TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 30 avril 1998
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): J'aimerais ouvrir la séance.
Au nom des membres du comité, à l'occasion de cette 21e réunion, je déclare que nous sommes heureux de tenir aujourd'hui à Regina une audience du Comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes qui est chargé d'examiner les questions de garde et de droit de visite dans le contexte de la Loi sur le divorce.
Nous avons deux ou trois points à l'ordre du jour ce matin.
Nous sommes très heureux d'accueillir M. Dick Proctor, député, qui se joint à nous. Je vous souhaite la bienvenue, Dick.
J'aimerais demander à mes collègues du comité d'autoriser la CBC à filmer une partie des délibérations ce matin. Est-ce que j'ai votre consentement?
Des voix: D'accord.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Il est déjà 9 h 30 et je prie notre premier témoin de s'avancer. Nous accueillons le représentant de la National Shared Parenting Association, M. Leonard Andrychuk.
Bonjour, et soyez le bienvenu.
M. Leonard D. Andrychuk (National Shared Parenting Association): Bonjour.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Andrychuk, vous avez peut-être déjà assisté à une audience du comité mais je vais quand même vous rappeler notre façon de procéder: nous demandons aux témoins de présenter leur exposé, de préférence en cinq minutes, puis nous passons à la période de questions.
Je dois ajouter—et j'ai omis de le dire précédemment—à l'intention du public qu'il s'agit de délibérations du Parlement du Canada et du Sénat du Canada. Il ne s'agit pas d'une assemblée locale. Par conséquent, nous demandons aux membres de l'auditoire de s'abstenir de commenter ou d'applaudir les interventions et de ne pas réagir à ce que disent les témoins. Vous pouvez être d'accord avec les témoins ou pas, mais vous ne devez pas le manifester. Nous ne pouvons le permettre.
Je vous en prie, monsieur Andrychuk, allez-y.
M. Leonard Andrychuk: Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je sais que vous avez déjà entendu d'autres membres de la NSPA, la National Shared Parenting Association, qui vous ont expliqué que son mandat consiste à fournir aux parents des solutions de partage des responsabilités parentales après un divorce. Je ne vais pas m'étendre sur cet aspect, à moins que vous n'ayez des questions. Nous espérons aujourd'hui éclairer d'un jour nouveau certaines des questions abordées par les témoins jusqu'à maintenant.
Personne ne songe à contester l'importance d'une relation saine et valable avec les deux parents après un divorce quand il s'agit du bien-être affectif et de l'estime de soi des enfants. Nous savons que la mère et le père ont tous deux des rôles très importants à jouer pour élever, socialiser et éduquer les enfants et que, par conséquent, ils doivent continuer d'assumer ces rôles dans toute la mesure du possible après le divorce. Nous savons tout cela, c'est un fait acquis.
La chose est à ce point reconnue que l'article 9 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant exige des États membres, et donc du Canada, qu'ils veillent à ce que les enfants puissent entretenir des relations personnelles et directes avec leurs deux parents de façon régulière.
Ce qu'il nous faut maintenant, et le travail qui incombe au comité, à mon avis, c'est de trouver un mécanisme de soutien pour faciliter le maintien des rapports avec les deux parents après le divorce. Le système actuel, qui distingue garde et droit de visite, ne favorise pas du tout cet objectif et, de fait, comme vous l'avez entendu, il encourage exactement le contraire dans bien des cas.
Quelque chose ne va pas puisque le récent rapport de Statistique Canada intitulé Grandir au Canada révélait un fort taux de criminalité et un mauvais rendement scolaire—des indicateurs clés des problèmes affectifs et du manque d'estime de soi chez les jeunes—parmi les enfants du divorce. En soi, cela démontre que quelque chose ne va pas dans le système actuel.
Alors pourquoi, maintenant que les rapports entre les enfants et leurs pères ont tellement évolué, nous retrouvons-nous dans une situation où, dans la majorité des cas, les enfants ont très peu de contacts avec leurs pères après un divorce?
Vous avez entendu des témoignages au sujet des effets néfastes du système accusatoire, des concepts juridiques de garde et de droit de visite, de l'aliénation parentale, du déni du droit de visite et, en particulier, de l'absence de toute représentation véritable des enfants. Le Canada contrevient ainsi directement aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 12 de la Convention de l'ONU. Vous avez aussi entendu des commentaires au sujet du déséquilibre du système actuel, qui décourage le règlement négocié dans l'intérêt des enfants. Je ne vais pas m'étendre plus longuement sur ces questions spécifiques. J'y reviendrai si vous avez des questions.
Si j'essaie de définir le principal obstacle à l'entretien d'une relation suivie après un divorce, je ne peux que conclure que le plus grave obstacle est l'application de l'hypothèse relative au principal fournisseur de soins.
