TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 26 mai 1998
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway) (Sarnia—Lambton, Lib.)): Alors, s'il vous plaît. Je demanderais à ceux qui sont debout de bien vouloir s'asseoir.
Bonjour, tout le monde. J'ai deux ou trois choses à annoncer.
Tout d'abord, je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont là. Il s'agit du comité spécial qui étudie la garde et le droit de visite dans le contexte de la Loi sur le divorce et nous sommes très heureux d'être ici à Halifax aujourd'hui. Nos audiences se dérouleront de 9 h 30 à 16 h 30.
Elles font partie des travaux du Parlement canadien et je dois vous avertir que nous n'autorisons pas les applaudissements, les conversations à part ou toutes autres réactions aux témoignages ni aux questions posées. Je demanderais donc le silence dans la salle.
• 0830
Deuxièmement, si vous avez du mal à entendre ou si vous avez
besoin de l'interprétation, il y a des écouteurs que vous pouvez
obtenir à la porte.
Chers collègues, nous recevons ce matin trois témoins—M. Steven Nelson, M. Gene Keyes et M. Brian Parsons.
Messieurs, je suppose que vous savez que nous vous demandons de vous limiter à cinq minutes ou moins pour votre déclaration liminaire.
Nous commencerons par M. Keyes.
M. Gene Keyes (témoignage à titre personnel): Merci.
Je m'appelle Gene Keyes et j'enseigne les sciences politiques à l'Université Brandon et à St. Thomas. J'ai deux enfants, Jeremy et Rachel. C'est aujourd'hui l'anniversaire de Jeremy, il a 22 ans. Ma fille a 18 ans. Je ne l'ai pas vue depuis six ans.
J'estime que la formule la meilleure serait un partage égal des responsabilités parentales et une médiation obligatoire. Toutefois, dans la situation actuelle, on impose un apartheid au détriment des enfants et des pères. La règle est de deux fins de semaine par mois pour le père et l'enfant. Je vais vous expliquer comment cela marche en vous montrant un extrait d'une procédure judiciaire à laquelle j'étais partie.
Je suis désolé; mon appareil ne marche pas ici. En tout cas, le juge a déclaré que je pourrais avoir deux fins de semaine par mois et j'essayais d'obtenir un élargissement de ce droit de visite. J'ai demandé s'ils se satisferaient eux de deux fins de semaine par mois. Il m'a répondu que dans toutes les ordonnances de tribunaux et tous les décrets que l'on fait appliquer ici, la norme est de deux fins de semaine par mois.
J'estime que cette situation qui refuse à 60 000 enfants par an toute possibilité de voir leur père autant que leur mère est une des violations des droits de la personne les pires dont se rend coupable l'État au Canada. Les difficultés que nous rencontrons devant les tribunaux sont écoeurantes et incroyables. Des avocats vindicatifs sont récompensés par des tribunaux accusatoires qui ne veulent qu'un seul gagnant. La prison pour dettes est réservée exclusivement aux pères. Les enfants sont déménagés sur le caprice de leur mère. Nous avons des familles éclatées, des pères terrassés et des enfants blessés. C'est l'âge des ténèbres du droit de la famille au Canada.
J'aimerais passer aux recommandations d'un groupe dont je faisais partie il y 12 ans et qui s'appelle Family Rights for Children of Divorce. J'ai remis le mémoire de 17 pages au comité. Je ne l'ai que légèrement modifié pour aujourd'hui. Je vais vous lire rapidement le résumé. Nous avons présenté ce mémoire au groupe de travail de la Nouvelle-Écosse sur les services à la famille et aux enfants mais il n'en a pas été tenu compte.
Ce que nous recommandons, c'est d'arrêter de considérer les enfants comme des biens et de supprimer les termes garde et droit de visite. Parlons de partage de responsabilités parentales à temps égal dans la loi. D'après le dictionnaire, «bien» signifie possession, biens meubles, c'est-à-dire exactement la façon dont les mères et les juges considèrent les enfants—des biens personnels que la mère peut déménager quand et où elle veut dans le monde sans aucun égard pour la relation enfant-père. «Garde» c'est le mot officiel pour emprisonnement et «droit de visite» signifie privilège du prisonnier de voir un avocat, ou vice versa.
Ce sont des mots abominables qui font mal au coeur et qui éliminent le droit d'un enfant à avoir un père. Débarrassons-nous de ces mots et de ces concepts. Ne parlons que de temps pour les responsabilités parentales, et d'une norme 50-50 qui peut être ajustée selon des circonstances particulières.
• 0835
La règle devrait être un système non accusatoire, l'accent
étant mis sur la décriminalisation et sur la reconstruction des
unités familiales de l'enfant, du père et de la mère.
La loi devrait établir des droits rétroactifs de la famille et des enfants avec: la présomption du partage du rôle parental à temps égal dans tous les cas, sauf dans les cas de violence criminelle prouvée; abolition des procédures juridiques accusatoires; exclusion des avocats privés accusatoires, qui seraient remplacés par des médiateurs et des avocats publics de conciliation pour l'enfant et ses parents; rétablissement du droit des grands-parents à s'opposer à leur exclusion unilatérale; droit égal pour chaque enfant au même amour et aux mêmes soins de la part de chacun des parents sans qui aucun titulaire de charge publique ne puisse s'y opposer; aucun tribunal ne devrait refuser, abréger ou annuler un contact équitable de l'enfant avec chacun de ses parents, et aucun enfant ne devrait être déménagé sans consentement mutuel.
Afin de mettre en oeuvre une telle loi, j'envisagerais de nouveaux services dans le contexte d'un service de médiation familiale fédéral-provincial pour remplacer le système accusatoire des tribunaux.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé de vous interrompre mais votre temps est presque écoulé. Pourriez-vous peut-être conclure en 30 secondes.
M. Gene Keyes: Oui.
Le deuxième élément serait un service de défenseur des droits de la famille fédéral-provincial qui remplacerait ces avocats à gage spécialisés dans les divorces.
Deux services de cette nature feraient beaucoup pour ramener un peu de bon sens et de justice, voire d'amour, entre les familles divisées. Le partage du rôle parental à temps égal et la médiation obligatoire doivent devenir la norme et non pas l'exception. Il est grand temps d'abolir à tout jamais la notion selon laquelle les enfants peuvent être considérés comme des biens. Il faut mettre fin à cette cruauté vis-à-vis des pères et des enfants. Ce comité mixte peut changer les choses.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Monsieur Nelson.
M. Steven Nelson (témoignage à titre personnel): Merci.
Je m'appelle Steven Nelson et je suis père divorcé de deux enfants. J'ai une fille de 10 ans et un fils qui aura bientôt sept ans.
Étant pompier de carrière, je travaille sept jours et sept nuits pas mois et ne suis donc un père traditionnel. J'ai la garde de mes enfants 19 jours sur 28 et j'ai dû me battre pour cela. J'ai fait faillite. Bien que j'aie les enfants 19 jours sur 28, je continue à payer une pension alimentaire. Leur mère, qui a un revenu inférieur au mien, peut maintenant—et c'est accepté par le juge—offrir à nos enfants une maison de quatre chambres, à deux étages, avec un sous-sol aménagé et une piscine dans le jardin. Quand ils sont chez moi, ils n'ont pas leur propre chambre, parce que je vis dans un sous-sol à deux chambres. Je ne peux me permettre de louer un appartement.
J'ai fait tout ce que je pouvais durant tout mon mariage et même après le divorce, j'ai fait le ménage, la lessive, la cuisine et j'ai obtenu des services de garderie. J'emmenais les enfants se promener. Je continue à m'occuper de tous leurs rendez-vous de médecin et de dentiste. Je vais à leur école deux fois par semaine comme parent bénévole. On m'a même demandé d'être président de l'association parents-maître. Je leur ai appris à monter à bicyclette. Je les ai fait baptiser. Je les emmène à l'église. Leur mère ne s'occupe pas de tout cela. Je me demande ce qu'il faut que je fasse pour devenir son égal.
Je me suis présenté récemment devant le tribunal et un juge de la Cour suprême a répondu à mon avocat qui parlait de tout ce que je faisais avec mes enfants, en levant les bras en l'air et en disant simplement: «Peu m'importe que M. Nelson fasse...» Je dois en conclure que nos tribunaux continuent à nourrir des préjugés et sont aussi négligents.
Comme le disait tout à l'heure M. Keyes, j'estime que si j'avais un emploi me permettant de travailler du lundi au vendredi de 9 à 5, j'aurais mes enfants une fin de semaine sur deux, quoi que je fasse pour eux. J'étais un mari dévoué et un père dévoué et le juge m'a traité comme si j'étais un alcoolique et un homme violent. Je n'ai jamais été ni l'un ni l'autre.
D'après le sociologue Charles Murray dans son ouvrage The War against the Family, les enfants ont besoin de l'influence d'un père et d'une mère.
David Popenoe, professeur de sociologie à l'Université Rutgers de New Brunswick au Nouveau Jersey, va plus loin. Il écrit:
• 0840
Ce qui est important, c'est que les enfants ont besoin de
l'influence des deux parents et que, malheureusement, d'après ce
que je constate, nos tribunaux ne semblent pas d'accord.
Je vous signale en passant que j'ai l'appui des professeurs des enfants, de leur directeur d'école, de leur médecin de famille et de leur psychologue, des responsables de la garderie et de leur dentiste, mais je ne puis obtenir le respect ni l'appui d'un juge qui est censé représenter tout ce monde.
Avec la pension alimentaire que l'on me demande de payer, je suis convaincu que si je m'en allais et laissais le juge m'ordonner de payer le maximum—si la mère avait la garde à temps plein—,je ferais des économies. Essentiellement, si l'on prend la différence, il a doublé la pension alimentaire que je dois verser pour mes enfants. Si je m'en vais, il ne peut me demander de payer que 144 $ de plus; j'économiserai cela en nourriture seulement.
Comme si ce n'était pas tout, les enfants ne pourraient pas prendre part à des activités parascolaires parce que leur mère ne s'en occupe pas. Cela m'économiserait encore de l'argent. En outre, il faudrait qu'elle commence à les emmener chez le médecin et le dentiste, etc., ce que je fais moi-même. Cela ne veut pas dire qu'elle ne l'a jamais fait, mais elle le fait quand ça l'arrange. Elle les emmènerait chez le médecin ou le dentiste s'il n'y a pas de rendez-vous prévu.
De ce fait, je commence à me demander si les juges sont véritablement qualifiés pour s'occuper d'enfants. Les juges d'aujourd'hui sont les avocats d'hier. J'espère ne choquer personne ici, mais ils travaillent de longues heures difficiles pour se bâtir un cabinet d'avocat qui marche. Pour y parvenir—et je l'ai vu—,ils manipulent le système pour le meilleur et pour le pire afin de gagner à tout prix.
En plus, ils n'ont vraiment pas d'expérience, contrairement à moi, en ce qui concerne mes enfants, parce qu'ils ont des heures de travail beaucoup plus longues que moi. Le juge qui a pris la décision concernant le temps qu'il m'accordait et ma participation à la vie de mes enfants ne sait pas ce que c'est que de changer des couches ni de faire tout ce que j'ai fait.
Je dirais qu'il faudrait recycler nos juges de sorte qu'ils puissent comprendre les besoins d'un enfant. En dehors des situations de violence, avoir un parent qui se contente de signer un chèque ne suffit pas. Nos juges ne considèrent pas les besoins émotifs, physiques et psychologiques de l'enfant auxquels doit satisfaire chacun des parents.
Le rôle des avocats doit être limité sinon éliminé. Tout ce que je constate c'est qu'ils réussissent à accroître leurs honoraires, à allonger les délais et à diviser davantage les parents. Il devient alors tout à fait évident que nous devons pouvoir compter sur des gens qui s'intéressent à la situation. Lorsqu'il s'agit d'enfants, il faut des psychologues pour enfants, des travailleurs sociaux et l'aide du clergé. Ces gens-là ont fait leurs preuves pour ce qui est de défendre l'intérêt de nos enfants.
Je recommande aussi fortement des cours de préparation au mariage et des ententes obligatoires avant le mariage ou des clauses dans le contrat de mariage qui précisent la participation de chacun des parents à la vie des enfants et les conditions au cas où quelque chose se produirait. De cette façon, peut-être que si l'un des parents décidait de se soustraire à son engagement, il saurait à quoi il renonce avant de s'en aller.
Je dirais d'autre part qu'il devrait être obligatoire d'avoir recours à un service de conseils en matière de divorce. Un psychologue pour enfants m'a dit qu'il est facile de voir qui fait quoi et où réside la faute. Parce qu'un psychologue ne travaille pas à une victoire personnelle, comme un avocat, il est mieux placé pour faire des recommandations concernant nos enfants et je dirais qu'il est mieux qualifié que les juges.
Bref, nos enfants ne sont pas un produit de consommation. Ce sont de jeunes individus qui sont temporairement placés entre nos mais par le Seigneur afin que nous les aidions à devenir des adultes autonomes et en bonne santé.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Nelson.
Enfin, monsieur Parsons.
M. Brian Parsons (témoignage à titre personnel): Bonjour.
Il y a deux parties à mon exposé—une entrée en matière et des recommandations.
C'est à l'Action de grâce de 1990 que ma femme et moi nous sommes fiancés. À l'époque, j'ai dû convenir que si nous avions des enfants, j'abandonnerais ma carrière et resterais à la maison pour les élever. Le 8 janvier 1992, mon fils Joshua est né. J'ai aidé la sage-femme à l'accouchement. C'est le dernier jour que j'ai travaillé.
J'ai abandonné une carrière très brillante et lucrative dans le secteur des logiciels où je gagnais plus de 100 000 $ pour devenir le père à plein temps de mes enfants, le père au foyer pour eux et ma femme. J'ai donc changé de rôle à 100 p. 100. Je suis en fait devenu la mère et la femme au foyer.
Ma femme est retournée travailler comme hôtelière professionnelle six jours seulement après avoir accouché. Elle était entièrement dévouée à sa carrière. Elle avait déjà passé par un avortement et un divorce tellement elle attachait d'importance à sa carrière.
Le 12 octobre 1993, ma fille Rebekkah est née et j'ai à nouveau aidé la sage-femme à l'accouchement. À partir du 8 janvier 1992, jusqu'au 19 juin 1997, soit pendant cinq ans et demi, c'est moi qui m'occupait entièrement des enfants et qui était au foyer.
Pendant cette période, ma femme a été mutée d'Ottawa à London, une année; de London à Edmonton, deux ans; et à Halifax. La famille a donc déménagé trois fois en 37 mois.
• 0845
Lorsque j'ai présenté une objection à un autre déménagement en
juin 1997, ma femme a réussi à obtenir une ordonnance ex parte lui
donnant provisoirement la garde exclusive des enfants et elle les
a littéralement kidnappés. Je ne les ai pas revus et n'ai pas eu de
leurs nouvelles pendant six semaines, soit jusqu'au 1er juillet
1997.
Ma femme a réussi à obtenir cette ordonnance ex parte à partir d'informations fausses qu'elle a fournies dans son affidavit. Avec ces informations et le fait qu'elle acceptait d'être envoyée à Halifax, elle a réussi à obtenir une ordonnance provisoire le 28 juillet 1997 qui lui consentait la garde exclusive des enfants à titre provisoire pour pouvoir déménager à Halifax.
Le 18 août 1997, ma femme a déménagé avec nos enfants à Halifax. Entre le 19 juin et le 1er septembre 1997, soit une période de 11 semaines, j'ai vu mes enfants environ 96 heures. Avant cela je passais littéralement tous les jours de leur vie avec eux. Le lien qui nous unit mes enfants et moi a été systématiquement rompu. Depuis le 1er septembre jusqu'à aujourd'hui, je vois mes enfants tous les mercredis soir pendant quatre heures et une fin de semaine sur deux. Il n'y a rien d'autre dans l'ordonnance qui prévoit d'autres moments, ni les fêtes ou les vacances d'été, par exemple.
Cette ordonnance devait être temporaire. Aussi je suis en train de présenter une demande en chambre pour entendre les accusations qui ont été portées contre moi et essayer de me défendre. Le juge Binder de la Cour de l'Alberta n'a pas pris en compte le fait que j'étais le principal pourvoyeur de soins de mes enfants et que j'étais l'homme au foyer et ceci depuis leur naissance, depuis cinq ans et demi. Il a accordé à ma femme une ordonnance provisoire en moins de trois minutes.
Il n'a pas tenu compte du fait non plus qu'il y avait un contrat faisant état que j'étais le pourvoyeur de soins à plein temps ni un autre accord nous accordant la garde partagée et égale en cas de séparation ou de divorce. L'ordonnance a été accordée en fonction du sexe et du fait que ma femme voulait déménager encore une fois et emmener nos enfants avec elle. Il n'a pas été question de ce que je souhaitais ni de ce que je pensais. Mes enfants ont été à nouveau déracinés et ont dû quitter leur famille, leurs amis et leur école après deux ans au même endroit. On n'a jamais considéré les droits de nos enfants.
Depuis le 1er septembre, cela fait neuf mois, je me bats pour faire réviser cette ordonnance provisoire et obtenir un minimum de garde partagée de mes enfants. J'ai consacré plus de 200 heures et, jusqu'ici, rien n'a été changé à l'ordonnance. Ceci non seulement coûte extrêmement cher et prend beaucoup de temps mais c'est extrêmement pénible pour les deux parents et les enfants. Le système accusatoire actuel pour ce qui est du droit de la famille est responsable de ce genre de situations et empêche presque de poursuivre les efforts voulus. C'est épuisant et cela prend un temps fou. Plutôt que d'être avec un père gentil qui les aime et qui les aide à s'épanouir et les a élevés pendant cinq ans et demi depuis leur naissance, nos enfants qui ont six et quatre ans, vont maintenant à la garderie où des étrangers s'occupent d'eux.
Recommandations:
Toutes les déclarations écrites sous serment pour obtenir une ordonnance ex parte ou autre doivent faire l'objet d'un examen et les informations et éléments de preuve qu'elles contiennent doivent être accompagnés de pièces justificatives. Si l'on ne peut les prouver hors de tout doute raisonnable, l'ordonnance ex parte ou autre devrait être refusée.
Deuxièmement, il faut tenir compte de la façon dont vivent actuellement les enfants, de la personne qui est la principale à s'occuper d'eux et reste à la maison et de la famille élargie, des amis et de l'école.
Troisièmement, tout contrat familial doit être examiné avant que l'on ne demande de modifier les arrangements concernant les enfants ou que l'un des parents soit autorisé à emmener les enfants loin de l'autre parent. Avant qu'un parent se voie accorder le droit de déraciner les enfants d'un mariage, il faut considérer combien de fois les enfants ont été déjà déménagés et si ce déménagement est absolument nécessaire. Un déménagement ne saurait se faire que par consentement mutuel.
La médiation et des cours devraient être obligatoires dans tous les cas de séparation et de divorce lorsqu'il y a des enfants et on devrait nommer quelqu'un pour défendre les droits des enfants. Le principe d'égalité doit être observé lorsque l'on décide du droit de visite et, dans la mesure du possible, on devrait assurer le partage des responsabilités parentales à temps égal.
Je recommande l'abolition du système accusatoire privé et la nomination de médiateurs et de conseillers publics en matière de conciliation pour les enfants et les parents ainsi qu'un tribunal de médiation qui entendrait les différends. Il faut arrêter d'utiliser les enfants comme des jetons dans un jeu où le gagnant emporte tout.
Il faut nommer des juges qualifiés qui ont reçu une formation professionnelle en droit de la famille.
Il faudrait simplifier le système juridique actuel. Il y a trop de paperasserie et la procédure est trop complexe et il faut beaucoup trop de temps et d'argent pour obtenir la moindre chose, ce qui est néfaste pour les enfants. La loi doit s'appliquer également aux deux parties dans le cas de refus de droit de visite et de paiement de frais judiciaires et les mêmes peines devraient sanctionner les mêmes infractions et cas de non-respect des ordonnances du tribunal.
Il faudrait avoir une loi qui vise le bien-être de l'enfant dans toutes ces situations difficiles et il faudrait garantir dans la Constitution le droit des enfants à avoir également accès à leurs deux parents.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Nous allons passer aux questions. Chers collègues, nous n'avons qu'environ 12 minutes; je ne sais pas combien d'entre vous veulent poser des questions, mais je vous demanderais d'être brefs, dans toute la mesure du possible.
Nous allons commencer par la sénatrice Cohen.
La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Merci.
Merci de vos exposés. Je vais simplement faire quelques observations.
Vous avez fait des recommandations sur des tas de choses dont on nous a déjà parlé et qui nous semblent en effet tout à fait justifiées. Le plus important, et ce sont aussi bien les mères que les pères ou les médiateurs qui nous le disent, c'est que nos juges doivent à tout prix recevoir une formation. Nous estimons qu'un juge qui siège à un tribunal de la famille, qui accepte ou obtient ce poste, devrait avoir une formation spécialisée en droit de la famille et connaître les droits des enfants parce que les enfants n'ont pas de droits dans nos lois sur le divorce. C'est donc une chose.
Pour ce qui est de la terminologie, tout le monde nous a dit, et nous sommes bien d'accord, que les termes garde et droit de visite signifient qu'il y a des gagnants et des perdants et que c'est très cruel. Il y a également quelqu'un qui nous a dit hier à Terre-Neuve que l'expression «l'enfant du mariage» le choquait parce que l'enfant a un nom, ce n'est pas un objet, et que l'enfant a des droits. Je suis bien d'accord aussi.
Pour ce qui est de tout le processus de médiation, nous convenons qu'il faudrait qu'il y ait certaines étapes et je voulais... J'ai établi quelques listes avant de venir. Ce que l'on dit c'est qu'une procédure devrait être la dernière chose à laquelle recourir, qu'il serait préférable d'intervenir rapidement au début de la dissolution ou quand on en parle. On a aussi dit qu'il fallait mettre l'accent sur la coresponsabilité des parents et qu'il devrait y avoir des cours sur l'art d'être parent. On a aussi dit qu'il faudrait évaluer la position des parents et que dans les cas où rien ne marche plus, on devrait disposer d'un mécanisme de règlement des différends qui ne prévoirait une procédure qu'en tout dernier recours.
J'aimerais avoir vos commentaires au sujet de l'efficacité d'une intervention précoce. Avez-vous l'impression que dans votre cas, une intervention précoce aurait fait une différence dans vos rapports avec votre conjointe?
M. Gene Keyes: Oui, mais en même temps, il faut mettre fin au processus accusatoire, car sur papier l'avocat est censé informer le client au sujet du processus de médiation, etc., mais c'est là tout simplement pour la forme. Je peux facilement imaginer l'avocate dire à sa cliente: «Pourquoi vous donner la peine de tenter la médiation alors que vous pouvez tout avoir?» Dans mon cas, ils ont fait de l'obstruction à la médiation chaque fois.
M. Steven Nelson: Puis-je répondre?
J'ai moi aussi tenté la médiation, et la veille de notre comparution devant le tribunal j'avais conclu une entente avec mon ex-conjointe sur tout sauf la pension alimentaire pour enfants. Nous nous étions entendus le soir avant notre comparution devant le tribunal, selon la recommandation de mon avocat. Le lendemain matin, nous avons tous les deux rencontré nos avocats pendant environ une demi-heure avant d'entrer en salle de tribunal. Mon ex-conjointe est arrivée en demandant la garde exclusive. Elle a demandé les deux tiers de mon revenu net et son avocat s'est levé et a dit: «M. Nelson a beaucoup de temps libre, il peut se trouver un autre emploi et payer davantage». Donc pour moi, les avocats sont la ruine du système. Il faut les éliminer du processus. Tout ce qui compte pour eux c'est l'argent.
M. Brian Parsons: Par l'intermédiaire de mon avocat j'ai tenté la médiation pendant 11 mois et cela n'a mené absolument à rien; cela a coûté 30 000 $ en correspondance.
La sénatrice Erminie Cohen: Donc quelle est votre recommandation?
M. Brian Parsons: Que la médiation soit obligatoire.
La sénatrice Erminie Cohen: La médiation obligatoire.
M. Brian Parsons: Et une intervention pour tenter de mettre fin à ce processus accusatoire.
La sénatrice Erminie Cohen: On dit qu'il n'est pas possible d'imposer la médiation. Il est difficile de l'imposer. En Alberta, ils ont incorporé des séances de consultation obligatoires auxquelles les deux parents sont informés des avantages de la médiation. C'est peut-être quelque chose que nous devrions examiner.
Si nous en avons le temps, j'aimerais y revenir car j'ai d'autres questions.
M. Brian Parsons: J'étais en Alberta à l'époque et j'ai suivi ce processus. Ma femme a quitté la réunion, car elle n'aimait pas ce que le médiateur disait.
La sénatrice Erminie Cohen: Donc cela n'a pas fonctionné pour vous.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons laisser la sénatrice Pépin poser ses questions et nous passerons ensuite à Mme Finestone.
La sénatrice Lucie Pépin (Shawinigan, Lib.): Je dois admettre qu'après vous avoir tous écoutés, je conviens qu'il faut apporter des changements importants en ce qui a trait aux avocats et aux juges également.
Je dois admettre, monsieur Nelson, que j'ai vraiment beaucoup de sympathie pour vous. Vous devez vivre une situation très difficile.
• 0855
J'aurais une question à poser à M. Keyes. Vous avez dit que
votre fille a 18 ans et que vous ne l'avez pas vue depuis six ans.
M. Gene Keyes: Oui.
La sénatrice Lucie Pépin: Je ne veux pas être indiscrète, mais comme elle a 18 ans, est-ce parce qu'elle ne vit pas dans la même ville que vous?
M. Gene Keyes: Non. À partir de l'âge de 12 ans, elle a tout simplement arrêté de venir me visiter. J'aurais pu retourner devant le tribunal pour l'obliger à venir me visiter, mais de toute évidence je n'allais pas faire cela.
La sénatrice Lucie Pépin: Mais elle a 18 ans.
M. Gene Keyes: Elle a 18 ans maintenant, mais il y a six ans elle avait 12 ans. Je ne l'ai pas vue depuis six ans à cause du système accusatoire qui existe à l'heure actuelle pour la garde des enfants et les droits de visite.
La sénatrice Lucie Pépin: Cela veut dire que même si vous aviez le droit de voir vos enfants toutes les deux semaines, lorsqu'elle avait 16 ou 17 ans, disons, vous ne pouviez pas la voir non plus. Elle est adulte.
M. Gene Keyes: Oui. À partir de l'âge de 12 ans, elle a choisi de ne plus me voir.
La sénatrice Lucie Pépin: Oh, je vois. Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Finestone.
L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib): Merci beaucoup.
J'ai écouté la fin des exposés, et vous nous avez présenté bon nombre des préoccupations qui nous avaient déjà été exprimées, comme mes collègues l'ont souligné. Si nous ne posons pas de questions très spécifiques au sujet de votre expérience, ce n'est pas que nous ne sommes pas intéressés, car chaque expérience permet de constituer le dossier. Cela nous permet de constituer notre dossier et de faire nos recommandations. Je peux vous dire que cela a pour nous des conséquences sociales et de graves conséquences émotionnelles. Nous comprenons cela. Cependant, notre responsabilité est d'ordre juridique, nous devons faire des recommandations, de sorte que j'aimerais aborder l'aspect juridique et les recommandations.
Tout d'abord, vous avez recommandé que les juges reçoivent une formation. C'est tout à fait fondamental et nécessaire. Cela s'applique non seulement aux juges mais aussi aux tribunaux administratifs. Vous dites que nous devons les former afin qu'ils puissent tenir compte de la situation avant la séparation, voir quel était le style de vie de cette famille avant que les problèmes ne commencent, qui faisait quoi dans ces familles. Quel était le niveau de partenariat? Quel était le niveau de soutien familial? Cela donnerait aux juges une meilleure idée lorsque la situation devient malheureusement accusatoire, la nature humaine étant ce qu'elle est. Nous réagissons de façon négative. Nous devenons batailleurs. Je pense que ce n'est pas surprenant dans ce genre de relations.
Ce qui est regrettable, c'est lorsque nous oublions que les enfants sont la première préoccupation. Nous devons tenir compte du point de vue de l'enfant, de façon à ce que l'enfant soit un être humain en bonne santé lorsqu'il arrive à l'âge de 18 ans, qu'il ait une certaine maturité, et de sorte qu'à un moment donné, il y ait une certaine réconciliation entre deux adultes. J'aimerais savoir ce que vous pensez d'une norme qui pourrait être établie avant la séparation et que les juges pourraient examiner.
M. Brian Parsons: Je suis d'accord.
M. Steve Nelson: J'aime bien cela.
Mme Sheila Finestone: Est-ce que cela serait utile? Est-ce illusoire, est-ce qu'on rêve en couleur, ou quoi?
M. Gene Keyes: Personnellement, j'aimerais que la norme sociale soit que l'enfant ait droit à autant de temps avec chacun des parents. Il serait possible de s'adapter aux circonstances, mais la meilleure solution serait que, quoi qu'il en soit, l'enfant devrait avoir autant de temps avec chacun des deux parents.
Mme Sheila Finestone: Sauf votre respect, monsieur, je ne pense pas que ce serait ce qu'il y aurait de plus juste pour l'enfant. Je pense que cela devrait dépendre de ce à quoi l'enfant est habitué. Vous et votre conjointe, vous devez vous rendre compte que l'enfant ne vous appartient pas. C'est vous qui appartenez à l'enfant. C'est toute une différence. Du moins c'est ce que je pense. Franchement, si vous n'avez pas eu une relation qui est utile à votre enfant et si vous n'avez pas passé beaucoup de temps avec cet enfant, dans le cas de... Je suis désolée, je n'étais pas là au début, alors je ne connais pas votre nom.
M. Brian Parsons: Brian Parsons.
Mme Sheila Finestone: Dans le cas de M. Parsons, qui était l'homme au foyer, il est assez évident que la femme n'a certainement pas participé dans la même mesure que lui à la norme avant la séparation. Dans d'autres cas, ce serait le contraire. Ça ne veut pas dire qu'ils n'aimaient pas tous les deux leur enfant à un moment donné, mais il s'agit de déterminer ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant.
La deuxième question que je voulais vous poser est la suivante: à votre avis, est-ce que les termes «garde» et «droit de visite», étant donné le sens qu'on leur donne de façon générale dans la société d'aujourd'hui et le sens qu'on leur donnait par le passé, créent un problème en laissant entendre qu'il y a des perdants et des gagnants et devrait-on plutôt parler de responsabilité parentale?
M. Gene Keyes: Tout à fait. Dès le premier jour en 1983, le mot «droit de visite» m'a fait grincer des dents. Comme je l'ai déjà mentionné, le sens officiel du mot «garde» est l'emprisonnement, le sens officiel du mot «droit de visite» est le privilège d'un prisonnier de voir un avocat ou vice-versa. L'idée même d'avoir le droit de visiter un enfant dont j'ai été le parent pendant les premières années de sa vie au même titre que l'autre parent et de me voir tout à coup exclu de l'information qu'envoie l'école à son sujet et d'être obligé de me retrouver dans ce ghetto ou je ne peux voir mon enfant que deux week-ends par mois est tout simplement impensable, et le fait que l'on parle de «droit de visite» est tout simplement...
Mme Sheila Finestone: Très bien, j'ai compris votre message. Je pense que vous avez confirmé ce que j'ai déjà entendu à de nombreuses reprises.
Y a-t-il quelqu'un qui veut ajouter quoi que ce soit au sujet de ces termes? Aimeriez-vous que les termes soient changés, oui ou non? Je suis désolée, mais comme notre temps est limité, j'aimerais avoir votre opinion.
M. Brian Parsons: J'aimerais que l'on parle plutôt d'exercer ses responsabilités parentales.
Mme Sheila Finestone: Très bien, merci.
Nous examinerons environ 16 différentes versions que nous avons entendues, mais nous en choisirons une ou deux, nous espérons, et nous verrons ensuite ce que le ministre en dira.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Une dernière question, madame Finestone.
Mme Sheila Finestone: J'aimerais que vous me parliez de votre expérience lorsque vous dites qu'il devrait être obligatoire, selon l'âge de l'enfant, d'entendre ce que l'enfant a à dire, d'entendre son point de vue. Est-ce que cela devrait se dérouler à huis clos ou lors d'une séance ouverte du tribunal? Que pensez-vous du fait que vos enfants puissent être cuisinés, questionnés au sujet de papa et maman et dans quelles circonstances? Je voudrais des réponses courtes, s'il vous plaît. Nous allons commencer par vous, et nous passerons rapidement au suivant.
M. Gene Keyes: Pas dans un environnement accusatoire. Je me suis battu pour cela dès le début. Oui, les enfants devraient être entendus au tout début et nous devrions avoir un service de défense de la famille qui agirait en leur nom d'une façon amicale et non accusatoire.
Mme Sheila Finestone: En présence des parents ou non?
M. Gene Keyes: Peut-être un peu des deux, parfois seul, parfois en présence des parents.
Mme Sheila Finestone: Bien. Ça me plaît. Suivant.
M. Steven Nelson: Je serais d'accord si l'on fait intervenir un psychologue pour enfants. On pourrait laisser le psychologue ou un genre de travailleur social faire la recommandation, et je tiens absolument à garder les avocats loin de mes enfants.
Mme Sheila Finestone: Bien. Merci.
M. Brian Parsons: Je suis d'accord avec M. Keyes. Je pense qu'ils devraient se faire entendre par l'intermédiaire d'un défenseur le plus tôt possible.
Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup, et j'espère que votre douleur s'atténuera.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je dois vous dire que dans sa vie précédente, Mme Finestone a été mère de quatre fils.
Une voix: Et elle l'est toujours.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous remercie d'être venus et d'avoir lancé notre séance ce matin. Nous vous en remercions. Nous apprécions le fait que vous nous ayez consacré de votre temps.
M. Gene Keyes: Et nous souhaitons que votre comité devienne permanent.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons maintenant demander au groupe suivant de témoins de s'avancer.
• 0905
Bienvenue. Nous avons avec nous, de la Family Rights
Association of Nova Scotia, M. William O'Neil et Mme Elizabeth
Bennett; de la Nova Scotia Shared Parenting Association, M. Rick
Johnson, qui est le directeur; et d'un groupe qui s'appelle Parents
Without Custody, Mme Nancy Chipman, qui est fondatrice du groupe.
Bienvenue à tous.
Nous allons commencer par Mme Chipman. Si vous pouvez vous limiter à cinq minutes pour vos remarques liminaires, cela nous laissera plus de temps pour les questions, car nous avons beaucoup de questions à vous poser.
Mme Nancy Chipman (fondatrice, Parents Without Custody): J'ai fondé le groupe Parents Without Custody il y a trois ans et demi. Je suppose que je me trouve dans une position légèrement différente de tous les autres. Je ne suis pas un parent. Les gens m'ont demandé pourquoi alors j'ai fondé ce groupe. J'ai fondé ce groupe parce qu'une de mes amies qui a eu de graves problèmes avec un juge du tribunal de la famille et ensuite la Société d'aide à l'enfance m'a demandé si je voulais bien faire cela. Au début, j'ai dit non. Ensuite j'ai réfléchi, et j'ai pensé que ce serait peut-être une bonne idée, et je n'ai pas regretté ma décision.
Les problèmes dont les membres m'ont parlé sont tous aussi importants les unes que les autres. Que ce soit un problème concernant une ordonnance en matière de droit de visite ou le fait que les grands-parents ne puissent voir leurs petits-enfants, tous ces problèmes sont très importants. Tous ces gens sont très bouleversés. Nous avons un groupe d'entraide et j'ai vu des grands-parents fondre en larmes au milieu d'une séance et nous avons dû les consoler.
Je crois cependant que l'un des plus gros problèmes c'est que les gens n'ont pas voulu entendre ce qu'ils avaient à dire jusqu'à présent, et c'est là où vous intervenez. Je vous remercie d'être ici. Nous avons vraiment besoin de votre aide. Les enfants ont besoin de vous, et je pense que vous êtes peut-être les seuls à pouvoir vraiment les sauver.
Lorsque je tente de parler aux gens des parents qui n'ont pas obtenu la garde, ils supposent habituellement que le parent fait quelque chose de mal, alors que ce n'est pas du tout le cas, la plupart du temps. S'il s'agit du père, ils pensent qu'il a maltraité les enfants; ou si c'est la mère, ils croient qu'elle les a abandonnés ou les a négligés. Lorsque ces parents décident de s'adresser à la Société d'aide à l'enfance pour se plaindre—disons qu'il y a eu mauvais traitements et que la Société a la garde—, on les accuse souvent de calomnier leur ex-conjoint.
Les juges en Nouvelle-Écosse ont beaucoup de pouvoir et ils n'ont aucun scrupule à affirmer ce genre de choses au tribunal. Ils se prennent pour des dieux. Ils ont en fait déjà dit à des parents qu'ils avaient beaucoup de pouvoir et qu'ils allaient l'utiliser. Ils refusent de les laisser parler. Ils font intervenir la police pour les faire taire. Ils ont jeté des gens en prison, même des avocats.
Les avocats ont peur de parler dans les salles de tribunal. S'ils doivent comparaître de nouveau devant le même juge, ils auront de la difficulté avec leur prochaine cause parce qu'ils ont donné du mal au juge, selon ce dernier, lors de la cause précédente. Les juges critiquent la façon dont vous vous habillez, si vous portez trop de maquillage; on sait qu'ils pensent que quatre enfants c'est trop... ils disent toutes sortes de choses qui n'ont vraiment aucun rapport avec la raison pour laquelle vous êtes là.
• 0910
Une mère était très malade. Elle avait la grippe et elle a dû
sortir de la salle de tribunal. Lorsqu'elle est revenue le juge a
dit: «Vous ne ferez plus cela». Il a fait intervenir la police pour
s'assurer qu'elle allait rester dans la salle, même si elle était
malade. Elle ne pouvait partir, car si elle était partie, il
l'aurait jetée en prison.
Je suis pour le partage des responsabilités parentales. Je pense que ce serait vraiment une bonne idée, et que cela éliminerait beaucoup de pression pour les juges.
Je voudrais par ailleurs faire une recommandation que personne n'a faite jusqu'à présent, c'est-à-dire qu'un jury plutôt qu'un juge devrait prendre la décision. Il n'est pas nécessaire d'avoir 14, 13 ou 12 jurés; il pourrait n'y en avoir que quatre ou cinq. Il serait cependant beaucoup plus difficile pour une mère, par exemple, de persuader le juge qu'elle peut s'occuper de ses enfants alors qu'elle ne le peut pas. Il serait beaucoup plus difficile pour un père de s'en tirer lorsque la mère l'accuse d'agression sexuelle.
Les juges ont beaucoup trop de pouvoir. Il y en a même un qui est allé voir une mère dans un bar, bien après que la cause ait été entendue, et qui lui a dit: «Oh, si ce n'est pas la très éplorée Mme King», et il est reparti. Il n'a pas pu s'empêcher de lui faire cette dernière remarque. Il l'avait déjà classée lorsqu'elle s'est présentée devant le tribunal. Elle lui a dit: «Votre décision est déjà prise, n'est-ce pas?» Il a répondu: «Nous ne nous connaissons pas l'un l'autre; nous verrons.» Elle n'a jamais eu la garde de ses enfants. Il lui a même interdit tout droit de visite.
Elle a voulu les amener à la maison à Noël pour voir la grand-mère. Le père a dit: «Très bien, elle peut les avoir; ça ne me dérange pas; je les prendrai pour le Jour de l'An.» La veille de Noël, le juge a dit: «Non, vous ne pouvez avoir vos enfants pour le jour de Noël; vous en avez trop pris sur vous; vous les aurez pour le Jour de l'An.» Il a fait ça tout simplement pour être méchant.
Mme Sheila Finestone: On dirait que c'est tout un juge.
Mme Nancy Chipman: Eh bien, il n'est plus avec nous.
Mme Sheila Finestone:
[Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Nancy Chipman: Non, je n'allais pas dire cela.
J'ai aussi de graves problèmes avec la Société d'aide à l'enfance. Les gens viennent me raconter des choses vraiment horribles. Permettez-moi de vous en parler brièvement.
La Société d'aide à l'enfance renvoie des enfants dans des foyers où il y a agression sexuelle ou les y laisse. J'ai deux cas très graves à l'heure actuelle. Il y en a un où la jeune fille a 18 ans, et elle est pratiquement sortie de cette situation maintenant. La Société d'aide à l'enfance l'a mise sous tutelle judiciaire et va s'occuper d'elle. Mais ils savaient qu'il y avait mauvais traitements à la maison. On leur a offert des services de counselling. Lorsque cela n'a pas fonctionné, les travailleurs sociaux et le juge ont convenu qu'elle devrait retourner à la maison où l'agresseur se trouvait.
J'ai par ailleurs deux plaintes graves au sujet d'enfants qui auraient été adoptés pour de l'argent. Je ne sais si vous en avez déjà entendu parler. Dans le premier cas, la petite fille avait environ sept ans. La mère était très malade et ne pouvait s'occuper de son enfant, cela ne faisait aucun doute. Le père a dit qu'il la prendrait et qu'il s'en occuperait. La Société d'aide à l'enfance n'a pas vu les choses de cette façon, et le juge non plus, et ils lui ont enlevé sa petite fille. Elle a été adoptée et il ne l'a pas vue depuis des années. Son seul espoir c'est d'attendre qu'elle comprenne ce qui s'est réellement passé et qu'elle décide de le retrouver. Elle a sans doute 12 ou 13 ans aujourd'hui, de sorte qu'il doit encore attendre.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez un peu dépassé le temps qui vous était alloué. Je vous demanderais de conclure en 30 secondes.
Mme Nancy Chipman: Très bien.
Essentiellement, je voudrais recommander le partage des responsabilités parentales. Il est absolument nécessaire de réexaminer ce que fait la Société d'aide à l'enfance. Je pense que la médiation est une bonne idée, mais il faut aller en médiation avant que les gens ne puissent plus se parler.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Monsieur Johnson.
M. Rick Johnson (directeur, Nova Scotia Shared Parenting Association): Merci. Je suis heureux d'être ici. Je me réjouis vraiment de constater que vous saisissez finalement l'occasion de vous pencher sur les problèmes que connaissent nos enfants. Ils sont notre avenir.
À l'heure actuelle, plus de 52 p. 100 de la population canadienne est dirigée par des familles monoparentales et je pense que la situation est en train de prendre des proportions épidémiques. Nous devrions réexaminer les vieilles lois et nous adapter aux années 90 avec de nouvelles lois, ce qui nous permettra d'avoir peut-être un peu plus d'espoir pour nos enfants à l'aube du nouveau millénaire.
La Nova Scotia Shared Parenting Association doit ses débuts à Sean Cummings. C'est un père qui a imaginé cela. Depuis, nous avons constaté que le besoin n'a cessé de grandir. Un plus grand nombre de gens se sont montré intéressés, des hommes et des femmes, les grands-parents, et c'est finalement devenu la Nova Scotia Shared Parenting Association.
• 0915
Notre mandat est essentiellement de promouvoir la médiation
obligatoire. Je dis cela non seulement avec des mots, mais en
ajoutant une explication. Lorsque l'on arrive dans le système
judiciaire, on s'aperçoit que c'est un système accusatoire et cela
fait peur. On se fait face l'un l'autre et on repart en colère.
Je voudrais que l'on établisse la médiation obligatoire. Il y a toute cette colère et cette frustration entre les conjoints, peu importe les circonstances du divorce—qu'il s'agisse d'infidélité, du fait que l'un ne faisait pas ceci ou ne faisait pas cela. Lorsqu'on arrive devant le tribunal, il faut tenir compte des enfants, et je pense que notre système judiciaire a négligé de le faire. On s'intéresse davantage à la logistique du tribunal. On s'intéresse davantage à la paperasse, aux avocats et à qui peut le mieux lutter. La dernière chose qui nous intéresse, mais qui est précisément ce que devrait nous intéresser, c'est ce dont a besoin l'enfant, et je voudrais vous en parler.
Lorsqu'on se retrouve dans une situation où le mariage ou la cohabitation n'est plus possible, la première étape, plutôt que de s'adresser à un travailleur pour fixer une date de comparution devant le tribunal et trouver un avocat pour vous représenter, devrait être de trouver un moyen de communiquer, car le manque de communication est sans doute la raison pour laquelle le mariage n'a pas fonctionné au départ. La communication en médiation est un atout.
Je propose que l'on permette aux deux parents d'exprimer leur sentiment de colère et de frustration, non pas avec un avocat dans un bureau d'avocat loin de l'enfant, et que l'on demande aux deux parents d'élaborer un plan de responsabilité parentale en tenant compte de l'intérêt de l'enfant. Cela se ferait après avoir pris rendez-vous pour une séance de médiation, qui devrait être la première étape pour décider qui aura la garde de l'enfant. Les deux parents élaboreront donc un plan de responsabilité parentale et reviendront voir le médiateur. Le médiateur rencontrera les deux parents, de sorte que ce n'est pas celui qui a le meilleur plan de responsabilité parentale qui pourra s'occuper le plus de l'enfant. Ce ne doit pas être un avocat qui décide.
On évalue le plan de responsabilité parentale pour voir s'il concorde avec la personne avec laquelle on parle. Ensuite on évalue les besoins de l'enfant. Si les plans de responsabilité parentale répondent aux besoins de l'enfant, on travaille ensemble. On arrive à s'entendre lors de la médiation. Après la médiation, le médiateur cerne les sources de conflit et essaie de les résoudre.
Le seul problème que nous avons dans le système à l'heure actuelle, c'est que la médiation ne veut absolument rien dire. On peut aller en médiation et régler toutes sortes de choses. Cependant, si un partenaire dit qu'il ne veut pas aller en médiation, mais plutôt devant le tribunal, alors tout ce qui a été décidé lors de la médiation ne compte plus. Si mes avocats veulent se battre, ils se battent. C'est ce que nous devons éviter. J'aimerais donner davantage de pouvoir aux médiateurs.
