TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 6 mai 1998
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): Je vous souhaite la bienvenue à tous à notre 24e réunion. Comme la séance est télévisée, je dois préciser qu'il s'agit de la 24e séance du Comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat canadien qui se penche sur les questions relatives à la garde et au droit de visite des enfants dans le cadre de son étude de la Loi sur le divorce.
Nous accueillons aujourd'hui, du Bureau d'enregistrement des enfants disparus de la GRC, le sergent John Oliver; du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, M. Gar Pardy de la Division des opérations consulaires; et du Service social international, Mme Agnes Casselman, directrice générale.
Soyez les bienvenus. Je ne sais pas si vous avez décidé entre vous qui allait prendre la parole le premier. Vous pouvez certainement décider cela entre vous, ou bien je prendrai la décision.
Vous avez la parole, monsieur Pardy.
M. Gar Pardy (Opérations consulaires, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président.
C'est un honneur de vous retrouver de nouveau sur la Colline pour discuter de ce qui, pour nous tous, fait certainement partie de notre vie quotidienne: les tragédies inhérentes à l'enlèvement international d'enfants.
Nous avons été heureux de recevoir il y a de cela quelques semaines un exemplaire du rapport du Comité de la Chambre des communes et de voir le nombre d'excellentes recommandations qu'il contenait. John, Mme Casselman et moi-même disions justement qu'il y a dans ce rapport beaucoup de recommandations que nous pourrions presque immédiatement mettre en oeuvre.
Notre Service des opérations consulaires aux Affaires étrangères est le groupe de fonctionnaires chargés d'essayer de régler les problèmes qu'ont les Canadiens dans les différents pays du monde. La simple lecture des quotidiens suffira à vous convaincre que nous ne nous ennuyons guère et qu'il arrive rarement que nous n'ayons rien à faire.
Parmi tous les cas dont nous avons à nous occuper, ceux qui concernent les enfants nous préoccupent de plus en plus, bien entendu. A bien des égards, ce sont les cas les plus tragiques et les questions à cet égard sont certainement les plus traumatisantes de toutes celles dont nous avons la responsabilité.
Je suis sûr que votre comité arrivera notamment à la conclusion qu'il est très difficile de définir de façon exacte les chiffres en cause. Nous avons des chiffres, John en a, Mme Casselman en a et le ministère de la Justice en a aussi, et nous tentons de mettre tous ces chiffres ensemble pour vous donner une idée de ce qui se passe à l'égard de ces cas-là, car il est important de pouvoir mesurer en quelque sorte l'ampleur du problème auquel nous nous heurtons.
• 1535
Nous tentons de suivre les cas qui nous sont signalés. En
1997, 62 nouveaux cas d'enlèvement d'enfants nous ont été signalés;
94 nouveaux cas de garde d'enfants, ou si vous voulez, de parents
qui, même s'ils n'ont pas la garde de leurs enfants, les gardent
auprès d'eux, nous ont été signalés; et 51 cas de protection de
l'enfance nous ont aussi été signalés. Ces cas se présentent dans
différents pays du monde. Si vous les mettez tous ensemble, et il
ne faut pas oublier qu'il s'agit de cas, il y a sans doute de 400
à 500 enfants en cause. Voilà les nombres dont il est question ici.
Je dirais, par ailleurs, qu'il pourrait très bien y avoir un nombre tout aussi important de cas semblables qui ne nous sont jamais signalés, car, bien souvent, les gens essaient de résoudre eux-mêmes les problèmes, avec l'aide de la famille et d'autres personnes.
Rien ne permet de penser que le nombre de cas est en baisse, et il me semble que beaucoup des cas qui nous sont signalés sont le résultat direct des efforts déployés au cours des cinq dernières années. Les efforts de John en particulier et du Bureau d'enregistrement des enfants disparus de la GRC s'étendent sur une période encore plus longue. La situation est telle que beaucoup plus de cas nous sont signalés aujourd'hui en raison de la publicité qu'a reçue cette question et du fait que les Canadiens y sont plus sensibles.
Il est important de comprendre la distinction entre les divers types de cas.
Le cas d'enlèvement international d'enfant serait celui d'un enfant qui se serait trouvé au Canada avant son enlèvement.
Le cas de garde d'enfant serait celui de l'enfant qui se serait trouvé au Canada au moment de l'enlèvement en question, et le plus souvent, il s'agirait du parent qui n'aurait pas la garde de l'enfant et qui garderait illégalement l'enfant près de lui dans un pays étranger ou de deux parents qui n'arriveraient pas à s'entendre sur le choix du lieu où ils vivraient avec leurs enfants. Ces cas-là sont bien plus fréquents que les cas d'enlèvements internationaux d'enfants.
Dans les cas de protection de l'enfance, il s'agit le plus souvent de cas qui nous sont signalés parce qu'il y a des problèmes familiaux à l'étranger et qu'on demande une intervention quelconque de la part des membres de notre personnel diplomatique ou consulaire à l'étranger pour aider la famille. En règle générale, il y a aussi des problèmes en ce qui a trait à la garde des enfants, voire un enlèvement d'enfants, dans ces cas-là aussi.
Pour ce qui est des cas internationaux, nous sommes ni plus ni moins le bureau de dernier recours. Les parents tentent d'obtenir satisfaction par tous les moyens possibles, ils font intervenir diverses autorités, mais quand tous les efforts échouent, c'est généralement à ce moment-là que nous sommes appelés à intervenir.
Dans les cas qui en arrivent à ce stade, il y a cinq ou six éléments différents. L'élément clé, c'est bien sûr que, quand nous sommes appelés à intervenir, la rupture du mariage ou de l'union est vraiment définitive. Il ne faut pas oublier non plus que, dans beaucoup de ces cas, il s'agit, non pas nécessairement d'une union officielle consacrée par un mariage, mais de relations de couples. Quand nous sommes appelés à intervenir, le niveau de désaccord est très élevé, il y a beaucoup d'amertume et il y a aussi parfois de la violence entre les parties au litige.
En règle générale, un des membres du couple éclaté décide que la meilleure solution est de s'enfuir dans un autre pays avec les enfants. Une fois cette décision prise, le parent qui prend la fuite aura déjà prévu tous les papiers de voyage nécessaires pour les enfants, aura pris des dispositions pour qu'ils puissent voyager à l'étranger et aura prévu leur installation dans un pays étranger. L'autre parent, qui se trouve toujours au Canada, aura demandé l'aide de toute une gamme d'organisations et d'organismes publics et aura constaté que, à toutes fins utiles, il est très difficile de remédier à la situation de façon directe ou immédiate, surtout quand il s'agit de pays qui ne font pas partie du groupe de pays soumis à la Convention de La Haye.
Notre rôle pour ce qui est d'aider les Canadiens consiste essentiellement à leur servir de guichet unique pour tous les problèmes liés à ces cas internationaux.
Comme vous pouvez le constater d'après cette liste d'éléments, il est toujours relativement facile de faire sortir un enfant du Canada sans en avoir l'autorisation légale. Il n'est pas difficile de prendre les moyens pour ce faire. Le fait que le nombre de ces cas soit aussi élevé et qu'il continuera d'être élevé montre bien que le parent déterminé peut quand même assez facilement faire sortir son enfant du pays.
• 1540
Cela dit, nous tenons à ce que vous sachiez, dans le cadre de
votre étude, que nous sommes persuadés que le nombre de ces cas
peut être abaissé. Il n'y a pas de solution unique, bien entendu.
Il faudra plutôt, pour réduire ou limiter le nombre de ces cas au
Canada, un effort concerté de la part d'une multitude d'autorités
en place à l'intérieur des frontières du Canada, car il y a
généralement peu de mesures qui sont prises ou qui peuvent être
prises à la frontière pour empêcher une personne qui est bien
décidée à faire sortir ses enfants du pays de le faire.
Dans certains cas, les employés des lignes aériennes constateront qu'il y a quelque chose qui ne va pas, ou encore, s'il s'agit de quelqu'un qui passe la frontière canado-américaine en voiture, les autorités des douanes et de l'immigration américaines interviendront sans doute. Il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas d'obstacle officiel au Canada pour empêcher les gens d'aller s'établir à l'étranger, et je ne crois pas me tromper en pensant qu'il ne risque guère d'y en avoir à l'avenir.
À l'étranger, le plus gros problème auquel nous nous heurtons, c'est que les autorités locales refusent d'intervenir si l'enfant qui a été enlevé et le parent en cause n'ont contrevenu à aucune loi locale. Le plus souvent, le parent qui enlève ses enfants les amène dans un pays où il ou elle a de la famille, où il ou elle fait partie d'une société et, le plus souvent, où il ou elle a la citoyenneté.
La police dans ces pays étrangers répugne à intervenir dans des cas de ce genre, et il y a très peu de choses qu'on peut faire pour tenter de faciliter la collaboration entre les parents en cause dans le litige. C'est dans ce sens-là que nous déployons la plupart de nos efforts et que nous obtenons le plus de succès aussi.
Le deuxième élément—et nous nous efforçons certainement d'encourager le parent victime à opter pour cette approche—, c'est de chercher à faire intervenir les tribunaux locaux pour que soient reconnus les droits du parent canadien lésé. Bien entendu, il faut du temps et de l'argent pour cela et le parent lésé qui se trouve au Canada n'a bien souvent pas le temps ni l'argent voulus pour se lancer dans un long litige dans un pays étranger.
Nous aidons toutefois les parents. Il nous arrive parfois de puiser dans les fonds publics pour aider les parents à aller dans un pays étranger. L'autre jour, nous avions le cas d'une jeune fille de 12 ans qui avait été enlevée et emmenée en Egypte, et nous avons fait le nécessaire pour que la mère puisse aller en Egypte. Nous avons pris des dispositions pour qu'elle puisse contacter l'enfant en cachette quand celle-ci se rendait à l'école, et nous les avons toutes les deux fait monter dans un taxi. Une fois dans le taxi, l'enfant a dit à sa mère: «Écoute, je suis heureuse là où je suis. Je ne veux pas retourner au Canada.» On a ainsi obtenu un règlement du dossier. La mère a décidé que le mieux serait de maintenir ses rapports avec l'enfant et d'espérer que, dans cinq ou six ans, quand l'enfant serait en mesure de se déplacer toute seule, elles pourraient reprendre leur relation de façon plus suivie.
Dans beaucoup de ces cas, c'est sans doute le mieux que nous puissions offrir aux parents. Quand nous nous heurtons à un mur de briques à l'étranger, comme c'est souvent le cas, c'est ce que nous tentons de faire: convaincre le parent canadien lésé d'essayer de maintenir ses rapports avec l'enfant d'une façon ou d'une autre dans l'espoir que, après quelques années, l'enfant sera en mesure de prendre ses propres décisions et décidera alors de revenir au Canada.
Nous venons tout juste de repérer une jeune Tunisienne qui a été enlevée du Canada il y a de cela 12 ans; je crois qu'elle a maintenant 22 ans. Par divers moyens, nous avons veillé à ce que la famille... Il ne s'agissait pas de la mère dans ce cas-ci, car la mère avait de graves problèmes. Il s'agissait plutôt de la famille de la mère qui avait gardé le contact avec l'enfant pendant qu'elle était à l'étranger, et nous avons pris des dispositions pour que la jeune femme puisse revenir au Canada.
Toutes les démarches se font en marge du régime légal de la Convention de La Haye ou des arrangements que nous arrivons à conclure avec d'autres pays. L'expérience nous montre de façon certaine que, si nous n'arrivons pas à obtenir qu'un pays signe la Convention de La Haye et accepte les arrangements limités qu'elle offre et les obligations restreintes qu'elle impose ici, nous ne réussirons pas à l'amener à participer à une relation bilatérale où il serait soumis à des dispositions exécutoires. Le mieux que nous puissions faire dans le cas de ces pays qui refusent de signer la Convention de La Haye, c'est de conclure avec eux des arrangements afin de faciliter les contacts entre le parent lésé qui se trouve au Canada et l'enfant, afin d'assurer le mieux-être de l'enfant, ce qui est un autre élément important de notre travail.
• 1545
Voilà donc ce que nous faisons en dernière analyse. Bien
souvent, nous travaillons en étroite collaboration avec
Mme Casselman, du Service social international, et avec le sergent
Oliver. Il se passe rarement une journée sans que nous ne soyons en
contact tous les trois. Alors, la collaboration existe certainement
entre nous.
Comme partout ailleurs dans l'administration gouvernementale, ce serait bien si on avait un peu plus de ressources, mais encore là, nous acceptons de vivre avec ce que nous avons. Je crois cependant que nous sommes tout de même en mesure de réussir assez bien. On est loin de ce qu'on voudrait faire, mais encore là, lorsque nous réussissons, nous sommes comblés. Dans les cas où nous ne réussissons pas, nous continuons d'essayer.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Pardy.
Monsieur Oliver.
Le sergent John Oliver (Bureau d'enregistrement des enfants, Gendarmerie royale du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie le comité de m'avoir invité à parler du problème que posent les enlèvements d'enfants.
Pour aider la police dans ses enquêtes sur les enfants disparus, le gouvernement a créé en 1988 le Bureau d'enregistrement des enfants disparus. C'est aujourd'hui un programme d'application de la loi reconnu à l'échelle internationale qui se consacre exclusivement à la recherche des enfants disparus. C'est un volet du programme du gouvernement canadien appelé Nos enfants disparus, auquel collaborent quatre organismes gouvernementaux: la GRC, Revenu Canada, Citoyenneté et Immigration et Affaires étrangères et Commerce international Canada.
Le programme a pour fonction d'intercepter et de retrouver les enfants disparus ou enlevés, qui se trouvent chez nous ou qui traversent les frontières internationales. Nous sommes chargés d'émettre les avis de surveillance aux frontières, de placer des affiches d'enfants disparus à tous les points de passage frontaliers au Canada et d'aider les organismes responsables de l'application de la loi et autres à mettre au point des techniques pour repérer les ravisseurs d'enfants ou les enfants enlevés.
Le Bureau d'enregistrement des enfants disparus lui-même travaille en très étroite collaboration avec tous les organismes nationaux et internationaux responsables du maintien de l'ordre, les ministères fédéraux et les organismes à but non lucratif autorisés comme Child Find Canada, la Missing Children Society of Canada et le Réseau enfants Retour-Canada.
Le Bureau a pour mandat d'aider tous les organismes canadiens responsables de l'application de la loi qui en font la demande à repérer et retrouver les enfants disparus. Nous suivons l'évolution des dossiers des personnes disparues en nous servant du système informatique de la police canadienne et en établissant des statistiques relatives aux enquêtes sur les enfants disparus. Nous rédigeons des bulletins statistiques, des rapports annuels et des articles sur les enfants disparus, et nous coordonnons et échangeons des informations sur les programmes de prévention au sein des services policiers canadiens et des groupes qui se chargent de retrouver des enfants disparus.
Nous encourageons le réseautage, les liaisons et la collaboration avec les services policiers d'autres pays, particulièrement ceux qui sont membres du réseau INTERPOL. Les agents de mon service sont membres d'un comité de l'INTERPOL qui se réunit semestriellement pour discuter des infractions visant les enfants. Nous coopérons avec les organismes accrédités qui se chargent de repérer et de retrouver les enfants disparus. Nous coordonnons le programme de transport et de réunion qui vise à aider les parents qui obtiennent le retour de leurs enfants dans un territoire désigné par un tribunal canadien. Aux organismes qui en font la demande, nous fournissons un programme informatisé de vieillissement des portraits. Nous collaborons avec Douanes Canada aux alertes aux frontières.
Voilà pour le mandat du Bureau. Depuis le début, la majorité des demandes d'assistance que nous recevons concernent des enfants qui ont été enlevés par leurs parents sur place. En conséquence, le Bureau est aujourd'hui connu pour la compétence qu'il a développée dans ce genre d'enquête, particulièrement dans les affaires à caractère international.
Nous aidons INTERPOL Ottawa dans tous les cas où il y a disparition d'enfants. A l'heure actuelle, nous traitons 60 nouveaux cas par mois. Il y a aujourd'hui au Bureau entre 1 500 et 2 000 dossiers ouverts.
Des événements récents faciliteront grandement notre tâche à mon avis. Il y a entre autres le cas de cet enfant canadien qui a été enlevé en Pologne. A la demande du Bureau des affaires consulaires de notre ambassade à Varsovie et de l'ambassadeur, nous avons communiqué avec le procureur général de la province où l'enfant résidait. Le procureur général de cette province s'est montré réceptif à nos instances de telle sorte que le Canada a pu faire inculper le père d'enlèvement.
Ce qui est arrivé, c'est que la mère, qui était citoyenne canadienne, disposait d'une ordonnance canadienne de garde lorsque l'enfant a été enlevé. L'enfant a été en fait enlevé au moment où elle se trouvait en Pologne. Grâce aux mesures prises ici par les services chargés de l'application de la loi, nous croyons que les autorités policières de ce pays nous aideront à retrouver l'enfant. Voilà pourquoi nous avons communiqué avec le procureur général. C'était pour voir s'il était d'accord pour porter des accusations.
• 1550
Je crois que le procureur général a pris là une décision qui
fera date. Nous espérons que cela nous aidera à retrouver d'autres
enfants si les mêmes conditions s'appliquent dans d'autres cas.
Nous fournissons des services aux organismes chargés de l'application de la loi, par exemple le programme de transport et de réunion que j'ai déjà mentionné. Ce programme fournit le transport gratuit au parent ou au tuteur d'un enfant enlevé n'importe où dans le monde lorsqu'on a repéré l'enfant. L'enfant peut alors rentrer au Canada. Ce service nous est fourni gratuitement par les lignes aériennes participantes, Air Canada et Canadien International, et par VIA Rail. Les lignes aériennes nous fournissent des billets gratuits pour toutes leurs destinations dans le monde.
Le Bureau offre également le programme informatisé de vieillissement des portraits, qui vieillit artificiellement la photographie d'un enfant disparu depuis plus de deux ans. Ce programme nous a aidés. Nous avons d'ailleurs réussi à retrouver un enfant en nous servant d'une photographie vieillie. Cet enfant avait disparu 16 ans plus tôt. Un touriste a vu l'affiche à un point de passage frontalier canadien, et en conséquence, nous avons pu retrouver l'enfant.
Pour ce qui est des rapts parentaux eux-mêmes, chacun sait que ce sont les enfants qui sont toujours les victimes. Ce sont ceux qui se retrouvent au milieu d'un conflit. Souvent, et tout probablement, il s'agit d'un adulte qui se sert de l'enfant comme d'une arme contre l'autre conjoint.
Dans la plupart des cas, le parent ravisseur ne songe pas aux effets que son geste peut avoir sur l'enfant. Le plus souvent, le parent ravisseur se croit lésé et il agit ainsi pour se venger. Dans certains cas, c'est parce que le parent qui a la garde refuse l'accès à l'enfant. Très souvent, on me dit que le parent qui a des droits de visite se conforme à l'ordonnance, mais c'est le parent qui a la garde qui continue de lui refuser l'accès. Le parent, s'imaginant qu'il n'a plus de recours, enlève alors l'enfant.
Les parents ravisseurs ont tort de penser qu'ils n'ont aucun recours. À l'heure actuelle, le parent qui a des droits de visite peut exercer des recours au criminel, et en les exerçant, il pourrait mieux se protéger et protéger l'enfant.
Dans d'autres cas, on veut simplement punir l'autre parent. Le ravisseur s'empare de l'enfant—même s'il n'en veut pas vraiment—pour punir l'autre parent.
La plus grande difficulté que j'ai constatée, c'est que plusieurs personnes croient à tort que l'enfant est en sécurité parce qu'il se trouve avec l'un des parents. En fait, c'est faux. Dans plusieurs cas auxquels j'ai été mêlé, et je l'ai vu aussi dans les études que j'ai lues, l'enfant court un plus grand danger que s'il était enlevé par un étranger. L'enfant risque de subir des mauvais traitements ou d'être négligé. On peut aussi abuser de lui sexuellement. Chose absolument certaine, l'enfant sera psychologiquement perturbé. Il faut considérer que l'enfant est en danger et que c'est un problème grave pour l'enfant.
Les mesures de prévention pour une infraction comme celle-ci doivent entrer en vigueur dès la séparation. Lorsque les parents s'adressent aux tribunaux, ou lorsqu'intervient n'importe quel genre d'accord de séparation, il y a lieu de se demander qui voit aux intérêts de l'enfant. Souvent, les tribunaux reçoivent des rapports des deux côtés, qui peuvent témoigner d'un parti pris pour le parent qui présente le rapport. Généralement, personne ne représente les intérêts de l'enfant devant le tribunal. Toutes les décisions concernant l'enfant doivent être prises dans l'intérêt de l'enfant, et non des adultes qui sont en cause.
Ce ne sont pas toutes les séparations ou tous les divorces bien sûr qui conduisent à des affrontements, mais d'après l'expérience que nous avons, les enlèvements ne se produisent pas toujours immédiatement après que le tribunal a rendu son ordonnance de garde. Dans la plupart des cas, lorsque l'enfant est enlevé après que le tribunal a rendu l'ordonnance de garde, il faut attendre habituellement de deux à cinq ans après que l'ordonnance a été rendue, ou alors l'enfant est enlevé avant que le tribunal ne rende sa décision. Généralement, dans ces cas-là, le parent ravisseur s'empare de l'enfant parce qu'il s'imagine qu'il n'aura pas gain de cause au tribunal.
• 1555
De plus, dans bien des cas, le ravisseur dira avoir enlevé
l'enfant parce qu'il était victime de sévices et que le parent
ayant la garde infligeait de mauvais traitements à l'enfant.
Je participe à des enquêtes de ce genre depuis 10 ans. Comme M. Pardy et Agnes, j'ai contribué au retour de bon nombre de ces enfants.
D'après mon expérience, au cours des 10 dernières années, on a souvent dit que la police ne devrait pas s'en mêler. Le problème, c'est qu'il s'agit d'une forme de violence contre les enfants. Si nous ne savons pas où est l'enfant, si on ne sert pas du réseau de la police, on refuse de se prévaloir du meilleur outil qui existe pour trouver l'enfant. Une fois qu'on a trouvé l'enfant, qu'on sait où il est, on peut recourir à d'autres méthodes pour assurer son retour. On fait appel à d'autres agences, telles que les services consulaires ou le Service social international, mais il faut d'abord savoir où se trouve l'enfant; c'est important pour entrer en contact avec l'enfant.
Dans tous les cas de rapt d'enfants, une intervention rapide est essentielle au retour sain et sauf de l'enfant. Pour l'instant, c'est grâce à la police qu'on peut le mieux trouver l'enfant et le remettre au parent qui en a la garde.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup, monsieur Oliver.
Madame Casselman.
Mme Agnes Casselman (directrice exécutive, Service social international Canada): Merci beaucoup. Je vous sais gré de me donner cette occasion de m'entretenir avec vous.
Vous vous êtes engagés dans une entreprise très importante pour les enfants et les familles du Canada dont la vie a été perturbée par une séparation ou un divorce. Vos travaux et vos recommandations sur ce sujet auront une grande incidence sur les enfants et les familles ainsi que sur les ressources et sur les services qui leur sont offerts.
J'ai aussi témoigné, comme M. Pardy et le sergent Oliver, devant le Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international lorsqu'il s'est penché sur la question des enlèvements internationaux d'enfants; il a ensuite produit un rapport et des recommandations très impressionnants. Les deux témoignages que vous venez d'entendre vous ont certainement fait comprendre que le travail de ce comité s'apparente beaucoup au vôtre.
SSI Canada est particulièrement ravi que votre comité ait décidé de mettre l'accent sur les questions de garde et de droit de visite par suite d'une séparation ou d'un divorce et de tenir compte surtout des besoins des enfants. L'approche axée sur l'enfant que vous avez adoptée est la meilleure.
Permettez-moi de vous parler un peu de Service social international Canada. Nous ne sommes pas aussi bien connus que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ou le Bureau d'enregistrement des enfants disparus de la GRC car notre organisme est un organisme non gouvernemental, mais SSI Canada fait partie d'un important réseau de services sociaux qui s'étend dans le monde entier. Nous dispensons des services dans environ 120 pays.
Tout au long de nos 70 ans d'existence, nous avons fait la promotion active de la collaboration internationale en matière de rapt d'enfants et en ce qui concerne les questions transnationales de garde et de droit de visite.
SSI Canada s'est constitué en société sous le régime de la loi fédérale en 1979 et est devenu le bureau national de Service social international Canada. Le secrétariat général se trouve à Genève. Il coordonne l'élargissement du réseau.
SSI Canada collabore étroitement avec le Bureau des affaires consulaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, avec le Bureau d'enregistrement des enfants disparus de la GRC et avec les services sociaux de tout le Canada. Dans les cas de garde d'enfants et de droit de visite, le ministère du Procureur général peut demander à SSI Canada de lui obtenir un rapport d'enquête sur un parent lorsque cette enquête a été menée à l'étranger.
Nous croyons fermement à l'importance de remettre aux tribunaux des rapports objectifs afin qu'ils disposent de toutes les informations dont ils ont besoin. Nous savons tous que tout parent peut fournir un affidavit détaillé et, s'il a un bon avocat, de très bons documents, mais SSI est en mesure de fournir des rapports objectifs au besoin.
• 1600
Service social international fait appliquer les conventions et
instruments internationaux, à l'élaboration desquels elle a
participé, qui ont été adoptés pour protéger les enfants depuis les
années 60. Nous avons le statut d'observateur à la Conférence de La
Haye de droit international privé. Nous avons participé à la
rédaction de la Convention relative aux droits de l'enfant, ainsi
qu'à d'autres conventions telles que la Convention de La Haye sur
les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, celle
que nous connaissons probablement le mieux.
Dans mon mémoire, je mentionne aussi la Convention de La Haye sur la compétence des autorités, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants. C'est une convention de 1996 qui n'est pas encore bien connue, mais qui, manifestement, aura une incidence sur les questions de garde et mérite d'être examinée.
Je suis accompagnée aujourd'hui d'un groupe de stagiaires en travail social, dans le cadre du programme international de jeunes stagiaires. Nous avons eu le privilège de rencontrer Louise Lussier, de Justice Canada, qui nous a présenté les diverses conventions. Elles constituent une partie intégrante du travail de SSI. On ne peut isoler l'élément de service social de l'élément juridique. Nous tenons donc à bien connaître les diverses conventions afin de pouvoir les utiliser dans notre travail.
Je présume que les membres du comité ont entendu bien des groupes de parents, des pères qui se sont vus refuser l'accès à leurs enfants et des mères qui disent avoir été maltraitées. Vous avez probablement l'impression que vous vous êtes aventurés dans un champ de mines, et que des mines explosent ici et là autour de vous. Vous traitez de questions qui suscitent beaucoup d'émotion, vous êtes allés au coeur du sujet en vous attaquant à cette question. Je suis certaine que vous avez constaté qu'il y a beaucoup de colère au pays. Mais il est très important d'entendre ce que ces gens ont à dire. Il est important de savoir ce que sont les problèmes que connaissent les parents.