Parce que la discrimination peut être fort subtile, notre société n'a pas encore reconnu que les stéréotypes sexuels et la discrimination systémique sont reflétés dans les ententes traditionnelles de garde et de droit de visite, en particulier lorsqu'on pose l'hypothèse du principal fournisseur de soins.
Nous avons établi, il y a quelques temps déjà, que le rôle traditionnel de la femme dans un mariage—et la Cour suprême du Canada l'a reconnu—causait aux femmes un préjudice économique pendant le mariage et après le divorce. Nous avons pris acte et apporté de nombreux changements à la Loi pour régler cette question. Mais nous ne semblons pas avoir encore admis que le stéréotype du rôle masculin dans un mariage entraîne un préjudice après un divorce en raison de l'hypothèse posée par le tribunal. Bref, dans le cas des pères, l'État, plutôt que de tenter de corriger un préjudice, en impose un.
• 1140
L'argument généralement présenté pour justifier cette hypothèse est
qu'elle assure une continuité dans la vie des enfants. Si vous y
réfléchissez bien, le tribunal a sacrifié la continuité de la
relation essentielle des enfants avec un parent au bénéfice de la
continuité des rapports avec la personne qui prépare les repas et
entretient les vêtements. Je ne veux certes pas déprécier ces
activités, et je ne vais pas tenter de comparer leur valeur avec
celle du rôle de pourvoyeur. Je demande toutefois quelles études
prouvent que c'est là le choix opportun. Une augmentation de la
quantité de soins concrets dispensés par un parent après un divorce
et une réduction des contacts avec l'autre parent constituent un
changement matériel. Est-ce que ce changement est beaucoup plus
perturbant que l'interruption presque totale d'un rapport émotif
avec un des parents?
Nous appliquons cette hypothèse depuis des années, et le rapport de Statistique Canada ainsi que d'autres études qui montrent le préjudice causé aux enfants par le divorce prouvent que nous nous sommes trompés.
La toute première recommandation de la NSPA est donc d'abolir cette hypothèse ainsi que les notions de garde et de droit de visite. Il convient de les remplacer, et vous avez déjà entendu cet argument, par la présomption législative du droit de l'enfant à être élevé par deux parents—et nous parlons du droit de l'enfant. C'est un droit antérieur au divorce qui demeure après le divorce et qui englobe le droit à des ententes de partage de responsabilités parentales aussi équitables que possible, tant pour ce qui est de la quantité de temps passé avec chacun que de la prise de décisions. Cette présomption établit des règles du jeu équitables, ne donne aucun avantage indu à une partie dans le cadre de procédures ultérieures et favorise la discussion dans l'intérêt de l'enfant.
J'aimerais aussi m'arrêter un instant à la question des allégations de mauvais traitements. Je pense que souvent, quand on soulève devant le comité le problème de la violence familiale, on s'écarte un peu du sujet et cela a peut-être l'effet déplorable de punir l'ensemble pour les fautes de quelques-uns. En outre, si nous devons parler de violence, il faut aussi se demander pourquoi nous ne parlons pas de la personne qui maltraite les enfants. Il existe des statistiques à ce sujet. Si la violence est un aspect pertinent des travaux du comité, alors les statistiques les plus pertinentes en matière de violence sont celles qui traitent des auteurs des mauvais traitements faits aux enfants. Vous avez peut-être déjà entendu des témoignages à ce sujet, et je ne vais pas poursuivre sur cette voie car les statistiques révèlent que, dans le meilleur des cas, la violence est à peu équitablement attribuable aux deux sexes.
Je pense que tout cela est pertinent dans une large mesure—mais pas entièrement—, mais nous distrait de la recherche de solutions qui s'appliquent à la majorité des cas.
Les fausses allégations, à notre avis, constituent une stratégie peu risquée qui a de fortes chances de succès contre les hommes. Le fond du problème, c'est que les tribunaux de la famille n'utilisent pas de norme de preuve crédible. On applique la théorie de la boue sur le mur. Si on en lance une quantité suffisante, il en restera bien un peu.
Au bout du compte, vous espérez semer le doute dans l'esprit du juge, afin que même si les allégations ne sont pas retenues le juge craigne que certaines soient fondées et que, par conséquent, sa décision ne fasse du tort aux enfants. Autrement dit, une simple allégation, un simple soupçon, suffit devant un tribunal de la famille. Il est en général impossible de déterminer qui dit vrai, parce qu'il n'y a pas de norme de preuve.
Par contre, si l'on croit que l'allégation est fausse, des accusations sont déposées. La norme de la preuve appliquée est celle du droit pénal, une preuve au-delà de tout doute raisonnable. Il est aussi difficile de prouver des allégations de violence sans preuve corroborante que de prouver que ces allégations sont non fondées, en particulier lorsque la norme de preuve est si stricte. C'est donc une stratégie peu risquée.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pardonnez-moi de vous interrompre. Est-ce que vous avez presque terminé?