En Nouvelle-Écosse, à Halifax—Dartmouth, nous avons un médiateur, Annette Strug. Combien d'avocats avons-nous? Nous en avons beaucoup. Combien dépensons-nous pour les juges, pour les gens qui travaillent dans le système judiciaire, pour notre système juridique, pour les jeunes contrevenants? C'est là où tout notre argent est dépensé. Nous devons consacrer de l'argent à des mesures de prévention.
J'ai la garde ma petite fille de 6 ans. Si je ne m'étais pas battu pour ma fille après la deuxième fois qu'elle est presque morte à l'hôpital à cause de la négligence de sa mère... Sa mère était malade, ce que je comprends, et je n'ai rien contre elle, mais j'ai tenté de faire intervenir la Société d'aide à l'enfance. Parfois ils utilisent mal leurs pouvoirs, parfois ils ne les utilisent pas du tout. À mon avis, un comité devrait être mis sur pied afin de recevoir les plaintes pour le Service d'aide à l'enfance, de les filtre et de changer la bureaucratie pour ce qui est de la protection de l'enfant.
• 0920
Ce qui nous préoccupe ici aujourd'hui c'est la protection de
l'enfant, et j'espère que ce groupe et les gens qui témoignent ici
aujourd'hui ont pour principale préoccupation la protection de
l'enfant et son réellement convaincus que nous avons un avenir pour
nos enfants.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Enfin, nous allons entendre M. O'Neil de la Family Rights Association of Nova Scotia. Est-ce que vous nous ferez un exposé, ou est-ce que vous allez partager votre temps? C'est comme vous voulez.
M. William O'Neil (directeur exécutif, Family Rights Association of Nova Scotia): Je parlerai au nom de l'organisation.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, allez-y.
M. William O'Neil: Tout d'abord, je tiens à remercier le comité de l'occasion qui nous est donnée de venir témoigner ici aujourd'hui. Ensuite, j'aimerais vous remercier d'examiner ces questions concernant la garde des enfants et le droit de visite.
Le but de mon exposé ici aujourd'hui est d'attirer l'attention sur les questions qui sont directement liées aux droits de l'enfant. Je sais que bon nombre de témoins parleront surtout des choses qu'ils ont vécues avec le système du tribunal de la famille. Les cas qui sont présentés sont des cas réels de personnes qui ont dû recourir au tribunal de la famille et au processus judiciaire. Ces gens viennent vous parler du fond du coeur et vous expliquer les situations horribles que leurs enfants ont dû vivre.
Votre comité a été mis sur pied pour examiner ces problèmes et tenir compte du point de vue de l'enfant, examiner le système du tribunal de la famille en tenant compte de l'enfant. Le mandat de votre comité est d'examiner la loi et les politiques en vigueur concernant la garde des enfants et le droit de visite et d'évaluer leur efficacité par rapport aux décisions qui sont rendues par les tribunaux de la famille en Nouvelle-Écosse et dans d'autres provinces.
Ce comité a l'obligation d'examiner les faits et non pas des données sans fondement et déformées qui lui sont présentées. Vous avez l'obligation et le devoir d'examiner toute l'information et toutes les données présentées, de les évaluer à leur juste valeur afin de déterminer s'il y a lieu de modifier les politiques et quelles sont les politiques à mettre en place pour tenir compte des intérêts des enfants qui sont touchés par cette loi ou cette politique.
Je représente la Family Rights Association de la Nouvelle-Écosse, un groupe de défense de l'enfance. Nous intervenons au nom des enfants qui sont pris dans le réseau des tribunaux de la famille. Le plus souvent, nous agissons par l'entremise de l'un ou l'autre parent.
Nous avons travaillé à environ 600 dossiers du tribunal de la famille portant sur la garde et le droit de visite. Nous avons vu directement les conséquences des lois actuelles, des politiques et pratiques archaïques du tribunal de la famille en matière de garde et de droit de visite, ainsi que les idées démodées sur les rôles revenant à chaque parent selon le sexe.
Le réseau de tribunaux de la famille est fondé sur un principe depuis longtemps dépassé. Le réseau lui-même ne reconnaît pas les lois progressives que nous avons adoptées afin de ratifier le droit international en matière de protection de l'enfance que nous nous étions engagés à défendre. Je songe à la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant. Incontestablement, ce comité peut être à l'avant-garde en préconisant des lois fédérales progressives permettant de donner suite au droit international sans pour autant porter atteinte aux droits de particuliers ou de segments de la société.
Il nous faut une solution constructive aux problèmes dont sont victimes les enfants pris dans le système des tribunaux de la famille. J'ai ici une liste de quelques-unes des difficultés que connaissent les personnes et les familles qui doivent faire affaire avec ce système. Le problème le plus grave, à mon avis, découle des retards considérables qu'il y a avant qu'une personne puisse régler la situation. Deuxièmement, il y a la difficulté des préjugés fondés sur le sexe. Il faut que cela disparaisse.
Un autre problème provient du manque d'uniformité dans les décisions rendues dans des affaires semblables. Dans certains cas, il y a des problèmes au niveau des règles de la preuve et de leur application.
Une autre difficulté découle de la nature accusatoire du système. Il va de soi que d'être en cour est être placé dans une situation d'opposition.
• 0925
Il n'y a pas non plus de reddition de comptes. Cela signifie
que devant le tribunal de la famille, on peut faire de fausses
allégations et personne n'exigera de comptes. Si ces allégations
s'avèrent sans fondement, rien n'est fait. Ainsi, une personne peut
comparaître devant le tribunal et se parjurer et déformer les faits
sans craindre le moindre châtiment.
Une autre difficulté, à mon avis, vient du fait que dans le système actuel, il faut passer par le tribunal et laisser à un juge le soin de trancher.
Voilà donc la majorité des difficultés auxquelles sont confrontés aujourd'hui les enfants dans le système de tribunaux de la famille. Ces problèmes sont liés aux difficultés émotives futures de nos enfants provoquées par la perte d'un parent ou la perte de contact avec un parent ou avec la famille élargie. À l'heure actuelle, le tribunal de la famille ne tient pas compte des droits des grands-parents à participer à la vie de l'enfant.
Ces enfants ont le droit de connaître leur héritage et de ne pas être privés de leur passé. Ils ont besoin de savoir qui ils sont, d'où ils viennent, leurs racines. Même les enfants adoptés, qui ne connaissent pas leurs parents, cherchent inévitablement à retrouver leurs parents, soit leur mère, soit leur père ou les deux. Il ne faut pas leur nier ce droit.
J'ai ici une liste de recommandations que j'aimerais vous présenter, bien que je suis persuadé que vous les avez déjà toutes entendues.
J'aimerais présenter au comité une liste de modifications proposées afin de rationaliser le système de tribunaux de la famille, de l'aider à demeurer axé sur les enfants et à maintenir son intégrité. D'abord, une médiation obligatoire, au lieu des procédures judiciaires. Il faut mettre en place des services accessibles de médiation tout en assurant aux familles la possibilité d'y avoir accès.
La garde partagée doit être obligatoire à moins de circonstances exceptionnelles. En fait, la norme doit être la garde partagée. La difficulté, à mon avis, dans de nombreux dossiers, c'est que le tribunal de la famille accorde à un parent des pouvoirs sur l'autre. Ce pouvoir découle de la garde qu'obtient un seul parent. Inévitablement, l'enfant se retrouve au centre, un pion qu'utilise le parent qui a la garde pour obtenir ce qu'il veut.
Il faut une politique uniforme en matière de droit de la famille, des politiques de portée nationale et des directives à l'intention des juges. Les juges du tribunal de la famille disposent actuellement de trop grands pouvoirs discrétionnaires.
Je tiens à le répéter: il faut pouvoir recourir à d'autres méthodes. La médiation est un aspect très important du processus qu'il vaut la peine de mentionner encore. Les sanctions dans le cas d'allégations fausses...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur O'Neil, pouvez-vous terminer, car le temps presse?
M. William O'Neil: Oui.
Il faut mettre en place des dispositions qui permettent de porter des accusations lorsque l'on présente de fausses allégations devant le tribunal de la famille.
Une chose dont je n'ai pas entendu parler dans le cadre de ces audiences, c'est l'idée de services d'avocat obligatoires. J'ai travaillé sur de nombreuses affaires où les parties n'avaient aucun représentant juridique à leur première comparution devant le tribunal.
Je vais conclure. Je pense qu'il faut défendre les intérêts des enfants dans toutes les provinces en donnant aux enfants une voix. En fait, je pense que les enfants sont la majorité silencieuse, sans pouvoir.
Je vais terminer en disant ceci: la Family Rights Association estime que les enfants qui sont pris dans le processus n'ont, à toutes fins utiles, aucune voix au chapitre. Il faut mettre en place un mécanisme qui protège les droits des enfants, et leur donne une voix dans la préparation de leur avenir, car les enfants méritent un avenir, et non pas des problèmes.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Nous allons passer aux questions en commençant par M. Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je vais poser quelques questions qui pourraient sembler contester un peu certaines de vos affirmations. Ce n'est pas tant que je les conteste, mais j'essaie de les fouiller afin de les rendre un peu plus claires pour nous tous.
J'aimerais poser ma première question à M. Johnson. Nous avons parlé de tentatives de médiation et du fait que, parfois, une des parties n'est pas disposée à participer à la médiation, et donc on préfère s'adresser au tribunal. Dans d'autres témoignages, on nous a affirmé que seul un infime pourcentage s'adresse au tribunal pour obtenir une décision quant à la garde et au droit de visite et aussi à l'exercice de la responsabilité parentale. Cela représente un très petit nombre.
D'après votre expérience, partagez-vous cette opinion? Est-ce vraiment l'exception plutôt que la règle que l'on se retrouve devant le tribunal, où c'est le tribunal qui décide des rapports parents-enfants?
M. Rick Johnson: D'après mon expérience, la norme c'est que le tribunal décide provisoirement qui aura l'enfant et qui ne l'aura pas. Normalement, pendant tout le temps que l'affaire est en instance, le statu quo prévaut.
Essentiellement, quand on regarde ce petit pourcentage, c'est en fait parce que normalement, l'enfant est avec sa mère et on tient une audition d'urgence sur la garde pour déterminer provisoirement avec qui l'enfant demeurera. En fait, la seule chose qui est le fruit du hasard, c'est la fréquence du droit de visite ou la durée de l'exercice des responsabilités parentales.
M. Eric Lowther: Vous dites que c'est une décision provisoire, mais que lorsque l'on se présente à la médiation, la décision ne change pas, elle demeure la même.
M. Rick Johnson: Oui, c'est ce qui s'est produit dans mon propre cas.
J'ai la garde de ma fille. Ce qui m'a privilégié devant le tribunal, c'était le statu quo. N'était-ce du statu quo, ce n'est pas moi qui aurait eu la garde de ma fille. Je l'aurais vue à tous les 15 jours.
M. Eric Lowther: Dans votre cas, vous avez la garde exclusive, n'est-ce pas?
M. Rick Johnson: Oui.
M. Eric Lowther: Votre ancienne épouse n'a pas accès aux enfants?
M. Rick Johnson: Oui, elle l'a.
M. Eric Lowther: Elle l'a.
M. Rick Johnson: Mais elle n'exerce pas ce droit.
M. Eric Lowther: Je vois.
Mme Sheila Finestone: Est-elle malade?
M. Rick Johnson: En fait, oui, et ensuite beaucoup de temps s'est écoulé.
M. Eric Lowther: Nos témoins ici nous donnent des messages différents. D'une part dans le cas de M. O'Neil, on demande la médiation obligatoire, la garde conjointe obligatoire, et pourtant, en réalité, la garde conjointe égale n'existe pas. Même M. Johnson ici a une épouse qui a choisi de ne pas exercer son droit de visite.
Monsieur O'Neil, certaines de vos recommandations sont intéressantes, mais pourtant je me demande s'il n'y a pas lieu de faire attention de ne pas créer plus de problèmes qu'on en règle.
Vous préconisez la médiation obligatoire. Or, si vous avez deux personnes qui ont décidé de se faire la lutte, à quoi servira la médiation obligatoire? Il arrive, rarement d'après les témoignages précédents, qu'on se retrouve devant le tribunal, quoiqu'on fasse. La médiation obligatoire ne fera rien dans ce cas là.
En ce qui concerne la garde conjointe obligatoire, éliminant le pouvoir qu'un parent peut avoir sur l'autre, dans la vie d'un enfant, il faut prendre certaines décisions et quelqu'un doit le faire. Est-ce que dans le cas de toutes les décisions, les parents doivent s'entendre? Par exemple, pour aller chez le médecin, pour les leçons que prendra l'enfant—faut-il tout partager?
Il est facile de dire qu'on veut la garde conjointe obligatoire, qu'on ne veut pas qu'un parent exerce de pouvoir sur l'autre, mais en termes pratiques, je pense qu'il y aura contestation.
J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus long sur ces déclarations à l'emporte-pièce qui laissent entendre que ce serait la panacée, tandis qu'à mon avis cela créerait plus de problèmes que nous n'en avons déjà.
M. William O'Neil: Comme je l'ai dit dans mon exposé, j'ai participé à un grand nombre d'affaires de garde et de droit de visite. Je continue à utiliser l'expression «droit de visite». Dans toutes ces affaires auxquelles j'ai participé, s'il y avait eu garde conjointe et médiation, le résultat aurait sans doute été préférable pour les enfants et aurait mieux répondu à leurs besoins.
M. Eric Lowther: Excusez-moi de vous interrompre, quand vous dites «s'il y avait eu», parlez-vous d'un processus ou de quelque chose qui leur est imposé?
M. William O'Neil: Je pense qu'il faut que la médiation soit obligatoire pour toute famille qui fait appel au tribunal de la famille pour régler des questions de garde et de droit de visite. Je pense aussi que lorsque le tribunal rend une décision provisoire, celle-ci devrait prévoir la garde conjointe. Je ne sais pas jusqu'à quel point les membres du comité connaissent le processus. C'est un régime par étapes qui commence par des audiences intérimaires. Cela devrait être la première étape à l'audience intérimaire. À mon avis, cela éliminerait en grande partie la nature accusatoire de ces affaires.
Si nous avions des médiateurs compétents, formés, qui connaissent d'autres modes de règlement des différends, je pense que cela permettrait de régler la plupart des différends entre les deux parents et les amènerait à examiner les difficultés en se plaçant du point de vue de l'enfant.
Je le dis parce que j'ai beaucoup d'expérience dans les litiges de garde et de droit de visite. J'ai en fait suivi des cours avec des personnes qui interviennent dans ce genre de situation. En réalité, si j'avais pu communiquer avec les deux parents dans chacune de ces affaires, nous serions parvenus à un meilleur règlement—par opposition aux fois où je n'ai pas pu communiquer avec les parents.
M. Eric Lowther: J'ai une toute petite dernière question.
Dans vos organisations, vous traitez les cas problèmes? Et y a-t-il un grand nombre d'affaires qui se règlent, d'affaires où les parents s'entendent sur les dispositions et dont vous n'entendez jamais parler? Les dossiers à problème sont-ils l'exception, alors qu'en général ça va bien? Ou d'après vous, est-ce que la majorité des cas posent des problèmes?
M. William O'Neil: Comme le savent les membres du comité, rien que pour faire entendre pour la première fois par le tribunal, il faut au moins six mois à un an. Nos tribunaux de la famille dans la province ont un arriéré de six mois à un an. J'en conclus qu'il y a un grand nombre d'affaires devant les tribunaux et que ces affaires sont des cas problèmes. Je pense que dans 80 p. 100 des cas qui vont devant les tribunaux, la relation entre les parents est de nature accusatoire. Je pense que dans la plupart des cas, l'affaire ne se règle pas sans recours au tribunal; en fait ces affaires se règlent en cour.
Rick Johnson: J'aimerais dire quelques mots à ce sujet moi-même. En ce qui concerne mon groupe, je dois reconnaître que la majorité des cas dont j'entends parler, et dans mes ateliers et lorsque je donne des conférences à divers groupes, dans différentes régions, on me fait part de problèmes. Je pense qu'on peut probablement compter sur les doigts d'une main les affaires qui se règlent à l'amiable.
Quand vous avez parlé de mon cas, en disant que le parent qui n'avait pas la garde n'exerçait pas son droit de visite, je me dois d'apporter des précisions. La raison pour laquelle mon épouse ne veut pas exercer son droit parental c'est le climat accusatoire juridique qui a été établi au départ qui l'a en fait éloignée de son enfant. Je pense que les tribunaux, la Société d'aide à l'enfance et tous les organismes créés pour protéger l'enfant ont éloigné d'elle la mère de ma fille.
• 0940
Maintenant, j'ai une enfant qui n'a pas de mère. Il a fallu
quatre ans et demi, quatre ans et demi pendant lesquels j'ai eu la
garde de ma fille. Maintenant, depuis environ un mois et demi,
grâce à la médiation avec la mère de ma fille et parce que j'ai
gardé ouvertes les voies de communication, nous travaillons à
réunir ma fille avec sa mère. Ma fille va avoir une mère. Si les
tribunaux ne font rien pour le faciliter, je vais le faire moi-même. Mon
principal objectif c'est que les enfants aient deux
parents.
Il a fallu quatre ans et demi pour faire disparaître la colère qu'a provoquée la présence en cour, la lutte par l'entremise des avocats, quatre ans et demi pour ouvrir à nouveau les voies de communication. J'ai assumé la garde légale de ma fille le 21 août 1994 et le 18 septembre, nous étions censés nous présenter à une séance de thérapie. L'arriéré était de six mois.
M. Eric Lowther: Très bien. Je pense que nous avons compris.
Pour donner aux autres membres la possibilité de poser des questions... Mme Finestone ici vient de me demander de vous demander si vos organisations mettent l'information en commun.
Des voix: Oh, oh!
Mme Sheila Finestone: Pourquoi me rajoutez-vous au tableau?
M. Eric Lowther: C'était une bonne question.
Est-ce que vous partagez les renseignements? Nous avons ici la Nova Scotia Shared Parenting Association, la Family Rights Association et Parents Without Custody. Vous semblez partager un point commun. Est-ce que vous communiquez entre vous, oui ou non?
Monsieur O'Neil, non?
M. William O'Neil: C'est l'un des problèmes que pose, à mon sens, cette multiplicité des groupes, non seulement dans notre province, mais dans tout le Canada. Il y a trop de groupes. Il faudrait les réunir. Si nous voulons résoudre ces difficultés, il faut que les groupes se réunissent pour les cerner et les résoudre.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup, monsieur Lowther, et j'ai rayé le nom de Mme Finestone de la liste.
Des voix: Oh, oh!
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non, c'est parfait, madame Finestone.
Madame St-Jacques.
[Français]
Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): Dans vos commentaires, vous parlez beaucoup de définir le meilleur intérêt de l'enfant lorsqu'il y a divorce, que ce soit par la médiation ou par d'autres moyens. J'aimerais connaître vos recommandations. À quel moment peut-on intégrer l'enfant dans le processus de séparation? Est-ce lors de la médiation ou d'un autre processus qui pourrait aider à trouver le meilleur intérêt de l'enfant? La question se pose à celui qui veut y répondre.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.
M. Rick Johnson: Je pense qu'il faut faire intervenir l'enfant immédiatement. Normalement, chaque parent va créer son propre régime parental et simultanément, il faudra que les médiateurs évaluent les besoins de l'enfant. Tout cela se produit au même moment sur une très courte période et nécessite des décisions du médiateur. Les parents peuvent créer d'excellents régimes parentaux chacun de son côté, les deux régimes étant totalement conciliables. Tant que le médiateur n'a pas évalué les besoins de l'enfant, il n'a aucune idée de l'orientation à prendre et ne peut déterminer lequel des deux régimes est plus favorable à l'enfant.
M. William O'Neil: Dans cette province, nous avons besoin de deux outils pour protéger les droits des enfants et pour régler les difficultés qu'ils rencontrent autour du tribunal de la famille. Le premier outil est un service d'intercession en faveur de l'enfant. Nous avons un service de ce genre en Nouvelle-Écosse, c'est la Family Rights Association of Nova Scotia. Notre association a été constituée dans le seul but de défendre les droits des enfants.
Le deuxième outil indispensable est la médiation, qui fait appel à des médiateurs qualifiés et formés spécialement, dotés de l'expérience et de toutes les connaissances nécessaires pour dialoguer efficacement avec les enfants et pour comprendre leurs besoins et leurs droits. C'est essentiel.
• 0945
À mon sens, l'une des difficultés... Je crois que dans cette
province comme dans toutes les autres, ces services doivent être
indépendants du gouvernement. Il doit s'agir de services
indépendants, et non de services gouvernementaux. On a déjà vu, en
Colombie-Britannique, les difficultés que présentent ces services
lorsqu'ils relèvent du gouvernement. Dans le rapport Gove, on a vu
très clairement ce qu'il advenait des enfants dans cette province.
La Colombie-Britannique avait un service d'intercession lorsque ces
événements se sont produits.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Mais qu'arrive-t-il dans le cas des enfants qui ont un an, deux ans et trois ans?
[Traduction]
M. William O'Neil: Excusez-moi, mais...
La sénatrice Lucie Pépin: Qu'advient-il des enfants d'un, deux ou trois ans? Dans le prolongement de la question de Mme St-Jacques, je pense qu'il est vrai qu'il faut faire intervenir les enfants très tôt, mais pour les tout-petits... À mon avis, il est très difficile d'obliger les enfants à passer du papa à la maman toutes les deux à trois semaines.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je ne sais plus qui pose les questions actuellement.
[Français]
Je dois savoir qui pose les questions.
[Traduction]
Allez-y.
Mme Diane St-Jacques: D'accord.
J'aurais une deuxième question pour Mme Chipman.
[Français]
Dans votre mémoire, vous dites qu'il n'y a pas de suivi après l'attribution de la garde des enfants. Est-ce que vous pourriez recommander des mécanismes qui pourraient être mis en place pour assurer un suivi de la garde afin de voir s'il n'y a pas de problèmes qui surviennent, surtout dans des cas plus problématiques que d'autres, où il y a eu violence et ainsi de suite?
[Traduction]
Mme Nancy Chipman: C'est une excellente question, et je vous en remercie.
Je suis absolument en faveur d'un travail de suivi, qu'il faudrait sans doute confier à un travailleur social.
Dans ce domaine, je ne recommande pas la société d'aide à l'enfance, car j'ai eu connaissance d'un grand nombre d'incidents concernant le suivi et les interventions de cet organisme. La société d'aide à l'enfance a tendance à aggraver les problèmes ou à en créer lorsqu'il n'y en a pas. Elle a tendance à laisser les enfants dans les foyers où ils sont maltraités.
Il faudrait une solution comme celle qu'a proposée William, un organisme non gouvernemental et totalement indépendant du gouvernement, qui n'aurait de comptes à rendre à personne.
[Français]
Mme Diane St-Jacques: Merci.
[Traduction]
M. William O'Neil: Voulez-vous que je réponde?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.
M. William O'Neil: Il existe déjà deux outils qui peuvent servir à résoudre le problème dont vous parlez. D'abord, il y a la médiation, le rôle du médiateur. Ils peuvent faire un travail de suivi concernant l'entente et les arrangements en matière de garde.
Par ailleurs, le tribunal de la famille a déjà des travailleurs sociaux à son service. On peut leur demander de faire du travail de suivi sur les résultats des arrangements en matière de garde.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est tout? Bien.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib): Merci beaucoup.
Votre point de vue concernant la fréquence des ententes doit être un peu influencé par le fait que vos clients ne concluent pas d'entente. Les statistiques qu'on nous a montrées dans l'ensemble du pays indiquent que de 80 à 90 p. 100 des divorces sont prononcés sans intervention des tribunaux.
On remarque évidemment les 10 p. 100 que l'on qualifie de «très conflictuels». Ce qu'on nous dit constamment—et c'est également un thème qui apparaît dans la plupart des questions posées à ce groupe—c'est que le point de vue des enfants est très utile si l'on veut déterminer leurs intérêts. C'est tout à fait logique. Si on les consulte, ils sont capables de décrire la situation antérieure; ils savent qui prenait soin d'eux, ils savent tout cela.
• 0950
À l'ouest du Québec, on trouve un service d'assistance aux
enfants dans la plupart des provinces; compte tenu de la diminution
des ressources, il faut se demander si les tribunaux ne devraient
pas avoir la possibilité de nommer un avocat ou un intercesseur en
faveur des enfants, qui veillerait à ce qu'ils puissent s'exprimer
efficacement.
Mais une chose me préoccupe. En Saskatchewan, je crois, le mandat de l'intercesseur consiste presque uniquement à reformuler les propos de l'enfant; il ne peut pas faire d'analyse psychologique ou recourir à une équipe multidisciplinaire pour déterminer pourquoi l'enfant tient un certain propos. Car je considère que lorsqu'un enfant dit qu'il ne veut plus jamais revoir l'un des parents, l'enfant va se trouver pour toute sa vie face à une situation à risque très élevé. C'est comme si le parent en question était mort, et l'enfant a besoin d'assistance à cet égard.
Comment porter assistance aux enfants? Vous dites que votre association est très utile à cet égard; vous voulez un organisme indépendant du tribunal, mais quel problème poserait une solution faisant appel à un ami du tribunal, à un service d'assistance ou à un médiateur relevant du tribunal? J'aimerais avoir des précisions sur cette notion d'indépendance.
M. William O'Neil: Je parle d'indépendance par rapport à l'administration gouvernementale, et non par rapport au tribunal. Un service d'assistance aux enfants ou un service d'intercesseur ne devrait pas être à l'emploi d'un organisme gouvernemental. Il ne devrait pas recevoir d'ordres du gouvernement.
Il y a environ un an, on m'a prié de rédiger une mesure législative provinciale concernant l'assistance aux enfants. Je ne me suis pas encore attelé à la tâche. Tous ceux qui s'occupent d'intercéder en faveur des enfants doivent être très prudents dans leurs rapports avec les enfants. Ils doivent bien comprendre la situation et être en mesure de faire face à des situations familiales dramatiques. L'intercesseur n'a qu'une marge de manoeuvre très limitée s'il ne veut pas aggraver les difficultés ou en créer de nouvelles.
Je ne sais pas si cela répond...
Mme Carolyn Bennett: En tant que médecin de famille, je sais qu'il est difficile d'assurer la mise en oeuvre et le suivi des décisions que l'on doit prendre.
Nous avons parlé à des enfants de la Colombie-Britannique, et nous avons constaté que lorsque le droit de visite est refusé lorsque l'enfant se retrouve dans une situation où il ne se sent pas en sécurité, auprès d'un parent alcoolique ou qui refuse de le restituer, l'enfant doit être en mesure de faire appel à quelqu'un qui a toute sa confiance. Il faut donc que l'assistance soit maintenue. On ne peut pas miser sur une comparution au tribunal. Or, compte tenu du désarroi que connaît actuellement le régime d'assistance aux enfants, comment peut-on garantir la sécurité des enfants tout en leur permettant d'exprimer leur point de vue?
M. William O'Neil: Je vais vous donner un exemple. Dans toutes les provinces et dans toutes les villes, on trouve une société d'aide à l'enfance. La société d'aide à l'enfance est censée intervenir en faveur des enfants, mais ce n'est pas le cas.
Mme Chipman a mentionné différentes choses... J'avais l'intention d'éviter cette question, mais il faut bien tenir compte du rapport Gove: il faut bien voir ce qui a échoué dans le système d'assistance aux enfants en Colombie-Britannique. Il faut aussi voir ce qui a échoué au Québec et au Nouveau-Brunswick. C'est pour tout cela qu'il est indispensable de constituer un service d'assistance aux enfants.
Ceux qui sont censés prendre la défense des enfants—et ce sont également les avocats de l'organisme—ne remplissent pas leur rôle. Il faut des intercesseurs qualifiés qui pourront intervenir devant le tribunal, mais qui par ailleurs défendront quotidiennement les droits des enfants. Je sais qu'on m'a déjà fixé des lignes directrices à cet égard.
L'élément essentiel, comme l'a dit M. Gallaway, c'est qu'il faut faire un effort de formation auprès des juges du tribunal de la famille, du personnel de l'administration judiciaire et des travailleurs de la société d'aide à l'enfance, de façon que chacun comprenne son rôle et sa mission par rapport aux enfants. Je constate chaque jour que cette formation fait défaut, et c'est pourquoi j'insiste sur la nécessité des deux outils dont j'ai parlé, à savoir la médiation et un service d'assistance qui règle tous ces problèmes.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
M. Rick Johnson: J'aimerais intervenir.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord, mais brièvement, s'il vous plaît.
M. Rick Johnson: Vous avez dit au début de votre intervention qu'on ne parle ici que de 10 p. 100 des cas de divorce, car 90 p. 100 de ces cas ne sont pas conflictuels. Les 10 p. 100 représentent les gens qui sont ici... Disons qu'il y en a 5 p. 100 qui sont en colère. Les cinq autres pour cent sont de véritables parents qui veulent jouer leur rôle de parent, qui veulent participer à la vie de leurs enfants et qui sont prêts à se battre pour l'obtenir.
Je suis un parent gardien, et j'ai dû me battre pour obtenir la garde. Si je ne m'étais pas battu, ma fille serait sans doute morte à l'heure actuelle. Les choses ne sont pas encore réglées. On n'a rien mis en place pour permettre au parent non gardien de jouer son rôle de parent. Actuellement, tout fait en sorte qu'il y ait un parent gardien et un parent non gardien. L'un des deux doit quitter la maison. L'autre garde les enfants. Dans mon cas personnel, j'ai dû contrevenir aux normes sociales. J'ai dû affronter des groupes de femmes. J'ai dû me battre à maintes reprises, mais j'ai toujours pensé à mon enfant en me disant que rien ne pourrait m'empêcher de m'occuper d'elle. Sa mère apparaît maintenant dans le tableau, et c'est très bien.
Si l'on misait avant tout sur la médiation, si l'on employait mieux l'argent au lieu de le laisser accaparer par le système judiciaire, où certains s'en mettent plein les poches... La société d'aide à l'enfance manque de personnel et est accablée de travail. C'est là qu'il faut mettre l'argent. Il faut augmenter les effectifs des services d'assistance aux enfants.
Mme Carolyn Bennett: Est-ce que vous voulez dire que sur les 90 p. 100—ce fut une de mes préoccupations constantes pendant tout le voyage—il y a des gens qui sont trop fatigués pour se battre et que l'issue de la séparation n'est pas toujours conforme aux intérêts de l'enfant?
M. Rick Johnson: C'est exact.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Je crois savoir que les 10 p. 100 correspondent à ceux qui font un procès. Ce ne sont pas ceux qui se présentent devant un tribunal. C'est ainsi que je conçois les 10 p. 100, mais peut-être pourriez-vous nous apporter des précisions, car les recours au tribunal sont très nombreux, mais il n'y en a que 10 p. 100 environ, ou un peu plus, qui intentent un véritable procès. La différence est importante. Du moins, c'est ainsi que je l'entends. Pourrions-nous avoir des précisions à ce sujet, car c'est un argument qu'on avance sans cesse et qui prête à confusion?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je crois qu'il s'agit du chiffre dont nous avons parlé hier.
Sénatrice Cohen, il nous reste très peu de temps, et je vous prie de m'excuser. Si vous voulez poser votre question, Mme Finestone aura ensuite une très courte question à poser.
La sénatrice Erminie Cohen: Je lui cède la parole, car ma question est plutôt longue.
Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup.
La mienne porte sur la médiation. Je crois que la médiation est essentielle, quelle qu'en soit la forme, médiation séparée, médiation conjointe ou autre chose. Je voudrais savoir quel rôle vous attribuez à un arbitre après la médiation ou en remplacement de la médiation. Ce qu'on entend dire de la société d'aide à l'enfance est assez désarmant, et je suis heureuse de vous entendre dire qu'elle est accablée de travail, à court d'effectifs et de ressources; tout cela est vrai.
En ce qui concerne les pourcentages, ils ne m'intéressent pas vraiment, car 1 p. 100 c'est déjà beaucoup trop, à mon avis. Mais pour ce qui est de l'assistance aux enfants et de la solution des problèmes, si des médiateurs aidaient les parents à préparer leur régime parental, ne serait-il pas plus facile d'harmoniser les deux régimes, ou ne pourrait-on pas confier à un arbitre le soin de choisir le meilleur projet après avoir consulté les enfants? Qu'en pensez-vous?
J'ai essayé d'imaginer un tribunal idéal. Que faut-il mettre en place pour assurer la défense des intérêts des enfants? Est-ce qu'il nous faut un protecteur des enfants, quelqu'un qui va assurer un suivi de leur situation? Et comme chaque famille est différente des autres, il faut avoir une idée de ses antécédents et des intérêts de chacun de ses membres, qu'il va falloir ensuite concilier. On passe donc de la médiation à l'arbitrage. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. C'est ma seule question.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Finestone.
Qui veut commencer?
M. William O'Neil: Vous soulevez là un problème très particulier. On m'a signalé—en fait on l'a signalé au juge en chef de cette province—que nous risquons de dresser trop d'obstacles sur la voie de ceux qui veulent recourir à la justice, et que tout cela va encore rallonger les délais. Je pense qu'il faut éviter de multiplier les obstacles pour les gens qui sont déterminés à trouver des solutions.
Mme Sheila Finestone: Pensez-vous qu'il s'agisse là d'obstacles plutôt que d'outils? Est-ce cela que vous voulez dire?
M. William O'Neil: C'est la terminologie qu'a employée le juge en chef de la province. Il a utilisé le mot «obstacles», et je répète ses propos. Je pense que certains éléments pourraient effectivement être des obstacles dans certaines circonstances. À mon avis, tout cela risque de prolonger les procédures.
Dans mes contacts avec le système tel qu'il fonctionne actuellement, je constate qu'on a trop souvent affaire à des gens qui n'ont pas la formation ni les attitudes ni les connaissances nécessaires pour traiter correctement ces problèmes. Il faut donc intensifier l'effort d'éducation auprès de ces personnes, pour les former à affronter les difficultés entourant les situations de ce genre et les émotions qui en résultent pour les enfants et les parents. La médiation et l'intercession devraient permettre de résoudre une bonne partie de ces difficultés.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
M. Rick Johnson: Je voudrais aussi revenir sur ce sujet.
En ce qui concerne le régime parental, je pense qu'il doit mettre l'accent sur l'enfant. Comme vous le dites, chaque enfant présente un cas individuel. Dans la situation actuelle, le système judiciaire ne traite pas l'enfant de façon individuelle.
J'ai été horrifié d'entendre un jour un juge répondre à un avocat qui rapportait les propos d'un enfant de huit ans que personne, pas même un enfant de huit ans, n'allait lui dire ce qu'il avait à faire dans son tribunal. Je pense que c'est pour cela que la situation nous a échappé.
Si on commence par évaluer les besoins de l'enfant... La sénatrice a parlé des enfants de un, deux et trois ans. Pour l'essentiel, il s'agit de leur proposer une vie bien structurée, de les nourrir, de les habiller et de leur assurer un abri. C'est assez facile. C'est ce qu'on trouve dans le régime parental. Quand ils prennent de l'âge, on découvre ce dont ils ont besoin: l'enfant peut être asthmatique, avoir la sclérose en plaques ou avoir des besoins particuliers. Ces besoins doivent être pris en compte dans les régimes parentaux des deux parents.
Si l'un des parents n'a aucune idée des besoins de l'enfant ni de ce que fait l'autre parent, il a besoin de formation concernant son rôle de parent. Si les deux parents sont en colère, il faut leur apprendre à gérer leur colère. Si l'un d'entre eux a un problème d'alcoolisme, il faut en tenir compte lors de la médiation.
Voilà comment il faut essayer de concilier les différents intérêts. Il faut prendre les problèmes et leur trouver des solutions. Le recours au tribunal ne fait que susciter de nouveaux problèmes et de la colère. Il faut chercher des solutions.
Le médiateur connaît les deux parents et l'enfant. C'est lui qui pourrait déterminer ce qui est le plus conforme aux intérêts de l'enfant. Si des personnes différentes s'occupent de chacun des parents et de l'enfant, leur travail ne donnera que de la paperasse. Il n'y aura aucun contact personnel. Les rapports seront désincarnés.
Je pense que c'est la meilleure solution pour concilier les différents intérêts et pour créer une situation viable pour nos enfants, sans les exposer à la colère.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Je vous remercie d'être venus ici ce matin.
Nous allons maintenant faire une pause d'environ sept minutes.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Nous allons maintenant reprendre les auditions.
Nous accueillons aujourd'hui M. Thompson, professeur à l'Université Dalhousie, M. Schurman, du cabinet d'avocats Reierson Sealey, ainsi que Donna Franey, Claire McNeil et Elaine Gibson, des Services d'aide juridique de Dalhousie.
Voulez-vous commencer?
Mme Claire McNeil (avocate, Services d'aide juridique de Dalhousie): Merci, madame la présidente.
Nous représentons l'aide juridique de Dalhousie. Je voudrais tout d'abord vous dire brièvement qui nous sommes, de façon à mieux vous faire comprendre notre point de vue.
L'aide juridique de Dalhousie a été créée dans le cadre d'un projet pilote en 1970, et depuis lors nous assurons une représentation juridique à ceux qui ne peuvent recourir aux services d'un avocat dans la région de Dalhousie. Nous intervenons en droit de la famille, et nos clients sont par définition des personnes à faible revenu.
Comme seules les personnes financièrement admissibles peuvent obtenir nos services, et à cause du phénomène de féminisation de la pauvreté, dont on entend beaucoup parler, en particulier à propos des mères de familles monoparentales, nous représentons essentiellement des mères qui essaient d'obtenir la garde et l'entretien de leurs enfants. La plupart d'entre elles sont le principal dispensateur de soins des enfants, aussi bien avant qu'après la rupture de la relation. Nous représentons également des gens qui n'ont jamais été mariés ou qui n'ont même jamais vécu avec l'autre parent.
Voilà donc le contexte de notre action.
En voyant le mandat de votre comité, nous avons voulu venir vous parler de notre expérience en matière de garde conjointe, car on demande notamment aux membres du comité si la place prépondérante accordée aux enfants exige une intervention des deux parents et si ces deux éléments vont de pair, pour ainsi dire. Nous avons voulu vous en parler parce que nous avons une bonne expérience de la garde conjointe dans cette province, étant donné que nous représentons nos clients devant le tribunal de la famille et devant la Cour suprême.
• 1020
Généralement, on estime que la garde conjointe implique une
forme de prise de décisions conjointe. Elle comporte rarement des
dispositions prévoyant le partage du temps passé auprès des
enfants. Le plus souvent, on pense qu'elle s'applique aux prises de
décisions. Elle est donc semblable aux anciens arrangements
concernant la garde et le droit de visite, en ce sens que l'enfant
vit avec l'un des parents et reçoit la visite de l'autre.
D'après notre expérience, les arrangements de garde conjointe ne réussissent pas davantage à centrer l'attention des parties sur les besoins des enfants que les anciens arrangements de garde; en fait, il y est avant tout question de l'équilibre entre les droits des parents. L'attention porte sur les parents plutôt que sur les intérêts des enfants.
L'équilibre ou l'égalité des droits prête également à confusion, en ce sens que si l'on donne les mêmes droits et pouvoirs décisionnels aux deux parents dans une situation où l'un des parents s'occupe concrètement des enfants, on crée plus de problèmes qu'on en règle.
Une fois la poussière retombée, on voit qu'à l'issue des procédures judiciaires l'enfant se retrouve avec une résidence primaire, et habituellement il n'y a pas de contestation sur ce point. D'habitude, la mère assure la résidence primaire et l'essentiel des soins, et je ne pense pas que les statistiques de la Nouvelle-Écosse soient différentes des autres statistiques canadiennes à cet égard.
Il s'agit donc de savoir non pas qui va veiller quotidiennement aux besoins de l'enfant, mais dans quelles conditions le principal dispensateur de soins va répondre à ces besoins; nous constatons que c'est toujours le point litigieux dans les situations de garde conjointe.
Malheureusement, cette lutte de pouvoir est toujours menée entre des parents qui, par hypothèse, ont une relation problématique. Ce qui nous préoccupe, c'est que cette situation reste problématique même après la fin des procédures judiciaires, à cause de l'imposition de la consultation et des prises de décisions conjointes.
D'après notre expérience, ces prises de décisions conjointes dans un contexte où les parties ont du mal à communiquer posent de graves problèmes. Après toute imposition de la garde conjointe, ou même dans les accords de garde conjointe, et de façon générale dans le contexte du droit de la famille, on a tendance, pour toutes sortes de raisons, à régler la situation et à se mettre d'accord sur la question de la garde.
Les enfants restent souvent des pions dans cette lutte de pouvoir, et la conformité des décisions par rapport aux intérêts des enfants passe au second plan; il s'agit avant tout de savoir si les parents peuvent se mettre d'accord, et de déterminer qui a pris l'initiative de la décision.
Nous avons récemment eu un exemple dans lequel les parties n'arrivaient pas à se mettre d'accord pour savoir s'il fallait faire opérer l'enfant des amygdales; il s'agit pourtant d'une opération très simple, qui ne devrait pas donner matière à conflit, mais qui en a quand même suscité un.
Un autre cas récent concernait la question de la garderie; les parents avaient la garde conjointe, et le parent qui n'était pas le dispensateur principal de soins ne voulait pas que l'enfant aille à la garderie; il a donc interdit cette possibilité au principal dispensateur de soins, l'empêchant ainsi de reprendre ses études ou de travailler.
Il y a aussi la question de la mobilité dont on a déjà parlé. Certaines restrictions s'appliquent aux parents chez qui les enfants résident habituellement, mais les mêmes restrictions ne s'appliquent pas aux parents ayant droit de visite.
Voilà donc certains des problèmes que pose, à mon avis, la garde conjointe.
Nous estimons que la garde conjointe est une option importante qu'on ne devrait pas rejeter, mais ce n'est qu'une option. On devrait partir de la prémisse, non pas que la garde conjointe est la solution idéale dans tous les cas, mais que c'est le parent avec lequel l'enfant réside habituellement qui devrait prendre certaines décisions, étant donné que c'est cette personne qui doit en subir les conséquences. Dans l'ensemble, le bien-être de l'enfant sera fonction de la capacité du dispensateur principal de soins de répondre à ses besoins, et l'imposition d'une ordonnance de garde qui accroît le stress et l'anxiété de ce parent ou qui suscite des conflits n'est pas dans le meilleur intérêt de l'enfant.
• 1025
J'aimerais faire quelques brèves remarques au sujet du droit
de visite.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame McNeil, vos cinq minutes sont écoulées. Pourriez-vous rapidement conclure?
Mme Claire McNeil: Très bien.
En ce qui touche le droit de visite, le problème, à notre point de vue, n'est pas... Voici comment nous voyons les choses. Pour chaque parent qui dit s'être vu privé d'un droit de visite, il y en a 10 qui n'exercent pas ce droit. Ces parents ne sont pas poursuivis devant les tribunaux. À notre avis, c'est qu'on accepte que c'est la norme.
Dans notre travail, le fait que le parent qui a le droit de visite finit par ne pas jouer un rôle aussi important dans la vie de l'enfant pose beaucoup de difficulté. Les parents qui ont la garde de l'enfant vivent cette situation. S'ils ne sont pas ici pour dénoncer la situation, c'est qu'ils n'ont pas le temps d'intenter des poursuites à leur ex-conjoint pour ce genre de raisons; ils n'ont pas le temps de venir comparaître devant le comité comme nous l'avons fait.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup.
La parole est maintenant à M. Schurman.
M. Angus Schurman (cabinet d'avocats Reierson Sealey): Je vous remercie.
Je m'appelle Angus Schurman. Je représente Reierson Sealey, le plus important cabinet de la région de l'Atlantique qui se spécialise dans la pratique du droit familial. Quatre partenaires et trois avocats associés du cabinet offrent des services juridiques complets aux particuliers dont la situation de famille change. L'un de ces partenaires et l'un des avocats associés sont des hommes, et notre cabinet représente un nombre à peu près égal d'hommes et de femmes.
Les membres de notre cabinet travaillent étroitement avec les groupes communautaires représentant les femmes ainsi qu'avec la Nova Scotia Shared Parenting Association. Reierson Sealey a montré qu'il attachait beaucoup d'importance au bien-être de l'enfant en offrant un programme sur le rôle des parents dans l'éducation des enfants, un programme qui s'adresse au grand public, à nos clients ainsi qu'à leurs conjoints. Notre cabinet offre ce programme pour aider les hommes et les femmes de la Nouvelle-Écosse qui essaient, après une séparation, d'élever leurs enfants dans le meilleur milieu possible.
Reierson Sealey a pris note avec intérêt du mandat du comité mixte spécial et convient qu'il faut mettre l'accent sur les besoins de l'enfant. Nous sommes d'avis que toute loi en matière de garde et de droit de visite doit être axée sur les besoins et les intérêts de l'enfant. Au moment de l'éclatement de la famille, les enfants ont de grands besoins qui ne peuvent être satisfaits que si l'on met l'accent sur la responsabilité conjointe des parents. Nous estimons que les enfants ont des droits très précis à cet égard. Chaque enfant a le droit de pouvoir établir la meilleure relation possible avec ses parents et de se voir offrir le meilleur milieu de vie possible lorsque ses parents divorcent. Les parents ont la responsabilité de leur permettre d'exercer ces droits.
Par conséquent, nous estimons donc que le critère dont on doit tenir compte pour établir qui a la garde des enfants et quels sont les droits de visite de l'autre parent doit demeurer l'intérêt de l'enfant. Cela étant dit, nous pensons également que la Loi sur le divorce devrait préciser ce qu'on entend par le meilleur intérêt de l'enfant.