Mais après avoir écouté attentivement ce que tous ont à dire et en avoir pris bonne note, il faut être très prudent et surtout tenir compte des intérêts de l'enfant. Il est toujours difficile de rapprocher deux camps opposés. Lorsque ces deux parties sont séparées par des frontières nationales et que la distance aggrave les problèmes qui surgissent dans toute cause de garde et de droit de visite, les problèmes deviennent gigantesques. Alors, peut-être que la seule façon d'aborder la question est de veiller avant tout aux intérêts de l'enfant.
À cette fin, SSI vous donne son appui sans réserve. J'aimerais revenir à ce que vous avez déjà entendu. Les deux parents d'un enfant veulent continuer à faire partie de sa vie. C'est de cela qu'il s'agit. Les parents sont peut-être séparés, ne sont plus mariés, mais ils resteront toujours des parents. Par conséquent, il importe dès le départ de trouver des façons de faire primer les droits de l'enfant. L'article 9 dit que l'enfant a le droit de rester en contact avec ses deux parents. Cela doit être la priorité. Le plus important, c'est de trouver des façons de garantir cela.
Il se dessine des tendances très encourageantes en matière de médiation et de garde partagée. À mon avis, l'un des aspects les plus importants est la possibilité d'imposer une séance de médiation aux parents.
À ce sujet, j'attire votre attention sur le modèle de l'Alberta. J'ai été très intéressée d'apprendre que les services du tribunal de la famille et de médiation des Services sociaux et de la Famille de l'Alberta ont conçu un programme dans ce domaine. On m'a remis les informations que j'ai l'intention de communiquer à mes collègues du réseau SSI lors de notre rencontre la semaine prochaine, à Genève.
J'ai aussi communiqué à votre comité les recommandations du Conseil de l'Europe, car il m'apparaît important que vous y jetiez un coup d'oeil afin de voir ce qui se fait à l'étranger en matière de garde, de droit de visite et de rapt d'enfants. Le Conseil de l'Europe n'a peut-être pas de pouvoirs à ce chapitre, mais il est néanmoins constitué de 20 nations membres dont l'expérience peut être intéressante.
• 1605
Il est encourageant de voir qu'on soulève ces questions et
qu'on voit que la médiation est un outil important. Nous disons
qu'on devrait peut-être imposer une séance de médiation comme cela
se fait actuellement en Alberta... cela pourrait être suivi d'une
séance volontaire.
D'après ce que je sais de l'expérience albertaine—d'autres témoins vous en ont peut-être déjà parlé—on semble avoir déjà obtenu des résultats formidables après la séparation de parents. Cela pourrait nous être utile dans notre travail au Canada et aussi à l'étranger.
Dans le mémoire que je vous ai remis, je parle aussi de certaines considérations internationales. Je parle notamment du cas de l'Allemagne qui m'apparaît important. Je crois que vous avez entendu des grands-parents vous parler de leurs préoccupations devant l'absence de contacts avec leurs petits-enfants. L'Allemagne vient d'adopter de nouvelles dispositions législatives et d'élargir la catégorie de personnes ayant un droit de visite. Outre le parent qui n'a pas la garde, les grands-parents, les frères et soeurs, les beaux-parents et les anciens parents nourriciers auront un droit de visite si c'est dans l'intérêt de l'enfant. Si une entente à l'amiable n'est pas possible, ces personnes pourront s'adresser aux tribunaux pour obtenir un droit de visite réglementé. Cela m'apparaît très important. Bien sûr, en Allemagne, on collabore avec les services d'aide à l'enfance.
Le sergent Oliver vous a dit qu'il est important de définir le rapt d'enfant comme une forme de violence contre les enfants. Peut-être devrait-on examiner cette question du point de vue législatif. Souvent, en ce qui concerne le bien-être des enfants, nous tentons d'isoler les questions de protection des questions de garde d'enfant. Mais lorsqu'un enfant n'a plus de contacts avec un de ses parents, c'est une forme de violence. C'est l'une des questions qui figurent dans la liste que je soumets à votre étude.
J'ai aussi dit que, lorsque le retour d'un enfant après une longue visite cause des problèmes ou qu'un enfant ne rentre pas auprès du parent qui a la garde, il faudrait parfois aider les parents qui n'ont pas les moyens financiers en leur offrant les services d'un conseiller juridique lorsque l'autre parent garde l'enfant avec lui dans une autre province ou un autre territoire, au Canada, ou à l'étranger. À cette fin, je suis heureuse de voir la recommandation 13 du document sur les questions d'enlèvements internationaux d'enfants.
Je mettrai maintenant fin à mes remarques. J'ai d'autres recommandations à vous faire, mais je terminerai en invitant les membres du comité à se joindre à nous pour un séminaire qui se tiendra le 6 novembre au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous y traiterons des enfants pris entre deux parents qui se font la guerre, entre deux provinces ou pays, et d'autres questions de ce genre.
Nous aimerions rassembler les résultats de vos travaux et ceux d'autres comités qui se sont penchés sur les enlèvements internationaux d'enfants. Nous aimerions entendre vos recommandations et, surtout, d'ici au 6 novembre, discuter de la façon de les mettre en application. Nous compterons sur la sénatrice Landon Pearson à cet égard, ainsi que sur M. Pardy et sur le sergent Oliver. Nous nous pencherons sur ces questions ensemble.
Enfin, j'estime que la sensibilisation du public est cruciale et qu'il faut faire connaître ces questions. Particulièrement, il faut appuyer le travail de la Coalition canadienne des droits de l'enfance qui surveille le respect des droits des enfants au Canada. Ce comité mérite qu'on l'appuie. Ses efforts sont certainement du ressort de la protection et des soins des enfants.
Merci beaucoup de cette occasion. Je conclurai en disant que le travail de votre comité vise à préserver les intérêts supérieurs des enfants. En somme, il servira à renforcer les enfants, les familles et les communautés. Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Casselman.
Nous allons maintenant passer aux questions et commencer par M. Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci, soyez les bienvenus au comité.
Je suis heureux que vous ayez parlé de ce qui se fait à l'échelle internationale. Je pense parfois que nous pourrions nous en inspirer pour ce qui est des services parallèles que nous souhaiterions voir instaurer d'une province à l'autre au Canada.
J'aimerais poser une question à Agnes Casselman. Du point de vue international, vous avez évoqué le fait que les dossiers suscitent beaucoup d'émotion et sont très touchants. Je le veux bien, mais qu'en est-il du cadre juridique dans une aire de compétence donnée et comment ce cadre juridique peut-il contribuer à la satisfaction des besoins en services de rechange, qu'il y ait conflit ou non? Étant donné votre expérience, je me demande si vous pourriez donner l'exemple d'un cadre juridique où l'on s'en tire peut-être mieux que le Canada en ce qui concerne l'atténuation du degré de conflit et la primauté qu'il y a lieu d'accorder aux intérêts des enfants.
Vous avez parlé d'un détail intéressant de la législation allemande. Je me demande si vous pourriez nous mentionner le cas d'un pays qui aurait des choses à nous apprendre.
Mme Agnes Casselman: La question est vaste. Il arrive qu'il y ait des différences entre les aires de juridiction, nous le savons. Ce qu'il nous faut voir, c'est quelle est la norme supérieure en ce qui concerne la préservation des intérêts supérieurs des enfants. Ce faisant, il faut se demander qu'est-ce qui a priorité?
À SSI Canada, nous constatons qu'il y a des conflits de ce genre dans les cas de détention illégale, par exemple, quand on a une revendication du statut de réfugié. Toutes sortes de cas différents nous sont soumis. Quelle législation prime et quelle est la norme la plus élevée, pour ainsi dire?
Si l'on pense à un pays dont on pourrait s'inspirer, l'Allemagne a effectué un examen récemment, et je sais qu'une partie de ce dernier a été effectuée dans le cadre du Conseil de l'Europe et je suis au courant de certaines de ses recommandations. Il vaudrait peut-être la peine de voir ce qu'on y a fait. Je peux obtenir ce renseignement pour le comité si vous souhaitez l'obtenir, ou des renseignements provenant d'autres pays du reste. Je peux aussi demander à mes collègues de l'étranger, la semaine prochaine, d'essayer de se pencher aussi sur cette question.
M. Paul Forseth: Il y a deux autres pays dont nous avons entendu parler et dont l'expérience intéresse le comité. Apparemment, un nouveau régime serait en voie d'application en Angleterre, et un témoin de ce pays nous a brièvement parlé de certaines choses intéressantes qu'on y fait là-bas. Pour ce qui est de l'autre, il s'agit de l'État de Washington, où on s'est livré à un examen complet, et nous nous tournons de ce côté-là aussi. Nous devons en savoir plus sur les problèmes qui se posent là-bas. Je me demande s'il n'y a pas un autre pays qui pourrait nous intéresser.
On entend constamment répéter au comité que notre système judiciaire accusatoire n'est peut-être pas particulièrement utile pour régler des problèmes de ce genre. Peut-être pourrions-nous examiner l'exemple des pays qui ont un système inquisitoire. Leurs régimes de droit de la famille pourraient peut-être proposer des approches préférables aux nôtres, étant donné que notre système accusatoire est perçu comme une cause de difficulté.
Mme Agnes Casselman: Il l'est, et il peut provoquer un enlèvement. Nous le savons. C'est pourquoi SSI est aussi ferme. D'autres le seront aussi d'ailleurs; nous encourageons la médiation pour régler cette question dès le début.
M. Paul Forseth: Je passerai à mes autres questions au prochain tour.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup.
Je pense que l'une des lacunes que nous devrions combler au comité a trait au fait que... Nous continuons de parler d'éviter d'exacerber les conflits, et une des questions qui revient tout le temps sur le tapis consiste à supprimer l'expression «garde et droit de visite» de la loi et à la remplacer par quelque chose qui n'aurait pas une aussi forte connotation de victoire ou d'échec. En fait, un programme d'éducation des parents et sur leur rôle pourrait contribuer à éviter que tout cela ne dégénère en un véritable conflit. Mais le problème auquel on se heurte sans cesse, c'est que si on retire les mots «garde» et «droit de visite» de la loi, que fera-t-on dans le cas des enlèvements internationaux? Faudra-t-il alors produire un certificat de garde ou quelque chose de ce genre pour qu'un parent puisse aller récupérer son enfant, après avoir travaillé autant pour faire retirer ces mots de la loi?
• 1615
J'aimerais que chacun de vous trois me donne son opinion.
M. Gar Pardy: Si on examine de près la Convention de La Haye, seul document international à traiter à fond de cette question, on voit qu'il n'y est pas question de garde. Tout ce qu'on y fait, c'est essayer d'établir dans d'autres pays qu'un enfant devrait être renvoyé vers un pays où la question de la garde pourrait être tranchée. Ce qui fait que quand on soumet des questions de cette nature à un pays étranger, le tribunal de ce pays étranger ne va pas de lui-même trancher la question de la garde. Il va permettre que l'enfant soit renvoyé au pays où il résidait habituellement. C'est dans le pays de la résidence habituelle que le droit de garde est attribué.
Je ne pense pas que cela changerait grand-chose à la convention même, ni à son application, si l'on avait un régime légèrement différent au Canada en ce qui concerne la façon d'appeler les choses ou la façon de régler la question de la garde. Le traité en vigueur ne constitue pas un problème.
Pour ce qui est d'autres pays, de pays qui n'ont pas signé la Convention de La Haye, je pense qu'il pourrait se poser un problème. Normalement, pour pouvoir faire quoi que ce soit dans ces pays étrangers il faut s'y rendre avec une ordonnance de garde bien établie et considérée comme telle.
Mme Carolyn Bennett: Il s'agit donc de franchir la frontière internationale avec l'enfant, et l'enfant est rendu... mais la question de la garde n'est pas nécessairement abordée dans la Convention de La Haye?
M. Gar Pardy: Non.
Sgt John Oliver: Si on le fait au cours de la première année, après la première année du départ de l'enfant, alors les tribunaux du pays où vous retrouvez l'enfant peuvent examiner les dispositions concernant la garde. Mais si on agit assez rapidement et que la demande est faite dans les 12 premiers mois, si l'on s'en tient à la convention, on n'est pas censé examiner la question de la garde mais ordonner le renvoi de l'enfant dans le pays du tribunal compétent.
Cette période est donc critique pour le retour de l'enfant.
M. Gar Pardy: Et 12 mois, ce n'est pas long quand on a à régler ces questions.
Mme Carolyn Bennett: Non, c'est facile de faire traîner les choses pendant 12 mois.
M. Gar Pardy: Vous n'avez même pas à le faire.
Mme Agnes Casselman: Quelque fois, naturellement, il y a des allégations de violence et il faut justifier cette détention illégale. Parfois, donc, pour ce qui est des différents pays, la protection des enfants entre en ligne de compte et on peut se demander s'il y a lieu de statuer avant que l'enfant puisse être rendu en toute sécurité à ses parents. Les choses se compliquent, étant donné, comme l'ont dit M. Pardy et le sergent Oliver, que la convention ordonne le retour, et que ces questions sont ensuite tranchées par le tribunal du pays d'où vient l'enfant.
Nous l'avons déjà constaté à SSI, par exemple quand un parent réfugié prétend qu'un parent dans l'autre pays s'est rendu coupable de violence, et qu'une demande est présentée en vertu de la Convention de La Haye. On peut examiner la question et en arriver à une conclusion, mais pour ce qui est de renvoyer les enfants chez eux, comment faire enquête sur des allégations de violence commise dans un autre pays? Mais ces questions sont alors soumises à un tribunal canadien. Ça devient très complexe.
Quelle décision rendrait un juge dans une affaire comme celle- là? Normalement, c'est une demande aux termes de la Convention de La Haye et l'on renvoie l'enfant. L'un des parents revendique le statut de réfugié. Ils ne peuvent peut-être pas rentrer avec l'enfant, mais il y a des allégations contre le parent dans l'autre pays.
Ensuite, bien sûr, nous prenons des arrangements avec les services sociaux pour que ces enfants soient pris en charge en attendant l'aboutissement de l'enquête sur les allégations. Mais je pense que cela montre vraiment l'importance de travailler ensemble.
J'étais vraiment très contente de venir témoigner ici aujourd'hui aux côtés de M. Pardy et du sergent Oliver, parce que nous utilisons chacun de notre côté des approches différentes, mais toujours dans l'intérêt supérieur de l'enfant. La police doit faire son enquête, elle doit découvrir où se trouve l'enfant et intervenir, au besoin, dans une affaire policière. La communauté diplomatique doit faire certaines ouvertures et trouver des renseignements. SSI fournit le volet de service social. Mais nous travaillons tous ensemble dans ces affaires d'enfants qui sont séparés de leurs parents.
Mme Carolyn Bennett: Vous avez dit une chose qui m'a fait sursauter, à savoir que le rapt d'enfants est une forme de violence envers l'enfant. Nous n'avons peut-être pas poussé la chose trop loin avec M. Pardy, mais je voudrais savoir s'il se pourrait que vous considériez qu'un enfant a été enlevé dans sa propre maison, sans qu'aucune frontière internationale soit franchie, seulement parce qu'on a empêché l'autre parent d'avoir accès à l'enfant?
Mme Agnes Casselman: Je pense que toute la question de l'aliénation parentale est importante...
Mme Carolyn Bennett: Dès que l'on franchit une frontière internationale, c'est clair, mais il semble qu'il y a des gens qui enlèvent des enfants quasiment dans leur propre ville.
Mme Agnes Casselman: Cela arrive. Le refus du droit de visite... Ils peuvent habiter dans la même rue mais empêcher l'autre parent de visiter l'enfant. C'est pourquoi, quels que soient les recommandations du comité et l'aboutissement de ses travaux, il est primordial que les membres du comité aient constamment à l'esprit l'intérêt supérieur de l'enfant et aussi les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies.
Mme Carolyn Bennett: L'infraction de rapt d'enfants s'applique-t-elle au Canada même?
Sgt John Oliver: Oui, absolument, et selon les circonstances, des accusations d'acte criminel peuvent être portées contre le parent qui empêche l'autre d'avoir accès à l'enfant. Cela dépend de l'ordonnance de garde et des circonstances entourant l'affaire, mais il y a des rapts d'enfants à l'intérieur du Canada.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Sénatrice Cohen.
La sénatrice Erminie J. Cohen (Saint John, PC): Merci beaucoup d'être venus témoigner. Je pense que vous nous avez permis d'approfondir notre réflexion d'un cran. Vos considérations nous ont été très utiles.
Nous avons entendu diverses opinions sur la médiation de la part des avocats et des témoins. Certains refusent toute médiation, d'autres ne jurent que par les avocats. En lisant votre exposé et en entendant l'intervention de la représentante de SSI—je m'adresse à vous, Agnes Casselman—j'ai été très impressionnée par ce que vous nous avez dit au sujet de la consultation obligatoire. Beaucoup de témoins ont dit qu'il est impossible de rendre la médiation obligatoire, mais on pourrait mettre à exécution une ordonnance de consultation obligatoire qui aboutirait à la médiation, parce que les gens sont intimidés par tout ce qui entoure la médiation.
Je tenais à faire cette observation parce que je trouve que nous devons y réfléchir soigneusement. Si l'on prend le couple au départ, avant que l'hostilité n'atteigne un certain niveau, peut- être que l'on pourrait empêcher le rapt de se produire. Qui sait? Avez-vous constaté que la médiation aide à réduire la fréquence des rapts d'enfants, ou bien est-ce une question complètement différente?
Mme Agnes Casselman: Non, ce n'est pas un facteur.
M. Gar Pardy: Les dossiers dont nous nous occupons, en particulier sur la scène internationale, sont...
La sénatrice Erminie Cohen: Après le fait.
M. Gar Pardy: Nous intervenons après le fait. Mais nous avons régulièrement recours à la médiation dans notre gestion des dossiers internationaux. Nous allons essayer—mais ce n'est pas une médiation formelle comme celle à laquelle songeait à mon avis Mme Casselman, c'est-à-dire un programme fondé sur la loi canadienne et le système judiciaire canadien.
Disons que l'un des parents est parti à l'étranger avec l'enfant. Cette personne est responsable de la situation. Nous nous demandons alors ce que nous pouvons faire pour influencer cette personne.
Nous venons d'avoir une mauvaise affaire en Chine. L'homme était retourné en Chine et il refusait obstinément de permettre à ses enfants de revenir au Canada. Nous avons donc pris des dispositions pour que sa femme puisse aller en Chine. Elle a passé quatre semaines là-bas et nous l'avons accompagnée presque tous les jours pour discuter avec son mari et nous avons réussi à le convaincre à revenir au Canada avec l'enfant. Voilà la médiation telle que nous la pratiquons, ce qui est très différent...
La sénatrice Erminie Cohen: Cela se situe à un autre niveau.
M. Gar Pardy: A l'étranger, le seul moyen qui fonctionne le moindrement régulièrement, c'est de mettre face à face les parents en conflit, en présence d'une tierce partie... Nous n'avons aucune formation comme médiateur, mais nous connaissons l'environnement local et les autorités locales et parfois ces dernières ne demandent pas mieux que de se débarrasser du problème, parce que nous leur créons des problèmes. Elles exercent donc quelques pressions sur l'autre parent et c'est ainsi que l'on peut trouver une solution. Mais la médiation, comprise dans ce sens-là, est l'un des rares outils que nous avons à notre disposition.
La sénatrice Erminie Cohen: Y a-t-il des signaux d'alerte avancée que vous pouvez reconnaître et qui vous indiquent qu'il y a risque de rapt d'enfants?
M. Gar Pardy: La rupture du mariage et des liens familiaux étroits dans un autre pays, ce sont là les deux facteurs qui sont présents dans beaucoup d'affaires internationales de rapt d'enfants. Ce sont les liens familiaux étroits dans un autre pays. Nous avons aussi des rapts aux États-Unis où il n'y a pas de liens familiaux. A cause de la nature de la société américaine, on peut disparaître très facilement dans ce pays. Mais pour ce qui est des pays autres que l'Amérique du Nord, la présence de parenté, le sentiment d'appartenance à une communauté de la part de celui des parents qui se rend dans le pays en question, c'est un élément quasi constant.
Sgt John Oliver: Dans les affaires purement canadiennes, il n'y a pas vraiment d'indicateurs, sinon quand l'éclatement du mariage pose des problèmes. Si le divorce ne se fait pas à l'amiable, il est probable que la médiation peut être utile. Ce serait utile dans bien des cas. La plupart des couples ne passent pas par la médiation quand ils divorcent ou qu'ils se séparent. Il est vrai que ce serait probablement une bonne mesure préventive pour empêcher le rapt d'enfants. Dans les affaires intérieures, il y a très peu d'indicateurs, sauf lorsque des menaces sont échangées pendant la lutte pour obtenir la garde de l'enfant. Le débat s'envenime parfois très gravement.
Même dans un cas de divorce à l'amiable, il peut arriver, cinq ou six ans plus tard, que l'un des parents décide de garder les enfants après les avoir amenés en visite, sans qu'aucun indice ne l'ait laissé présager. Nous avons eu des cas où les visites se faisaient sans aucune anicroche depuis deux ou trois ans, quand tout à coup l'un des parents décide de ne pas renvoyer l'enfant à l'autre.
Les circonstances sont donc très variables. Chaque cas est différent. On ne peut pas dire: «Voici un cas typique». Il n'existe pas de cas typique de rapt d'enfants. Tout dépend des deux adultes et des enfants qui sont en cause.
La sénatrice Erminie Cohen: Merci.
M. Gar Pardy: Monsieur le président, j'aurais quelque chose à ajouter.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.
M. Gar Pardy: Je suis toujours étonné de voir le grand nombre de cas dans lesquels l'un des parents souffre d'une maladie mentale diagnostiquée. Le plus souvent, la mère souffre d'une maladie mentale, et le père qui a des proches parents dans un autre pays, décide qu'il ne peut le supporter, que les enfants ne peuvent pas être élevés dans cette société et décide en conséquence d'amener les enfants à l'étranger.
Nous voyons notamment bon nombre de cas de ce genre dans des pays musulmans. Je ne peux pas vous en donner des preuves statistiques, mais si vous examinez les cas de rapt dans des pays musulmans, je pense que cela résulte de la frustration d'avoir à élever les enfants dans une société où le père... Le plus souvent, il est de toute façon arrivé relativement récemment, les services qui sont disponibles... il décide donc de rentrer à la maison et pour lui, la maison, c'est son pays d'origine.
Mme Agnes Casselman: J'aimerais revenir à ce que j'appelle le modèle albertain. Je ne sais pas si vous avez entendu le témoignage sur ce modèle, mais je vous le recommande vivement si ce n'est pas le cas parce qu'il comprend un atelier sur l'art d'être parent après la séparation. Cela dure six heures et les parents sont tenus d'y assister dès qu'ils ont présenté leur demande au tribunal.
Ils doivent participer à la séance du mardi et du jeudi soir ou à celle du samedi, toute la journée. Cela se tient au palais de justice d'Edmonton, au tribunal, et c'est très vrai. Il y a 45 personnes en moyenne chaque fois. À la fin du cours, ils reçoivent un certificat qui doit être déposé auprès du tribunal. Le cours est donné par un travailleur social, ou un psychologue, et un avocat. On voit donc les deux aspects de la question. Je suis convaincu que ce modèle a du bon.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, merci.
La sénatrice Pépin.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.): Peut-être pourrions-nous vous demander que chacun d'entre nous ait une copie de la loi de l'Alberta.
[Traduction]
Il faut que je passe au canal français.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib)): Sénatrice Pépin, la semaine prochaine, nous allons recevoir un groupe qui nous parlera de l'art d'être parent et il y aura un représentant de l'Alberta.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Ça va? Monsieur Pardy, j'ai bien aimé votre intervention lorsque vous avez dit qu'il n'y avait actuellement aucune barrière du côté canadien pour arrêter officiellement les gens qui kidnappaient les enfants. Actuellement, il y a un Comité des affaires juridiques et constitutionnelles au Sénat, auquel je siège, et nous sommes à étudier des changements à la Loi sur les douanes et accises justement pour donner aux douaniers des droits beaucoup plus importants qui leur permettraient d'arrêter des criminels, entre autres les parents qui kidnappent leurs enfants. Cela devrait être adopté très bientôt.
Vous avez parlé des parents qui kidnappent leurs enfants. La majorité du temps, ce sont des mères ou des pères qui kidnappent leurs enfants? Avez-vous un pourcentage ou bien est-ce le même nombre?
[Traduction]
M. Gar Pardy: Je vais répondre d'abord à votre première question. Est-ce que l'examen de la question de pouvoirs plus importants pour Douanes et Accise Canada portera aussi sur les Canadiens qui quittent le pays?
La sénatrice Lucie Pépin: Oui, parce que nous examinons ce qui se passe aux États-Unis et nous estimons qu'il faut faire quelque chose de semblable.
M. Gar Pardy: Comme vous le savez, nous essayons de convaincre les Américains de ne pas contrôler les Canadiens plus attentivement qu'ils ne le font maintenant. Il y a déjà des files d'attente qui vont de la frontière jusqu'à North Bay.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Actuellement, on constate que les douaniers ne peuvent absolument rien faire et sont obligés de compter sur des policiers qui ne sont pas là. Donc, il faut absolument changer la loi.
[Traduction]
M. Gar Pardy: Je pense que tout ce qui faciliterait... jusqu'à présent, nous avons surtout essayé de convaincre les employés des compagnies aériennes, que ce soit ici ou aux États-Unis, qui ont des vols vers l'étranger, d'être plus ouverts. Je dois dire qu'ils ont été excellents. Il y a eu beaucoup d'interception et ils ont communiqué directement avec nous pour nous poser des questions. Je pense que cela a permis d'empêcher un grand nombre d'enlèvements. Nous voudrions que cela continue et nous continuons de communiquer avec les compagnies aériennes pour les encourager à nous apporter encore plus d'aide.
En ce qui concerne les ravisseurs, c'est à peu près égal entre hommes et femmes. C'est la réalité.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Vous avez dit que, lorsque vous allez à l'extérieur, à l'étranger, faire des négociations afin de permettre aux parents de voir un enfant qui a été kidnappé, il y a souvent des cas où la négociation réussit, où vous obtenez que l'enfant revienne. Est-ce que la même chose se produit dans des cas d'enfants qui sont kidnappés à l'intérieur du pays? Y a-t-il une différence à ce moment-là? Vous nous avez parlé surtout des enfants qui étaient enlevés du Canada pour être amenés à l'extérieur du pays. Y a-t-il un nombre aussi important d'enlèvements à l'intérieur du Canada?
