises. Il y a de la place pour le divorce, qui doit se dérouler dans un cadre juridique, mais il y a vraiment quelque qui cloche dans la situation que nous avons créée.
La réponse à votre question est, de toute évidence, non.
M. Philip Mayfield: Madame la présidente, puis-je également demander à Mme Gallinger de répondre à la même question, en gardant toutefois à l'esprit sa recommandation relative à la médiation?
Comment cela marchera-t-il, selon votre description de ce que vous avez en tête?
M. Margery Gallinger: Si deux parties se battent, il doit vraiment y avoir une période de réflexion avant que des décisions ne soient prises. Durant cette période, les enfants devraient pouvoir voir les deux parents; en fait, cela devrait être obligatoire.
En deuxième lieu, un médiateur professionnel saura comment aider les parties à régler les vrais problèmes. Si cela est un échec, l'arbitre devrait intervenir et prendre une décision. Ce qui m'importe le plus, c'est que ces enfants disposent de leurs droits familiaux et de leur patrimoine et qu'ils connaissent leur famille élargie au complet.
M. Philip Mayfield: Êtes-vous en train de nous dire qu'il faudrait, de façon générale, ne pas recourir aux avocats et aux tribunaux?
Mme Margery Gallinger: Il ne faudrait faire appel à eux qu'en dernier recours.
M. Philip Mayfield: Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Je remercie beaucoup les témoins d'avoir accepté notre invitation.
Nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes avant de reprendre la séance à 18 h 35. Il y a des victuailles pour tous les affamés.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je demanderais aux membres du comité de revenir à la table, et aux témoins, d'entrer.
Nos invités sont, de Fathers After Rights Equalization, M. Brett Peters; du groupe Entraide pères-enfants séparés, M. Marc-André Pelletier; de Men's Health Network, le Dr Danielle Nihon et le Dr Nedra Landers; et de la National Alliance for the Advance of Non-Custodial Parents, M. Jason Bouchard.
M. Peters est-il présent? Nous lui garderons une place, et vous commencerez à parler de toute façon.
Par qui commencerons-nous? Eh bien, commençons donc par les femmes. La parole est au Dr Nihon et au Dr Landers. Votre temps de parole sera divisé en deux, et je vous dirai quand deux minutes et demie seront écoulées.
[Français]
Dr Danielle Nihon (Men's Health Network): Madame la présidente, honorables membres du comité spécial, ladies and gentlemen, c'est un grand honneur pour moi et ma collègue, Nedra Landers, de vous parler aujourd'hui d'un thème qui est très près de nos cas en tant que psychologues et intervenantes en santé mentale.
[Traduction]
Nedra et moi avons eu l'occasion d'ouvrir la première clinique pour hommes en Amérique du Nord, voire dans le monde entier, et nous avons choisi de concentrer nos efforts sur les pères séparés ou récemment divorcés. Pourquoi avoir choisi ce segment de la population? Fait à remarquer, dans la bibliothèque de Statistique Canada, on trouve des documents poussiéreux et rarement consultés, qui renferment des données sur les hommes.
• 1840
Comme vous le savez, les hommes représentent environ 49 p. 100
de la population mondiale. Selon l'expression que nous avons créée,
les hommes forment la minorité invisible en matière de santé, parce
qu'il existe des statistiques troublantes au sujet de la santé des
hommes qui ne sont pas diffusées.
Qu'est-ce que les statistiques ont à voir avec les hommes et la séparation? Voici.
On enregistre chez les hommes récemment séparés ou divorcés le plus fort taux de suicide que dans n'importe quel autre groupe. Nous n'aimons pas l'expression «tentative de suicide réussie» que l'on retrouve dans la documentation spécialisée.
On enregistre également chez ce groupe un taux d'hospitalisation et de soins psychiatriques aux malades hospitalisés de 8 à 16 fois supérieur au taux des autres groupes.
Pourquoi le taux de suicide est-il si élevé? Parce que ces hommes sont dévastés par les pertes qu'ils ont encourues, la perte de leur mariage, et probablement ce qui les touche le plus profondément, la perte de leur rôle de père. La majorité des 400 hommes que nous avons traités n'avaient ni la garde de leurs enfants ni le droit de les visiter et nous avons entendu de nombreuses histoires tragiques à cause de cela.
Lorsque nous avons ouvert notre clinique, quelles chances de succès nous accordait la documentation dans ce domaine? Très peu, car la documentation nous apprenait que les hommes ne demandent pas d'aide et qu'ils ne savent pas comment exprimer leurs sentiments. Nous avons appelé cela le «mythe du mâle présentant des lacunes affectives» C'est un peu comme si les hommes n'avaient pas le gène nécessaire pour savoir comment éprouver des sentiments et comment se comporter en père de famille.
Cela ne correspondait pas aux hommes que nous connaissions personnellement ni aux hommes avec qui nous travaillions à la clinique. Nous avons donc décidé de contester ce mythe, parce qu'il y avait beaucoup à faire pour offrir aux hommes séparés un service dont ils avaient grandement besoin. Si vous examinez la situation autour de vous, vous constaterez qu'il existe très peu de ressources, s'il y en a, à la disposition des hommes, très peu de groupes de soutien pour les hommes. Les seuls services qui existent sont ceux qui s'adressent aux hommes qui ont eu un comportement violent ou qui doivent subir un traitement qui leur est imposé par le tribunal.
C'est intéressant. La seule caractéristique des hommes que notre société légitime en quelque sorte, c'est leur tendance potentielle à la violence.
Nous avons ouvert la clinique et organisé 25 groupes différents, certains dirigés par des hommes, d'autres par des femmes. Ce que nous avons découvert est tout à fait contraire à ce que nous prédisait la documentation.
Selon la documentation sur la thérapie de groupe typique, il faut environ trois sessions pour que la chimie s'opère entre les membres du groupe. Nous avons découvert qu'il a fallu environ deux secondes, au lieu de trois sessions, pour que les participants sympathisent, car dès que le premier homme disait: «Bonjour, je suis John et ma femme m'a quitté. Je n'ai pas le droit de voir mes enfants et ma vie est en train de s'écrouler», il donnait la permission aux autres hommes de son groupe de faire la même chose.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Cela fait environ deux minutes et demie.
Dr Danielle Nihon: Je conclus rapidement.
Le personnel a pu prouver que ces hommes ont été en mesure d'accroître considérablement leur estime de soi, leur capacité à s'exprimer et leur capacité à avoir des contacts affectifs avec d'autres, ce qui contribue à détruire le mythe du mâle présentant des lacunes affectives.
Dr Nedra Landers (présidente, Men's Health Network): En 1993, la clinique a effectué une analyse coûts-avantages de ces groupes formés de 60 hommes. Selon des estimations prudentes, la somme de 150 000 $ avait été économisée en soins de santé. L'analyse a été remise à l'American College of Physician Executives qui examinait les initiatives visant à accroître l'efficacité des coûts des soins de santé, et la clinique a reçu un certificat de reconnaissance de l'innovation pour son intervention à coûts réduits auprès d'une population à risque élevé.
Un an plus tard, la clinique a fermé ses portes à cause de restrictions budgétaires. Au cours de l'existence de la clinique, plus de 400 hommes ont pu recevoir de l'aide, de nombreux programmes ont été mis sur pied pour former les professionnels oeuvrant auprès des communautés, de nombreux exposés sur la santé des hommes ont été donnés et des programmes de formation ont été offerts aux médecins. Toutes ces activités ont pris fin en quelque sorte lorsque la clinique a fermé ses portes, mais, malgré le choc que nous avons subi, nous avons créé une nouvelle société pour exercer nos activités au niveau international, parce que la santé des hommes de toutes les couches sociales et de toutes les origines ethniques est menacée et que les professionnels de la santé offrent très peu d'aide tant thérapeutique que physique aux hommes et ne semblent pas sensibilisés ou dévoués à la cause de la santé des hommes. Les choses commencent à s'améliorer un peu, mais on s'aperçoit, une fois qu'on a vu ce que cachaient certains programmes et ce qui se faisait réellement, qu'il reste beaucoup de travail à faire.
Nous avons découvert que, même encore de nos jours, les hommes tiennent réellement à se défaire de l'image de froideur qu'ils projettent et que leur impose la société et peuvent, si on leur en donne l'occasion, exprimer leurs émotions et entretenir des relations chaleureuses. C'est de cette expérience que nous en sommes venus à croire que les hommes ressentent vivement la douleur, le désespoir et la perte. Cela nous inquiète grandement, car ils doivent composer avec la perte non seulement de leur épouse, mais aussi de leurs enfants.
• 1845
À nos yeux, ils vivent une tragédie tant clinique que sociale,
puisque la perte de la garde et du droit de visite des enfants
provoque une si profonde dépression que les hommes se sentent
désespérés et démunis lorsqu'ils songent à la signification de leur
vie ou même à leur avenir et que le suicide devient leur seule
option. Il faut prendre en considération le coût des soins de santé
qu'entraînent le suicide et les répercussions qu'il a sur d'autres
personnes.
Cette tendance se maintiendra tant que de meilleurs services de santé—mentale, physique et spirituelle—ne seront pas offerts aux hommes. La société doit être tenue responsable pour avoir accordé si peu d'importance à la capacité des hommes de se préoccuper des autres et d'éprouver du chagrin.
L'importance accordée à la capacité des hommes d'entretenir de bonnes relations et de prendre soin de leurs proches est vraiment cruciale à la qualité de vie de tous les enfants, que ce soit de familles intactes ou de familles éclatées. Il se pourrait que le simple fait de tenir compte de cette capacité des hommes préviendrait l'éclatement de certaines familles, en permettant aux pères de participer à part égale aux décisions familiales.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Maintenant, M. Bouchard.
M. Jason Bouchard (National Alliance for the Advance of Non-Custodial Parents): Merci.
J'étais très heureux de voir que Nedra et Danielle témoignaient aujourd'hui. Elles apportent à ce débat une perspective qui humanise d'une certaine façon un domaine très froid, qui devrait être très humain.
Notre alliance est un organisme de services qui a été créé en 1993 par un très petit groupe. Nous aidons les organisations, les parents qui ne vivent pas avec leurs enfants et les grands-parents. Nous tentons de leur offrir certaines ressources et de les aider à communiquer avec les parlementaires, ici, à Ottawa.
Nous avons constaté par le passé, et je suis sûr que les membres du comité ont remarqué la même chose, que les médias ont parfois tendance à déformer certaines questions et nous tentons d'éclaircir certaines choses et d'apporter un certain équilibre au débat.
Nous avons sur notre papier à en-tête un slogan très simple qui dit «Les enfants ont besoin de leurs deux parents.» Fait intéressant à souligner, il y a des gens, et même des parlementaires, qui ont contesté cette affirmation parce qu'ils la jugent trop offensante. À mon avis, cela en dit long sur la situation actuelle.
Je tiens à remercier le comité pour le marathon qu'il tient jusqu'à maintenant. Comme vous le savez, j'ai suivi les travaux du comité la semaine dernière et j'en suis encore exténué. À la fin de toutes ces longues journées, vous devez avoir hâte aux vacances d'été.
On a beaucoup parlé de l'étendue du problème. Des gens ont affirmé que les choses vont assez bien et vous avez, de toute évidence, entendu toutes sortes d'histoires d'horreur. Je vous dirai que quiconque vit une rupture, quelles que soient les circonstances, en reste traumatisé. C'est l'un des événements dont les personnes touchées, tant les parents que les enfants, se souviennent toute leur vie. Tout ce qui peut servir à atténuer les séquelles est utile, que ce soit les programmes d'information, les séances de médiation ou tout autre outil que nous pouvons concevoir pour réduire les coûts émotifs et les coûts financiers associés, comme on vient de le signaler, aux services de santé.