M. Leonard Andrychuk: J'ai presque terminé.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, car nous avons déjà un peu de retard.
M. Leonard Andrychuk: Je suis désolé.
Ceux qui contestent la gravité du problème des fausses allégations devraient prendre connaissance de l'arrêt prononcé en 1996 par la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, dans lequel le juge Wedge, un juge du tribunal de la famille, affirme que les fausses allégations de violence sexuelle sont l'arme la plus utilisée dans les conflits relatifs à la garde.
Il s'agit donc d'un problème très concret auquel il faut faire face, et nous voulons présenter une solution qui, au premier abord, pourrait paraître radicale. Je ne pense pas que nous ayons songé aux structures et aux systèmes en place pour régler les situations de violence. Les services sociaux ont le pouvoir de prononcer des ordonnances préventives; nous avons un système pénal. Nous proposons d'exclure totalement les questions de violence des tribunaux de la famille, afin que les tribunaux n'interviennent que lorsqu'il y a preuve d'une condamnation ou preuve d'une mesure prise par les services sociaux. Si les gens croient qu'il existe un problème dans ces autres systèmes, les tribunaux du système pénal, les services policiers ou les services sociaux, réglons-les. Réglons-les dans ces systèmes. Mais excluons tout cet aspect du domaine des tribunaux de la famille.
Alors sur les plans structural et procédural, c'est là l'une de nos suggestions.
• 1145
Finalement, je veux faire valoir que si nous agissons ainsi la
partie qui présente de fausses allégations devra se tourner vers
les autorités compétentes et, à moins d'une condamnation, ces
allégations ne pourront pas influer sur l'entente de partage des
responsabilités parentales.
J'ai épuisé le temps qui m'était alloué. J'aurais d'autres recommandations à présenter, au sujet desquelles vous voudriez peut-être me poser des questions, mais c'est là l'essentiel de ce que je voulais exposer aux membres du comité.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup. Les membres du comité sont bien calmes. Tôt le matin, ils ne sont pas encore réchauffés.
Je crois que le sénateur Jessiman est prêt à commencer.
Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): Très bien, je vais commencer. Pouvez-vous nous dire quelles sont ces autres recommandations? Nous allons les consigner dans le procès-verbal.
M. Leonard Andrychuk: C'est d'abord et avant tout l'abolition en vertu de la loi des concepts de garde et de droit de visite et l'application du concept et de la présomption de partage des responsabilités parentales.
Deuxièmement, nous recommandons la participation concrète des enfants—et c'est une question épineuse—à toutes les étapes du processus, comme l'exige la Charte de l'ONU. Vous entendrez les mêmes arguments de la part des défenseurs des droits de l'enfant, cet après-midi.
Troisièmement, nous recommandons une disposition selon laquelle si les parties ne présentent pas, dans les délais prescrits, un projet d'entente de partage des responsabilités parentales, elles seront tenues de prendre certaines mesures, notamment et en premier lieu participer à un programme d'éducation postdivorce obligatoire—et vous avez entendu parler de tels programmes.
Nous pensons qu'il serait utile que chaque parent assiste à au moins une séance de counselling, peut-être d'une durée de deux heures, en tête-à-tête avec le conseiller, pour discuter de l'exercice efficace des responsabilités parentales après un divorce. En outre, dans les cas où la violence est réelle, cela permettrait à une personne qui s'inquiète des risques de violence de soulever la question en toute confidentialité et d'alerter très tôt les autorités compétentes, comme je l'ai indiqué précédemment.
Nous devrions aussi envisager l'intervention précoce d'un travailleur social adéquatement formé et objectif, qui collaborerait avec les parties de façon relativement officieuse pour tenter d'en arriver à une entente et, en cas d'échec, pour produire un rapport bien documenté sur un régime adapté de garde et de droit de visite. Si rien de cela ne permet d'en arriver à une entente, la médiation devrait être obligatoire. Nous réfutons l'argument que vous ne pouvez pas imposer la médiation. Nous croyons qu'un médiateur efficace peut briser la glace dans bien des cas, et nous serions certainement en faveur de ce mécanisme qui permet d'en arriver à une entente.
Je pense en outre qu'il serait utile d'éduquer les juges et les avocats, pour qu'ils soient un peu plus sensibles aux deux côtés du conflit.
Je suis moi-même avocat de formation. Il me semble que l'un des problèmes, dans ce domaine, vient de ce que les avocats qui interviennent dans une affaire familiale ont appris à livrer bataille. Ils ont été formés pour gagner. C'est leur boulot, tout comme les tribunaux. Les tribunaux savent que l'on peut prendre quelqu'un en défaut, et si vous leur demandez de trouver une faille dans l'armure, ils le font sans hésiter parce que c'est ce qu'ils connaissent. Si vous y réfléchissez bien, le problème des avocats est qu'ils ont une obligation d'ordre éthique à l'égard du tribunal, de leur client, des autres avocats et de tous les intervenants à l'exception de l'enfant concerné. C'est le problème fondamental.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup, je vous souhaite la bienvenue à notre séance d'aujourd'hui.