[Traduction]
Sgt John Oliver: L'an dernier, la police a signalé environ 500 cas. Nous ne savons pas exactement comment il y a d'enlèvements d'enfants au pays par un des parents. Cinq cents cas ont été signalés à la police, mais les parents, eux, ne sont pas tenus de faire une déclaration. Ils peuvent intenter des poursuites au civil.
Nous avons essayé de communiquer avec l'Association du Barreau canadien pour demander aux avocats du droit de la famille combine de cas il y a, mais nous n'avons pas réussi. Nous savons qu'il y a au moins 500 cas et on nous dit qu'il y en a sans doute deux fois plus, mais pas avec certitude.
• 1635
Il y en a environ 500 au Canada chaque année, sans doute plus,
mais nous ne savons pas exactement.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Lorsqu'ils reviennent ici, offre-t-on aux enfants qui ont été enlevés des services au point de vue psychologique, etc., pour les aider à se remettre de ce traumatisme? Premièrement, sont-ils traumatisés? Je le présume. Deuxièmement, y a-t-il des services à leur disposition pour leur permettre de se remettre des traumatismes qu'ils ont eus durant leur enlèvement?
[Traduction]
Sgt John Oliver: Il n'y a pas de système d'établi pour leur offrir le service, non. Il y en a dans certaines provinces, mais pas dans la plupart d'entre elles. Cela relève exclusivement du parent. Le parent peut obtenir des services pour eux, mais il n'y a pas de système établi pour venir en aide à ces enfants une fois qu'ils sont revenus.
M. Gar Pardy: Je voudrais dire une autre chose. Mme Casselman peut me corriger, mais dans presque tous les cas où nous avons pris des dispositions pour faire revenir les enfants et où nous pensons qu'il y a des problèmes du genre dont vous parlez, nous, avec SSI, nous adressons aux autorités de bien-être social et aux sociétés d'aide à l'enfance de la province et nous leur référons le cas et, par leur intermédiaire, prenons des dispositions pour leur obtenir ce genre de service. Il ne fait pas de doute que pour certains enfants, le traumatisme est grand, selon l'âge qu'ils ont.
Dans certains cas—je voulais le dire plus tôt—on n'y pense pas, mais il se peut que les deux parents au Canada décident d'envoyer leurs enfants vivre à l'étranger avec les membres de leur famille et les enfants trouvent que l'on ne s'occupe pas d'eux. Il est arrivé souvent que des enfants se présentent à nos ambassades à l'étranger, où ils ont été envoyés par les deux parents, et où les deux parents croient qu'un séjour à la ferme au Punjab va leur faire du bien alors que les enfants ne sont pas du tout de cet avis.
Lorsqu'ils se présentent, nous les ramenons. Cela soulève la question de l'âge de consentement, ce qui est une question importante que l'on n'a pas abordée ici. Comme vous le savez, les tribunaux sont en train d'abaisser l'âge du consentement éclairé, dans toutes les provinces, je crois.
Nous prenons donc des dispositions, par l'intermédiaire de Mme Casselman et des autorités provinciales de bien-être social pour ramener ces enfants. Nous espérons que ces organismes sociaux leur offriront le soutien et les soins dont ils ont besoin.
Mme Agnes Casselman: J'ajouterai que le travail avec le Service social international et les missions canadiennes à l'étranger est bien coordonné par les Affaires étrangères. Lorsque le ministère nous signale un cas d'enlèvement d'enfant, dans un cas difficile comme celui-là, l'une des premières choses que nous faisons est de mettre en rapport le parent au Canada avec le service de counselling. C'est un cas où c'est le parent qui est dans une situation de crise.
Il y a deux raisons à cela. D'abord, pour aider le parent ou les autres enfants de la famille, pour s'assurer qu'ils ont l'occasion de parler des problèmes et d'obtenir l'aide professionnelle dont ils ont besoin.
L'autre raison, c'est pour nous donner à nous, SSI Canada, un rapport social. Nous obtenons souvent beaucoup de renseignements à partir des données de base: la date de mariage, la date de séparation, etc. Nous essayons de connaître leurs antécédents sociaux. C'est un outil de travail pour le Service social international.
À ce moment-là, il faut faire de la coordination avec l'autre pays. Que ce soit parce que la procédure d'extradition est en marche ou que l'enfant sera appréhendé, la coordination a beaucoup d'importance, parce que les services sociaux d'un autre pays vont intervenir. Il est vrai que l'on pourrait laisser la police de l'autre pays faire elle-même intervenir les services locaux, mais en intervenant nous-mêmes au début, au moment où les Affaires étrangères nous informent du cas, nous pourrons parler avec le parent ici au Canada et le mettre en rapport, si possible, avec un organisme de counselling familial. Nous appellerons l'organisme pour lui parler de notre service, lui dire que nous aurons besoin d'un rapport qui servira à l'étranger, et traduire au besoin pour le Service à la jeunesse de l'endroit.
Il y a une autre raison. Si l'enfant ou les enfants reviennent au Canada, on rencontrera les mêmes circonstances. Si on ne fait que les ramener, on se retrouve avec la même situation. C'est pourquoi il est important de commencer à offrir le service pendant que la famille est en état de crise et de continuer longtemps après. S'il se trouve que les enfants ne reviennent pas, il est d'autant plus important d'avoir entrepris le counselling. C'est donc très important.
• 1640
Services à la famille-Canada offre des programmes très
intéressants sur lesquels vous pourrez apprendre certaines choses
grâce au comité. Il y a un programme de ludothérapie pour les
petits enfants, ce qui est très important, et des programmes de
groupe pour les parents. J'en parle dans mon document. Il faut
vraiment soutenir ces programmes et leur donner de l'expansion.
La sénatrice Lucie Pépin: Ce sera ma dernière question.
[Français]
Vous semblez avoir travaillé à plusieurs cas. Faites-vous un suivi des cas que vous avez réglés? Après qu'ils soient rentrés au Canada, avez-vous des nouvelles de ces cas-là, quelques mois ou un an après leur retour? Savez-vous s'ils sont bien remis et si les choses vont bien? Êtes-vous capables d'entrer en communication avec ces familles?
[Traduction]
M. Gar Pardy: J'ai remarqué que le comité précédent a entendu une avocate de Toronto, Mme Heather Ritchie. Nous collaborons de très près avec elle. Heather s'est spécialisée dans la façon dont les autres pays traitent ces cas.
Elle a travaillé avec une famille de Toronto dans un cas de garde abusive et nous sommes restés en contact. La famille reste en contact étroit avec nous parce que c'est un cas que nous avons réglé hier et demain nous attend encore. Beaucoup de familles communiquent avec nous, nous envoient des cartes pendant l'année et restent en contact.
Il n'y a rien d'officiel ici. Pour beaucoup de familles, c'est une expérience si traumatisante... Faire revenir un enfant au Canada et faire les ajustements qui sont nécessaires, c'est un emploi à temps plein. Mais il y a des familles qui se referment sur elles-mêmes et quittent le champ de bataille et nous faisons partie de ce champ de bataille.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, sénatrice Pépin.
Madame St-Hilaire.
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Madame Casselman, vous avez parlé un peu de la médiation en Alberta. Au Québec, nous avons aussi un tel système de médiation, ce qui n'empêche cependant pas les enlèvements d'enfants.
Je suppose que les enlèvements d'enfants ont lieu à la suite d'un divorce ou d'une séparation, quand il y a un conflit entre les deux parents. Comment la médiation peut-elle être possible à ce moment-là étant donné que la situation est déjà conflictuelle? Même si elle est obligatoire, qu'est-ce qui peut garantir à l'enfant que le parent va obéir à une recommandation du médiateur?
[Traduction]
Mme Agnes Casselman: Il n'y a pas de garanties. C'est la première chose.
Je suis au courant des services au Québec aussi, et il y a de très importants services de médiation, en fait.
Il n'y a pas de garanties et on ne peut pas imposer la médiation. Je reviens encore une fois à la recommandation de l'Alberta et à celle qu'a faite SSI concernant les litiges familiaux... Je vais vous en laisser une copie. Je ne l'ai qu'en français, mais c'est une copie du rapport du secrétaire général à la conférence de La Haye sur la médiation familiale. J'en ai donné une copie à l'autre comité et je vais m'assurer que vous allez aussi en recevoir un exemplaire.
Ce que nous disons, c'est que s'il y a une séance obligatoire qui expose les avantages de la médiation aux deux parents—et cela on peut l'imposer... On ne peut pas les contraindre à la médiation, mais en Alberta on constate que beaucoup en profitent. Ils doivent s'inscrire. Cela leur donne droit à six heures de services de médiation gratuits.
C'est très important. Très souvent, les parents qui ont besoin de ce service peuvent figurer des mois sur une liste d'attente. C'est inacceptable. Ils en ont besoin dès le début.
C'est pourquoi le travail du comité est si important. Nous voyons comment c'est plus tard, et il y a trop de polarisation, et puis il y a le facteur de la distance, qui complique énormément le problème.
Nous nous occupons maintenant d'un cas où un jeune enfant a été emmené en Grèce il y a quelques années. C'est très connu, on en a parlé dans les journaux. Nous avons de gros dossiers sur la question, mais actuellement nous essayons d'ouvrir une voie de communications entre ce parent, qui se sert de son avocat pour conserver le statu quo... Nous travaillons très dur avec notre section en Grèce pour ouvrir une voie de communications pour que la mère puisse rendre visite à l'enfant. J'ai aussi dit bien clairement à la mère que l'enfant, aujourd'hui une adolescente, ne parle pas l'anglais et qu'elle doit donc apprendre le grec, au moins pour communiquer.
• 1645
Ce que nous vous disons, c'est qu'il faut intervenir tôt ou,
en cas d'enlèvement, les ramener le plus tôt possible. Dans les cas
d'enlèvement qui s'éternisent, nous voyons les effets, personne n'y
gagne, parce que les enfants ont perdu. Vous avez posé une question
à propos de ceux qui reviennent et qui retrouvent leurs parents des
années plus tard. Ces années-là sont perdues, et souvent ils vont
retourner chez l'autre parent parce que c'est celui qu'ils
connaissent.
Il y a donc de la colère et des problèmes. Il y a même eu des cas où les enfants ont soudainement été renvoyés à un parent au Canada qu'ils ne connaissaient pas parce que la procédure d'extradition avait été mise en branle et que l'autre parent a été envoyé en prison. C'est beaucoup plus traumatisant pour ces enfants que l'enlèvement lui-même.
Il faut coordonner les services. Il nous faut les ressources nécessaires pour accorder immédiatement de l'aide aux familles, sans longue liste d'attente. Il faut utiliser ce système au tribunal. Lorsqu'ils font une demande de divorce, il faut que nous disions que c'est un signe avant-coureur et qu'il faut mettre en place des plans. Si le mariage ne peut pas être sauvé, il faut trouver un moyen de garder les parents dans la vie de ces enfants. C'est notre principal message au comité.
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire: J'ai une dernière petite question. Je pense que c'est M. Pardy qui a parlé de négociation ou de médiation avec le parent qui enlevait un enfant. Une dame est venue me voir. Son ancien conjoint était parti avec l'enfant et, que je sache, jamais ce père n'a été rencontré par quelqu'un de chez vous ou quelqu'un de l'Égypte, parce qu'il s'agissait de ce pays. Dans quelles situations ou dans quels cas arrivez-vous à rencontrer le parent qui fait l'enlèvement? Est-ce à la demande du parent à l'extérieur ou si c'est obligatoire?
[Traduction]
M. Gar Pardy: Ce n'est certainement pas obligatoire.
Vous avez parlé de l'Égypte. Si c'est le pays dont il est question, nous avons environ 15 cas en Égypte actuellement. La plupart d'entre eux remontent à il y a longtemps et j'ai sans doute rencontré tous les parents ravisseurs. Le problème c'est peut-être donc un manque d'information
Lorsque nous essayons de voir comment procéder dans ces cas- là, nous travaillons de près avec le parent touché au Canada. Nous faisons des suggestions et nous leur demandons si telle ou telle idée leur convient. C'est pourquoi nous discutons à fond du cas pour voir ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Au bout du compte, dans à peu près tous les cas où nous intervenons, nous finissons par parler avec le parent ravisseur dans l'autre pays. Il n'y a pas d'autre façon de faire.
Si nous faisons cela, c'est d'abord parce que nous voulons manifester clairement que nous nous intéressons au bien-être des enfants. Nous essayons de les voir nous-mêmes, et nous l'avons souvent fait. Pour cela, il faut avoir la coopération du parent ravisseur.
Après la réunion, j'aimerais avoir des précisions sur ce cas, car je serais très étonné de ne pas avoir vu le parent en question, dans l'hypothèse où l'on sait où lui et les enfants se trouvent.
Dans certains cas, le parent ravisseur va disparaître ou se rendre dans un pays tiers et nous aurons du mal à le trouver. Dans de rares cas, nous devons nous adresser à la police pour les retrouver, et le sergent Oliver pourra vous en parler. Souvent, nous arrivons à trouver le parent ravisseur et nous allons lui parler. C'est celui qui a le pouvoir, celui qui peut changer, et c'est pourquoi nous essayons de le contacter d'une manière ou d'une autre.
Donnez-moi le nom de la personne et je vais essayer de faire du suivi. Si c'est le cas auquel je pense, je crois que nous sommes en train de prendre des dispositions pour que la mère quitte Montréal. C'est bien celui-là?
Mme Caroline St-Hilaire: Oui.
M. Gar Pardy: J'aimerais beaucoup avoir plus de détails et entendre votre point de vue.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Finestone.
L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup. Votre exposé a été fort intéressant et j'ai beaucoup aimé ce que vous avez dit.
J'aimerais parler des aspects pratiques et peut-être juridiques parce que si nous voulons rédiger notre rapport, il nous faut parler des considérations juridiques et pratiques.
J'aimerais être plutôt méthodique, ce qui n'est pas mon style, mais enfin...
J'ai pris connaissance de la convention dont vous parlez, la Convention de La Haye sur l'enlèvement international d'enfants. Je la trouve plutôt vague. Cela manque de clarté, de définition, et c'est loin d'être le genre d'outil que j'espérais, après avoir lu vos mémoires avant votre comparution.
Vous me semblez très élogieux à propos de la Convention de La Haye. Je l'ai lue, et je n'y ai rien vu de concret, surtout en ce qui concerne la garde et le droit de visite. En revanche, j'ai aimé le libellé de la Convention européenne sur la garde d'enfants, que la Convention de La Haye mentionne, à l'article 21. Je ne vais pas tout lire. Vous connaissez sans doute le texte et je n'ai pas besoin de monopoliser le temps du comité par sa lecture. Ce ne serait pas très utile.
Ce qui serait utile, c'est de vous poser la question suivante. Comme le Canada a pris l'initiative et que 30 pays se sont joints à lui pour proposer ces amendements à la Convention de La Haye, ne serait-il pas utile de demander au ministre des Affaires étrangères de revoir le libellé des articles 21, 23, 25 et 35 ainsi que les autres articles qui portent sur la garde et le droit de visite? Cela ne pourrait-il pas être une recommandation du comité? Ils définissent de façon vigoureuse les intérêts de l'enfant, des États, ce qui inclurait le Canada, les États-Unis, le Mexique et les pays européens... Je vais passer aux pays islamiques dans un instant, mais les États musulmans ne sont pas signataires de la Convention de La Haye.
Il faut nous occuper de ce qui est dans notre meilleur intérêt pour le moment. Bien sûr il y a beaucoup de musulmans au Canada, et la plupart des 15 cas que vous avez cités, monsieur Pardy, vivent sous la loi islamique.
Pour être allée en Égypte et avoir essayé de négocier, avec le ministre des Affaires étrangères, une solution à certains de ces cas, je sais qu'en droit coranique, c'est le père qui a des droits sur les fils à partir de l'âge de 7 ans et pour les filles à l'âge de 12 ans. C'est la loi. Il s'est marié en vertu de ce droit; il a le droit de respecter ce droit dans un autre pays. Au Canada, cela ne marche pas ainsi.
Pensez-vous comme moi que nous pourrions proposer des amendements qui suivraient davantage le libellé positif et direct de la convention européenne? Par exemple:
C'est une déclaration concrète. Ce n'est pas ce que l'on retrouve dans la Convention de La Haye. C'est ce qu'il y a dans la convention européenne. Je vous demande votre avis à propos du libellé. Comme le libellé de la Convention de La Haye vous plaît, ce que je ne comprends pas, j'aimerais savoir si l'on peut obtenir un libellé plus vigoureux que l'on puisse faire respecter.
M. Gar Pardy: Pour chaque cas d'enfant renvoyé au Canada en vertu de la Convention de La Haye, c'est le document le plus merveilleux qui soit sur terre. Pour chaque cas où cela ne marche pas, c'est le pire de tous. Vous vous situez entre les deux.
Les signataires de la Convention de La Haye se réunissent à intervalles réguliers pour revoir le texte et diverses suggestions ont été faites au fil des années pour le modifier. Des négociateurs et des observateurs m'ont dit que pour obtenir ce que nous voulons il faudra consentir à ce que quelqu'un enlève autre chose.
L'hon. Sheila Finestone: C'est vrai.
M. Gar Pardy: C'est une question de dosage. Il y a toujours des problèmes lorsque l'on veut renégocier un traité.
• 1655
Je pense que le risque en vaut la peine. Je voudrais revoir le
libellé pour qu'un plus grand nombre de pays y adhèrent, parce que,
sous sa forme actuelle, nous sommes arrivés au maximum.
L'hon. Sheila Finestone: Vous ne recommandez donc pas de modification du libellé, monsieur Pardy. Vous voulez qu'on essaie d'augmenter le nombre de signataires, c'est bien ça?
M. Gar Pardy: Oui, mais pour y arriver, il faudra changer le texte de la Convention de La Haye de toute façon. L'un ne se fera pas sans l'autre.
L'hon. Sheila Finestone: Vous avez dit une chose puis ensuite le contraire.
M. Gar Pardy: Non, je pense...
L'hon. Sheila Finestone: Vous êtes le spécialiste, moi pas. Tout ce qui m'intéresse, c'est l'aspect juridique, monsieur Pardy, et j'aimerais savoir ce que M. Oliver ou Mme Casselman en pense.
M. Gar Pardy: D'accord.
L'hon. Sheila Finestone: Le libellé touche aussi une question que je trouve importante. La Convention de La Haye ne donne pas assez d'importance à l'âge et à la maturité de l'enfant. Je pense qu'il faut fixer un seuil.
La plupart de ces cas remontent à il y a longtemps. Ces jeunes ont été enlevés en bas âge et il s'agit maintenant de voir si l'enfant veut rentrer chez lui.
Madame Casselman, je pense, vous en avez parlé de façon très convaincante.
La Convention de La Haye ne fixe pas de seuil, d'âge précis à partir duquel l'enfant peut prendre une décision. Mais elle contient une phrase, que l'on retrouve à l'article 12 de la Convention, qui en parle:
Dans la plupart des conventions, cette disposition cesse de s'appliquer lorsque l'enfant atteint l'âge de 16 ans et est considéré comme un adulte; on commence à accepter l'avis d'un enfant dès l'âge de 9 ans.
Je ne vous demande pas de me donner une fourchette d'âges, mais d'après ce que vous avez dit, madame Casselman, vous semblez recommander que l'on tienne compte de l'âge de consentement de l'enfant si l'on apporte des changements—que l'enfant a son mot à dire et qu'il doit y avoir un âge à partir duquel on en tient compte.
Madame Casselman.
Mme Agnes Casselman: Dans la loi allemande, par exemple...
L'hon. Sheila Finestone: Oui, j'y arrivais.
Mme Agnes Casselman: ...il faut absolument connaître l'avis de l'enfant de 14 ans. C'est aussi ce que pense SSI. Nous insistons sur le fait que l'avis de l'enfant est primordial. Nous essayons de changer certaines conventions. Cela fait toujours partie de nos recommandations. C'est une des principales que nous avons faites à la Conférence de La Haye et c'est ce que nous avons dit au moment de l'élaboration de la Convention de l'ONU sur les droits de l'enfant: il faut connaître l'avis de l'enfant.
D'après ce que je sais, la loi allemande prescrit que c'est obligatoire à l'âge de 14 ans. Pour tout ce qui concerne la garde ou le droit de visite, le tribunal doit entendre l'enfant s'il le juge nécessaire. Si l'enfant a plus de 14 ans, il faut qu'il soit entendu en personne.
J'aimerais...
L'hon. Sheila Finestone: Je vous remercie de l'avoir précisé parce qu'à mon avis quiconque a un droit d'accès ne devrait pas en être privé. Si une personne qui a un droit d'accès est privée de ce droit, que ce soit au Canada ou à l'étranger, c'est également une forme de violence, quoi qu'on dise, de la part de celui ou de celle qui fait obstacle à ce droit légitime qu'ont les parents de rendre visite à leurs enfants là où il n'y a pas contradiction en raison d'une autre forme de violence.
Vous avez également parlé du cas des parents qui ne sont pas mariés et de la question de la garde partagée lors de la signature d'une entente concernant la garde. C'est également un aspect important.
• 1700
Vous avez également dit quelque chose au sujet de... en fait,
je cherche ce que nous allons mettre dans nos recommandations.
[Français]
quelque chose de concréto-concret, comme on dit.
[Traduction]
Vous dites que l'enfant doit également avoir le droit à la parole et vous signalez que la première étape est la médiation obligatoire, en ce sens que ces six premières heures dont vous parlez sont précieuses. J'aimerais une précision à ce sujet. Les enfants sont-ils présents?
Mme Agnes Casselman: Il ne s'agit pas d'une médiation obligatoire. C'est la séance qui est obligatoire, une séance d'information si vous préférez, qui montre en partie l'intérêt d'une médiation et qui leur en donne le choix.
L'hon. Sheila Finestone: Je vois. C'est un genre de conciliation avant la médiation proprement dite.
Mme Agnes Casselman: C'est bien cela. C'est à partir de cette séance d'information, sur le modèle de ce qui se fait en Alberta, qu'on débouche sur... Elle est copilotée par un travailleur social, un psychologue et un avocat qui exposent les avantages de la formule, après quoi il appartient aux parents de décider. D'après ce que je sais, on propose ainsi aux parents six heures de services de médiation gratuits.
L'hon. Sheila Finestone: Voyons si j'ai bien compris. Vous demandez le divorce et à ce moment-là on vous dit... Le fait qu'il y ait divorce à l'amiable a-t-il une importance?
Mme Agnes Casselman: Non.
L'hon. Sheila Finestone: C'est uniquement au cas où il y a contestation, n'est-ce pas?
Mme Agnes Casselman: J'imagine, oui.
L'hon. Sheila Finestone: Vous devez donc passer par cette séance d'information obligatoire qui vous permet de savoir quels sont les choix, les idées, les recommandations possibles, après quoi vous décidez. Il faut un document signé attestant que vous avez suivi la session, après quoi vous pouvez choisir d'aller en médiation ou en conciliation.
Mme Agnes Casselman: C'est bien cela.
L'hon. Sheila Finestone: D'après vos travaux et les cas d'enfants dont vous vous êtes occupés, à l'étranger comme au Canada, pensez-vous que ce serait une bonne idée de faire intervenir un enfant de plus de 9 ans, par exemple, dans ce processus qui vise à déterminer précisément ce que l'enfant préfère?
Mme Agnes Casselman: Un enfant de 9 ans peut sans nul doute donner une opinion, mais je pense qu'il est important aussi de tenir compte du niveau de maturité et de pouvoir compter sur ces évaluations objectives. Peut-être l'enfant n'est-il pas suffisamment mûr pour pouvoir le dire. N'oubliez pas non plus que l'enfant a peut-être vécu avec celui des deux parents qui est en guerre contre l'autre et qu'il a donc entendu des choses, des menaces par exemple et ainsi de suite. Un enfant choisira toujours le statu quo au lieu de dire «je veux revenir». Je pense qu'il est donc très important de savoir ce que l'enfant pense.
L'âge de 14 ans m'a semblé assez raisonnable. On pourrait choisir un âge un peu plus jeune, mais il est certain que dans toutes les situations, on préférera s'en rapprocher le plus possible. Il faut absolument procéder aux évaluations afin que les opinions de l'enfant soient prises en compte.
L'hon. Sheila Finestone: Je pensais que vous aviez parlé d'une assise familiale solide. J'ai peut-être mal compris, ou alors c'est quelqu'un d'autre qui l'a dit. Mais si les parents sont déjà devant les tribunaux et s'ils suivent cette séance obligatoire d'information ou de médiation, selon ce qui se fait au Québec, pensez-vous d'après votre expérience que le bien-être de l'enfant est déjà compromis? Moi je pensais à une question de garde partagée. Qu'avez-vous fait au niveau de la garde partagée dans le cas que je viens de vous signaler?
Mme Agnes Casselman: Il n'y a pas de solution unique pour tous les cas d'espèce. Ce que signifie la garde partagée en fait, c'est que le père et la mère à la fois acceptent la responsabilité d'élever les enfants. C'est un terme que j'aime beaucoup et je pense qu'il est important. Je ne veux pas dire pour autant que tous les cas devraient exiger la garde partagée, simplement que dans de nombreuses situations...
L'hon. Sheila Finestone: Laquelle, la garde partagée ou le fait d'élever les enfants à deux?
Mme Agnes Casselman: La garde partagée au niveau de l'entente formelle. Le père et la mère restent les parents de l'enfant et ils doivent conserver un rôle actif dans la vie de celui-ci. C'est là l'élément le plus important, même si les parents vivent chacun de leur côté. Lorsqu'ils s'adressent aux tribunaux, d'après ce que je sais, ils sont obligés de suivre cette séance, mais dans d'autres cas ils peuvent fort bien décider de le faire de leur propre gré.
Je ne veux pas consacrer trop de temps à l'Alberta, mais on a pu constater dans cette province, et je crois que vous ferez la même constatation, que les avocats eux-mêmes recommandaient au couple de suivre cette séance. Il leur suffit de dire oui et de se présenter. Ils ne doivent pas nécessairement attendre que des procédures soient engagées, du moins si j'ai bien compris.
L'hon. Sheila Finestone: Nous parlons de l'aspect international...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi, mais vous avez un peu excédé votre temps de parole. La sénatrice Cools a maintenant la parole.
La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Je vous remercie.
J'ai rapidement parcouru votre documentation et j'aurais une ou deux petites questions à vous poser.
Le document que j'ai sous les yeux s'intitule Nos enfants disparus Rapport trimestriel. On peut y lire que depuis 1986, les inspecteurs des douanes et les agents de l'immigration ont retrouvé plus de 600 enfants qui avaient fait une fugue ou qui avaient été enlevés. Vous m'excuserez par ailleurs si j'ai raté la première partie de votre exposé. Vous avez donné, je crois, le nombre de cas sur lesquels vous faites enquête chaque année ainsi que votre taux de réussite. L'avez-vous répété pour mémoire? Je pense que oui. Sur combien de cas faites-vous enquête chaque année et combien d'enfants retrouvez-vous?