Nous recommandons que les juges tiennent compte des facteurs suivants pour établir le meilleur intérêt de l'enfant. Il s'agit des facteurs qui ont été recommandés par la section nationale de l'Association du Barreau canadien dans le mémoire qu'elle a présenté au comité mixte spécial. Je n'en nommerai que quelques-uns: l'amour, l'affection et les liens émotifs entre l'enfant et chaque personne qui réclame le droit de garde et le droit d'accès; l'opinion et les préférences de l'enfant s'il est raisonnablement possible de les établir, ce qui ne signifie pas amener l'enfant devant les tribunaux; le temps que l'enfant a vécu dans un milieu familial stable; la capacité et la volonté de chaque personne qui réclame la garde de l'enfant de le conseiller, de l'élever et de lui fournir tout ce dont il a besoin dans la vie, et notamment de répondre à ses besoins spéciaux; tout plan concernant les soins dispensés à l'enfant et son éducation; la permanence et la stabilité de l'unité familiale dans laquelle l'enfant doit s'intégrer; les soins dispensés à l'enfant au cours de sa vie par chacune des personnes en réclamant la garde; tout acte de violence perpétré à l'encontre d'un membre de la famille par la personne réclamant le droit de garde ou le droit de visite.
Certains ont proposé qu'on présume qu'il était préférable soit qu'il y ait un dispensateur principal de soins, soit qu'il y ait garde conjointe. Nous ne sommes pas d'accord. À notre avis, les tribunaux doivent continuer de pouvoir décider quelle solution s'impose dans chaque cas. Qu'on présume que la solution idéale est celle qui existait avant la séparation ou qu'on présume que les parents veulent tous deux s'occuper des besoins de leurs enfants et sont en mesure de le faire n'aidera en rien la situation. Une présomption en faveur de la garde conjointe est, en particulier, une présomption en faveur d'un concept juridique qui est extrêmement souple.
À notre avis, le fait même que la garde conjointe soit un concept assez flou est suffisant pour faire en sorte qu'une présomption à cet égard soit vaine. À notre avis, il conviendrait plutôt de mettre l'accent sur l'éducation des parents, la médiation familiale et un mode substitutif de règlement des différends.
En Nouvelle-Écosse, où la médiation est un service gratuit offert par l'intermédiaire de certains tribunaux familiaux, et où dans certaines régions les parents sont tenus de participer à un programme d'éducation avant de se lancer dans des poursuites, ces services ont connu beaucoup de succès auprès des parents et semblent porter fruit. Pour que ces programmes soient efficaces, il faut y consacrer des ressources qui se fondent tant sur les compétences que sur l'information pertinente.
• 1030
Divers types de programmes de règlement des différends
existent depuis un certain temps, mais il y a une pénurie de
services abordables et accessibles, notamment dans les domaines
suivants: services de médiation; services de droit de visite
supervisée; services de défense des intérêts de l'enfant, comme les
tuteurs à l'instance; services d'aide juridique; services
d'évaluation, y compris les évaluations psychologiques et les
études de milieu.
À l'heure actuelle, nous demandons aux juges de prendre trop de décisions importantes au sujet des meilleurs intérêts de l'enfant, sans leur donner les outils nécessaires pour bien les évaluer. Nous demandons souvent aux parents de ne pas tenir compte de leurs divergences et de collaborer dans l'intérêt des enfants, sans pourtant leur fournir les services ou le soutien nécessaires.
Nous sommes d'avis qu'il faut mettre l'accent sur les intérêts des enfants et les responsabilités des parents à leur égard. À notre avis, c'est une approche qui se distingue de celle qui se fonde sur l'exercice des droits, laquelle est préconisée par de nombreux groupes d'intérêts qui défendent les présomptions juridiques dont j'ai parlé.
D'après notre expérience, et nous avons une grande expérience de la question, les conjoints qui se séparent ressentent souvent beaucoup de colère et de frustration l'un envers l'autre. Il s'ensuit qu'on ne sait pas toujours très bien ce qui se passe dans la vie des enfants. À notre avis, tous ces discours sur les droits des parents découlent de cette colère et de cette frustration et ne reflètent pas une façon réfléchie et raisonnée d'établir ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant.
Les parents doivent pouvoir se calmer, réfléchir sur leur situation et apprendre à mieux communiquer avant de prendre des décisions qui revêtent une telle importance pour leurs enfants.
En résumé, nous recommandons de continuer d'appliquer le critère du meilleur intérêt de l'enfant pour régler les différends touchant le droit de garde et le droit de visite, et de définir plus clairement les facteurs dont doivent tenir compte les tribunaux pour établir le meilleur intérêt de l'enfant. En outre, nous pressons les gouvernements d'affecter les crédits nécessaires à la mise sur pied de systèmes de règlement des différends et d'éducation des parents sur lesquels devrait reposer le système de droit de garde et de droit de visite.
Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie, monsieur Schurman.
Monsieur Thompson.
M. R. Thompson (professeur, faculté de droit, Université Dalhousie): Je vous remercie.
Lorsqu'on m'a demandé de comparaître devant le comité, j'ai dit que j'allais aborder une seule question. J'ai pensé que cela me prendrait environ cinq minutes. Il s'agit cependant d'une question importante. Cette question est celle qu'on appelle parfois «la mobilité des parents, et, d'autres fois, «la réinstallation des parents». Il s'agit de cas où le parent qui a la garde des enfants décide de déménager dans une autre province ou dans un autre pays, avec les conséquences que cela suppose pour l'autre parent.
J'enseigne le droit à la faculté de droit de l'Université Dalhousie. J'y enseigne le droit de la famille. J'ai aussi exercé dans ce domaine dans la pratique privée, mais plus souvent pour les services d'aide juridique.
Je viens de terminer une étude d'environ 85 cas qui datent des deux dernières années, étude qui porte sur la réinstallation des parents. Ces cas sont postérieurs à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Gordon c. Goertz. La cour, dans cette affaire, a permis à la mère, qui était dentiste en Saskatchewan, de déménager en Australie avec sa fille de sept ans pour pouvoir étudier l'orthodontie.
Je devrais vous expliquer pourquoi ces cas se retrouvent devant les tribunaux, étant donné que la plupart des parents peuvent s'entendre après une séparation ou un divorce sur ce qu'il adviendra des enfants. D'habitude, les deux conjoints vivent dans la même ville au moment du divorce, mais on permet aux gens, après un divorce, de refaire leur vie. Il leur faut s'adapter à la situation de parent célibataire, ce qui peut comporter le fait de devoir déménager pour trouver un emploi, pour se remarier ou pour se rapprocher d'une famille élargie qui peut servir de soutien.
Dans certains cas, les raisons qui incitent une personne à déménager sont très bonnes, et dans d'autres elles le sont moins. À l'occasion, un parent cherche de cette façon à priver l'autre parent de l'accès aux enfants. Il arrive aussi qu'une personne déménage pour ne plus voir son ex-conjoint.
Il importe de comprendre que dans l'affaire Gordon, qui date de 1996, la Cour suprême du Canada a dit que la décision de déménager suffisamment loin du lieu de résidence de l'autre parent remet en cause toute la question du droit de garde et du droit de visite. La Cour suprême a aussi statué que la nouvelle décision devait exclusivement tenir compte du meilleur intérêt de l'enfant. Or, on sait qu'il s'agit d'un concept très vague. Le juge Abella a même dit une fois qu'il s'agissait d'un aphorisme. Certains diraient qu'il s'agit d'un slogan. Quoi qu'il en soit, c'est un concept qui n'est pas très précis. C'est un sentiment, un désir et un souhait. Voilà pourquoi les décisions rendues dans ce genre d'affaires reposent essentiellement sur les faits.
Depuis la décision rendue dans l'affaire Gordon en 1996—je voudrais brièvement vous donner quelques renseignements—environ 85 décisions sur le même sujet ont été rendues dans une période de 24 mois. C'est beaucoup. Voilà le genre de cas qui se retrouvent devant les tribunaux. Il s'agit de cas où des choix très difficiles doivent être faits et qui exigent des décisions très difficiles. Il est très difficile de trouver un compromis dans ce genre de cas. Dans 65 p. 100 des cas, le tribunal a approuvé le déménagement. Dans 35 p. 100 des cas, le tribunal s'y est opposé.
• 1035
Je vous signale que la décision rendue dépend de l'âge de
l'enfant. Il s'agit d'un point important qui a échappé à certaines
personnes. Dans 55 à 70 p. 100 des cas où les enfants visés avaient
plus de douze ans, le tribunal a refusé de permettre le
déménagement. Les enfants demeurent souvent là où ils vivent parce
qu'ils le souhaitent. Dans environ 40 p. 100 des cas où les enfants
visés avaient de zéro à six ans, les tribunaux ont refusé le
déménagement. Dans le cas des enfants ayant entre six et onze ans,
le tribunal a refusé le déménagement dans 25 p. 100 des cas
seulement.
Pour que vous compreniez bien que l'âge de l'enfant influe sur la décision rendue, dans 80 p. 100 de ces cas le parent qui a la garde de l'enfant est la mère. Je pense qu'il est important de le signaler. Il en découle que la décision de permettre ou d'interdire le déménagement a des conséquences pour les droits des deux sexes. On ne peut pas l'éviter. Il faut attribuer la situation à la décision initiale en matière de garde. La garde des enfants a parfois été donnée à la mère simplement parce qu'on a présumé que c'était la mère qui s'occupait des enfants dans la plupart des cas. Si je le signale, c'est que cela revêt de l'importance pour la décision qui est rendue.
Je tâcherai d'être bref, mais je vous signale que ce qui est le plus irritant, c'est qu'on voit que les décisions rendues en Alberta et en Ontario ne sont pas les mêmes parce que la Cour suprême du Canada ne s'est pas clairement prononcée sur le sujet. On voit que les juges de la Cour d'appel de l'Ontario ne peuvent pas s'entendre entre eux non seulement sur la décision à rendre, mais aussi sur la façon d'aborder la question. Deux bancs distincts de la Cour d'appel de l'Ontario, composés de trois juges différents chacun, ne peuvent même pas s'entendre sur les principes à respecter dans ce genre d'affaires parce qu'ils ne s'entendent pas sur la façon d'interpréter la décision de la Cour suprême du Canada. Cette incertitude, ce manque de cohérence et cette imprévisibilité sèment la confusion parmi les parents, les enfants, les avocats qui essaient de conseiller leurs clients et les tribunaux qui essaient de faire leur travail.
Je crois qu'il faut bien admettre que le critère du meilleur intérêt de l'enfant est une bonne idée qui part d'un très bon sentiment, mais qu'il s'agit d'une idée qu'il est très difficile de traduire dans les faits de façon cohérente et prévisible, ce qui cause une frustration compréhensible aux parents.
J'attire votre attention sur un point. Quel que soit le système de garde qu'on veut mettre en oeuvre, qu'on l'appelle droit de garde et droit de visite ou partage des responsabilités familiales, il s'agit de décisions difficiles pour les tribunaux peu importe qu'il s'agisse des tribunaux de l'Australie, de l'Angleterre, de l'État de Washington ou de l'État de la Californie. On ne peut pas nier qu'il s'agit de décisions difficiles.
Je terminerai en disant que nous devrions nous donner des règles claires dans ce domaine. En raison du vide juridique créé par la Cour suprême du Canada, nous devrions être prêts à inclure ces règles dans la Loi sur le divorce. Si le parent ayant la garde de l'enfant a de bonnes raisons de vouloir déménager, je crois que ce devrait être au parent qui n'a pas la garde de l'enfant de prouver que ce déménagement est contraire à l'intérêt de l'enfant.
Cela étant dit, le parent qui a la garde de l'enfant devrait être tenu d'aviser l'autre parent suffisamment à l'avance du déménagement, sous réserve de quelques exceptions, de proposer des modifications à l'entente sur le droit de visite et de prouver qu'il ne déménage pas simplement pour empêcher l'autre parent d'avoir accès à l'enfant. Je crois que c'est le moins qu'on puisse exiger. Si le parent qui souhaite déménager respecte ces conditions, ce devrait être à l'autre parent d'expliquer pourquoi on devrait l'empêcher de le faire.
On devrait aussi prévoir des exceptions dans deux cas. Une exception devrait être prévue lorsque la garde des enfants est réellement partagée. Ce genre de situation pose un problème différent. Dans ce cas-là, les deux parents ont la garde des enfants. Le parent qui souhaite déménager devrait dans ce cas prouver pourquoi on devrait lui permettre de le faire.
Il y a aussi le cas où le droit de garde a été négocié. Ce genre d'entente facilite à l'origine le règlement de différends touchant le droit de garde. Un parent dit être prêt à ce que l'autre parent ait la garde des enfants pourvu qu'il vive dans la même localité et qu'il y ait des restrictions touchant son droit à la mobilité. Ce genre d'entente devrait être facilitée. Je crois cependant que la personne qui a négocié ce genre de restriction devrait démontrer pourquoi on devrait lui permettre de déménager.
• 1040
N'oubliez pas qu'il s'agit ici de présomptions. S'il a été
prouvé qu'il est dans le meilleur intérêt de l'enfant que le parent
qui a la garde déménage, ou le contraire, un tribunal peut toujours
rendre une décision qui va à l'encontre des présomptions. Il nous
faut cependant pouvoir nous reporter à des critères objectifs, et
celui du meilleur intérêt de l'enfant n'en est pas un. À mon avis,
il est clair que dans le cas des déménagements il serait utile de
partir d'une présomption.
J'ai écrit un document sur le sujet que je ferai parvenir au comité une fois qu'il sera terminé.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien. Merci.
Sénatrice Cohen.
La sénatrice Erminie Cohen: Je vous remercie de votre exposé.
Ma première question s'adresse à l'avocat du cabinet Reierson Sealey.
Je suis heureuse que vous ayez parlé du critère du meilleur intérêt de l'enfant, mais je ne m'y retrouve plus après avoir entendu les deux exposés. Je voulais poser une question sur ce sujet lors de la dernière réunion, mais je n'ai pas pu le faire parce que nous avons manqué de temps. Je voulais savoir pourquoi ce critère ne pouvait pas vraiment être efficace. D'autres témoins nous ont dit que les juges jouissent de trop de pouvoirs et qu'il faut les sensibiliser au problème.
Je ne m'y retrouve plus maintenant, parce que je croyais qu'on devrait donner des consignes aux juges sur la façon d'établir le meilleur intérêt de l'enfant. Vos opinions ne concordent pas sur la question, et j'aimerais avoir des précisions.
Ma deuxième question s'adresse à vous, monsieur Thompson. L'Association du Barreau canadien propose que la période d'avis soit de 90 jours au lieu de 30 jours en cas de déménagement. J'aimerais aussi avoir des précisions sur cette question.
M. Angus Schurman: Nous recommandons que le critère du meilleur intérêt de l'enfant continue de s'appliquer. Nous recommandons également de préciser dans la loi quels sont les principaux facteurs dont on doit tenir compte pour établir ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant.
Nous ne proposons rien de nouveau. Lorsqu'ils rendent des décisions dans ce domaine les juges énumèrent les facteurs dont ils ont tenu compte. Le type de facteurs que nous recommandons sont ceux dont on a fait ressortir l'importance dans les décisions qui ont été rendues dans ce genre de cas.
Nous pensons que ce genre de critères ne devraient avoir qu'un caractère indicatif. Les juges pourront s'y reporter pour savoir où s'arrête leur pouvoir et pour s'assurer qu'ils n'ont pas omis de tenir compte d'un facteur important. Voilà ce que nous recommandons à cet égard.
Vous avez dit qu'on avait recommandé de porter à 90 jours le préavis à donner lorsqu'on veut déménager. Nous sommes aussi d'avis qu'un préavis de 30 jours ne suffit tout simplement pas.
La sénatrice Erminie Cohen: Je vous remercie.
M. R. Thompson: Je suis d'accord avec vous là-dessus. Je crois qu'un préavis de 60 à 90 jours est nécessaire. En fait, je crois qu'un préavis de 90 jours serait raisonnable. Il importe cependant de prévoir certaines exceptions. Il y a évidemment le cas où il y a des circonstances imprévues. Il n'est pas toujours possible de savoir ce qui constitue des circonstances imprévues, mais il faut admettre qu'elles existent.
Deuxièmement, on prévoit habituellement une exception lorsqu'il y a de la violence. Je crois que cette exception est importante. Je crois que cette exception est prévue dans la loi adoptée dans l'État du Texas. Il s'agit d'une exception importante.
La sénatrice Erminie Cohen: Je vous remercie.
Me reste-t-il une minute?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui, vous avez une autre minute.
M. R. Thompson: J'aimerais répondre à la question portant sur le meilleur intérêt de l'enfant.
La sénatrice Erminie Cohen: Je vous prie de le faire.
M. R. Thompson: Pour établir quel est vraiment le meilleur intérêt de l'enfant, il faut étudier chaque cas de façon individuelle. Il faut faire abstraction des notions et des idées préconçues. Le problème qui se pose est que personne ne sait exactement où se situe le droit dans ce domaine, sauf qu'on sait qu'on doit partir du principe que la décision doit refléter le meilleur intérêt de l'enfant. En raison de l'incertitude qui règne à ce sujet et du manque de prévisibilité dans l'application des critères, il est possible que la situation donne lieu à une aggravation du conflit entre les parents et à une escalade des poursuites, ce qui n'est clairement pas dans l'intérêt de l'enfant.
Le dilemme est que cette approche peut donner de bons résultats pour un enfant, mais peut en donner de mauvais pour un autre.
La sénatrice Erminie Cohen: Pensez-vous dans ce cas—et il s'agit d'une question très simple—que les juges doivent être sensibilisés aux problèmes qui se posent dans le domaine du droit familial?
M. R. Thompson: Je crois que la solution au problème est de créer un tribunal de la famille unifié. Nous nous dirigeons dans cette voie en Nouvelle-Écosse.
Oui, il faut sensibiliser les juges. Comment pourrait-on s'y opposer? Je crois qu'il importe cependant de comprendre qu'il faut parfois porter des jugements de valeur qui sont très difficiles dans les cas de déménagement ou de droit de garde ou de droit de visite. Il s'agit souvent de jugements de valeur. La sensibilisation des juges n'y changera rien.
La sénatrice Erminie Cohen: Je vous remercie.
Pensez-vous qu'on a suffisamment investi dans la mise sur pied de services de soutien destinés aux mères chefs de familles monoparentales ou aux gens qui vivent dans la pauvreté et qui ne peuvent pas se permettre d'engager des dépenses pour participer à un programme de médiation ou pour consulter un psychologue pour enfants? Voyez-vous un problème à cet égard?
Mme Claire McNeil: Vous soulevez un point très important. Nous avons abordé la question dans nos recommandations. Les gens qui vivent dans la région métropolitaine sont avantagés parce qu'ils peuvent participer à un projet pilote dans le domaine de la médiation qui est parrainé et financé par les tribunaux. Ce service existe donc. Il n'existe cependant pas dans toute la province, ce qui n'aide pas beaucoup les gens qui vivent à l'extérieur de cette région.
Il existe aussi à l'heure actuelle un projet pilote en vue de sensibiliser les parents aux conséquences d'un divorce pour leurs enfants. Ce programme n'est aussi offert que par le tribunal de la famille de Dartmouth. Il faudrait que ce genre de services soient offerts dans toute la province. À l'heure actuelle, ces services sont offerts par la Cour suprême et le tribunal de la famille. Il faut qu'ils soient offerts aux gens qui ne peuvent pas se permettre de payer pour ce genre de services. Nous pensons que la médiation devrait cependant être facultative et ne devrait pas être imposée par un tribunal.
Nous voulions aussi aborder la question du droit de visite supervisée que les tribunaux accordent de plus en plus. Au lieu de priver un parent du droit de visite, ils ordonnent que la visite soit supervisée s'ils craignent pour le bien-être de l'enfant ou s'ils ont d'autres inquiétudes.
Il n'existe cependant pas de programme de ce genre, et cela veut dire pour ceux que nous représentons que, même si les juges ordonnent qu'il y ait des visites sous surveillance, il n'y a pas de financement pour un programme de visites surveillées dans la province.
La sénatrice Erminie Cohen: Je voudrais faire un bref commentaire. Ce serait peut-être une bonne idée si tous les groupes représentés ici écrivaient au gouvernement pour dire que les excédents qui sont maintenant dans les coffres du gouvernement à cause des changements apportés au régime fiscal pour les personnes divorcées devraient être réinvestis dans la communauté, c'est-à-dire dans le système du droit de la famille et dans tous les services de soutien.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Pépin.
La sénatrice Lucie Pépin: Lorsque vous parlez de sensibiliser les juges au sujet du droit de la famille, ne serait-il pas préférable de parler de formation des juges plutôt que de sensibilisation, vu que la formation pourrait être obligatoire? Il me semble que depuis que le comité a commencé à siéger, nous avons beaucoup entendu parler des problèmes reliés aux juges. La formation vaudrait-elle mieux que la sensibilisation? Quelle serait la meilleure façon de garantir que les juges recevront la formation ou la sensibilisation voulue en matière de droit la famille?
M. R. Thompson: Je reviens à ce que je disais tantôt. Je pense qu'il y a un risque qu'il importe de reconnaître. Nous avons effectivement besoin d'un tribunal unifié de la famille parce que cela nous donnera des juges spécialisés qui voudront s'occuper du droit de la famille et qui auront une certaine expérience dans ce domaine.
Le gouvernement fédéral contrôle la question des nominations au tribunal unifié de la famille, ce qui lui permet de donner l'exemple en nommant des juges spécialisés et compétents qui ont déjà prouvé qu'ils possédaient les qualités dont vous avez parlé. Ce serait la première chose à faire, même si cela n'a pas toujours été le cas pour les nominations fédérales à la magistrature.
Deuxièmement, il faut être prudent lorsqu'on parle de formation et de sensibilisation dans ce domaine. Il faut se rappeler que les gens sortiront du tribunal en disant que le résultat aurait peut-être été différent si seulement le juge avait reçu la formation ou la sensibilisation voulue pour apprécier leur point de vue.
L'un des problèmes, c'est que le critère des meilleurs intérêts dont nous avons déjà parlé permet d'en arriver à un certain nombre de résultats différents dans un cas donné. Ce n'est pas restrictif. Cela permet de savoir quelles options ne sont pas disponibles, mais parmi celles qui le sont, les juges peuvent choisir entre diverses décisions relatives à la garde des enfants et les expliquer de différentes façons. Il y a très peu de choses que les cours d'appel peuvent faire par la suite.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il y a un danger de croire que la seule solution consiste à sensibiliser et à former les juges. Il y a aussi une question de valeurs.
Le problème vient en partie de l'absence de dispositions juridiques. Même si je n'aime pas l'admettre, le critère des meilleurs intérêts reflète une abdication des responsabilités des législateurs, puisqu'il laisse les juges du tribunal de la famille libres de prendre les décisions qu'ils veulent dans les cas de garde sans avoir fourni la moindre ligne directrice sur le plan de la politique. Ensuite, nous critiquons les juges parce que nous n'aimons pas les résultats.
La solution consiste à adopter des lois qui disent clairement quel genre de décisions on doit prendre dans les cas de garde. Je sais que d'autres ne seront pas d'accord, mais je tenais à vous expliquer le dilemme. J'espère que cela répond à la question.
La sénatrice Lucie Pépin: Vous avez dit aussi que, dans les cas où les enfants ont au moins 12 ans, les tribunaux refusent d'attribuer la garde à l'un ou l'autre parent dans un pourcentage élevé des cas. Est-ce parce que les enfants ont participé à la décision originale?
M. R. Thompson: Oui, on tient compte des désirs des enfants dans ces cas. Ils sont assez vieux pour passer d'un foyer à un autre. Ils sont assez vieux pour décider où ils préfèrent habiter. Bien sûr, comme nous le savons tous, les adolescents préfèrent être avec d'autres adolescents qu'avec leurs parents.
La sénatrice Lucie Pépin: Cela veut dire que dans la plupart des cas les enfants âgés de 6 à 12 ans ne participent pas à la décision.
M. R. Thompson: Non, mais ils sont aussi... J'ai essayé d'expliquer ces résultats. Je pense que le mieux qu'on puisse dire, c'est que, plus les enfants sont jeunes, plus il est probable que la décision impose un partage quelconque des responsabilités parentales, car pendant les premiers temps après la séparation et le divorce...
L'autre chose, c'est qu'il arrive souvent que les habitudes parentales n'ont pas été établies, alors que, pour les enfants de 6 à 11 ans, les pères et les mères ont pris certaines habitudes pour l'école et les autres choses, et c'est là que commence à se créer un écart entre les enfants et les pères. C'est l'un des résultats de ces changements pour les enfants plus âgés.
La sénatrice Lucie Pépin: Merci.
Les représentants des Services d'aide juridique de Dalhousie ont mentionné la disparition du rôle des parents qui ont la garde des enfants. C'est un gros problème. Pourriez-vous élaborer un peu? Quelle en est la raison? Que se passe-t-il? J'ai peut-être mal compris.
Mme Claire McNeil: Voulez-vous savoir pourquoi les parents qui ont des droits de visite jouent un rôle de moins en moins important?
La sénatrice Lucie Pépin: Oui.
Mme Donna Franey (directrice générale, Services d'aide juridique de Dalhousie): Je devrais peut-être répondre à cette question, parce que je voulais dire autre chose au sujet du critère qui consiste à déterminer ce qui est dans l'intérêt de l'enfant.
Nous avons constaté qu'il peut y avoir une véritable épreuve de force pour obtenir des droits de visite. Au départ, on insiste beaucoup sur les droits des parents par opposition aux droits de l'enfant, et l'enfant lui-même n'est pas au centre de la discussion relative à l'obtention de ces droits de visite ou de la décision du juge. Il y a beaucoup de conflits et d'épreuves de force.
Nous avons nous-mêmes constaté qu'il arrive souvent qu'une personne obtienne des droits de visite et ne les exerce pas. Par exemple, nous nous sommes récemment occupés d'un cas où le parent voulait au départ obtenir la garde conjointe. Peu de temps après qu'on eut accordé des droits de visite généreux, le parent en question a quitté la province pour l'Alberta.
La sénatrice Lucie Pépin: Est-ce parce que la lutte l'avait épuisé? Est-ce que c'était pour prouver à l'autre parent qu'il pouvait gagner? Quelle en était la raison?
Mme Donna Franey: Je pense effectivement que ce parent voulait montrer sa force. Il voulait obtenir le droit de visite ou la garde conjointe, mais il ne voulait pas la responsabilité que cela représentait une fois qu'il l'eut obtenue. Il a abandonné ses responsabilités et a déménagé ailleurs. C'était donc une épreuve de force dans le rapport entre les deux parents. La demande n'était pas basée sur les besoins de l'enfant.
Je n'aime pas me faire l'avocat du diable, mais je signale qu'il y a certains risques si nous décidons de ne pas utiliser le critère de l'intérêt de l'enfant comme les tribunaux l'ont utilisé jusqu'ici. Un de mes collègues a mentionné l'élasticité de ce critère. C'est l'un des aspects les plus positifs de ce critère, parce que les circonstances sont différentes pour chaque famille qui vient devant le tribunal. Les familles ne peuvent pas toutes correspondre à un ensemble de règles établies dans la loi. Le tribunal a besoin d'une certaine marge de manoeuvre pour pouvoir déterminer si les règles établies dans la loi correspondent aux circonstances particulières de l'enfant. Je voulais simplement dire que le critère des meilleurs intérêts de l'enfant a certains aspects positifs. Ce n'est pas tout négatif.
La sénatrice Lucie Pépin: À ce moment-là, seriez-vous d'accord avec l'une des propositions voulant que les parents...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous pourrons y revenir tantôt.
La sénatrice Lucie Pépin: Très bien.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente.
Je vais essayer d'être aussi concis que la sénatrice, pour que nous puissions faire progresser le débat.
D'abord, aux Services d'aide juridique de Dalhousie, la faculté reconnaît-elle officiellement, et je dis bien officiellement, que les enfants doivent avoir des rapports solides avec leurs deux parents?
Mme Donna Franey: Nous reconnaissons effectivement que les enfants ont besoin de ces rapports solides, et, dans un monde parfait et dans une situation idéale, c'est ce qui arriverait. Cependant, en réalité, ce n'est pas toujours possible.
M. Eric Lowther: Êtes-vous d'accord avec l'élaboration de régimes de garde qui se fondent sur cette hypothèse selon laquelle les enfants doivent avoir des rapports solides avec leurs deux parents?
Mme Elaine Gibson (avocate, Services d'aide juridique de Dalhousie): Nous ne serions pas en faveur d'une présomption qui favorise la garde conjointe ou la participation automatique des deux parents. Au contraire, ce que nous disons, c'est que les enfants ont besoin surtout de stabilité et d'amour. D'habitude, l'un des parents joue déjà ce rôle, et la loi doit le renforcer.
S'il doit y avoir une présomption, elle doit favoriser le principal dispensateur de soins et permettre aussi à celui-ci de prendre les décisions qui touchent l'enfant.
M. Eric Lowther: Vous préférez donc qu'on donne la priorité à l'un des parents au lieu que l'enfant ait de bons rapports avec les deux parents. Vous préférez qu'on choisisse un parent et qu'on renforce les rapports avec celui-ci. Est-ce exact?
Mme Elaine Gibson: Je ne suis pas certaine que les deux choses soient nécessairement reliées. Nous croyons que l'idéal serait que l'enfant ait des rapports avec les deux parents et reçoive l'amour et l'attention des deux parents. Ce n'est cependant pas nécessairement le cas.
M. Eric Lowther: Ma question visait à savoir si vous appuyez des régimes de garde qui se fondent sur la présomption selon laquelle il est bon pour l'enfant d'avoir des rapports sains avec ses deux parents. Si j'ai bien compris, vous avez dit que vous auriez plutôt tendance à choisir l'un des parents.
Mme Elaine Gibson: Notre réponse serait que, dans la mesure où les mots que vous utilisez ont tendance à accorder une présomption de droits aux deux parents, nous ne serions pas en faveur d'une telle solution. Cependant, nous appuyons certainement la participation des deux parents dans les cas où ils peuvent communiquer, où il n'y a pas de violence et où ils peuvent faire preuve d'esprit de collaboration, mais c'est justement dans les cas de ce genre que les tribunaux interviennent le moins souvent de toute façon. Autrement dit, si les parents peuvent collaborer, c'est ce qu'ils feront. Ils vont réussir à s'entendre.
M. Eric Lowther: Dans le cas d'un refus de droit de visite, vous avez dit que pour chaque cas de refus il y a 10 parents qui n'exercent pas leur droit de visite. Dans les cas où un parent a obtenu le droit de visite, mais qu'on lui refuse l'accès à ses enfants, qu'est-ce qui devrait arriver d'après vous au parent qui refuse l'accès?
Mme Donna Franey: Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par «qu'est-ce qui devrait arriver d'après vous?» Voulez-vous parler de pénalité ou...?
M. Eric Lowther: Si le tribunal et tous les intervenants ont évalué la situation et jugé qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de visiter le parent qui n'a pas obtenu la garde, selon certaines modalités, quelles qu'elles soient, et que ce parent qui n'a pas la garde de l'enfant se voit constamment refuser l'accès à l'enfant, que devrait-on faire? Comment pouvons-nous garantir que le droit de visite est exercé dans l'intérêt de l'enfant?
Mme Donna Franey: Je pense que c'est ce qui compte le plus, l'intérêt de l'enfant. Il faut essayer de voir pourquoi il y a eu un refus. Dans bien des cas, si l'accès est refusé, c'est pour des raisons précises, que ce soit la sécurité de l'enfant ou autre chose, et l'on peut déterminer alors ce qui est vraiment dans l'intérêt de l'enfant. C'est une chose dont il faut certainement tenir compte.
Selon notre expérience, il arrive rarement qu'on refuse le droit de visite sans qu'il y ait un suivi quelconque. À l'heure actuelle, en cas de refus, on peut aller devant les tribunaux et demander réparation. On peut demander que la personne qui a refusé l'accès sans justification vienne s'expliquer ou vienne dire pourquoi elle s'est conduite de cette façon. Encore une fois, c'est l'intérêt de l'enfant qui doit primer. Si, en forçant le parent qui a la garde à respecter le droit de visite de l'autre, on risque de causer plus de conflits et plus de stress pour l'enfant, il faut en tenir compte.
M. Eric Lowther: Puis-je poser une autre question?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Rapidement, parce que vous avez déjà parlé plus de cinq minutes.
M. Eric Lowther: Monsieur Schurman, vous avez dit que votre cabinet offre un programme d'éducation des parents. Je voudrais savoir certaines choses. Est-ce un programme très détaillé? Fait-on payer les clients? Est-ce obligatoire? Avez-vous eu du succès?
M. Angus Schurman: Je voudrais en profiter pour vous présenter ma collègue, Julia Cornish, qui est aussi de Reierson Sealey.
Nous avons effectivement un programme. Nous donnons ce programme toutes les trois ou quatre semaines, quand il y a suffisamment de gens. Si nos propres clients ne veulent pas en profiter, nous l'offrons aux autres membres de la collectivité. Nous l'offrons aussi aux autres conjoints, et il arrive que ceux-ci en profitent. Ces ateliers ne sont pas dirigés par des membres de notre cabinet, mais par quelqu'un de l'extérieur qui a de la formation dans ce domaine. Les participants doivent payer 30 $, et ce montant sert à payer la personne qui s'occupe de la formation. Cela représente ses honoraires. Le programme a eu pas mal de succès, mais sa taille est limitée. Il ne vise qu'un cabinet, et l'atelier a lieu dans une salle de conférence toutes les trois ou quatre semaines.
M. Eric Lowther: Quel est le taux de participation? Pour cent clients dans le domaine du droit de la famille, est-ce que la moitié en profite, dix, 10 p. 100, ou quoi?
Mme Julia Cornish (avocate, droit de la famille, cabinet d'avocats Reierson Sealey): Je fais partie du cabinet depuis les débuts du programme, contrairement à Angus, et je devrais donc sans doute répondre à cette question.
Bien entendu, nos clients ne viennent pas tous nous voir pour des questions de garde et de droit de visite, et je parlerai donc uniquement de ceux-ci. Nous insistons beaucoup pour que ces clients profitent du programme. J'ai l'impression qu'environ 80 p. 100 y participent. Au début, ce programme n'était pas disponible ailleurs dans la province. Le tribunal de la famille de Dartmouth l'a lancé comme projet pilote. Certains de nos clients font maintenant affaire avec le tribunal de la famille de Dartmouth et peuvent donc profiter du programme de cette façon. Cela veut dire que certains de nos clients obtiennent ce service ailleurs.
Si je ne m'abuse, le centre de soutien de la famille des forces armées que nous avons dans la localité a aussi commencé à l'offrir. Un autre pourcentage de nos clients y participent de cette façon.
Parmi nos clients qui ont accès à ce programme uniquement par l'entremise de notre cabinet, je dirais que la très grande majorité, sinon la totalité, y participent. Nous avons songé à rendre leur participation obligatoire et à faire en sorte que les 30 $ versés à notre cabinet servent à payer pour leur participation au programme. Cela obligerait les gens à en profiter. Nous avons cependant jugé que si nous obligions quelqu'un à payer pour le programme alors qu'il tenait absolument à ne pas y participer, ce ne serait vraiment pas utile pour le programme. Au lieu de cela, nous encouragerons fortement nos clients à y participer, et, dans la plupart des cas, cela suffit.
La plus grande déception pour nous a peut-être été le fait que nous sommes trop souvent considérés comme l'ennemi, alors que nous essayons de trouver des solutions efficaces aux problèmes de garde et de droit de visite pour les enfants. Nous ne voulons pas d'affrontements. Nous essayons de réduire l'aspect accusatoire de notre travail, mais nous n'y réussissons pas toujours. Nous n'avons pas l'impression que le problème vient de nous.
Même quand nous leur disons que nous les accueillerons volontiers lors d'une session différente du programme, les conjoints de nos clientes trop souvent répondent: «Pas question que j'aille chez Reierson Sealy. C'est le cabinet d'avocats de ma femme. Il n'est pas question de suivre un programme quelconque là.» Ils nous répondent cela même si nous avons dit on ne peut plus clairement que nous ne serons pas là et que nous ne nous occupons pas nous-mêmes du programme. Le service est organisé, et il fonctionne indépendamment, pour que tout soit très clair.
Toutefois, nous trouvons encourageant que d'autres avocats, et petit à petit d'autres professionnels, nous envoient des clients pour notre programme, car contrairement à d'autres programmes... Pour pouvoir profiter du programme militaire, il faut avoir des relations avec les forces armées. Le tribunal de la famille de Dartmouth est le seul à offrir un programme de ce genre pour l'instant, et pour y avoir accès il faut faire partie de la clientèle du tribunal. Nous sommes les seuls à offrir notre programme à quiconque veut s'en prévaloir.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Madame Finestone.
Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup, madame la présidente.
Dans les cas de droits de mobilité ou de changement de résidence, il faut reconnaître que, de façon générale, vouloir se perfectionner et changer de carrière au Canada est une chose tout à fait naturelle, mais cela dépend, je pense, de l'âge et du nombre d'années de service d'un employé dans une entreprise.
• 1105
Existe-t-il une étude comparative des normes généralement
acceptées par la société? Vous nous avez fourni une étude fort
intéressante de 85 cas. Si l'on choisissait 85 cas dans la
population en général, constaterait-on des décisions différentes
pour les groupes d'âge de zéro à six ans, de six à quatorze ans, et
de quatorze ans et plus?
M. R. Thompson: C'est une question très intéressante. Une des contrariétés que nous rencontrons comme recherchistes juridiques, c'est le fait que nous sommes forcés de faire de la recherche.
Notre corpus est disponible pour les avocats de façon plus générale. Dans ce cas-là, il existe quantité de décisions où le juge s'est prononcé par quelques paroles seulement, au tribunal, parce que ce sont des cas où les gens sont pressés. Il y a également un grand nombre de cas où les gens s'entendent, ou tout simplement renoncent. Dans ces cas-là, le parent gardien déménage, et aucune objection n'est soulevée.
Ainsi, en bref, si on exclut ces cas et qu'on s'en tient uniquement aux autres, le tableau est très différent. Tout d'abord, je pense qu'il y a beaucoup de parents gardiens qui actuellement ne songent même pas à déménager, ou y renoncent, de crainte de perdre la garde. Je pense que cela est vrai pour un grand nombre de parents gardiens. Ils renoncent à prendre cette décision par crainte des conséquences. Voilà donc un groupe.
D'autre part, dans bien des cas, les gens déménagent, et il n'y a pas d'objection.
Je pense donc que les cas appartenant à ces deux groupes dépassent de beaucoup en nombre les cas où quelqu'un déménage et où quelqu'un d'autre s'y oppose.
Je vous donne la première réponse qui me vient à l'esprit.
Mme Sheila Finestone: Merci. L'un d'entre vous a rappelé comment Rosie Abella a décrit ce qui est le meilleur intérêt de l'enfant. Puisque la Cour suprême ne s'est pas prononcée, je pense que nous avons l'obligation de réfléchir à la question pour déterminer comment nous pourrions au mieux conseiller au ministre de la Justice de l'aborder.
Tout d'abord, où le juge Abella a-t-elle fait cette déclaration?
M. R. Thompson: Elle a déclaré cela dans une affaire bien connue, McGyver c. Richards, où elle a décidé qu'il devait y avoir une présomption en faveur du parent gardien responsable pour lui permettre de déménager. En Ontario, à la suite de cette décision, pendant un an environ, puisque cela faisait partie de la jurisprudence de l'Ontario, l'approbation pour les déménagements a été accordée dans presque tous les cas. Le juge L'Heureux-Dubé à la Cour suprême du Canada a adopté la même attitude, mais il ne s'est trouvé qu'un seul autre juge pour tomber d'accord avec elle sur ce point. Sept juges ont suivi l'opinion du juge McLachlan. Sept juges, y compris le juge McLachlan, qui a écrit l'arrêt majoritaire, ont rejeté l'opinion du juge Abella à la Cour suprême du Canada et ont décrété qu'il ne fallait faire intervenir aucune présomption dans les cas de déménagement.
Mme Sheila Finestone: Vous nous avez posé une énigme fort intéressante, mais je suis contente que vous l'ayez fait.
Quel rôle les grands-parents auraient-ils dans le cas d'une décision sur la mobilité et le déménagement? Avez-vous étudié cet aspect-là?
M. R. Thompson: Non. C'est une question intéressante. Cela ajoute un volet de plus à la position des grands-parents. Tout ce que je peux vous dire, c'est que pour l'ensemble des cas, si on examine la façon dont les décisions ont été rendues, on remarque que l'existence de grands-parents devient absolument cruciale pour l'approbation du déménagement. En effet, soit le parent gardien déménage dans la localité où ses parents vivent, car le plus souvent c'est ce qui se produit, soit les enfants peuvent compter sur leur famille élargie là où ils vivent, et le tribunal doit décider s'il permet le déménagement qui éloignerait les enfants de cette famille.
Je pense qu'il faut bien comprendre—et je pèse mes mots ici—que bien des juges sont grands-parents et comprennent bien ce que cela signifie. D'autre part, je pense que nous pouvons tous imaginer l'importance de la famille élargie dans des circonstances de séparation et de divorce.
Mme Sheila Finestone: En effet.
Quand vous agissez comme représentants de l'aide juridique, tenez-vous compte de la famille élargie quand vous réclamez la garde exclusive?
Mme Claire McNeil: Dans ces cas-là, vous voulez dire que nos clients sont...
Mme Sheila Finestone: J'ai l'impression que vous êtes bien plus prédisposés... à cause de la différence entre la garde légale et la garde résidentielle. Selon vous, le bien-être de l'enfant passe par la garde exclusive, avec l'exclusivité pour les décisions. Est-ce que je me trompe? Je vous ai écoutés tous les trois, et c'est ce que je conclus de vos remarques.
• 1110
Par conséquent, si je ne me trompe pas, quels sont le rôle et
la place de la famille élargie, que ce soit du côté du père ou de
la mère? Le parent non gardien a une famille, tout comme le parent
gardien. Quel rôle joue-t-elle?
Mme Claire McNeil: Elle joue un rôle énorme pour ce qui est du réseau d'appui aux parents, surtout dans le cas des jeunes parents ou des parents qui, comme je vous le disais, n'ont peut-être jamais vécu ensemble et sont demeurés au sein de leur famille.
Mme Sheila Finestone: Oui, mais on parle ici de relations sans lendemain. Il semble que cela donne lieu à une définition intéressante. Mais je ne pense pas que l'on puisse inclure ces cas-là ici, madame la présidente. Nous n'allons pas parler des relations sans lendemain dans notre rapport, car, dans ces cas-là, les parents ne vivent pas ensemble, mais ont un enfant. On peut se demander si dans un tel cas l'autre parent est véritablement un parent. C'est tout à fait contestable.
Ce qui m'intéresse, c'est la famille élargie, les tantes, les oncles, les cousins ou les grands-parents, mais plus particulièrement les grands-parents, puisque j'en suis.
Mme Elaine Gibson: Il me semble que les tribunaux de la Nouvelle-Écosse réagissent très bien du point de vue des grands-parents, ou de la famille élargie, quand il s'agit de l'accès. En effet, d'habitude il n'est pas souhaitable de diviser la vie d'un enfant en sept plages différentes pour chaque jour de la semaine afin que chacun ait accès auprès de lui pour un nombre d'heures donné. Il vaut mieux dans ces cas-là que la famille élargie ait accès auprès de l'enfant quand le parent exerce son droit de visite, et que le temps de visite alloué puisse le permettre.
Très souvent, le parent gardien est le premier pourvoyeur de soins, comme il l'a été par le passé, et l'autre parent n'a peut-être pas les compétences parentales nécessaires, de sorte que la famille élargie peut lui venir en aide à cet égard. Toutefois, si pour une raison quelconque la famille élargie ne peut pas avoir accès auprès de l'enfant en même temps que le parent ayant droit de visite—par exemple si ce parent s'est vu refuser l'accès auprès de l'enfant, ou s'il est mort, ou encore...
Mme Sheila Finestone: Excusez-moi, mais vous avez dit que les membres de la famille élargie se désintéressaient des enfants avec le temps et que parfois, après avoir lutté pour obtenir des droits de visite, ils ne les exercent même pas. Les enfants en cause ont dans bien des cas une mère et un père. Ils ont des frères et des soeurs qui continuent de s'intéresser à leur bien-être, veulent leur rendre visite, et ne souhaitent pas qu'un cordon ombilical les relie au parent ayant droit de visite.
Mme Elaine Gibson: Je sais, mais c'est précisément ce que j'allais vous dire. Si ce que vous appelez un cordon ombilical a été coupé, à mon avis et de l'avis des tribunaux de la Nouvelle-Écosse, d'après les arrêtes rendus, il serait approprié dans bien des cas qu'un membre de la famille élargie ait accès directement auprès de l'enfant.
Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Pépin, avez-vous une brève question à poser? Nous avons dépassé le temps alloué.
La sénatrice Lucie Pépin: Non, mais je voulais tout simplement dire que dans le Globe and Mail de ce matin on signale que les grands-parents en Colombie-Britannique peuvent demander la garde de leurs petits-enfants et des droits de visite. Le gouvernement de la province a annoncé qu'il allait modifier la loi. J'ai lu cela dans le journal de ce matin.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord.
M. R. Thompson: Il en va de même en Nouvelle-Écosse. Cela existe depuis des années.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup d'être venus comparaître. Vous avez enrichi notre bagage de témoignages.
Nous allons reprendre nos délibérations à 13 heures.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bienvenue à notre séance de l'après-midi.