Je vois à la page 13 de votre résumé des recommandations que vous dites «Médiation obligatoire, accompagnée de sanctions en cas de refus délibéré de collaborer à la médiation».
C'est une recommandation fort intéressante. En règle générale, les professionnels de la médiation n'aiment pas beaucoup créer d'obligations et, selon de nombreux témoignages que nous avons entendus, lorsqu'il y a la moindre possibilité de violence, ou pour toute autre raison, la médiation obligatoire doit être écartée. C'est un peu comme si la violence était une poignée du sable que vous pouvez jeter dans l'engrenage et éviter ainsi de devoir participer à l'élaboration d'un règlement raisonnable, en particulier s'il s'agit d'une forme de médiation. S'il suffit d'affirmer qu'il y a eu violence pour que la médiation soit totalement écartée, la violence est un peu comme une carte d'atout. C'est ce que disent certains des témoins que nous avons entendus.
En outre, selon les médiateurs de profession, les connaissances dans ce domaine indiquent certainement que vous devez établir un équilibre quelconque des pouvoirs, que les médiateurs eux-mêmes doivent être des professionnels pour reconnaître et contrôler les déséquilibres, que la médiation, pour porter fruit, doit reposer sur une certaine bonne volonté en vertu de laquelle les intéressés souhaitent au moins parvenir à une solution relativement équitable. Est-ce que vous avez examiné ce genre de préoccupations lorsque vous avez réfléchi à la question de la médiation obligatoire?
M. Leonard Andrychuk: Nous avons évidemment beaucoup réfléchi à ces préoccupations. Il s'agit indéniablement de questions difficiles.
À mon avis, en premier lieu, si ce que nous suggérons dans la première partie du processus, l'éducation et le counselling, est efficace dans un grand nombre de cas, vous encouragerez la coopération d'un plus grand nombre de personnes, ce qui pourrait vaincre les peurs et donner un essor à la médiation.
Dans la recommandation au sujet des sanctions, je ne voulais pas vraiment dire que le médiateur imposerait des sanctions. Je ne suis pas encore convaincu de l'opportunité d'une telle mesure. Le médiateur pourrait cependant produire un rapport, comme les médiateurs du monde du travail le font parfois, pour dire jusqu'où les parties se sont rendues et quels étaient les points litigieux, ce qui aiderait tout autre comité ou décideur à poursuivre le processus.
Je n'ai pas encore trouvé moi-même la façon d'aborder la question des allégations de mauvais traitements à cette étape, là encore parce qu'il est si difficile de distinguer le vrai du faux.
M. Paul Forseth: Je me demande si, aux points deux et trois, vous ne confondez pas quelque peu la question du processus de médiation avec certains des témoignages que nous avons entendus au sujet du counselling obligatoire qui, effectivement, constitue pratiquement un module d'éducation et qui pourrait se résumer pour les parties à l'obligation de produire un certificat quelconque prouvant qu'elles ont suivi un cours de sensibilisation—écouté une série de conférences, regardé deux ou trois vidéos et participé à quelques discussions au sujet des conséquences de ce qu'elles font, en particulier pour les enfants.
Dans certaines compétences, on exige ce certificat avant d'autoriser toute procédure judiciaire. Il faut prouver que vous avez au moins suivi cette formation et que vous possédez des connaissances de base à cet égard.
Les témoignages que nous avons entendus indiquent que le simple fait de satisfaire à cette exigence, même si on se soucie peu du contenu, le simple fait de participer à un autre processus est en soi thérapeutique et utile et permet de modifier sensiblement les attitudes par la suite. Ce type de processus d'éducation, de sensibilisation, appelez-le comme vous le voulez, se distingue de la médiation proprement dite.
M. Leonard Andrychuk: En effet, il s'agit de deux mécanismes différents, et c'est pourquoi je pense que la première étape doit consister en un programme d'éducation qui, à notre avis, s'il est adéquatement structuré et suffisamment approfondi, peut modifier les perceptions de bien des gens au sujet du comportement à adopter après une séparation.
Dans mon esprit, les deux sont donc liés. La première étape consisterait en une séance d'information et de counselling, puis il y aurait médiation. Je reconnais que la médiation est un processus distinct.
M. Paul Forseth: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup.
Bonjour, monsieur Andrychuk. J'ai trois questions très différentes à vous poser.
Premièrement, est-ce que vous pouvez nous situer un peu la National Shared Parenting Association? Par exemple, quelle est l'envergure de l'organisme, et à quel moment a-t-il été créé?