Sgt John Oliver: Nous ouvrons en moyenne environ 60 nouveaux dossiers par mois et nous avons actuellement entre 1500 et 2000 dossiers actifs. Notre taux de réussite est de 50 à 60 p. 100.
La sénatrice Anne Cools: Voilà qui est impressionnant.
Sgt John Oliver: Les chiffres dont vous parlez représentent le nombre d'enfants qui sont interceptés à leur arrivée au Canada par des agents des douanes et de l'immigration. Dans certains cas, il s'agit de fugueurs. Lorsqu'il s'agit par exemple d'enfants qui font de l'auto-stop et qui se font embarquer par un routier, ils sont interceptés à la frontière et remis aux douanes canadiennes dès lors qu'on sait qu'il s'agit de fugueurs.
La sénatrice Anne Cools: Vous venez de devancer la question que j'allais vous poser, parce que je me demandais au juste combien de ces cas sont des enfants de couples éclatés. Je parcourais un autre de vos documents et je voyais que deux des cas qui y sont décrits étaient des pédophiles en fuite avec des enfants qui n'étaient pas les leurs. Dans un de ces cas, il s'agissait d'un enfant de 16 ans, un cas de toute évidence très trouble puisqu'il s'agissait d'un fugitif accompagné d'un adolescent. Dans un autre cas, il s'agissait d'un délinquant sexuel avéré accompagné d'un mineur. Pour notre édification, et je sais que vous faites un excellent travail et que vous vous occupez de cas innombrables, surtout les cas qui font l'objet d'une enquête et surtout les enfants que vous parvenez à retrouver, combien y a-t-il d'enfants de couples divorcés?
Sgt John Oliver: Pour ce qui est des dossiers dont je m'occupe, 80 p. 100 des cas sont des enfants enlevés par l'un des deux parents.
La sénatrice Anne Cools: Vous n'avez pas de chiffres absolus pour l'année passée?
Sgt John Oliver: Non.
La sénatrice Anne Cools: D'accord, je comprends vos limites. Sur tous les cas que vous parvenez à résoudre, combien y a-t-il d'immigrants qui enlèvent leurs enfants pour les ramener dans leur pays d'origine? Et combien de non-immigrants qui enlèvent leurs enfants pour aller s'installer dans un autre pays? Je vous pose la question à cause précisément des exemples que vous donnez vous- même. Vous avez parlé du Punjab et quelqu'un d'autre a parlé du cas d'enfants de parents arabes.
Sgt John Oliver: Vous voudrez bien comprendre que nous traitons également de cas de nouveaux arrivants mais, pour ce qui est des dossiers dont je m'occupe, sur les 60 nouveaux dossiers que nous ouvrons chaque mois, il s'agit dans 70 p. 100 des cas de personnes étrangères qui viennent au Canada et dans 30 p. 100 des cas de résidents. La majorité des dossiers dont je m'occupe sont donc des dossiers que nous pourrions qualifier d'étrangers et sur ces 80 p. 100, je ne m'y retrouve plus très bien dans mes chiffres...
La sénatrice Anne Cools: Ne vous tracassez pas, cela nous arrive tout le temps.
Sgt John Oliver: Soixante pour cent de mes dossiers concernent les États-Unis, de 10 à 20 p. 100 concernent d'autres pays et le reste intéresse uniquement le Canada.
La sénatrice Anne Cools: C'est très intéressant.
Sgt John Oliver: Nous ne tenons pas de statistiques sur le nombre de cas qui sortent du Canada pour une réinstallation dans le pays d'origine. Il y a énormément de mouvements entre les États- Unis et le Canada. Beaucoup d'Américains enlèvent leurs enfants pour les amener au Canada et nous avons également beaucoup de Canadiens qui vont s'installer aux États-Unis avec des enfants.
La sénatrice Anne Cools: Je m'interroge à ce sujet: la majorité des enfants enlevés le sont entre le Canada et les États- Unis?
Sgt John Oliver: Pour ce qui est des dossiers dont je m'occupe, oui.
La sénatrice Anne Cools: Voilà qui est intéressant.
L'hon. Sheila Finestone: Il a parlé de 60 p. 100.
La sénatrice Anne Cools: Je sais. Cela m'impressionne parce que j'étais partie du principe que cela ressemblait aux exemples que nous utilisions, l'exemple de parents qui amenaient leurs enfants en Grèce ou je ne sais trop...
Sgt John Oliver: Nous avons également des cas comme celui-là, mais l'essentiel de notre travail concerne les États-Unis.
La sénatrice Anne Cools: Parfait. J'ai encore une ou deux questions à votre intention et je vais vous les donner rapidement afin que vous puissiez les intégrer.
Lorsque vous travaillez à l'étranger dans un cas d'enlèvement, la police locale vous aide-t-elle? En d'autres termes, mettons qu'il s'agisse d'un enfant qui a été enlevé et amené au Punjab, pouvez-vous obtenir l'aide de la police là-bas? Avez-vous une bonne coopération à l'étranger? On m'a dit que vous rencontriez beaucoup d'obstacles.
Sgt John Oliver: Tout dépend du pays. En Inde et au Pakistan, le système est calqué sur le nôtre et les tribunaux coopèrent volontiers avec nous, même si ce n'est pas nécessairement le cas pour la police. C'est souvent frustrant de voir qu'un tribunal local reconnaît la validité d'une ordonnance de garde émise au Canada et ordonne à la police d'aller chercher l'enfant en question, mais que rien ne se passe. Tout dépend du pays, chaque pays est différent.
En Europe, là encore, la coopération offerte par la police locale varie selon que le pays en question considère qu'il s'agit d'un crime ou de mauvais traitements.
La sénatrice Anne Cools: Intéressant. Nos missions diplomatiques à l'étranger vous sont-elles utiles? Monsieur Oliver, je constate que vous travaillez pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Sgt John Oliver: Non, je fais partie de la GRC.
La sénatrice Anne Cools: Excusez-moi, je vous confonds tous les deux. C'est M. Pardy qui travaille pour les Affaires étrangères.
Je vous demandais donc si nos missions diplomatiques à l'étranger vous étaient utiles pour ces dossiers.
Sgt John Oliver: Extrêmement utiles. Nous obtenons toujours un concours exceptionnel de la part de nos missions diplomatiques à l'étranger.
La sénatrice Anne Cools: Merveilleux.
Monsieur Pardy.
M. Gar Pardy: Je leur dis ce qu'elles doivent faire, de sorte qu'elles coopèrent.
La sénatrice Anne Cools: Parfait, vous avez donc une certaine influence.
M. Gar Pardy: En effet.
Pourrais-je faire un petit retour en arrière et ajouter une précision à l'une de vos questions précédentes?
La sénatrice Anne Cools: Je vous en prie.
M. Gar Pardy: Il s'agit d'une question intéressante parce que vous avez demandé combien de gens allaient se réétablir dans leur pays d'origine ou dans leur ancien pays de résidence par opposition au nombre de gens qui quittaient le Canada pour aller se cacher dans un autre pays avec lequel ils n'avaient aucun lien antérieur. C'est une distinction très intéressante. Nous constatons que sur environ 48 cas sur 50, les gens en question vont s'installer dans un pays dans lequel ils peuvent compter sur des appuis. Il y a des pays qui acceptent la double citoyenneté, mais pas tous. Comme vous le savez, la double citoyenneté est admise au Canada.
Mais je pense que l'autre élément intéressant sur la coopération avec les corps policiers—et John a fait d'ailleurs une distinction très intéressante à ce sujet—est que dans un pays comme le Pakistan, nous avons été extrêmement bien épaulés par les tribunaux qui reconnaissent les ordonnances de garde émises au Canada. La difficulté par contre survient lorsqu'il s'agit de mettre la main sur l'enfant avant que le ravisseur fasse appel et disparaisse du pays avec l'enfant. C'est littéralement une question de minutes, et parfois nous avons effectivement eu une bonne coopération.
Dans des pays comme le Liban et l'Égypte, dans la majorité des cas, nous avons également eu la coopération de la police. Tout dépend de ce qu'on demande. En Égypte, nous demandons à la police de nous aider à vérifier si l'enfant est bien traité afin que nous puissions le localiser. Par contre, la police n'ira pas chercher l'enfant pour le mettre dans l'avion et nous le livrer au Canada. De sorte que la coopération que nous obtenons dépend en grande partie de ce que nous demandons.
La sénatrice Anne Cools: Excellent.
J'ai posé la question parce qu'on entend toutes sortes de choses vraies et fausses. Dans une vie antérieure, il m'a été donné d'essayer de convaincre certains parents de ramener leurs enfants au Canada. Bien souvent, il ne faut rien de plus qu'un peu de sollicitation, de gentillesse et de persuasion pour arriver à les convaincre qu'ils ont mal agi et qu'ils devraient effectivement revenir au Canada avec l'enfant. Je l'ai fait à quelques reprises aux États-Unis.
M. Gar Pardy: Si jamais vous voulez changer de carrière, faites-le-nous savoir!
La sénatrice Anne Cools: Certainement, d'autant plus que celle-ci est parfois assez difficile.
J'ai appris qu'il y aurait au Canada un ou plusieurs réseaux qui viennent en aide aux parents ravisseurs d'enfants. Est-ce que la police est au courant? Lorsqu'un père ou une mère se prépare à enlever son enfant, ce qui est à mon avis une chose horrible, qui lui vient en aide ici au Canada?
Sgt John Oliver: Nous avons entendu dire, mais rien de plus, que ce serait effectivement le cas. Le problème est qu'il est très difficile de corroborer ce genre de chose. Mais il y aurait apparemment un genre de filière pour ces gens-là. Ils auraient, semble-t-il, des contacts qui leur fournissent une nouvelle identité, un permis de conduire ou que sais-je encore.
Le problème est que tout cela n'est que rumeur et conjecture, surtout au Canada. Ce genre de chose existe aux États-Unis, cela a été prouvé, mais nous n'avons jamais réussi à corroborer cela au Canada. Nous pensons que cela existe, mais nous n'avons rien pour le prouver.
La sénatrice Anne Cools: C'est de toute manière une question délicate dont nous n'aurions pas trop intérêt à discuter publiquement. Il serait à ce moment-là préférable de passer au huis clos.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Je vous remercie.
J'essaierai d'être bref et je vais poser une série de questions très précises après quoi nous pourrons intégrer cela au contexte général.
Vous avez l'expérience de l'étranger, de sorte que je vous demanderais de nous dire ce que vous savez de la Jordanie. J'ai été sollicité par des Canadiens dont les enfants avaient été amenés en Jordanie et, dans le dossier dont je m'occupais, il s'agissait de la mère. L'ordonnance de garde canadienne qui avait été donnée au père n'avait guère été utile au Canada, et lorsque le père a essayé de faire valoir son ordonnance devant les tribunaux jordaniens, car il avait été pendant plusieurs mois dans ce pays, cela ne lui avait été d'aucun secours.
Que pouvez-vous nous dire de la coopération que vous recevez dans un cas de ce genre? Il s'agit bien sûr d'un exemple précis.
Passons maintenant au contexte général. Vous avez donc l'expérience des autres pays, que pouvez-vous donc nous conseiller de faire pour que le système juridique canadien vous soit plus utile?
M. Gar Pardy: Nous connaissons extrêmement bien le dossier dont vous venez de parler, celui de la Jordanie. Vous vous souviendrez sans doute qu'il y avait en l'occurrence toute une série de points de droit, et pas seulement la question de la garde, qui étaient entrés en jeu dans ces dossiers qui intéressaient le système jordanien.
Dans toutes ces causes, les tribunaux sont arrivés à des conclusions, mais ces conclusions ne satisfaisaient pas le père. C'est cela le problème. Si le tribunal tranche après avoir interprété la loi du pays, s'il arrive à ce genre de conclusions que le père n'accepte pas, que faire? Il s'agit après tout d'une juridiction nationale.
Dans le même ordre d'idées, si un père ou une mère vient au Canada et se présente devant un tribunal, le même scénario pourrait se dérouler. À ce moment-là, on ne peut donc pas faire grand-chose.
Dans le dossier en question, nous avons fait énormément pour aider le père, nous sommes même allés jusqu'à faire en sorte que certaines des menaces qui avaient été proférées à son endroit soient neutralisées—dans le bon sens du terme—et nous lui avons même donné un logement dans un de nos locaux pour pouvoir assurer sa sécurité.
Mais là encore, lorsque vous vous adressez à un tribunal étranger, le juge ne va pas nécessairement voir les choses comme le verrait un juge canadien. La façon de faire est différente à l'étranger.
Comme nous l'avons déjà dit, au Pakistan, en Inde et en Malaisie, certains parents se sont adressés à des tribunaux qui leur ont accordé le droit de garde même si ces pays n'ont pas adhéré à la Convention de La Haye. La difficulté qui se pose alors est de passer par toutes les formalités nécessaires pour ramener l'enfant au Canada.
Je ne pense pas que vous puissiez faire grand-chose au niveau du droit canadien qui fasse que les juges jordaniens en arrivent à interpréter différemment leur propre législation.
Sgt John Oliver: Dans les pays comme ceux que vous avez mentionnés, et la Jordanie en particulier, nous savons par expérience que la police va nous aider à corroborer la présence de l'enfant et nous aider aussi à vérifier si l'enfant est bien traité. Mais elle n'ira pas plus loin.
Lorsque mon service s'occupe d'un dossier comme celui-ci, nous avons coutume de demander l'assistance du bureau de M. Pardy. Une fois que nous avons localisé l'enfant, ce dernier nous aide à faciliter son retour.
M. Paul Forseth: J'en viens maintenant à la partie générale de ma question. Étant donné votre expérience à l'étranger, lorsque vous comparaissez devant nous, qu'est-ce que vous nous conseilleriez de faire pour améliorer nos lois afin que votre tâche soit facilitée?
Sgt John Oliver: Du point de vue policier, ce qu'il faudrait essentiellement faire au Canada, c'est ouvrir un registre national des ordonnances de garde. Pour un policier, le principal problème qui se pose lorsqu'un parent vient le trouver à 5 heures de l'après-midi un vendredi pour lui dire que son conjoint a enlevé leur enfant en contravention de l'ordonnance de garde, c'est que le policier en question n'a aucun moyen de vérifier si l'ordonnance en question est valide. Il n'existe dans aucune province un registre des ordonnances de garde, de sorte que le policier est dans l'impossibilité de vérifier la validité du document qui lui est présenté.
C'est là l'élément le plus frustrant du travail du policier. Il faut impérativement un registre national des ordonnances de garde. Les tribunaux les font parvenir volontiers à notre service, mais ce n'est pas une obligation et c'est cela qu'il nous faudrait.
M. Paul Forseth: Monsieur Pardy, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Gar Pardy: Lorsqu'il y a mandat, il faudrait que la police qui l'émet lui donne une portée nationale. Bien souvent, lorsqu'un mandat d'arrêt est émis, sa portée est limitée sur le plan géographique et c'est parfois très frustrant parce que lorsque vous voulez vous servir du mandat, vous constatez qu'il n'est pas nécessairement valide dans une autre juridiction car les autorités locales, lorsqu'elles en prennent connaissance, vous rétorquent que le mandat n'est valide par exemple que pour la ville de Mississauga, de sorte que ce mandat n'a pas beaucoup de poids.
M. Paul Forseth: Vous savez, j'ai souvent entendu dire que les services dont vous venez de nous parler sont extrêmement impressionnants et tout à fait appréciés, mais ils le seraient davantage si on pouvait en bénéficier partout au Canada, si quelqu'un de Burnaby en Colombie-Britannique pouvait s'en prévaloir à St. John's, à Terre-Neuve.
M. Gar Pardy: Vous avez tout à fait raison.
Sgt John Oliver: En revanche, ces services sont disponibles partout au Canada. Nous nous occupons également de cas à 100 p. 100 canadiens. Pour l'essentiel, ils sont disponibles via le réseau offert par mon bureau. Ce n'est peut-être pas le cas dans d'autres circonstances dont il a été fait état ici, comme pour M. Pardy, mais nous pouvons fort bien grâce au réseau canadien des services policiers retrouver un enfant et le récupérer.
M. Paul Forseth: Je vous remercie.
L'hon. Sheila Finestone: Pourrais-je poser une question complémentaire à cette dernière question?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous en prie. Après vous, nous entendrons les sénatrices Pépin et Pearson, après quoi nous aurons dépassé notre créneau.
L'hon. Sheila Finestone: Je vous remercie.
En réalité, la personne en question—je ne la nommerai pas, mais si vous pouvez ultérieurement offrir votre concours ce serait parfait, a un enfant qui a été enlevé. Sa conjointe a enlevé l'enfant et est allée dans les montagnes rocheuses en Colombie-Britannique. Cette personne est le père et il habite au Québec. Il n'a pas pu récupérer son enfant.
Je vous pose ma question à vous, monsieur Oliver. Vous nous dites que la GRC peut le faire. Ce qu'on m'a dit, c'est qu'il avait fallu trois ans. Après que le père eut localisé l'enfant, il a utilisé tous les recours possibles en passant par les tribunaux. Il s'est adressé à la police. Le corps policier compétent en Colombie-Britannique est la GRC et celui du Québec est la Sûreté du Québec. La GRC était dans l'impossibilité de faire appliquer en Colombie-Britannique le jugement qui avait été rendu au Québec.
Étant donné la question de M. Forseth et votre réponse, diriez-vous donc qu'il y a une barrière interprovinciale?
Sgt John Oliver: Lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de garde, si la Sûreté du Québec ou le corps policier local et la Couronne ont jugé qu'il n'y avait pas motif à inculpation, et si donc il y a exclusivement une ordonnance émise par un tribunal civil, l'ordonnance québécoise ne sera reconnue en Colombie-Britannique que si le tribunal de la famille de cette province en a reconnu la validité et l'applicabilité en Colombie-Britannique. Si une personne obtient sous le régime du droit québécois une ordonnance d'appréhension qui lui permet d'amener l'enfant en Colombie-Britannique, l'ordonnance n'est pas applicable dans cette province.
L'hon. Sheila Finestone: J'ai entendu votre réponse à M. Forseth et c'est précisément un exemple de contradiction avec ce que vous venez juste...
Sgt John Oliver: Je ne connais pas les circonstances qui entourent cette affaire et si vous voulez, mes services pourront vous aider puisque nous pouvons obtenir les détails, mais il doit s'agir de cela: le corps policier compétent a-t-il des raisons suffisantes pour porter des accusations criminelles? Si la police a le sentiment, pour une raison ou une autre, qu'elle ne peut pas porter d'accusations et si la personne en question procède uniquement sur le plan civil, son ordonnance de garde va devoir être reconnue par la Colombie-Britannique et à ce moment-là elle serait applicable comme une ordonnance d'appréhension.
L'hon. Sheila Finestone: Il serait, je pense, utile que le comité comprenne parfaitement les règles du jeu. Quelles sont les règles, quels sont les règlements au plan provincial? Le comité devrait-il se pencher sur cette question dans le type des recommandations qu'il va faire au ministre? Faudra-t-il négocier cela au niveau interprovincial? Et de quelle façon? Si vous voulez attendre que mon tour revienne pour répondre, je serais très heureuse de...
Sgt John Oliver: Pour répondre partiellement à la question, je dirais qu'au Canada l'une des principales frustrations pour la police dans ce genre de dossier tient à ce que les articles du Code criminel qui concernent le rapt d'enfants par l'un des deux parents sont le seul élément du droit pénal qui se superpose au droit civil...
L'hon. Sheila Finestone: Et voilà!
Sgt John Oliver: ... alors que bien souvent, les policiers n'ont aucun bagage en droit civil. Tout cela est extrêmement complexe et peut-être très confus. Pour pouvoir inculper quelqu'un en vertu du droit pénal, il faut avoir un instrument émis par le tribunal civil, comme c'est le cas par exemple lorsqu'il s'agit d'accuser quelqu'un de rapt parental aux termes de l'article 282. L'article 282 du Code criminel dit en effet qu'il faut qu'il y ait eu violation des dispositions de l'ordonnance en matière de garde. La première chose à faire pour la police est donc de déterminer si l'ordonnance de garde est effectivement valide et si l'autre parent n'en a pas une autre qui ait invalidé la première. Ensuite, le policier doit tenir compte des dispositions en matière de garde qui sont contenues dans l'ordonnance qui lui est présentée.
L'hon. Sheila Finestone: Y a-t-il une différence entre l'Ile-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve ou la Colombie-Britannique?
Sgt John Oliver: Non.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Finestone, je dois vous signaler que dans environ une demi-heure, nous allons recevoir le chef Ford de la police d'Ottawa et peut-être que ces questions pourraient lui être adressées. Nous commençons à manquer de temps et il reste deux personnes qui veulent poser des questions.
Sénatrice Pépin.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Nous avons un dépliant de la GRC qui nous dit quoi faire si notre enfant disparaît. Y a-t-il des programmes de sensibilisation à l'intention des parents ou des enfants qui pourraient réduire l'incidence d'enlèvements? Je trouve que c'est bien qu'on dise aux parents ce qu'ils doivent faire. Mais y a-t-il des programmes qui existent pour les enfants, ainsi que pour les parents, qui préviendraient l'enlèvement de certains enfants? Cela existe-t-il actuellement?
[Traduction]
Sgt John Oliver: La plupart des services de police au Canada ont des programmes. Ils travaillent dans les écoles et avec les parents. Les mesures préventives que l'on prend avec un enfant pour essayer d'éviter un enlèvement par un étranger sont les mêmes que si l'enlèvement était fait par un parent.
Je fais beaucoup de formation auprès des agents de police. J'espère qu'ils vont ensuite parler aux parents. Ce que nous suggérons, c'est que les parents qui ont une ordonnance de garde s'assurent que l'école soit avertie que l'enfant ne peut être amené par quelqu'un qui n'a pas le droit de le faire.
Pour ce qui est des autres questions portant sur l'enlèvement par un étranger, cela entre aussi en jeu pour ce qui est de la prévention, qu'il s'agisse d'un parent ou non. Il appartient donc aux parents de faire le nécessaire et nous espérons que la police parle aux parents de ces choses-là et travaille avec les enfants pour s'assurer que ce genre de choses ne se produit pas.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Pearson.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'aurais une question rapidement. On a parlé presque tout l'après-midi d'enlèvements d'enfants dont les parents sont de nationalité différente ou sont de nationalité étrangère, sont venus au Canada et repartis. Comme nous le savons, il y a en fait pas mal de Canadiens qui vivent à l'étranger, à divers titres, que ce soit avec l'armée ou le service extérieur ou encore les organisations internationales ou autres. Que faites-vous lorsqu'il y a des problèmes de garde et de droit de visite, dans ces cas-là?
M. Gar Pardy: D'après nos estimations, il y a environ 1,5 million de Canadiens qui vivent et travaillent à l'étranger. Il s'agit donc de beaucoup de monde et ce n'est pas limité. Mais pour ce qui est des affaires étrangères, ce que nous essayons de faire c'est de ramener les parents au Canada. C'est la première chose. Comme vous le savez, cela marche quelques fois mais pas toujours.
Beaucoup d'autres organisations sont du même avis. On perd l'efficacité de l'employé et si l'organisation est suffisamment importante, on prend les dispositions nécessaires et, dans ces cas-là, nous les aidons.
Dans bien d'autres cas, cela dépend du genre de famille dont il est question. Il y a des gens qui essaieront de régler les choses localement. Un parent voudra revenir au Canada mais pas l'autre. Dans ce cas, c'est à peu près la même situation que lorsque les parents étaient allés vivre en Grèce trois mois avec les grands-parents et que l'un d'eux a décidé d'y rester alors que l'autre voulait rentrer au pays.
En fait, dans tous les cas, les problèmes ne sont pas tellement différents.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Avez-vous une idée du nombre de cas que l'on peut compter dans ce 1,5 million de Canadiens à l'étranger?
M. Gar Pardy: Vous connaissez aussi bien les affaires étrangères que moi.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je ne pensais pas simplement à cela.
M. Gar Pardy: C'est un nombre important. Le stress de la vie dans un environnement étranger ajoute une certaine dimension à ce genre de cas. Il ne fait aucun doute qu'il y en a beaucoup. Dans le sud de la Californie, par exemple, il s'agit de données de recensement américain, il y a plus de 900 000 Canadiens qui vivent dans la région de Los Angeles.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oh!
M. Gar Pardy: Ça fait beaucoup de monde. Nombre d'entre eux, s'ils connaissent le système, essaieront d'utiliser les tribunaux locaux. Certains reviendront au Canada. Là encore, il y a des tas de mécanismes différents.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'ai dit que c'était la dernière question, mais ce n'était pas vrai.
Le sénateur Jessiman veut poser une question.
Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): N'y a-t-il pas réciprocité dans l'exécution des jugements entre la plupart des provinces canadiennes?
Sgt John Oliver: D'après ce que je sais, chaque province a convenu de reconnaître les ordonnances des autres provinces, mais il faut que l'ordonnance soit déposée au tribunal de la famille de cette province.
Le sénateur Duncan Jessiman: De la deuxième province?
Sgt John Oliver: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Le problème qu'ils rencontrent, c'est qu'ils n'ont pas déposé l'ordonnance... par exemple dans le cas dont nous avons parlé au Québec.
Elle n'écoute pas, mais ce n'est pas grave.
Je pensais qu'elles reconnaissaient l'ordonnance des autres.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Cela a été une séance animée et nous avons un peu dépassé l'heure.
Je dois dire que ce chiffre de 1,5 million me laisse pantois. Les Canadiens deviennent aussi itinérants que les Irlandais.
M. Gar Pardy: Les Irlandais rentrent chez eux maintenant, si vous avez remarqué, mais pas encore les Canadiens.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Nous allons lever la séance pour une demi-heure. Nous reprendrons à 18 heures.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Bonsoir, mesdames et messieurs.
Nous avons le plaisir de vous recevoir ce soir. Je vais lire les noms que vous avez devant vous parce que certains ont changé depuis que cette liste a été préparée.
Du premier groupe, représentant la Société d'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton, Heidi Polowin, Shauna Lloyd et Michael Pranschke.
Ensuite, du Programme de visite supervisée d'Ottawa et du ministère ontarien du Procureur général, Judy Newman, Sally Bleeker et Joan Gullen, qui est présidente honoraire du Programme de visite supervisée.
Enfin, de l'Association canadienne des chefs de police, Vince Westwick, que j'ai connu à d'autres titres—pas les vôtres, les miens, dans d'autres comités. Brian Ford n'a pu venir car il est malade.