Nous accueillons, du Conseil consultatif sur la situation de la femme (Nouvelle-Écosse), Patricia Doyle-Bedwell, qui en est la présidente. Du Mainland South Committee Against Woman Abuse, le Dr Marilynne Bell. Glenda Haydon l'accompagne. De l'Association des maisons de transition, Lyn Barrett. Lyn est directrice générale de l'Association des maisons de transition du comté de Cumberland. De la Chrysalis House Association, Mary De Wolfe et Ginger MacPhee.
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Mme Mary De Wolfe (Chrysalis House Association): Avant de commencer, je tiens à signaler que Ginger, qui m'accompagne aujourd'hui, était une cliente de nos services et est encore...
[Note de la rédaction: Inaudible]
Chrysalis House est le seul service global offert dans la vallée de l'Annapolis à l'intention des femmes battues et de leurs enfants. En plus du logement, nous offrons des services d'action sociale à l'intention des enfants également, de même qu'un réseau de défense des intérêts de nos clientes et un service de counselling interne qui s'adresse aux femmes et aux enfants. Nous existons depuis 13 ans et nous avons fourni des services à des milliers de femmes et d'enfants.
J'ai également le privilège de représenter l'Association des maisons de transition de la Nouvelle-Écosse, dont je suis la coprésidente, au sein du comité de mise en oeuvre de la Children and Family Services Act, qui a été adoptée en Nouvelle-Écosse en 1991. Je tiens à signaler que ces fonctions m'ont permis d'acquérir une perspective plus vaste des enjeux concernant le bien-être des enfants et des questions juridiques traitées au tribunal de la famille.
Je ne sais pas si vous êtes au courant, et je suis ici pour vous en faire part, mais malheureusement la violence familiale en Nouvelle-Écosse est très intense. Nous avons toutes les preuves à l'appui pour affirmer cela. La violence contre les femmes, plus particulièrement, est extrêmement intense.
Trois études indépendantes ont été diffusées il y a environ trois ans—presque exactement trois ans: le ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse a fait préparer une étude intitulée Nova Scotia Family Violence Tracking Project. Un rapport intitulé «From Rhetoric to Reality: Ending Domestic Violence in Nova Scotia», préparé par la Commission de réforme du droit, a aussi été publié. Et Peggy Mahon est l'auteur d'une étude sur l'homicide du conjoint intitulée «Changing Perspectives», qui a été préparée pour la Division de prévention de la violence familiale de Santé Canada. Tous ces rapports ont été préparés de façon indépendante, suivant des méthodes de recherche très différentes, mais, fait intéressant, les recommandations qu'ils contiennent comportent un grand nombre de points communs. Plusieurs de ces recommandations portent sur la garde et les droits de visite dans le cas des femmes qui quittent un foyer où elles sont victimes de violence.
Je voudrais vous faire part ici de notre expérience concernant la garde et les droits de visite car ce sont des questions beaucoup plus importantes pour les femmes et les enfants qui sont nos clients que les poursuites pénales elles-mêmes. Contrairement à l'information diffusée récemment, les femmes ne sont pas particulièrement enclines à rechercher des mesures punitives à l'égard de leur ex-conjoint et il n'est pas juste de dire qu'elles viennent en masse proférer des allégations de mauvais traitements infligés à leurs enfants. En fait, dans certains cas où on nous avait signalé qu'on soupçonnait que des enfants étaient maltraités, très souvent il nous fallait persuader les femmes et les appuyer pour qu'elles consentent à déposer la plainte obligatoire auprès des agences de protection de l'enfance.
• 1222
En Nouvelle-Écosse, il existe une loi à laquelle j'ai déjà
fait allusion, et je vous demanderais de vous reporter à l'alinéa
22(2)i) de cette loi qui concerne les enfants en péril et le fait
que les enfants peuvent être considérés comme tels s'ils sont
fréquemment témoins de violence familiale et si le parent ou le
gardien néglige ou refuse de se faire conseiller ou traiter.
Remarquez qu'on ne signale nulle part que c'est le parent auteur
des abus qui doit demander conseil ou traitement.
Cela a placé les femmes battues et leurs enfants en Nouvelle-Écosse devant un dilemme et on constate une certaine contradiction dans les termes utilisés. Ainsi, les femmes doivent obligatoirement,mettre un terme à une relation où elles sont victimes de violence, et je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'elles le fassent, mais en même temps, il leur incombe de le faire et une fois cela fait, elles estiment que le système, et particulièrement les tribunaux de la famille, ne leur donne pas l'appui dont elles ont besoin elles et leurs enfants.
Ainsi, même si un conjoint est reconnu comme violent et auteur de mauvais traitements au point que la femme est forcée de quitter son foyer avec ses enfants, ce conjoint n'en obtient pas moins des droits de visite tout à fait généreux et, dans certains cas, la femme doit se soumettre à de longues procédures de règlement de la garde des enfants.
Il y a autre chose qui revient constamment dans le cas des femmes qui sont nos clientes: dans l'esprit d'un grand nombre d'ex-conjoints violents—et je souligne bien que ce n'est pas vrai pour tous—il semble que les pensions alimentaires et les droits d'accès soient une seule et même chose, et ils estiment qu'en versant la pension alimentaire, ils achètent un droit d'accès illimité. C'est un problème énorme.
Malheureusement, étant donné les contraintes de temps, je ne peux pas entrer dans les détails sur ces points-là, mais je pense que d'autres en parleront plus tard.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame De Wolfe, votre temps est écoulé.
Mme Mary De Wolfe: Déjà?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Cinq minutes, c'est court.
Mme Mary De Wolfe: En effet, c'est court. Vous m'en voyez désolée car il y a d'autres éléments importants que je voulais signaler et j'espère que les autres témoins les aborderont.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avant de passer au témoin suivant, je voulais signaler quelque chose à mes collègues. Il y a ici présent un photographe du journal Chronicle-Herald qui veut prendre quelques photos dans la salle. Quelqu'un y voit-il un inconvénient? Êtes-vous d'accord? Les témoins y voient-ils un inconvénient? Très bien, c'est réglé.
La parole est à Mme Barrett.
Mme Lyn Barrett (directrice exécutive, Cumberland County Transition House Association): Merci.
Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous au sujet de la garde et des droits de visite, plus particulièrement dans les cas de violence familiale.
Je suis ici en tant que directrice exécutive de l'Association des maisons de transition du comté de Cumberland en Nouvelle-Écosse, dont le siège est à Amherst, et je représente aussi l'Association des maisons de transition de Nouvelle-Écosse. Je vais vous donner le point de vue des travailleurs de première ligne en contact avec des victimes de violence familiale.
La garde et les droits de visite sont des questions qui touchent la majorité des femmes clientes des maisons de transition et des programmes d'action sociale. Ces questions touchent également les hommes.
Je m'adresse à vous également en tant que directrice exécutive d'un programme à l'intention des hommes violents, intitulé New Directions, que l'Association des maisons de transition du comté de Cumberland offre de sorte que je peux vous présenter un point de vue un peu différent.
Le défi auquel est confronté le comité peut sembler écrasant du point de vue du travail de première ligne. Toutefois, il est rassurant de constater qu'on nous a donné la possibilité d'exprimer nos préoccupations et de faire part de ce que nous savons être le résultat de décisions concernant la garde et les droits de visite du point de vue des femmes et des enfants que nous côtoyons quotidiennement.
Il n'est pas très reluisant pour notre société et ses lois de constater que les enfants sont souvent tout simplement des enjeux que se disputent les parents. Toutefois, je sais par expérience que les enfants sont toujours les victimes quand il y a violence familiale et notre appareil judiciaire, quand il s'agit de prendre des décisions concernant les responsabilités parentales, devrait toujours tenir compte de ce que représente pour les enfants le fait de vivre dans une situation de terreur quotidienne.
Étant donné les contraintes de temps, je vais passer immédiatement à la fin de mon exposé et vous faire part de mes recommandations.
Tout d'abord, toute la dynamique de la violence familiale exige que l'on tienne compte des antécédents et de la nature des rapports entre les parents dans toute décision concernant la garde et les droits de visite.
Tous les textes législatifs concernant la situation des enfants après le divorce doivent prendre en compte les antécédents des relations entre les parents et reconnaître les effets dévastateurs de la violence familiale pour un enfant.
Dans les situations où il y a eu violence familiale, la sécurité des victimes, parents et enfants, doit être la première préoccupation. Les lois ne doivent pas faire en sorte que les enfants ou leurs parents se trouvent dans une situation de risque accru.
Un parent qui est l'auteur ou qui a été l'auteur de violence contre son conjoint ou ses enfants ne devrait pas obtenir la garde des enfants. Cela devrait être une présomption légale. De la même façon, la même présomption devrait intervenir pour ce qui est d'une éventuelle garde conjointe et d'accorder une prise de décision partagée dans les cas de violence familiale.
Il faudrait prévoir des mécanismes pour que les décisions concernant la garde et les droits de visite puissent être modifiées dans les plus brefs délais, advenant que la violence familiale se poursuive ou reprenne. Les ordonnances des tribunaux concernant la garde et les droits de visite devraient être précises et explicites dans les cas où il y a des antécédents de violence familiale.
Les parents gardiens doivent savoir de façon très précise quelles décisions parentales exigent une consultation et une décision conjointe avec les parents non gardiens.
Plutôt que le recours à des droits de visite raisonnables à des moments raisonnables, on devrait préconiser l'établissement de lignes directrices concrètes. Par exemple, le droit de visite pourrait être accordé tous les deux week-ends à partir de 9 h 30 le samedi matin jusqu'à 19 heures le dimanche, en spécifiant les dates. Ces précisions aideraient grandement à éliminer les cas potentiels de manipulation des modalités de visite par l'un ou l'autre parent et fourniraient une quelconque certitude aux parents.
Les sanctions pour non-respect des décisions concernant la garde et les droits de visite ne devraient pas s'appliquer quand le manquement tient au fait que les intéressés souhaitent se mettre à l'abri de la violence familiale.
On devrait légiférer pour restreindre ou interdire le recours à la médiation dans les cas où la violence familiale est soupçonnée. Dans ces cas-là, la médiation ne devrait pas être préconisée ou même entérinée par les tribunaux. En outre, le critère du parent coopératif ne devrait pas être appliqué dans ces cas-là.
Il faudrait réserver des ressources pour faciliter les droits de visite surveillée et le transfert des enfants pour supprimer tout risque pour le parent gardien. La loi devrait prévoir des dispositions précises pour ce genre de programme. L'adresse du conjoint victime de violence ne devrait pas figurer dans les documents publics du tribunal.
En terminant, la loi devrait permettre au tribunal d'exiger comme modalité d'exercice des droits de visite que les parents violents suivent un programme de counselling ou un traitement.
Me reste-t-il du temps?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez une minute.
Mme Lyn Barrett: Puisqu'il en est ainsi, je vais poser quelques questions, énoncer certaines interrogations.
• 1230
Tout d'abord, il existe bien des preuves des effets néfastes
d'une situation de violence familiale sur les enfants qui en sont
témoins. Je pense qu'il est crucial que le comité se rende compte
des effets très profonds que subissent les enfants qui vivent dans
ces environnements où on ne peut pas répondre à leurs besoins car
les parents sont trop pris par le conflit et le stress que comporte
leur relation.
Dans ces cas de violence familiale, la nature ou la qualité des rapports entre les parents et des liens familiaux devraient être prises en compte lors de la prise de décisions concernant les droits de visite. En effet, l'enfant sera exposé à tout acte violent qui pourrait se produire au moment de l'exercice de ces droits de visite. Manifestement, il n'est pas question que des femmes victimes de mauvais traitements soient de nouveau victimes au moment où se fait le transfert des enfants à leurs portes.
Je dois ajouter qu'il est difficile de défendre un idéal de droit de visite maximal quand il s'agit d'un enfant qui se souvient avoir vu son père maltraiter devant lui son chien ou arracher des mèches de cheveux à sa mère. Voir ensuite ce père venir chercher l'enfant et continuer de le bousculer... Un enfant qui se trouve dans une situation où la relation violente se poursuit—relation qui d'après la loi n'existe plus avec le divorce—ne peut pas s'en remettre et guérir s'il en revit continuellement les épisodes.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. La parole est au Dr Bell.
Dr Marilynne Bell (Mainland South Committee Against Woman Abuse): Merci. Je représente le Mainland South Committee Against Woman Abuse, qui est logé dans le centre communautaire Captain William Spry. Notre groupe est pluridisciplinaire et réunit des professionnels qui travaillent au sein de la collectivité, notamment des travailleurs sociaux, une infirmière de santé publique, un médecin, moi, des avocats, des conseillers et des représentants communautaires. Nous travaillons au sein de la collectivité depuis dix ans et nous avons pour mission de sensibiliser le public à la violence familiale et de mettre en oeuvre des stratégies de prévention et d'intervention à l'échelle communautaire pour la région de Mainland South, près de Halifax.
Tous les ans, nous réalisons un projet de recherche. L'année dernière, notre projet portait sur les parents victimes de violence aux mains de leurs enfants adolescents, ce qui représente un problème sur lequel on ne possède pas beaucoup de renseignements. Cette année, nous avons choisi le processus de médiation familiale, car certains des membres de notre groupe s'inquiétaient des résultats d'une médiation dans les cas où il y a violence familiale.
Je vais essayer de lire notre mémoire le plus vite possible.
La médiation offre de nombreux avantages si on la compare au système accusatoire traditionnel. La médiation réduit les hostilités et les traumatismes qui résultent d'une situation accusatoire et encourage les parties à établir des relations de travail coopératives. Puisque les parties trouvent leurs propres solutions lors de la médiation et qu'on ne leur impose pas des modalités de force, il est plus probable que ces modalités et ces solutions seront respectées. C'est le côté positif de la médiation.
Les membres du comité sur la garde et les droits de visite cherchent des stratégies de rechange pour remplacer le tribunal de la famille et nous pensons qu'un processus de médiation va être à l'honneur sous peu. La médiation donne d'excellents résultats quand des parents responsables acceptent de plein gré d'y avoir recours afin de trouver une solution commune au problème de la garde et des droits de visite. Toutefois, il y a des cas où l'inégalité des rapports de force est telle que la médiation peut se faire au détriment d'un des deux parents. Par conséquent, il est important de prévoir les complications implicites aux situations où il y a eu violence familiale et d'évaluer d'un oeil critique le processus dans ces cas-là.
Il y a tout un éventail de comportements violents, et cela va d'une seule agression au cours d'une relation à des actes d'abus sexuels, physiques ou émotifs graves et répétés. Il est donc important que les médiateurs soient formés et puissent évaluer ces situations-là, mais également le risque d'une escalade de la violence et l'accroissement de la menace à la sécurité.
Pour que la médiation convienne, il faut des garanties pour que le déséquilibre du pouvoir qui existe en cas de violence familiale ne se reproduise pas lors du processus de médiation. Chacune des parties devrait pouvoir compter sur un conseiller juridique indépendant avant qu'un accord soit conclu afin de veiller à ce que ses droits soient reconnus. Si le déséquilibre du pouvoir est marqué, les avocats pourront intervenir directement dans le processus de médiation.
Une autre façon de procéder serait d'avoir recours à une équipe de deux médiateurs, un ayant une expérience juridique et l'autre la possibilité de gérer la dynamique de pouvoir qui s'exerce entre les parties.
Les couples ne devraient pas être tenus de se soumettre à la médiation dans les cas de violence familiale. La violence familiale modifie le rapport de force entre les parties. Les médiateurs proviennent d'une multitude de disciplines et ne sont pas tous équipés au même titre pour tenir compte du rapport de force inégal qui existe dans une relation violente.
• 1235
Même les médiateurs très compétents peuvent ne pas reconnaître
les moyens subtils dont se sert la personne violente pour exercer
sa domination sur le partenaire violenté. L'idée que les médiateurs
puissent corriger un rapport de force extrêmement inégal va
également à l'encontre de la théorie selon laquelle les médiateurs
sont censés être des parties neutres.
La médiation obligatoire risque d'exposer la femme violentée à des dangers affectifs et physiques. La femme peut être obligée d'affronter son agresseur dans un contexte de médiation, et ce, avant qu'elle ne soit prête à le faire sur le plan psychologique. Dans le processus de médiation, les parties sont encouragées à assumer conjointement la responsabilité des problèmes du couple. La femme victime de violence pourrait ainsi avoir l'impression qu'elle est à blâmer pour la violence qu'elle a subie.
La médiation obligatoire expose également la femme à de nouveaux actes de violence. Si le médiateur met prématurément fin à la médiation après avoir appris qu'il s'agit d'un cas de violence familiale, l'auteur des actes de violence peut prendre des mesures de représailles ou accroître le harcèlement et les menaces qu'il fait subir à son ex-conjoint. En outre, les ententes conclues par la voie de la médiation prévoient bien souvent la garde conjointe qui exige que la femme victime de violence et son agresseur maintiennent le contact.
Nos recommandations sont les suivantes. La médiation devrait continuer à être, non pas obligatoire, mais facultative, surtout dans les cas de violence familiale. Les médiateurs devraient recevoir une formation leur permettant de reconnaître les cas de violence familiale, de déterminer si le couple devrait passer par la médiation et s'il y a un risque pour le client. Cela se fait dans certaines provinces, mais pas dans toutes les provinces. Il faudrait élaborer un instrument de dépistage qui serait appliqué avant la médiation afin de repérer les cas de domination et de violence familiale chez les couples en instance de séparation, lequel pourrait devenir un outil de base pour tous les médiateurs du Canada. J'ai inclus dans notre mémoire la description d'un outil utilisé en médecine familiale.
Par ailleurs, les médiateurs devraient recevoir une formation leur permettant de faciliter la médiation dans les cas où il existe un rapport de force inégal. Les femmes qui pourraient se sentir intimidées par la domination qu'exerce leur ex-conjoint sur la procédure et l'information juridique devraient avoir accès aux services d'intervenants qui pourraient les accompagner ou les conseiller. Dans les cas de violence conjugale manifeste, il faudrait que la médiation puisse conduire à des visites et des échanges surveillés. Il devrait aussi être possible d'obtenir des conseils juridiques pour le processus de médiation.
Nous estimons que la médiation ne convient pas dans les cas où il y a eu des actes de violence graves et où il y a un risque considérable que la violence se poursuive.
La médiation présente des limites dans ce sens que, dans certains cas, il est impossible de rétablir le rapport de force et la médiation pourrait désaccentuer la gravité de la violence conjugale et la responsabilité ultérieure de l'auteur de la violence.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Enfin, Mme Doyle-Bedwell.
Mme Patricia Doyle-Bedwell (présidente, Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse): Merci.
Bonjour, monsieur et madame les coprésidents, messieurs et mesdames les membres du comité et distingués invités. Je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui au nom du Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse. Je vous remercie de cette occasion qui nous est donné de vous faire part de nos vues. Comme nous vous avons déjà soumis un mémoire, je pense bien que mon exposé sera assez concis, et que vous pourrez trouver plus de détails dans le mémoire en question.
Le Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse a pour mandat, aux termes de la loi, de conseiller la ministre responsable de la situation de la femme sur les questions intéressant les femmes et aussi de présenter les préoccupations des femmes de la Nouvelle-Écosse. C'est exactement ce que nous faisons dans le mémoire que vous nous présentons aujourd'hui sur la garde d'enfants et les droits de visite. Nous examinons aussi dans ce mémoire les questions d'actualité comme l'information des parents, les plans parentaux et la médiation devant les tribunaux de la famille.
Il convient de signaler que deux valeurs ont guidé les recommandations contenues dans notre mémoire: premièrement, veiller à ce que l'intérêt véritable de l'enfant soit défendu et, deuxièmement, veiller à ce que les droits des femmes soient respectés et protégés.
Depuis la modification de la Loi sur le divorce, en 1985, on tend à opter pour la garde légale conjointe, où le pouvoir de décision appartient aux deux parents, mais où l'enfant réside avec un seul parent. Cette tendance s'accompagne de l'hypothèse de départ selon laquelle un contact maximum de la part du parent non gardien est dans l'intérêt véritable de l'enfant. Cela est encouragé par ce qu'il est convenu d'appeler la règle du parent coopératif, en vertu de laquelle le tribunal doit prendre en compte le degré de souplesse des parents qui divorcent.
Les avocats et les tribunaux exercent souvent des pressions sur les femmes, afin qu'elles acceptent des dispositions de garde légale conjointe ou des droits de visite qui ne sont pas nécessairement dans leur intérêt véritable. Ces dispositions pourraient, par exemple, les mettre en danger, intensifier le conflit ou permettre à leur ex-conjoint de continuer de les harceler d'autre façon. De nombreux groupes de femmes ont critiqué la disposition en cause et les hypothèses qui la sous-tendent.
Les tribunaux devraient continuer d'appliquer le principe du principal pourvoyeur de soins, qu'on devrait inscrire dans la Loi sur le divorce. On devrait accorder la garde provisoire et permanente au principal fournisseur de soins, à moins qu'il soit clairement prouvé qu'il y a eu violence ou négligence à l'égard de l'enfant. Il devrait revenir aux tribunaux d'expliquer clairement leurs raisons s'ils choisissent de ne pas accorder la garde au principal fournisseur de soins.
• 1240
Le pouvoir décisionnel devrait revenir en premier lieu au
parent gardien, et le parent non gardien devrait conserver ses
droits d'information au sujet de l'éducation, de la santé et du
bien-être de son enfant. Les paragraphes 16(10) et 17(9) de la Loi
sur le divorce, qui prévoient que la préférence soit accordée au
contact maximum et à la garde conjointe, devraient être retirés de
la Loi sur le divorce. On devrait encourager les parents à
envisager la garde légale conjointe dans des situations
appropriées, comme dans des divorces où il y a peu de conflit, mais
la Loi sur le divorce ne devrait pas énoncer une telle préférence.
Dans les décisions concernant la garde et le droit de visite, on devrait prendre en compte l'incidence qu'a sur les enfants le fait d'être témoin ou d'être au courant d'actes de violence physique au foyer; dans ces cas, la disposition relative au contact maximum ne devrait jamais s'appliquer. L'accès devrait être restreint, supervisé ou refusé, tout dépendant de la gravité de l'abus et de la volonté du parent violent d'obtenir de l'aide.
On devrait améliorer et appliquer les programmes visant l'accès supervisé, et les enfants devraient être transportés par un tiers dans les cas de violence ou d'abus répétés.
On ne devrait pas présumer que les allégations d'abus sexuels sont fausses, mais les prendre au sérieux et les soumettre à une enquête, comme le prévoit la Loi en Nouvelle-Écosse et comme l'exige la politique actuelle en matière de protection de l'enfant. On ne devrait pas accorder la garde ou l'accès sauf s'il est prouvé que les allégations en question sont sans fondement.
Il est important de tenir compte des questions relatives à l'aide juridique dans l'examen général de la garde d'enfant et des droits de visite. Dans les cas de divorce, de nombreuses femmes ne peuvent se permettre d'engager un avocat; pourtant, l'aide juridique est restreinte dans les affaires liées à la famille et le seuil des revenus est bas. Ainsi, en Nouvelle-Écosse, le parent qui aurait un enfant ne pourrait gagner plus de 17 000 $ par ans pour avoir droit à l'aide juridique.
On devrait accorder une aide juridique lorsqu'il y a ou qu'il y a eu menace de violence familiale ou lorsque la garde de l'enfant fait l'objet d'une contestation. Le personnel de l'aide juridique et les plaideurs non représentés devraient obtenir une formation sur les cas de violence familiale. On devrait augmenter le financement de l'aide juridique pour les causes liées à la famille, ainsi que les seuils de revenu connexes.
Je passe maintenant à la question du rôle parental. Le partage du rôle parental va au-delà de la notion de garde partagée, de contact ou d'accès maximal, car il se fonde sur le principe que l'intérêt de l'enfant est servi au mieux lorsque les deux parents s'impliquent au maximum. Ce partage est censé pouvoir s'obtenir par médiation et être conclu dans un plan parental. En réalité, les cas réussis de partage du rôle parental sont, malheureusement, l'exception plutôt que la règle.
Le partage du rôle parental a été critiqué par des chercheurs et de nombreux organismes de femmes, parce qu'il est irréaliste, exacerbe le conflit sauf dans les divorces amicaux et, dans bien des cas, donne au parent non gardien davantage de contrôle dans le contexte familial, y compris sur l'ex-conjoint, sans pour augmenter autant la responsabilité pour les soins quotidiens. Il est clairement à déconseiller dans les cas de violence et de mauvais traitements et douteux quand il n'est pas volontaire ou qu'il y a inégalité dans la dynamique du pouvoir d'une relation.
Le partage du rôle parental peut être avantageux dans certaines situations, mais il ne devrait pas être recherché dans les divorces hautement conflictuels. Il ne devrait pas être obligatoire ou recherché dans les cas où il y a eu violence ou agression de quelque nature que ce soit.
Il faudrait appuyer les programmes d'information et d'éducation sur le rôle parental, mais ceux-ci ne devraient pas conseiller ou presser les parents en instance de divorce d'accepter la médiation comme solution de choix. Les parents devraient pouvoir assister à des séances différentes. Ceux qui dispensent les programmes devraient être sensibilisés aux aspects d'inégalité en fonction du sexe et de violence familiale.
Les mécanismes de règlement extrajudiciaire des conflits comme la médiation devraient rester optionnels et le refus de participer ne devrait pas être pris en considération dans l'application de la règle du parent coopératif.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi, madame Doyle-Bedwell. Avez-vous presque terminé?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Oui.
Les associations provinciales de médiateurs devraient fixer des conditions d'agrément et la médiation devrait être réglementée comme une profession nécessitant un permis de pratique. Les conditions d'agrément devraient comprendre une formation adéquate concernant l'inégalité fondée sur le sexe ainsi que la capacité à comprendre la violence familiale et à reconnaître les mauvais traitements à l'endroit des femmes. Les médiateurs ont l'obligation professionnelle et déontologique de refuser des clients qui ont perpétré des actes de violence conjugale. La Loi sur le divorce et les tribunaux devraient continuer de reconnaître que les deux parties dans un divorce ont un droit constitutionnel d'accès à l'information juridique et à l'intercession d'avocats qualifiés.
Avant de mettre fin à mon exposé, je tiens à rappeler au comité les principes qui sous-tendent notre position: nous voulons veiller à ce que l'intérêt véritable de l'enfant soit défendu et veiller à ce que les droits des femmes soient respectés et protégés.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
La sénatrice Lucie Pépin: Monsieur le président, si tous les membres du comité sont d'accord, le premier témoin pourrait-il terminer son exposé?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): À vrai dire, madame la sénatrice, je ne tiens pas à leur poser la question. Il ne nous reste que 15 minutes, et nous avons un horaire à respecter.
• 1245
Nous passons maintenant à Mme Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Plus nous entendons ce que les gens ont à dire, plus je comprends qu'il faut qu'il y ait deux trajectoires—une pour les cas où il y a des signes de violence, quels qu'ils soient, et une autre pour les autres cas.
Je suis heureuse de vous entendre parler d'outils utilisés en médecine familiale, car je crois qu'il faut que des outils de ce genre soient disponibles. Je sais qu'il existe aussi de bons outils du côté des sciences infirmières qui permettent de dépister l'inégalité du rapport de force ou encore les cas de violence.
Enfin, j'ai du mal, en tant que féministe et en tant que personne qui déploie beaucoup d'efforts pour tenter de trouver une terminologie englobante et éviter l'étiquetage, à accepter qu'on revienne dans les exposés à des termes comme «principal» fournisseur de soins ou fournisseur de soins «secondaire», alors que nous tentons de nous éloigner de termes comme la «garde d'enfants» et les «droits de visite».
J'ai du mal à comprendre pourquoi vous croyez nécessaire de parler des principaux fournisseurs de soins alors que, dans nos vies très compliquées... Quand mes enfants étaient petits, c'était moi, parce que mon mari était toujours parti tourner des films. Maintenant que je suis députée, je suppose qu'on pourrait dire que c'est lui, parce que je suis à Ottawa du lundi au jeudi. Dans beaucoup de familles, c'est le grand-parent, et dans beaucoup de familles aussi c'est la bonne.
Ainsi, le recours au terme «principal fournisseur de soins» et la présomption qui en découle me rendent très mal à l'aise si nous n'avons pas en fait des juges et un système qui soient en mesure de comprendre toutes les nuances de ce qui est important pour les enfants. Pourquoi ne pas avoir un plan parental indiquant qui est la personne qui devrait amener l'enfant à sa pratique de hockey, qui est la personne qui devrait emmener l'enfant à son cours de ballet—autant d'éléments de l'exercice du rôle parental qui peuvent être partagés, d'après ce qu'on nous dit?
Est-ce seulement dans les cas de violence qu'il faut tenir compte, selon vous, du principal fournisseur de soins, ou faut-il en tenir compte dans tous les cas de dissolution du mariage?
Mme Mary De Wolfe: Mes observations portent tout particulièrement sur les cas où il y a de la violence ou des mauvais traitements dans la famille. Je ne vois aucun inconvénient aux grands principes que vous proposez pour ce qui est du partage du rôle parental dans les cas où la rupture n'est pas attribuable à la violence ou aux sévices graves. Je tiens à le préciser.
Je tiens aussi à bien insister sur le fait que, dans les cas où il y a de la violence et des mauvais traitements, on ne peut pas—et je crois que vous nous avez toutes entendu exprimer ce point de vue—appliquer les mêmes règles ni le même modus operandi.
Mme Carolyn Bennett: On fait la distinction très tôt.
Mme Mary De Wolfe: Oui.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Je tiens, moi aussi, à ajouter quelque chose. Nous avons justement discuté de cette question au Conseil consultatif, et nous savons que ce sont les femmes qui assument la plus grande part des soins aux enfants et des travaux ménagers.
Mme Carolyn Bennett: Oui, Statistique Canada l'a bien montré.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Oui.
Ainsi, quand les enfants vivent une situation de divorce et d'éclatement de la famille, si vous voulez, où un des deux parents quitte la famille, je crois qu'il est important, pour leur assurer une certaine stabilité, de maintenir ce contact avec le principal fournisseur de soins qui, dans la plupart des cas, est la femme.
Mme Carolyn Bennett: Au fur et à mesure que les pères sont de plus en plus nombreux à amener leurs enfants chez le médecin et que nous commençons à mettre davantage l'accent, du moins je l'espère, sur le partage du soin des enfants, pourquoi nous mettre à miner le fait que les pères font plus que ce que faisaient leurs pères à eux? Je trouve simplement qu'en faisant cela, nous revenons en arrière en quelque sorte.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Je ne crois pas que nous revenions en arrière. Je reconnais l'existence des cas dont vous parlez. Je crois que nous allons vers une situation—et il me semble que c'est assez restreint; d'après mon expérience, c'est très restreint—où, par exemple, en cas d'éclatement de la famille, si le parent non gardien bien souvent n'assume pas ces responsabilités, il ne les assumait pas même avant l'éclatement de la famille.
J'espère que, dans notre société, nous arriverons à une situation où les hommes assument une plus grande part de la responsabilité du soin et de l'éducation des enfants, mais pour l'instant, d'après mon expérience, cela ne se produit que peu souvent.
Mme Carolyn Bennett: Aimez-vous le mot «garde d'enfant»? Aimez-vous le mot «droits de visite»?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Nous parlons constamment de garde d'enfant et de droits de visite; c'est peut-être simplement parce que ce sont les termes qui viennent aussitôt à l'esprit. Je crois qu'il est plus facile, à certains égards, d'en parler en ces termes.
• 1250
Quand on parle de partage du rôle parental, il me semble que
tout dépend de la part de responsabilité que chaque parent est prêt
à assumer. Quand on parle de l'intérêt véritable des enfants, il
faut tenir compte des droits des enfants. Il me semble que nous
devrions peut-être commencer à parler de responsabilité parentale,
mais nous parlons toujours de garde d'enfant et de droits de
visite, parce que ce sont toujours là les mots qui sont utilisés.
Ce serait bien, dans un monde idéal, que les deux parents puissent assumer la responsabilité des enfants et subvenir à leurs besoins, mais nous savons qu'il n'en est pas ainsi.
Mme Carolyn Bennett: Et seuls les enfants auraient droit aux services d'un avocat.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Et seuls les enfants auraient droit aux services d'un avocat. Cela m'inquiète aussi, cependant. Je vois mal qu'un enfant de cinq ans soit appelé à témoigner devant le tribunal pour dire avec qui il veut être.
Mme Carolyn Bennett: D'accord.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther: J'ai deux ou trois questions à vous poser.
Il n'y a pas d'hommes victimes de violence?
Mme Sheila Finestone: «N'y a-t-il pas».
Des voix: Ah, ah!
M. Eric Lowther: «N'y a-t-il pas» d'hommes victimes de violence?
Je vous remercie.
Mme Lyn Barrett: À la maison de transition du comté de Cumberland, nous avons des programmes aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Il y a effectivement des hommes qui viennent nous demander notre aide, mais, au cours de la dernière année, nous avons accueilli 110 femmes et 5 hommes, dont 2 qui avaient un conjoint du même sexe. L'un d'eux avait depuis longtemps un comportement violent à l'endroit de plusieurs partenaires différents, mais il s'était retrouvé coincé dans une bagarre où il devait se défendre après que la police ait intervenu et que le partenaire du moment était en sécurité. L'autre était dans un ménage hétérosexuel et était vraiment victime de violence.
La gravité de la violence dont sont victimes les hommes que nous accueillons est loin d'atteindre celle de la violence que subissent les femmes, et les chiffres sont loin d'être les mêmes. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des hommes qui sont victimes de violence et qui ne demandent pas d'aide à cause de la honte qu'ils ressentent ou de je ne sais trop quoi, mais nous savons tous que dans le cas des femmes que nous accueillons, il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg. Pendant très longtemps, les femmes ne pouvaient pas obtenir d'aide, et c'est ce que nous sommes toutes là à faire reconnaître et confirmer. Nous avons fait beaucoup de progrès, mais il y a aussi effectivement un certain ressentiment qui se manifeste.
M. Eric Lowther: Je vous entends dire qu'il y a effectivement des hommes victimes de violence.
Mme Lyn Barrett: Oui.
M. Eric Lowther: Bien. Il y a donc de la violence des deux côtés, même si vous insistez sur le fait qu'il y en a beaucoup plus d'un côté que de l'autre.
Mme Lyn Barrett: Le nombre est effectivement très petit d'un côté.
M. Eric Lowther: C'est juste.
Ma question s'adresse aux représentantes de la situation de la femme. Les deux priorités que vous avez évoquées en conclusion sont l'intérêt véritable des enfants et la protection des droits des femmes. Est-ce bien ainsi que vous les avez formulées?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Que les droits des femmes soient respectés et protégés.
M. Eric Lowther: D'accord. Laquelle de ces deux priorités viendrait au premier rang et laquelle viendrait au deuxième rang?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Je crois que vous trouverez cela dans notre mémoire. Nous les présentons peut-être comme un et deux, mais il est très difficile de les dissocier. Les femmes étant, dans la majorité des cas, les principaux fournisseurs de soins, l'intérêt des enfants est intimement lié aux liens avec le principal fournisseur de soins.
Je ne voudrais pas laisser entendre qu'il y en a une qui est plus importante que l'autre, mais je dirais qu'elles sont toutes deux extrêmement critiques quand il s'agit...
M. Eric Lowther: Qu'en est-il toutefois de votre organisation? Voilà ce que je veux savoir.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: C'est là notre mandat. Le mandat qui nous est confié par la loi consiste à nous occuper des questions touchant les femmes.
M. Eric Lowther: Les deux sont donc sur un pied d'égalité, pour vous?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Oui.
M. Eric Lowther: Les deux sont exactement égales pour votre organisation?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Oui.
M. Eric Lowther: D'accord. Merci.
La question que j'aborde maintenant découle en quelque sorte de la question soulevée par Mme Bennett. D'après ce qu'on nous a dit, les fausses accusations et déclarations peuvent être utilisées dans un but vindicatif, afin de remporter les batailles concernant la garde des enfants et les droits de visite, et même quand il est clairement démontré que les déclarations ont été faites dans ce but-là, la personne qui a porté de fausses accusations n'est soumise à aucune pénalité.
Par contre, la violence familiale est manifestement quelque chose de tragique, qui sape le fondement même de notre société. Il faut sévir rapidement et fermement contre la violence familiale. La difficulté vient toutefois du fait qu'il faille distinguer les fausses accusations des véritables cas de violence, car il y a aussi bien des fausses accusations que des cas de violence.
• 1255
Je dirais à ce groupe que, pour faire avancer la cause et
beaucoup des causes auxquelles vous vous employez avec tant de
diligence, il serait plus utile à long terme de chercher à mieux
faire la distinction entre les fausses accusations et les cas de
violence réelle que de dire que toutes les fausses accusations
doivent être considérées comme fondées, peu importent les
conséquences pour la réputation de l'autre conjoint, qu'il s'agisse
du père ou de la mère, pour les dépenses judiciaires et pour tout
le reste.
Avez-vous des suggestions à faire quant à la façon dont nous pourrions mieux discerner les cas de violence réelle des fausses accusations qui sont utilisées pour l'emporter sur l'autre partenaire dans les procédures judiciaires?
Mme Mary De Wolfe: J'aimerais répondre brièvement à cette question, si vous le permettez.
Je ne sais pas combien d'entre vous sont déjà allés dans une maison de transition, mais je puis vous assurer que ce n'est pas le Ritz. La plupart des femmes qui se rendent dans un refuge y vont par nécessité stricte. Je l'ai déjà dit, nous accueillons littéralement des milliers de femmes et d'enfants. Je ne prétendrai pas qu'il ne nous est jamais arrivé de penser qu'une allégation d'agression était quelque peu exagérée, ni qu'il ne m'est pas arrivé une ou deux fois—et là, je suis tout à fait franche avec vous—de penser qu'il n'y avait pas du tout eu d'agression.
Pour en arriver finalement à faire la part des choses, il faut voir comme, même aujourd'hui, en 1998, à une époque où on insiste tellement sur la violence familiale, surtout ici en Nouvelle-Écosse, le nombre de femmes qui acceptent de porter des accusations et d'intenter des poursuites au criminel est très faible. Elles ne veulent pas s'engager dans cette voie. Je vous ferai remarquer qu'il y a beaucoup moins d'allégations, sans même parler des fausses allégations, qu'on ne vous l'a peut-être donné à penser.
Il y a par ailleurs cette perception très répandue—et voilà ce qui nous distingue et rend nos services si précieux—selon laquelle nous sommes l'endroit par excellence où les femmes trouveront appui et seront crues, car les femmes ont longtemps eu du mal, comme nous tous qui sommes autour de la table le savons, n'ont pas pu obtenir d'appui ni être crues quand elles étaient victimes de violence physique, affective ou sexuelle.
Mme Lyn Barrett: Je tiens aussi à ajouter que, dans toute procédure antagoniste, il y a toujours cette possibilité qu'on fasse de fausses déclarations. Cela va de soi. Les deux parties risquent de perdre ou de gagner quelque chose par la procédure. C'est quelque chose qui me préoccupe énormément, mais il en faut beaucoup pour prouver devant un tribunal qu'on a été victime de violence. Il faut d'abord le prouver à la police, puis le prouver au procureur de la Couronne et enfin au juge. Il y a toute une série d'étapes dans la procédure où la cause peut être rejetée.
J'ai fait des lectures sur les questions soulevées à Calgary au sujet d'avocats qui conseillaient à leurs clients de faire des allégations d'agression dans l'espoir d'obtenir quelque chose pour leurs clients. Je viens pour ma part d'une petite localité rurale de la Nouvelle-Écosse, où il y a beaucoup de violence familiale, mais s'il y avait des avocats qui préconisaient une approche comme celle-là, ils ne continueraient pas bien longtemps à exercer leur activité. Ils seraient partout précédés de leur réputation. Je ne pense pas qu'il y ait en Nouvelle-Écosse la population voulue pour qu'il y ait beaucoup de ces fausses allégations.
Le plus souvent, quand une femme se présente à notre maison de transition, la plupart des gens de sa collectivité savent qu'elle est victime de violence. Nous le savons tous. Ce n'est pas un secret. Les enfants racontent ce qui se passe. Les enfants sont touchés. Il me semble que, quand il s'agit de garde d'enfant et de droits de visite, il faut s'interroger sur l'intérêt de l'enfant et la dynamique familiale et il faut chercher à déterminer quelle est cette dynamique familiale. Je ne crois pas qu'il faille légiférer là-dessus. Il y aurait peut-être lieu de rajuster la loi pour qu'on puisse vérifier le bien-fondé de la plainte, mais il y a généralement une abondance de faits avant même que la cause n'arrive devant le tribunal.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: D'après ce que je comprends de la discussion, il semble qu'on s'imagine qu'il devrait pouvoir être possible de déterminer si l'allégation est fausse ou véridique avant l'enquête. Je ne pense pas que cela puisse se faire. Le plus souvent, dans les cas d'agression sexuelle dont j'ai à m'occuper, l'enfant du mariage était depuis longtemps victime d'agression sexuelle et il avait fallu beaucoup d'efforts à la mère pour le reconnaître. Même après que son enfant lui avait fait part de ce qui se passait, il lui avait fallu beaucoup de temps pour enfin faire quelque chose. Je crois que quand l'auteur des agressions a enfin été mis devant la chose, il a avoué sa culpabilité, mais il a fallu énormément de force et de courage à la mère pour aller jusque-là.
• 1300
Il n'est jamais arrivé, dans les cas dont j'ai eu à m'occuper,
que la mère se mette à raconter que son enfant était victime
d'agression sexuelle ou d'agression d'un autre type à moins qu'il
y ait des preuves solides à cet effet. En Nouvelle-Écosse, la loi
prévoit que, dès qu'il y a allégation d'agression, la Société
d'aide à l'enfance et les autres organismes compétents sont tenus
d'enquêter sur l'allégation.
Pour protéger nos enfants, nous devons les croire quand ils disent quelque chose et nous devons faire les enquêtes qui s'imposent. S'il faut, pour cela, porter des accusations au criminel, soit.
Le seul cas que je connaisse où il y avait eu agression sexuelle, c'est celui du parent gardien... Le parent non gardien avait fait des allégations d'agression contre le parent gardien, lesquelles allégations s'étaient révélées fausses. Pour ce qui est de l'inverse, d'amener les femmes à signaler les cas d'agression et de cesser de refuser de voir ce qui se passe, dans les cas notamment où elles sont avec un homme qui a agressé leur enfant, cela n'est guère chose facile à faire, et les femmes ne font jamais cela à la légère.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Chers collègues, nous manquons de temps, donc avec votre permission, je vais céder la parole à la sénatrice Pépin.
La sénatrice Lucie Pépin: Ma question a été posée.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est vrai? Alors si on vous a répondu, nous permettrons à Mme Finestone de poser la dernière question.
Mme Sheila Finestone: Merci.
Madame Doyle, êtes-vous celle qui parlait de la nouvelle loi et de la nouvelle politique qui oblige les femmes avec enfants à quitter une relation de violence? J'aimerais que vous me donniez votre point de vue sur ce que cela signifie pour ce qui est de la protection...? Est-ce une bonne chose que la femme et les enfants doivent quitter le foyer familial, ou vaut-il mieux obliger l'auteur des mauvais traitements à quitter le foyer et protéger ce foyer?
Mme Mary De Wolfe: Bonne question. Il y a un autre article... Nous vous renvoyons ici à la Loi sur les services à l'enfance et à la famille de la Nouvelle-Écosse. C'est un autre article—c'est l'article 30 ou quelque chose comme ça, je n'en suis pas sûre—qui permet au tribunal de la famille d'obliger le conjoint violent à quitter le foyer. Cette disposition n'a pas été invoquée souvent jusqu'à présent, et il y a plusieurs raisons à cela. Souvent, même quand la femme peut obliger le conjoint violent à quitter le foyer, à court terme du moins, elle se sent plus en sécurité dans un refuge.
Mais vous avez parfaitement raison. Il n'est pas juste qu'on soit obligé de quitter son foyer et qu'on soit essentiellement privé de toutes ses possessions. La stabilité des enfants est dangereusement menacée.
Mme Sheila Finestone: La dernière question que j'aimerais vous poser a trait à la définition que vous donnez de l'intérêt supérieur de l'enfant. Depuis le jugement Abella de la Cour suprême relativement à l'affaire Gordon, on ne sait pas au juste ce qui constitue l'intérêt supérieur de l'enfant. À part le Conseil sur la condition féminine peut-être, votre organisme, avez-vous émis des lignes directrices ou avez-vous réfléchi à la définition qu'il conviendrait d'inclure dans un nouveau projet de loi?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Dans notre mémoire, nous disons ce qui constitue l'intérêt supérieur de l'enfant. Je vais jeter un coup d'oeil à notre mémoire.
Mme Sheila Finestone: Ce que je veux savoir, c'est si à votre avis cette définition est suffisamment souple pour ne pas tenir compte des pourcentages, et je veux savoir si le juge dispose d'une marge de manoeuvre suffisante dans chaque cas?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Eh bien, en deux mots, je suis d'avis que lorsqu'il s'agit de l'intérêt supérieur de l'enfant, il faut une certaine souplesse. Je ne crois pas que l'on puisse intégrer dans la Loi sur le divorce ou toute autre loi...
Mme Sheila Finestone: Aucune ligne directrice?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: S'il y a violence au foyer, je crois que les lignes directrices que la clinique d'aide juridique de Dalhousie et Reierson Sealey ont proposées ce matin seraient de bonnes lignes directrices pour le tribunal, et pour ce qui est de savoir si on peut ériger cela en loi... On a dit ce matin que 80 p. 100 des cas se règlent dans les faits, et les gens arrivent en fait à s'entendre, et il y a conflit dans 20 ou 10 p. 100 des cas. Je pense que chaque situation familiale est unique, chaque situation familiale est différente. Dans une relation familiale, la dynamique est toujours unique, et j'hésiterais vivement à intégrer dans la Loi sur le divorce des lignes directrices très fermes. Je pense qu'il doit y avoir un processus et non une loi qui permette aux magistrats de déterminer l'intérêt supérieur de l'enfant au cas par cas.