Il y a deux choses en particulier que je tiens à mentionner. De toute évidence, vous avez entendu parler des succès obtenus jusqu'à maintenant et je voudrais aborder des questions très précises. À propos des études menées jusqu'à maintenant, on vous a dit toutes sortes de choses, que dans 90 p. 100 des cas, tout se déroule à merveille et que ce n'est que dans 5 p. 100 des cas que le droit de visite pose problème. Quelqu'un a même eu l'audace de dire que la moitié des pères ne veulent même plus voir leurs enfants.
Nous travaillons avec des parents, des hommes et des femmes, qui n'ont pas la garde de leurs enfants, et c'est étonnant, mais les stéréotypes incroyables que nous entendons ne traduisent certainement pas la réalité. Pour illustrer toute la controverse entourant certaines des questions qui ont été soulevées ici, permettez-moi de vous citer une étude réalisée en Alberta en 1992 qui a, je crois, déjà été présentée à votre comité. Elle s'intitule «Access to Children Following Parental Relationship Breakdown in Alberta».
• 1850
Les auteurs de l'étude concluaient que le droit de visite ne
posait généralement pas de problème, mais ajoutaient qu'un parent
sur deux qui n'avait pas la garde des enfants connaissait ce genre
de problème, qu'un grand-parent sur deux vivait la même chose et
qu'une cause sur quatre était qualifiée de propice aux conflits,
parce que les parties en cause s'étaient retrouvées devant les
tribunaux au moins quatre fois en deux ans. Ils insistaient
cependant pour dire qu'il n'y avait pas de problème. Ils
mentionnaient que la majorité des parents, tant ceux qui avaient la
garde des enfants que les autres, n'étaient pas d'accord avec les
conclusions de leur étude, mais qu'il n'y avait pas de problème.
C'est étonnant qu'ils aient eu à leur disposition toutes ces
données empiriques, mais qu'ils aient préféré, à mon avis, ne pas
en tenir compte.
Voilà un aspect de la question que votre comité devrait prendre en considération. Les gens qui vous disent que vous ne devriez pas retenir les données anecdotiques qui vous sont transmises sont ceux-là même qui s'en servent. On aurait raison de se méfier; voilà pourquoi nous ne vous remettons pas notre mémoire aujourd'hui. Nous vous le soumettrons la semaine prochaine, avec tous les renseignements nécessaires disponibles, espérons-le... Nous avons tendance à dire aux gens de faire leur travail, alors nous voulons vous fournir tous les renseignements utiles.
Je veux également aborder brièvement une question qui a refait surface ces derniers temps. C'est le professeur Bala qui en a parlé le premier. Il s'agit de la présomption du principal responsable des enfants, qui est soudainement ressortie au cours de cette discussion. Si j'ai bonne mémoire, cela fait 15 ans que le ministre de la Justice—M. MacGuigan à l'époque si je ne m'abuse—a fait part de son intention d'encourager la garde partagée. Dans le film intitulé Mom's House, Dad's House qu'il a réalisé il y a environ 10 ans, l'ONF louait ce concept. Tout à coup, nous avons décidé, ou certaines parties ont décidé, que c'était le principe à préconiser. Je me demande pourquoi.
Évidemment, il y a bien des gens qui ont affirmé par le passé que les parents devaient être plus présents et non moins. Le docteur Kruk, de la Colombie-Britannique, et d'autres intervenants ont fait remarquer qu'un parent réduit au rôle de père ou de mère McDonald de fin de semaine, dont la plus grande décision à prendre consiste à savoir si vous voulez des frites avec votre repas, n'est plus un parent et qu'il disparaît de la vie de ses enfants. C'est ce que le concept du principal responsable des enfants accomplit. C'est exactement ce qui se passe. Il dit: «Vous avez tous les atouts dans vos mains. Le rôle de l'autre parent s'efface.»
Ayant travaillé auprès d'hommes et de femmes qui vivent cette situation, j'ai constaté qu'ils ont l'impression d'être jugés. J'ai entendu des hommes et des femmes dire: «Les tribunaux ne pensent pas que je suis un assez bon parent. J'ai dû faire quelque chose de mal.» Ils ont honte. Les documents scientifiques nous apprennent que les gens à qui vous faites honte ont tendance à se renfermer sur eux-mêmes. Si vous voulez savoir pourquoi le droit de visite pose des problèmes, c'est parce que nous dénigrons ces gens en leur disant: «Vous êtes d'une façon ou d'une autre responsables de tous les problèmes et vous devez en payer la facture et vous paierez en perdant vos enfants.»
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'hésite à vous interrompre, mais vous avez déjà dépassé cinq minutes. Pouvez-vous nous présenter vos conclusions?
M. Jason Bouchard: Oui, rapidement, et j'espère que nous pourrons en discuter pendant la période des questions.
Votre comité a été merveilleux. Malheureusement, ou peut-être heureusement, la plus grande part du travail reste à faire. La mentalité qui a mené notre système de justice au point où il en est actuellement existe encore à l'extérieur de cette salle et la suite que Justice Canada et tous les autres intervenants donneront à ce rapport sera extrêmement importante. Nous savons que, par le passé, il y a eu des problèmes avec les vastes consultations et les longues discussions concernant les questions que nous abordons aujourd'hui. Le comité se doit d'envisager cette possibilité et de veiller à ce que toutes les parties concernées donnent une suite à son mandat, une fois qu'il aura déposé son rapport.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Maintenant, nous entendrons MM. Pelletier et Morissette.
[Français]
est-ce que vous allez vous partager la présentation? Bon, allez-y.
M. Marc-André Pelletier (président, Entraide pères-enfants séparés de l'Outaouais): Bonjour et surtout merci d'avoir accepté de nous entendre. Nous sommes ici en tant que pères représentant le groupe Entraide pères-enfants séparés de l'Outaouais pour vous donner notre point de vue sur la garde et les droits de visite des enfants à la suite d'une rupture conjugale.
Existe-t-il des sentiments qui touchent plus l'âme de l'être humain que le rapport qui s'exerce entre lui et son enfant? C'est un sujet qui tend à faire ressortir les émotions les plus profondes.
Sans vous bombarder de statistiques, il est impératif de constater que la situation présente est intolérable et inacceptable. La réalité actuelle du processus vis-à-vis de la garde des enfants se présente comme suit.
Il y a les cas où les parents s'entendent eux-mêmes sur le mode de garde des enfants. Celui-ci sera par la suite entériné par la cour. Cette situation très enviable n'est malheureusement pas possible dans la majorité des cas.
Les nombreux autres parents qui ne peuvent s'entendre doivent débourser des fortunes en frais de toutes sortes pour se confronter devant les tribunaux et tenter de faire valoir convenablement leur droit de parenté avec leurs enfants. Dans ces cas, le tribunal doit, par habitude, choisir un gagnant et un perdant, généralement le père, parmi les deux parents qui, la plupart du temps, sont tous deux de bons parents.
• 1855
Nous sommes ici aujourd'hui pour dénoncer le fait que
les tribunaux ne favorisent nullement une garde
équitable. Ce sont nos enfants, les parents de demain,
qui en subissent les plus importantes conséquences.
Les statistiques les plus récentes, qui sont du 2 juin
1998, démontrent qu'à la suite d'une rupture conjugale, 86
p. 100 des enfants vivent avec leur mère, 7 p. 100
avec leur père et un très faible pourcentage,
6 p. 100, en garde partagée.
C'est pourtant dans le cadre de cette seule formule que l'équité
parentale et le respect des droits de la personne
peuvent être exercés, cela autant pour les enfants
que pour les
parents, les grands-parents et les autres.
Trente pour cent des enfants qui naissent aujourd'hui vivront avant l'âge adulte dans une famille monoparentale généralement dirigée par leur mère. Leur contact avec leur père sera généralement limité à quatre ou cinq jours par mois. Plus de 40 p. 100 d'entre eux perdront le contact régulier avec leur père pour diverses raisons. Il faut reconnaître qu'avec cette approche, tous sont perdants, sauf, bien sûr, ceux qui vivent de l'industrie du divorce.
Tous les enfants ont deux parents, pas un ni trois, mais deux. C'est dans ce contexte que le Canada a signé, en novembre 1989, la Convention relative aux droits de l'enfant avec d'autres pays membres de l'ONU. Malheureusement, ces droits sont loin d'être respectés ici même, où l'on crie haut et fort que les droits de la personne sont une priorité.
Gilles va maintenant vous faire état des conséquences que vivent chacune des parties concernées, c'est-à-dire les mères, les pères, les enfants et la société.
M. Gilles Morissette (Entraide pères-enfants séparés de l'Outaouais): Merci. Afin d'explorer les conséquences, on voulait mettre les choses en perspective. À cet égard, on ne veut pas soulever les histoires d'horreur que vous avez sans doute entendues ici. Parlons d'abord des mères.
Une fois que la garde est attribuée, la mère doit tenter d'assumer sa carrière et sa vie sociale tout en essayant d'assumer à elle seule toutes les responsabilités quotidiennes de la vie familiale. C'est un défi gigantesque pour une seule personne. Elle doit être surhumaine pour en arriver à rencontrer toutes ses obligations et à subvenir à tous ses besoins. Ces mères avouent elles-mêmes qu'elles sont complètement débordées. À ce propos, je vous cite quelqu'un de la Fédération des femmes du Québec, Mme Duhamel, qui disait:
Qu'en est-il des pères maintenant? Les pères sont de plus en plus désemparés, et à tous points de vue, lorsqu'ils se font systématiquement éliminer de la vie de leur enfant. Ceci explique en grande partie le décrochage affectif et financier de plusieurs d'entre eux. Ils perdent confiance en eux, ainsi que dans les autres d'ailleurs. Personne n'ose leur poser des questions vis-à-vis de leurs sentiments, de leurs besoins, de leur désir de parenter leur enfant convenablement.
Trop souvent, ces pères en arrivent même à accepter que leur propre paternité n'est plus importante pour leurs enfants. Le taux de suicide—on vient d'en parler—chez les hommes québécois, entre autres, brise les records. De plus en plus d'entre eux refusent de s'engager dans la paternité. Il n'est pas étonnant que le taux de natalité soit si bas.
Au cours des 30 dernières années, les pères ont été victimes d'une discrimination systématique injustifiable qui a été sanctionnée par les tribunaux. La rupture du lien parental père-enfant à la suite d'une séparation conjugale est totalement inutile et extrêmement néfaste pour toutes les parties en cause et la société elle-même.
Et les enfants, comment s'en sortent-ils? Nous pourrions combler les bibliothèques au moyen des études qui mentionnent explicitement les dommages faits aux enfants à la suite de la séparation de leurs parents. Les enfants de familles monoparentales sont sujets à vivre deux ou trois fois plus de problèmes que les enfants des familles qu'on dit normales.
• 1900
Quels sont ces problèmes? Les problèmes de devoir
grandir dans la pauvreté et d'y demeurer une fois
adulte; de vivre des problèmes de développement et de
comportement personnel et des problèmes
affectif tels que le manque de
confiance en soi et d'amour propre; de connaître des
difficultés d'apprentissage menant au décrochage
scolaire qui, encore une fois, les pousse vers la
pauvreté. Ils vivront aussi une parentalité précoce
qui aura pour effet de générer à nouveau la
monoparentalité et ils tomberont finalement dans les
drogues, la boisson, la violence, la délinquance
et, par-dessus tout, le suicide. On a des taux
de suicide records au Québec. Que réserve-t-on à ces
adultes en devenir?