Vous êtes donc accompagné de...?
M. Vincent Westwick (membre du comité et conseiller juridique, Association canadienne des chefs de police): Je suis tout seul.
C'est Lise Parent, qui est avec Judy Newman et le groupe de visite supervisée.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous allons commencer, je pense, par le ministère ontarien du Procureur général et le Programme de visite supervisée. Je ne sais pas qui veut commencer, mais allez-y.
Mme Judy Newman (coordonnatrice, Programme de visite supervisée, ministère ontarien du Procureur général): Je tiens à remercier le comité de nous avoir invitées à participer à cette étude. Nous sommes heureuses de pouvoir saisir cette occasion.
Je m'appelle Judy Newman, coordonnatrice du Programme de visite supervisée du ministère du Procureur général. Je suis accompagnée de Sally Bleeker, coordonnatrice du Programme de visite supervisée d'Ottawa, de Lise Parent, bénévole travaillant depuis longtemps à ce programme, et de quelqu'un que l'on connaît bien dans vos milieux juridiques, Joan Gullen, qui est actuellement présidente honoraire du Programme de visite supervisée à Ottawa.
Les centres de visite supervisée, tels que prévus par le ministère du Procureur général, offrent un cadre sûr, neutre et axé sur les enfants pour les visites et les échanges d'enfants avec les membres de la famille qui n'en ont pas la garde comme des grands- parents ou des parents.
La visite supervisée assure le respect des ordonnances du tribunal en offrant un endroit où peuvent se tenir ces visites et ces échanges et fournit, sur demande, des notes d'observation factuelle ou des rapports aux avocats et au tribunal afin de les aider à émettre des ordonnances concernant le droit de garde et de visite.
Les centres de visite supervisée ne sont pas un cadre d'évaluation et ne font pas de recommandations quant au droit de garde et de visite. Ils fournissent simplement des observations factuelles et le cadre voulu pour des visites et des échanges.
Le ministère finance actuellement 15 centres en Ontario grâce à des paiements de transfert. En 1997 et 1998, ceux-ci ont servi 9 000 familles pour 24 000 visites et échanges.
Les visites supervisées devraient être considérées comme un service parmi beaucoup d'autres offert aux familles qui passent par la séparation et le divorce et peuvent avoir recours à des séances d'information, de médiation et de counselling.
Les recherches ont révélé que plus les parents sont en conflit, moins les enfants ont des chances de bien vivre la séparation ou le divorce de leurs parents. En fait, Garrity et Baris dans leur livre Caught in the Middle déclarent que les visites et les échanges supervisés sont un moyen nécessaire de donner aux parents accès à leurs enfants lorsque la situation familiale est modérément ou gravement conflictuelle.
Comment ces centres de visite supervisée satisfont-ils aux besoins de sécurité des enfants? C'est la raison pour laquelle nous sommes ici ce soir, vous parler de la sécurité des enfants. On l'assure grâce à des lignes de conduite et des règlements établis par le programme provincial et par chaque centre, notamment pour des heures d'arrivée et de départ décalées et pour la surveillance de l'interaction parents-enfants durant la visite ou l'échange. Il y a des systèmes de sécurité et une liaison avec les services d'ordre public locaux. Il y a aussi des règles concernant le comportement d'un personnel et des bénévoles expérimentés qui connaissent les effets de la séparation et du divorce et des conflits sur les enfants et leur famille.
Les centres de visite supervisée peuvent être considérés comme un cadre de visite artificiel par certains. Toutefois, lorsqu'il y a conflit ou que l'on s'inquiète de la sécurité d'un enfant, il est plus important d'assurer un cadre de visite ou d'échange sûr et neutre.
Ces centres sont généralement situés dans des garderies et centres communautaires. Il y a des jouets, de l'artisanat et des jeux et quelquefois un terrain de jeu clos. Ce sont des cadres que connaissent les enfants et qui sont faits pour eux.
• 1820
Les recherches menées pour le ministère qui ont été achevées
en 1994 ont révélé que ces services étaient très satisfaisants pour
ce qui était de la sécurité et de la neutralité d'après les parents
qui ont la garde et ceux qui ne l'ont pas; 75 à 80 p. 100 des
visites ont lieu, ce qui est un taux élevé de respect des
ordonnances du tribunal. Sur les 24 000 visites et échanges qui ont
eu lieu cette année, on n'a rapporté que 11 incidents critiques.
C'est là notre mesure de rendement pour la sécurité des enfants en ce sens qu'il s'agit d'incidents pour lesquels soit la police soit les services d'aide à l'enfance ont dû intervenir, soit qu'il y a eu un conflit entre les parents soit qu'un enfant ait dévoilé un acte de violence physique et sexuel qui se serait produit au cours d'une visite en-dehors du centre ou peut-être même au centre—bien que ceux-ci soient très rares—ou que l'on doive mettre fin aux visites parce qu'un des parents est intoxiqué car nous avons aussi des familles qui connaissent de gros problèmes de toxicomanie.
Je terminerai par quelques mots et je demanderai ensuite à Sally de vous parler des détails de ce service de visite supervisée parce que c'est ce qu'elle fait à son centre.
Il n'est pas possible de prévenir tous les conflits; toutefois, il est impératif d'offrir un système qui aide les familles et réduise au maximum les conséquences pour les enfants. Les programmes de visite supervisée avec du personnel et des bénévoles expérimentés et responsables sont un élément de cette méthode d'approche centrée sur l'enfant. Toute modification aux lois devrait en tenir compte.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bleeker.
Mme Sally Bleeker (coordonnatrice, Programme de visite supervisée d'Ottawa, ministère ontarien du Procureur général): Je tiens à remercier tout le monde de nous avoir invitées ici pour vous expliquer le programme que nous avons à Ottawa sachant qu'il y a beaucoup de programmes semblables au pays.
Malheureusement, je considère les conflits familiaux comme une zone de combat intense qui représente de gros risques pour les enfants. Comme dans toutes les zones de combat, pour les victimes de guerre, on peut espérer que de temps en temps il y a ce que j'appellerais une zone de sécurité. Quand je forme les bénévoles et le personnel avec lesquels je travaille, j'utilise l'image du casque bleu, du casque des gardiens de la paix des Nations Unies. Nous ne pouvons peut-être pas mettre fin entièrement à la guerre et nous ne pouvons pas décider de l'issue de la guerre, mais nous pouvons assurer cette zone de sécurité, qui est tout à fait essentielle pour les enfants.
Je vous donnerai quelques exemples rapides. Lorsque j'ai commencé à travailler là-dedans, je croyais beaucoup à l'idée de ce programme mais, tout au début, il y a six ans, j'ai eu le coeur brisé lorsqu'un petit enfant roux de trois ans est arrivé me donner la main en souriant et en disant: «Mon papa est là». Cela a suffi; je n'avais rien besoin d'autre pour comprendre que cet enfant avait extrêmement besoin de ce temps avec son père.
Nous avons aussi quelques jeunes garçons dont la mère a eu des problèmes de santé mentale, des difficultés à gérer sa colère et qui viennent aussi fièrement voir le personnel pour dire: «Maman nous a apporté des maisons d'oiseaux à faire cette semaine» ou «Maman est là, et elle va bien aujourd'hui». C'est le genre de choses que nous disent les enfants et c'est ce qui est important pour nous.
Nous savons comment réagissent les enfants en cas de grave conflit. Il y a des tas d'indicateurs de maladie mentale. Nous voyons des enfants très tendus, inquiets dès les deux ou trois premières visites. Vers la quatrième visite, ils ont sensiblement changé. Ils sont beaucoup plus détendus; le parent qui vient les voir l'est aussi.
Le genre de choses qui nous amènent des gens sont des problèmes de santé mentale modérés ou graves, des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie qui ont amené le tribunal à émettre une ordonnance de droit de visite pour poursuivre la relation mais en insistant pour que les visites soient supervisées et nous avons aussi des parents qui n'ont dans certains cas pas vu leurs enfants depuis deux, trois ou même quatre ans. Tout le monde a donc besoin de ce genre de zone de sécurité qui permette ce genre de contact.
• 1825
Quelques fois, il y a des accusations de violence sur
lesquelles on fait enquête et à cause desquelles on ordonne des
visites supervisées. Quelques fois, c'est les deux parents qui ne
peuvent tout simplement pas arrêter de se battre et il faut trouver
pour l'enfant un endroit neutre pour voir ses parents.
Nous utilisons un centre communautaire. Il comporte deux magnifiques salles de jeux, une pour les petits enfants et une autre pour les plus âgés. Ils adorent la table de billard et le jeu de hockey. Ils viennent et se sentent bien parce qu'ils connaissent les lieux. C'est comme un programme de garde après l'école. C'est comme la garderie. Le centre communautaire reçoit peut-être des enfants pour des leçons de ballet, de ju-jitsu ou autres choses le samedi et nous sommes simplement un autre programme qui utilise plusieurs salles. C'est donc une atmosphère très détendue et ouverte.
Il y a au début des entrevues avec les parents où l'on essaie d'expliquer pourquoi ils sont là et de voir ce qui leur conviendra le mieux. Avant que les enfants ne participent au programme, nous les faisons venir avec le parent qui en a la garde afin qu'ils puissent se repérer, poser des questions et se rassurer. C'est donc quelque chose de progressif qui doit aider les enfants.
Partout au monde, les enfants ont des relations avec des parents qui sont moins que parfaits. Les enfants sont très attachés, nous le savons, à leurs parents et espèrent qu'ils vont s'améliorer. Ils vivent souvent dans l'espoir, comme nous tous, quelles que soient les relations dans lesquelles nous sommes, et je crois vraiment que ces enfants profitent du soutien que nous pouvons leur offrir pour voir si ces relations pourront s'améliorer.
Je vous remercie beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Nous allons maintenant passer à l'Association canadienne des chefs de police. Monsieur Westwick.
M. Vincent Westwick: Merci beaucoup, madame la présidente.
Tout d'abord, je tiens à vous transmettre les hommages du chef Ford qui a la grippe et m'a demandé de le remplacer. Il avait été prévu qu'il ferait l'exposé et il m'avait demandé d'être là pour le seconder. Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je ferai donc les deux.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord, merci.
M. Vincent Westwick: Tout d'abord, l'Association canadienne des chefs de police est très heureuse de comparaître avec ce groupe devant votre comité. En particulier, comme le chef et moi-même sommes de la police régionale d'Ottawa-Carleton, il est bon d'être là avec des gens de la Société d'aide à l'enfance avec qui nous travaillons en étroite collaboration, avec Joan Gullen, que nous connaissons à divers titres et pas seulement dans le cadre du Programme de visite supervisée.
J'aurais quelques observations préliminaires à faire. Les enfants sont tellement importants pour nous que les problèmes qui entourent la garde et le droit de visite suscitent beaucoup d'émotion et sont extrêmement complexes et peuvent malheureusement aussi quelquefois devenir très graves. Ces problèmes sont d'une façon complexe liés à la dynamique des parents et des enfants et à l'histoire de la famille. Il ne s'agit pas de problèmes simples et les solutions ne peuvent être simples.
Étant donné le travail que vous faites depuis quelque temps, je sais que je prêche à des convertis. Mais en parlant à des agents de première ligne—et je l'ai beaucoup fait, pas simplement ici mais partout au Canada, pour me préparer à cette comparution—je puis vous dire que pour ce qui est des questions de garde et de droit de visite, en particulier dans les cas où les agents de police doivent intervenir directement, la police s'inquiète d'abord et avant tout des enfants. Je sais que c'est tout à fait vrai dans Ottawa-Carleton et je suis certain que c'est la même chose partout au pays. C'est ce qu'ils tiennent à ce que je vous dise aujourd'hui. C'est un message très important à leurs yeux.
Enfin, chaque jour dans Ottawa-Carleton, des dizaines de milliers de parents et d'enfants exercent le droit de visite sans incident, sans problème et sans intervention de la police. C'est la même chose partout au Canada. Il faut donc commencer par reconnaître que dans la grande majorité des cas concernant le droit de visite, il y a quelque chose qui marche bien. Malheureusement, aujourd'hui, ce dont nous devons nous entretenir, et ce dont l'Association canadienne des chefs de police veut vous parler, ce sont les cas où cela ne va pas.
Si vous me permettez, j'aimerais vous décrire la situation typique où cela ne va pas et où habituellement la police est appelée à intervenir. Il s'agit pratiquement toujours d'un cas d'échange dans l'exercice du droit de visite. Cela se produit habituellement un vendredi ou un dimanche ou juste avant ou après un congé. C'est pratiquement toujours tard dans l'après-midi ou en début de soirée et c'est presque toujours à la résidence du parent qui a la garde. L'agent arrive pour trouver les parents à la porte, l'enfant avec sa valise et tout le monde a l'air furieux. Il s'est passé quelque chose et il y a un problème.
• 1830
Le fait est que les parties sont habituellement déjà en colère
à propos de quelque chose et ne supportent pas le statu quo. Chaque
partie a une longue histoire à raconter à l'agent et déclare que
tous ses problèmes viennent des décisions déraisonnables du
tribunal, des avocats en cause, évidemment de l'autre parent et
finalement de l'agent de police qui se trouve sur place. Tout cela
se passe dans une atmosphère extrêmement tendue, quelquefois avec
d'autres membres de la famille et voisins qui observent.
Les parties ont presque toujours une ordonnance du tribunal ou une entente et l'une des parties va prétendre que la situation n'est pas couverte par cette ordonnance ou que son interprétation de l'ordonnance est la bonne.
Du point de vue de la police, cela devient une situation extrêmement explosive qui ne peut pas en fait être résolue de façon positive. Il est difficile sinon impossible, pour l'agent de police, de régler le conflit à la porte de la maison. Si les avocats, les tribunaux et les médiateurs n'ont pas réussi à le faire, comment peut-on s'attendre raisonnablement à ce que l'agent de police y réussisse dans ces circonstances? Il est évident que l'agent sera critiqué par l'une ou l'autre des parties, quoi qu'il fasse.
Dans ces situations, il n'y a pas de gagnant. Les agents de police se sentent manipulés et détestent la situation dans laquelle ils se trouvent.
En préparant cette intervention... Je tiens à rappeler que les agents de police font constamment référence aux enfants, et c'est des enfants qu'ils se préoccupent dans ce genre de situation. Ils s'inquiètent de ce qui pourrait se produire après leur départ. Ils s'inquiètent de l'effet traumatisant de la situation sur les enfants et, sur un plan très terre-à-terre, ils s'inquiètent de la façon dont les enfants vont considérer la police après un tel incident.
Curieusement, dans la plupart des cas, la situation fait l'objet d'une ordonnance judiciaire. Généralement, les parties ont un avocat, elles ont déjà entamé une procédure et l'ordre judiciaire est déjà intervenu. À notre avis, les situations d'échange de droits de visite ne font que révéler des problèmes récurrents qui existaient déjà entre les parents.
Le chef voudrait maintenant que je parle un peu des ordonnances. J'en ai donné des spécimens au greffier et je lui serais reconnaissant de les distribuer de façon que je puisse en parler brièvement.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Elles sont uniquement en anglais, je crois.
[Français]
Est-ce que nous avons votre permission?
[Traduction]
M. Vincent Westwick: Madame la présidente, ce n'est pas un mémoire, je connais les règles concernant les mémoires.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Non, je sais bien.
M. Vincent Westwick: Ce sont en fait des photocopies d'ordonnances dont nous avons supprimé les noms et les éléments d'identification; je voudrais simplement insister sur quelques points en les commentant.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Parfait. Ce sera très utile. Je vous remercie.
M. Vincent Westwick: Mon propos n'est pas de critiquer les avocats de droit familial, car j'ai moi-même exercé cette profession ici même pendant un certain temps; je ne veux pas non plus critiquer les juges, car à mon sens, ces situations se produisent pour des raisons très précises.
Mais si vous regardez la page 1, il s'agit d'une ordonnance caractéristique où l'on peut lire au premier paragraphe:
... il y a ensuite un descriptif, puis à la page 2...
Tout d'abord, un agent de police qui intervient dans la rue sur une situation de ce genre ne sait pas qui est le requérant, ni ce qu'est un requérant. Généralement, il ne le sait pas. C'est beaucoup plus compliqué lorsqu'on a affaire à une motion où il est question du requérant, du demandeur, du contre-requérant, du contre-demandeur et du requérant d'une motion incidente. Il est très difficile de s'y retrouver.
Nous disons simplement que ces ordonnances devraient être plus claires et plus faciles à lire.
• 1835
Au deuxième paragraphe, on lit ceci:
Vous voyez qu'il s'agit d'une ordonnance de deux paragraphes, et que le deuxième ordonne à la police d'appliquer l'ordonnance, ce qui n'est pas très explicite.
Curieusement, on trouve au bas de la page l'indication «fait à Ottawa». Voilà ce qui caractérise l'ordonnance, du moins dans la province de l'Ontario. Il arrive que des agents de police viennent me voir, car d'habitude, ces ordonnances sont des photocopies tout à fait semblables à celles que vous voyez ici. Dans le coin supérieur gauche de la première page, on trouve le nom du juge. Ici, le nom a été effacé, mais dans la case de la signature, sur le côté, on trouve toujours la signature du greffier du tribunal, généralement avec un tampon. Des agents de police viennent me voir et me disent: «Je suis agent de police dans ce district depuis tant d'années, et je sais que M. Clark»—le greffier—«n'est pas un juge, et je sais que M. Soublière»—ou Chadwick, ou qui que ce soit—«est un juge. De toute évidence, il y a là un problème.»
Donc, le public et les agents de police connaissent mal ces ordonnances, et c'est un problème très sérieux.
L'ordonnance que voici est datée du mois de mai. Celle de la page 3 concerne la même affaire, et on peut lire au paragraphe 2:
Le soir où ces deux ordonnances ont été remises à la police, elles sont arrivées simultanément. L'une d'entre elles donne la garde au requérant, même si nous ne savons pas exactement qui c'est, et l'autre impose une garde conjointe, sous toute réserve, la question de la garde devant être tranchée à une date ultérieure. L'agent de police concerné ne savait vraiment pas à quoi s'en tenir.
Le paragraphe 3 donne un exemple de ce que l'on entend par le cycle de deux semaines. Il s'agit d'une disposition normalisée—Lise rectifiera si je me trompe—prévoyant que le parent qui a le droit de visite peut l'exercer toutes les deux fins de semaine. Cette ordonnance date de 1994. Pour l'agent de police, lorsque les deux parents sont en train de vociférer l'un contre l'autre un vendredi soir, il est impossible, trois ans et demi plus tard, de déterminer de quelle fin de semaine il s'agissait.
Je dis toujours que les banques réussissent à vous indiquer le montant exact de votre versement hypothécaire en 2050, mais nous ne pouvons jamais déterminer avec précision qui a la garde des enfants dans une ordonnance judiciaire.
Je passe maintenant à la page 5, et je vous demanderais de lire ce document. Il s'agit d'une ordonnance typique. Je l'ai reproduite à cause de la complexité de la formulation.
Ainsi, on peut lire au paragraphe 2:
On lit ensuite:
les dispositions se poursuivent sur deux pages.
J'attire votre attention sur l'alinéa d) à la page 7:
Des agents de police viennent parfois nous montrer les dispositions concernant le droit de visite dans une ordonnance de dix pages; il leur faut parcourir toutes les dispositions de l'ordonnance concernant la répartition des biens matrimoniaux et les obligations d'épargne du Canada avant de trouver les dispositions sur le droit de visite qu'ils sont appelés à appliquer concrètement.
La dernière ordonnance sur laquelle j'aimerais attirer votre attention figure à la page 12. Si vous regardez à la page 13, il s'agit d'une mauvaise photocopie d'un document manuscrit qui était lui-même, au départ, de mauvaise qualité. À la page 12, on trouve le verso d'un document de la cour. Si vous regardez le coin inférieur gauche de la page, vous voyez que le juge a écrit «ordonnance à joindre au procès-verbal d'entente versé au dossier». La partie manuscrite correspond au procès-verbal d'entente.
• 1840
Il ne s'agit pas là du travail d'un juge ou d'un avocat
paresseux. Je suppose qu'on est en présence d'une affaire très
controversée où le procès-verbal d'entente a été conclu pendant
l'audience; on l'a laissé sous cette forme plutôt que de le
modifier, de crainte que les parties ne reviennent sur leur
entente. Voilà comment on a procédé.
J'en ai reçu une autre qui ne figure pas dans cette liasse. J'ai reçu aujourd'hui une ordonnance d'un service de police de l'Alberta. L'une des dispositions de l'ordonnance demande à la police de faire embarquer un enfant sur un vol d'Air Canada. On retrouve la même disposition qui ordonne à la police d'appliquer l'ordonnance.
Nous avons dit dans notre exposé qu'il s'agit là de situations complexes et en ce qui concerne les changements à apporter à la loi, l'ACCP s'en remet volontiers aux spécialistes du droit de la famille qui se trouvent autour de cette table. Nous pouvons cependant faire des recommandations qui ne concernent pas la loi. Je sais que cela ne relève pas exactement de votre compétence, mais nous voulons profiter de l'occasion, car la question nous semble très importante.
Tout d'abord, il faudrait identifier les affaires de droit d'accès et de garde qui présentent un risque élevé. Les professionnels qui appliquent le droit de la famille, que ce soit les avocats, les travailleurs sociaux ou les agents de police, vous diront qu'ils sont capables d'identifier très rapidement les cas à risque élevé. Une fois ces cas identifiés, il faudrait déployer les ressources nécessaires pour éviter le genre d'incident dont je vous ai parlé.
Nous nous en remettons encore une fois aux spécialistes ici présents quant aux moyens à déployer, que ce soit le recours plus systématique à la médiation, un tribunal de la famille ou une autre solution utile dans ce genre de situation.
Nous souhaitons également qu'en plus de ce que vous jugerez utile de faire figurer dans votre rapport, vous fassiez référence aux ordonnances. Nous aimerions qu'elles soient plus claires, rédigées en termes non juridiques, que les parties soient nommées et clairement identifiées, que le droit de visite soit indiqué de façon claire et concise dans un tableau semblable à un tableau d'amortissement qui indiquerait toutes les dates du droit d'exercice du droit de visite, en particulier dans les cas à risque élevé.
Certains spécialistes du droit de la famille prétendent que dans les cas qui ne posent pas de problème, il faut ménager suffisamment de souplesse et de pouvoirs discrétionnaires pour que les parties puissent résoudre leurs problèmes elles-mêmes. C'est sans doute un excellent principe, mais pour les autres cas, il faut également des indications claires et concises à appliquer lorsque les choses tournent mal.
Finalement, il faudrait des dispositions, relevant peut-être d'une loi ou d'une politique provinciale, pour faire face aux problèmes qui se posent sur le terrain. Peut-être faudrait-il prévoir un fichier des historiques des cas de ce genre, auxquels les professionnels et la police pourraient se référer, en particulier en dehors des heures normales de bureau.
Peut-être serait-il utile de mettre un fonctionnaire judiciaire, semblable à un juge de paix ou à un commissaire du droit de la famille, à la disposition des avocats qui pratiquent le droit de la famille et des policiers qui doivent intervenir dans des situations de ce genre en dehors des heures de bureau.
Je répète encore une fois—sans doute la troisième fois—que les agents de police se préoccupent avant tout des enfants. C'est toujours ce qu'ils affirment; la situation des enfants leur tient beaucoup à coeur. Ils se préoccupent de laisser aux enfants une image négative de la police, en plus des effets traumatisants beaucoup plus graves que provoquent les situations de ce genre.
L'important, à notre avis, ce ne sont pas les parents; ce ne sont pas les mères ou les pères, ce sont les enfants et leur sécurité.
• 1845
L'ACCP tient à vous remercier de l'avoir invitée et je vous
transmets encore une fois les excuses du chef Ford qui est
souffrant aujourd'hui.
Merci de nous avoir écoutés.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Nous allons passer à la Société de l'aide à l'enfance. Madame Polowin, est-ce vous qui prenez la parole en premier?
Mme Heidi Polowin (directrice des services juridiques, Société de l'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton): C'est moi qui vais parler la première.
Tout d'abord, je voudrais vous remercier de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui devant votre comité pour lui faire part de notre point de vue.
Je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Shauna Lloyd dirige notre service d'accueil et Michael Pranschke est un travailleur social qui s'occupe de la protection des enfants et des services familiaux.
Je vais tout d'abord commencer par vous présenter le mandat de la SAE. Toutes les sociétés d'aide à l'enfance de l'Ontario ont pour mandat de faire enquête sur les cas signalés d'enfants de moins de 16 ans qui auraient besoin de protection.
La notion de besoin de protection est définie dans la Loi sur les services à l'enfance et à la famille. Je vous en donne la teneur: il s'agit tout d'abord du préjudice physique ou du risque de préjudice physique; des sévices sexuels ou de l'exploitation sexuelle, ou du risque de sévices et d'exploitation sexuels; du préjudice émotionnel ou du risque de préjudice émotionnel; des situations dans lesquelles les parents refusent un traitement médical ou ne sont pas en mesure d'y consentir; des situations d'abandon d'enfants et des situations où un parent n'est pas en mesure de s'occuper d'un enfant. Voilà la définition du cadre de notre travail.
À la SAE d'Ottawa, nous avons un service d'accueil qui a pour fonction particulière de faire enquête sur toutes les allégations concernant un enfant qui aurait besoin de protection, selon la définition de notre loi.
Lorsqu'elle fait enquête sur un cas de sévices physiques ou sexuels, la Société d'Ottawa applique un protocole conjoint élaboré par la Société de l'aide à l'enfance, la police d'Ottawa, l'Hôpital pour enfants et les commissions scolaires. Ce protocole prévoit que l'enquête doit être menée conjointement par la police et par la SAE en cas d'allégation de sévices sexuels ou physiques.
C'est la police qui mène l'enquête, mais la Société y participe à part entière. Elle est représentée lors des entrevues des enfants et des adultes, mais elle ne fait pas d'entrevue avec l'auteur présumé des sévices.
Les allégations nous parviennent de diverses sources: la police, l'école, les médecins, la famille, les amis, les voisins, les parents, etc. Les allégations sont souvent formulées par un parent à l'encontre de l'autre, et souvent à l'occasion d'un conflit sur la garde ou le droit d'accès.
Les travailleurs sociaux affirment que les allégations formulées dans le contexte d'un conflit sur le droit de visite ou la garde figurent parmi les éléments les plus complexes de leur travail. Il faut en évaluer le bien-fondé, mais c'est très difficile, à cause des sentiments d'amertume et de colère que nourrissent les conjoints, et à cause des manipulations dont les enfants sont victimes.