Mme Sheila Finestone: En votre qualité de membre du Conseil consultatif de Nouvelle-Écosse sur la condition féminine, vous êtes ici—j'ai remarqué cela—et vous avez entendu dire que (a) on n'a pas confiance dans les juges.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Oui, j'ai entendu cela.
Mme Sheila Finestone: Vous avez entendu dire aussi qu'on n'a pas confiance dans la Société d'aide à l'enfance.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Oui, j'ai entendu cela.
Mme Sheila Finestone: Vous avez maintenant entendu parler de la nouvelle loi qui oblige les femmes avec enfants à quitter les relations de violence.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: C'est le conseil qu'on donne depuis environ huit ans, oui.
Mme Sheila Finestone: Est-ce qu'on a sollicité votre avis dans tous ces cas? Quel rôle joue votre conseil consultatif par rapport au gouvernement?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Pour ce qui est de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille, je crois qu'elle a été adoptée en 1990 ou 1991. Étant donné que je ne siégeais pas au Conseil à l'époque, je ne peux pas vous dire dans quelle mesure nous avons été consultés. Chose certaine, nous allons maintenant avoir une forte... On a tenu compte de notre mémoire pour ce qui est de l'enfant et de la garde. Nous conseillons en effet le gouvernement sur ces questions. Nous parlons en effet avec des femmes qui ont des difficultés quotidiennes relativement à la garde et au droit de visite, des femmes qui ont perdu la garde de leurs enfants. Nous avons discuté avec le ministère de la Justice de questions relatives à la médiation familiale. Nous examinons des questions concernant... Chose certaine, en ma qualité de professeur de droit à l'Université Dalhousie, je m'intéresse aux questions relatives au bien-être de l'enfant et j'ai collaboré avec la Commission royale sur les peuples autochtones dans ces dossiers. Ces dossiers ont été rendus publics. Et le Conseil consultatif collabore avec des femmes qui ont perdu la garde de leurs enfants.
Mme Sheila Finestone: FPT.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Pardon?
Mme Sheila Finestone: Fédéral-provincial-territorial.
Ai-je le temps de poser...
Mme Patricia Doyle-Bedwell: La façon dont notre Conseil est structuré...
Mme Sheila Finestone: Excusez-moi.
Monsieur le président, si je pose cette question, c'est parce que nous voulons des lignes directrices nationales, des normes nationales. Les conseils du Canada—et chaque province en a un—ont un rôle très important à jouer lorsqu'ils rencontrent les ministres. Je tiens absolument à savoir s'ils peuvent aider les ministres à établir des lignes directrices nationales.
Je veux savoir si l'on vous pose ces questions et si vous en discutez aux réunions fédérales-provinciales-territoriales.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Oui, nous discutons de ces questions mais pas au niveau fédéral-provincial-territorial. Les conseils consultatifs ne participent pas à ces délibérations.
Mme Sheila Finestone: Je sais, mais on vous consulte pour les réunions fédérales-provinciales-territoriales.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Nous conseillons le ministre sur des questions qui concernent les femmes, mais nous avons... et il n'y a pas non plus de conseil consultatif dansa chaque province. L'une des choses que font les conseils consultatifs sur la condition féminine, c'est-à-dire dans chaque province où il y a encore un conseil consultatif, c'est que nous nous réunissons en juin pour discuter de ces mêmes questions. Nous avons habituellement une rencontre par année.
Nous avons demandé à participer aux réunions fédérales-provinciales-territoriales, mais cette permission ne nous a pas été accordée. Le Conseil de Nouvelle-Écosse—qui est une instance quelque peu indépendance; nous constituons un organisme gouvernemental, mais il y a une présidente à la tête du conseil, moi-même, ainsi qu'une directrice administrative, et celle-ci travaille dans le cadre du processus fédéral-provincial-territorial. Mon travail se limite surtout au Conseil. Il y a huit femmes au Conseil qui pilotent des dossiers, et nous travaillons avec les femmes dans nos secteurs respectifs. C'est essentiellement ce que nous faisons.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord. Merci.
Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Toutes mes excuses pour mon retard.
J'ai lu le résumé de votre mémoire et je serai bref dans mes questions étant donné que nous manquons de temps.
Tout d'abord, ayant lu cela—et vous en avez peut-être déjà parlé—pour ce qui concerne la présomption relative au premier pourvoyeur de soins dans la Loi sur le divorce, vous dites que cette présomption devrait appartenir aux tribunaux. Vous dites que le tribunal doit motiver clairement son jugement s'il décide de ne pas exercer...
Mme Patricia Doyle-Bedwell: De ne pas faire cela, oui.
M. Peter Mancini: ...une préférence pour la mère. Est-ce bien ce que vous dites à la page 1?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Oui.
M. Peter Mancini: Il y a une présomption relativement au premier pourvoyeur de soins, mais l'on présume aussi que ce premier pourvoyeur de soins est la mère.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: L'une des choses que nous avons découvertes au cours de notre recherche, c'est que la plupart des femmes ont encore la double obligation de travailler et de s'occuper aussi du foyer, des enfants, ce genre de choses. On en a parlé plus tôt, on a dit que certaines de ces choses changent. Peut-être qu'un jour le premier pourvoyeur de soins désignera le père, qui reste à la maison pour s'occuper de ses enfants pendant que la femme va travailler, et l'on voit déjà des exemples limités de ce genre de choses. Mais à l'heure actuelle, c'est essentiellement la femme qui assume cette double obligation et qui a la responsabilité de l'enfant. C'est la raison pour laquelle nous aimerions que... particulièrement pour établir un contexte de stabilité et d'intimité pour les enfants qui vivent une transition familiale traumatisante, je crois qu'il est dans l'intérêt supérieur des enfants de rester au foyer avec la personne qui s'occupe d'eux.
M. Peter Mancini: Je veux seulement qu'on soit clair: vous dites que la loi devrait clairement indiquer une préférence pour la mère.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: C'est au tribunal de décider. Je ne crois pas que l'on puisse mentionner cette préférence dans la loi parce que tout dépend de chaque situation familiale.
M. Peter Mancini: D'accord. Je voulais que cela soit clair.
Deuxièmement, pour ce qui est de vos recommandations relatives à l'accès à l'aide juridique, je les trouve particulièrement intéressantes étant donné que j'ai connu ce système. Vous dites que l'aide juridique doit être accordée... Les personnes ici présentes doivent savoir qu'à cause des compressions à l'aide juridique dans cette province, certains bureaux n'acceptent plus de cas de divorce.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Certains bureaux, c'est exact.
M. Peter Mancini: Vous dites que l'aide juridique doit être accordée aux deux parties. Quand vous dites qu'il faut hausser le seuil, j'imagine que vous voulez dire que les deux parties...
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Les deux parties doivent avoir accès à l'aide juridique. Même s'il ne s'agit pas de l'Aide juridique de la Nouvelle-Écosse, il devrait y avoir une disposition en ce sens. Nous avons travaillé avec une femme cette année qui a perdu la garde de ses enfants parce qu'elle ne pouvait pas obtenir d'aide juridique. On lui a coupé l'aide juridique parce que la bataille avait été longue et ardue. Plusieurs problèmes se posaient dans ce cas-ci, mais l'une des choses que nous avons constatées, c'est que l'aide juridique de la Nouvelle-Écosse n'émet plus autant de certificats d'aide juridique. Nous voudrions donc que les deux parties soient bien représentées.
Je tiens à faire savoir au comité que nous avons beaucoup de chance à Halifax parce que nous disposons de l'aide juridique de la Nouvelle-Écosse ainsi que de la clinique d'aide juridique de l'Université Dalhousie. Il y a parfois des conflits où les deux parties ne peuvent recevoir l'aide juridique provinciale, donc l'une d'elles s'adresse à la clinique d'aide juridique de l'Université Dalhousie. Les femmes aboutissent parfois à la clinique d'aide juridique de l'Université Dalhousie et les hommes aboutissent à l'aide juridique de la Nouvelle-Écosse.
Mais quand vous êtes dans une localité rurale, au Cap-Breton, par exemple, il n'y a pas un autre service d'aide juridique. L'une des choses que nous avons constatées dans notre travail avec des femmes relativement à la garde d'enfants et à la violence familiale, c'est que les femmes ont souvent beaucoup de mal à obtenir un certificat d'aide juridique prolongée et ce genre de choses parce que le taux de rémunération est faible, j'imagine, comparativement à celui de la pratique privée. Je n'ai jamais exercé le droit, mais j'imagine que le taux est assez faible. Il arrive que ces avocats ne puissent pas faire autant de travail qu'ils veulent. Ils ne peuvent pas obtenir de témoins experts, par exemple, parce qu'ils sont obligés de les payer, ce genre de choses.
Nous aimerions donc que les deux parties aient accès à une protection juridique suffisante.
M. Peter Mancini: D'accord. Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'aimerais obtenir quelques clarifications. L'une d'elle m'a été adressée.
Madame Barrett, vous dites que vous avez 110 femmes dans votre...
Mme Lyn Barrett: Nous avons reçu 110 nouvelles clientes au cours de la dernière année, ce qui est à peu près notre moyenne. Nous avons 1 200 clientes en tout.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Des 110 qui sont allées chez vous—je vais vous poser la question inverse—combien n'étaient pas mariées ou vivaient en union libre?
Mme Lyn Barrett: Quelle est la proportion de femmes vivant en union libre ou mariées? De ces femmes avec enfants—entre 75 et 79 p. 100 de nos clientes ont des enfants mineurs—il y a probablement un mélange assez égal de femmes mariées ou vivant en union libre.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. J'ai une dernière question pour le professeur Doyle-Bedwell. Vous avez soulevé toute la question—je trouve cela fascinant—de savoir comment les enquêtes doivent être menées à terme lorsqu'on allègue qu'il y a eu mauvais traitements.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Oui.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis au courant d'un cas actuel, ici même à Halifax, où une personne a fait l'objet d'une enquête de deux ans et demi à laquelle ont pris part 21 travailleurs sociaux. Aucune accusation n'a été portée. D'ailleurs, cette personne n'a jamais été interrogée par quiconque, quoique ses amis et voisins l'ont été. Au bout de deux ans et demi, à quel moment ferme-t-on le dossier dans un cas pareil?
Deuxièmement, vous êtes professeur de droit. On nous dit qu'on fait des allégations, qui sont vraies dans certains cas et fausses dans d'autres. Cela colore, si vous me passez l'expression, les procédures au tribunal. À qui incombe le fardeau de la preuve lorsqu'on allègue qu'il y a mauvais traitements? Est-ce qu'on se base sur la condamnation au tribunal, les soupçons d'un travailleur social, ou simplement l'existence des allégations? En votre qualité de professeur, vous pouvez peut-être nous dire quel degré de preuve on devrait exiger dans un tribunal de divorce.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Il s'agit d'une procédure civile, on tient donc compte de la prépondérance des probabilités, et il y a sûrement un degré de preuve. Si vous avez des travailleurs sociaux qui sont mandatés par la loi, ceux-ci doivent faire enquête. Il existe des dispositions dans la Loi sur les services à l'enfance et à la famille qui prévoient des peines si l'on ne signale pas un cas de mauvais traitements faits à un enfant.
• 1315
Mais je suis un peu perdue parce qu'on parle d'allégations
d'agression sexuelle perpétrée sur un enfant et d'allégations de
mauvais traitements. Parlez-vous de...
Mme Sheila Finestone: D'allégations fausses.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Il s'agit seulement de fausses allégations, un point, c'est tout, qu'il s'agisse des enfants ou du conjoint.
Ayant travaillé avec des femmes qui ont été maltraitées et ayant travaillé dans des maisons de transition et avec des enfants, dans le seul cas que j'ai vu où il y avait eu de fausses allégations relativement à une agression sexuelle, la femme a été accusée de méfait.
Donc disons que vous portez de fausses allégations. Si vous faites ça et qu'il n'y a aucune preuve, vous pouvez être accusé de méfait en vertu du Code criminel, parce que cela s'est vu.
Pour ce qui est de fermer les dossiers, il faudrait que je sache quelle preuve on a avancée pour dire que tel enfant ou telle femme a subi de mauvais traitements ou autre chose.
Pour ce qui est de la preuve en matière de violence familiale ou d'agression perpétrée par un conjoint, nous sommes habitués à voir entre autres choses divers degrés de mauvais traitements. Nous savons qu'il y a de mauvais traitements à caractère émotif, psychologique et physique. Nous avons vu des cas où la preuve médicale du mauvais traitement était forte. Autrement dit, il y avait des bras et des jambes cassés, ce genre de choses.
Ce qui est plus difficile à prouver, ce sont les mauvais traitements à caractère émotif et la dynamique au sein d'une relation. La dynamique du pouvoir est parfois tel que l'homme n'est pas obligé de frapper sa femme. Tout ce qu'il a à faire, c'est dire que si elle le met en colère, il pourrait la frapper. C'est ce genre de mauvais traitements qu'il est beaucoup plus difficile à prouver. Je pense qu'il y a divers endroits où l'on peut trouver des éléments de preuve, qu'il s'agisse des hôpitaux ou des maisons de transition.
La situation que vous décrivez, où 21 travailleurs sociaux sont intervenus, me surprend. Cette personne devrait retenir les services d'un avocat. Je ne sais pas. Je pense qu'il faut fermer le dossier à un moment quelconque, oui, mais je pense que nous devons être prudents.
Enfin, ce que je tiens à dire à ce sujet, c'est qu'il est parfois très difficile de prouver qu'il y a eu mauvais traitement, et les gens ne peuvent en parler que lorsqu'ils se sentent en sécurité. Parfois ils ne se sentent pas suffisamment en sécurité pour en parler. Parfois c'est difficile à prouver devant le tribunal, surtout au niveau criminel, où il faut une preuve qui dépasse le doute raisonnable; au tribunal de divorce, il n'est pas question de prépondérance des probabilités.
Je crois donc que toute forme de mauvais traitements relève du Code criminel en Nouvelle-Écosse. Nous avons l'initiative de prévention de la violence familiale qui est assortie d'une politique favorable aux arrestations et aux poursuites. Je pense que les normes applicables aux personnes accusées aux termes de la Charte doivent s'appliquer aux principes de justice naturelle que mentionne l'article 7. Je pense que ces normes doivent s'appliquer.
Nous devons peut-être resserrer les choses. S'il y a des gens, d'après ce que vous me dites, qui sont interviewés sans cesse pendant deux ans et demi, je crois que les principes de la justice naturelle doivent s'appliquer dans de tels cas.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous dites donc qu'ils devraient adresser une requête quelconque pour...
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Si vous êtes faussement accusé et qu'on n'avance aucune preuve significative pendant deux ans et demi, vous allez commencer à vous poser des questions.
Rappelez-vous que les critères de la preuve dans les cas de mauvais traitements ne sont parfois pas aussi rigides qu'on voudrait. C'est très facile si on a devant soi un bras cassé ou une fracture du crâne ou d'autres situations qu'on a vues. C'est beaucoup plus difficile s'il s'agit de violence psychologique où ne l'on verra pas les mêmes choses. Vous allez voir la même dynamique, mais vous ne verrez pas la même preuve extérieure.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je dois vous dire que dans ce cas particulier, la personne a retenu les services d'un avocat. Il a dépensé plus de 50 000 $ et il est au bord de la faillite.
J'ai une dernière question, si le comité m'en donne la permission. Je n'en poserai plus après cette semaine.
En votre qualité de professeur de droit qui s'intéresse à ce domaine, pouvez-vous nous dire la différence qu'il y a entre une fausse accusation de violence et une allégation de violence non prouvée?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Je ne veux pas aller trop loin ici. Pour ce qui est des allégations non prouvées, comme je l'ai dit, on parle de preuve. Si vous parlez de violence familiale et d'une situation entre conjoints, je n'ai vu qu'un seul cas où l'on a prouvé que l'allégation d'agression sexuelle était fausse. D'autres personnes ont pu présenter des preuves. Il y a parfois des situations où l'on s'adresse au tribunal et où l'on ne respecte pas le critère pénal du doute raisonnable, donc la personne est innocentée. Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a rien fait. Cela veut seulement dire qu'on n'a pas respecté le critère de preuve.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi. J'aurais dû poser ma question dans le contexte de la Société d'aide à l'enfance, qui utilise «non fondée» et «non prouvée».
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Ah, «non fondée» et «non prouvée». Pour ce qui est de la Société d'aide à l'enfance, voici l'expérience que j'ai vécue. J'ai vu des cas où les enfants avaient subi des agressions sexuelles, et l'on refusait d'engager des poursuites au criminel sans une preuve judiciaire solide parce que c'est le genre de chose qu'il ne faut pas prendre à la légère. Il ne faut pas prendre à la légère non plus le fait que des enfants ont été agressés sexuellement. J'ai vu des cas où l'on avait retiré les enfants d'un foyer, on les avait mis dans un foyer d'accueil, et ils avaient été agressés sexuellement dans le foyer d'accueil, et l'on n'avait pas assez de preuves judiciaires pour intenter des poursuites au criminel, mais on savait que l'enfant avait été agressé sexuellement, parce qu'il y avait une preuve suffisante, mais pas pour intenter des poursuites au criminel. Ce problème-là se pose.
On ne peut pas dire à un enfant, seulement parce qu'on n'a pas assez de preuves: «Eh bien, on ne va pas croire que tu as été agressé sexuellement.» Et il appartient à la Société d'aide à l'enfance de faire enquête; la loi l'y oblige. Nous devons nous assurer que nos enfants sont protégés en tout temps. C'est ce que dit la Loi sur les services à l'enfance et à la famille.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Allez-y.
Mme Mary De Wolfe: Je veux seulement savoir si Ginger peut dire quelque chose. Il lui a fallu tout son courage pour venir ici aujourd'hui, et elle aimerait dire quelques mots.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très brièvement, s'il vous plaît.
Mme Ginger MacPhee (Chrysalis House Association): Je veux seulement dire, après toutes les questions que vous avez posées, que tout d'abord, c'est très difficile de quitter une relation de violence. Il y a un an, je quittais mon conjoint, qui était violent, et c'était en fait plus facile de vivre dans cette situation que de faire affaire avec ce système.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): La sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Monsieur le président, j'aimerais reprendre votre question. La témoin vous a dit qu'elle avait 110—110—nouvelles clientes, des femmes. Vous lui avez demandé combien d'entre elles vivaient en union libre, et je crois qu'elle vous a dit que c'était à peu près 50-50.
Des 50 p. 100 qui étaient mariées, combien ont entamé des procédures de divorce? Avez-vous un chiffre?
Mme Lyn Barrett: Je ne peux pas vous répondre parce que nos contacts avec nos clientes ne sont habituellement pas assez longs pour savoir quelle est l'issue des procédures de divorce. Je sais que moins d'un quart demandent en fait le divorce ou entament des procédures lorsqu'elles reçoivent notre aide.
La sénatrice Anne Cools: Moins d'un quart des 50 p. 100?
Mme Lyn Barrett: Oui. Beaucoup moins d'un quart.
La sénatrice Anne Cools: Moins d'un quart des 50 p. 100 demandent en fait le divorce.
Mme Lyn Barrett: Au moment où elles sont chez nous, elles viennent tout juste de quitter leur conjoint violent. À ce moment-là, elles doivent attendre un an pour obtenir un divorce sans tort, donc c'est au moins un an, et souvent il faut attendre deux ou trois ans pour que la situation entre les conjoints soit suffisamment claire, pour que chacun soit à l'aise, et pour que la femme se sente suffisamment en sécurité pour entamer des procédures de divorce.
Souvent elles reviennent chez nous. Souvent, elles entament des procédures de divorce dans les cinq années qui suivent. Mais il y a généralement escalade des mauvais traitements à ce moment, et c'est une chose que savent la plupart des femmes qui ont subi des mauvais traitements: dès qu'on prend des mesures officielles pour mettre un terme à la relation, le risque augmente. Donc, souvent, elles ne font rien avant qu'une nouvelle personne n'entre dans leur vie, et presque inévitablement, c'est à ce moment que commencent les procédures de divorce—elles ont rencontré quelqu'un, elles vont peut-être avoir des enfants, et elles veulent recommencer leur vie.
Mais c'est une période très dangereuse. Habituellement, ce n'est pas au cours des deux premières années suivant la séparation qu'on envisage une rupture définitive, parce que c'est souvent trop dangereux.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci à tous d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Mesdames et messieurs, nous allons maintenant entendre trois témoins à titre personnel.
Je tiens à remercier vivement le dernier groupe de témoins et Mme Ginger MacPhee qui nous a fait part de son témoignage. Tout ce que nous entendons nous enrichit. J'aurais aimé l'entendre plus longuement.
Nous recevons maintenant MM. Keith Mattison, Alan Vokey et Paul Parks.
Monsieur Mattison, auriez-vous l'obligeance de commencer?
M. Keith Mattison (témoignage à titre personnel): Donc mes cinq minutes commencent maintenant?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Non, nous recommençons à neuf, les trois disposent donc d'une demi-heure.
M. Keith Mattison: Nous pouvons faire quelques remarques?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui.
M. Keith Mattison: Merveilleux.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Mais vous n'avez que cinq minutes. Lorsque vos cinq minutes seront écoulées, je...
M. Keith Mattison: D'accord.
Je m'appelle Keith Mattison et je suis travailleur social. Je suis travailleur social depuis 19 ans et, depuis 14 ans, je dispense des services externes en matière de toxicomanie, surtout dans des régions rurales où je suis le seul praticien. Mais je ne suis pas ici pour vous parler de ma vie professionnelle. Je suis ici pour parler de fausses allégations et de l'aliénation parentale telle que je les ai vécues.
J'ai été parent non gardien toute ma vie—plutôt, depuis 1981, année où ma femme, qui ne savait pas encore qu'elle était enceinte de six semaines, m'a quitté, avec ma fille aînée.
Voici ce qui m'est arrivé. On m'a accordé un droit de visite raisonnable. Pendant dix ans, j'ai eu le droit de visiter mes filles régulièrement, j'ai participé à leur éducation et notre relation a évolué.
Soit dit en passant, ces visites se faisaient surtout à mon foyer ancestral. Je dis bien «foyer ancestral» parce que c'était la maison de mon arrière-arrière-grand-père. D'une génération à l'autre, notre famille élargie s'est souvent réunie. Cela plaisait bien à mes enfants. Je me souviens qu'un jour, mon petit cousin est arrivé avec sa petite fille, soit leur cousine au cinquième degré. Il y avait ce jour-là une foire où nous l'avons amenée et où nous nous sommes tous bien amusés.
Je crois que c'est la jalousie qui a donné lieu à de fausses allégations et qui, au bout du compte, ont mené à la révocation de mon droit de visite. Voilà maintenant six ans que j'ai perdu mon droit de visite.
Dans mon cas, on a fait deux fausses allégations. On a d'abord allégué que je m'étais rendu coupable d'ingérence sexuelle. Étant moi-même partisan de la tolérance zéro, j'ai tenu à ce qu'on fasse toute la vérité sur cette affaire et l'accusation a été rejetée.
Peu de temps après, peu de temps après que j'ai repris les démarches pour obtenir un droit de visite, l'autre famille a disparu. J'ai depuis appris qu'ils étaient allés au Texas, au Manitoba et ailleurs. Lorsqu'ils sont revenus, il y a eu une nouvelle allégation sans fondement. Cette fois-ci, on m'accusait de harcèlement criminel. J'ai le privilège douteux d'avoir été le premier, en Nouvelle-Écosse, à se faire accuser de harcèlement criminel.
Ce qui est étrange dans tout cela, c'est qu'on a suspendu la cause sur la garde et le droit de visite tant qu'un tribunal pénal n'eût pas réglé la première allégation. Quant à la deuxième allégation criminelle, elle est restée en suspens jusqu'à ce que la cause sur la garde et le droit de visite ait été réglée pour ensuite être rejetée. Pendant ces deux années, mes enfants se sont éloignés de moi et de ma famille, leur famille élargie.
Je tiens à souligner que, bien qu'on traite ici de la Loi sur le divorce et qu'on croit souvent que notre divorce a été très litigieux, cela n'a pas été le cas. Il s'agissait plutôt d'un conflit sur le droit de visite. Or, lorsqu'on perd le droit de visite, on n'a plus rien.
• 1340
Voilà essentiellement ce que je voulais vous dire. Je tiens à
vous dire que je vous suis très reconnaissant et que j'ai repris un
peu la maîtrise de moi-même lorsque j'ai appris, jeudi dernier, que
je témoignerais devant votre comité. Ça m'a fait chaud au coeur et
je vous remercie de m'avoir invité à comparaître; ma tragédie
familiale servira peut-être à en prévenir d'autres.
J'ai travaillé tout le week-end à la préparation de cette bande où je tente de comprimer quinze ans de ma vie en trois minutes. Je peux vous dire que c'est impossible. La bande dure cinq minutes. Si vous avez l'occasion de la visionner, vous serez témoin de la destruction de la famille d'un parent non gardien, mais c'est très subtil. Vous devez regarder attentivement. J'ai aussi rédigé une transcription de la bande.
Il ne me reste probablement pas de temps. Je ne sais pas à quelle heure j'ai commencé.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Il vous reste une minute.
M. Keith Mattison: Une minute? Je ne pourrai pas aborder mes recommandations?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Faites-le dès maintenant.
M. Keith Mattison: Je vais commencer par la dernière. Essentiellement, le problème des fausses allégations de mauvais traitements infligés aux enfants dans les cas de conflits sur la garde et le droit de visite est étudié depuis 12 ans. Certains estiment que les allégations sont sans fondement dans 65 p. 100 des cas.
On a établi des profils et des méthodes de détection des agresseurs en puissance. On a examiné les motifs qui poussent les gens à faire des allégations, vraies ou fausses; certains le font pour mettre fin à un abus de pouvoir et de contrôle, d'autres pour exercer leur pouvoir et leur contrôle sur un autre.
Le plus troublant, c'est que l'auteur des allégations est peut-être conscient du prix, mais dans l'aliénation parentale qui s'en suit, l'enfant assume inconsciemment tout le poids de ces allégations. Ainsi, l'allégation sans fondement cause de la violence alors qu'elle est censée la dénoncer—un cas classique de double contrainte, quel que soit le résultat.
Je passe maintenant à mes recommandations. Bien qu'il existe de bonnes interventions sociales, elles doivent s'appuyer sur une infrastructure fonctionnelle et ne sont peut-être pas disponibles dans les localités rurales. L'éducation est la clé et elle doit être assurée, mais elle dépend en grande partie de la motivation du praticien et de la validité du matériel. Il faut examiner les principes fondamentaux pour s'assurer que le tribunal de la famille les applique et veille à un arbitrage équilibré rapide des conflits.
On a parlé de la terminologie, de la perception et des motifs possibles. Que la terminologie soit modifiée ou non, les principes restent les mêmes. Le terme «garde» même comporte des notions de pouvoir et de contrôle. Comment pouvons-nous, en supprimant le préjugé qui peut mener à la violence, décider qu'une personne devrait exercer son pouvoir et son contrôle sur une autre, surtout lorsqu'il s'agit des plus vulnérables de notre société, les enfants?
Nous pourrions usurper le pouvoir de la garde en la supprimant. Le concept devrait être retravaillé ou éliminé, au moins des lieux du conflit. Si c'est un fait accompli, que la structure serve à protéger les intérêts de l'enfant. Il faut retirer les enfants de ce qui est en grande partie un conflit entre adultes. Il faut reconnaître que les visites entre parent et enfant constitue une partie distincte de la dissolution du contrat de mariage ou de partenariat. Les enfants ne sont plus du bétail ou des possessions servant au gain personnel. Les enfants ont des droits intrinsèques et précis prévus par la Convention de l'ONU. Si on s'assurait que les parents assument leur rôle, le débat accusatoire qui s'ensuit serait sans conséquence sauf pour déterminer les circonstances de chacun des parents.
Le tribunal de la famille devrait être plus unifié et on devrait y mettre l'accent sur les responsabilités et la responsabilisation des parents, en harmonie avec les autres tribunaux. Il faudrait établir des normes de jurisprudence—par exemple, pour le fardeau de la preuve. La tolérance zéro signifie une application efficace de la loi. Au tribunal pénal, cela fonctionne bien, mais le tribunal de la famille ne peut supporter la pression additionnelle. Il n'a pas su s'adapter et se fonde toujours sur le poids des probabilités lorsqu'il y a enquête ou accusation. Il ne sait pas freiner la poussée des allégations sans fondement. Il faut éliminer le concept selon lequel les actes criminels s'arrêtent pendant un conflit entre conjoints et doivent être jugés en fonction de critères distincts; de même, le fait de faire des allégations sans fondement devrait constituer un méfait et faire l'objet d'accusation en conséquence.
On devrait envisager de changer les principes fondamentaux et les fondements désuets; il faudra du temps pour apporter ces changements de concert avec les autres intéressés.
Mes recommandations les plus pressantes sont les suivantes:
1), appliquer efficacement la règle de droit en mettant surtout l'accent sur la preuve;
2), restructurer les paramètres des conflits, de sorte que les conflits entre adultes et les conflits sur les droits de visite soient distincts;
3), protéger les innocents contre les allégations sans fondement; et
4), donner au tribunal de la famille une fonction unique exercée de concert avec les autres tribunaux, et insister sur la rapidité.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice landon Pearson): Merci beaucoup.
Monsieur Vokey.
Mme Sheila Finestone: Ce témoin a-t-il déposé un mémoire?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): M. Mattison vient de nous remettre son mémoire. Il est trop long pour qu'on puisse le photocopier dès maintenant, mais vous en recevrez un exemplaire.
Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup.
M. Keith Mattison: Je vous ai remis un mémoire ainsi qu'une bande, la transcription et des copies des acétates que je voulais présenter.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous examinerons tous ces documents, ne vous inquiétez pas. Le fait que nous devions limiter votre temps de parole ne signifie pas que nous ne vous accorderons qu'une attention limitée.
Monsieur Vokey.
M. Alan Vokey (témoignage à titre personnel): On a communiqué avec moi jeudi dernier et je ne savais pas trop quel serait le format de votre réunion. J'ai rédigé un texte que j'aimerais vous lire. J'ai décrit ce qui m'est arrivé ces deux ou trois dernières années.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pouvez-vous le lire en cinq minutes?
M. Alan Vokey: Oui.
La coprésidente: (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
M. Alan Vokey: D'abord, je tiens à vous remercier tous de m'avoir permis de témoigner devant votre comité aujourd'hui. Je suis un père dont la vie a basculé par suite de la calamité qu'est la séparation des familles. Je vous souhaite bonne chance dans vos travaux en vue de prévenir ces catastrophes.
Je ne peux, en cinq minutes, vous décrire mon expérience en détail. Je peux vous dire que toute ma vie s'est effondrée après deux ans de torture et de chaos provoqués par des questions de garde et de droit de visite. Je peux vous dire que, dans mon cas, il y a eu de la haine, de la vengeance et qu'on m'a dénié mon droit de visite et mon droit d'être père. Je peux vous dire qu'on a lavé le cerveau de mes enfants et qu'on les a manipulés, eux et le système judiciaire.
Je peux vous dire aussi que j'ai mené une lutte difficile, la lutte infructueuse que mènent tous les pères contre le système judiciaire biaisé qu'est celui du tribunal de la famille.
Il y a deux ans, par suite de la guerre qui a fait rage dans ma famille pour la garde et le droit de visite des enfants, j'ai tout perdu. Ma nouvelle maison, ma voiture, mes biens, mon excellente cote de crédit et une carrière solide en publicité, que j'avais mise quinze ans à édifier, tout cela s'est effondré en trois mois. J'étais estropié émotivement et financièrement et j'avais perdu le goût de vivre. Estimant que mes enfants étaient devenus des soldats forcés de se battre dans cette guerre de vengeance menée par leur mère, j'ai compris que tant que je resterais disponible pour eux, leur vie ne changerait pas. J'ai donc abandonné.
J'étais alors sans emploi et sans abri. J'ai décidé d'apporter une dernière contribution à mes enfants, quelque chose qui me rappellerait à leur souvenir à l'avenir—excusez-moi, je suis un peu émotif. J'ai décidé que je parcourrais l'Amérique du Nord pour peindre des familles. Je léguerais ces peintures à mes enfants car, à cette étape de ma vie, je croyais que c'était tout ce que je pourrais leur donner, mon plus grand amour tel qu'il s'exprimerait dans mes oeuvres.
Je croyais que je m'enlèverais la vie ou que des étrangers le feraient, car je vivais à l'extérieur, dans une tente. Quoi qu'il en soit, je me disais que, une fois que l'objet de haine que j'étais devenu pour leur mère serait disparu, mes enfants, Megan et Sean, n'auraient plus à vivre cette guerre incessante qui empoisonnait nos vies quotidiennes.
Le 25 août 1996, j'ai amorcé mon voyage de peinture, de peinture de familles au désespoir, de familles jouant, de familles bien ensemble et de familles déchirées. Je voulais m'entretenir avec des avocats et des juges, des médiateurs et des ministres du culte, pour écrire un journal sur l'unité familiale dans notre société, afin qu'un jour, Megan et Sean puissent lire eux-mêmes ce que j'avais découvert et ainsi comprendre, peut-être, pourquoi certaines familles se retrouvent dans la même situation que la nôtre.
J'ai vécu dans ma tente, dans la forêt, dans des canyons et dans le désert, au bord des routes, pour pouvoir continuer à verser la pension alimentaire à mes enfants, ce que j'ai fait.
J'ai vendu des tableaux aux touristes en chemin pour amasser de l'argent pour manger, pour verser ma pension alimentaire et pour acheter le nécessaire. J'ai téléphoné à mes enfants toutes les semaines et communiqué avec eux par courrier électronique, et je leur ai envoyé des présents d'un peu partout en Amérique du Nord.
J'ai créé un site Web où j'ai décrit mes déplacements et où mes enfants peuvent suivre mon voyage et ce site Web est devenu un lien entre eux et moi qui m'a donné le courage de poursuivre, car ils étaient si fiers de ce que j'étais en voie d'accomplir.
J'ai accepté mon sort et j'ai alors pris la résolution de mener ce voyage à bien pour retrouver Megan et Sean un jour.
J'ai maintenant parcouru plus de 20 000 milles. J'ai traversé tout le continent nord américain. J'ai rencontré un nombre incalculable de gens, d'avocats, de médiateurs, de conseillers, de pasteurs, de ministres et, surtout, de pères, de mères et d'enfants ayant vécu un divorce ou une séparation.
J'ai créé plus de 200 oeuvres d'art pour mes enfants, qui ont toutes comme thème la famille. J'ai entendu des centaines d'histoires cauchemardesques de familles qui se sont séparées, d'affaires de garde et de droits de visite, et j'ai tout compilé dans un journal qui est sur mon site web et que tous peuvent lire.
Keith est l'un de ceux que j'ai rencontrés grâce à l'Internet. Mon site Web est devenu un lieu de rencontre pour des milliers de gens de partout dans le monde qui ont aussi connu la douleur et le traumatisme de la séparation d'une famille.
Mon voyage se terminera cet été; mes enfants et moi irons voir la tombe de mon père à Sidney en Nouvelle-Écosse. Je rentrerai alors en Ontario où, sans doute, je devrais de nouveau faire face à la colère et à la haine de mon ex-femme, où le cercle vicieux de la douleur recommencera.
Mon expérience et mes voyages dans les villes et les villages d'Amérique du Nord m'ont appris ceci: premièrement, les pères sont désavantagés dans notre système de tribunal de la famille.
Au Canada, selon les statistiques qui figurent dans un dépliant de 1994 du gouvernement de l'Ontario que j'ai trouvé dans une salle d'audience d'Oshawa, les mères ont la garde des enfants dans 96 p. 100 des cas lorsqu'il y a un litige portant sur la garde des enfants. Cette proportion est telle que, manifestement, on considère que les pères sont de moins bons parents dans presque tous les cas. C'est la terrible réalité à laquelle les pères doivent faire face, de l'Île de Baffin jusqu'aux Keys de la Floride.
• 1350
De tout ce que j'ai appris, le plus important, c'est que les
questions de garde et de droit de visite ne sont pas des questions
juridiques. Ce sont des symptômes d'un problème aux racines
beaucoup plus profondes qui attend les familles séparées: un
traumatisme émotif grave, la douleur des familles qui se séparent
et qui mènent, entre autres choses, à des litiges concernant la
garde et le droit de visite des enfants.
Si notre société veut aider les familles qui se séparent, si nous voulons réduire les coûts pour les tribunaux et la congestion des salles d'audience, nous devons trouver une façon de mettre de fin aux bouleversements émotifs que connaissent les familles avant qu'elles n'entrent dans la salle d'audience pour régler les questions juridiques qui ne sont que les symptômes de leur mal.
En terminant, aux noms de Megan et de Shawn et de tous les enfants qui connaissent la douleur d'une séparation familiale, je vous supplie de modifier le droit de la famille afin de forcer les adultes à régler les questions émotives avant de s'adresser à un avocat—c'est la seule recommandation que j'ai à vous faire—et je vous exhorte à reconnaître que les pères ne sont pas là que pour faire des chèques, qu'ils sont les victimes oubliées de la colère mal placée et du désir de vengeance des ex-partenaires et des tribunaux qui font l'autruche. Nous aimons nos enfants.
Merci.
Des voix: Bravo, bravo!
La coprésidente (sénateur Landon Pearson): Messieurs, c'est une tribune parlementaire, alors, il n'y a pas...
Monsieur Parks.
M. Paul Parks (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente. Pour commencer, j'aimerais remercier la présidente et les membres du comité d'avoir entrepris ces travaux et d'avoir assumé ce mandat de «évaluer la nécessité, dans le cas des politiques et des pratiques en droit de la famille, d'une approche davantage centrée sur les enfants». Pour ma part, je mettrais l'accent sur les responsabilités qui incombent aux deux parents.
J'espère qu'avec votre soutien, la norme de la responsabilité parentale comprendra l'octroi d'un temps égal pour permettre l'éducation par les deux parents après la séparation.
Je témoigne aujourd'hui avec beaucoup de réticence. Je ne le fais ni avec plaisir, ni avec fierté. Ce n'est pas non plus que je m'y sente obligé, un peu comme dans l'histoire de l'albatros que raconte le vieux marin. Je suis ici aujourd'hui pour défendre les droits de Paul et de Natalie, ainsi que des nombreux enfants que des ordonnances de tribunal draconiennes ont transformés en bétail. Ces enfants ont disparu. Ils ont disparu en raison de l'aliénation parentale ou par suite d'enlèvement auquel le système judiciaire a contribué. Auparavant, j'étais le principal dispensateur de soins dans mon foyer.
Nous sommes nos enfants. Nous sommes leur voix, leurs rires et leurs sourires. Nous sommes leurs étreintes.
Aucune ordonnance de tribunal ne pourra redonner leur enfance à Paul, à Natalie et à tous ces autres enfants. Aucune promesse ne peut sécher leurs larmes. Aucun montant d'argent ne peut combler leur besoin d'amour et de sécurité. Seuls leurs parents, les parents pleins d'amour et de compassion pour qui les enfants sont plus importants qu'eux-mêmes peuvent leur donner tout ça.
Nous, les parents et les aînés, avons été privilégiés. Nous avons probablement vécu comme enfants à une époque riche. Nous avons été élevés dans une famille où il y avait deux parents, des grands-parents, des tantes, des oncles et des cousins. Le monde nous semblait sûr et nos parents nous ont enseigné à être optimiste dans la vie. Il prévalait alors une idée noble de justice, de compassion pour l'humanité, de prospérité s'accompagnant toujours de moralité, d'une société bienveillante et d'un Dieu d'amour.
Pour mes enfants et les autres qui ont vécu la même chose qu'eux, ce monde où nous, les adultes, avons grandi ne se trouve plus que dans les livres d'histoire—comme ceux que mes enfants et moi lisions ensemble.
Les expériences familiales qu'ont connues Paul, Natalie et les autres les ont estropiés; c'est avec des béquilles qu'ils poursuivent leur chemin. Le monde dans lequel nous vivons n'est pas à nous; nous ne l'emporterons pas avec nous. Nous le léguons à nos enfants. Nous avons vu les cicatrices qu'a laissé l'industrialisation sur notre environnement, mais qu'en est-il des cicatrices que nous laissons sur notre culture? Est-ce que tout n'est plus que profit, efficience, carriérisme?
À titre de père de Paul et de Natalie, je dois aujourd'hui faire un choix. C'est à moi de faire ce choix parce que je ne peux tout simplement pas en parler aux deux personnes qui en seront le plus touchées.
C'est une chance qu'ont peu de gens, car je ne suis pas incarcéré, institutionnalisé ou sans abri. J'ai cette chance car je suis un père aimant et responsable qui a eu deux enfants qui lui sont très précieux, deux enfants qui ont eu au moins les soins d'un parent mais qui ont eu le malheur de venir au monde à une époque où on empêche les pères de protéger leurs enfants contre la violence.
Mon témoignage servira à décrire encore une histoire d'injustice—l'héritage de notre famille—ou servira à en empêcher d'autres à suivre la même voie. Ce qui me console un peu, c'est que je sais que, un jour, Paul et Natalie auront le droit de me voir seuls.
• 1355
Qu'en est-il des autres enfants dont les parents aimants ne
savent plus où ils sont? Est-ce justifié?
J'aimerais rappeler à chaque membre du comité que chacun de ces enfants disparus devra relever un défi, répondre à une question encore sans réponse et assumer une tâche avec réticence.
Êtes-vous prêts à prendre ma place lorsque ce jour viendra? Expliquerez-vous à ces enfants pourquoi une société qui se prétend amicale et bienveillante a décidé de les oublier? Comment leur expliquerez-vous qu'ils ne méritaient pas qu'on déploie des efforts pour les protéger? Comment contredirez-vous leurs croyances, leur redonnerez-vous l'amour qu'ils méritent, apaiserez-vous leurs craintes? Comment pourrez-vous regarder leurs yeux pleins de larmes et leur dire que «c'était dans l'intérêt des enfants»? Notre société n'a-t-elle pas prétendu que les pensionnats pour Autochtones étaient aussi «dans l'intérêt des enfants»?
Cela me fait mal. Cela me fait mal de savoir que Paul et Nathalie étaient fiers de leur père. Cela me fait mal de voir leur chambre vide, d'entendre un enfant pleurer ou de tenir un jouet dans ma main. Ils attendaient mon retour à la maison pour que nous puissions jouer ensemble. Cela leur fait mal aussi. Ils grandissent et disparaissent en raison d'une duperie, d'un bout de papier obtenu frauduleusement. Personne n'a même pris le temps de faire un appel dans l'intérêt de Paul et de Nathalie. Peut-être que personne n'a pris le temps de faire cet appel pour mes enfants parce qu'on craignait de devoir faire face à la vérité?
Cela me fait mal de me rappeler le regard qu'ils me lançaient lorsqu'ils avaient besoin de mon aide et de ma protection. Cela mÂa fait mal de me rappeler comme ils étaient fiers d'aider leur père et de s'entraider. Surtout, cela me fait mal de savoir que je n'ai pu les retirer de ce foyer violent où nous vivions, en dépit de mes efforts, peu importe vers qui je me suis tournée, peu importe tout l'amour que j'avais pour eux et eux pour moi.
On ne peut imposer la moralité par voie législative, mais les lois peuvent donner lieu à des actes infâmes. À la fin des années 60, les gouvernements du pays sont sortis des chambres des Canadiens. Il est temps pour le gouvernement de quitter aussi la salle familiale. Cessez de stéréotyper les hommes et de promouvoir l'idée selon laquelle vivre dans une famille monoparentale ne nuit pas aux enfants.
Le temps ne me permet pas de vous résumer mes nombreuses observations découlant de mes relations avec les organismes gouvernementaux et services professionnels du secteur du divorce dans mes tentatives pour garder ma famille intacte. J'aimerais quand même faire des remarques sur certaines idées fausses.
Dans tout litige familial, il y a deux parties. Les hommes n'ont pas le monopole des sévices, les femmes n'ont pas le monopole de la tendresse. Les enfants, en vieillissant, ne pourront pas tout simplement tourner la page. Les avocats, les médecins, les policiers, les travailleurs sociaux et les voisins ne disent pas la vérité si cela risque de les incriminer. Les épouses mentent. Autrement dit, ce qu'elles disent n'est pas nécessairement la vérité.
Nos lois atteignent rarement leurs objectifs. Je vous prie d'examiner attentivement les lois qui, en pratique, ne s'appliquent qu'à un sexe, telles que les dispositions sur le harcèlement criminel ou les changements proposés sur le meurtre par compassion, ou les changements proposés au Manitoba où on pourra rendre une injonction par téléphone. Ces lois sont destructrices pour nos familles et nos enfants. Je crains que si ces dispositions et les autres dispositions semblables avaient été en vigueur il y a cinq ans, je serais mort aujourd'hui. Je ne demande pas au gouvernement de céder son pouvoir de protéger ses citoyens—au contraire. Je demande à votre comité de faire savoir au gouvernement qu'il ne doit pas céder son pouvoir aux groupes d'intérêt qui voient à ce que les nouvelles lois ne s'appliquent qu'à un sexe et servent leurs fins égoïstes.
Il ne servira à rien pour le gouvernement fédéral d'adopter une loi sur l'égalité parentale si les provinces la diluent ou si, en pratique, on ne l'applique qu'en paroles, au mieux, ou on s'en sert à mauvais escient dans les décisions de réparations pécuniaires, au pire.
Ce n'est pas en modifiant les lois qu'on pourra le mieux aider les enfants et les familles, mais plutôt en faisant la promotion des valeurs, des responsabilités et de liens familiaux forts.