La société écope aussi des conséquences désastreuses de la situation actuelle. L'appauvrissement des familles est une conséquence directe de la séparation. Quant à eux, les divers paliers de gouvernement déboursent, selon l'Institut Caledon de politique sociale, un institut d'Ottawa, plus de 6 000 $ par année par famille monoparentale. Au Québec, par exemple, si on multiplie ce montant par les quelque 269 000 familles monoparentales qu'on avait en 1994, on arrive à un montant de plus de 1,6 milliard de dollars qu'on débourse chaque année pour l'entretien de ces familles.
De plus, on ignore également ici les coûts pour l'État du décrochage, des programmes de prévention, de correction et de réhabilitation du fait que la délinquance juvénile est en hausse et mène bien souvent à la criminalité.
Voilà un tableau qui est bien sombre. Pourtant, il est bien réel. Mais notre groupe a des avenues à vous proposer, des recommandations qui, nous le croyons, sont susceptibles de changer la dynamique actuelle. Mon collègue Marc-André va vous parler de nos propositions.
M. Marc-André Pelletier: Afin de rééquilibrer la situation de la famille et d'assurer véritablement le meilleur intérêt de nos enfants tout en respectant les droits de toutes les personnes en cause, nous désirons formuler les recommandations suivantes:
Première recommandation: qu'une garde partagée présomptive soit instaurée automatiquement dès la rupture conjugale selon les règles suivantes:
- l'environnement physique et social de l'enfant demeure intact; pour ce faire, les parents devront s'installer au besoin dans de nouveaux foyers à proximité du foyer original;
- chacun des parents bénéficie d'un partage égal du temps des enfants et, par le fait même, assume la moitié des responsabilités inhérentes à l'entretien de ceux-ci;
- si l'un ou l'autre des parents refuse de fonctionner selon cette formule, il concédera alors la garde à l'autre parent et le système actuel en établira les modalités.
Deuxième recommandation: que l'on procède à la création et au soutien d'organismes gouvernementaux et autres dans le but d'aider les pères à reprendre leur juste place au sein de la famille et, dans ce sens, qu'un conseil de la condition masculine soit créé avec les outils et les soutiens adéquats.
Troisième recommandation: que l'on interdise toute la propagande sexiste anti-masculine dont nous sommes victimes depuis de nombreuses années.
Quatrième recommandation: que l'on sensibilise et éduque la population, surtout les jeunes, à l'importance du rôle et du lien de chacun des parents avec leurs enfants, cela dans le contexte de l'équité parentale.
Nous espérons vous avoir profondément sensibilisés, par ce court témoignage, à l'un des problèmes les plus criants et les plus flagrants que notre société connaisse aujourd'hui. Il est évident que l'on doit remettre les pendules à l'heure si l'on veut léguer aux prochaines générations les valeurs que l'on se vante d'offrir aujourd'hui. C'est à vous, représentants du gouvernement fédéral, de jeter les grandes lignes directrices d'une façon claire et précise afin d'assurer que les droits de toutes les personnes concernées soient respectés. Nous croyons, nous, les pères, que la garde partagée présomptive est la seule façon d'y arriver. Merci de votre attention.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Encore une fois, je demande si M. Brett Peters est arrivé. Non? Alors, nous passons à la période des questions.
Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente. Je vais poser à ce groupe de témoins une question. Je vais vous demander d'y réfléchir, mais je vais faire un petit préambule pour vous donner le temps d'y penser avant de répondre.
Vous avez soulevé un certain nombre de questions, dont quelques-unes qui nous avaient déjà été mentionnées. J'aimerais que vous nous indiquiez, de tous les changements qui vous pourriez apporter, lequel jugez-vous le plus important, lequel notre comité devrait-il apporter? Je ne veux pas que vous me donniez toute une liste de changements à apporter. Je veux que vous me disiez lequel est le plus important, mais je ne veux pas le savoir tout de suite.
• 1905
Je tiens à vous dire que nous avons entendu des témoignages
très intéressants. Parfois, ils représentent le point de vue des
gens du même sexe; parfois, ils illustrent une sorte de guerre des
sexes. Nous avons aussi entendu parler de la solution miracle, la
garde partagée, qui ne tient pas compte, à mon avis, des
différences qui peuvent exister au sein de certaines relations.
Imposer la garde partage ne fonctionne pas toujours. Certaines
ententes peuvent être faites sur mesure, en fonction des
différences que j'ai mentionnées, mais imposer la garde partage est
une solution qui me semble trop simple et pas assez souple.
On nous parle des intérêts supérieurs de l'enfant. On nous cite diverses statistiques. En bout de ligne, je crains que nous ne nous attaquions pas au problème de fond. Nous examinons tous cette question sous un angle différent, selon les expériences que nous avons vécues et les épreuves que nous avons traversées, mais je crains vraiment que nous ne nous attaquions pas au problème de fond.
Selon les dames qui sont venues témoigner, la santé des hommes est un élément clé, tout comme la façon dont ils gèrent leur stress. Je vous rappelle que notre comité étudie la garde et le droit de visite des enfants. Nous examinons les changements à apporter à la loi fédérale et à la loi sur le divorce pour pouvoir ensuite faire des recommandations. Nous voulons recueillir des suggestions de nature générale. Il me semble que vous nous dites que la santé des hommes est un grand sujet de préoccupation et qu'il faut intervenir pour réduire le stress qu'ils subissent. J'ai du mal à comprendre ce que cela a à voir avec le mandat de notre comité.
Monsieur Bouchard, vous avez fait valoir des points intéressants: la présomption du principal responsable des enfants n'est pas une bonne idée. Encore une fois, je vous demande, de tous les changements qui nous ont été proposés, et vous en avez entendu plusieurs puisque vous avez suivi les travaux de notre comité, lequel est le plus important. Je n'en veux pas quinze, j'en veux un seul. Quel est, d'après voir, le plus important?
Au dernier groupe d'hommes que nous avons entendus et qui préconisent la garde partagée de présomption, je dis que d'autres personnes nous en ont parlé. Il y a peut-être des grands-parents qui voudraient que ce principe s'applique aussi à eux. Prenons l'exemple d'un père qui doit à l'occasion séjourner un mois à l'étranger et qui revient ensuite au pays. Comment la garde partagée s'appliquerait-elle dans un tel cas? À mon avis, la garde partagée est trop rigide dans certains cas. Toutefois, il peut y avoir une sorte d'entente entre les parents assez souple pour tenir compte des besoins des parents en cause et des intérêts des enfants.
Je parle et je parle, mais je vais vous permettre de répondre à ma question originale dans un instant. J'en ai peut-être assez dit pour que vous compreniez un peu la déception que je ressens. Je vous demande de pousser votre réflexion au-delà de votre analyse selon vos propres intérêts, selon le sexe ou tout autre critère.
Nous sommes ici en présence d'une rupture au sein des relations, une rupture qui fait souffrir. Je ne crois pas que l'on puisse y changer quelque chose en modifiant la loi, en formant ou en éduquant les juges, ou en faisant quoi que ce soit d'autre. Il y a rupture au sein des relations et il y a des enfants en jeu. Nous voudrions peut-être faire en sorte que tout se passe bien, comme dans un mariage parfait, mais nous n'y arriverons pas. Il y a souffrance.
D'un point de vue fédéral ou du point de vue de ce comité, quel est le mieux que nous puissions faire pour régler tous les problèmes dans ce genre de situation? À mon avis, même le mieux que nous puissions faire ne va pas éliminer cette souffrance. En fait, ça ne devrait pas faire grand-chose.
Pourrais-je commencer avec les derniers témoins?
[Français]
M. Marc-André Pelletier: C'est certain qu'on ne peut éliminer la peine que les parents vivent lors d'une séparation. Cependant, on peut limiter cette peine en évitant de briser les liens parentaux. Comme on l'a mentionné auparavant, dans la majorité des cas, l'un des parents vit non seulement une rupture conjugale, mais aussi une rupture parentale. Alors, on double et on triple les peines que l'on doit vivre.
• 1910
La première chose que vous devez faire, c'est éliminer
cette iniquité parentale qui est flagrante aujourd'hui,
remettre les pendules à l'heure et établir clairement
que l'équité parentale est la norme aujourd'hui et
que la garde partagée doit être présomptive, comme on l'a
mentionné.
Cela devrait fonctionner ainsi dans la majorité des cas. Dans les cas minoritaires où l'un des parents doit s'absenter temporairement, on doit offrir suffisamment de flexibilité pour qu'on puisse fonctionner selon le même système, mais avec des différences qui soient acceptables pour toutes les parties. Fondamentalement, on doit respecter le droit des deux parents d'être égaux et de parenter leurs enfants équitablement. C'est la chose fondamentale et cela répond au problème fondamental que l'on vit aujourd'hui, avec toutes les iniquités et
[Traduction]
les problèmes relatifs au sexe que vous avez mentionnés plus tôt.
M. Eric Lowther: Merci.
Dr Nedra Landers: Le travail que nous accomplissons auprès des hommes s'est imposé du fait de celui que nous accomplissions auprès des femmes. Nous accomplissons toujours le même travail auprès des hommes et auprès des femmes, ce qui nous met dans une drôle de position aux yeux du comité. Je crois que ce que nous voulons, c'est rappeler aux gens que les hommes souffrent autant que les femmes en cas de rupture et de perte possible ou réelle du lien parent-enfant. Il faut en tenir compte.
Pour ce qui est de faire des suggestions, je ne suis pas certaine de pouvoir le faire car, en matière d'équité, il est difficile de légiférer. Je crains que, en tant que commission, les décideurs ne se réfugient derrière une règle et ne jugent pas chaque cas en fonction des circonstances, du contexte et de son caractère unique.
Je suis d'accord. Je ne crois pas que la garde partagée devrait être la règle, mais je crois que chaque cas mérite d'être entendu et ne doit pas être simplement réglé comme ça, faire l'objet d'un jugement rendu en se retranchant derrière une loi donnée. À mon avis, c'est ça l'équité. Les coûts que signifie pour le système de santé et le système judiciaire un jugement rendu sans tenir compte de la position et des sentiments de la mère, du père, de l'enfant et de la famille élargie sont plus élevés qu'ils ne le seraient si l'on prenait le temps de mettre au point un système qui justement tienne compte de la position et des sentiments de chacun.
Comment légiférer, honnêtement, je ne sais pas. Cependant, je pense qu'il faudrait fermement rappeler aux décideurs d'oser prendre la responsabilité de leurs décisions.
M. Eric Lowther: Monsieur Bouchard
M. Jason Bouchard: Beaucoup de choses ont été dites devant ce comité, mais personne n'a dit qu'il y avait trop de prise en charge dans ce pays. C'est à cette question que nous revenons. Certes, la souffrance est grande, mais les enfants doivent en quelque sorte survivre, ils doivent trouver en eux un instinct de survie suffisant pour ne pas être traumatisés à vie. Je crois que le problème est que nous n'avons pas reconnu ce besoin en ce qui concerne les deux parents.
Vous avez parlé de la compétence fédérale. À mon avis, quand nous avons décidé dans ce pays que la santé était importante, nous n'avons pas dit qu'il s'agissait d'une question relevant exclusivement de la province et que le gouvernement fédéral ne pouvait rien faire sauf se tenir à l'écart. Non. Le gouvernement est intervenu et a travaillé avec les provinces à cet objectif. C'est à cause de cela, je pense, que—malgré tous les problèmes—le système de soins de santé que nous avons dans ce pays est très bon. À mon avis, c'est le même genre de problème.
Comment changer la mentalité des gens voulant que les deux parents soient importants? Je pense que c'est ça le problème. L'éducation—vous devez éduquer tout le monde, depuis le juge jusqu'aux parents.
Avant de venir ici aujourd'hui, je passais en revue le matériel vidéo que j'espérais présenter au comité. Même moi, j'ai appris quelque chose en revoyant tout ce matériel que je n'avais pas utilisé depuis environ cinq ans. J'ai appris des choses qui m'ont fait réfléchir et dire c'est juste, c'est une chose à laquelle je n'avais pas pensé.