Je voudrais vous donner des exemples du genre d'allégations qui nous sont soumises. Un père prétend qu'à l'occasion de l'exercice de son droit de visite, son enfant est arrivé avec des marques de coups, ou il prétend que la mère a laissé l'enfant sans surveillance. Une mère prétend que le père a frappé l'enfant pendant l'exercice de son droit de visite, ou que l'enfant est revenu avec une irritation des parties génitales, et elle soupçonne que l'enfant ait été victime de sévices sexuels. Un père affirme que le nouveau conjoint de la mère se rend coupable de sévices physiques ou sexuels sur l'enfant. Une mère prétend que le père n'a pas fait prendre ses médicaments à l'enfant pendant l'exercice du droit de visite. Voilà des exemples des situations auxquelles nous devons faire face.
Les effets de ces situations sur les enfants sont évidents. Même lorsqu'ils ne sont pas victimes de sévices, ils souffrent de devoir subir une enquête. Parfois, ils doivent subir des enquêtes à répétition lorsque les allégations se succèdent.
L'enfant est interrogé par un travailleur social de la SAE, auquel peut se joindre un agent de police. Il y a parfois plusieurs entrevues, qui peuvent être enregistrées sur vidéo. L'enfant doit parfois être évalué par l'Hôpital pour enfants ou une clinique spécialisée dans les sévices sexuels.
Si l'enquête de la SAE concerne le parent visiteur, elle peut demander une suspension du droit de visite pendant l'enquête. Nous demandons aux parents d'accepter temporairement cette suspension. La plupart d'entre eux s'y conforment, en particulier lorsqu'ils sont représentés par un avocat. S'ils refusent de renoncer à leur droit de visite et si l'allégation est sérieuse, la Société a la possibilité de s'adresser à un tribunal en présentant une demande de protection pour faire suspendre le droit de visite pendant la durée de l'enquête. Mais pour l'enfant qui apprécie ces visites auxquelles il est habitué, la suspension du droit de visite est une source de contrariétés et de confusion.
• 1850
Lorsque l'avocat des parents apprend que la Société intervient
auprès de la famille, il nous demande souvent de fournir une
évaluation de la famille au tribunal. Cette évaluation nous pose un
problème. Nous n'avons pas pour mandat ni pour rôle de faire des
évaluations en matière de droit de visite et de garde. Nous pouvons
dire au tribunal si les allégations de sévices nous semblent
fondées ou non. Cependant, nous mettons notre dossier à la
disposition de l'avocat et du tribunal dans la mesure où l'avocat
consent à la divulgation de renseignements confidentiels ou des
ordonnances du tribunal.
Les allégations réitérées ont un effet traumatisant manifeste chez les enfants, dans la mesure où elles finissent par constituer elles-mêmes une forme de sévices, et j'aimerais vous en donner un exemple. Nous sommes intervenus dans un cas où la mère prétendait que ses deux filles avaient été victimes de sévices sexuels de la part de leur père à l'occasion de l'exercice de son droit de visite, et que les enfants avaient dit quelque chose du genre «papa m'a baisée». Ces premières allégations ont été jugées crédibles par le travailleur social de la SAE et par les autres professionnels de la santé qui sont intervenus dans cette affaire. Mais le père a nié tout écart de conduite, s'est montré tout à fait coopératif, a renoncé à son droit de visite et a accepté de se soumettre à des tests de comportement sexuel. Il considérait qu'il devait faire tout ce qu'on lui demandait dans l'intérêt de ses enfants.
Lorsque le droit de visite a été rétabli, les mêmes allégations ont été formulées de nouveau: «papa m'a baisée.» Il y a eu une série cyclique d'allégations, de suspension du droit de visite, d'enquêtes et de rétablissement du droit de visite. Au bout d'un certain temps, le travailleur social et les autres professionnels chargés du dossier ont commencé à se demander si ces allégations étaient véritablement fondées et si la mère ne présentait pas des signes de maladie mentale.
La Société a demandé au tribunal de faire intervenir la clinique du tribunal de la famille. Après évaluation, la clinique a conclu que les faits allégués avaient été inventés par la mère et qu'elle avait effectivement des problèmes de santé mentale, mais que les effets de la situation sur les enfants étaient tout aussi graves que sÂils avaient été effectivement victimes de sévices. La Société a modifié sa demande protection pour demander une ordonnance de surveillance de façon que les enfants soient confiés à leur père, la mère ayant un droit de visite sous surveillance. La Cour a rendu une ordonnance en ce sens après un long procès. Malheureusement, il a fallu des allégations réitérées avant que l'on reconnaisse la nature véritable du problème.
Je voudrais présenter au comité une statistique approximative: sur cinq dossiers ouverts par la Société de l'aide à l'enfance, trois comportent des problèmes liés à la garde et au droit de visite, et dans deux de ces dossiers sur trois, on constate généralement que les allégations ne sont pas fondées. Vous imaginez les ressources considérables que la Société doit consacrer à ces dossiers.
Avant de conclure, la Société voudrait porter à l'attention du comité les éléments suivants:
Tout d'abord, je ne sais pas si le comité est au courant du nombre d'enquêtes du coroner qui se sont déroulées en Ontario au cours de la dernière année et qui concernaient le domaine de l'aide à l'enfance. Dans l'une de ces enquêtes du coroner, le jury a fait une recommandation concernant le droit de visite. Il a dit que les visites auprès des parents et des personnes importantes dans la vie de l'enfant constituaient pour ce dernier un droit véritable et que tous les aspects du droit de visite devaient être axés sur les intérêts de l'enfant et non pas sur ceux de la partie qui revendique un droit de visite.
Deuxièmement, ce jury a recommandé l'élargissement de la définition du besoin de protection qui figure dans notre loi, de façon à y inclure spécifiquement les conflits prolongés concernant la garde de l'enfant. Je ne pense pas qu'il faille aller aussi loin. À mon avis, on risquerait ainsi de provoquer une prolifération de demandes d'intervention, à laquelle la SAE ne pourrait faire face. Mais je crois qu'il faut reconnaître que les fausses allégations à répétition peuvent causer un préjudice émotionnel considérable à l'enfant. C'est ce qu'ont reconnu la clinique du tribunal de la famille d'Ottawa et un juge de notre groupe de travail judiciaire provincial dans l'affaire à laquelle j'ai fait référence.
• 1855
Troisièmement, il faudrait renforcer les programmes de droit
de visite sous surveillance. La Société n'a pas les ressources
nécessaires pour garantir un droit de visite sous surveillance aux
familles. Les parents et les amis ne constituent pas nécessairement
des personnes indiquées pour assurer la surveillance pendant
l'exercice du droit de visite. Les enfants ont besoin d'un terrain
neutre où la visite sous surveillance pourrait se dérouler en toute
sécurité. Et je sais qu'il y a de longues listes d'attente pour les
visites sous surveillance à Ottawa.
Finalement, nous pensons qu'il faut doter la région d'un tribunal unifié de la famille. C'est ce qu'a recommandé le jury du coroner dans l'enquête Kassonde qui s'est déroulée à Ottawa, et qui concernait une affaire dans laquelle deux enfants ont été assassinés par leur père pendant le déroulement d'une procédure sur la garde et le droit de visite. On remarquera que lorsque la SAE présente une demande de protection, il y a interruption des procédures concernant la garde et le droit de visite au tribunal provincial ou à la division générale de l'Ontario. Ces procédures sont suspendues jusqu'à ce que la SAE ait terminé son intervention devant les tribunaux. Il en résulte deux procédures distinctes devant deux tribunaux distincts, soumis à deux juges distincts alors qu'il est question d'une même famille et de sujets tout à fait semblables. Le jury du coroner a recommandé que l'on crée partout en Ontario des tribunaux unifiés de la famille qui s'occuperont des droits de la famille, de protection des enfants, des questions de garde et de droit de visite, et que chaque dossier devra être géré du début à la fin par le même juge.
Nous n'avons pas encore de tribunal unifié de la famille à Ottawa, mais je suis heureuse de pouvoir annoncer au comité que la division de la famille de la Cour provinciale d'Ottawa vient de mettre en place un système de gestion des dossiers. Dans ce système, le même juge s'occupe de chaque dossier dès le dépôt de la requête introductive d'instance, et les règles de procédure fixent certains délais qui ne peuvent être dépassés. Le juge connaît parfaitement les circonstances de l'espèce et veille à ce que la procédure progresse sans retard excessif. Le parquet et le barreau d'Ottawa espèrent que ce nouveau système permettra de résoudre plus rapidement les affaires impliquant des enfants, ce qui ne pourra que servir leurs intérêts.
Je tiens encore une fois à vous remercier de nous avoir invités. Mme Lloyd, M Pranschke et moi-même sommes prêts à répondre à vos questions.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci.
Je voudrais revenir sur vos propos concernant les fausses allégations. Vous avez dit que dans deux cas sur cinq, les allégations sont fausses lorsqu'elles sont formulées dans le cadre d'un conflit sur la garde et le droit de visite. Vous ne parlez pas de deux cas sur cinq de toutes les allégations, vous dites simplement...
M. Roger Gallaway: Trois.
M. Paul Forseth: D'accord.
Mme Heidi Polowin: Me permettez-vous d'apporter des précisions? Sur cinq dossiers qui font l'objet d'une enquête de la part de la SAE, trois concernent des questions de garde et de droit de visite et sur ces trois, deux comportent des allégations non fondées.
M. Paul Forseth: Cela me ramène à mon expérience pratique, car j'ai été enquêteur judiciaire et j'ai dû négocier avec un organisme social distinct en Colombie-Britannique, qui était à l'époque le ministère des Ressources humaines. On a commencé à entendre dire qu'il suffisait de faire de fausses allégations de mauvais traitements pour faire intervenir l'autre organisme; on avait alors deux organismes qui essayaient de tirer l'affaire au clair, ce qui permettait d'enrayer les procédures judiciaires. Une fois que ce genre d'information commence à circuler, il est très difficile d'en venir à bout.
Je voudrais savoir ce que votre organisme a fait face à ce problème, pour essayer de rectifier le message et pour prévenir ce genre de comportement, parce que tous ceux qui s'y risquent constatent que cela ne donne rien.
Mme Heidi Polowin: Je voudrais vous apporter une précision. Je ne veux pas dire que lorsque nous disons que deux allégations sur trois sont non fondées, nous prétendons qu'il s'agit de fausses allégations. Nous disons que nous ne leur trouvons pas de fondement. Ce sont deux choses différentes. Je crois que lorsque vous parlez de fausses allégations, vous y mettez un élément intentionnel. Ce n'est pas toujours le cas. Parfois, c'est simplement que nous ne trouvons aucun fondement aux allégations.
Quant à la seconde partie de votre question au sujet de ce que nous avons fait, je vais demander à Mme Lloyd ou à M. Pranschke de vous dire comment ils réagissent à ces allégations qui n'en finissent pas.
Mme Shauna Lloyd (Société d'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton): Je crois que nous sommes de plus en plus conscients de ce genre de choses. Comme Mme Polowin l'a dit, pour nous assurer que les deux parents restent conscients des intérêts de l'enfant, nous avons commencé à examiner de plus près le parent qui a la garde et qui continue à faire des allégations. Nous commençons à chercher des solutions à l'intérieur de ce système familial au lieu de les chercher uniquement chez la personne qui fait l'objet des allégations. Dans l'ensemble, c'est très difficile, comme Mme Polowin l'a expliqué. Il est très difficile de prouver que les allégations viennent d'un parent ou de l'autre et non pas de l'enfant. Mais à l'heure actuelle, nous faisons notre possible.
M. Michael Pranschke (Société d'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton): Je crois qu'il y a une autre réalité à l'heure actuelle: les gens qui portent de fausses accusations et qui menacent de poursuivre la SAE si celle-ci ne fait pas quelque chose en disant «Je ne veux pas que mon enfant ou mes petits-enfants finissent comme ces autres enfants»...
La situation est déjà très difficile et très complexe, et maintenant, on augmente la mise pour les clients. J'ai même vu d'autres avocats faire des menaces subtiles, dire que si nous ne faisions pas quelque chose, il fallait nous attendre à des poursuites. C'est une chose de donner suite au premier type d'allégation, mais maintenant, cela se multiplie par trois ou par quatre. Cela prend déjà beaucoup de temps pour s'occuper d'une allégation, déterminer si elle est justifiée ou pas, mais en plus, quand on a un parent qui gesticule et qui vous injurie en vous disant de faire quelque chose immédiatement si vous ne voulez pas trouver votre nom dans le journal demain matin...
M. Paul Forseth: D'accord.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous une certaine expérience de la tolérance zéro en ce qui concerne la police? Lorsqu'on déclare que la tolérance zéro, et je ne sais pas si c'est le cas... Est-ce que vous êtes d'Ottawa?
Mme Heidi Polowin: Oui.
Le sénateur Jessiman: Est-ce qu'on a imposé une tolérance zéro en Ontario? Je sais que le Manitoba et d'autres provinces l'ont fait.
Mme Heidi Polowin: Je ne suis pas certaine de comprendre ce que vous voulez dire par tolérance zéro.
Le sénateur Duncan Jessiman: Supposons qu'un mari et une femme se disputent, la police arrive et des allégations sont formulées. Je connais une situation où cela s'est produit. C'était un problème de droit de visite. Il y avait eu une erreur. C'était le moment où la garde devait changer, mais une erreur a été commise, et ils ont dû aller chercher l'enfant quelque part, et quelqu'un a touché l'enfant. Ensuite, tout le monde est parti, et au milieu de la nuit, le mari a été ramassé par la police et emprisonné. Cela n'est pas allé jusqu'à un procès, mais un juge a entendu l'affaire, et seulement après que chacune des parties ait dépensé 5 000 $.
Avez-vous une expérience de la tolérance zéro, lorsqu'on porte une accusation qui n'est jamais prouvée?
Mme Heidi Polowin: Pas dans notre juridiction.
Le sénateur Jessiman: Et vous, monsieur Westwick?
M. Vincent Westwick: Je ne crois pas qu'une telle politique existe, pas que je sache.
Le sénateur Jessiman: Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Forseth, je vous en prie, continuez.
M. Paul Forseth: J'aimerais que les gens du programme de visite surveillée m'expliquent comment cela fonctionne, comment fait-on pour obtenir le service? Faut-il une ordonnance du tribunal, ou bien peut-on simplement demander à utiliser le service? Est-ce que les parents doivent payer ce service, ou bien est-ce aux frais du contribuable?
Mme Judy Newman: En général, 90 p. 100 des familles entrent dans le processus lorsque le tribunal émet une ordonnance de visite surveillée. Il y a des gens qui prennent l'initiative, mais en général, cela commence par une ordonnance.
La plupart des services provinciaux font payer ce service. Toutefois, le service n'est refusé à personne pour des raisons pécuniaires. Il y a un barème progressif et également un droit à payer pour les rapports et les comparutions. Il y a d'autres services dont la province ne s'occupe pas, qui sont privés, et qui demandent 15, 30, 50 ou 90 $ par visite ou par heure pour différents types de visites surveillées. Mais ces services-là ne sont pas responsables devant la province, ils ne font pas partie de notre programme.
M. Paul Forseth: Vous avez déjà abordé ma question supplémentaire puisque j'allais vous demander s'il y a des services privés et payants de surveillance des visites?
Mme Judy Newman: Ces services existent, mais nous n'en avons pas la liste, et ils ne sont pas responsables devant la province, ils ne sont pas non plus financés par la province.
M. Paul Forseth: Vous dites que vous ne faites pas d'évaluations, que vous vous contentez de surveiller pour assurer la paix. Vous savez, n'est-ce pas, que quiconque a des contacts avec un enfant peut être appelé à témoigner lors d'un procès au sujet de la garde de cet enfant?
Mme Judy Newman: Oui.
M. Paul Forseth: Est-ce que ces services sont payants? Si le tribunal nomme un enquêteur, est-ce que cet enquêteur vient vous voir régulièrement pour savoir comment se passent les visites, ce que vous avez pu observer, et avez-vous des protocoles qui vous permettent de prendre des notes au sujet du comportement des diverses personnes dans une affaire?
Mme Judy Newman: Oui, nous avons des rapports d'observation standards que nous remplissons lors de chaque visite, et chaque centre peut en fournir une photocopie ou un résumé sous forme d'un rapport si les avocats des parties et le tribunal le demandent. Dans certains centres, ce service est payant. Dans d'autres, on fait payer uniquement les photocopies et dans certaines provinces, c'est l'aide juridique qui paye les rapports.
M. Paul Forseth: Cela suffit pour mon tour.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: Je veux que cela soit bien clair pour tout le monde et pour moi personnellement. Vous êtes de la Société d'aide à l'enfance, et vous nous dites que sur cinq allégations, trois viennent de gens qui sont impliqués dans une affaire de garde et de droit de visite, et que sur ces trois-là, il y en a deux qui sont fausses. C'est bien ça?
Mme Heidi Polowin: Je n'ai pas dit «fausses», j'ai dit que nous ne pouvions pas prouver qu'elles étaient fondées.
M. Roger Gallaway: Si vous ne pouvez pas le prouver, vous avez le pouvoir, dans le cadre de la SAE, aux termes de la loi qui vous régit, ou aux termes de la loi ontarienne, de déterminer la culpabilité?
Mme Heidi Polowin: Non, pas du tout.
M. Roger Gallaway: Par conséquent, si vous ne pouvez pas le prouver, j'imagine qu'il n'y avait rien à prouver. Quand vous me dites que vous ne pouvez pas le prouver, cela sous-entend qu'il reste un élément de doute et qu'un coupable s'en tire peut-être à bon compte.
Mme Shauna Lloyd: On nous téléphone pour porter des allégations contre une personne qui aurait maltraité un enfant. Nous faisons enquête, et soit nous établissons que tout était vrai, que cela s'est produit, ou encore que cela ne s'est pas produit, mais il se peut également que nous découvrions autre chose. Par conséquent, le fait que nous n'ayons pas pu le prouver signifie que nous ne pouvons pas justifier de protéger cet enfant contre la personne en question. Cela dit, il peut y avoir d'autres problèmes dans la famille qui...
M. Roger Gallaway: Pouvez-vous nous dire combien d'allégations vous avez reçues l'année dernière, combien de dossiers d'enquête vous avez ouverts?
Mme Shauna Lloyd: Nous avons probablement ouvert 1 500 dossiers au total, sinon plus. C'est tout à fait approximatif.
M. Roger Gallaway: Quelle est la population de la région? Vous êtes dans Ottawa-Carleton?
Mme Shauna Lloyd: C'est juste, environ 800 000 habitants.
M. Roger Gallaway: Je conclus donc alors que 600 des 1 500 plaintes sont non fondées, ou qu'ils y a des gens qui... Non, deux sur cinq.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Elle va vous l'expliquer, monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: Alors, disons 40 p. 100 des cinq. Je parle maintenant des totaux. Le sénateur Jessiman travaille sur les questions de garde et le droit de visite. Vous aviez donc 1 500 plaintes et dans 40 p. 100 des cas, celles-ci étaient non fondées ou les intéressés étaient parfaitement innocents. Est-ce exact? Il y a donc eu 600 fausses allégations.
Mme Shauna Lloyd: Je pense qu'il faut éviter d'employer le mot «fausses».
M. Roger Gallaway: Vous avez reçu 600 allégations. Ou encore je dirais plutôt: 600 allégations que vous ne pouviez rattacher à personne.
Mme Heidi Polowin: Que nous n'avons pas pu corroborer.
M. Roger Gallaway: Autrement dit, vous ne pouviez jeter le blâme sur qui que ce soit.
Mme Heidi Polowin: La police n'allait pas porter d'accusations.
M. Roger Gallaway: Je trouve tout cela assez consternant. La police ne portera pas d'accusations, mais vous laissez quand même subsister un doute.
Supposons donc alors qu'il y a 600 personnes qui ont reçu la visite de la Société d'aide à l'enfance et que finalement elles étaient tout à fait innocentes ou que la Société n'a pas pu prouver ce qui se passait. Certaines de ces personnes doivent être innocentes. Elles ne sont pas toutes coupables.
Mme Heidi Polowin: Absolument, certaines sont innocentes.
M. Roger Gallaway: Pouvez-vous me dire, sur ces 1 500 plaintes, combien ont été présentées par des hommes et combien ont été présentées par des femmes?
Mme Heidi Polowin: Je ne peux pas vous le dire. Nous ne répartissons pas nos données statistiques par sexe.
M. Roger Gallaway: Très bien. Sur ces 900 plaintes combien concernaient la garde et le droit de visite, pouvez-vous me le dire?
Mme Heidi Polowin: Non. Pas du tout.
M. Roger Gallaway: Avez-vous ces dossiers?
Mme Heidi Polowin: Non. Nous ne conservons pas de données statistiques en ce qui concerne...
M. Roger Gallaway: Avez-vous les noms des auteurs des plaintes?
Mme Heidi Polowin: Oui, nous les avons.
M. Roger Gallaway: Alors vous pourriez en fait trouver ce renseignement.
Mme Heidi Polowin: Si nous faisions la recherche, oui.
M. Roger Gallaway: Oui. La feriez-vous?
Mme Heidi Polowin: Non. Nous ne la ferions pas.
M. Roger Gallaway: J'estime, madame la présidente, que c'est une question très importante, à laquelle nous devons obtenir une réponse, et j'aimerais qu'on s'assure qu'en fait les témoins ne le savent pas. Je pense que c'est tout directement lié à ce dont nous discutons ici.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'aimerais ajouter une question. Pourriez-vous apporter une précision, parce que quand vous parlez de 1 500 cas, je sais qu'en vertu de la loi de l'Ontario quiconque a connaissance de sévices doit en faire rapport.
Mme Heidi Polowin: C'est tout à fait juste. Les plaintes ne viennent pas seulement de parents.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Elles ne viennent donc pas seulement de parents.
M. Roger Gallaway: Non. Je le sais.
Mme Heidi Polowin: L'allégation pourrait venir d'un membre de la famille...
Le sénateur Duncan Jessiman: Trois plaintes sur cinq ont trait à la garde...
Mme Heidi Polowin: C'est juste, mais l'allégation peut ne pas venir de...
Le sénateur Duncan Jessiman: Non, mais ces deux tiers des trois cinquièmes.
M. Roger Gallaway: Tenons-nous en à cela. Que savez-vous de ceux qui portent des allégations en ce qui concerne seulement la garde et le droit de visite? Quel pourcentage de ces allégations émanent de parents, ou de l'un ou l'autre des conjoints en désaccord?
Mme Heidi Polowin: Je ne peux pas vous le dire.
M. Roger Gallaway: Avez-vous accès à des dossiers qui l'indiqueraient?
Mme Heidi Polowin: Ce serait une tâche onéreuse que d'essayer de trouver ce renseignement, une tâche de titan.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Mais vous avez la responsabilité de l'emploi qu'on fait de ces données...
M. Roger Gallaway: Oui, nous essayons de saisir...
Le sénateur Duncan Jessiman: Ne pourrait-on pas simplement maintenir...
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Sénateur Jessiman, c'est au tour de M. Gallaway.
M. Roger Gallaway: Vous nous avez présenté des données assez étonnantes ce soir, et nous entendons parler de témoins qui auraient été faussement accusés—ou, pour reprendre vos propos, qui ont été accusés mais contre lesquels on n'avait pas de preuves.
Permettez-moi de vous poser une autre question qui a trait au processus judiciaire. Vous avez dit qu'en fait dès qu'une allégation est portée vous intervenez, vous mettez fin au droit de visite si c'est le parent qui a le droit de visite qui est mis en cause, n'est-ce pas?
Mme Heidi Polowin: Non. Ce que j'ai dit c'est que quand nous entreprenons une enquête, nous demandons au parent qui a le droit de visite si l'allégation est portée contre lui, d'accepter volontairement pendant une brève période soit le temps que nous procédions à l'enquête, de ne pas exercer son droit de visite.
M. Roger Gallaway: Vous avez aussi dit que s'il ne...
Mme Heidi Polowin: Dans un cas grave. Je vais vous donner un exemple...
M. Roger Gallaway: Non. Ça va. Nous n'avons que peu de temps.
Je veux savoir quelle est la durée moyenne d'une enquête.
Mme Shauna Lloyd: Cela varie.
M. Roger Gallaway: Vous devez quand même avoir des chiffres à produire.
L'hon. Sheila Finestone: Allons-donc. Vous êtes assujetti à des règles en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse en ce qui concerne le délai qui vous est accordé pour procéder à une enquête.
M. Roger Gallaway: Je vous le demande, est-ce que quatre mois serait un délai raisonnable?
Mme Shauna Lloyd: Quatre mois, c'est beaucoup trop long.
M. Roger Gallaway: Est-ce qu'un mois serait un délai raisonnable?
Mme Shauna Lloyd: Le ministère nous indique que nous devons procéder aux enquêtes dans les 21 jours qui suivent la réception du rapport.
M. Roger Gallaway: Vous devez procéder à une enquête. Mais est-ce que cela veut dire que vous l'avez terminée?
Mme Shauna Lloyd: Non, pas tout le temps.
M. Roger Gallaway: Combien de temps faut-il? Vous avez 21 jours pour commencer, mais quand la terminez-vous?
Mme Shauna Lloyd: Il n'y a pas deux cas pareils. Tout dépend de l'information et des questions qui se posent.
M. Roger Gallaway: Je vois. Si chaque cas est particulier, supposons que vous recevez une plainte concernant la garde et le droit de visite. Vous savez que, dans deux de ces cas sur trois, on ne peut pas obtenir de preuves. Quel est le délai moyen?
Mme Shauna Lloyd: Je ne peux pas répondre. Je pourrais dire que les choses ne se passent pas ainsi: on ne nous dit pas «C'est un cas de garde et de droit de visite et voici la plainte». La garde et le droit de visite sont toujours une question secondaire. Cela fait partie de la situation globale de la famille. Nous avons l'obligation de veiller à la sécurité des enfants et de tenir compte des risques qu'ils pourraient courir. Nous envisageons toujours les choses sous cet angle.
L'hon. Sheila Finestone: Vingt et un jour après le dépôt d'une plainte?
Mme Shauna Lloyd: On suspend l'exercice du droit de visite d'un parent pour assurer la sécurité et la protection de l'enfant pendant l'enquête. Toutes les mesures que nous prenons sont inspirées de ce principe.
M. Roger Gallaway: J'ai deux dernières questions.
M. Michael Pranschke: Puis-je ajouter quelque chose?
M. Roger Gallaway: Allez-y, je vous en prie.
M. Michael Pranschke: Vous posez une question au sujet du délai. Oui, c'est dans un délai de 21 jours. Je m'occupe actuellement de quatre ou cinq cas où la garde et le droit de visite posent un problème. Les fois où des allégations ont été faites... dans les 24 heures j'ai ouvert et terminé une enquête et j'en suis arrivé à une conclusion.