• 1400
J'encourage donc le comité à recommander au gouvernement qu'il
s'oppose à l'existence des familles monoparentales et aux groupes
de pression qui les appuient ou appuient les autres questions
relatives à un sexe. Votre comité devrait encourager les
gouvernements provinciaux du pays à faire leur part, comme ils
l'ont fait en matière de promotion sociale et de bilinguisme, pour
promouvoir les familles biparentales, qui comptent une mère et un
père.
Je tiens à appuyer le concept de la coparentalité. Cela ne signifie pas que le père doit copier la mère pour que les soins qu'il dispense soient reconnus par les tribunaux. Les pères peuvent être des pères sans avoir à faire concurrence aux mères. Dans le système actuel, où on ne reconnaît que le principal dispensateur de soins, encourage la concurrence entre les parents.
À moins que des inculpations criminelles fassent obstacle aux relations parents-enfants, on devrait toujours donner la priorité à la prise en charge des enfants par un parent, dans les deux domiciles. Même si un parent était reconnu coupable d'agression, j'estime qu'une séparation complète ou la privation de tout contact constitue un châtiment inhabituel infligé à la fois à l'innocent et au coupable. Il y a des exceptions, mais il convient de faire un effort pour maintenir au moins un contact écrit minimal.
Lorsque les allégations s'inscrivent dans une procédure de divorce, les autorités compétentes devraient en être saisies et une décision rendue par un tribunal criminel. Tout au long de la procédure, il convient que se poursuivent les visites sous surveillance et qu'on conserve des dossiers validés de toutes les entrevues.
Dans notre société, c'est au gouvernement qu'il incombe de maintenir un équilibre entre la protection et la liberté. Il est critique de respecter cet équilibre lorsque l'État intervient en s'imposant à la famille. Il doit y avoir une meilleure raison pour priver de contact un enfant et un parent que les craintes d'un travailleur social ou d'un juge pour leur carrière.
La nouvelle loi devrait exiger une meilleure reddition d comptes des services juridiques, communautaires et médicaux, tout en faisant en sorte que de carrières ne puissent plus être sacrifiées sur l'autel de l'orthodoxie politique et des stéréotypes.
En terminant, je voudrais simplement poser aux membres du comité la question suivante: que pouvons-nous faire pour nos enfants qui ont disparu? Que faire lorsque nos enfants nous reviennent après avoir été absents pendant très longtemps?
Personnellement, je saisis l'occasion qui m'est offerte de dire à Paul Junior et à Nathalie que leur père comprend leur peine et que malgré que tout ce qui a été dit ou fait, je les aime tous les deux.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup, monsieur Parks.
Je vous remercie tous les trois de votre témoignage.
Monsieur Mancini, en tant que député de l'endroit, voulez-vous poser la première question?
M. Peter Mancini: Bien sûr. J'ai une ou deux questions à poser.
J'interrogerai d'abord M. Vokey, qui nous a fait une recommandation. Je veux être sûr d'avoir bien compris. Dans la dernière partie de votre exposé, je crois vous avoir entendu dire qu'il faut régler tout le bagage émotionnel avant de parler de garde. Je suppose que cela signifie que vous êtes en faveur d'un processus quelconque de médiation ou de counselling obligatoire avant d'entreprendre les poursuites judiciaires.
M. Alan Vokey: Le cas de Paul est le parfait exemple de cela.
En cas de séparation, les mères souffrent et parce que ce sont elles qui contrôlent les enfants, cette souffrance prend la forme d'un désir de vengeance qui, à son tour, crée d'autres souffrances.
Lorsqu'une famille se sépare, c'est comme si une bombe explosait. Nous sommes tellement prêts de la détonation que nous ne pouvons y voir clair. Nous engageons des avocats qui essaient de remédier au problème devant un tribunal. Ils essaient de guérir un traumatisme émotif par la voie législative.
Ce qui devrait se passer, lorsqu'une famille éclate... il devrait être obligatoire de présenter à un tribunal une demande d'ordonnance de séparation. L'ordonnance en question serait uniquement accordée de façon provisoire, en attendant que les parties puissent accéder au counselling recommandé, qu'il s'agisse de trois, cinq ou dix séances. Les parties devraient avoir recours à un thérapeute spécialisé dans les cas de séparation familiale, un spécialiste qui connaît cette souffrance, qui sait comment l'identifier et l'apaiser. Les deux parties pourraient régler leur problème avant de se retrouver devant un avocat, avant d'avoir recours à un tribunal.
Car, à l'heure actuelle, ils finissent par recourir constamment au système. Mon odyssée a duré cinq ans. Mes enfants ont vécu ce drame pendant cinq ans. Ils ne s'en remettront jamais. Même maintenant qu'ils sont adolescents, je peux voir cette souffrance dans leurs yeux.
M. Peter Mancini: Votre deuxième argument ne débouchait pas sur une recommandation, mais je vais encore une fois supposer... dites-le-moi si je me trompe. Vous dites qu'à votre avis, les tribunaux sont biaisés. Recommanderiez-vous au comité que les juges appelés à trancher dans les cas de divorces reçoivent une formation particulière?
M. Alan Vokey: Une formation pour les avocats et les juges du tribunal de la famille? Absolument! Je vais vous relater une anecdote amusante qui viendra étoffer mon argument.
J'étais dans l'ascenseur, et j'allais à une audience pour la garde de mes enfants. Un employé du tribunal était dans l'ascenseur avec nous. Il parlait à un autre homme à qui il a dit en riant: «Vous savez qui gagne au tribunal de la famille, n'est-ce pas?» L'homme a répondu: «Non, je ne sais pas. Qui?» Et l'autre de répondre: «Les mères et les avocats, dans cet ordre.» Et c'est vrai.
M. Peter Mancini: Ma deuxième question s'adresse à M. Parks et je serai bref car je sais que nous sommes en retard.
Je veux m'assurer d'avoir bien compris. Vous avez dit que même lorsque les allégations de sévices ont été prouvées, les visites devraient continuer, sous une forme ou sous une autre. À votre avis, y a-t-il un moment où un parent perd son droit, à titre de parent, de...
M. Paul Parks: Oui. Si je dis cela, c'est parce que la personne qui aurait dû être inculpée de mauvais traitements était la mère des enfants.
M. Peter Mancini: D'accord, je comprends ce qui vous est arrivé à tous les deux, mais je préférerais que l'on ne parle pas de votre cas particulier. Ce que nous essayons de faire, c'est de trouver une façon de corriger la situation pour que les nombreuses personnes qui se retrouvent devant le tribunal ne vivent pas la même pas expérience.
Vous convenez donc avec moi que dans certains cas où...
M. Paul Parks: Chose certaine, il faut qu'un contact quelconque soit maintenu pour assurer la relation parent-enfant, quand c'est possible.
M. Peter Mancini: D'accord. Je n'ai plus d'autres questions. Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci. Y a-t-il un autre intervenant?
Monsieur Lowther voudra sans doute poser une question.
M. Eric Lowther: On vient de nous relater trois cas tragiques. Cela n'est peut-être pas la meilleure question à vous poser, mais vous avez connu le processus tel qu'il existe à l'heure actuelle, et il n'a pas donné de très bons résultats.
Il vous est sans doute arrivé de vous dire: «Si je pouvais revenir en arrière et recommencer...» Exception faite de l'union que vous avez choisie de contracter avec l'autre parent, par le biais du mariage ou autrement, y a-t-il quelque chose que vous auriez pu faire différemment au sein du système actuel qui aurait pu vous permettre de mieux vous en tirer?
M. Alan Vokey: J'aurais pu rester à la maison et régler tous les problèmes de façon légale avant de partir. Une fois que l'on quitte le domicile conjugal, on est ostracisé, non seulement par sa famille, mais par la société. Vous êtes un père qui vit en dehors du cercle. Je sais que vous voulez tous croire que ce n'est pas ainsi qu'on voit les choses au tribunal de la famille, mais c'est le cas. Un père n'aura pas le même accueil qu'une mère au tribunal de la famille.
Je connais un homme qui a été accusé d'agressions sexuelles et qui n'a pas vu ses enfants pendant deux ans et demi. Au bout du compte, les allégations ont été abandonnées faute de preuve. Il a obtenu de pouvoir rendre visite à sa fille, qu'il n'avait pas vue depuis deux ans et demi. Malheureusement, il a été incapable de nouer une relation normale avec elle car cette relation avait été détruite par le lavage de cerveau qu'elle avait subi pendant deux ans et demi. Toute la relation entre cet enfant et son père a disparu pour toujours.
Je connais un ministre baptiste de l'État de Washington qui a été accusé d'inconduite sexuelle. C'était un pasteur. Les documents du tribunal étaient sous scellés. Sa femme a fait du porte-à-porte dans la paroisse. Les paroissiens se sont réunis un samedi soir et l'ont chassé de la résidence pastorale parce qu'ils ne pouvaient courir le risque que les accusations soient fondées.
Tout tourne autour de la garde, du droit de visite et des allégations. Tout cela est issu d'un sentiment de colère, de peur et de souffrance. Si nous ne traitons pas ces émotions d'abord, à quoi sert-il de modifier la législation. Cela ne fera aucune différence. Bon, cela fera peut-être une différence, mais pas tellement.
M. Eric Lowther: Voulez-vous intervenir à ce sujet?
M. Keith Mattison: Oui, il y a quelqu'un assis ici.
Ce que je voulais dire au sujet de la question, c'est que d'être coupable ce n'est pas plus mal. En fait, un avocat auquel j'ai parlé a secoué la tête et m'a dit qu'il ne pouvait obtenir une ordonnance analogue à la mienne pour quelqu'un qui avait été reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement ses enfants. La réponse est donc la suivante: ne soyez pas innocent. Sur la plan des émotions, c'est la montagne russe, et je me considère chanceux d'en être sorti vivant.
• 1410
Au sujet... Je suis désolé, j'ai oublié votre question.
M. Eric Lowther: Si vous pouviez revenir en arrière...
M. Keith Mattison: Oui, il y a sans doute une chose que je ferais différemment. À un moment donné, j'ai eu connaissance d'un incident d'agression conjugale mettant en cause mon ex-femme et son mari et j'ai essayé pendant trois jours d'aider mes enfants à surmonter cela. La seule erreur que j'ai commise, c'est de leur permettre d'appeler leur mère. Cette dernière souhaitait qu'ils rentrent à la maison. J'aurais pu les amener à la Société d'aide à l'enfance, invoquer qu'ils vivaient dans un milieu violent et mes enfants vivraient avec moi aujourd'hui. Ce fut le seul incident.
M. Eric Lowther: Puis-je simplement...
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Un seul commentaire.
M. Eric Lowther: Pour faire suite à la question de M. Mancini, j'aimerais que nos trois témoins me disent clairement une chose. Si un parent est physiquement violent, cela devrait-il compromettre son droit de visite et sa participation à long terme à la vie de la famille?
M. Keith Mattison: Si un parent use de violence physique, on devrait porter contre lui des accusations criminelles. Tolérance zéro.
M. Eric Lowther: D'accord.
M. Alan Vokey: Non, je ne suis pas d'accord. Je pense qu'on devrait prévoir un type de visite quelconque, une visite sous surveillance.
M. Paul Parks: Oui, une visite assortie de conditions. Mais souvent, la violence réelle dans les familles est une violence émotive.
M. Eric Lowther: Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci.
Madame Finestone.
M. Keith Mattison: Il s'agit d'un problème d'aliénation parentale et cela se voit souvent dans les cas de traumatisme émotif transmis d'une génération à l'autre, comme toute autre forme de traumatisme émotif.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Madame Finestone, une brève question car nous sommes déjà en retard.
Mme Sheila Finestone: J'ai trouvé très difficile d'écouter vos témoignages. Vous n'avez pas eu la vie facile. J'aimerais vous poser une ou deux questions.
Premièrement, les enfants qui sont témoins de violence dans leur foyer perpétuent parfois cette violence dans leurs propres relations. C'est une notion qui revient constamment et c'est la raison pour laquelle il est très important de trouver un moyen de résoudre ces problèmes même si, dans bien des cas, ce genre de problème est pratiquement impossible à résoudre.
Je voulais vous parler précisément de votre suggestion concernant la demande de séparation et le recours à des services de counselling, de médiation ou d'arbitrage. Appelez cela comme vous voudrez. Pensez-vous que les parties sont capables de suffisamment de bonne volonté pour que ce soit une étape efficace entre la séparation et la procédure de divorce?
M. Alan Vokey: Si les gens savent que c'est la loi, qu'il leur est impossible d'accéder à un tribunal avec leur avocat s'ils n'ont pas un certificat attestant qu'ils ont suivi ce cours, faute de meilleur terme, à ce moment-là, ils n'auront pas le choix. C'est obligatoire. On ne peut faire autrement. Il faut passer par là. Même si les parties y vont à reculons, je suis sûr qu'on bon thérapeute peut briser leur réticence en deux, trois, ou quatre séances et les amener à admettre qu'ils ressentent une intense colère qui risque de leur causer des problèmes par la suite.
C'est une bonne chose, ne serait-ce que d'avoir quelqu'un qui dise: «Monsieur, vous allez être en colère parce que vous ne pouvez plus voir vos enfants 24 heures par jour et vous serez peut-être enclin à critiquer leur mère devant eux. N'oubliez pas cela car c'est susceptible de se produire et lorsque vous serez tenté de le faire, essayez de vous maîtriser.» «Madame, vous ressentirez beaucoup de colère à l'idée que votre mari se paie du bon temps et qu'il ne vous verse pas de pension alimentaire suffisante ou encore, que c'est un con, et vous serez tentée de déblatérer contre lui devant vos enfants. N'oubliez pas cela, car cela risque de se produire. Cela fait partie du processus normal. Veillez à ne pas critiquer votre mari devant vos enfants car la relation de vos enfants avec leur père est maintenant différente de la vôtre avec lui.» Et le thérapeute peut donner les mêmes conseils au père.
Si ces choses étaient identifiées clairement... les gens sont intelligents. Je suis sûr qu'après un moment, leur souffrance est comme celle qu'on ressent après un décès. Ma soeur est morte il y a cinq semaines et pendant la première semaine, c'était irréel. La deuxième semaine, c'était pire. Maintenant, j'y pense constamment.
Ces pensées sont comme des semences plantées dans leur esprit et avec le temps, elles vont s'enraciner. Elles suscitent la réflexion. Ainsi, une mère se retiendra avant de dire: «Votre père est un bon à rien.» Elle va se dire: «Je ne suis pas censée faire cela.» Mais à l'heure actuelle, personne ne dit rien aux parties en litige; personne ne leur donne ce genre de conseil et ne les met en garde contre le fait d'utiliser les enfants l'un contre l'autre.
Mme Sheila Finestone: Votre analogie avec la mort et le processus de deuil est intéressante car je pense que cela fait partie du processus.
M. Alan Vokey: Cela procède de la même chose.
Mme Sheila Finestone: Je conviens qu'il doit y avoir un temps de réflexion, si je puis m'exprimer ainsi, une période où on peut refaire le plein émotif, retrouver l'estime de soi et envisager une réunification éventuelle de la famille. Je pense souvent que les parties pourraient simplement signer un contrat, conclure un marché. Il serait stipulé que les parties n'ont aucune relation entre elles, mais qu'elles s'engagent à maintenir des rapports avec les enfants car les enfants n'appartiennent ni à l'un ni à l'autre.
M. Alan Vokey: Absolument.
Mme Sheila Finestone: En un sens, les enfants...
M. Alan Vokey: S'appartiennent.
Mme Sheila Finestone: Tout à fait, et leur intérêt est primordial.
Vous pensez donc qu'il serait bien que vous puissiez bénéficier de counselling. Autrement dit, commencez par vous attaquer à la souffrance, à la colère et à la peur et ensuite, entamez la procédure juridique.
M. Alan Vokey: Je vais vous dire quelque chose. Si cela m'était m'arrivé... J'aimerais que mon ex-femme soit assise ici, à côté de moi. Je ne veux pas parler derrière son dos.
Mme Sheila Finestone: Elle pourra vous lire sur l'Internet, je vous le promets.
M. Alan Vokey: Oh elle l'a fait, croyez-moi. Keith le sait, lui aussi.
Si nous avions pu procéder ainsi, je suis sûr que nous n'aurions pas traversé les épreuves que nous avons connues.
Mme Sheila Finestone: Je sais que c'est très difficile pour les hommes ou les femmes de vivre cette expérience de la séparation et j'espère que nous aurons la sagesse de Salomon car à mon avis ce sera plus que nécessaire dans ce dossier. Merci beaucoup.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup. J'aimerais dire aux témoins que je m'inquiète beaucoup moi aussi de ce que j'appelle l'affirmation de la supériorité morale inhérente des femmes. Vous savez, on affirme que les femmes sont irréprochables. Cette notion nous cause du tort dans tout le pays et c'est une catastrophe pour les enfants.
Mme Sheila Finestone: Voilà une femme qui...
[Note de la rédaction: Inaudible]
La sénatrice Anne Cools: Très bien. C'est pour cela que je vous aime.
J'aimerais connaître votre réaction à l'information qu'on vient de me remettre il y a deux minutes. Il s'agit du résultat d'un sondage que je tire de l'édition du 25 mai 1998 du Globe and Mail. L'article porte sur les audiences d'un comité sénatorial sur la garde et le droit de visite—je pense qu'on entend par là notre comité mixte—, et la bonne nouvelle est la suivante. Voici le résultat d'un sondage Angus Reid, et je cite:
Je voulais seulement consigner cela au compte rendu du comité. C'est tiré du numéro du 25 mai 1998 du journal The Globe and Mail. C'est un sondage Angus-Reid.
Je dois vous dire que je ne lis pas les résultats des sondages et que je ne les collectionne pas non plus. En fait, on pourrait même dire que je ne m'intéresse habituellement pas aux sondages.
Je voudrais aussi attirer l'attention sur un article qui a paru dans le Winnipeg Free Press du 23 janvier 1998. C'est intitulé «Un juge condamne la politique relative aux sévices: on peut jeter les gens en prison sur de fausses allégations». C'est un article de Leah Janzen dans lequel on cite les propos suivants du juge en chef adjoint Jeffrey Oliphant:
C'est une affaire assez particulière. Ce qu'il importe de savoir au sujet du juge Oliphant, c'est qu'il a récemment été membre d'un groupe de travail chargé d'étudier la justice civile au Manitoba et qu'il a entendu d'innombrables histoires comme celle que nous venons d'entendre.
Je crois avoir dit ce que j'avais à dire, mais j'ajouterai que certains de vos témoignages ont été très généreux. Si l'on se penche sur la protection des enfants et sur les positions que les autorités compétentes ont adoptées en ce qui concerne les agresseurs d'enfants, surtout les mères, on constate que les politiques qui ont été adoptées à cet égard ont toujours visé à conserver un lien indissoluble entre la mère et l'enfant. Je ne suis pas certaine que ce soit mauvais, en dépit du fait qu'il y a eu des tragédies immenses, mais j'essaie simplement de vous montrer qu'on est en présence d'une politique de deux poids, deux mesures.
Quoi qu'il en soit, l'agression féminine existe bel et bien parmi nous. Elle est très répandue et bien récompensée. Je vous remercie.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage. Nous avons pris plus de temps que nous n'avions prévu. Nous avons d'autres témoins à entendre. Je vous remercie beaucoup d'être venu témoigner.
Nous invitons nos prochains témoins à prendre place. Ce sont le Dr Katherine Covell, directrice et professeure agrégée de psychologie au Centre des droits de l'enfant du University College, au Cap-Breton; et Pauline Raven et Deborah Reimer, du Programme d'action communautaire d'Annapolis Valley-Hants.
Docteure Covell.
Dr Katherine Covell (directrice et professeure agrégée de psychologie, University College du Cap-Breton): Bonjour.
Aux termes de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, le Canada est tenu de s'orienter vers une législation et une politique publique qui sert vraiment l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans le contexte des dossiers de droits de garde, il existe une abondante documentation publiée en psychologie qui montre que pour servir l'intérêt supérieur de l'enfant, il faut respecter les deux conditions suivantes: le conflit entre les parents pendant et après le divorce doit être minimisé et, en l'absence de sévices, les enfants doivent continuer d'avoir des relations fructueuses avec les deux parents.
Ces deux conditions exigent l'adoption d'une approche beaucoup plus axée sur l'enfant et sur les droits de l'enfant que ce n'est le cas actuellement en général, l'enfant étant l'objet de la convoitise des parents et les tribunaux étant obligés de trancher et de déclarer un gagnant et un perdant. Pour réaliser ces conditions, nous devons nous éloigner du concept voulant que la désintégration de la famille accompagne inévitablement la dissolution du mariage. Nous devons déconceptualiser le divorce et l'envisager comme une réorganisation de la famille, en mettant l'accent sur le fait que les parents qui divorcent doivent continuer d'assumer des responsabilités parentales. Je crois que le meilleur moyen de s'y prendre, c'est de légiférer pour rendre obligatoires les plans parentaux.
Les plans parentaux, établis conjointement par les parents qui divorcent, accordent la priorité aux besoins de l'enfant; on ne se contente pas d'y régler les questions d'ordre général, par exemple la question de savoir avec quel parent l'enfant va habiter, mais on y précise aussi les tâches spécifiques et quotidiennes des activités parentales, par exemple les arrangements pour les garderies, les leçons de musique, les fêtes d'anniversaire, les visites à l'école, etc. Chacune de ces tâches est confiée à l'un ou l'autre des parents ou aux deux.
Actuellement, les plans parentaux sont utilisés dans diverses administrations en Angleterre, au pays de Galles et aux États-Unis. L'état de Washington a adopté en 1987 une loi sur les responsabilités parentales intitulée The Parenting Act; je suis d'avis que cette loi constitue un excellent modèle dont nous pourrions nous inspirer au Canada. Elle renferme les quatre principaux éléments suivants.
Premièrement, la terminologie n'est plus la même; au lieu de parler de droit de garde, d'accès et de visite, il y est question de soins à domicile et de prise de décisions, et l'on met fortement l'accent sur le partage des responsabilités parentales. On impose aussi des limites au partage des tâches parentales pour donner une protection en cas de sévices ou de violence familiale.
Deuxième, la loi stipule que les parents doivent déposer au tribunal un projet de plan parental 30 jours avant l'audience de divorce ou dans les 180 jours suivant la requête en divorce, selon la première des deux éventualités. Ce délai sert à éviter la période entourant le dépôt de la requête en divorce, car cette période est la plus chargée d'émotions et la moins propice à l'élaboration d'un plan bien conçu.
Troisièmement, la loi prescrit les grandes lignes de ce qui constitue un plan parental acceptable. On remet aux parents qui divorcent un formulaire normalisé de plan parental. Dans ce document, les parents doivent établir de façon détaillée les responsabilités à l'égard de l'enfant dans les trois principaux domaines que sont les soins prodigués à domicile, qui comprennent l'année scolaire, les vacances, les fêtes d'anniversaire et toute autre occasion familiale spéciale; le transport à l'école, les activités de loisirs, etc.; et les prises de décisions. Cette dernière rubrique comprend trois éléments: l'éducation, la religion et la santé.
• 1425
Le formulaire permet également d'ajouter des activités
pertinentes et particulières à la famille ou à l'enfant, par
exemple les leçons d'équitation, activités sportives, décisions
quant à l'age auquel l'adolescent peut conduire, le cas échéant.
Le quatrième volet de la loi stipule que les parents doivent choisir parmi un éventail d'options de règlements des différends, entre l'audience devant un tribunal, la médiation, ou le counselling, dans l'éventualité de futurs conflits.
Les plans parentaux, particulièrement celui que je viens de décrire de façon sommaire, ont fait l'objet d'une évaluation et voici les principaux résultats de cette recherche. Les plans parentaux favorisent effectivement une approche davantage axée sur l'enfant et la prise de décision en commun. Ils favorisent la présence continue, cohérente et fructueuse des deux parents dans la vie de l'enfant, et ils réduisent les conflits entre les parents relativement aux questions liées à l'enfant, en grande partie parce que le formulaire permet d'énumérer un grand nombre d'options parentales, ce qui permet à chaque parent de continuer son interaction habituelle avec l'enfant ou les enfants, et aussi grâce au mécanisme intégré de règlement des différends.
En comparaison de notre approche actuelle, le plan parental met davantage l'accent sur l'enfant et est davantage conforme aux obligations contractées par le Canada en ce qui a trait aux enfants au titre de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant. Le plan parental a plus de chance de créer une situation qui favorise l'épanouissement de l'enfant.
Légiférer pour imposer le plan parental, à mon avis, permettrait de traiter une requête en divorce comme un appel à l'aide en vue de la réorganisation d'une famille.
Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup, docteure Covell.
J'ignore laquelle d'entre vous souhaite prendre la parole en premier.
Mme Pauline Raven (coordonnatrice régionale, Programme d'actions communautaires pour les enfants de Annapolis Valley—Hants): C'est moi.
Le Programme d'action communautaire pour les enfants de Annapolis Valley—Hants et son programme prénatal sont des initiatives communautaires. Nous travaillons avec des familles à faible revenu dont l'âge des enfants va jusqu'à six ans. Nous voyons tous les jours et de près le vécu de mères célibataires qui assument seules le rôle de parent et qui ont la garde principale de leurs enfants.
Nous allons dépeindre des situations pour illustrer les défis que doivent relever ces femmes, et nous voulons faire comprendre aux membres du comité l'importance de la tâche qu'elles accomplissent. Nous mettrons en lumière l'engagement et la détermination de ces femmes qui travaillent pour élever leurs enfants dans des circonstances socio-économiques extrêmement difficiles.
La plupart des femmes mères célibataires le deviennent après avoir été abandonnées par le père de l'enfant ou à la suite d'une séparation ou d'un divorce. Pour beaucoup de femmes, le changement de leur situation familiale les oblige à dépendre de l'assistance sociale pour subvenir aux besoins de leur famille. En fait, 68 p. 100 de toutes les familles pauvres dirigées par une mère seule sont prestataires de l'aide sociale. Cette situation plonge la mère et l'enfant dans la pauvreté. En fait, une mère qui a un enfant a 70,6 p. 100 de chance de vivre dans la pauvreté comme parent seul, et une femme qui a deux enfants a 80,7 p. 100 de chance de vivre dans la pauvreté si elle élève ses enfants seule.
Aux fins du présent mémoire, notre organisation a réalisé une étude de cas. Cette étude de cas permet d'illustrer le revenu familial d'une mère qui a un enfant et qui devient dépendante de l'assistance sociale à la suite d'une séparation et d'un divorce, tandis que le père continue de travailler 37 heures et demie par semaine à 10 $ l'heure et paie 250 $ par mois de pension alimentaire pour l'enfant et le conjoint.
Quand on examine la situation de cette famille, on constate que la mère et l'enfant se retrouvent avec un revenu familial inférieur de 4 000 $ au seuil de faible revenu, tandis que le père se retrouve avec un surplus supérieur à 5 000 $.
À remarquer que le montant versé par le père en pension alimentaire à l'enfant et à son conjoint est directement déduit du chèque d'aide sociale de la mère qui élève son enfant seul. Par conséquent, la contribution du père ne sert pas à redresser le problème de pauvreté que vivent la mère et l'enfant.
Comme vous l'entendrez de la bouche de Mme Reimer, travailleuse de première ligne dans notre organisation, ce sont les enfants qui en subissent les conséquences quand on crée une situation telle que la mère et l'enfant doivent se contenter d'un revenu annuel très minime, tandis que le père continue d'avoir un revenu supérieur au seuil de faible revenu.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci.
Madame Reimer.
Mme Deborah Reimer (travailleuse de soutien, Annapolis Valley—Hants, Community Action Programs for Children): Les mères qui sont parents seuls doivent souvent dire non aux demandes ordinaires que leur font leurs enfants, parce qu'il leur est extrêmement difficile d'acheter le moindre article non essentiel à même un budget déjà déficitaire.
• 1430
Voyons la situation du point de vue de l'enfant. Pendant que
c'est la mère qui s'en occupe, il sera presque impossible à
celle-ci de fournir le moindre supplément matériel. Par contre, le
père a le choix de dire oui plus fréquemment aux demandes de
l'enfant. Il en résulte une différence dans les relations que
l'enfant entretient avec sa mère et son père, ce qui crée des
tensions dans les arrangements de garde, puisque l'expérience
matérielle de l'enfant sera qualitativement différente quand il est
aux côtés de son père.
Nous vous demandons de réfléchir à l'exemple suivant. Les mères ont de la difficulté à trouver un moyen de transport sûr et fiable pour amener leurs enfants à des rendez-vous ou même pour accomplir des tâches essentielles comme les courses à l'épicerie, tandis que les pères amènent leurs enfants dans des excursions de loisirs dans une voiture ou un camion fiable. Beaucoup de femmes ne peuvent se permettre de faire installer un service téléphonique dans la maison familiale, tandis que beaucoup de pères ont un téléphone cellulaire. Les mères ne peuvent pas payer la somme nécessaire pour inscrire leurs enfants à des clubs du livre scolaire, tandis que les pères sont en mesure de payer la traite à leurs enfants pendant leurs heures de visite, par exemple en leur achetant des livres, des jouets et des bonbons. Les mères trouvent difficile de payer des repas chauds à leurs enfants, tandis que les pères les amènent manger chez McDonald.
Ce ne sont là que quelques exemples, mais ils démontrent que les mères célibataires qui tirent une bonne partie de leur revenu familial de l'assistance sociale ont un pouvoir d'achat très limité. Cela devient un énorme inconvénient quand il s'agit de répondre aux demandes de leurs enfants, même si elles sont raisonnables et ne coûteraient pas cher. La mère qui élève son enfant seule en est le principal gardien, mais sa situation financière la place au dernier rang de la hiérarchie économique qui émerge.
En plus des énormes difficultés économiques qu'éprouvent les mères célibataires, il y a de nombreux mythes négatifs qui ont une incidence sur sa situation sociale. Beaucoup de mères célibataires veulent augmenter le revenu annuel de leur famille, mais elles en sont empêchées par de nombreuses circonstances qui échappent totalement à leur volonté. Nous croyons aussi que beaucoup de mères célibataires accordent une grande importance à leurs tâches de parent et que, de leur point de vue, aller travailler pour un bas salaire n'est pas compatible avec cet objectif.
Nous recommandons que les politiques et pratiques des tribunaux de la famille en ce qui a trait aux pensions alimentaires versées à l'enfant et au conjoint soient rajustées de telle manière que le revenu familial des mères célibataires ne tombe pas en deçà du seuil de faible revenu. Nous savons que les programmes de ressources familiales, quand ils existent, constituent un soutien vital pour beaucoup de mères célibataires et leurs enfants, mais ces programmes n'existent que dans une poignée de localités en Nouvelle-Écosse. En facilitant l'accès à ces programmes, on veillerait à mettre en place un réseau d'aide sociale pour les mères célibataires et aussi pour les autres mères qui vivent dans la pauvreté.
En conclusion, il faut que les mères qui ont la garde de leurs enfants et qui souhaitent entrer sur le marché du travail rémunéré aient accès à des programmes qui leur permettent de le faire. Il y a notamment un besoin pressant de garderies abordables aux horaires souples. Ces programmes doivent être fondés sur des consultations avec les mères qui sont parent seul, afin de garantir qu'ils répondent effectivement aux besoins des familles visées.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Lowther.
M. Eric Lowther: Merci, madame la présidente.
Ma première question s'adresse au premier témoin. Je suis désolé, je n'ai pas entendu le nom de votre organisation.
Mme Katherine Covell: Je suis du University College du Cap-Breton.
M. Eric Lowther: D'accord. Vous êtes donc Mme Covell.
Mme Katherine Covell: Docteure Covell.
M. Eric Lowther: Merci.
Je trouve que ce que vous avez dit au sujet des plans parentaux est intéressant. D'après vous, les plans parentaux doivent être élaborés avant l'audition de la requête en divorce. Nous avons déjà entendu dire cela. C'est une position intéressante et à mon avis méritoire. En un sens, cela correspond à la nécessité de faire passer les enfants en premier. On nous en parle beaucoup et nous en avons là un exemple tiré de la vie concrète où ce principe pourrait être mis en pratique.
La réalité actuelle, que nous ont décrit certains intervenants, c'est qu'il y a des gens qui se voient octroyer des droits de visite, mais qui ne peuvent pas les obtenir, et d'autres qui ne rendent pas visite à leurs enfants, même s'ils en ont le droit. Que proposez-vous? Quand on fait certaines propositions dans un plan parental, mais que les gens n'en tiennent pas compte après coup, que faire?
Mme Katherine Covell: Je fais d'abord une mise en garde: il y aura toujours des familles dysfonctionnelles et des parents dysfonctionnels, mais de façon générale, on a constaté que le plan parental atténue ce genre de problème à cause de la répartition spécifique et quotidienne des tâches entre les parents. Cela contribue beaucoup à faire en sorte que les parents maintiennent et poursuivent les tâches parentales qu'ils assumaient avant le divorce. Il ne s'agit plus de mettre l'un des parents dans une situation où on lui accorde une faveur appelée droit de visite, vous savez, un peu comme on donnerait à quelqu'un le droit de boire un verre de scotch après les heures de travail ou le droit d'ouvrir le réfrigérateur pendant son régime. Cela permet à quelqu'un de continuer d'être un parent. L'accent est mis sur la responsabilité commune de parent.
M. Eric Lowther: Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais peut-être devoir vous interrompre. Sauf erreur, vous dites que cette approche réduira le nombre de problèmes, mais qu'il y en aura quand même. Il restera toujours un nombre plus restreint, nous l'espérons, de gens qui continueront d'éprouver des problèmes.
Mme Katherine Covell: Il ressort des travaux de recherche que cela peut devenir la norme socialement acceptée et que cela évite de mettre les parents dans une situation où ils se font concurrence, au moment même où leur labilité affective est à son maximum et où chacun des partenaires est en colère contre l'autre; en conséquence, les parents sont forcés de reporter leur attention sur l'enfant et les besoins de l'enfant et, en ce sens, cela sert tout à fait l'intérêt supérieur de l'enfant.
M. Eric Lowther: Je trouve que ce sont des arguments très valables, mais vous n'avez toujours pas répondu à ma question. Qu'arrive-t-il quand cela ne fonctionne pas? Les gens qui vivent cette situation sont en colère et peuvent devenir vindicatifs. On aura beau avoir tous les plans parentaux du monde, mais par après, quand l'acrimonie commence à s'incruster, chez cette sous-catégorie de gens qui éprouvent des problèmes, que recommandez-vous, quand le plan parental échoue et que les conjoints ne respectent pas leurs engagements? Beaucoup des questions que nous nous posons ici se résument à cela: que faire à ce moment-là?
Mme Katherine Covell: Le plan parental comprend un engagement envers un mécanisme particulier de règlement des différends, et l'on a constaté que la plupart des parents optent pour la médiation et qu'ils respectent leur engagement à cet égard.
M. Eric Lowther: Le plan parental devrait donc énoncer les conséquences du non-respect de ce plan.
Mme Katherine Covell: Exactement. Oui. Mais les taux de conformité sont très élevés.
M. Eric Lowther: Merci.
Si je pouvais poser une brève question aux autres dames...
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Oui, allez-y.
M. Eric Lowther: Vous avez décrit la situation d'une mère chef de famille monoparentale—et je crois que vous avez utilisé le mot mère, et je vais donc poursuivre dans la même veine—d'une mère donc dont le revenu est inférieur au SFR, qui vit dans une situation que l'on pourrait, je suppose, qualifier de pauvreté... Si elle entre sur le marché du travail, ou bien si sa situation change de telle manière qu'elle n'est plus sous le SFR et qu'elle gagne un revenu considérable, à ce moment-là, la pension alimentaire versée par le père, dans l'exemple que vous donnez devrait-elle être révisée et peut-être réduite?
Mme Deborah Reimer: Je pense qu'il y a toujours un processus pour la révision de la pension alimentaire versée par un père, ou bien par une mère, parce que c'est parfois le cas, mais aux fins de cet exemple, disons qu'il s'agit de mères célibataires. Si une mère seule trouve le moyen de s'instruire et qu'elle entre ensuite sur le marché du travail rémunéré et gagne un revenu considérable, je pense, en tout cas d'après mon expérience auprès des mères célibataires, qu'elle serait tout à fait disposée à faire réviser le montant de la pension alimentaire.
J'estime toutefois, personnellement, que l'obligation du père de verser une pension alimentaire ne devrait jamais cesser. Les enfants coûtent cher et les pères doivent partager ce coût, quel que soit le revenu de la mère. Ce que nous disons, toutefois, c'est que dans la situation actuelle, les mères célibataires se retrouvent souvent avec un revenu inférieur au seuil de faible revenu et n'ont aucun espoir véritable d'atteindre le seuil de la pauvreté, encore moins de le dépasser.
M. Eric Lowther: Bon. L'obligation ne devrait pas cesser, mais s'il se trouve à un moment donné à payer la somme au complet, ou autant qu'il peut payer, ou enfin ce que le tribunal a ordonné, s'il est l'unique soutien et si la situation de la mère change au point où elle pourrait désormais assumer une partie du coût, la pension devrait-elle être rajustée à ce moment-là? Je ne dis pas qu'il devrait cesser de payer complètement, mais que l'on pourrait peut-être répartir le fardeau de façon plus équilibrée. Êtes-vous en faveur d'une telle approche?
Mme Pauline Raven: Je pense qu'il faut mieux équilibrer la charge que ce n'est le cas actuellement. Il est certain que si la situation change, et comme Debbie l'a dit, il faut alors réviser les dispositions qui ont été prises, mais à l'heure actuelle, le droit familial et la politique publique sont tels qu'une femme qui dépend de l'aide sociale pour subvenir aux besoins de son enfant et à ses propres besoins doit vivre bien en deçà du seuil de la pauvreté. Si la famille élargie ne lui vient pas en aide, l'enfant se retrouve très vite dans une situation d'abjecte pauvreté.
M. Eric Lowther: Je comprends votre argument. Oui. Très bien.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Sénatrice Pépin, avez-vous une question supplémentaire, ou bien voulez-vous poursuivre le débat?
La sénatrice Lucie Pépin: Je veux poser une autre question.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): D'accord. M. Mancini est le suivant, et après ce sera vous.
M. Peter Mancini: Merci. J'ai deux ou trois questions à poser.
Ma première s'adresse au Dr Covell, que je pourrais appeler Katherine, parce que nous avons été collègues à la même université et nous avons même vécu dans la même rue pendant un certain temps, et nous pouvons donc en discuter à la maison de façon plus détaillée.
Je dois vous dire que certains membres du comité vont se rendre à Washington pour y étudier les diverses lois dont il est question. Mais je pose la question pour ma propre gouverne. A-t-on prévu une marge de souplesse quelconque? Ayant représenté des gens dans des causes de divorce, je sais que beaucoup de tribunaux, à cause des lignes directrices et à cause des exigences financières, imposent le dépôt obligatoire des déclarations d'impôt sur le revenu des trois dernières années et aussi le dépôt obligatoire d'un état des dépenses. Je reviendrai d'ailleurs là-dessus tout à l'heure.
Dans certains cas, l'une des parties crée délibérément des obstacles au divorce en refusant simplement de déposer ces documents. Une partie cherche désespérément à obtenir des tribunaux qu'ils l'aident à mettre fin à ce qui est souvent une relation difficile. Dans cette situation, lorsque l'une des parties refuse simplement de collaborer et que l'on n'arrive pas à communiquer avec cette personne—on a beau signifier, il y a toutes sortes d'échappatoires—existe-t-il une disposition permettant de s'adresser au tribunal et de dire: il nous est impossible de faire ensemble un plan parental, parce que l'une des parties se dérobe à ses responsabilités et refuse de discuter. Pouvez-vous me dire ce que l'on fait dans une telle situation?
M. Katherine Covell: Je ne connais pas très bien ce programme à Washington. Si j'ai bien compris, il y a une certaine souplesse, mais je ne sais pas si elle est aussi importante que dans votre description. Je sais qu'une partie de l'évaluation s'adressait aux avocats, du secteur du droit de la famille, qui ont travaillé avec les parents; 60 p. 100 entre eux ont observé une réduction importante des conflits entre les parents en instance de divorce.
M. Peter Mancini: Merci. Ça me semble raisonnable.
Je vais poursuivre, pour tous les autres témoins. Je ne veux pas trop m'étendre sur la question des pensions alimentaires puisque comme vous le savez, il y a eu un groupe de travail—en fait, notre comité a plus ou moins été créé à la suite d'un projet de loi sur les dispositions relatives aux pensions alimentaires. Je veux que ce soit clair. Vous ne dites pas du tout les droits de visite, faute d'une meilleure expression, doivent être conditionnels ou associés au versement de la pension alimentaire? Je ne vous ai pas entendu le dire. Je veux simplement qu'il soit clair que ce n'est pas ce que vous souhaitez.
Au risque de trop m'écarter du sujet, les nouvelles directives sur l'exécution des ordonnances alimentaires n'ont-elles pas fait une différence? D'après ces lignes directrices, il faut maintenant tenir compte du revenu du parent qui verse la pension, habituellement le père. Des chiffres sont fixés pour les pensions. D'après mon expérience, cela a fait augmenter de beaucoup le nombre de pensions versées par rapport à l'époque où cette loi n'existait pas. N'a-t-elle pas fait une différence?
Mme Pauline Raven: Nous travaillons surtout avec des familles à très faible revenu, des petits salariés. Il n'y pas eu un changement substantiel pour les familles dans cette situation, qui avant même la séparation ou le divorce, n'avait pas un revenu famille élevé.
M. Peter Mancini: Ce dont nous parlons donc, c'est d'une réforme des lois sur l'aide sociale, une réforme de ce qui se rapporte au revenu. Il faut permettre aux assistés sociaux de gagner un peu d'argent.
Mme Sheila Finestone: Ils peuvent déjà en gagner, je crois.
M. Peter Mancini: Mais dans cette province, c'est très peu: un revenu maximal de 50 $ par semaine ou de 200 $ par mois, je crois.
Mme Deborah Reimer: Et on veut baisser ce maximum.
Mme Sheila Finestone: Oh, vraiment?
M. Peter Mancini: Nous parlons donc vraiment de réforme de l'aide sociale, n'est-ce pas?
Mme Pauline Raven: En effet, et je crois certainement que le système des tribunaux de la famille, qui décide des ordonnances alimentaires et des droits de garde, a un rôle clé à jouer dans ce genre de réforme, en collaboration avec d'autres instances.
Mme Deborah Reimer: En tant que travailleuse de première ligne, puis-je vous en parler quelques instants?
• 1445
Je sais que les lignes directrices existent. D'après mon
expérience, et je suis souvent allée en cour avec des femmes,
l'ordonnance alimentaire n'est quand même pas accordée. Ce n'est
toujours pas... dans bien de cas, je vois 50 $ par mois, voire même
1 $ par mois. La semaine dernière, j'ai vu un cas où d'après son
revenu, le père aurait dû payer 650 $ pour ses trois enfants mais
s'en est tiré avec des versements de 250 $.
Même en considérant la loi où les lignes directrices actuelles en matière d'ordonnance alimentaire, avec un revenu de 19 500 $, le paiement minimum devrait être de 150 $ pour un enfant. Ce n'est pas ce que je constate. Avec un revenu de 100 000 $, d'après les directives, les versements mensuels devraient être de 744 $ par mois. À mes yeux, c'est insensé.
M. Peter Mancini: Je tiens à dire ceci de manière officielle: dans cette province, il y a un écart considérable, parce qu'à l'autre bout, il y a en fait très peu de discrétion. Les directives sont suivies à la lettre. Je parle du nord et du sud de la province.
La coprésidente (sénateur Landon Pearson): Merci, monsieur Mancini.
Sénatrice Pépin.
La sénatrice Lucie Pépin: Madame Covell, vous insistez sur l'importance des plans parentaux. Travaillez-vous avec des enfants?
Mme Katherine Covell: Je suis éducatrice et recherchiste.
La sénatrice Lucie Pépin: Aujourd'hui, on nous a dit que de nombreux enfants ne voient pas leurs deux parents. Comprenez-vous les répercussions émotionnelles pour ces enfants, pour ceux qui ne peuvent voir leurs deux parents, et ceux qui même en vivant avec une mère ou un père aimant, ne peuvent voir l'autre parent?
Mme Katherine Covell: Bien entendu, il est avantageux pour les enfants que leurs deux parents s'occupent d'eux. Les mères et les pères donnent habituellement des expériences de socialisation différentes. J'ajouterai qu'en vertu de la charte des Nations unies sur les droits de l'enfant, l'enfant a le droit de rester en communication avec les deux parents, à moins qu'il y ait un problème grave qui compromettrait son intérêt.
La sénatrice Lucie Pépin: On nous a dit que s'il y avait un plan parental, beaucoup de problèmes dont on nous a parlé aujourd'hui ne se produiraient pas et que les enfants pourraient rendre visite à leur père et à leur mère. Le croyez-vous?
Mme Katherine Covell: C'est certainement la conclusion qu'on tire des recherches effectuées.
J'aimerais ajouter, au sujet de la recherche sur le divorce, que les enfants citent la perte d'un parent comme l'aspect le négatif du divorce.
Si vous me donnez une minute, ce qui arrive habituellement dans un régime où le temps est partagé, comme d'autres l'ont constaté, c'est que la mère prend le rôle essentiel de pourvoyeuse de soins alors que le père a le rôle social. Le rôle du père devient de plus en plus associé à l'argent. Le père n'a pas d'interaction significative, de nature parentale, avec ses enfants et c'est en grande partie à cause de cela que beaucoup de pères s'éloignent de leurs enfants. D'après les recherches, il est très clair qu'à l'exception de circonstances exceptionnelles de services, le développement des enfants est supérieur lorsque ses deux parents s'en occupent et c'est pourquoi les plans parentaux visent la coparentalité et la famille restructurée plutôt que la dissolution de la famille.
La sénatrice Lucie Pépin: Et il peut y avoir des rajustements périodiques.