Vous avez mentionné la nécessité de sensibiliser les avocats et les juges au processus. Vous avez indiqué que vous étiez avocat, mais pas un spécialiste du divorce, d'après ce que je vois. Ma question est la suivante: Est-ce que des organisations comme l'Association du barreau canadien ou d'autres organismes juridiques oeuvrent dans ce domaine, et sinon est-ce que leur présence ne serait pas utile?
En outre, je remarque, dans la recommandation numéro quatre je crois, que vous utilisez l'expression «travailleurs sociaux objectifs». Évidemment, «objectifs» est un terme que j'aimerais que vous nous précisiez un peu, si vous le voulez bien.
M. Leonard Andrychuk: La National Shared Parenting Association a vu le jour lorsque quelques personnes, à Regina et à Toronto, se sont rendu compte qu'il existait plusieurs groupes de parents n'ayant pas la garde, aussi bien des hommes que des femmes, dans l'ensemble du pays—que ces gens étaient nombreux, comme vous le savez sans doute maintenant—, mais qu'il n'y avait aucun organisme de coordination auquel ils pouvaient tous être affiliés, rien sur la scène nationale.
Une conférence d'organisation a eu lieu en mai 1997 à Toronto, et nous avons tenu d'autres conférences depuis. Vous en avez entendu parler. Le résultat de cette activité a été la constitution en société au palier fédéral, en novembre ou en décembre 1997.
Nous sommes en train de constituer en société la section de la Saskatchewan. Nous ne savons pas combien de membres nous comptons, mais la liste téléphonique pour Regina, en petits caractères, fait 14 pouces de longueur. La NSPA elle-même... Évidemment, on pourrait s'attendre à ce qu'il y ait des milliers de membres dans tous les grands centres, mais l'organisme en est encore à ses tout débuts.
• 1155
Pour ce qui est des avocats et du droit de la famille, j'ai
parlé de ces problèmes au secrétaire du barreau de la Saskatchewan,
et je crois que le Barreau du Haut-Canada, en Ontario, se penche
actuellement sur la question de l'image des avocats. Je crois que
tous concluent qu'en premier lieu, c'est dans le domaine du droit
de la famille que les avocats ont acquis une si mauvaise
réputation.
Si vous y réfléchissez bien, la plupart des personnes entrent en contact avec des avocats pour des questions personnelles—droit de la famille, droit pénal, des choses de ce genre—et la perception de la population est fonction de ce qui se passe dans ce domaine. Il me semble donc que l'on reconnaît maintenant le phénomène, et je vois—j'ai aussi prôné cet aspect—que c'est... Peut-être pas dans le cas du Barreau canadien, mais en ce qui concerne les barreaux provinciaux, je pense que nous allons envisager de mettre en oeuvre des règles déontologiques précises à l'intention des avocats qui exercent dans le domaine du droit de la famille, accompagnées de sanctions si les conseils au client ne tienne pas dûment compte des intérêts des enfants.
J'ai parlé d'éducation. Je pense que l'éducation des avocats, le fait de les sensibiliser à ces questions, certainement... Les avocats et les juges abordent le conflit avec leurs propres préjugés, en fonction de leurs antécédents dans bien des cas. L'éducation ne peut que contribuer à éliminer certains de ces préjugés.
Quant à la question de l'objectivité des travailleurs, je parle ici de l'impression de nombreux pères qui considèrent que les travailleurs sociaux abordent une affaire avec un préjugé anti-homme. Que cela soit vrai ou non—et je reconnais que ce n'est pas nécessairement vrai dans tous les cas—évidemment quand j'ai parlé de «travailleurs sociaux objectifs»... Les travailleurs sociaux devraient être objectifs.
M. Dick Proctor: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Une question supplémentaire de la part du sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'aimerais revenir à un point que vous avez soulevé au sujet des travailleurs sociaux. Parmi ceux que vous connaissez, est-ce qu'il y a des hommes?
M. Leonard Andrychuk: J'ai vu des rapports sur la garde et le droit de visite rédigés par des hommes.
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce qu'ils ont autant de préjugés que les femmes, est-ce que tous les travailleurs sociaux ont des préjugés? C'est cela que je veux savoir.
M. Leonard Andrychuk: J'ai vu quelques rapports plutôt étranges réalisés par des hommes. J'en ai vu un récemment, cette année, où le travailleur social signalait que les deux parents étaient aimants et compétents. Le père avait de bonnes relations avec les enfants, des contacts solides, c'était un bon père. J'ai vu deux rapports qui contenaient cette préface, et dans l'un d'entre eux, on recommandait d'accorder au père un droit de visite supervisée parce qu'il y avait eu des allégations de violence. C'est incroyable. Rien n'avait jamais été prouvé, et à mon avis les allégations étaient non fondées, mais il y avait eu des allégations, alors on recommandait que les visites soient supervisées—cela équivaut à une déclaration de culpabilité sans aucune preuve à l'appui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que l'auteur du rapport était un homme?