Si tous les protagonistes savaient le tort que cela cause à ces enfants—ça peut sembler banal, mais c'est vrai—je pense sincèrement que la plupart des parents éviteraient de mettre leurs enfants dans cette situation. Ils ne leur refuseraient pas le droit de voir l'autre parent. Ils ne se prêteraient pas à ces jeux de passe-passe si seulement on les éduquait pour les aider à s'en sortir et à se rappeler que ce qui importe avant tout, ce sont les enfants.
• 1915
À mon avis, s'il est une chose qui peut aider, c'est
l'éducation. Comme vous avez pu le constater en écoutant les
témoins, beaucoup de gens ne pensent pas que les deux parents sont
importants. J'ai observé les représentants du bureau d'aide
juridique lorsque quelque'un leur a demandé ce qu'ils faisaient au
sujet du refus du droit de visite. Ils n'ont pas bronché parce que,
à leurs yeux, le deuxième parent n'est pas important.
Les bons juges disent avoir affaire à un grand nombre de lois qui sont mauvaises. Cependant, rédigez la meilleure loi du monde, à moins que les tribunaux, les parties concernées et tous les protagonistes ne soient d'accord sur le principe fondamental, à savoir une plus grande et non pas une moins grande prise en charge—vous n'arriverez à rien. Mon avis est que nous voulons éviter que les gens n'aient recours aux tribunaux. Tout cela est affaire d'éducation.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Morissette, voulez-vous faire un commentaire?
M. Gilles Morissette: Merci. J'aimerais répondre en partie aux questions que vous avez soulevées au départ. Je partage tout à fait la vision de mon ami Marc-André, à savoir que l'élément central est le problème de l'équité parentale.
Vous avez parfaitement raison quand vous dites qu'on évoque la garde partagée comme une panacée. Une panacée, par définition, ça n'existe pas. C'est quelque chose d'un peu illusoire. Toutefois, vous n'avez pas beaucoup élaboré quand vous avez dit que c'était une formule qui n'est pas flexible et qui ne semble pas être une solution. Cela me ferait plaisir d'en discuter avec vous à un autre moment.
Au fait, je suis ici depuis un moment et j'écoute. Vous allez voir qu'il y a un fil conducteur dans tous les témoignages. C'est ce problème de l'accès à l'enfant qui n'est pas donné de façon égale. On préconise l'équité parentale parce que les parents qui veulent s'impliquer pourront assumer leur rôle. Ceux qui ne veulent pas s'occuper de leur enfant prendront les mécanismes existants.
Vous avez parlé d'une chose extrêmement importante: l'intérêt de l'enfant. On a confié ça au système judiciaire. On peut vous dire, et je pense que vous en avez la preuve, que le système judiciaire s'est emparé de l'intérêt de l'enfant et que les juges rendent aujourd'hui des verdicts qui sont épouvantables eu égard aux intérêts des enfants. Alors, il faut faire bien attention quand on veut confier l'intérêt de l'enfant à un tierce partie.
Finalement, j'aimerais revenir à la dernière question que vous avez soulevée, au thème des grands-parents. Évidemment, je ne voudrais pas parler en leur nom, mais notre groupe en a eu une certaine expérience. La tragédie des grands-parents, c'est que les petits-enfants paient aujourd'hui le prix des séparations. Quand les parents pourront avoir un accès égal aux enfants, quand il y aura une certaine harmonie... L'équité parentale minimise les conflits au sens où les deux ont un accès égal et où les responsabilités sont définies en conséquence. Alors, ça minimise les conflits. Merci.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Docteur Nihon, vous vouliez aussi faire un commentaire.
Dr Danielle Nihon: Je voudrais juste dire brièvement, quand nous parlons des statistiques, n'oublions pas que ce n'est pas un chiffre de Statistique Canada, que c'est une compilation d'histoires tragiques comme celles que nous avons entendues. Ne l'oublions pas.
La chose la plus importante que je recommande à votre comité, c'est de voir s'il y a moyen de changer l'idée que l'on a du père et de faire accepter l'idée qu'un père peut être un aussi bon parent qu'une mère. Je crois qu'on en parle pour la forme, mais qu'elle n'est pas là.
Ça m'a fait un coup terrible d'entendre un médiateur familial hautement respecté—parce que je recommande toujours la médiation à mes clients qui passent par les affres de la séparation—dire que, sauf circonstances exceptionnelles, on présume que c'est à la mère que revient la garde de l'enfant.
Enfin, nous avons parlé de choses qui dépassent le stress, comme le suicide. Ce sont des choses très importantes dont nous devons tenir compte.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Le Dr Bennett.
Mme Carolyn Bennett: L'un des sujets dont nous avons beaucoup parlé, comme vous le savez, ce sont les termes garde et droit de visite qui supposent un gagnant et un perdant et qui établissent un déséquilibre. Je voudrais savoir si, comme nous en avons parlé, vous ne pensez pas qu'à la place d'utiliser «garde partagée» qui aussi une expression équivoque, on ne pourrait pas simplement parler de «plan parental» qui suppose que les deux parents continuent d'avoir certaines responsabilités à l'égard des enfants... Pensez-vous que ça puisse se faire?
• 1920
Je redoute les mots comme «égal» car, comme vous le savez,
avec l'histoire des pensions alimentaires, on arrive à des calculs
qui ne sont pas nécessairement bons pour les enfants. J'espère que
nous trouverons un système plus flexible, plus pratique, plus
réaliste à l'égard de l'enfant. Ce n'est pas la première fois que
je le dis, mais ce n'est pas une question de gagnant ou de perdant,
il faut voir à ce que l'enfant puisse aller aux matches de soccer,
aux parties d'anniversaires. Le fait qu'un enfant veuille aller en
colonie de vacances ou autre chose du genre, ce n'est pas retirer
du temps à l'un des parents...
Je voudrais savoir si, à votre avis, le fait de changer la terminologie permettrait de contourner ce problème de garde et de droit de visite, voire cette terrible notion de parent de première ligne et autres notions du genre qui m'inquiètent réellement car elles signifient un retour d'une quinzaine d'années en arrière.
Mais je voudrais aussi parler des statistiques qu'a citées tout à l'heure Mme Finestone en ce qui concerne ce qui semble être une réalité, à savoir l'abandon de son droit de visite par le parent qui n'a pas obtenu la garde. J'aimerais savoir si, à votre avis, c'est à cause des tracas que cela représente et qui font que c'est moins valable voire plus difficile pour l'enfant, ou bien si, comme certains l'ont suggéré, c'est parce que revendiquer le droit de visite n'est autre qu'une façon d'essayer de prouver que l'on est pas vraiment perdant? Des personnes ont-elles revendiqué le droit de visite alors qu'elles ne désiraient pas l'avoir? Cela reflète mal sur les parents qui n'ont pas obtenu la garde et qui désirent sincèrement avoir le droit de visite. Pouvez-vous me dire quelles sont les solutions?
Dr Nedra Landers: Je crois que les mots sont très importants et en disent beaucoup. Tout le monde, à un moment donné, a son mot favori qui va déclencher une réaction positive ou négative.
Cependant, j'ai tendance à être d'accord. Je pense qu'un très bon moyen d'aider la société à changer sa perception des choses est de remplacer certains termes et d'amener les gens à réfléchir aux valeurs qu'ils attachent à certains mots.
Je suis d'accord. Je ne crois pas que rien ne puisse être trop adapté. Je pense qu'il faut une certaine souplesse, qu'il faut juger de chaque situation.
Je pense que vous avez raison. Certains se servent du droit de visite par vengeance comme d'autres s'en servent pour essayer de préserver une relation. On ne peut pas généraliser. Vous devez examiner chaque situation et déterminer si la revendication du droit de visite vient d'un désir de vengeance ou est réellement sincère, et cela vous ne le saurez pas à moins d'entendre chacun des partenaires.
M. Jason Bouchard: Pour ce qui est du droit de visite, il y a deux extrêmes. Je pense qu'il faut prendre en considération les deux extrêmes car qu'un parent veuille voir ses enfants parce qu'il ou elle les aime ou parce qu'il ou elle essaie en quelque sorte de garder un certain pouvoir... l'enfant a besoin d'un parent. Et donc, nous devons tenir compte des deux aspects dans le cas d'un parent qui n'exerce pas son droit de visite.
Souvent, le problème est que le parent qui n'a pas obtenu la garde a honte. Ça peut sembler très «mytho-poétique», mais c'est la réalité. Comme ces deux femmes vous le diront, les parents qui n'ont pas obtenu la garde font partie de la catégorie des personnes les plus suicidaires à cause de la honte qu'ils ressentent. C'est un problème très réel.
Par conséquent, nous devons éduquer les parents qui n'exercent pas leur droit de visite pour la mauvaise raison, parce qu'ils s'en moquent. Nous devons par ailleurs intervenir auprès de ceux qui ne l'exercent pas parce qu'ils ont honte ou qu'ils se sentent rejetés pour les aider à mieux réagir parce que de toute façon l'enfant a besoin d'une plus grande prise en charge.
Mme Carolyn Bennett: Avant que vous ne répondiez, je voudrais poser une autre question.
Y a-t-il quelque chose que des groupes autres que le vôtre, mais peut-être surtout comme le vôtre, puissent faire dans le cas des parents qui n'exercent pas leur droit de visite pour une raison quelconque, une raison confuse, que ce soit parce qu'ils sentent qu'ils ont perdu, qu'ils ont honte, ou autre? Y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire pour qu'il soit plus facile pour les parents d'exercer leur droit de visite en toute sécurité? Que peut-on faire pour les encourager, pour qu'ils réagissent de façon positive, que ce soit au niveau du projet de loi ou à celui des recommandations du comité?
M. Jason Bouchard: Attacher de l'importance au droit de visite. Actuellement, nous attachons de l'importance à la pension alimentaire que doit verser le parent qui n'a pas obtenu la garde. Nous y attachons beaucoup d'importance.
Lorsque nous étions à St. John's, j'ai participé à une émission-débat. La première question qu'on m'a posée était au sujet des pères mauvais payeurs. La première chose à qui vient à l'esprit lorsqu'un père n'a pas obtenu la garde, c'est de le ranger dans la catégorie des pères mauvais payeurs. Je trouve ça incroyable. Comment notre société en est-elle arrivée à une telle mentalité? Nous devons faire en sorte de changer tout cela. Il y a beaucoup d'autres choses que la société n'accepte pas—la conduite en état d'ébriété entre autres. Nous avons fait accepter à la société que c'est une mauvaise idée et avons changé la mentalité de la population sur ce plan. Si nécessaire, nous devons faire la même chose pour ces parents de façon à ce qu'ils n'aient pas honte et qu'ils sachent qu'ils sont importants. Même si l'enfant n'est pas avec eux la plupart du temps, ce sont toujours des parents et ils occupent toujours une place extrêmement importante dans la vie de l'enfant.
Mme Carolyn Bennett: Il a été question de la conduite en état d'ébriété à l'émission Friends.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui.
M. Marc-André Pelletier: Je suis content que vous souleviez l'idée d'avoir un système qui soit à la fois simple, clair et précis. Dans le système actuel, il y a plusieurs personnes qui ne s'y retrouvent pas du tout. Notre idée de l'équité parentale et de la garde partagée présomptive élimine les deux niveaux de parents qu'on se trouve à créer présentement, ce qui crée aussi des conflits. Chacun essaie de tirer la couverture de son côté.