M. Roger Gallaway: C'est bien, parce qu'un pasteur à Toronto nous a dit que son enquête a duré trois ans et demi. La semaine dernière, des gens du nord de l'Ontario nous ont dit que l'enquête s'éternisait, et nous avons aussi entendu parler d'allégations répétées mais dépourvues de tout fondement.
De nos jours nous n'avons que très peu de ressources—je vis à Toronto et j'en sais quelque chose—quelles recommandations présenteriez-vous au comité en ce qui concerne les personnes qui font des allégations non fondées? Vous devez trouver inquiétant que quelqu'un ne cesse de vous appeler pour dire «Un tel a fait ceci ou cela», pour vous rendre compte, chaque fois que vous faites enquête, qu'il s'agit soit... Je parle quant à moi de fausses allégations, vous préférez dire qu'elles sont non fondées. Est-ce une utilisation avisée des ressources? En fait, la loi vous oblige à faire enquête. On tourne un peu le processus en dérision.
Mme Heidi Polowin: Je suis d'accord avec vous en ce sens qu'il y a de nombreux cas au sujet desquels nous faisons enquête qui... Je ne devrais pas dire qu'ils sont nombreux. Il y a des cas où la Société d'aide à l'enfance est manipulée et, cela ne fait aucun doute. Le problème, c'est que si nous insérons dans la mesure législative une disposition qui criminalise cela, allons-nous d'une certaine façon fermer la porte dans les cas où il y a véritablement des mauvais traitements? Voilà ce qui m'inquiète.
Je vous invite donc à la prudence avant de faire une recommandation en ce sens. Il y a une raison pour laquelle la Société d'aide à l'enfance est tenue de faire enquête sur toutes et chacune des allégations, indépendamment de sa source—un enseignant, un médecin, un travailleur social. Et cette raison, c'est que ces allégations pourraient être fondées. Voilà pourquoi je me méfie énormément d'une disposition statutaire qui, d'une façon ou d'une autre, entraverait cette obligation de faire enquête, à moins qu'elle soit libellée d'une façon à viser uniquement les allégations malveillantes ou délibérément trompeuses.
C'est un domaine compliqué. Comme j'ai essayé de l'expliquer au comité, une allégation non fondée n'est pas nécessairement une fausse allégation. Il arrive parfois que nous ayons affaire à des enfants de 3 ans qui ne peuvent pas vraiment expliquer ce qui se passe. On sait qu'il se passe quelque chose, mais on ne sait pas exactement quoi. Même s'il n'y a pas d'agression sexuelle ou de sévices, il y a dans cette famille un problème qui exige notre intervention.
J'hésiterais donc énormément à recommander au comité de fermer la porte à de tels cas uniquement parce que nous craignons que certaines allégations soient fausses. Je préférerais que le comité laisse la porte ouverte, mais qu'il nous donne le... Malheureusement, le comité ne peut nous accorder les ressources nécessaires mais nous en avons néanmoins besoin pour veiller à ce que les familles obtiennent l'aide dont elles ont besoin.
M. Roger Gallaway: Une dernière question. Lorsque vous donnez l'exemple d'un enfant de 3 ans, il me semble que vous abordez le champ de la psychologie freudienne, quand Freud parle du moi et de la fin du super-moi. C'est une théorie fantastique, mais elle est impossible à prouver. On ne peut prouver l'existence du moi ou de toutes ces autres choses.
Vous parlez du cas d'un enfant de 3 ans et vous dites savoir qu'il y a quelque chose qui cloche dans sa vie. Mais vous savez aussi qu'une rupture conjugale a des répercussions profondes. Je trouve cela très troublant. Le témoignage que vous nous présentez ici ce soir m'inquiète énormément, et j'avoue que je ne suis pas très heureux de tout cela.
• 1920
Une dernière observation. La semaine dernière, des témoins du
nord de l'Ontario ont dit au comité... Nous avons entendu un
certain nombre de témoins qui ont été accusés d'agressions ou de
mauvais traitements. Il s'agissait en fait de pères non gardiens.
On nous a dit que les enquêtes ne duraient ni 24 heures ni
21 jours, mais de longues périodes. Elles pouvaient durer jusqu'à
8, 10 ou 12 moins, sans qu'au bout du compte on ne prouve ou
corrobore quoi que ce soit.
Dans l'intervalle, vous suggérez fortement à ces personnes de ne pas exercer leur droit de visite. Vous avez aussi une arme juridique, si je puis m'exprimer ainsi, en ce sens que vous pouvez demander au tribunal une abrogation du droit de visite. Dans les cas où l'on exige une visite sous surveillance, c'est-à-dire dans le cas où l'enfant doit aller chez ses grands-parents, ces derniers sont tenus de signer une déclaration—c'est ce que nous ont dit les représentants d'une autre société d'aide à l'enfance de la province—selon laquelle ils estiment que les allégations sont fondées.
Agissez-vous ainsi, exigez-vous une telle signature?
Mme Heidi Polowin: Non. Je ne pense pas que nous fassions cela. Nous demandons aux personnes chargées de la surveillance d'assurer la protection des enfants au cours de la visite. C'est tout.
M. Roger Gallaway: J'aimerais avoir votre avis. Supposons qu'il s'agisse du père et des grands-parents paternels. Auriez-vous des réserves?
Mme Heidi Polowin: Je ne peux parler de façon générale. Tout dépend du cas.
Je tiens à préciser que ce n'est pas dans tous les cas que nous demandons aux parents ayant droit de visite de ne pas exercer ce droit.
M. Roger Gallaway: Pouvez-vous me donner certaines statistiques là-dessus?
Mme Heidi Polowin: Non, je ne peux pas.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Vous avez largement dépassé votre temps de parole.
Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous avez dit que vous n'accueillez pas uniquement des enfants. Votre centre sert également de halte-garderie. Vous étalez les heures. Supposons le cas d'une mère qui amène son enfant le matin, le père peut le reprendre plus tard. Y a-t-il des cas comme celui-là?
Mme Sally Bleeker: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien. Quel pourcentage cela représente-t-il et quel pourcentage des enfants doivent rester là avec leurs parents? Dites-moi quel est le pourcentage approximatif, si vous le savez.
Mme Sally Bleeker: Notre programme est peut-être une exception car il s'agit d'un nombre relativement limité. Nous avons mis l'accent sur la surveillance intégrale de la visite. Mais il y a certainement de nombreux centres en Ontario où le ratio pourrait être de trois à un.
Est-ce réaliste, Judy?
Mme Judy Newman: Oui. Cela varie d'une région à l'autre.
Le sénateur Duncan Jessiman: Par conséquent, s'il y en a trois qui restent ou trois qui...
Mme Sally Bleeker: Les trois familles en question se servent du centre comme un lieu d'échange.
Le sénateur Duncan Jessiman: D'accord.
Mme Sally Bleeker: Il peut y avoir trois cas de ce genre pour un seul cas sous surveillance intégrale.
Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien.
Y a-t-il des cas ou des ordonnances qui vous accordent un pouvoir discrétionnaire au sujet de la garde de l'enfant? Auriez- vous le pouvoir de dire qu'après une troisième visite, puisque tout s'est bien passé, le parent visiteur peut sortir avec l'enfant pendant une heure ou deux? Avez-vous une marge de manoeuvre?
Mme Sally Bleeker: Il ne nous appartient pas de modifier les ordonnances du tribunal.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je le sais, mais n'y a-t-il pas des ordonnances qui sont libellés en ce sens?
Mme Sally Bleeker: Non. Nous n'offrons pas un service d'évaluation. On peut se référer à nos notes pour demander un changement dans l'ordonnance.
Le sénateur Duncan Jessiman: D'accord. Vous avez dit que pour chaque visite, vous établissiez un rapport écrit.
Mme Sally Bleeker: C'est exact.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'imagine qu'à cause de cela on vous assigne souvent à comparaître. Vous devez aller souvent devant les tribunaux.
Mme Sally Bleeker: Idéalement, ce sont nos dossiers qui sont soumis au tribunal et nous pouvons consacrer notre temps précieux aux enfants.
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci.
L'hon. Sheila Finestone: J'aimerais avoir un renseignement. J'aimerais savoir si vos dossiers sont accessibles.
Mme Sally Bleeker: Absolument.
L'hon. Sheila Finestone: Qu'en est-il de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
Mme Judy Newman: Les parents sont tenus de signer une formule autorisant la divulgation d'information. Cela permet au centre de fournir les dossiers ou les rapports au tribunal, aux avocats, aux évaluateurs et à toute autre personne autorisée. L'information n'est communiquée qu'aux personnes spécifiquement autorisées par les deux parties.
L'hon. Sheila Finestone: Je vous remercie beaucoup.
La coprésidente (sénatrice Landon Pearson): Allez-y, sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que cela se fait avant leur arrivée ou est-ce qu'on reçoit cela sur demande uniquement?
Mme Judy Newman: Cela se fait dans le cadre du processus d'inscription à nos centres. Évidemment, je ne peux présumer de ce qui se passe dans le secteur privé.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je comprends.
Monsieur Westwick, je ne sais pas si vous avez ce renseignement ou non, mais avez-vous une idée du pourcentage du travail que consacre la police aux conflits familiaux? Et quel pourcentage de temps est consacré aux cas de garde et de visite?
M. Vincent Westwick: Je ne saurais vous le dire.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous n'avez pas ce renseignement. Très bien.
Savez-vous si des agents de police reçoivent une formation en affaires familiales? On dit maintenant que les avocats auraient dû recevoir davantage de formation, et nous sommes d'accord là-dessus, et que les juges devraient recevoir une formation plus poussée. Qu'en est-il de la police?
M. Vincent Westwick: Je devrais probablement connaître la réponse à cette question. Les agents de police reçoivent de plus en plus de formation dans des domaines spécialisés, habituellement à la suite d'incidents qui se sont produits. Chose certaine, on a donné une formation générale sur les ordonnances des tribunaux, par exemple les injonctions. Nous avons invité des avocats et des juges, notamment, à venir leur adresser la parole sur ces questions.
Le sénateur Duncan Jessiman: S'adressent-ils à tous les policiers ou bien à un certain nombre d'entre eux que vous avez choisis pour faire partie d'un groupe chargé de s'occuper des questions familiales?
M. Vincent Westwick: Eh bien, c'est une question quelque peu controversée en ce qui a trait à la formation policière.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'avais oublié le syndicat.
M. Vincent Westwick: Non, non, ce n'est pas une question syndicale. Dans l'ensemble, les gens qui s'occupent des situations du genre de celles dont je parlais, les problèmes d'accès au domicile, sont des agents patrouilleurs. Ce sont des agents en uniforme qui conduisent des voitures de patrouille et qui sont envoyés à une adresse à la suite d'un appel à la police. Ce sont des patrouilleurs non spécialisés.
Nous avons pensé que nous devrions essayer de donner une formation à tous. La difficulté est qu'il y a beaucoup d'agents et qu'ils ne sont pas tous appelés à répondre à ce genre d'appel. Nous examinons donc la possibilité d'une formation plus ciblée. Nous sommes en train d'examiner la question actuellement.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je n'ai pas d'autres questions.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Bon, merci beaucoup.
La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, PC): Je veux seulement remercier les témoins d'avoir comparu devant le comité. C'est toujours bien d'avoir un point de vue différent sur ce qui se passe.
Nous avons beaucoup entendu parler de médiation, de plans parentaux et de programmes de formation, mais voici une question que je voudrais poser à M. Westwick. Prenons les cas à risques élevés. Des gens nous ont dit que lorsque quelqu'un est accusé d'actes de violence—d'avoir battu sa femme ou maltraité un enfant—les accusations peuvent être fondées ou non. Mais si elles ne sont pas fondées, comment peut-on accélérer le processus pour éviter que la personne en cause se voit refuser l'accès à ses enfants et soit obligée de s'adresser aux tribunaux pour faire suspendre l'ordonnance? Ensuite, peut-être un an plus tard, n'ayant pas vu cet enfant depuis un an, la personne doit commencer le processus qu'on vient de nous décrire... C'est-à-dire qu'il faut maintenant essayer de rétablir les relations entre le parent et l'enfant. Comment accélérer le processus pour éviter qu'une personne se retrouve dans cette situation?
M. Vincent Westwick: Je ne sais trop comment répondre à cette question, sinon en vous donnant la réponse évidente, c'est-à-dire qu'il faut des ressources. À peu près tous les services publics imaginables subissent des contraintes budgétaires. Vous n'aurez qu'à écrire le journal la semaine prochaine, quand notre budget sera étudié par le conseil régional. Vous savez, nous vivons des temps très difficiles. La Société de l'aide à l'enfance d'Ottawa- Carleton subit elle aussi des pressions financières extrêmes. C'est facile de dire qu'il faudrait demander aux gens de travailler davantage... Il y a des problèmes de ressources très épineux.
La sénatrice Mabel DeWare: Nous avons constaté que le plus triste, c'est quand les allégations sont non fondées. Maintenant, si c'est vrai, alors il faut absolument punir le perpétrateur.
M. Vincent Westwick: Oui.
La sénatrice Mabel DeWare: Par contre, si c'est faux, voici tout à coup que tout le reste de la famille est mis en cause. Les parents, les amis et les collègues se demandent si l'accusation peut être fondée. Si l'accusation est portée au mois de novembre, l'accusé peut être obligé d'attendre jusqu'en mai pour se faire entendre devant les tribunaux. Dans l'intervalle, voyez combien la famille a souffert.
M. Vincent Westwick: Je pourrais peut-être y répondre de deux façons. M. Parent m'a fait remarquer que cela aiderait peut-être d'injecter plus d'argent dans le programme de visite surveillée. Et je ne dis pour cela pour défendre mes intérêts, parce que c'est une mesure provisoire. Cela permet aux visites de se poursuivre pendant la période transitoire dont vous parlez.
La sénatrice Mabel DeWare: Je comprends.
M. Vincent Westwick: Ma deuxième observation est que vous devriez vraiment vous entretenir avec beaucoup de travailleurs de première ligne. Je suis sûr que vous l'avez déjà fait et il y en a d'ailleurs ici présent.
• 1930
D'après mon expérience, les travailleurs de première ligne,
surtout dans le domaine de la police, sont des gens très dévoués.
Ils sont vraiment préoccupés par tout cela et ils sont vivement
conscients de la possibilité que des accusations soient fausses.
C'est un problème auquel ils sont très sensibilisés. Et grâce à ce
grand professionnalisme, je pense que le tableau n'est pas aussi
sombre que vous le dépeignez, quoique je ne doute qu'il faut
demeurer vigilant car j'ai moi-même entendu des histoires d'horreur
à ce sujet.
Je ne veux donner l'impression de vous faire un sermon, mais vous devez vraiment avoir des entretiens avec des gens qui travaillent concrètement à faire enquête sur des cas de ce genre. Ce sont des gens très dévoués qui font un travail très difficile.
La sénatrice Mabel DeWare: C'est probablement un aspect de notre problème, je veux dire le fait qu'il soit très difficile d'entendre les deux parties en pareil cas. Si l'on entend les arguments d'une partie et que l'on n'a pas accès à l'autre, il est très difficile de se prononcer.
M. Vincent Westwick: Je vous encourage—j'ai déjà fait cette suggestion à des comités et ils ne l'ont pas suivie, mais je sais que votre comité est très réceptif aux nouvelles idées—à vous rendre au Tribunal de la famille et à vous asseoir dans la salle 25 ou 26 pour suivre la procédure et voir comment se déroulent ces affaires. Vous entendrez des propos qui vous mettront en colère, mais je pense que certains éléments vous deviendront plus compréhensibles.
Il nous arrive à tous de ressentir de la frustration à cause du système. Ceux d'entre nous qui travaillent dans ce système peuvent devenir très frustrés. Mais cela permet aussi de mieux comprendre pourquoi ce genre de situation se produit et il arrive parfois que la situation ne soit pas aussi révoltante qu'elle peut sembler l'être à première vue, quand on l'examine en rétrospective.
La sénatrice Mabel Deware: Je suppose que les résultats ne correspondent pas toujours à ce que nous attendons ou voulons.
Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lowther.
M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, madame la présidente.
Je remercie M. Westwick de nous avoir injecté une petite dose de réalité relativement aux ordonnances des tribunaux auxquelles la police est confrontée. Les agents ont toute ma sympathie; j'ignore comment ils peuvent faire ce travail. Je n'ose pas imaginer ce qu'ils font après le travail.
Je n'ai pas de question précise à lui poser. Ma question s'adresse à la Société d'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton; je voudrais quelques précisions.
Je ne connais pas très bien la Société d'aide à l'enfance. Pouvez me dire comment vous êtes financé, qui vous finance et de qui vous relevez?
Mme Heidi Polowin: Notre existence est légiférée. Auparavant, nous étions financés à 20 p. 100 par la municipalité régionale et à 80 p. 100 par le ministère des Services sociaux. Je crois que nous sommes maintenant entièrement financés par le ministère des Services sociaux.
M. Eric Lowther: Est-ce le cas de toutes les sociétés d'aide à l'enfance?
Mme Heidi Polowin: Toutes les sociétés d'aide à l'enfance de l'Ontario sont entièrement financées par le ministère des Services sociaux.
M. Eric Lowther: Vous relevez donc de cette organisation et, en passant par elle, du ministre?
Mme Heidi Polowin: Oui.
M. Eric Lowther: Merci.
J'ai remarqué que dans le mémoire de la Société de l'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton, à la deuxième page, au paragraphe e), vous recommandez que l'on apporte une modification en vue de permettre au tribunal de prendre des sanctions à l'égard de toute personne qui outrepasse ou enfreint une condition imposée par le tribunal.
Mme Heidi Polowin: Oui.
M. Eric Lowther: Cela ne semble pas concorder tout à fait avec les propos échangés tout à l'heure avec M. Gallaway, vous savez, quand on a dit qu'il fallait faire des recherches et faire enquête sur toutes les accusations, etc. Pouvez-vous nous expliquer quelle est exactement votre position?
Mme Heidi Polowin: Malheureusement, je n'ai pas sous les yeux le document que vous citez. Je me demande si quelqu'un pourrait me le passer.
M. Eric Lowther: Bien sûr.
Mme Heidi Polowin: Le directeur exécutif, M. Gill, a remis ces documents au comité mais je n'en ai pas eu copie. Cela faisait partie d'une trousse qui a été remise au jury du coroner dans l'affaire Kassonde et qui comprenait les recommandations formulées par la Société de l'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton.
L'une des préoccupations des gens qui travaillent dans le domaine de la protection de l'enfance est que, malheureusement, nos juges sont eux-mêmes le produit d'une loi. Ces tribunaux n'ont pas de compétence inhérente. Ils n'ont pas les mêmes pouvoirs que les autres tribunaux, de sorte qu'à moins qu'un pouvoir soit spécifiquement mentionné dans la loi, ils ne l'ont pas.
• 1935
Nos juges ont le pouvoir de rendre des ordonnances, par
exemple pour permettre à un parent d'avoir accès aux enfants, ou
encore pour que les parents suivent des traitements ou encore
qu'ils collaborent avec la SAE et qu'ils envoient leurs enfants à
des programmes de stimulation précoce, mais les juges n'ont pas de
pouvoir permettant de faire respecter ces ordonnances. Il n'existe
aucune disposition pour garantir leur exécution.
M. Eric Lowther: Ils n'ont pas le pouvoir de condamner quelqu'un pour outrage au tribunal.
Mme Heidi Polowin: C'est exactement cela. Nous demandons que l'on modifie la loi de manière à donner aux juges des pouvoirs de ce genre.
M. Eric Lowther: Dois-je comprendre, par conséquent, que si quelqu'un outrepasse ou enfreint une ordonnance de droit de visite, vous seriez en faveur d'une intervention quelconque du tribunal, d'une condamnation pour outrage avec tout ce qui en découle?
Mme Heidi Polowin: Oui, nous sommes en faveur de cela, et je vais vous expliquer pourquoi. Je vais vous donner l'exemple d'un père qui est disparu avec deux enfants sans que la mère puisse les rejoindre. La Société de l'aide à l'enfance a été mise en cause parce que nous avons reçu des plaintes émanant de la collectivité à propos de cet homme. Nous avons donc mis en branle une procédure de protection et avons demandé une ordonnance de supervision.
Quand nous faisons cela, nous devons tenter de trouver le parent biologique, la mère. Nous avons donc publié des annonces et l'avons trouvée. Elle n'avait pas vu ses enfants depuis près d'un an parce qu'il les avait amenés avec lui quand il était disparu.
L'hon. Sheila Finestone: Avez-vous fait appel à la GRC?
Mme Heidi Polowin: Non. Il avait la garde des enfants et elle n'avait pu leur rendre visite depuis plus d'un an. La mère était représentée par un avocat et ce dernier a présenté une requête pour lui permettre d'avoir accès à ses enfants. À chaque fois que la mère essayait d'exercer son droit de visite, le père disait que les enfants étaient malades, ou bien il était parti. À maintes et maintes reprises, la mère n'a pu exercer son droit de visite.
Nous sommes retournés voir le juge de la cour provinciale, mais il ne pouvait rien y faire.
M. Eric Lowther: Je vois. Je me reporte donc à ce que M. Gallaway disait au sujet des demandes répétées.
Quelqu'un vient de dire qu'il a un problème, puis il revient constamment. Votre réaction est de dire qu'il faut traiter chaque cas comme étant potentiellement légitime, au cas où il le serait. Mais je ne vous ai pas entendu dire: ma foi, c'est bien possible que quelqu'un abuse de nos services. En fait, vous avez bel et bien admis qu'il arrive que les gens profitent de vous.
En pareil cas, ce que vous dites au paragraphe e), c'est que la Société de l'aide à l'enfance d'Ottawa-Carleton serait en faveur d'une ordonnance pour outrage au tribunal qui servirait d'instrument pour résoudre la situation?
Le sénateur Duncan Jessiman: Et confier la garde à l'autre parent.
La sénatrice Anne Cools: Dans cette affaire.
M. Eric Lowther: Laissez de côté le changement de garde et réglons d'abord la question de l'ordonnance pour outrage au tribunal.
Mme Heidi Polowin: Deux scénarios différents sont possibles. Il y a d'abord la possibilité d'une enquête. J'ai décrit dans mon exposé comment nous procédons pour faire enquête.
Dans la situation particulière que vous décrivez maintenant, compte tenu de la recommandation que nous avons faite au jury du coroner dans l'affaire Kassonde... Nous avons fait cette recommandation parce que la Société de l'aide à l'enfance estimait que les enfants avaient besoin de protection et s'était adressée aux tribunaux pour l'obtenir. Une fois l'enquête terminée, nous estimons, en nous fondant sur les définitions qui se trouvent dans la loi, que nous avons des motifs valables de nous adresser au tribunal pour demander une ordonnance si nous estimons que les enfants ont besoin de protection. Nous ne nous adressons pas aux tribunaux avant d'avoir atteint cette conclusion.
M. Eric Lowther: Je vois.
Mme Heidi Polowin: C'est donc quand nous décidons de nous adresser aux tribunaux que nos juges se trouvent avoir les mains liées, parce que leurs ordonnances ne servent à rien si elles ne sont pas respectées et que l'on ne peut pas les faire respecter. Les requêtes présentées par la SAE aux tribunaux ne peuvent pas déboucher sur des procédures pour outrage au tribunal. Nos juges de la Cour provinciale n'ont pas compétence pour rendre des ordonnances pour outrage au tribunal.
M. Eric Lowther: La mise en application de ces ordonnances est donc quasiment une plaisanterie.
Mme Heidi Polowin: C'est très difficile.
Lise Parent représente des parents et des enfants et je pense qu'elle pourrait vous en dire un mot et renseigner le comité là-dessus.
Mme Lise Parent (bénévole, Programme de supervision des visites d'Ottawa, ministère du Procureur général de l'Ontario): Eh bien, j'ose vous faire remarquer que le comité semble confondre légèrement le domaine de la protection de l'enfant et celui de la garde et du droit de visite; il existe deux lois séparées et distinctes qui traitent de ces questions.
Si j'ai bien compris, Mme Polowin dit au comité que la Loi sur la protection de l'enfance ne confère absolument aucun pouvoir aux juges pour ce qui est de rendre des ordonnances pour outrage au tribunal. Il existe toutefois des recours dans la législation familiale, si je peux utiliser ce terme, qui permettent d'examiner la possibilité d'outrage et c'est de cela que vous parlez.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je crois que c'est la même chose.
Mme Lise Parent: En effet. Je précise bien que je parle seulement de notre province, où il existe deux niveaux distincts de juges. L'exposé portait sur le tribunal unifié de la famille et il existe en fait un pouvoir. Un jour donné, un juge peut entendre une affaire aux termes de la Loi sur la protection de l'enfance, et le même jour, dans l'après-midi, il peut entendre une affaire différente aux termes de la Loi sur la garde et l'accès.
M. Eric Lowther: Je viens de penser à une bonne question. Ont-ils le droit de rendre des injonctions?
Mme Lise Parent: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là. Possèdent-ils la compétence inhérente leur permettant de rendre des injonctions? C'est bien ce que vous demandez?
L'hon. Sheila Finestone: Prenons le cas d'une allégation d'agression sexuelle ou d'un autre délit. Pouvez-vous obtenir une injonction interdisant au parent qui a la garde de l'enfant ou à l'autre parent, selon le cas, d'avoir accès à cet enfant jusqu'à ce que vous ayez pu terminer votre enquête? Voilà ce que nous voulons dire par injonction. Pouvez-vous les empêcher de se voir? Ne pouvez-vous pas appeler la police et leur dire que ces deux-là ne peuvent pas se voir?
Mme Heidi Polowin: Comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsque nous croyons qu'une visite serait risquée pour un enfant, lorsque nous faisons enquête, nous demandons au parent...
L'hon. Sheila Finestone: Vous demandez au parent. Pouvez-vous interdire au parent?
Mme Heidi Polowin: Nous demandons au parent qui a le droit de visite de ne pas rendre visite à l'enfant pendant que nous faisons enquête.
L'hon. Sheila Finestone: Je ne vous demande pas si vous leur demandez. M. Lowther ne vous a pas demandé si vous pouvez leur demander. A-t-on le pouvoir de prendre une injonction pour leur interdire?
Mme Heidi Polowin: Nous pouvons nous adresser au tribunal pour obtenir une ordonnance de supervision restreignant l'accès si nous estimons avoir des motifs valables.
Mme Lise Parent: Par ailleurs, le parent à l'encontre duquel on réclame une injonction peut aussi contester la requête. Il peut, comme n'importe qui d'autre, s'adresser au tribunal et dire «je conteste cette mesure».
L'hon. Sheila Finestone: C'est votre question, pas la mienne, mais lorsque ce sera mon tour, je reviendrai là-dessus.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Lowther, vous pouvez poser une question. Ce sera ensuite le tour de la sénatrice Pépin.