M. Leonard Andrychuk: C'était un travailleur social de sexe masculin.
Le sénateur Duncan Jessiman: Alors il est faux de dire que le problème vient de ce que les travailleurs sociaux sont des femmes; c'est simplement l'optique des travailleurs sociaux en général.
M. Leonard Andrychuk: Je crois que c'est en raison de leur formation universitaire. Je crois qu'il y a au programme de nombreux cours sur les questions féminines. Je ne pense pas que l'on accorde beaucoup d'attention au traitement que notre société réserve aux hommes.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Madeleine Dalphond-Guiral.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le président, je vais poser ma question en français.
[Français]
J'ai trois questions. La première est très certainement facile. Est-ce qu'il y a, en Saskatchewan, un programme de médiation qui existe, et quel est actuellement le pourcentage de divorces qui se règlent à l'extérieur de la cour?
Deuxièmement, j'aimerais avoir votre opinion sur la place que devraient ou pourraient occuper les enfants dans un processus de médiation obligatoire, puisqu'au bout du compte, il s'agit des enfants en premier lieu.
• 1200
Troisièmement, vous prétendez, et j'ai envie de dire
que vous avez raison, que la garde partagée devrait
être la norme. Cependant, il peut se présenter des
situations où cela ne peut pas être le cas. J'aimerais
que vous nous énumériez les paramètres sur lesquels la
cour devrait se baser pour prendre sa décision. Quel
barème pourrait être fixé? Vous avez la parole.
[Traduction]
M. Leonard Andrychuk: La Saskatchewan a instauré un programme de médiation judiciaire obligatoire. Toutefois, on n'y prévoit pas la médiation obligatoire, on prévoit que les parties doivent assister à une séance d'information sur la médiation. Qu'une médiation s'ensuive ou pas, cela dépend d'eux. Parce que je n'exerce pas dans le domaine du droit de la famille, je ne peux pas vous l'affirmer, mais je crois comprendre, d'après ce que m'ont dit des avocats du droit de la famille que, comme dans les autres domaines civils, très peu de personnes ont actuellement recours au système de médiation. Il s'agit d'un très petit nombre.
Pour ce qui est du pourcentage de divorces ainsi réglés, je pense que vous avez vu des statistiques, environ 10 p. 100 seulement des affaires sont entendues par un tribunal. Il vaut la peine de s'attarder un instant sur cet aspect. Vous ne devez pas oublier que les tribunaux établissent des précédents dont la société s'inspire. Si une personne examine la jurisprudence, son avocat lui affirme qu'elle a peu de chances d'obtenir plus que la norme. Cette personne doit prendre une décision: est-ce qu'elle utilise les avoirs et les ressources de la famille et, par conséquent, met en péril l'avenir des enfants pour livrer un combat très coûteux? Vous avez entendu parler de cette question. Est-ce qu'elle acceptera plutôt un règlement standard parce que son avocat lui affirme que la norme est sans doute ce que l'on va lui accorder en raison de la présomption relative au principal fournisseur de soins?
Alors ne vous laissez pas induire en erreur par des personnes qui affirment que très peu d'affaires sont présentées aux tribunaux. Dans de très nombreux cas, les personnes acceptent simplement un règlement standard parce qu'on leur dit qu'elles ne peuvent guère espérer mieux.
Deuxièmement, au sujet de la médiation obligatoire et de la place qui revient aux enfants, je pense que les enfants devraient être représentés d'une façon quelconque. La façon dont les enfants doivent être entendus et représentés est une question très difficile. Je ne sais pas si la présence d'avocats est appropriée. Je crains que non. Une représentation par un service d'avocat des enfants avec un mandat élargi, par exemple, pourrait peut-être mieux convenir. Je pense que les enfants devraient participer à la médiation. Ils devraient participer d'une façon quelconque à chaque étape du processus, quand la chose est possible. Je pense qu'il serait bon que les parents voient ceux pour qui ils continuent le dialogue pendant les discussions, parce qu'alors les concepts n'ont plus rien d'abstrait pour personne.
Quant à la troisième question, celle qui touche les paramètres du partage des responsabilités parentales, je pense que vous devriez tenir compte de la résidence, vérifier si l'un des parents vit ou est prêt à habiter dans le même district scolaire. On vous l'a dit, le partage des responsabilités parentales signifie parfois un partage égal du temps entre les parents. J'ai entendu parler de situations où l'enfant se déplace aux deux jours. À ceux qui soutiennent qu'un tel horaire est perturbant, les intéressés répondent qu'il donne de très bons résultats, parce que les deux parents habitent à proximité l'un de l'autre.