Quand on les place dans une position d'équité, on les place littéralement dans un contexte où ils doivent continuer à collaborer et à partager au niveau des besoins de leurs enfants. Ils continuent de se concentrer sur les besoins de leurs enfants. Je pourrais même vous donner l'exemple de mon cas personnel. C'est vraiment remarquable, ce qu'a pu faire une garde partagée qu'on a imposée après que l'enfant ait passé cinq ans avec la mère. Cela a éliminé tous les conflits, et les parents sont maintenant deux partenaires. C'est cela qui est merveilleux dans la garde partagée. En plaçant les deux parents au même niveau, on les fait travailler ensemble au lieu de les faire travailler l'un contre l'autre.
Pour compléter, j'aimerais vous dire que la formule simple que l'on vous propose élimine la majorité des problèmes. Au lieu de placer les parents dans un contexte d'adversaires, il est primordial de les placer dans un contexte de partenaires, de les garder comme partenaires. Même si le noyau familial éclate, la famille est toujours là. Le noyau prend une forme différente, mais la famille est toujours là et les besoins sont toujours là.
Pour répondre à votre deuxième question au sujet des pères qui semblent avoir de la difficulté à jouer pleinement leur rôle, je pense qu'on doit en effet mettre en place des services pour les encourager et les informer de l'importance de leur rôle. Je soulignerai là-dessus que ce n'est pas avec un projet de loi comme C-41, qu'on a adopté le printemps dernier, qu'on va y arriver. Ce n'est pas en contraignant les pères à jouer un rôle qui ne leur convient pas et qui ne convient pas non plus à leurs enfants qu'on va réussir à les embarquer dans le bateau. Ce n'est pas en faisant cela.
Je suis un père et j'ai vécu cela. Aujourd'hui, je suis heureux de vivre une garde partagée, cela depuis bientôt deux ans. Vous devriez voir mon enfant dans tout cela. Mon enfant est totalement épanouie. Elle ressent un bien-être. Elle a huit ans aujourd'hui et elle dit elle-même qu'elle préférerait voir ses deux parents ensemble, mais étant donné que cela n'est pas possible, elle est consciente que la formule qu'on a présentement est la meilleure dans les circonstances.
Il faut dire qu'elle avait vécu cinq ans auparavant avec sa mère et que le père avait des droits de visite restreints, ce qui est très néfaste, autant pour l'enfant que pour le parent.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pouvez-vous faire aussi vite que possible? Plusieurs d'entre nous ont des obligations et nous attendons un autre groupe de témoins.
[Français]
M. Gilles Morissette: Très bien. Merci.
• 1930
Au sujet des droits de
visite, c'est effectivement une bonne question. Ce qui
arrive dans la réalité, ce n'est pas que les parents—le
père dans les cas qui nous préoccupent—sont confus. Mais
vous avez parfaitement raison de dire qu'ils ont
perdu quelque chose, et combien: l'accès à
l'enfant.
Comment voulez-vous établir un rapport père-fils ou père-fille quand vous voyez votre enfant trois ou quatre fois par mois? C'est une tragédie. Dans la réalité d'aujourd'hui, le droit de visite sert au parent gardien comme mécanisme de contrôle de l'accès. Pour un père, c'est une réalité qui est tragique parce qu'on joue avec cette notion et que souvent on lui refuse l'accès en dépit du fait qu'il a des droits de visite, cela pour des raisons qui sont autres: vengeance et tout ce qu'on peut imaginer. Vous le savez car vous en avez beaucoup entendu parler.
Alors, cela devient l'objet d'un contrôle. C'est pour cela que le terme «droit de visite» est utilisé vraiment à mauvais escient. Le droit de visite sert à contrôler et à manipuler.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Mme Finestone a un bref commentaire à faire, mais c'est tout. Il ne s'agit pas d'une question.
L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Bouchard, je sais que vous avez suivi notre comité. Je vous ai vu dans les Maritimes les cinq jours que nous étions là-bas. Vous avez parlé des pères mauvais payeurs. Lors de votre interview, il y a immédiatement eu un appel d'un interlocuteur qui vous a posé une question au sujet des pères mauvais payeurs. À mon avis, c'est une histoire montée de toutes pièces par les médias pour attirer l'attention.
Plus nous permettons aux médias d'inventer des histoires, pire ce sera. À mon avis, la seule façon de contrecarrer ce genre de choses, c'est que quelqu'un dans votre position, chef d'une coalition, rétorque à ces gens, chaque fois qu'ils ouvrent la bouche: «C'est votre définition, ce n'est pas celle du gouvernement, ce n'est pas la définition qui figure dans la loi, et ce n'est pas la réalité.»
Il ne s'agit pas de la terminologie utilisée ou de l'attitude observée ici, mais bien des médias qui pensent avoir à l'égard des choses une approche très maligne, mais qui en fait est très destructrice et très inefficace.
M. Jason Bouchard: Je suis d'accord et, en fait, plusieurs plaintes ont été déposées auprès du CRTC. Je pense que ça en dit long sur le climat qui règne. Les membres du comité ont dit que les médias avaient une fausse idée du comité lui-même. Il est très difficile de forcer les médias à faire leur travail. Chaque fois qu'ils utilisent de tels termes, ils reçoivent des plaintes, mais il y a une idée derrière cette façon qu'ils ont de jeter constamment la honte sur les parents qui n'ont pas obtenu la garde, de les réduire à ce niveau. La honte est un sentiment commun aux hommes et aux femmes. J'ai travaillé avec les deux.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup pour ces commentaires.
Nous devons faire entrer l'autre groupe de témoins. Merci à tous d'être venus.
M. Richard Fortin, M. Nash Smith, et M. Lubomyr Luciuk, voulez-vous commencer, je vous prie? Vous avez cinq minutes.
[Français]
M. Richard Fortin (témoigne à titre personnel): Chers membres du comité, je suis un père qui n'a pas vu sa fille depuis près de quatre ans. Savez-vous qu'il existe des parents qui ont la garde des enfants et qui empêchent les enfants de voir l'autre parent en utilisant l'abus psychologique? La cause de Pamela Stuart-Mills à la Cour d'appel de Québec en est une dans laquelle le parent gardien, en l'occurrence le père, a perdu la garde d'un enfant. Dans cette cause, il a été prouvé, à l'aide des études faites par le Dr Richard Gardner, un psychologue du New Jersey, que le père utilisait des méthodes d'aliénation parentale pour empêcher les enfants de voir leur mère.
• 1935
Toujours au Québec, car on ne retrouve pas ces
jugements reconnaissant l'existence de l'aliénation
parentale en Ontario, une mère a perdu la garde de ses
enfants car il a été prouvé qu'elle avait contribué
à l'aliénation parentale des enfants.
Ces preuves ont été obtenues à l'aide des
études du même Dr Gardner. Cette cause était celle de
D.H. c. K.C., en 1995, devant le juge Trudel de
la Cour supérieure du Québec à Hull.
Je suis ici aujourd'hui pour parler au nom des enfants qui subissent cet abus psychologique et ces conflits de loyauté et qui sont manipulés par des parents ayant la garde.
Dans un article du Time Magazine de septembre 1993, Lynne Gold-Bikin, présidente du conseil de la section du droit de la famille du Barreau américain, disait:
[Traduction]
[Français]
Si le Barreau américain reconnaît ce phénomène, on est loin de cela au Canada. Les séquelles de l'aliénation parentale sur un enfant sont énumérées dans les études des Drs Gardner et Cartwright. En voici quelques extraits. Le Dr Cartwright écrit dans l'American Journal of Family Therapy, volume 21, automne 93, page 212:
[Traduction]
[Français]
Et plus loin, à la page 213, il écrit:
[Traduction]
[Français]
Dans un rapport sur le syndrome de l'aliénation parentale écrit par Anne-France Goldwater en 1991, on lit:
[Traduction]
[Français]
Voici un autre extrait du rapport du Dr Cartwright dans lequel il cite le Dr Gardner:
[Traduction]
[Français]
Mon cas a été étudié par le Dr Gardner. Voici ce qu'il en écrit:
[Traduction]
[Français]
Voici ce que le juge Desmarais de la Cour de l'Ontario a statué sur mon cas, après avoir pris connaissance du rapport du Dr Gardner:
[Traduction]
[Français]
Ce qui est regrettable dans mon cas, c'est que le juge admet qu'il y aura des séquelles, mais ne suggère rien pour y remédier, même pas de la thérapie, dont nous avions fait la demande. Trop de juges sont ignorants des symptômes et des séquelles de l'aliénation parentale.
Voici ce que le Dr Gardner écrit à propos de la suggestion du juge de laisser aux enfants le choix de ne pas visiter le parent aliéné:
[Traduction]
[Français]
En conclusion, voici mes recommandations pour que l'on vienne en aide aux enfants victimes du syndrome d'aliénation parentale.
Les tribunaux devraient être plus attentifs et aux aguets lorsqu'ils ont affaire au cas d'un enfant qui ne veut plus voir l'un de ses parents. Malheureusement, comme dans mon cas, les juges s'en lavent les mains et optent pour la solution la plus facile, cela au détriment de l'enfant.
Ma deuxième recommandation serait qu'aussitôt qu'il est question d'un enfant qui ne veut plus voir un de ses parents, la cour devrait retenir les services d'un psychologue connaissant le syndrome de l'aliénation parentale. Un psychologue ignorant du syndrome passera à côté du problème comme l'a fait le premier psychologue nommé dans ma cause. Un patient qui a un problème de la vue est envoyé à un ophtalmologue et non à un médecin de pratique générale.
Ma dernière recommandation serait qu'étant donné que le syndrome de l'aliénation parentale a été mis à jour en 1992 par le Dr Gardner, ce comité devrait prendre le temps de lire et d'étudier, si ce n'est déjà fait, les récentes études de psychologues sur le sujet, entre autres le livre du Dr Gardner, dont j'ai ici une copie. Vous seriez alors en mesure de comprendre que les séquelles de ce syndrome sont plus importantes qu'on le pense et que, contrairement à ce que l'on peut penser,
[Traduction]
le temps guérit tous les maux, sauf l'aliénation
[Français]
selon le Dr Cartwright. De plus, le docteur Cartwright termine son exposé dans l'American Journal of Family Therapy en disant:
[Traduction]
[Français]
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de présenter mon point de vue.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Thank you very much.
Monsieur Smith.
M. Nash Smith (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup, honorables sénateurs et députés.
Mon cas est tragique. Mon mariage s'est rompu quand ma femme a décidé de partir pour fréquenter quelqu'un qui était en mesure de lui assurer la sécurité financière. J'étais travailleur occasionnel à la Régie des alcools de l'Ontario. J'y travaille depuis onze ans. De ce mariage, nous avons trois enfants et elle avait eu un enfant d'un mariage précédent. Elle est partie le jour de Noël 1944, juste après le souper. Elle me laissait les enfants, car il lui était impossible de les prendre, compte tenu de son nouveau mariage, disait-elle.
Malheureusement pour elle, ce mariage n'a pas été très satisfaisant et elle est revenue me demander de l'aide financière. Quand j'ai refusé, elle m'a demandé de l'argent en offrant de me laisser les enfants et j'ai encore dit non. Elle s'est adressée aux tribunaux pour demander la garde des enfants. Nous avons eu la chance d'obtenir une garde partagée de deux enfants, âgés de 7 et de 12 ans. Mon fils aîné, âgé de 15 ans, a décidé de rester avec moi, parce qu'il ne voulait pas aller avec sa mère et son nouvel époux.
J'ai souvent conseillé à mon fils d'aller visiter sa mère, mais il ne voulait pas. Au bout d'un an à peu près, il a commencé à lui rendre visite. C'est à ce moment-là que j'ai vu sa mère lui acheter des choses, lui mettre des idées en tête et, tout d'un coup, je me suis aperçu que mon fils apportait chez moi des films pornos qu'il prenait chez sa mère. J'ai protesté. Il s'est énervé et a décidé d'aller vivre chez sa mère pour être plus libre. J'en ai parlé à sa mère qui a paru plutôt insultée et qui m'a dit qu'à 15 ans, le jeune pouvait faire ce qu'il voulait.