Mme Katherine Covell: Oui, avec médiation.
La sénatrice Lucie Pépin: Merci.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
[Français]
Madame St-Jacques.
Mme Diane St-Jacques: Un peu plus tôt dans la journée, on a dit que lorsqu'il y a médiation, afin de bien connaître le meilleur intérêt des enfants, il serait important que les enfants participent au processus de médiation. Étant donné que vous travaillez de près avec les enfants, j'aimerais connaître votre opinion là-dessus. Est-il important que les enfants participent au processus? Si oui, est-ce qu'il y a un âge minimum auquel les enfants peuvent intervenir? Quand ils sont très jeunes, il est difficile de bien identifier leurs besoins.
[Traduction]
Une voix: Qui?
Mme Diane St-Jacques: N'importe qui.
Mme Katherine Covell: Encore une fois, d'après la Convention sur les droits de l'enfant, sa participation aux décisions qui le touchent est garantie. Alors bien entendu, la voix de l'enfant devrait être entendue et j'espère que votre comité l'entendra aussi.
Pour ce qui est de l'âge, je crois qu'il est important de savoir ce que pense l'enfant dès qu'il peut parler. Il est aussi important de lui poser des questions adaptées à son âge d'une façon qui est adaptée à son âge aussi.
Mme Deborah Reimer: Pour répondre à votre question, je crois que les souhaits de l'enfant doivent certainement être entendus et je pense que c'est de cela que nous parlons aujourd'hui. Souvent, on ne l'écoute pas. D'après mon expérience, on n'écoute pas ce que dit l'enfant lorsqu'il ne veut pas voir un de ses parents. Si un enfant ne veut pas voir son parent, on l'y force tout de même. Souvent, cela se rapporte à des questions dont nous n'avons pas parlé encore, soit des questions de services, de violence, etc.
Pour ce qui est des besoins fondamentaux de l'enfant, je pense qu'il faut considérer ces besoins avant de penser aux autres choses. Dans notre mémoire, nous voulions parler de la pauvreté. Dans ces cas-là, on ne répond même pas aux besoins fondamentaux et on essaie de leur imposer des plans parentaux, ceci, cela; c'est injuste pour eux, à ce moment-là. Nous devons nous assurer qu'on prend bien soin des enfants, du début à la fin, et qu'on répond aux besoins fondamentaux, dont les besoins émotifs. Ils doivent participer au processus, mais il faut que cela soit fait avec soin.
Est-ce que ça répond à votre question?
[Français]
Mme Diane St-Jacques: Oui, merci.
[Traduction]
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Madame Finestone, vous êtes la suivante. Nous avons déjà un retard d'une heure. Si vous pouviez poser une courte question...
Mme Sheila Finestone: Bien. Allons-nous rater l'avion?
Je suis fort préoccupée par ce qu'on perçoit être, à tort ou à raison, un manque de respect pour les ordonnances concernant le droit de visite imposées par les tribunaux. Dans le corridor, de même qu'ici à la table, nous avons entendu beaucoup de pères, surtout, ce qui est normal étant donné la nature des ordonnances des tribunaux.
J'aimerais savoir quel recours est offert au parent quand ses droits de visite ne sont pas respectés, que les services d'Aide à l'enfance ne bougent pas, s'il veut s'assurer que les droits de visite accordés par un tribunal sont respectés. Devrait-il y avoir une sorte de tribunal, un centre de recours auquel il pourrait s'adresser quand la police ne veut pas s'en mêler? Devrait-il y avoir un centre supervisé? Que pouvons-nous faire pour réduire le pourcentage, quel qu'il soit? Je pense que je l'ai déjà dit: peu m'importe le pourcentage, un cas, c'est déjà trop.
Que pouvons-nous faire au sujet des parents, surtout des hommes, qui sont de bons parents mais qui ne s'entendent pas avec leurs conjointes, ou qui n'étaient pas de bons conjoints mais qui étaient de bons pères, à qui les tribunaux ont accordé des droits qu'ils ne peuvent faire respecter?
Le niveau de revenu des femmes chef de famille monoparentales est bien connu: 80 p. 100 d'entre elles vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Au Canada, un pauvre est une femme âgée ou une jeune femme chef de famille. C'est quelque chose que nous savons, un problème que nous nous efforçons de résoudre. Peut-être que nous n'avons pas encore trouvé la meilleure solution. Je sais que nous venons d'y consacrer 1,7 milliard de dollars, nous faisons donc des efforts. Mais je ne sais pas comment on peut agir au niveau provincial, et d'ailleurs, ce n'est pas le mandat de notre comité.
Que l'on parle de «droit de visite» ou d'une autre expression, le travail de notre comité est de s'assurer que le droit de continuer d'être un parent, sera respecté lorsqu'il s'agit du père et de la mère biologique des enfants. Comment s'assurer qu'un parent se voit accorder ce droit?
Mme Katherine Covell: Il est bien entendu très difficile pour moi de répondre à ce genre de questions, puisque je ne suis pas avocat mais j'aimerais dire que l'éducation du public a une importance considérable.
Comme l'a dit l'un des sénateurs tantôt, nous vivons à une époque où l'on présume que les femmes sont certainement le meilleur parent, par exemple, et tout notre système tourne autour de cela. Je pense qu'il faut renseigner le public sur l'importance du rôle du père, et sur le fait qu'être parent, être un bon parent, ce n'est pas réservé à un sexe ou l'autre, après la naissance. Il faut sensibiliser le public à l'idée que les enfants sont des personnes ayant des droits, et non des personnes potentielles. On pourrait ainsi changer les attitudes.
Je pense que l'on se crée beaucoup de problèmes en faisant état de décisions comme celle du juge Abella, qui déclarait que les intérêts de l'enfant et de la mère allaient de pair. Je pense que tant qu'on aura ce genre de...
Mme Sheila Finestone: Ce n'est pas exactement ce qu'elle a dit. Elle estimait que les décisions manquaient de substance et de clarté et que les juges n'avaient pas une formation suffisante, et la Cour suprême est d'ailleurs revenue sur sa décision. C'est l'affaire Gordon.
Mme Katherine Covell: Bien.
Dans notre société, nous ne facilitons pas les choses pour les pères: nous insistons sur l'image de la mère seule, vivant dans la pauvreté, avec le père mauvais payeur. Être père, ce n'est pas une question d'argent. Il faut élever son enfant, au même titre que la mère. Nous devons changer les attitudes avant de pouvoir obtenir tous les changements que nous souhaitons.
Mme Sheila Finestone: Je vous comprends, et vous avez peut-être quelque chose d'autre à dire. Mais je vous dirai que d'une génération à l'autre, le rôle de mon mari et les attentes qu'il avait par rapport à son rôle—et en passant, il est un excellent père—et la façon dont mes quatre fils assument leurs rôles dans leur famille, il y a tout un écart.
Mon mari, et mon père, je vous assure, ne savaient pas du tout où se trouvaient le clou et les marteaux, ni quoi en faire, sinon de se taper sur les doigts. Mais ils savent certainement cuisiner, faire le ménage, être autonomes et ils ont joué un rôle très important à la fois dans la naissance et l'éducation de leurs enfants.
Je pense que c'est un fait bien établi dans notre société, mais qu'on ne reconnaît pas suffisamment et qu'on ne respecte pas dans certains cas, lorsqu'il s'agit des droits de visite accordés aux hommes puis refusés par de nombreuses femmes.
Je crois fermement qu'il doit y avoir un système et que ce système est un échec, quand on pense à l'Aide à l'enfance. Si l'on considère les décisions rendues, qui font en sorte que dans certains cas, les hommes ne peuvent même pas aller chercher leurs propres vêtements dans leurs maisons, il y a quelque chose qui cloche.
Quel mécanisme de recours pourriez-vous nous proposer—ma question s'adresse à tous?
Mme Pauline Raven: Pour commencer je dirai en réponse, que dans l'ensemble, les femmes avec lesquelles nous travaillons sont ravies que leurs ex-conjoints exercent le droit de visite qui leur a été accordé.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé, nous ne pouvons permettre les applaudissements ici. Il s'agit de délibérations parlementaires et non d'assemblées publiques.
Mme Sheila Finestone: Vous devriez pourtant le savoir.
Mme Pauline Raven: Dans le cas des femmes qui refusent de respecter les droits de visite du père, il y a habituellement un problème de méfiance, à cause de leur propre relation avec lui.
En Nouvelle-Écosse, il y a très peu d'endroits où peuvent se dérouler des visites surveillées où le père et l'enfant peuvent être ensemble, d'une manière acceptable pour la mère et qui atténuent son angoisse au sujet des droits de visite.
Je sais que certains de mes collègues...
Mme Sheila Finestone: Excusez-moi un instant. Je défends toujours avec force les droits des femmes. Cela ne me rend pas aveugle à certaines choses qui se passent dans notre société.
Plus précisément, ma question portait sur les droits de visite accordés par le tribunal à l'autre parent et qui ne sont pas respectés. Avez-vous un mécanisme convenable à vos yeux pour que l'on fasse respecter les droits de visite qui ont été accordés.
Peu m'importe qu'il s'agisse du père, de la mère, de la femme ou de l'homme; c'est à l'enfant que je pense, à la rupture des liens qu'a cet enfant avec ses parents, simplement parce qu'ils ne peuvent s'entendre, ce qui arrive. Il y a eu des divorces dans ma famille. Je sais que parfois, ça ne va plus, mais cela ne signifie pas pour autant que les enfants doivent souffrir ou perdre un parent. Quelle procédure pourrait être utilisée pour que soit respectée la décision du tribunal?
Mme Pauline Raven: Il faut considérer la situation d'une manière très intégrée en songeant à ce qui peut être fait pour que les dispositions relatives aux droits de visite soient plus acceptables aux deux parties. Je sais que des collègues à moi, en Ontario, ont accès à des centres où peuvent se dérouler des visites surveillées, d'une manière très confortable. Ils me disent que cela fonctionne bien. Il semble que ce soit une solution acceptable aux hommes et aux femmes qui participent à cet arrangement et ils et elles sont bien contents de respecter la décision de la cour relative aux droits de visite lorsque ce genre de soutien est offert.
Mme Sheila Finestone: Êtes-vous en train de nous dire, vous qui vivez ici, en Nouvelle-Écosse, où il n'y a pas de centres de visite surveillés, où ailleurs à la campagne au Canada, où il n'y a pas de centres de visite, qu'on peut faire fi des décisions des tribunaux en matière de droits de visite? On peut enfreindre la loi, dans ces cas-là?
Mme Deborah Reimer: D'après ce qu'on m'a dit, s'il y a une ordonnance judiciaire, la GRC peut veiller à son application.
Mme Sheila Finestone: On m'a dit que c'est faux. Excusez-moi, je ne veux pas dire que c'est faux. D'après ce que nous ont dit de nombreux hommes, ce n'est pas ce qui se produit, toutefois. Je ne veux défendre ni les hommes, ni les femmes, mais les enfants.
Mme Deborah Reimer: Je vous comprends. Moi aussi, je veux défendre les enfants.
Je sais que les femmes avec qui je travaille seraient ravies si les hommes exerçaient le droit de visite qu'ils ont obtenu. Les hommes n'exercent pas ces droits.
Mme Sheila Finestone: Par ailleurs, puis-je vous demander ce qu'il en est des droits de visite des grands-parents de la famille élargie?
Mme Deborah Reimer: Chez les femmes avec qui je travaille, c'est aussi une préoccupation et on s'efforce vraiment de conserver ces liens. Mais lorsqu'on n'a pas de moyens de transport pour amener ou ramener les enfants, voilà le hic. Il faut penser à offrir ce genre de service. Ce genre de soutien doit être donné.
Il faut aussi penser au genre de décisions rendues pour les tribunaux et aux raisons pour lesquelles elles ne sont pas respectées. Que se passe-t-il, dont les juges ne sont pas au courant, ou dont ils ne tiennent pas compte? Peut-être qu'il faut entendre les deux parties, au sujet des droits de visite, au sujet de ce qui se passe vraiment, pour que les tribunaux soient plus responsables. Souvent, le juge prononce une ordonnance de droit de visite sans savoir vraiment ce qui se passe dans la famille.
Mme Sheila Finestone: Il n'y a pas de suivi?
Mme Deborah Reimer: Il n'y a pas de suivi et s'il y en a... Je connais une affaire où les droits de visite sont examinés et la procédure a pris plus d'un an. La fillette est en crise et elle ne devrait pas avoir de contacts avec son père, parce qu'il l'a agressée et qu'il ne s'intéresse nullement à son éducation, à ses émotions et à sa sécurité financière. Mais la procédure judiciaire a vraiment pris beaucoup de temps.
Mme Sheila Finestone: Alors quelque chose s'est produit pendant la procédure judiciaire.
Mme Deborah Reimer: Oui et il nous faut en tenir compte aussi. Mais il faut commencer par la base.
Mme Sheila Finestone: Je vous remercie, parce que ce que nous voulons, c'est une méthode générique qui nous permette de faire des recommandations au ministre. C'est cela, notre responsabilité. Nous nous penchons sur la question de la garde et du droit de visite et ce sont des questions sérieuses. Nous devons trouver une solution juste et respectueuse des lois. Je vous remercie pour vos observations.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Finestone.
Il y a encore deux personnes qui veulent poser des questions. Nous sommes très en retard. Sénateur Cools et sénateur Cohen, pourriez-vous simplement...? Je suis désolé.
La sénatrice Anne Cools: Pas du tout. Je ne vais pas poser de questions mais demander aux témoins de nous fournir les documents auxquels elle a fait référence, les nombreux documents qui prouvent hors de tout doute que les enfants s'épanouissent lorsqu'ils ont deux parents, et que, même en cas de divorce, les enfants s'épanouiront s'ils ont des contacts avec leurs deux parents.
M. Kruk a comparu devant le comité et je connais bien les recherches américaines sur le sujet, comme celles de Judith Wallerstein. Je connais très bien le sujet. Je me demande si vous pourriez nous laisser, si possible, une bibliographie. Manifestement, vous avez examiné la question de manière approfondie.
En outre, on me dit que dans certaines instances américaines, croyez-le ou non, on commence à faire la promotion du mariage, dans bien des cas, à cause de ce genre de choses. Si vous pouviez me donner un document à ce sujet, je l'apprécierais.
Mme Katherine Covell: J'ai avec moi un mémoire que j'ai résumé pendant mon exposé et qui comprend une bibliographie. Je serai ravie de vous envoyer des références supplémentaires.
La sénatrice Anne Cools: Excellent. Je vais examiner cela soigneusement. Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénateur Cohen.
La sénatrice Erminie Cohen: J'ai simplement quelques commentaires à formuler, après avoir entendu autant de témoins, ces derniers jours. Je pense que pour commencer, il faudrait peut-être imposer du counselling marital avant même de délivrer des certificats de mariage.
Voici ma question, madame Covell. Aujourd'hui, nous avons entendu un témoignage émouvant de M. Parks. Ma question porte sur le plan parental. Beaucoup de parents ni l'un ni l'autre ne savent ce que leur réserve l'avenir. Pensez-vous que la question de la mobilité doit être envisagée lorsque les parents élaborent un plan parental?
Mme Katherine Covell: Si c'est quelque chose de peu probable, je n'en parlerais pas parce que c'est une pomme de discorde. Je n'y reviendrais qu'après qu'on aura réglé les détails quotidiens, mais si cette question s'impose d'elle-même, il faudrait revoir le plan parental.
Comme le plan parental est préparé dans une situation de traumatisme émotionnel, même atténué par la période écoulée depuis la date du divorce, il est tout de même préférable de ne pas traiter de ces grandes questions à moins que cela ne soit nécessaire.
Si les parents se sont entendus et ont précisé la méthode de médiation retenue, si la mobilité devient ultérieurement un problème, ils peuvent en parler avec un médiateur ou s'adresser aux tribunaux, selon la solution choisie, et traiter de cette question au moment opportun.
Tout dépend aussi de l'âge de l'enfant et de ce que souhaite ce dernier.
La sénatrice Erminie Cohen: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup. Merci de votre participation aujourd'hui. Cette partie de notre séance a été très animée.
Nous demandons maintenant au prochain groupe de témoins de s'approcher, s'il vous plaît.
Avant de commencer, au sujet de la préparation au mariage obligatoire dont parlait la sénatrice Cohen, je voulais simplement dire qu'un de nos témoins à la table ronde de Victoria a écrit un livre à ce sujet, intitulé: Marriage: Grounds for Divorce.
Nous recevons maintenant Sharon Molloy, Carlo Martini et Darcy Gray.
Je vous signale que nous sommes en retard. Comme prévu, vous aurez une demi-heure mais je vais être très strict quant aux cinq minutes prévues pour les questions.
Monsieur Martini, vous avez la parole.
M. Carlo Martini (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.
Je veux vous parler des droits de garde et de visite. J'avais préparé un assez long mémoire mais je n'ai que cinq minutes. On ne me l'a dit qu'hier.
• 1510
J'ai actuellement la garde de ma fille de 20 mois. Mon ex-femme l'a
kidnappée en octobre. Je suis allé à maintes reprises en
cour, en Nouvelle-Écosse, et j'ai obtenu des ordonnances. Les
ordonnances disaient également aux corps policiers canadiens de
prendre mon enfant. La GRC a immédiatement été avisée lorsque mon
ex-conjointe a enlevé ma fille. Mais la GRC s'est moquée de toutes
les ordonnances et a traité cette question comme une question
civile. Le juge Legere de la Cour provinciale de Dartmouth a conclu
que ma fille était en danger avec sa mère.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Martini, pourriez-vous vous reculer un peu s'il vous plaît, vous êtes trop près du micro et vous cassez les oreilles de quelques personnes ici.
M. Carlo Martini: Est-ce mieux?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui, c'est bien.
M. Carlo Martini: Je suis désolé.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous en prie.
M. Carlo Martini: Le juge Legere, avec le médecin de mon ex-conjointe, a présenté à la cour des preuves du risque élevé vécu par ma fille. Sa mère souffre de maladie mentale grave et est une alcoolique impénitente. Elle prend des cuites et disparaît. Le juge a aussi ordonné la participation des services communautaires. Eux non plus n'ont pas tenu compte des ordonnances.
Ma fille n'est plus en Nouvelle-Écosse. Elle est allée au Québec. J'ai entrepris des procédures devant les tribunaux québécois. Je viens d'apprendre, la semaine dernière, qu'elle n'est plus au Québec. Je n'ai aucune idée où est ma fille, qui est l'autorité responsable, ni de quoi que ce soit. Elle utilise souvent des noms d'emprunt, et il m'est difficile de la retrouver.
Je m'occupe de cette affaire jour et nuit depuis sa disparition. Je n'ai reçu aucune collaboration de la part de la GRC ou des services communautaires, pas plus que je n'en ai eu du Service de protection de la jeunesse à Baie-Comeau.
Quand elle est arrivée au Québec, j'ai suivi toutes les procédures, j'ai transmis tous mes documents de garde et j'ai suivi toutes les lignes directrices en vigueur au Canada en faisant enregistrer mes ordonnances judiciaires auprès de tous les tribunaux du pays. Le juge du Québec a placé l'enfant sous sa tutelle sous prétexte qu'elle était résidente de la province de Québec alors que ce n'était pas le cas. Elle n'est plus au Québec, et je ne sais plus du tout où se trouve ma fille. Elle pourrait mourir demain, et je n'y peux rien.
Je me suis adressé aux médias. J'ai tout fait. À l'heure actuelle, l'affaire est devant les tribunaux. Mon épouse a été accusée de m'avoir agressé et d'avoir mis en danger la vie d'un enfant. Elle devait comparaître en cour provinciale, où elle a reçu une copie de la sommation à comparaître au Québec. Elle ne s'est pas présentée. Le juge a émis un mandat d'arrestation, mais, encore une fois, les policiers font fi de toutes les ordonnances des tribunaux.
J'ai entamé une poursuite de 5 millions de dollars contre les services communautaires, qui n'ont pas protégé mon enfant. Je croyais que c'était mon seul recours si je voulais protéger mon enfant, puisque personne ne prenait au sérieux les ordonnances des tribunaux. La poursuite vise maintenant la GRC, qui a fait entrave à la justice.
J'ai besoin de m'arrêter un instant.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord. Vous pourriez peut-être conclure votre exposé.
M. Carlo Martini: Le fait est que j'ai des ordonnances des tribunaux de la Nouvelle-Écosse et du Québec. Deux tentatives ont été faites contre ma vie depuis que je me suis rendu au Québec pour tenter de retrouver ma fille. Peu importe quel tribunal émet les ordonnances, la GRC, les forces policière, les services communautaires, la protection de la jeunesse, et quoi encore, aucun de ces organismes n'en tient compte.
Les fonctionnaires publics, y compris la GRC, les forces policières, les agences de protection de la jeunesse, etc., ne prennent pas au sérieux les ordonnances des tribunaux de la famille. La vie de ma fille est tout aussi en danger qu'avant. Moi qui suis son père, et un très bon père, je ne peux rien faire pour la protéger à l'intérieur du système juridique. Je crois fermement, comme je l'ai déjà dit, que personne ne prend au sérieux les ordonnances des tribunaux. Quelqu'un devrait veiller à les faire respecter. Nous devons changer entièrement la loi sur le droit de la famille.
• 1515
Je recommande au comité aujourd'hui que soient unifiées toutes
les lois sur le droit de la famille du pays. Cela mettrait fin aux
enlèvements d'enfants par les parents. Il y a des parents qui vont
d'une province à l'autre demander la garde sans avoir à rendre de
comptes à qui que ce soit, et encore moins à leurs enfants.
Je suis ici au nom de ma fille.
Pardonnez-moi, madame?
Mme Sheila Finestone: Je dis tout simplement qu'il y a un nouveau règlement. Nous avons un attaché de recherche qui donnera l'information au président. Ces renseignements peuvent vous être donnés.
M. Carlo Martini: C'est bien, madame.
Mme Sheila Finestone: Merci.
M. Carlo Martini: Il faudrait pouvoir faire autre chose. Il devrait y avoir des mesures de sauvegarde afin de protéger les enfants en pareille situation, et il n'y en a pas.
J'ai traité avec les ministres de la Justice de la Nouvelle-Écosse et du Québec. J'ai communiqué avec le directeur des services judiciaires en ce qui a trait aux ordonnances des tribunaux, auxquelles personne n'obéit. On a dit essentiellement qu'il s'agissait d'une affaire civile. J'ai dû entamer des procédures au civil et porter une accusation d'enlèvement d'enfant contre mon ex-épouse.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Veuillez m'excuser, monsieur Martini, mais vous avez dépassé le temps qui vous était alloué, et je vais devoir vous interrompre.
M. Carlo Martini: Oui, monsieur.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Mais avant que vous ne partiez, pouvez-vous nous dire où vous avez intenté les poursuites dont vous avez parlé et où les causes ont été entendues? Avez-vous les numéros des dossiers judiciaires? Chaque dossier porte un numéro.
M. Carlo Martini: Ces poursuites n'ont pas encore été déposées. Mon avocat s'occupe des dernières formalités, monsieur.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord.
Mme Sheila Finestone: Veuillez m'excuser, monsieur le président.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.
Mme Sheila Finestone: Je crois qu'il y a des lois canadiennes et des lois d'application interprovinciale dont le titre devrait être consigné au compte rendu afin que nous puissions vérifier ce que disent les lois et quelles sont les lacunes, pour que nous puissions les corriger. Il faudrait que cela soit consigné au compte rendu.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord.
Mme Sheila Finestone: Et je crois que nos attachés de recherche pourraient peut-être vous aider.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Notre attaché de recherche me dit qu'il y a des dispositions dans le Code criminel concernant l'enlèvement interprovincial ou le «kidnappage», si je peux m'exprimer ainsi. On nous a aussi parlé de l'enlèvement international d'enfants ou du rapt d'enfants, et nous demanderons aux représentants de la GRC de comparaître de nouveau devant le comité le mois prochain pour parler du transport d'enfants d'une province à une autre. Il existe des dispositions dans le Code criminel, et je voulais que cela soit consigné au compte rendu.
Ce n'est peut-être pas l'expérience que vous avez vécue, monsieur Martini.
M. Carlo Martini: C'est bien. Je connais bien l'article 283 du Code criminel. Je connais aussi la Convention de La Haye. Toutefois, la GRC se moque de l'ordonnance du tribunal que j'ai obtenue. C'est à cela que se résume la situation.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame Molloy.
Mme Sharon Molloy (témoignage à titre personnel): Merci. Bonjour.
Je n'ai aucune expérience personnelle en matière de divorce. Je ne suis pas mariée, et mes parents ont célébré leur cinquantième anniversaire de mariage, mais le sujet me préoccupe néanmoins. Je suis une citoyenne intéressée. J'ai étudié la psychologie, et particulièrement les sujets de discorde entre les hommes et les femmes.
Nous devrions avant tout mettre l'accent sur la prévention. Les cours offerts dans les écoles sur la vie de famille doivent porter sur cette réalité qu'est le divorce.
Quand les couples divorcent, nous ne devrions pas tenter de masquer les problèmes. Dans tous les cas de divorce, il faudrait commencer par tenter de régler le conflit par des moyens extrajudiciaires. Il faudrait que le couple ait accès à des services de counselling pour essayer de surmonter l'amertume et les dissensions, et cela avant même d'envisager un recours aux tribunaux.
Au cas où quelqu'un songerait à me poser la question, je ne fais pas moi-même de counselling, et je ne cherche donc pas à recruter des clients.
Les enfants ont besoin de leurs deux parents, même quand tout va bien. Un enfant qui vit les tourments d'un divorce a peu de ressources à consacrer aux études. Les enfants privés de la présence de leur père risquent plus que les autres d'avoir de nombreux problèmes. Je présente des statistiques pertinentes à la fin de mon mémoire écrit.
Tout au long de l'histoire de l'humanité, jusqu'à la révolution industrielle, la plupart des pères, et des mères, travaillaient à la maison, et les enfants avaient l'attention de leurs deux parents. L'hypothèse selon laquelle les deux parents sont également capables et désireux d'aimer leurs enfants et d'en prendre soin, sauf preuves du contraire, est préférable à la doctrine de la tendre enfance.
Après un divorce, les enfants élevés par leur mère uniquement courent des risques particuliers. La plupart des femmes n'ont pas de problème à trouver leur identité sexuelle, mais pour devenir un homme un garçon doit faire plus que se séparer de sa mère; il doit pouvoir se tourner vers quelqu'un. Un jeune garçon privé de la présence d'un homme stable et dévoué se tourne souvent vers ses pairs, qu'il prend pour modèles. On dit bien qu'au royaume des aveugles les borgnes sont rois, et souvent ces jeunes garçons choisissent la voie de la facilité et prennent pour modèles de masculinité des stéréotypes. Le mouvement naturel vers l'honnêteté, le respect de la loi et la conformité leur vient de leur père, et ce sont les comportements du père que l'enfant apprend. Les répercussions sociologiques d'une enfance sans la présence du père sont manifestes et renversantes.
• 1520
Le contact régulier avec le père revêt une importance vitale
pour les filles aussi. Un père donne à sa fille confiance en elle,
et, comme il est le premier homme important dans sa vie, il
détermine quelles relations elle aura dans l'avenir avec les
hommes. D'ailleurs, il y a des fois où il est préférable que
l'enfant vive avec le père. J'ai rencontré quelques pères divorcés
qui étaient sans doute de meilleurs parents que les mères.
Pour les deux parents, les droits ont pour contrepartie certaines responsabilités. Certains ont préconisé devant le comité que l'on augmente les peines d'emprisonnement prononcées contre les mères qui refusent d'obtempérer aux ordonnances de droit de visite. J'appuierais cette suggestion si je croyais que quelqu'un puisse en tirer quelque bienfait, mais on obtient de meilleurs résultats avec la carotte qu'avec le bâton. Le refus du droit de visite pourrait être un motif suffisant pour justifier le non-paiement de la pension alimentaire sans droit de recours devant les tribunaux.
Ce n'est pas une solution non plus de durcir les sanctions à l'encontre des pères qui ne réussissent pas à payer la pension alimentaire. Comment le père peut-il payer la pension alimentaire s'il ne peut pas se rendre au travail ou en trouver sans une voiture? De telles mesures coercitives l'incitent plutôt à payer le strict minimum. Le montant de soutien financier exigé du parent qui n'a pas la garde de l'enfant devrait être proportionnel à son revenu, et les parents qui ont la garde doivent être tenus de rendre compte des sommes versées par le parent qui n'a pas la garde, au moyen de reçus par exemple.
Le tribunal pénal devrait être saisi des cas où un parent fait délibérément de fausses allégations de mauvais traitements infligés à un enfant tout autant qu'il le serait si de telles allégations s'avéraient fondées. Crier au loup peut avoir de graves conséquences, tant pour l'homme innocent dont la vie est détruite que pour la femme pour qui le loup existe vraiment.
Par ailleurs, je demande que les dossiers des hommes condamnés et emprisonnés soient réexaminés si la condamnation reposait sur des souvenirs retrouvés, puisque leur validité est maintenant mise en doute. Si ces hommes n'auraient pas été condamnés sans cette preuve, ils devraient être remis en liberté.
Pour que ces réformes puissent donner les résultats voulus, il faut que les parents qui ont des griefs légitimes puissent se prévaloir d'une procédure de plainte officielle. Il devrait y avoir une procédure de suivi après le divorce, comme il en existe après les adoptions, afin de vérifier si l'enfant reçoit les soins voulus et s'adapte bien à la situation.
Personne ne mérite un conjoint violent, et toute tentative de trouver une solution au problème de violence familiale est vouée à l'échec, à moins que l'on n'évalue la responsabilité des uns et des autres. Si l'on part du principe que les hommes sont automatiquement coupables et que leurs enfants doivent leur être enlevés, cela favorisera les abus du système. Quand une famille peut être détruite par des allégations et des attributions unilatérales de blâmes, des personnes condamnées à tort perdent confiance dans le système juridique et dans leur gouvernement, et les enfants pris entre deux feux réagiront sans doute de la même manière. Quand les hommes croient que la justice les oublie et que les femmes croient que la justice ne s'applique pas à elles, tous perdent confiance dans la justice et dans le gouvernement.
Idéalement, les gouvernements devraient intervenir le moins possible et seulement en dernier recours. L'intervention du gouvernement, au-delà d'une aide d'urgence, encourage les parents à se décharger de leurs responsabilités sur d'autres.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Molloy, veuillez m'excuser; votre temps est écoulé.
Mme Sharon Molloy: D'accord.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Veuillez m'excuser. La pièce d'à côté est occupée, et nous avons du mal à nous concentrer.
Comme vous le savez peut-être, nous avons pris du retard. Cette réunion devait se terminer vers 16 h 30. Il est près de 16 h 30 maintenant, et il y a à côté un orchestre qui s'est déjà mis à jouer. Notre greffier est allé voir ce qu'on peut faire, mais il semblerait qu'il n'y a rien à faire. Nous allons essayer de continuer.
Je vais demander à M. Gray d'y aller au son de la musique entraînante qui nous arrive d'à côté.
M. Darcy Gray (témoignage à titre personnel): Bonjour. J'aimerais préciser d'emblée que je suis actuellement partie à une poursuite, et la cause sera entendue au début du mois prochain. Cela limite sérieusement ce que je peux dire. Je dois faire bien attention à ce que je dis. Je vais essayer tout simplement de lire ce texte en cinq minutes.
J'élève seul deux enfants et j'ai un troisième enfant. Dans un monde où il y a tant de causes à défendre, de luttes à mener, de mouvements divers de défense des baleines, des phoques, des forêts boréales, et de l'égalité, on oublie les enfants. Ils n'ont pas la possibilité d'être élevés par leurs deux parents. Dans de tels cas, les enfants souffrent d'un manque d'amour de la part de leurs deux parents. Les enfants ont besoin d'être choyés par leurs deux parents. Les enfants peuvent s'épanouir seulement s'ils ont l'attention de leurs deux parents.
Ce qui me préoccupe, c'est que jusqu'ici la croyance et la pratique ont toujours été d'accorder la garde à l'un des conjoints, c'est-à-dire au premier dispensateur de soins, ce qui réduit l'autre au rôle de visiteur. Il est inacceptable à la fois pour le parent qui n'a pas la garde et pour l'enfant impliqué dans l'affaire qu'ils aient à endurer des conditions de visite chaotiques pour ensuite devoir refaire connaissance et apprendre à vraiment se connaître l'un l'autre lorsque l'enfant aura atteint sa majorité et qu'il pourra faire ses propres choix. Une telle situation ne peut aller dans le sens des intérêts de l'enfant.
Je suis parent unique pour mon fils et ma fille depuis les 12 dernières années. Ils ont maintenant 14 et 13 ans. J'ai consacré toutes mes énergies à les élever et à les appuyer. J'ai entrepris ce rôle de parent dès leur plus tendre enfance. J'ai fait le trajet avec eux depuis la garderie jusqu'à la polyvalente. J'ai vécu les couches, l'apprentissage de la propreté, la première dent tombée, le père Noël, le lapin de Pâques et l'école du dimanche. Je suis un parent et un père aimant, chevronné, attentionné et prévenant.
• 1525
J'aimerais bien savoir pourquoi ce n'est pas dans le meilleur
intérêt de l'enfant que d'avoir, à tout le moins, l'occasion de
partager à parts égales le temps qu'il faut pour élever l'enfant.
Les familles sont en péril, et l'une des raisons en est
l'éclatement de l'unité familiale. Il est rare, aujourd'hui, que
les deux parents tombent d'accord sur l'importance de se partager
également les enfants pour les élever convenablement.
Refuser de travailler avec l'autre conjoint et entretenir des relations suivies avec quelqu'un d'autre pour faire plaisir à sa famille ne signifient pas qu'il soit acceptable de sacrifier la relation qui existe entre l'enfant et ses parents. Qu'en est-il des petites routines quotidiennes auxquelles l'enfant s'est habitué? Qu'est-ce qui arrive des frères et soeurs qu'on laisse derrière soi? Est-ce dans l'intérêt de l'enfant de ne pas les voir de façon régulière et continue? Combien de fois a-t-on entendu les frères et soeurs de familles éclatées nous faire part de certains remords parce qu'ils auraient aimé se rencontrer plus tôt ou apprendre à se connaître plus tôt?
Les deux parents sont compétents et peuvent aimer l'enfant. Les deux parents ont les compétences voulues pour élever l'enfant. Les deux parents sont potentiellement attentionnés. Les quatre premières années de la vie de l'enfant sont très importantes, et plus souvent qu'autrement c'est à ce moment-là qu'il est proposé que le conjoint n'ayant pas la garde de l'enfant soit le moins impliqué dans sa vie. Je ne peux pas envisager cette possibilité. Pour moi, c'est terrifiant et inimaginable. On veut être là quand l'enfant se développe. On veut influencer son échelle de valeurs. On veut pouvoir servir de modèle pour l'enfant. Mais j'ai découvert qu'on m'oblige à me battre pour veiller aux meilleurs intérêts de mes enfants.
Le système actuel, la société, les méthodes et la culture appuient et encouragent l'idée que l'enfant sera confié aux soins d'un parent qui en a la garde et que l'autre pourra le visiter à l'occasion. Je suis sûr que le conjoint qui a la garde de l'enfant pense et croit que cela se fait dans le meilleur intérêt de l'enfant et que cela rend plus facile la vie que ce parent choisit de vivre, plus facile, mais ce n'est pas dans les meilleurs intérêts de l'enfant. Jusqu'à ce que la famille éclate, on est là à appuyer l'enfant dans tout ce qu'il fait et dans tous ses états émotifs. On peut aider l'enfant à vaincre les craintes, qu'il s'agisse de la première fois qu'il rencontre un chien ou qu'il découvre pour la première fois la magie et la beauté de la neige. Mes enfants n'ont pas nécessairement besoin d'essayer de disséquer les diverses situations auxquelles ils feront face plus tard dans la vie si je suis là pour leur fournir de l'encadrement et des conseils. Ils sauront qu'il est très utile pour eux d'avoir deux parents attentionnés et prévenants.
Transformer l'un des parents en visiteur à la merci des décisions discrétionnaires du conjoint qui a la garde de l'enfant n'est pas juste pour l'enfant. Si ce parent vous apprend qu'il vous sera impossible de voir l'enfant que vous avez élevé ensemble jusqu'alors, quelqu'un aura de sérieux choix à faire.
Je ne comprends pas ce genre de raisonnement, et cela me déchire l'âme. Après tout, qu'en est-il s'il n'y a ni abus ni infidélité? Et si vous avez été financièrement responsable pour votre famille et vos enfants? Pourquoi l'un des deux parents devrait-il avoir à subir l'impossibilité de pouvoir prodiguer des soins à son enfant ou de participer à parts égales à sa croissance et à son éducation?
La principale possibilité de règlement passe par les tribunaux où prévaut le système adversatif. Il y a fondamentalement deux camps opposés. On fait comprendre que toute décision doit être prise dans les meilleurs intérêts de l'enfant.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Gray, votre temps est écoulé. Je sais qu'il y a quelques recommandations à la fin de votre document. Peut-être pourriez-vous nous les lire, et nous pourrons ensuite passer aux questions.
M. Darcy Gray: D'accord, désolé.
Mes recommandations sont de nature générale à cause de ma situation particulière. Fondamentalement, je préconise la garde partagée et un accès égal aux enfants pour les deux parents et que les tribunaux ne soient mêlés à l'affaire que si l'un des parents veut interdire cet accès égal à l'autre. Les choses ne devraient pas être comme elles sont maintenant, c'est-à-dire qu'il faut avoir recours au tribunal pour obtenir cet accès égal ou, même, un simple droit d'accès.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bon, merci. Passons aux questions.
Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther: J'aimerais être sûr que nous obtiendrons le texte de la déclaration de Mme Molloy.
Mme Sharon Molloy: J'en ai cinq exemplaires.
M. Eric Lowther: Oui, parfait. Je veux tout simplement m'assurer que j'en aurai un exemplaire. C'est tout.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci, monsieur le président.
J'ai une question pour M. Jamal Badawi. C'est bien votre nom?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est M. Gray.
La sénatrice Anne Cools: Bon, c'est M. Gray. Je croyais pourtant que vous étiez... Bon, vous êtes Darcy Gray.
Je voulais surtout vous souhaiter la bienvenue à notre comité. Comme vous le savez, je suis noire, et je me sens plutôt solidaire de ma peau. Notre comité n'a pas vu beaucoup d'intervenants noirs. Je voulais tout simplement vous laisser savoir que j'apprécie particulièrement votre intervention.
Comme vous le savez, je m'attaque depuis longtemps à ces questions. Nous avons des communautés nombreuses où l'absence du père pose problème. J'ai appris l'importance du père et à quel point il peut être essentiel, grâce au travail que j'ai fait au sein de ma propre communauté.
Vous êtes maintenant le deuxième intervenant noir à témoigner devant notre comité, et je voulais tout simplement vous laisser savoir que, de mon point de vue, c'est quelque chose que je vois d'un bon oeil. Je vous encourage à recommencer cet exercice encore et encore. Je tenais à ce que ce soit dit, parce que je suis noire, moi aussi. Merci.
M. Darcy Gray: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'allais dire quelque chose, mais je laisse la parole à la sénatrice Pépin, et nous passerons ensuite à Mme Finestone.
La sénatrice Lucie Pépin: D'après vos recommandations, les tribunaux ne devraient être mêlés à l'affaire que si l'un des parents n'a pas accès aux enfants. Il y a déjà beaucoup de témoins qui nous ont dit qu'il serait préférable d'avoir recours à des travailleurs sociaux ou à des médiateurs plutôt qu'à des avocats et à des juges.
Si je vous ai bien compris, c'est aussi votre avis.
M. Darcy Gray: C'est mon avis dans tous les cas où l'on n'a pas recours au système adversatif.
Le parent sera présent dans la vie des enfants pendant 18 ou 20 ans. D'après ma propre expérience et celle de gens à qui j'en ai parlé, le recours aux tribunaux crée énormément de mauvaise volonté, on y lave beaucoup de linge sale, pour ainsi dire, et cela s'ajoute à l'affrontement ou à la situation qui a mené à cette séparation.
Il faut composer avec toutes ces autres questions comme l'une des deux parties à l'affaire qui soulève certains points ou certaines questions que l'autre partie n'apprécie guère, et cela n'améliore en rien les relations entre les deux parents, qui devraient quand même s'attaquer à l'essentiel, au bout du compte, c'est-à-dire le bien de l'enfant. Ils se préoccupent beaucoup plus de ces questions adversatives.
Afin de veiller aux meilleurs intérêts d'un enfant, je suis en faveur de toute mesure ou procédure non adversative.
La sénatrice Lucie Pépin: Je ne veux pas faire l'indiscrète, mais puisque vous nous avez appris que vous vous présentez devant le tribunal bientôt, êtes-vous d'accord avec ce plan concernant la formation au rôle de parent?
M. Darcy Gray: Absolument.
La sénatrice Lucie Pépin: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Finestone.
Mme Sheila Finestone: Je passe la main.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bon, puisque ce sont là toutes les questions qu'on avait, je remercie nos témoins pour leur présence ici aujourd'hui.
Je suis désolé pour tout ce bruit; c'est d'un distrayant...
Mme Sheila Finestone: Monsieur le président, peut-être que je ne passe pas la main après tout.
J'ai une simple observation à faire concernant l'enfant enlevé. Je crois que c'est extrêmement sérieux, et j'ai particulièrement hâte de traiter de ce sujet avec la GRC lorsque ces gens comparaîtront devant nous.
En attendant, il y a un groupe au Québec chapeauté par Ricardo Di Done. Je vous recommande de l'approcher.
M. Carlo Martini: Quel est son nom encore?
Mme Sheila Finestone: Ricardo Di Done. Je vais essayer de trouver le nom de l'organisme.
M. Carlo Martini: De quel organisme s'agit-il? Je suis désolé.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Cela s'appelle l'Organisation pour la protection des droits des enfants.
• 1535
Je me dois de préciser, madame Finestone, que M. Martini nous
a laissé un article tiré du journal Halifax Chronicle, me
semble-t-il, qui nous donne beaucoup plus de détails. C'est tout frais
d'aujourd'hui, et on y trouve plus de détails.
Mme Sheila Finestone: Je crois que Ricardo Di Done a comparu devant notre comité, et j'aimerais m'assurer que notre témoin a bien son nom et ses contrats, parce que je crois qu'il pourra être utile.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bon. Parfait.
Allez-y.
M. Carlo Martini: Pourrais-je faire une dernière recommandation?
Tout le monde ici parle de garde d'enfants, d'accès et de tout le reste. J'ai entendu dire que certaines personnes du mouvement des femmes soulèvent la question des injonctions, de ce qu'on les ignore et tout le reste.
Il y a une solution définitive à tout ce beau gâchis que nous avons sur les mains. Il y a toutes sortes d'accusations qui s'envolent de part et d'autre, du père, de la mère, du mari ou de la femme. Pourquoi ne pas tout simplement avoir recours au détecteur de mensonges lorsque quelqu'un porte une accusation sérieuse? Ainsi, si la femme est victime d'abus, on pourra la protéger. Pardonnez-moi mon beau langage, mais si quelqu'un prétend: «il m'a dit de me fermer la gueule il y a 15 ans, et cela constitue de la violence morale», pourquoi ne pas avoir tout simplement recours à un détecteur de mensonges, ce qui permettra aux contribuables d'épargner des milliards de dollars, sans oublier que cela nous permettra de sauver les enfants et que c'est là toute l'idée de la chose? Nous sommes ici pour protéger l'enfant, nous sommes ici afin que tous les parents puissent jouir de leur droit de visite.
Les ordonnances attributives de droit de visite devraient être appliquées. Si le droit de visite continue d'être contrecarré, pourquoi ne pas tout simplement porter une accusation contre la partie coupable? Pourquoi nous, parents, devons-nous retourner à répétition devant les tribunaux et débourser des centaines de milliers de dollars en frais d'avocat? Il n'y a jamais de fin.
Jusqu'ici, il m'en a coûté 85 000 $. Vers qui dois-je me tourner? Combien d'argent me faudra-t-il dépenser, à la fin, pour essayer de protéger mon enfant?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui. Merci beaucoup.
Je ne peux vous donner de réponse précise à cette question, mais on serait porté à croire que si l'on ne se servait que de détecteurs de mensonges dans les causes pénales, nous pourrions nous passer des juges.
Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant d'avoir pris le temps de comparaître ici.
Je demanderais au groupe suivant de bien vouloir venir à la table, s'il vous plaît.
• 1540
Nous avons un groupe mixte ici. Mme Bernadette MacDonald et
Mme Georgia MacNeil sont du groupe Women's Centres CONNECT, et M.
Jamal Badawi est de l'Islamic Society of North America.
Je ne sais pas comment vous allez partager votre temps. Allez-vous parler toutes les deux?
Mme Georgia MacNeil (Women's Centres CONNECT): Je ferai un court exposé accompagné de recommandations, et Mme MacDonald répondra aux questions.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord. Allez-y, s'il vous plaît.
Mme Georgia MacNeil: Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de parler au comité.
Je parle au nom de Women's Centres CONNECT, ce qui signifie que je représente les six centres de femmes de la Nouvelle-Écosse. Les centres sont situés dans des collectivités rurales à travers la province. Je veux tout simplement soulever les problèmes que nous constatons parmi nos clientes.
Pour me préparer à cet exposé, j'ai consulté les coordonnatrices des six centres de femmes. Je voulais connaître le nombre de personnes qu'elles voyaient qui ont des problèmes concernant la garde et les droits de visite, et je voulais connaître leurs préoccupations particulières. Voici ce que nous avons constaté.