Chaque situation est différente, mais les paramètres qui devraient être envisagés seraient le lieu de résidence et le fait que les deux parents habitent ou non dans le même district scolaire. Cela devrait déterminer le partage du temps, parce que les amis se trouvent alors dans le même quartier. Je pense que cela serait sans doute une considération première, mais les choses peuvent varier dans chaque cas.
J'aimerais ajouter, au sujet de la prise de décisions, que je ne vois pas pourquoi les responsabilités liées aux décisions ne pourraient pas être partagées dans pratiquement tous les cas. Cela devrait constituer une disposition standard de tout plan de partage des responsabilités parentales mis en oeuvre par un tribunal ou une autre instance dans le contexte de la médiation ou de l'arbitrage des conflits au sujet de l'école que les enfants fréquentent, par exemple. Mais il faut laisser aux gens des recours très accessibles pour régler les problèmes qui surviennent et continuer à participer aux décisions.
Quoi que vous disiez du rôle du père pendant le mariage, je pense que ce rôle a énormément évolué. C'est ce qui s'est passé dans mon cas et c'est ce qui se passe dans la plupart des cas. Les décisions à prendre au sujet des enfants sont toujours des décisions communes. Ces questions sont discutées dans toutes les familles que je connais, à quelques exceptions près. Pourquoi est-ce que cela devrait changer après un divorce? Il ne s'agit après tout que d'une discussion de plus.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Je sais que la parole devrait maintenant revenir à madame la sénatrice Cools, mais le temps nous manque.
La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Très bien, je cède mon tour.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Je tiens à vous remercier, monsieur Andrychuk. Votre témoignage augure bien de la journée que nous allons passer ici.
M. Leonard Andrychuk: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous accueillons maintenant les représentants du Merchant Law Group, MM. Tony Merchant et Evatt Merchant.
Vous avez vu de quelle façon nous fonctionnons, alors, s'il vous plaît, commencez.
M. Evatt Merchant (Merchant Law Group): Merci, monsieur le président.
Nous nous présentons devant vous parce que nous avons rédigé un mémoire au sujet de la garde des enfants. Ce document a été publié dans le Family Law Quarterly au début de l'an dernier. Nous en avons fourni un exemplaire à votre conseiller.
Monsieur le président, l'autre M. Merchant a participé à plus de 300 cas qui ont fait l'objet de rapports et il a publié un certain nombre d'articles dans des revues du droit de la famille. Ensemble, nous avons entrepris une étude de l'inéquité en droit de la famille. Permettez-moi de vous exposer ce que nous avons constaté.
Nous avons commencé par examiner le système en nous demandant comment nous pourrions accroître la certitude dans le domaine du droit de la famille. À la fin, nous avons conclu que c'était effectivement l'incertitude qui donnait aux juges la latitude nécessaire pour prendre les décisions les plus équitables à l'endroit du plus grand nombre de personnes qui sont parties à un litige en droit de la famille au Canada. L'incertitude, malheureusement, est le mal nécessaire qui permet de rendre justice individuellement à chaque famille. À notre avis, cette justice individuelle est un peu la Toison d'Or.
Nous sommes d'avis, et je dirais même que la plupart des universitaires le sont aussi, que toute tentative de codification des questions de garde et de droit de visite est vouée à l'échec. L'expérience américaine en matière de garde partagée illustre bien cet échec. Au plus fort du mouvement, 34 États américains ont enchâssé dans la loi le principe de la garde partagée. Ce qui s'est passé—nous en discutons aux pages 45 et 46 de notre document—c'est que la présomption en faveur de la garde partagée a entravé l'efficacité des tribunaux américains, qui ont constaté que dans certains cas le principe était destructeur. Les assemblées législatives américaines ont cessé d'adopter le principe de la garde partagée à la suite de cette constatation.
Pour les députés et les sénateurs, il est souvent difficile de ne pas intervenir. Vous avez choisi la vie politique pour aider les gens. Il ne faut toutefois pas oublier que les gens qui viennent exposer leurs griefs ne sont pas toujours représentatifs de la grande majorité des familles qui s'adressent aux tribunaux canadiens.
Notre cabinet représente sans doute plus d'hommes que de femmes. Nous avons constaté que les hommes qui demandent la garde et qui ont activement participé à l'éducation des enfants par le passé obtiennent souvent cette garde. Les chercheurs américains semblent dire, comme nous l'indiquons à la page 68 de notre exposé, que les hommes qui réclament la garde...
La sénatrice Anne Cools: Un instant s'il vous plaît. Vous parlez de la page 68 de l'exposé, mais nous n'avons pas ce document en main.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Il n'a apporté qu'un exemplaire au comité.
La sénatrice Anne Cools: Très bien. Merci.
M. Evatt Merchant: Monsieur le président, j'ai quatre autres exemplaires que je peux distribuer aux participants.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Ils ne sont qu'en anglais. Qu'en pensez-vous, madame Dalphond-Guiral?