Je me suis opposé à cela, mais, en rentrant à la maison un jour, j'ai constaté que mon fils était parti. Elle était venue le chercher. Il a ensuite pris l'habitude de passer une semaine avec moi et une semaine chez sa mère.
• 1945
Le 29 décembre dernier, les enfants sont allés visiter leur
mère pour le week-end. Ils devaient rentrer le 4 janvier, mais leur
mère les en a empêchés. J'ai appelé la police pour faire exécuter
l'ordonnance du tribunal. La police m'a répondu qu'il n'y avait
aucune disposition dans l'ordonnance du tribunal prévoyant
l'intervention de la police pour cela. J'ai donc dû m'adresser au
tribunal.
J'ai présenté une demande d'aide juridique, mais elle a été refusée et j'ai dû engager un avocat. Jusqu'à maintenant, les honoraires m'ont coûté environ 7 000 $. Je n'avais pas cet argent et j'ai donc dû l'emprunter. Je me suis présenté devant le tribunal où le juge Schreider a demandé à mon ex-femme pourquoi elle désobéissait à son ordonnance. Elle n'avait aucune bonne raison à fournir, sauf que les enfants refusaient de rentrer à la maison. Le juge a décidé que son argument ne tenait pas et que les enfants devaient rentrer chez moi. C'est alors que son avocat s'est levé et a dit que, chez moi, les enfants étaient victimes de violence sexuelle et physique.
Le juge a déclaré que ces renseignements étaient nouveaux et il a demandé pourquoi personne n'en avait encore parlé. L'avocate des enfants a comparu et déclaré au juge qu'il ne devrait pas tenir compte de cette plainte, parce qu'il n'y avait jamais eu de signalement auprès de la police ou d'autres intervenants. Cependant, on a insisté en disant que la vie des enfants serait menacée s'ils revenaient vivre chez moi.
Le juge Schreider a demandé à l'avocate des enfants de faire enquête. Elle a répondu qu'elle n'avait ni le pouvoir ni la compétence pour cela, et que le juge devrait trouver quelqu'un d'autre. Il a changé d'avis et décidé d'accorder la garde des enfants à leur mère.
Mon avocat a demandé si l'affaire avait été signalée à la société d'aide à l'enfance. On a répondu qu'il y avait eu un signalement à la société d'aide à l'enfance et qu'une enquête était en cours. Nous avons demandé au juge Schreider d'assigner à comparaître la société d'aide à l'enfance pour qu'elle présente les renseignements qu'elle possédait. L'avocat de mon ex-femme a alors déclaré qu'en fait, il n'y avait jamais eu de signalement à la société d'aide à l'enfance.
En ce qui nous concerne, il y avait eu parjure, mais cela n'a pas empêché le juge Schreider d'accorder la garde des enfants à leur mère. Nous sommes revenus devant le tribunal deux semaines plus tard et le juge Schreider a répété que, tant que la mère craindrait pour la vie des enfants, c'est à elle qu'il allait confier la garde.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je regrette de vous interrompre, mais vous avez la parole depuis plus de cinq minutes. Pourriez-vous présenter vos recommandations, s'il vous plaît?
M. Nash Smith: J'ai une recommandation à faire. Cette affaire a été portée à l'attention de responsables de toutes sortes, mais rien n'a été fait. On a menti au tribunal et on s'en est sorti. Je recommande donc que le comité adopte le projet de loi S-4 et fasse en sorte qu'il soit criminel pour un avocat de déposer de fausses preuves au tribunal, parce qu'ils doivent payer pour cela.
C'est la seule chose qui aurait pu me venir en aide. Je n'ai pas vu mes enfants depuis six mois et on me refuse tout accès auprès d'eux.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Luciuk.
M. Lubomyr Luciuk (témoigne à titre personnel): Merci et bonsoir.
J'enseigne au Collège royal militaire du Canada à Kingston, en Ontario, où je réside. À l'heure actuelle, je suis en affectation à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, mais je témoigne ici à titre personnel.
Sur la question de la garde, je recommanderais au comité spécial de faire en sorte que, sauf dans les cas de violence conjugale ou de mauvais traitements établis de façon crédible, la garde partagée soit la norme.
Quant à la question des lignes directrices existantes concernant la pension alimentaire pour enfants, je pense qu'il est important que le comité se demande si, dans chaque cas pris individuellement, le juge tient vraiment compte des moyens financiers des deux parties avant de prendre une ordonnance à cet égard.
Dans mon cas, la séparation a commencé en juillet 1993. Dernièrement, une ordonnance provisoire a été prise, qui ne prend absolument pas en compte le fait que le salaire de mon ex-épouse a constamment été supérieur au mien depuis 1993 et l'est incontestablement aujourd'hui. Le fardeau dont on m'a chargé me paralyse financièrement.
Mais, franchement, je dirai que ces deux questions ne sont pas primordiales. Je peux composer avec le fardeau financier. Je trouverai peut-être un autre moyen de faire avec la question de la garde. C'est l'accès aux enfants qui doit surtout retenir votre attention. Je suis d'avis qu'il faut tenir compte du principe selon lequel nous devons agir dans l'intérêt véritable de nos enfants.
J'ai rédigé un mémoire que j'ai remis au greffier du comité. À l'annexe B, j'ai décrit, en ordre chronologique et de façon détaillée, les nombreuses tentatives que j'ai faites, pendant plusieurs années, pour obtenir un accès raisonnable et régulier à ma fille de sept ans qui vit avec sa mère, à Toronto. Ces tentatives ont constamment été bloquées par les manoeuvres d'avocats menteurs, renseignés par une mère que je ne peux qualifier autrement que de malicieuse.
• 1950
La chronologie des faits que j'ai présentée montre bien que le
système en place ne fonctionne pas en ce qui concerne l'accès aux
enfants. Je pense que, selon une opinion publique éclairée—et
j'attire votre attention sur un article que vous avez sûrement tous
lu dans le Globe and Mail du 6 avril, article que j'ai également
inclus dans ma documentation—, la chose la plus importante que
pourrait faire votre comité serait de recommander qu'un accès
ouvert et facile aux enfants soit possible pour les deux
parents—je dis bien les deux parents—et les deux familles en cas
de séparation ou de divorce.
Je voudrais simplement vous donner un exemple puisé dans ma propre expérience. Il y a environ un mois, M. Kenneth Cole, avocat réputé de Toronto et associé principal du cabinet Epstein, Cole de la rue Bay, m'a réellement proposé l'accès à ma fille pendant environ 25 jours en tout au cours d'une année, chez moi, à Kingston. Je devais aller la chercher à 20 heures le vendredi, l'amener à Kingston, et la ramener avant 20 heures le dimanche.
Je pense que vous connaissez tous la géographie du Sud de l'Ontario. Une fois sorti de Toronto, il faut environ deux heures et demie d'automobile pour arriver à Kingston. Autrement dit, je devais aller chercher une enfant de sept ans en automobile le soir, rentrer à Kingston vers minuit, la coucher et, au bout d'une journée et demie à peu près, la reconduire.
Qu'en était-il de l'accès à Noël? Cinq jours complets. Je devais la ramener au milieu du jour de Noël.
Cette proposition était absurde, scandaleuse. Je l'ai rejetée au nom de ma fille.
Je pense que l'important, ce n'est pas de penser aux détails de ma propre expérience malheureuse, mais bien de se demander comment un membre du Barreau a bien pu faire une proposition aussi ridicule.
Il faut se poser la question suivante: Qui crée vraiment les problèmes dans tout ce processus? J'ai souvent entendu dire que les avocats réglaient les problèmes, qu'ils partageaient une vocation. Je déclare respectueusement que c'est de la fiction. Ils semblent plus souvent être la source des problèmes.
J'ai des recommandations très précises à vous faire. Votre groupe devrait peut-être songer à établir ou à recommander au gouvernement du Canada d'établir un tribunal des divorces, c'est-à-dire un organisme indépendant dont l'effectif serait composé de fonctionnaires qui n'auraient aucun intérêt dans le règlement des questions d'accès aux enfants et de pension alimentaire pour enfants.
Il faudrait exiger l'arbitrage exécutoire de tous les couples qui demandent le divorce.
Dans la mesure du possible, il faudrait exclure du processus les praticiens du droit familial. Rien ne les encourage vraiment à résoudre ces questions.
Il existe des lignes directrices concernant la pension alimentaire. Je vous ai dit comment elles ont été appliquées dans mon cas. Vous trouverez plus de renseignements dans le mémoire même. Encore une fois, puisque nous avons des lignes directrices concernant la pension alimentaire, pourquoi ne pourrions-nous pas élaborer des lignes directrices concernant l'accès aux enfants?
Le plus gros problème que j'ai eu—et que d'autres ont eu, d'après ce que je comprends de certaines observations que j'ai entendues ce soir—avait trait à l'accès. Il importe peu qu'on parle de garde partagée, de garde conjointe, d'exercice conjoint du rôle parental ou d'une autre expression. La question devrait consister à garantir un accès régulier, libre et ample aux enfants au parent qui n'a pas obtenu la garde—habituellement le père, mais parfois la mère—et à tous les membres des familles immédiates, notamment les tantes, les oncles et les grands-parents.
À mon avis, le temps est venu pour nous, en tant que société, de placer les intérêts des enfants avant la soif d'argent de certains compères et des mères malicieuses qui leur donnent des directives.
Ce matin encore, deux amis m'ont demandé pourquoi je tenais à comparaître devant vous ce soir, quitte à venir en auto de Toronto, faire une présentation de cinq minutes et refaire la route. J'ai dit que je le faisais pour ma fille pour qui je suis prêt à me battre.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.
Votre témoignage vient simplement conforter les opinions que nous avons entendues ces dernières semaines. Vous avez traité de la question de parjure et de fausses preuves présentées par un parent, mais aussi, comme nous l'avons relevé dans bon nombre de cas, de la complicité des avocats. Je considère que c'est une question troublante. J'ai été impressionnée de vous entendre parler d'avocats menteurs et de mères malicieuses.
• 1955
Vos trois recommandations portaient sur le tribunal des
divorces, l'arbitrage exécutoire et les lignes directrices
concernant la pension alimentaire pour enfants et l'accès aux
enfants. Mais j'aimerais bien que quelqu'un me dise comment on
pourrait définir, dans les lignes directrices, ce qui est dans
l'intérêt de l'enfant. Devrait-on donner une forme, une description
de ce qui est dans l'intérêt de l'enfant? Sans fournir
nécessairement des précisions, cette définition donnerait une idée
du mode de vie ou des rôles de la famille à une époque où celle-ci
était plus stable. D'après vous, quelles sont les lignes
directrices qui définiraient le mieux ce qui est dans l'intérêt de
l'enfant, de sorte que les expériences regrettables que chacun de
vous avez vécues ne se répètent pas?
M. Lubomyr Luciuk: Si vous me permettez de dire un mot sur la première question que vous avez mentionnée, madame Finestone, concernant le parjure ou la présentation de fausses preuves devant un tribunal, la Section de première instance de la Cour fédérale a récemment rendu une décision à cet égard. Dans une affaire concernant un réfugié, on a découvert qu'un avocat réputé de la région de Toronto avait déposé de faux affidavits. Si je ne m'abuse, on lui a imposé une amende et une sanction rigoureuse. Je pense que cela s'applique dans ce cas-ci et je vais m'assurer que monsieur ici obtienne une copie de cette décision.