M. Eric Lowther: Je vous remercie, madame la présidente.
Puis-je poser une toute dernière question aux représentants de la Société d'aide à l'enfance? Quand êtes-vous satisfaits de votre journée? Vous semblez faire du travail très dur, presque du travail de policier. Vous arrive-t-il de rentrer chez vous le soir et d'être satisfaits de votre journée et de vous dire que ça valait la peine?
Mme Shauna Lloyd: Cela arrive tout le temps. À titre de surveillante des cas, je suis satisfaite de ma journée lorsque l'on ne m'adresse pas d'enfants qui ont été maltraités.
M. Eric Lowther: Pour vous, cela signifie que tout va bien.
Mme Shauna Lloyd: Absolument.
M. Michael Pranschke: Je serais aussi satisfait de ma journée si celui ou celle qu'on accuse d'avoir maltraité un enfant l'admettait volontairement. C'était une mauvaise journée la journée où j'ai appris qu'on avait découvert 13 fractures sur un bébé de six mois. On a fait enquête sur le père et sur la mère, et je n'occupais plus le même poste lorsque l'enquête s'est terminée. Un an et demi plus tard, on ne sait toujours pas qui a blessé l'enfant. Le père et la mère de cet enfant en ont perdu la garde et ils ont aussi perdu la garde de l'enfant qu'ils ont eu après lui. Les deux enfants ont été par la suite adoptés. Cette enquête s'est bien terminée un an et demi plus tard.
M. Eric Lowther: Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie.
Sénatrice Pépin.
La sénatrice Lucie Pépin: Revenons à la question des mauvais traitements. Certains des témoins que nous avons entendus soutiennent que le parent qui, à plusieurs reprises, fait de fausses allégations est lui-même coupable de maltraiter son enfant. Qu'en pensez-vous?
Mme Shauna Lloyd: Nous avons parlé plus tôt de cette question. Nous sommes maintenant plus conscients des conséquences que de fausses allégations peuvent avoir pour les enfants et nous considérons maintenant que le fait de soumettre des enfants à des entrevues répétées et de discuter souvent avec eux peut leur causer un tort psychologique. Nous le savons maintenant.
La sénatrice Lucie Pépin: Au sujet du programme de droit de visite surveillée, vous avez soulevé le problème des grands- parents. Les grands-parents s'adressent-ils à vous pour de l'aide? Un certain nombre de grands-parents nous ont dit ne pas pouvoir voir leurs petits-enfants. Quelle place leur réservez-vous au sein de votre programme?
Mme Judy Newman: Les grands-parents, comme tous ceux qui demandent à un tribunal de leur accorder des droits de visite à un enfant, peuvent se voir accorder par une ordonnance un droit de visite surveillée dans un centre de droit de visite surveillée.
La sénatrice Lucie Pépin: Dans ce cas, les grands-parents participeraient-ils à votre programme?
Mme Judy Newman: Sally, voulez-vous répondre à cette question? Connaissez-vous des cas de ce genre? J'ai d'autres exemples à fournir.
Mme Sally Bleeker: Nous n'avons pas encore eu à nous occuper d'un cas où des grands-parents avaient obtenu une ordonnance juridique leur accordant des droits de visite, mais il arrive souvent qu'un parent se présente à notre service accompagné de ses parents. Dans ces cas-là, le parent qui a la garde des enfants accepte que la famille étendue voie les enfants pourvu que ce soit dans un endroit sécurisant et neutre.
Dans ces cas-là, nous avons constaté que le fait pour l'enfant d'avoir accès à sa famille étendue lui est très bénéfique. On nous demande souvent de permettre à une tante, à un oncle ou à un grand- parent d'être présent lorsque la visite a lieu autour de l'anniversaire de l'enfant ou de Noël. Nous essayons de notre mieux pour répondre à ces demandes, mais nous devons respecter les souhaits du parent qui a la garde de l'enfant. Notre centre permet ce genre de rapprochement parce que c'est un milieu neutre et sécurisant pour l'enfant.
Il arrive assez souvent que la famille étendue participe aux visites.
La sénatrice Lucie Pépin: Je vous remercie beaucoup.
Mme Judy Newman: Dans d'autres cas, cependant, le parent qui a la garde des enfants a décidé que ses parents ou les parents de l'ex-conjoint ne pouvaient pas voir l'enfant pour diverses raisons, mais le tribunal a décidé qu'il convenait de maintenir la relation préexistante entre l'enfant et les grands-parents. Le tribunal a, dans ces cas, ordonné que la visite ait lieu dans un centre de visite surveillée où la visite peut se dérouler sans qu'il y ait de conflit entre le parent qui a la garde de l'enfant et les grands- parents.
La sénatrice Lucie Pépin: Je vous remercie beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Finestone.
L'hon. Sheila Finestone: Je vous remercie beaucoup. Très honnêtement, je ne sais pas où je dois commencer. Je vais commencer par poser une question à M. Westwick.
Je crois effectivement que certains cas sont à vous arracher le coeur. Il ne fait aucun doute que le policier qui doit aller chez les gens pour protéger un enfant—et vous avez absolument raison de dire que ces cas sont trop nombreux—se trouve dans une situation très précaire.
Compte tenu du type de personne qu'on recrute dans les forces policières et de la diversité culturelle des forces policières d'aujourd'hui, quelle type de formation assure-t-on aux policiers pour les amener à comprendre la situation à laquelle ils font face compte tenu des différents milieux dont proviennent les gens avec lesquels ils ont à traiter? Avez-vous déployé des efforts en ce sens? Est-il nécessaire que ce genre de formation soit dispensé dans les collèges de formation de la police—c'est une recommandation que nous pourrions faire—ainsi qu'au chef de police... La table ronde sur les agents de police?
M. Vincent Westwick: Oui, je pense qu'on peut toujours dispenser plus de formation.
L'hon. Sheila Finestone: La formation est-elle obligatoire? Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais que vous répondiez brièvement à mes questions.
M. Vincent Westwick: Je suis avocat. Je ne réponds jamais brièvement aux questions.
L'hon. Sheila Finestone: Oui je comprends. Ma famille compte beaucoup d'avocats et je sais que pour les avocats le blanc et le noir n'existent pas; tout est gris.
Allez-y.
M. Vincent Westwick: Le mot «obligatoire» est intéressant. Cela fait partie de leur travail. La formation est dispensée aux aspirants policiers au collège de formation de la police. Ils doivent suivre ce cours dans le cadre de leurs études. Cette formation n'est sans doute pas la même dans toute la province et dans tous le pays.
Une formation est cependant dispensée dans la force policière d'Ottawa-Carleton. Elle fait partie de la formation régulière...
L'hon. Sheila Finestone: Excusez-moi de vous interrompre, mais vous laissez entendre que le genre de dilemme qui se posait dans l'affaire dont vous nous avez parlée et qui touchait la police régionale... Il faudrait qu'on comprenne les conséquences d'une ordonnance signée par le juge plutôt que par le
[Français]
greffier de la cour
[Traduction]
qui y a mis son nom.
M. Vincent Westwick: Oui.
L'hon. Sheila Finestone: La question suivante découle de ce qu'a dit Mme Polowin.
Quand on ne sait pas trop que faire et qu'on s'inquiète pour le bien-être d'un enfant, si je comprends bien... Je viens du Québec. J'ai déjà dirigé un service de protection de la jeunesse. Si je comprends bien, il existe en Ontario une loi d'aide à l'enfance. Si un agent de police craint que l'animosité qui existe entre deux adultes ou que l'angoisse qu'ils ressentent compromettent le bien-être d'un enfant, cet agent de police considère que son client est l'enfant. Le client des services d'aide à l'enfance est aussi l'enfant.
Offrez-vous un service d'urgence 24 heures sur 24? Peut-on appeler à ce numéro et signaler à quelqu'un le fait qu'un enfant est en danger?
Une voix: Oui.
L'hon. Sheila Finestone: Quelqu'un qui craint pour la sécurité d'un enfant peut-il vous appeler et vous demander d'intervenir en incarcérant l'un ou l'autre des parents jusqu'à ce que les esprits se calment. Est-ce possible?
M. Vincent Westwick: Oui, cela peut se faire et cela se fait.
La sénatrice Anne Cools: Ah oui.
L'hon. Sheila Finestone: Bien. C'était la nature de la question que certains de mes collègues essaient de poser, je pense, et je suis heureuse que vous ayez pu y répondre.
La sénatrice Anne Cools: Mais...
M. Vincent Westwick: Je dirais que...
L'hon. Sheila Finestone: Vous ne vous appelez pas Vincent.
La sénatrice Anne Cools: Non, mais...
[Note de la rédaction: Inaudible]
L'hon. Sheila Finestone: Je faisais un peu d'humour à cette heure tardive. Cela ne vous offusque pas?
La sénatrice Anne Cools: Nous avons passé toute la journée en réunion. Nous commençons à être un peu agressifs.
M. Vincent Westwick: Je dirais que ce n'est pas le premier choix. Ce n'est pas simplement parce que l'agent estime que la situation est difficile...
L'hon. Sheila Finestone: Non, je n'ai pas dit que c'était le premier choix.
M. Vincent Westwick: Cela ne serait pas la première chose qu'il ferait. Mais à Ottawa-Carleton, il y a en effet d'excellents rapports entre la Société de l'aide à l'enfance et la police, les deux groupes travaillent en très étroite collaboration.
L'hon. Sheila Finestone: Bien, je vais passer à mon autre exemple, d'un cas où il y a eu de nombreuses allégations, qui ont été consignées dans votre rapport, madame Polowin. J'ai constaté que vous coupiez les cheveux en quatre. Ce sont des statistiques très effrayantes—qu'on voit à la télévision, je vous le rappelle au cas où vous ne sauriez pas que la séance est télévisée. Toutes vos paroles ont été entendues par le public et l'une des raisons pour lesquelles j'ai posé une question au sujet de la protection des renseignements personnels, c'est que lorsqu'on a rendu publics des renseignements, il est difficile de les reprendre.
Vous venez de rendre publiques des statistiques et des conclusions, et vous avez ensuite atténué leur impact en parlant d'allégations par opposition à des preuves, par exemple. Ensuite vous nous avez dit que vous avez 21 jours pour agir. Michael a cependant dit, je crois, que vous pouvez agir dans un délai de 24 heures.
Mme Heidi Polowin: En effet.
L'hon. Sheila Finestone: Supposons qu'il y a un policier sur le pas de la porte, qu'une dispute est en cours et qu'il y a là un enfant qui bien sûr est effrayé et bouleversé. Selon la nature de l'agression ou de l'intervention, le cas sera confié à l'un de vos préposés et il faudra 21 jours avant la première intervention dans une telle situation difficile?
Mme Heidi Polowin: Non.
L'hon. Sheila Finestone: Eh bien, c'est ce que vous avez dit. Je tiens à ce que vous apportiez des précisions, car je suis persuadée que vous êtes dans l'erreur.
Mme Shauna Lloyd: Le ministère nous donne 21 jours pour terminer une enquête. Notre intervention est fondée sur les risques auxquels l'enfant est exposé. Si le risque est immédiat, nous intervenons immédiatement, quel que soit le moment de la journée.
L'hon. Sheila Finestone: Bien. Il y a donc différents degrés d'intervention, suivant la nature de l'appel et l'endroit d'où il provient.
Mme Shauna Lloyd: C'est exact.
L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup.
Vous dites que les juges n'ont pas les pouvoirs nécessaires et qu'il faut donc modifier le rôle des juges, ainsi que la façon dont la Loi sur les juges est rédigée, en ce qui concerne les juges des tribunaux de la famille. Est-ce l'un des autres points dont vous allez parler?
Mme Heidi Polowin: Les juges dont la compétence concerne les services à l'enfance et à la famille n'ont pas de pouvoir de sanction pour outrage au tribunal.
L'hon. Sheila Finestone: S'agit-il des juges de tribunaux de la famille?
Mme Heidi Polowin: Ce sont les juges de la famille pour la Cour provinciale qui, lorsqu'il s'agit de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille, ont des pouvoirs limités. Ils n'ont pas de pouvoir de sanction pour outrage au tribunal.
L'hon. Sheila Finestone: Vous nous recommandez donc de leur accorder un pouvoir de sanction pour outrage au tribunal, ou de réviser la loi pertinente afin de leur donner le pouvoir de sanction pour outrage au tribunal.
Mme Heidi Polowin: C'est la recommandation que la Société a faite au juge du coroner, qui l'a acceptée, et je crois qu'elle est incluse dans les recommandations de ce jury.
L'hon. Sheila Finestone: Par conséquent, si nous incluons dans notre rapport une recommandation pour qu'une telle mesure s'applique aux juges fédéraux, provinciaux et territoriaux, cela contribuerait à résoudre ce que vous croyez et savez être un problème.
Mme Heidi Polowin: Oui.
L'hon. Sheila Finestone: Merci,
Joan et Sally, pourquoi êtes-vous là? Je ne vous ai pas encore entendue. Joan, que faites-vous ici? Qui représentez-vous?
Mme Joan Gullen (présidente honoraire, Programme de visite surveillée d'Ottawa, ministère du Procureur général de l'Ontario): Je travaille depuis 25 ans au Centre de service familial d'Ottawa- Carleton et je suis l'une des membres fondateurs du programme de visite surveillée.
L'hon. Sheila Finestone: J'aimerais alors vous demander en ce qui a trait au programme de visite surveillée—qui est une merveilleuse idée, là où le besoin existe—si les visites surveillées sont toujours le résultat d'une décision d'un tribunal ou si elles résultent parfois d'une décision de vos travailleurs sociaux?
Mme Joan Gullen: La décision peut être prise par les parents, par un travailleur social ou par un tribunal.
Dans la majorité des cas, il s'agit d'une décision d'un tribunal, n'est-ce pas?
Mme Judy Newman: J'aimerais vous signaler que les centres de visite surveillée dont nous parlons ne s'occupent que des dossiers de garde et de visite. Ils ne s'occupent pas des familles dont les enfants sont placés sous la tutelle de la Société de l'aide à l'enfance. Nous relevons de deux lois différentes. Nous sommes assujettis à l'article 34 de la Loi portant réforme du droit de l'enfance qui autorise au juge à ordonner la surveillance des visites par une personne ou un tiers sous réserve du consentement des parents. La Société de l'aide à l'enfance prévoit la surveillance des enfants placés sous ses soins en vertu de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille.
L'hon. Sheila Finestone: Merci.
J'aimerais revenir à cette demande que vous avez reçue...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Ce sera votre dernière question.
L'hon. Sheila Finestone: D'accord.
Monsieur Westwick, vous dites avoir reçu de l'Alberta une demande de surveillance d'un enfant qui devait faire une correspondance à l'aéroport. Comment faites-vous pour vérifier la situation de l'enfant? S'en va-t-il rejoindre un parent qui a la garde ou est-il en visite chez un parent? L'enfant est-il en fugue? Qu'en savez-vous? J'essaie de me faire une idée de la nature des problèmes qui existent dans les relations interprovinciales ainsi qu'entre les municipalités, les provinces et les agents fédéraux. La table ronde sur la violence et autres problèmes connexes organisée par les chefs de police du Canada pourrait-elle formuler la recommandation que nous pourrions reprendre dans notre rapport final? Si vous pouviez nous faire une telle recommandation, dans l'optique des agents de police sur le terrain qui sont responsables du service, cela nous serait très utile.
M. Vincent Westwick: Je ne connais pas les détails de cette ordonnance. C'est un exemple qu'on m'a fait parvenir.
L'hon. Sheila Finestone: Eh bien, donnez-moi quelques exemples du genre de problèmes auxquels vous vous heurtez.
M. Vincent Westwick: Comme le disait plus tôt M. Oliver, il y a énormément de confusion dans l'esprit des services policiers lorsqu'il s'agit d'ordonnances interprovinciales ou d'ordonnances qui font intervenir différents tribunaux. On peut obtenir une ordonnance d'un tribunal provincial en Ontario ou d'une cour supérieure au Québec, ou vice-versa, et c'est difficile de s'y retrouver. C'est un problème qui ne date pas d'hier.
L'hon. Sheila Finestone: Enfin, avez-vous déjà envisagé de demander à vos agents d'écrire au ministre de la Justice ou au procureur général pour décrire les difficultés que vous pose le jargon? Nous avons tous des problèmes de jargon et des difficultés avec des versions écourtées ou étoffées avec des mots dont nous ne connaissons pas le sens. Avez-vous déjà envisagé d'envoyer une liste de changements linguistiques qui vous permettraient de vous y retrouver plus facilement?
M. Vincent Westwick: Nous avons certainement soulevé cette question déjà dans Ottawa-Carleton. Les magistrats et les procureurs se sont montrés très coopératifs.
L'hon. Sheila Finestone: Auriez-vous un document écrit que vous pourriez nous remettre afin que nous puissions formuler des recommandations de changements linguistiques? Autrement dit, les mots dont vous avez parlé—l'intimé, le plaignant et ainsi de suite—souhaitez-vous des définitions plus claires?
M. Vincent Westwick: Je n'ai pas un tel document, non.
L'hon. Sheila Finestone: Je sais. Je parlais des problèmes que vous nous avez signalés.
Ce serait très utile que vous nous proposiez des changements linguistiques, si vous pouviez nous préparer un document clair; en trois ou quatre paragraphes, aux pages 1, 2, 4, 10, 12, ou peu importe—non, la page 12 donne une interprétation de la page 13, sauf erreur.
Merci.
M. Vincent Westwick: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, vous voulez un éclaircissement.
La sénatrice Anne Cools: Merci, madame la présidente, et j'aimerais remercier nos témoins.
Quand je suis arrivée, j'ai cru déceler une certaine confusion chez certains témoins et puis j'ai entendu un témoin dire que c'était les membres du comité qui étaient confus. J'aimerais tenter de dissiper cette confusion que j'ai décelée.
Il y a la Loi sur le divorce, laquelle est fédérale. Il y a la Loi portant réforme du droit de l'enfance, laquelle est une loi provinciale, et puis nous avons la Loi sur le bien-être de l'enfance qui a été renommée et qui s'appelle maintenant la Loi sur les services à l'enfant et à la famille.
Chers collègues, je pense que cette confusion résulte en partie du fait qu'on a renommé de nombreuses lois au fil des ans pour suivre la mode ou pour adopter des formulations plus concises. L'ancienne Infants Act a été renommée et l'ancienne Loi sur la protection de l'enfance est devenue la Loi sur les services à l'enfant et à la famille.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Allez-vous préparer un graphique, puisque vous savez tout cela?
La sénatrice Anne Cools: Eh bien, c'est difficile de s'y retrouver.
Plus tôt j'ai essayé d'obtenir un exemplaire de la Loi sur les services à l'enfant et à la famille.
Quoi qu'il en soit, je crois comprendre que la Loi sur les services à l'enfant et à la famille attribue les pouvoirs en matière de protection de l'enfance, surtout aux sociétés d'aide à l'enfance. Cette loi attribue d'énormes pouvoirs à la Société de l'aide à l'enfance qui peut, de façon limitée, enlever les enfants à leurs parents, les placer dans une famille d'accueil ou sous tutelle. C'est très compliqué.
Quand le témoin précédent a parlé du pouvoir des juges en matière d'outrage au tribunal, je crois qu'il songeait à la Loi sur la protection de l'enfance. Nous pourrions peut-être dissiper la confusion si les témoins pouvaient nous dire comment la Loi sur les services à l'enfant et à la famille définit un enfant ayant besoin de protection, car il me semble...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est déjà versé au compte rendu.
La sénatrice Anne Cools: Vous dites que c'est déjà versé au compte rendu. Si vous pouviez vous y reporter, vous verriez que la définition d'un enfant ayant besoin de protection n'inclut pas un enfant qui fait l'objet d'un conflit en matière de garde d'enfant ni d'un conflit relatif aux droits de visite lors d'un divorce. C'est comme si ces cas d'abus et de mauvais traitements n'existaient pas. De nombreux témoins nous ont dit que le refus du droit de visite devrait constituer un cas d'enfant maltraité—la «violence envers les enfants» désigne autre chose; l'ancienne expression est «enfant maltraité»—, qu'on pourrait parler d'enfant maltraité lorsque ce dernier est privé du droit de voir un parent.
Si nous pouvions le dire très clairement... Vous l'avez peut- être déjà dit, mais j'aimerais que vous précisiez très, très clairement que la définition de «enfant ayant besoin de protection» ne tient pas compte d'un grand nombre des problèmes dont les témoins nous ont parlé. Autrement dit, la loi est restée figée au XIXe siècle.
Mme Heidi Polowin: Vous avez raison de dire que la Loi sur les services à l'enfant et à la famille ne mentionne pas les conflits de garde parmi les motifs de protection. Toutefois, je crois que dans un cas où l'enfant subit des maux affectifs—et je vous renverrais à l'alinéa 37(2)f)—, vous constaterez que la loi en contient une définition. Si vous le voulez, je peux vous la lire.
La sénatrice Anne Cools: Certainement.
Mme Heidi Polowin: Voici ce qu'on lit à cet article:
L'article suivant décrit les conséquences que peuvent entraîner ces maux affectifs.
La sénatrice Anne Cools: Vous prouvez ce que j'avance.
Mme Heidi Polowin: Vous avez tout à fait raison. On ne précise pas...
La sénatrice Anne Cools: Précisément. Ces articles—que je n'ai pas lus depuis quelques années—portent sur ce qu'on appelait autrefois les mauvais traitements infligés aux enfants ou la négligence. Autrement dit, la loi de l'aide à l'enfance, qui porte peut-être un autre nom selon les provinces, n'a pas permis de régler les problèmes dont nous discutons au sujet de la garde des enfants et de l'accès aux enfants en cas de divorce. Je voulais simplement le préciser.
L'un des recherchistes pourrait peut-être étudier ces lois provinciales pour établir clairement quelles en sont les lacunes.
Je comprends exactement ce que vous voulez dire.
Mme Heidi Polowin: Je sais qu'il n'en est pas question dans notre loi et je ne connais pas de loi provinciale où il en est question.
La sénatrice Anne Cools: Il n'en existe pas?
Mme Lise Parent: Ce qui est aussi intéressant de constater, sénatrice, au sujet de cette loi telle qu'elle se présente actuellement, est qu'il faut que les maux affectifs se traduisent par des maux physiques.
La sénatrice Anne Cools: Je sais.
Mme Lise Parent: Il est très difficile de prouver devant un tribunal qu'un enfant souffre de maux affectifs. Pour que le tribunal puisse intervenir, il faut qu'il y ait des signes physiques de ces maux. Le comité devrait peut-être se pencher sur cette question.
On soutiendra évidemment que le risque, c'est qu'on invoque ce genre de disposition dans n'importe quel cas et qu'il faut que les tribunaux puissent se reporter à des preuves concrètes pour établir si un enfant a besoin d'être protégé.
Je crois que le comité pourrait donc faire des recommandations de cette nature.
La sénatrice Anne Cools: Absolument. J'ai participé à certaines enquêtes du coroner et j'ai lu soigneusement les recommandations qui sont faites dans ces rapports. Il faut veiller à ce que les lois d'aide à l'enfance de chaque province correspondent à la réalité.
Mme Heidi Polowin: L'Association des sociétés d'aide à l'enfance de l'Ontario a présenté au ministère un mémoire dans lequel elle propose des changements à la loi.
La sénatrice Anne Cools: Pendant que nous parlons de la loi d'aide à l'enfance, j'aimerais poser une autre petite question.
On a beaucoup parlé du meilleur intérêt de l'enfant. Nous avons entendu hier des représentants de l'Association du Barreau canadien. On insiste maintenant beaucoup sur les droits des enfants.
Je n'ai pas lu depuis quelques années la loi d'aide à l'enfance de l'Ontario, mais je crois qu'elle comporte une disposition qui exempte les avocats, en vertu de la confidentialité qui doit entourer la relation avocat-client, de dénoncer les cas de mauvais traitements infligés aux enfants. Ai-je raison?
L'hon. Sheila Finestone: Cette disposition ne figure pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants.
La sénatrice Anne Cools: Non, il s'agit d'une loi d'aide à l'enfance.
Un tel article existe-t-il? Comme je l'ai dit, je n'ai pas lu la loi depuis longtemps.
Mme Heidi Polowin: Un avocat n'a pas à divulguer quoi que ce soit qui se rapporte à la relation avocat-client...
La sénatrice Anne Cools: Je comprends.
Mme Heidi Polowin: ...si l'avocat représente le client.
La sénatrice Anne Cools: Vous pourriez formuler cela autrement. Si un avocat représente un client qui maltraite un enfant et qu'il le sait, il n'a pas à le dénoncer. J'attendais une occasion...
L'hon. Sheila Finestone: Est-ce que les médecins sont aussi exemptés de le faire?
La sénatrice Anne Cools: Non, les médecins sont tenus de le signaler.
L'hon. Sheila Finestone: Les médecins sont donc tenus de dénoncer les mauvais traitements, mais pas les avocats.
Mme Heidi Polowin: Seuls les avocats qui représentent un client ne sont pas tenus de dénoncer les mauvais traitements. De façon générale, les avocats comme tous citoyens doivent dénoncer les mauvais traitements infligés aux enfants.
La sénatrice Anne Cools: Il s'agit d'une question très délicate. Je dois me renseigner davantage là-dessus. J'ai l'impression que cette disposition n'existe dans les lois provinciales que depuis peu. Ce sont les avocats qui l'ont réclamée. J'attendais une occasion de poser la question.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie.
Avez-vous autre chose à ajouter?
M. Roger Gallaway: J'invoque le Règlement.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui.
M. Roger Gallaway: Madame la présidente, j'ai posé un certain nombre de questions. Je les ai écrites. Il s'agit de cinq questions auxquelles on n'a pas répondu. Avant que les témoins de la Société d'aide à l'enfance ne partent, j'aimerais que nous convenions d'une date à laquelle ils pourront revenir pour répondre à mes questions.
M. Eric Lowther: Leur fournirez-vous ces questions?
M. Roger Gallaway: Elles figureront au compte rendu, mais je peux le leur fournir.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Il faudrait que j'obtienne l'accord du comité.
M. Roger Gallaway: Très bien.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous n'avons pas le quorum, mais nous pouvons en discuter. Nous ne sommes pas 12.
M. Roger Gallaway: Pouvez-vous voir à quelle date les témoins pourront revenir?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Il suffit qu'il y ait accord pour qu'on le fasse. Il ne s'agit pas d'une motion.
La sénatrice Anne Cools: Non, il ne s'agit pas d'une motion.
M. Roger Gallaway: Il n'est pas nécessaire que nous adoptions une motion. Il suffit que le comité soit d'accord.
La sénatrice Anne Cools: Oui.
M. Roger Gallaway: Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup. Nous reprendrons nos travaux lundi à 15 h 30. La séance est levée.