L'an dernier, les centres de femmes ont fourni des services à plus de 800 femmes en Nouvelle-Écosse qui avaient des problèmes à l'égard de la garde d'enfants ou des droits de visite. Je ne prétends pas parler au nom de la population en général. Les femmes qui sont nos clientes représentent cette petite minorité de cas conflictuels, il faut le dire clairement. Il s'agit d'un petit pourcentage de la population, mais leurs préoccupations sont valables et leur protection nous tient à coeur.
Une coordonnatrice a dit que dans presque tous les cas qu'elle avait vus la violence et les abus faisaient partie des préoccupations des femmes. D'autres coordonnatrices ont signalé que la violence et les abus étaient présents dans la majorité des cas. C'est là la perspective que je veux faire valoir et qui sous-tend nos recommandations.
J'aimerais tout simplement lire nos recommandations, et ensuite nous serons heureuses de répondre aux questions.
Mme Sheila Finestone: En avez-vous un exemplaire?
Mme Georgia MacNeil: Non, mais nous allons vous les faire parvenir très bientôt.
Je voudrais mentionner aussi que j'ai beaucoup de statistiques à l'égard des allégations et des fausses allégations, que je serais heureuse d'envoyer au comité.
Mme Sheila Finestone: Pourriez-vous nous indiquer aussi le pourcentage de la population que vous servez—pas maintenant, mais plus tard?
Mme Georgia MacNeil: Oui.
Mme Sheila Finestone: Merci.
Mme Georgia MacNeil: D'abord, en ce qui concerne l'analyse par sexe, la tendance à utiliser une terminologie neutre qui vise l'exclusivité a l'effet de rendre invisibles certains secteurs de la population, et par conséquent les problèmes ne sont pas réglés. Nous recommandons donc une analyse par sexe de la nouvelle législation, ce qui nécessite une analyse de l'incidence différentielle des politiques et de l'application de la loi. Il faut tenir compte dans certains cas du fait que les femmes sont défavorisées. Nous recommandons aussi que les avocats, les juges et le personnel des tribunaux suivent une formation à l'égard de cette analyse afin que les femmes et les enfants soient traités équitablement et protégés des abus potentiels.
Au sujet de l'intérêt de l'enfant, nous recommandons que les tribunaux reconnaissent que, dans les cas de mésentente grave, le potentiel d'abus physiques, affectifs ou sexuels est plus élevé. Il faut fournir des lignes directrices aux tribunaux pour les aider à repérer les femmes et les enfants qui sont à risque, afin de pouvoir les protéger en vertu de la loi.
• 1545
Nous recommandons aussi que la présomption favorable au
principal dispensateur de soins soit un facteur dans les décisions
concernant l'intérêt de l'enfant. Il est extrêmement important de
tenir compte des arrangements qui existaient avant l'éclatement de
la famille à l'égard de la prestation des soins. Il faut tenir
compte de cela, et aussi de la participation des deux parents. Dans
les décisions concernant la garde des enfants, cependant, surtout
dans les cas où il y a eu de la violence ou des abus, la
présomption favorable au principal dispensateur de soins devrait
être le principe directeur.
En ce qui concerne la violence et les abus au foyer, nous recommandons que dans les cas où des abus physiques, psychologiques ou sexuels ont été prouvés ou allégués la cour tienne compte du comportement passé du parent violent dans la détermination de la garde et des droits de visite. Cette recommandation découle du fait que dans beaucoup de cas le comportement passé est jugé non pertinent. Cela met de nombreuses femmes et de nombreux enfants à risque; il faut entériner dans la politique la nécessité de tenir compte de ces abus. En outre, nous recommandons que dans les cas où de la violence ou des abus sont déjà survenus, la garde exclusive soit accordée au parent non violent.
Au sujet des abus sexuels contre les enfants, nous reconnaissons que les allégations sont très graves. Les statistiques que nous avons recueillies—et nous avons regardé un certain nombre d'études—indiquent que le taux d'allégations fausses s'établit entre 3 p. 100 et 8 p. 100, selon l'âge de l'enfant et d'autres circonstances. Je serais heureuse de fournir ces données au comité, en annexe à notre exposé, afin que vous les trouviez facilement. Ce que nous voulons souligner, c'est qu'il s'agit d'une allégation très grave, mais que dans la très grande majorité des cas les allégations ne s'avèrent pas fausses. Il est certainement dans l'intérêt de l'enfant et de la mère d'être protégés quand il y a de telles allégations. Accorder la garde ou des droits de visite à un parent violent expose les enfants et leur mère à de grands risques.
Nous sommes d'avis que la garde et les droits de visite ne devraient pas être accordés au parent violent dans les cas où il y a eu des abus sexuels envers des enfants. Nous recommandons des visites supervisées dans certaines situations, et j'y reviendrai plus tard.
Nous croyons que les avantages de la garde conjointe n'ont pas tout à fait fait leurs preuves dans les situations fortement conflictuelles. Même dans les cas où les deux parents veulent collaborer et donner la priorité à l'intérêt de l'enfant, il ne semble pas encore prouvé que l'enfant en bénéficie grandement. Il faudrait faire, à notre avis, de plus amples recherches dans un contexte canadien sur les arrangements de garde conjointe existants afin de déterminer si l'enfant en bénéficie ou non.
Dans les cas où la garde conjointe pourrait sembler être dans l'intérêt de l'enfant et des parents, nous proposons un régime volontaire. Une coercition quelconque risque d'accentuer la mésentente et de ne pas être bonne pour l'enfant. Nous ne sommes pas non plus en faveur de la présomption de garde conjointe ni de la garde conjointe obligatoire.
En ce qui concerne les droits de visite, là encore nous axons notre recommandation sur la situation particulière où il y a eu de la violence ou des abus. L'enfant ne devrait jamais être mis dans une situation où il doit choisir entre les deux parents. S'il y a eu violence, les enfants ont très souvent peur du parent violent. Et il est difficile de savoir avec quel parent l'enfant veut vivre. Dans beaucoup de cas, l'enfant dira qu'il veut vivre avec un des parents, qui est le parent violent, parce qu'il veut faire plaisir à cette personne. La détermination est donc très difficile à faire.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous avez parlé pendant environ huit minutes. Pourriez-vous clore votre exposé, s'il vous plaît?
Mme Georgia MacNeil: Je m'excuse. D'accord.
Ma dernière recommandation concerne la médiation. Là encore, dans les cas de mésentente grave où il y a eu de la violence ou des abus, la médiation ne fonctionne pas, à cause du déséquilibre des pouvoirs; le processus de médiation peut revictimiser les victimes du processus.
Dans les cas où la médiation peut être utile, nous sommes d'accord avec d'autres intervenants pour dire qu'il doit y avoir des normes. Les médiateurs doivent comprendre les questions entourant la dynamique du pouvoir, et ils doivent être accrédités.
Si vous avez des questions, nous serons heureuses d'y répondre.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Afin de pouvoir respecter l'horaire, nous avons demandé à M. Badawi de parler, lui aussi, et nous vous poserons ensuite nos questions.
M. Jamal Badawi (membre du Shura Council, Islamic Society of North America): Merci, madame.
Le but de mon exposé est de familiariser les honorables membres du comité avec les dispositions de la loi islamique concernant la garde des enfants et les droits de visite. L'Islam constitue une façon de vivre qui comprend les aspects spirituel, moral, socio-économique, politique et juridique de la vie humaine. La garde des enfants et les droits de visite sont un des aspects couverts par la loi islamique. Ces dispositions sont pertinentes pour la communauté musulmane au Canada et pourraient être avantageuses pour d'autres Canadiens aussi.
La loi islamique est fondée sur le Coran, que les Musulmans considèrent être la révélation exacte livrée au prophète Mahomet il y a environ 1400 ans, et sur la Sunna, qui signifie les enseignements inspirés du prophète.
Même si le Coran et la Sunna sont les deux sources principales de la religion islamique, les textes et leur application en détail peuvent être interprétés différemment par les experts à certains égards. L'information contenue dans mon exposé représente soit les questions sur lesquelles il y a unanimité, à ma connaissance, soit la position dominante des juristes musulmans. Le cas échéant, d'autres avis juridiques sont fournis en annexe.
Je traite de six questions dans ce bref exposé. D'abord, l'approche fondamentale de la loi islamique concernant la garde des enfants et les droits de visite est de trouver un bon équilibre entre les intérêts de l'enfant, des parents et de la société. Cependant, l'épanouissement physique, affectif, intellectuel et spirituel de l'enfant vient en premier lieu. Comme l'enfant a un plus grand besoin de sa mère pendant les premières années de sa vie, la loi islamique accorde généralement la garde des jeunes enfants à la mère.
Deuxièmement, on accorde la priorité à la mère pour la petite enfance. La mère aura généralement la garde jusqu'à ce que l'enfant ait sept ans, s'il s'agit d'un garçon, ou neuf ans, s'il s'agit d'une fille. Ensuite, l'enfant peut choisir de rester avec sa mère ou d'aller vivre avec son père.
Si la mère est incapable de garder l'enfant, par exemple en raison d'une incapacité physique ou autre, la garde est accordée à quelqu'un dans une des 15 autres catégories de femmes. S'il est impossible de trouver une femme dans une de ces catégories, la garde est accordée au père, ou à d'autres hommes de la famille selon leur degré de parenté avec l'enfant.
En troisième lieu, il y a des critères à respecter en accordant la garde de l'enfant. Afin d'avoir la garde d'un enfant, le parent doit respecter les critères suivants:
1. avoir atteint l'adolescence;
2. avoir une bonne santé mentale;
3. pouvoir subvenir aux besoins de l'enfant et agir dans son intérêt;
4. ne pas vivre avec quelqu'un qui n'aime pas l'enfant ou dans un milieu qui est considéré selon les enseignements islamiques comme étant illégal ou immoral;
5. être musulman—dans le cas d'un enfant musulman, bien sûr—et moralement équilibré, afin de donner l'exemple à l'enfant; et
6. dans le cas de la mère, ne pas se remarier. Dans mon annexe, j'indique qu'il y a des opinions divergentes concernant ce dernier critère.
Mon quatrième point concerne les obligations financières du père. Le père de l'enfant dont la mère a la garde est responsable de subvenir à tous les besoins de l'enfant: la nourriture, les vêtements, le logement—si la mère ne possède pas de logement—les médicaments, et toutes les autres nécessités de la vie.
Cinquièmement, il y a les droits de visite. La situation idéale pour l'enfant, c'est d'être élevé en présence des deux parents. Si le divorce est inévitable, et si la garde est accordée à l'un des parents, l'autre parent devrait jouir d'un accès raisonnable à l'enfant.
• 1555
Enfin, mon sixième point traite des déplacements de l'enfant.
Si le parent ayant la garde fait un voyage, l'enfant peut rester
avec l'autre parent s'il est dans son intérêt de le faire. La même
règle s'applique si le parent ayant la garde déménage dans une
autre ville ou dans un autre pays, à moins que le déménagement ne
vise à faire mal à l'autre parent et à le priver de son droit
d'accès à son enfant.
Si j'avais une recommandation à faire, je dirais que dans une société multiculturelle aussi diverse que le Canada il est utile de garder à l'esprit les dimensions religieuses et culturelles des parties en cause dans tout conflit familial. Nous croyons qu'il serait utile pour tous les intéressés que l'on poursuive les consultations et qu'on obtienne d'autres commentaires au sujet d'une mesure législative éventuelle.
Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons passer aux questions, et nous commencerons par M. Mancini.
M. Peter Mancini: J'ai des questions à poser à Mme MacNeil et à Mme MacDonald... deux bons noms du Cap-Breton, je dirais, mais je n'en déduirai pas que vous venez de là.
Lorsque vous parlez de centres pour les femmes, des six centres pour les femmes dans la province, s'agit-il de maisons de transition ou de centres pour les femmes... Permettez-moi de situer la chose dans le contexte de ma propre circonscription. Représentez-vous une maison de transition, ou s'agit-il plutôt d'un organisme comme le Every Women's Centre?
Mme Bernadette MacDonald (Women's Centres CONNECT): C'est exact. En effet. Vous venez de Sydney?
M. Peter Mancini: Oui.
Mme Bernadette MacDonald: C'est en effet comme le Every Women's Centre, à Sydney.
M. Peter Mancini: Bien. Je le connais. C'est maintenant clair pour moi.
J'ai des questions à poser à partir de votre mémoire. Je dois vous avouer franchement que je suis un peu intrigué, et je ne suis pas certain de vous avoir bien entendue lorsque vous avez dit que la loi actuelle, qui stipule qu'on ne doit pas tenir compte du comportement passé des gens pour accorder la garde d'un enfant... Pensez-vous qu'il faudrait éliminer cette disposition? Cette disposition me pose en effet de véritables problèmes.
Mme Georgia MacNeil: Si j'ai bien compris, le juge n'est pas tenu dans chaque cas de tenir compte du comportement passé des gens, à moins que cela ne soit jugé pertinent à l'affaire dont il est saisi. J'ai pris connaissance de cas où l'on n'a pas retenu comme preuve un passé de mauvais traitements parce qu'on ne l'a pas jugé pertinent. Nous croyons certainement qu'un passé de mauvais traitements est pertinent dans le cas de la sécurité des enfants, et en ce qui concerne le parent qui en obtiendra la garde.
M. Peter Mancini: Je voulais que vous le précisiez, afin que tout soit clair, parce que le comportement passé peut parfois être très préjudiciable. Je ne veux pas entrer dans les détails... L'objet de cette disposition était d'éviter qu'on tienne compte de questions comme l'adultère, et j'ai déjà plaidé dans de telles affaires, où le juge n'aurait pas dû en tenir compte.
Mme Georgia MacNeil: Je suis d'accord. Dans notre mémoire, nous soulignons précisément ce que nous entendons par là.
M. Peter Mancini: Bien. Je vous remercie.
Mme Finestone a abordé une question tout à l'heure avec d'autres témoins, et je pense qu'il faut en discuter, parce que c'est une question difficile. Lorsqu'on dit qu'il faut reconnaître les mauvais traitements—qu'ils soient d'ordre physique, sexuel ou psychologique—dans les cas où un tribunal a clairement indiqué que le parent qui n'a pas la garde de l'enfant doit avoir accès à son enfant et lorsqu'on fait complètement fi de cette ordonnance d'accès, devrions-nous considérer cela comme des mauvais traitements psychologiques infligés à l'enfant? Lorsque le tribunal a déclaré que l'enfant a le droit de voir son parent et que l'ordonnance n'est pas respectée, devrions-nous considérer cela comme des mauvais traitements d'ordre psychologique dont le tribunal devrait tenir compte plus tard?
Mme Georgia MacNeil: Je pense qu'il s'agit ici de la décision du tribunal en ce qui concerne la garde de l'enfant et les dispositions en vertu desquelles l'autre parent y aura accès. Ce qui se passe après que de telles dispositions ont été prises... j'ignore si l'on doit considérer que cela concerne seulement le présent, ou qu'il s'agit d'une continuation du comportement passé. Je pense qu'il faut examiner chaque cas en particulier.
M. Peter Mancini: Bien.
Mme Sheila Finestone: Puis-je...?
M. Peter Mancini: Certainement.
Mme Sheila Finestone: Voulez-vous dire que l'on peut ne tenir aucun compte des décisions d'un tribunal?
Mme Georgia MacNeil: Non. Ce n'est certainement pas ce que je veux dire.
Mme Sheila Finestone: Merci. Je tenais à vous le faire préciser. Bien.
Mme Bernadette MacDonald: Puis-je ajouter un commentaire?
M. Peter Mancini: Certainement.
Mme Bernadette MacDonald: Dans la plupart des cas dont nous nous occupons, il y a presque toujours de la violence. Il y a habituellement des restrictions imposées à cause de cela. Or il arrive souvent que l'homme ne respecte pas ces restrictions, et c'est pourquoi la femme lui refuse l'accès. Il y a habituellement une raison pour qu'elle lui refuse cet accès, dans le cas des femmes dont nous nous occupons.
M. Peter Mancini: Bon, c'était mes questions. Je vais céder la parole, puisque le temps file.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Finestone, voulez-vous être inscrite sur la liste?
Mme Sheila Finestone: Merci. Je voulais simplement aborder le même sujet, monsieur le président. Si vous préférez, je prendrai la parole plus tard. Ça va.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y, mais soyez brève.
Mme Sheila Finestone: Je suis vraiment très inquiète. Peu importe qu'il s'agisse d'un centre pour femmes ou pour hommes, peu importe où se trouve ce centre, si une décision législative est rendue, il faut que cette décision soit respectée, puisqu'il s'agit d'un arrêt rendu par un juge nommé dans un tribunal qui fait partie du système judiciaire canadien. Nous vivons dans une société démocratique qui comporte un volet judiciaire, lequel est distinct des volets exécutif et parlementaire. Si vous ne respectez pas cela, peu importe qui vous soyez, vous n'avez pas le droit d'affirmer que pour une raison ou pour une autre on ne peut ignorer la loi. Personne ne doit faire fi de la loi.
À titre de centre, vous avez l'obligation de vous assurer que les personnes en question soient protégées et sous bonne surveillance, mais vous n'avez pas le droit de les excuser. Nul ne saurait ignorer la loi, et je tiens à ce que ce soit bien clair. Si ce ne l'est pas, je pense que c'est une honte.
Mme Bernadette MacDonald: Je n'excuse pas...
Mme Sheila Finestone: Vous venez de le faire, et je tiens à vous dire que je n'apprécie pas du tout que l'on me serve ce genre d'excuse.
Mme Bernadette MacDonald: Tout ce que je disais, c'est que dans le cas des femmes dont nous nous occupons, les ordonnances de visite...
Mme Sheila Finestone: À ce moment-là, retournez devant le tribunal et faites changer l'ordonnance. N'essayez pas de justifier le non-respect de cette ordonnance...
Mme Bernadette MacDonald: De nombreuses femmes ont fait cela à maintes reprises.
Mme Sheila Finestone: D'accord, merci beaucoup, monsieur le président.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Lorsqu'on parle de fausses allégations, dans vos statistiques s'agit-il d'allégations d'agression sexuelle envers un enfant ou d'allégations plus vastes de sévices à l'endroit de la conjointe?
Mme Georgia MacNeil: L'information que j'ai en main porte précisément sur des cas d'agression sexuelle contre des enfants. Je ne peux vous fournir de renseignements sur autre chose.
Mme Carolyn Bennett: Je m'inquiète un tant soit peu de l'étiquette «dispensateur principal de soins». Dans ma pratique, parfois les femmes travaillent... Il n'est pas toujours facile de déterminer qui est le principal dispensateur de soins, en tout cas pour ce qui est des familles et des femmes qui viennent me consulter. Dans certaines familles, la mère est infirmière et doit travailler deux postes de 12 heures pendant les week-ends.
Demander au tribunal de décider qui est le dispensateur principal de soins dans des cas comme celui-là... Il n'est peut-être pas dans le meilleur intérêt de l'enfant d'avoir un gagnant et un perdant et de revenir à des pourcentages ridicules comme 60-40 ou 61-39, ce que l'on voit dans certaines décisions qui viennent étoffer la décision finale. Au bout du compte, les mesures adoptées ne sont pas adaptées à la réalité de la vie de l'enfant.
Je veux savoir pourquoi les groupes de défense des droits des femmes qui ont présenté des témoignages tiennent absolument à ce qu'on assigne cette étiquette de dispensateur principal de soins.
Mme Georgia MacNeil: Cela relève d'un effort pour cerner la réalité. Lorsqu'on parle de population, on ne peut parler d'individus, et c'est un problème. Cependant, traditionnellement, c'est la femme qui assurait la majorité des soins aux enfants; c'est pourquoi nous employons cette étiquette de dispensateur principal de soins. Certes, elle ne convient pas à toutes les familles. Je comprends votre argument, mais nous essayons de nous adapter à la réalité telle que la perçoivent la majorité des femmes avec lesquelles nous traitons.
Mme Carolyn Bennett: Si au bout du compte nous avions de meilleurs juges, un meilleur système, des médiateurs ou des avocats plus sensibilisés, etc., pensez-vous que nous pourrions éviter ce genre d'étiquette?
Mme Georgia MacNeil: Si c'était possible, cela serait idéal.
Mme Carolyn Bennett: Nous essayons de nous débarrasser des problèmes liés à la garde, aux droits de visite, qui sont tous axés sur un gagnant et un perdant. Je détesterais substituer à cela une étiquette qui nous ramènerait à la case départ. Si nous rédigions une mesure législative qui inclurait ce genre de terme, je ne pense pas que nous aurions l'impression d'avoir progressé d'un iota. Voilà ma position à l'heure qu'il est.
Mme Bernadette MacDonald: J'aimerais ajouter, en me fondant sur mon expérience de travail dans un centre de femmes, que bon nombre des associations féminines que je connais militent en faveur de l'égalité, et cela vaut pour tout le monde, pour les hommes comme pour les femmes. Cela signifie que les hommes doivent assumer pleinement leurs responsabilités, et ce que nous constatons, c'est que les hommes n'assument pas pleinement leurs responsabilités.
Ce serait formidable s'il y avait une révolution dans la psyché masculine et si une véritable égalité existait. J'estime que les femmes souhaitent vraiment l'égalité. En tant que société, nous faisons du progrès, mais il y a encore du chemin à faire, et je pense que la séance d'aujourd'hui montre bien la confusion qui existe au sein de la société à l'heure actuelle.
Mme Carolyn Bennett: Si notre objectif est l'égalité et un partage égal des responsabilités parentales, je ne suis pas sûre que le fait de désigner quelqu'un comme dispensateur secondaire, tertiaire ou quaternaire—puisqu'il y a aussi les grands-parents et les bonnes d'enfants—je ne suis pas sûre que cela nous fasse progresser beaucoup.
Mme Bernadette MacDonald: Il est vrai que notre vocabulaire est limité.
Mme Carolyn Bennett: Oui. Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Monsieur Lowther, suivi de la sénatrice Pépin.
M. Eric Lowther: C'est comme faire une séance de comité sous l'eau, avec de la musique dans la pièce d'à côté. Je suis bien content d'avoir mon écouteur.
J'ai une question à poser à Mme MacNeil. D'après vos commentaires, j'ai le sentiment que vous n'êtes guère favorable à la garde partagée. Vous dites que la garde partagée a une signification différente selon les gens: deux maisons, deux maisons tout équipées, tout est divisé jusqu'à la dernière cuillère, et l'enfant fait l'aller-retour entre les deux domiciles. Ou encore, cela peut simplement vouloir dire pour certaines personnes qu'il est entendu qu'ils devraient faire des efforts pour que les enfants aient des rapports avec leurs deux parents. Il y a donc toute une gamme d'options.
Quel type de garde partagée n'aimez-vous pas? Dans toute cette brochette, y a-t-il une option qui vous convienne?
Mme Georgia MacNeil: Ce n'est pas une question de savoir si je suis pour ou contre tel ou tel type de garde partagée. Dans un monde idéal, où les parents peuvent sublimer leurs différends pour le bien de leurs enfants, il est formidable que les enfants aient le plus de contacts possible. Cependant, dans les cas dont nous nous occupons, ces rapports sont litigieux. Il y a une guerre de pouvoir acerbe qui se livre au sein des familles de la plupart des femmes avec lesquelles nous faisons affaire.
La garde partagée n'est pas une option opportune dans les cas de sévices. Cela perpétue une situation abusive, au détriment des enfants et de leurs dispensateurs de soins.
M. Eric Lowther: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Pépin, et ensuite la sénatrice Cools.
La sénatrice Lucie Pépin: Je vous demanderais de vous servir de votre écouteur pour obtenir l'interprétation. Je veux tenir des propos nuancés, et cela ne m'est pas possible en anglais. Par conséquent, je parlerai ma propre langue.
[Français]
Si j'ai bien compris, et vous pourrez me corriger, selon la loi islamique, il me semble que lorsqu'une femme ou un homme dit qu'il ou elle veut divorcer, il n'y a pas de problème et le divorce se produit. Est-ce que je suis dans l'erreur ou si c'est bien ce que prévoit la loi islamique pour le divorce?
[Traduction]
M. Jamal Badawi: Madame, idéalement, selon la loi islamique, le prophète a stipulé qu'aux yeux de Dieu le divorce est l'acte le plus détestable qui soit autorisé et qu'il doit être considéré uniquement comme un dernier recours.
Deuxièmement, une fausse conception veut que le divorce soit très facile selon la loi islamique. C'est un peu comme si on disait du mariage chrétien qu'il est très facile, puisqu'il suffit de dire devant un prêtre: «Je le veux.»
Il n'en est rien. Le Coran prévoit diverses étapes en cas de différend entre mari et femme, diverses étapes pour régler ce différend entre eux. Si cela ne réussit pas, le Coran recommande l'intervention de deux arbitres, l'un de la famille de la femme et l'autre de celle du mari, pour essayer de résoudre le problème.
• 1610
Si tout cela ne donne rien, il y a diverses formes de
dissolution du mariage dans le contexte islamique. Premièrement, il
peut y avoir une entente entre les deux parties. Deuxièmement, on
peut se plier à la volonté unilatérale du mari. Troisièmement, la
volonté unilatérale de la femme peut avoir préséance si cela est
précisé dans son contrat de mariage. On peut aussi se fonder sur
une ordonnance d'un tribunal ou avoir recours à un autre système
de...
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Mais nous sommes au Canada. Donc, on va ramener la loi au Canada. Il est important de considérer votre culture et vos antécédents, mais il me semble que la loi du Canada doit prévaloir sur vos coutumes.
Si j'ai bien compris, vous nous dites qu'une jeune fille ou un bébé fille devrait être gardée par une jeune fille de 15 ans plutôt que chez son père, selon vos traditions. Puisque vous vivez chez nous, c'est notre loi qui doit s'appliquer.
Auriez-vous de la difficulté face à la garde conjointe? Accepteriez-vous que les filles aient autant accès au père qu'à la mère? Qu'est-ce que vous trouvez difficile dans la loi canadienne pour les gens de votre culture?
[Traduction]
M. Jamal Badawi: Dans la loi coranique, il est présumé que cette liste de priorités tient compte des intérêts de l'enfant. Au cours de mon exposé, je n'ai pas eu le temps de préciser certains détails qui figurent dans mes notes en bas de page, mais tout cela ne se fait pas de façon automatique. Cela montre simplement le parti pris, diriez-vous, ou la tendance de la loi coranique à favoriser le côté de la femme. Comme l'ont indiqué des juristes musulmans, au cours de ses premières années, l'enfant a beaucoup plus besoin d'une femme à ses côtés.
Voilà pourquoi il existe diverses catégories de femmes qui ont des droits. Ainsi, par exemple, la grand-mère maternelle a préséance sur la grand-mère paternelle, même s'il s'agit de deux femmes.
En l'occurrence, il est question d'enfants de moins de sept ans environ pour les garçons et de moins de neuf ans pour les filles. Après, on tient compte des intérêts de l'enfant pour décider qui serait le plus apte à en assurer la garde.
Par conséquent, vous avez tout à fait raison de dire que si la mère n'a que 15 ans et n'a pas la maturité voulue pour s'occuper de son enfant, on en tient compte. D'ailleurs, c'est l'un des critères que j'ai mentionnés dans ma liste. Par conséquent, l'octroi de la garde n'est pas automatique. Il y a simplement des lignes directrices quant à savoir à qui accorder la priorité.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Je veux savoir si j'ai bien compris. Au Canada, actuellement, s'il y avait une fille dont la mère avait 15 ou 16 ans, vous seriez tentés de suivre vos traditions plutôt que notre loi à nous. Ai-je bien compris?
[Traduction]
M. Jamal Badawi: Je ne suis pas un expert de la législation canadienne, mais, dans la perspective coranique, si la mère est en mesure de s'occuper de son jeune bébé, d'après notre religion, d'après nos traditions, elle a préséance sur le père.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Ce sera votre dernière question.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Vous avez parlé du remariage. Que se produit-il lorsqu'il y a un remariage? Vous avez simplement mentionné le remariage et vous vous êtes arrêté là. Qu'est-ce qui se produit à ce moment-là? Qui a la garde des enfants? Est-ce que le parent qui a la garde de l'enfant peut le garder ou si l'enfant doit être envoyé à l'autre parent? Qu'est-ce qui se produit?
[Traduction]
M. Jamal Badawi: Dans mon exposé, j'ai relaté l'opinion la plus courante, qui est qu'en cas de remariage de la mère, l'autre parent, le père en l'occurrence, devrait assumer la garde de l'enfant. On suppose que le nouveau mari ne voudra pas nécessairement s'occuper de ce dernier.
Cependant, dans les notes en bas de page je renvoie à d'autres opinions jurisprudentielles. Par exemple, certains juristes musulmans affirment que peu importe si la mère se remarie, pour autant que l'atmosphère et le milieu dans lequel l'enfant est élevé soient propices à son développement et à ses intérêts.
Certains juristes font une distinction entre un cas comme celui-là et le cas d'un remariage de la mère avec un parent de l'enfant, comme son oncle, par exemple. En pareil cas, les intérêts de l'enfant seront garantis. Il y a donc diverses opinions, toutes axées sur les intérêts de l'enfant.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Permettez-moi de vous rappeler que vous vivez au Canada. Nous avons des lois. Si vous avez décidé de venir vivre chez nous, c'est parce que vous acceptiez de suivre nos lois. Je comprends bien votre culture, mais il m'est difficile de comprendre que quand une mère ayant la garde de ses enfants se remarie, elle perd la garde de ses enfants. Pour moi, c'est très difficile à comprendre.
Je ne veux pas que vous preniez ombrage de ma question, mais est-ce que ce serait une des raisons pour lesquelles on voit souvent des kidnappings d'enfants? Les pères prennent l'enfant et l'amènent hors du Canada. Est-ce l'une des raisons qui expliquent le nombre de kidnappings d'enfants par les membres de la communauté islamique?
[Traduction]
M. Jamal Badawi: Premièrement, madame, je vous signale que je ne comparais pas devant le comité pour affirmer qu'il faut violer la loi canadienne. Comme je l'ai dit dans mon préambule, je comparais au nom de la communauté musulmane dans le but de familiariser le comité avec les règles régissant la garde des enfants et le droit de visite d'après la loi coranique.
Deuxièmement, c'est un stéréotype de dire que les pères issus de la communauté musulmane kidnappent leurs enfants. Tout le monde fait cela. C'est un acte répréhensible, que la personne soit musulmane, chrétienne, ou juive. Je ne pense pas que l'on doive mélanger les stéréotypes avec les enseignements de la loi coranique.
En troisième lieu, j'aimerais vous signaler un aspect très important. Selon la loi islamique, tant sur le plan théorique que sur le plan historique, même s'ils formaient une majorité de 99 p. 100, les musulmans permettaient aux collectivités religieuses, comme celles des juifs et des chrétiens, de respecter les règles qui leur étaient propres en matière de mariage, de divorce, de garde et de patrimoine. Il s'agit d'une pratique historique. En Égypte, par exemple, même aujourd'hui, les chrétiens ne forment qu'une petite minorité, mais ils ont leurs propres tribunaux religieux. À travers l'histoire, c'est ainsi que les musulmans ont traité les minorités religieuses.
J'espère qu'un jour également, au Canada, compte tenu des grandes idées qui sous-tendent la constitution, on reconnaîtra et célébrera la tolérance dont les musulmans ont fait preuve au cours des siècles dans leurs rapports avec les minorités religieuses pour ce qui est de ces questions d'ordre personnel ou familial.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Je n'ai pas voulu...
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je m'excuse.
La sénatrice Lucie Pépin: Un dernier commentaire.
[Français]
Je n'ai pas voulu vous offusquer en parlant de kidnapping. Je ne veux pas nécessairement dire que tous les kidnappings qui se produisent sont le fait de votre communauté, pas du tout. Vous avez fait le point sur la situation. Je suis bien d'accord. Merci.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): La sénatrice Cools, suivie de Mme Finestone.
M. Jamal Badawi: Une mauvaise action est une mauvaise action, quel qu'en soit l'auteur. Voilà qui ne doit pas être confondu avec la loi islamique, dont je parle aujourd'hui.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord. Ce sera tout.
Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins de leur comparution.
Les questions relatives au rapt d'enfants par leurs parents ne sont pas du tout les mêmes que celles que vous abordez ici. Ce sont des questions que notre comité n'a pas encore véritablement abordées. Nous avons entendu un ou deux témoins à ce sujet, mais je pense qu'il faut en entendre davantage.
Les témoins représentant Women's Centres CONNECT ont soulevé les questions de la violence et de l'agression dans les familles et les relations de couple. Pour un instant je croyais qu'elles proposaient un retour au divorce avec notion de faute, mais je pense qu'elles ont donné les précisions voulues. Ai-je raison?
Mme Georgia MacNeil: Je ne sais pas ce que vous entendez par divorce avec notion de faute. Je m'en excuse.
La sénatrice Anne Cools: À l'heure actuelle, nous parlons de divorce sans notion de faute. Bien des gens ont travaillé durant des années...
Mme Georgia MacNeil: Je ne suis pas avocate.
La sénatrice Anne Cools: Il y a très peu d'avocats ici. C'est pour cette raison que, dans la Loi sur le divorce, on a laissé tomber toute considération de la conduite antérieure. Dois-je comprendre que vous souhaitez que nous nous intéressions davantage à la conduite?
Mme Georgia MacNeil: Je pense que dans les cas où il faut tenir compte de la protection de la mère et de l'enfant... J'estime que la protection des personnes à risque doit être considérée.
La sénatrice Anne Cools: D'accord.
La question que je veux vous poser a rapport aux femmes que vous aidez et auxquelles vous offrez vos services. Vous ne nous avez pas précisé le nombre de personnes à qui vous offrez ces services, mais je crois comprendre qu'il est passablement important.
Mme Georgia MacNeil: Comme je l'ai dit en introduction, au cours de la dernière année, les centres de femmes ont offert des services à plus de 800 femmes au sujet de questions relatives à la garde et au droit de visite.
La sénatrice Anne Cools: Très bien. C'est parfait. Ainsi, vous avez offert vos services à 800 femmes pour des questions relatives à la garde et au droit de visite. Combien d'entre elles étaient des femmes qui avaient été agressées physiquement?
Mme Georgia MacNeil: Je ne suis pas en mesure de vous donner la ventilation. Les coordonnatrices ne m'ont pas fourni cette information. Cependant, on m'a informé du fait que la majorité des femmes font l'objet d'agression d'ordre psychologique ou physique.
La sénatrice Anne Cools: Je suis intéressée par la violence de la part du conjoint. C'est à ce sujet que je tente d'obtenir de l'information. Sur les 800 femmes, combien ont subi des violences physiques de la part de leur mari? Je pourrais comprendre que vous n'ayez pas cette information.
Mme Georgia MacNeil: Je puis certainement tenter de l'obtenir et de l'intégrer à mon mémoire, mais je ne l'ai pas pour le moment.
La sénatrice Anne Cools: D'accord. Ainsi, vous n'êtes pas en mesure de me dire combien des femmes à qui vous avez offert vos services ont fait l'objet de violence physique.
Mme Georgia MacNeil: Je ne suis pas en mesure de le faire.
La sénatrice Anne Cools: Vous ne le pouvez pas.
Mme Bernadette MacDonald: Puis-je vous poser une question?
La sénatrice Anne Cools: Vous devriez adresser toute question à la présidence.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non, on ne peut pas poser de questions aux membres.
Mme Bernadette MacDonald: D'accord.
La sénatrice Anne Cools: Très bien. Puis-je continuer, monsieur le président?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.
La sénatrice Anne Cools: Merci.
Parmi les femmes maltraitées que vous avez aidées—et je ne doute pas que leur nombre soit important—combien vivaient en union de fait et combien étaient mariées?
Mme Bernadette MacDonald: Je travaille au Pictou County Women's Centre de New Glascow, et la plupart des femmes avec qui je traite sont mariées.
La sénatrice Anne Cools: La plupart? Pourriez-vous me fournir un pourcentage?
Mme Bernadette MacDonald: Une majorité. Je ne dirais pas que le pourcentage est de 90 p. 100, mais la plupart des femmes à qui j'ai affaire au centre sont mariées.
La sénatrice Anne Cools: D'accord: vous avez donc affaire à un ensemble de clientes plutôt qu'à 800 femmes. Je ne comprends plus très bien.
Mme Bernadette MacDonald: Non, je fais partie des 800 femmes.
La sénatrice Anne Cools: Oh, vous faites partie des 800 femmes?
Mme Bernadette MacDonald: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Vous êtes donc subsumée dans ce nombre. Je comprends.
Mme Bernadette MacDonald: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Très bien. Quel pourcentage des femmes mariées ont demandé le divorce?
Mme Bernadette MacDonald: De la force?
La sénatrice Anne Cools: Le divorce.
Mme Bernadette MacDonald: Oh, le divorce. Désolée, je croyais que nous passions à un autre sujet.
La sénatrice Anne Cools: Non, le divorce. Combien des femmes maltraitées avec qui vous travaillez ont demandé le divorce?
Mme Bernadette MacDonald: La plupart n'ont pas encore demandé le divorce.
La sénatrice Anne Cools: Ah oui?
Mme Bernadette MacDonald: Non, elles n'en sont pas encore rendues là.
La sénatrice Anne Cools: La plupart des femmes maltraitées avec qui vous travaillez n'ont pas encore réclamé le divorce?
Mme Bernadette MacDonald: C'est exact. La plupart sont simplement séparées.
La sénatrice Anne Cools: Oh, d'accord. Je vous signale que c'est ce qu'on nous a dit dans tout le pays, que la plupart des femmes maltraitées n'ont pas présenté de demandes de divorce.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avez-vous terminé, sénatrice Cools?
La sénatrice Anne Cools: Oui, merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame Finestone.
Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup, monsieur le président.
Dans la veine des observations de Mme Pépin, j'aimerais obtenir quelques précisions. J'apprécie le fait que vous nous ayez donné un aperçu général; c'est important.
Également, je tiens à dire que même si le Canada a beaucoup évolué au cours des 30 ou 40 dernières années, il existe depuis très, très longtemps au Canada des groupes minoritaires, mennonites, huttérites et autres.
Dans le cas des tenants de l'islam, pourriez-vous nous expliquer ce que vous avez dit au sujet des motifs spirituels, émotifs et autres pour lesquels il est préférable de confier la garde des enfants à la mère au cours des premières années? C'est ce que nous appelons le principal dispensateur de soins au cours des premières années, jusqu'à l'âge de sept ans pour les garçons—c'est d'ailleurs ce que disait l'Église catholique: laissez-nous votre enfant jusqu'à l'âge de sept ans, et nous vous rendrons un bon catholique pour le reste de sa vie—et jusqu'à l'âge de neuf ans, dans le cas des filles.
On peut donc supposer que, dans tous les cas, c'est la femme qui est le principal dispensateur de soins durant les premières années de vie des enfants. J'aimerais néanmoins savoir ce qui se produit après l'âge de sept ans ou de neuf ans. Le dispensateur de soins change-t-il? La femme doit-elle automatiquement envoyer son fils vivre avec son père, ou l'homme doit-il envoyer sa fille vivre avec sa mère? Que se passe-t-il lorsque les enfants atteignent l'âge de sept ou de neuf ans si les parents sont encore séparés?
M. Jamal Badawi: Non, madame, ce n'est pas automatique.
Permettez-moi d'abord de parler de cette question de l'âge. Certains juristes établissent l'âge à neuf et onze ans. Certains juristes disent que les filles peuvent rester avec leur mère jusqu'à l'adolescence. Certains disent même qu'elles peuvent rester avec leur mère jusqu'à leur mariage, car elles ont moins besoin de leur père que d'apprendre de leur mère comment être plus tard une épouse et une mère. Mais d'une façon générale, lorsqu'un enfant atteint l'âge de sept ans ou de neuf ans, il a le choix de continuer à vivre avec son principal dispensateur de soins, sa mère, ou d'aller vivre chez son père.
Mme Sheila Finestone: C'est donc l'enfant qui décide?
M. Jamal Badawi: Oui, l'enfant peut choisir. Mais certains juristes disent que si l'enfant hésite, s'il n'arrive pas à choisir, il peut laisser le hasard décider pour lui.
Mme Sheila Finestone: Qu'entendez-vous par là, laisser le hasard décider pour lui? Il peut tirer à pile ou face?
M. Jamal Badawi: Oui, si l'enfant n'arrive pas à faire un choix. C'est l'une des façons de régler le problème si l'enfant n'arrive pas à se décider.
Toutefois, certains juristes ne sont pas de cet avis. Ils disent qu'il faut examiner ce qui correspond à long terme à l'intérêt de l'enfant, qu'il ait atteint l'âge de sept ans ou non. Même à cet âge, le juge peut décider qu'il vaut mieux pour l'enfant de demeurer avec le même parent. Cela n'a donc rien d'automatique.
Mme Sheila Finestone: Merci.
Ma dernière question porte sur le divorce. J'ai écouté votre témoignage, et je crois que dans la plupart des religions de nature orthodoxe le divorce est mal accepté. D'ailleurs, le terme «divorce» ne se trouve nulle part dans la Convention relative aux droits de l'enfant, non plus que dans la Convention internationale sur les droits des enfants. C'est à dessein qu'on ne l'a pas employé, en raison des différences culturelles qui existent entre les différentes religions du monde.
Jusqu'à présent, le Canada applique les mêmes règles et les mêmes lois à toute sa population. Supposons qu'un couple veuille divorcer. Les tribunaux canadiens pourraient-ils, selon le droit canadien, faire droit à cette demande de divorce, ou faudrait-il attendre, comme pour un divorce juif, un jugement conditionnel avant d'obtenir le jugement final qui rend leur liberté aux deux conjoints? Que prévoit le droit islamique à cet égard?
M. Jamal Badawi: Le droit islamique permet aux deux conjoints de mettre fin à un mariage malheureux. Encore une fois, je suis en butte à un stéréotype, car, malheureusement, certaines des remarques qui ont été faites sont des stéréotypes.
Les deux conjoints peuvent demander le divorce dans la religion musulmane. Comme je l'ai dit, cela peut se faire de différentes façons. Entre autres, la femme peut demander unilatéralement le divorce si ce droit est expressément mentionné au moment du mariage. Elle peut également avoir recours aux tribunaux, et ce, même s'il n'existe aucun motif pour elle en droit islamique de réclamer un divorce, comme par exemple si son mari est violent ou ne lui accorde aucun appui financier. Il existe également un système connu sous le nom de khul, un système de retranchement, qui permet à la femme de dire à son mari: «D'accord, je te rends ton cadeau de mariage, mais je veux m'en aller. Tu n'es coupable de rien, mais je n'en peux plus.» Donc, pour ce qui est de la liberté...
Mme Sheila Finestone: J'en déduis donc que selon le droit islamique la femme a ce droit alors que selon le droit juif c'est un droit strictement limité à l'homme, n'est-ce pas?
M. Jamal Badawi: C'est exact. Il existe quatre ou cinq façons différentes de dissoudre un mariage dans la religion musulmane. La femme peut décider de mettre fin à l'union en ayant recours à un tribunal, ou encore elle peut le faire même si son mari n'a rien fait pour cela.
Mais pour revenir à votre question, sur les exigences du droit par rapport à celles de la religion en matière de divorce, il est certain que pour les pratiquants de la religion musulmane le divorce doit être acceptable et correspondre aux exigences du droit islamique. Vous seriez étonnés de voir à quel point ces exigences sont semblables à celles du droit canadien. On a parfois tendance à penser que les règles de la religion sont entièrement différentes. En fait, les objectifs du droit islamique sont très semblables à ceux du droit civil, et ce, à bien des égards. Par conséquent, il n'y a donc pas... Cela peut se faire avant ou après; cela n'a pas d'importance.
Mme Sheila Finestone: Ce qui me préoccupe, en fait, c'est que si un tribunal canadien accorde la garde des enfants à la femme, à l'épouse, puisqu'elle est considérée, dans le dossier, comme le principal dispensateur de soins, cette décision ne peut être renversée lorsque les enfants atteignent un certain âge, sauf par consentement mutuel. Une telle façon de procéder serait-elle acceptable?
M. Jamal Badawi: Oui.
Mme Sheila Finestone: Eh bien, d'accord.
M. Jamal Badawi: Si les parents ont à coeur l'avenir de leurs enfants, ils conviendront d'une telle mesure.
Mme Sheila Finestone: Vous vous rappellerez, monsieur le président, qu'il a été recommandé à un moment donné qu'en cas de problème il y ait un premier intervenant qui soit un ami de la famille, puis un médiateur, puis un processus d'arbitrage, avant qu'on ait recours aux tribunaux. On a également dit que dès le départ il devrait y avoir de toute façon un régime parental. Il me semble que certains de ces éléments sont présents dans ce régime.
Merci.
M. Jamal Badawi: Puis-je ajouter un autre renseignement? En Amérique du Nord, tant aux États-Unis qu'au Canada, on fait maintenant des efforts pour encourager ce genre d'arbitrage. Cet arbitrage relèverait d'un comité d'experts locaux ou régionaux, ou même du National Juristic Council, dont je suis membre. Ces experts et le conseil peuvent arbitrer des différends entre le mari et la femme en fonction du droit islamique, signer l'accord, et le transmettre au juge. Je crois savoir que si le juge estime que les deux parties s'entendent et que l'accord ne viole aucune autre loi, l'accord devient en fait une ordonnance. Ce serait à tout le moins une façon provisoire de procéder.
Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Je vous signale, madame Finestone, qu'il existe une autre religion en Amérique du Nord qui procède aussi de cette façon en parallèle, et c'est l'Armée du salut. L'Armée du salut applique cette même approche, et je trouve que c'est très intéressant. Une communauté religieuse effectue la médiation et trouve une solution, et lorsqu'un couple souhaite divorcer, les conditions du divorce sont établies par accord mutuel et approuvées par les aînés de l'Église. C'est très intéressant.
Merci beaucoup.
Nous nous réunirons demain à 9 h 30, à Charlottetown. La séance est levée.