Je repense à une question que j'ai entendue plus tôt et je ne sais vraiment pas comment on peut composer avec une famille éclatée par suite d'un divorce ou d'une séparation ni comment on établit des lignes directrices pour le faire. Honnêtement, je crois que c'est pratiquement impossible. Je ne connais pas la recette pour faire tenir un vase qui est en mille miettes. Mais je pense vraiment qu'il est possible d'alléger une partie—et je dis bien une partie—de la souffrance quand un père ou une mère qui divorcent ou un tribunal de la famille sait qu'il y a des obligations financières à respecter—qui sont importantes, je ne le nie pas—, mais qu'un certain accès doit être garanti.
Dans mon cas, personne ne s'est demandé si j'étais un bon père ou non, ou si j'infligeais des mauvais traitements. Il n'y a jamais eu de telles allégations. On m'a simplement dit qu'on me refuserait l'accès aux enfants, si je ne versais pas plus d'argent. Tout l'enjeu était là. C'est d'ailleurs toujours l'enjeu, parce que, cinq ans après notre séparation, les questions d'accès et de pension alimentaire ne sont toujours pas réglées.
L'hon. Sheila Finestone: Est-ce qu'on a eu recours aux lignes directrices et avez-vous trouvé ces dernières inappropriées? Je crois avoir entendu un membre du groupe déclarer que ces lignes directrices étaient tellement complexes et onéreuses que sa situation financière en a souffert.
M. Lubomyr Luciuk: Je refuse de mettre un prix sur la tête de mon enfant et je suis décidé à payer ce qu'on exige de moi, de sorte qu'on m'a poussé au bord de la faillite. D'après mon expérience, l'application des lignes directrices consiste à prendre votre salaire et à vous dire que vous devez payer tant. On ne tient même pas compte du salaire de l'autre parent, ou ex-époux ou ex-épouse. Dans mon cas, les états financiers de mon ex-épouse déposés sous serment montraient clairement qu'elle gagne plus que moi et ses déclarations à Revenu Canada prouvent qu'elle gagne plus que moi depuis plusieurs années. Le juge s'en moquait éperdument. De faux affidavits déposés sous serment indiquaient que je recevais un revenu additionnel. Il faut attribuer cela à la propension au mensonge des avocats ou au fait qu'ils ne peuvent lire l'anglais, mais j'ai porté l'affaire devant la Barreau du Haut-Canada.
En fait, il faudrait tenir compte des revenus respectifs des parents. Si l'un d'eux doit engager des frais pour effectuer une visite à Toronto et revenir à Kingston, puis retourner à Toronto et revenir de nouveau à Kingston, ces frais devraient être comptabilisés.
Je ne veux priver ma fille de rien et je tiens à la voir. Mais si cela crée un fardeau financier, que la pension alimentaire m'oblige à débourser un certain montant et que le juge vienne y ajouter d'autres montants... À un moment donné, une somme de 2 000 $ a été ajoutée pour la première communion. Comme une première communion ne coûte rien, ils ont laissé tomber cette demande, comme le commandait le bon sens. Dans mon cas cependant, la partie adverse a continué d'ajouter des montants, si bien que je ne sais pas à quoi doit servir la pension alimentaire. Est-ce pour l'alimentation et le logement, ou pour d'autre chose encore? Si c'est le cas, pourquoi ajouter des montants supplémentaires, du moins à Toronto?
Comment calculer le revenu réel de l'autre partie? Vous me direz qu'il suffit de se fonder sur les déclarations d'impôt de Revenu Canada. C'est ce que j'ai proposé. La partie adverse a alors commencé à ajouter toutes sortes de revenus supplémentaires à ce que je gagnais.
• 2000
Voici un exemple. Nous nous sommes déjà rencontrés; vous savez
que je ne suis pas bilingue. Les professeurs du Collège militaire
royal qui sont bilingues touchent une prime. La partie adverse a
ajouté cette prime à mon salaire, même si elle savait que je ne
suis pas bilingue. Ils ont fait de moi un doyen, pourtant je n'ai
jamais été doyen du Collège militaire royal. Puis on m'a fait
passer pour chef de département au collège, ce qui n'a jamais été
le cas. Ils ont ajouté toutes sortes de sources de revenus
supplémentaires à mon traitement de base, pour faire valoir que je
devrais payer davantage.
J'avais des lettres qui confirmaient que je n'étais pas bilingue, que je n'étais pas davantage doyen ou chef de département, mais le juge n'en a tenu aucun compte. Quand une personne se heurte à ce genre de justice, il ne faut pas s'étonner qu'elle remette en cause l'équité du système.
Je veux tout donner à ma fille. Je veux qu'elle vive dans le meilleur des mondes possible. Malheureusement, je ne peux pas lui donner la famille qu'elle devrait avoir. J'ai commis des erreurs. Mea culpa. C'était il y a cinq ans. Aujourd'hui, je tente toujours d'être avec ma fille une fin de semaine par mois.
Je n'ai toujours pas obtenu un droit de visite garanti. Cela fait cinq ans que je fais face au système. C'est ridicule. On ne devrait pas mettre autant de temps à régler une situation pareille.
Je crois que s'il existait un tribunal indépendant, dirigé par des fonctionnaires connaissant bien la loi, les règles concernant l'accès et les barèmes des pensions et qui auraient à se prononcer sur des cas semblables quotidiennement, ce tribunal pourrait rendre des décisions plus éclairées que lorsque nous laissons intervenir des avocats, qui sont de toute évidence partiaux, s'affrontent refusent le compromis pour mieux protéger les intérêts de leurs clients. Par ailleurs, ces mêmes avocats ont intérêt à faire durer les choses car cela leur rapporte davantage. Mon ex-épouse m'a dit que sa note de frais juridiques atteint maintenant les 25 000 $. C'est tout à fait ridicule.
L'hon. Sheila Finestone: J'avais une dernière question à poser. Il s'agit en fait de ma seconde question.
[Français]
C'est pour vous, monsieur Fortin.
Monsieur Fortin, vous avez fait allusion au cas D.H. c. K.C., je crois. Le juge Trudel de la Cour supérieure du Québec s'est penché sur la question de l'aliénation parentale des enfants. Est-ce que vous savez si cette décision est actuellement prise en considération quand des personnes comparaissent devant la cour? C'est une décision de taille et d'importance.
M. Richard Fortin: Oui, c'est une première. En fait, c'est la deuxième décision qui va dans le sens de la reconnaissance de l'existence du syndrome...
L'hon. Sheila Finestone: Le mot en français est peut-être «syndrome», mais c'est symptom en anglais.
M. Richard Fortin: Non. Le livre du Dr Gardner...
L'hon. Sheila Finestone: There's a discussion. On cherche à savoir si c'est un syndrome ou un symptôme.
M. Richard Fortin: D'accord. Je crois qu'il s'agit de l'une des premières causes qui ont été reconnues au pays, et c'est au Québec. On a reconnu qu'on devait changer la garde du fait de l'existence de cette aliénation parentale et qu'il était néfaste pour les enfants de vivre cela.
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.
[Traduction]
Je ne comprends toujours pas comment on peut forcer un enfant qui ne veut pas voir un parent à le voir. Je suis convaincue cependant qu'un juge saurait s'il y a lieu d'opter, dans un cas semblable, pour des services d'orientation psychologique.
M. Richard Fortin: Vous pourriez comparer cela au cas d'un enfant qui se trouverait devant un juge et lui dirait qu'il ne veut pas aller à l'école ou qu'il ne veut pas prendre son médicament. C'est un peu la même chose.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cook, vous vouliez poser une brève question.
La sénatrice Joan Cook (Terre-Neuve, Lib.) Oui, ma question s'adresse à M. Luciuk.
J'ai trouvé intéressante une de vos recommandations concernant le tribunal du divorce. J'aurais aimé connaître, et c'est sans doute également le cas des autres membres du comité, votre point de vue sur la composition d'un tel tribunal, la nature de son mandat et, en particulier, le moment où il serait appelé à intervenir.
M. Lubomyr Luciuk: Merci. C'est une bonne question. On m'a invité à comparaître un peu à la dernière minute, de sorte que je n'ai pas eu beaucoup de temps pour réfléchir à cette question. Le tribunal pourrait être créé sur le modèle du tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
• 2005
Je parle ici à titre personnel et non pas au nom de la
commission, mais je crois que cet organisme est constitué de
professionnels, des agents chargés de la revendication du statut de
réfugié. Un tribunal du divorce pourrait être doté d'agents chargés
de la revendication du divorce. Ce tribunal pourrait regrouper des
membres du public, des représentants de la société canadienne dont
certains auraient eux-mêmes vécu une séparation, un divorce et un
remariage. Il pourrait également y avoir des spécialistes en droit,
en psychologie infantile, d'autres qui connaîtraient bien le
syndrome d'aliénation parentale, et qui pourraient informer les
membres du tribunal du genre de problèmes propres à chaque type de
cas. Des comptables et avocats pourraient également mettre leurs
compétences à contribution.
En passant, je ne condamne pas tous les avocats, seulement la plupart d'entre eux.
Le tribunal pourrait intervenir dès qu'une des deux parties présenterait une requête en divorce. Il arrive parfois que les conjoints choisissent de réexaminer la situation, de vivre chacun de son côté pendant un certain temps, puis de recommencer à vivre ensemble. Il y a toujours de l'espoir et le mieux est de pouvoir garder les familles unies. Mes cinq années d'expérience m'en ont convaincu.
Cela dit, si une des deux parties présente une requête en divorce, les deux conjoints devraient se présenter devant un tribunal du divorce. C'est mon point de vue. Ils devraient ensuite se plier à certaines modalités permettant de déterminer le montant de la pension alimentaire et les droits de visite. Quant aux avoirs et biens à répartir, ce pourrait être l'affaire d'un autre tribunal. Je crois que ce que la plupart des gens veulent, c'est s'assurer que leurs enfants ne manquent de rien, ce qui est compréhensible. La plupart des parents qui n'ont pas la garde de leur enfant veulent également être en mesure de le voir. C'est une attente raisonnable.
Comment partager le Winnebago et le chalet? Personnellement, je ne demande rien, sauf la possibilité de voir ma fille. Je ne me soucie plus du reste. Tout ce que je demande, c'est de pouvoir passer du temps avec mon enfant à intervalles réguliers, comme le font chez eux ses grands-parents et sa tante. Évidemment, si j'avais plus de ressources, je tiendrais peut-être un autre discours, mais je ne suis qu'un pauvre professeur. La question n'est pas là cependant. Voilà le genre de chose au sujet de laquelle des avocats peuvent s'affronter pendant des années.
Je crois que ce que veulent la plupart des gens, c'est de voir leurs enfants, de pouvoir passer du temps avec eux et de jouer leur rôle de parent. Ils veulent prendre par à l'éducation de leurs enfants et ne pas avoir l'impression d'être de mauvaises personnes, d'être des perdants. Les deux parents sont perdants lorsqu'une famille se disloque. Il ne faut pas s'illusionner: on ne peut pas rafistoler les choses, ni effacer la douleur lorsqu'un conjoint a fait du mal à l'autre. Il faudrait cependant pouvoir au moins éviter ce traumatisme aux enfants, en leur permettant de voir leurs parents et leurs familles à intervalle régulier, sauf dans les cas, et je tiens à être très clair à ce sujet, de violence familiale. Les cas de ce genre relèvent des tribunaux.
D'après ce que j'ai entendu et lu, suite aux travaux de ce comité, la plupart des pères veulent passer du temps avec leurs enfants. C'est ce que j'ai lu et ce que j'entends dire aux informations. Si c'est le cas, il suffirait tout simplement d'examiner la situation des parents, voir s'ils vivent dans la même ville ou non; déterminer leurs ressources respectives, l'âge des enfants, les moyens de transport disponibles et trouver la solution raisonnable. Il ne serait pas raisonnable, par exemple, d'obliger un parent à repartir avec son enfant à 20 heures ou 20 h 30 le vendredi soir, emprunter la route 401 et arriver à Kingston à minuit, et prétendre que ce parent a exercé son droit de visite. Il n'est pas raisonnable d'obliger un parent à ramener son enfant en plein milieu du jour de Noël. Aussitôt les cadeaux développés, il faudrait repartir? Ce n'est pas raisonnable. Ou encore, comme cela s'est produit dans mon cas, imposer des conditions d'accès arbitraires pendant les congés d'été.
Nous pourrions avoir des règles, des règlements. Ils ne seront évidemment pas parfaits. Dans dix ans, des gens se présenteront devant un comité comme le vôtre pour dénoncer les règles en vigueur et exiger qu'elles soient révisées. Bien entendu, les règles devront être constamment révisées, mais vous pourriez du moins en définir le cadre. Même si vous ne faisiez que cela, ce serait utile. Le Globe and Mail vous a également recommandé d'opter pour un accès libre des deux parents, des deux familles. Si vous suivez cette recommandation, on vous en sera très reconnaissant.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Sénatrice Cools, vous posez la dernière question.
La sénatrice Anne Cools: Merci, madame la présidente.
Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
• 2010
J'ai bien entendu M. Fortin indiquer l'intitulé de l'affaire
qui le concerne. Est-ce que les deux témoins pourraient en faire
autant, madame la présidente?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord. Could you indicate your case number?
La sénatrice Anne Cools: L'intitulé de l'affaire, c'est-à-dire le nom, et le tribunal qui l'a jugé.
L'hon. Sheila Finestone: Le juge Trudel?
La sénatrice Anne Cools: Je disais que M. Fortin a précisé l'intitulé de l'affaire. N'est-ce pas?
M. Richard Fortin: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Vous avez donné le nom de votre affaire, mais je ne crois pas que les autres témoins l'aient fait. J'aimerais qu'ils le fassent, au cas où des personnes voudraient consulter la documentation.
M. Nash Smith: Mon affaire s'intitulait Smith c. Smith, garde et droit d'accès. Le tribunal compétent était la Cour de l'Ontario, division générale, sous la présidence de maître Gary Schreider.
La sénatrice Anne Cools: L'autre, s'il vous plaît, madame la présidente.
M. Lubomyr Luciuk: Mon affaire n'est pas encore réglée, mais le divorce a été accordé en juillet 1997. Mon dossier se trouve à la Division générale de la Cour de l'Ontario, sous le numéro de dossier 94ND209136. L'affaire s'intitule Chyczij-Luciuk v. Luciuk et est encore pendante.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup.
Madame la présidente, j'aimerais aborder certains sujets, même s'ils ne font pas partie de ce dont je devais parler.
Un des témoins a parlé du projet de loi S-4. Il semble ignorer que le projet de loi S-4 est devenu le projet de loi S-12. Ce projet de loi a été adopté, à l'unanimité, à l'étape de la deuxième lecture et il se trouve maintenant à l'étape de l'étude en comité au Sénat.
Mes questions sont les suivantes. La première s'adresse à M. Fortin.
Monsieur Fortin, vous avez parlé de l'aliénation parentale, mais j'aimerais que vous nous parliez très brièvement de l'autre côté, ou du dernier aspect de ce phénomène, c'est-à-dire le processus de guérison, qu'on appelle, sauf erreur, la réunification et la réintégration.
En savez-vous suffisamment à ce sujet? Pourriez-vous nous l'expliquer brièvement, pour que le comité, car j'écoutais certaines observations faites à ce sujet, sache qu'il existe des thérapies?
M. Richard Fortin: Je ne comprends pas.
La sénatrice Anne Cools: Je parlais de réunification. Lorsqu'un parent et un enfant sont aliénés, il faut beaucoup de compétences pour les réunir. Un des témoins que nous avons entendus, Mme Pamela Stewart-Mills, bien qu'elle n'ait pas beaucoup traité de la question cette fois-ci, a parlé à plusieurs reprises des pièges et difficultés du processus de réunification.
M. Richard Fortin: Je ne suis pas au courant. J'aimerais me retrouver dans cette situation, mais malheureusement je n'ai pas vu ma fille et je ne crois pas que je puisse la voir.
La sénatrice Anne Cools: Je suis au courant. J'ai simplement vu que vous teniez le livre en main et je voulais en savoir plus à ce sujet.
M. Richard Fortin: Je crois que vous avez dit que vous croyiez que c'était probablement mon cas—le juge Trudel.
La sénatrice Anne Cools: Je croyais que vous l'aviez indiqué. Vous avez fait référence au juge. Vous pourriez peut-être donc nous le confirmer.
M. Richard Fortin: Oui. J'ai parlé de cette affaire, mais ma propre affaire, et c'est ce que vous voulez savoir...
La sénatrice Anne Cools: Oui, indiquez-le pour les fins du compte-rendu. Ce sera la preuve que ce que vous dites repose sur quelque chose.
M. Richard Fortin: Il s'agit d'un jugement de la Division générale de la Cour de l'Ontario, sous le numéro de dossier 49729-94, et le jugement a été rendu par le juge Desmarais, le 25 octobre 1996.
La sénatrice Anne Cools: L'affaire opposait qui à qui? Fortin contre qui?
M. Richard Fortin: Richard Fortin contre Éliane Major.
La sénatrice Anne Cools: Je voudrais poser deux autres très brèves questions. Vous avez parlé d'une plainte présentée au Barreau du Haut-Canada.
Je me demande si le témoin qui en a parlé pourrait nous dire brièvement quel en a été le résultat.
Un témoin a parlé du cas d'un éminent avocat qui a fait un mensonge. J'aimerais que vous nous parliez de cette affaire, pour que je puisse l'examiner.
M. Nash Smith: J'ai écrit des lettres au Barreau du Haut-Canada, afin que des mesures disciplinaires soient prises contre M. Paul Abell, qui avait eu recours à un faux témoignage en cour. Je leur ai même dit comment il fallait faire, parler à mon avocat, l'avocat des enfants, car tout le monde était en cour.
J'ai fait des copies pour de nombreuses personnes, dont la ministre fédérale de la Justice, l'honorable Anne McLellan, le Conseil canadien de la magistrature, le Conseil de la magistrature de l'Ontario, le juge Harnick, le juge en chef de l'Ontario, Mme la sénatrice Anne Cools, Mme Marlene Catterall, M. Alex Cullen et même le juge Gary Schreider.
Le Barreau m'a informé par écrit qu'il avait envoyé une lettre à l'avocat pour lui demander d'expliquer ce qui s'était produit. Il a répondu, dans une lettre, qu'il n'avait proféré aucune des faussetés que je lui reprochais, et il a réitéré ce qu'il avait déjà dit. L'affaire a été rapportée à la Société d'aide à l'enfance. L'avocat l'a dit dans sa réponse, mais le Barreau m'a répondu que l'avocat n'avait rien fait de répréhensible car il ne faisait que défendre son client. L'affaire est entendue. Le Barreau n'entend prendre aucune mesure.
J'ai même dénoncé Gary Schreider devant les mêmes personnes, devant le Conseil de la magistrature de l'Ontario. Cet organisme est censé faire enquête. Le conseil m'a envoyé une lettre dans laquelle il m'explique qu'après avoir examiné le document que j'avais fait parvenir, il estimait que mon point de vue était valable parce que l'avocat n'avait aucune raison de permettre un parjure. On m'a informé qu'il faudrait un certain temps pour faire enquête et qu'on ne savait pas exactement quand cela se terminerait.
Rien n'a été fait au sujet de Gary Schreider ni au sujet des avocats. En définitive, ces derniers s'en tirent impunis.
M. Lubomyr Luciuk: Si je puis me permettre d'ajouter quelque chose, ma propre expérience m'a appris que le Barreau du Haut-Canada, qui s'autoréglemente, exerce un monopole et a tout intérêt à protéger sa clientèle, les avocats.
Une des plaintes que j'ai déposées concerne un vol par effraction qui a eu lieu à mon bureau au Collège militaire royal, appartenant au MDN, et dans lequel j'ai perdu tous mes papiers financiers, journaux et autres documents—l'effraction a eu lieu en juillet et à nouveau en octobre 1993—documents dont l'avocat de la partie adverse s'est servi par la suite contre moi.
Quand j'ai demandé comment il se fait que l'autre partie était en possession de ces papiers, je n'ai jamais obtenu de réponse et j'ai finalement porté plainte. Cela a pris trois ans au Barreau. J'ai porté l'affaire devant les tribunaux au moyen d'une plainte officielle et de plusieurs appels et à la fin on a dit «insuffisance de preuve».
En ce qui concerne la conclusion récente de la section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire d'un avocat... Je présume que je bénéficie, en ma qualité de témoin devant le comité spécial, d'une certaine immunité...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous jouissez de la même...
La sénatrice Anne Cools: Le fondement de la protection que nous pouvons lui assurer est assez chancelant, madame la présidente.
M. Lubomyr Luciuk: Je crois comprendre que—malheureusement je ne me souviens pas du nom exact du demandeur—c'était un Sri-Lankais qui réclamait...
La sénatrice Anne Cools: Dans ce cas, nous devons informer les témoins que la validité de notre réunion est actuellement contestée et que nous ne serons peut-être pas en mesure de les protéger.
M. Lubomyr Luciuk: Dans ce cas, avant que je ne me mette la corde au cou, je dirai simplement que je m'engagerai à envoyer au comité un exemplaire de la conclusion de la section de première instance de la Cour fédérale et vous pourrez l'examiner vous-mêmes.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien.
La sénatrice Anne Cools: Merci.
M. Lubomyr Luciuk: Quant à la dernière question de la sénatrice Cools, celle concernant ma plainte récente fondée sur cette conclusion de la section de première instance de la Cour fédérale, il n'y a pas encore de jugement vu que la plainte ne date que depuis quelques jours.
La sénatrice Anne Cools: Une dernière question, madame la présidente.
Je voudrais expliquer aux témoins la raison de ma dernière déclaration. Il faut que six membres du comité soient présents pour que celui-ci puisse entendre des témoins. En ce moment, il n'y a que cinq membres présents, dont quatre sénateurs et une députée...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Trois sénateurs.
La sénatrice Anne Cools: Trois sénateurs et deux députés.
L'hon. Sheila Finestone: Deux députés, et un vient de quitter il y a cinq minutes.
La sénatrice Anne Cools: Non. Eric est parti. J'ai essayé longtemps de le retenir. Je l'ai fait asseoir ici pendant longtemps. C'est vrai.
Je tiens à souligner que le comité doit savoir que ces témoins disent des choses qui sont délicates. Il devrait donc pouvoir leur assurer une protection, or la validité de notre réunion peut être facilement contestée. Je ne suis pas très sûre si, avec un membre manquant, les travaux à cette réunion peuvent à proprement parler être considérés comme des travaux du Parlement. Je dis cela pour qu'on le sache parce que les comités et le Parlement ont l'obligation de protéger les témoins qui comparaissent devant eux.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Le Dr Bennett.
Mme Carolyn Bennett: J'espère avoir l'assurance du comité que si on n'empêche pas le syndrome de l'aliénation parentale, si on n'impose pas de conséquences suffisamment graves en cas de fausses allégations, si on ne peut assurer aux parents la jouissance régulière de leur droit de visite... Je pense que nous sommes tous d'accord que ce n'est pas dans l'intérêt supérieur des enfants et j'espère que vous nous aiderez à continuer notre travail qui est si utile. Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Et nous vous remercions beaucoup d'être venue et de nous avoir raconté ce que vous avez connu. Je sais que c'est utile pour nous et j'espère que c'est réciproque. Je vous remercie.
La séance est levée.