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vous avez mon consentement.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
[Traduction]
M. Evatt Merchant: Monsieur le président, les autorités américaines affirment que les hommes qui réclament la garde l'obtiennent souvent, si vous ne tenez compte que des affaires contestées. De fait, les hommes gagnent la plupart du temps. Alors lorsque l'on examine les statistiques sur la proportion de parents de sexe féminin qui ont la garde, on perd facilement ce chiffre de vue parce que la majorité des demandes de garde présentées aux tribunaux ne sont pas contestées et c'est la femme qui obtient normalement la garde. D'après notre expérience, les hommes peuvent être traités équitablement par les tribunaux du Canada s'ils sont défendus par des spécialistes du droit de la famille déterminés et compétents.
Monsieur le président, mon collègue et moi-même, membres du Barreau de la Saskatchewan, tenons à souligner l'importance du travail que vous et les membres du comité accomplissez. Je vais maintenant céder la parole à mon collègue.
M. Tony Merchant (Merchant Law Group): Pour vous aider à mieux comprendre notre exposé, je dois préciser que notre cabinet compte sept bureaux dans l'ensemble du Canada et traite d'un plus grand nombre d'affaires de droit de la famille que tout autre bureau d'avocats au Canada.
• 1210
Evatt Merchant a obtenu une maîtrise en droit de la famille de
l'université d'Ottawa. Moi-même, j'exerce auprès d'un certain
nombre de tribunaux au Canada et je suis membre en règle de six
barreaux, y compris le Barreau de l'Arizona. J'ai plaidé des causes
de droit de la famille devant la Cour suprême et devant diverses
cours d'appel de notre pays ainsi qu'à la Cour d'appel de l'Arizona
et en division de première instance en Arizona et dans un autre
État américain.
Contrairement à ce que d'autres vous ont sans doute affirmé, nous souhaitons un changement, mais non pas un changement radical. Nous nous opposons notamment à toute codification des questions de garde ou de droit de visite.
Le problème que présente la codification—et il se pose aussi en droit de la famille dans le cas des biens matrimoniaux—, c'est que vous enlevez aux juges le droit de rendre individuellement la justice et vous obtenez des décisions injustes dans un nombre étonnant de cas. Ceux d'entre nous qui comparaissent régulièrement devant les juges les considèrent comme des gens intelligents, des travailleurs infatigables qui prennent très au sérieux leurs responsabilités à l'égard des mères et pères d'environ la moitié des enfants du pays.
Le domaine de la garde et du droit de visite se prête particulièrement mal à toute forme de codification. Les différences idiosyncrasiques entre les parents et la façon dont elles s'appliquent aux enfants font qu'il est encore plus difficile d'essayer de codifier les éléments que cela ne l'a été pour les biens matrimoniaux. Prenons un exemple simple. Le système codifié semble donner des résultats satisfaisants dans le cas des pensions alimentaires pour enfants.
Nous connaissons déjà les facteurs à considérer en vertu de la loi provinciale—dans notre province, il s'agit du Children's Law Act—et en vertu de la loi fédérale, qui est la Loi sur le divorce. Mais le Parlement a jugé bon—et cela a donné d'assez bons résultats—d'accorder une grande latitude aux juges. À notre avis, vous devriez éliminer cette latitude seulement si vous en arrivez à l'opinion curieuse et quelque peu erronée que tous les parents et tous les enfants se ressemblent. Le nombre de variables est en effet infini.
Plus important encore, s'il était possible de déterminer ce que cela signifie, objectivement, que d'être un bon parent, ce qui compte n'est pas de savoir si un parent a des qualités objectives mais si, pour un enfant donné, subjectivement, ces qualités sont utiles.
Essentiellement, dans ce cas, nous disons qu'il ne faut pas trop réglementer. Il ne faut pas codifier. Il existe plusieurs suggestions implicites dans le document que vous allez lire, mais nous présentons un certain nombre de propositions spécifiques et nous aimerions vous en exposer quelques-unes.
M. Evatt Merchant: Nous avons neuf suggestions.
La première serait de ne pas créer de règle de présomption. Comme je l'ai dit, l'application de règles relatives au parent amical ou du principe de la garde partagée comporte des inconvénients.
Notre deuxième suggestion serait d'instaurer un système pour permettre un processus de règlement supervisé par un juge, qui commencerait dans les dix jours suivant une procédure intentée devant un tribunal de la famille. La Saskatchewan, de fait, ouvre la voie au pays pour ce qui est des processus de règlement supervisés par des juges, mais des améliorations sont encore possibles.
Cela m'amène à notre troisième suggestion, qui est la nomination rapide d'un juge responsable du cas, que l'on peut consulter de façon officieuse et sans délais, pour réduire les demandes coûteuses et irritantes qui sont présentées et pour atténuer les tensions entre les parties. À l'heure actuelle, l'Alberta utilise un tel système, mais le processus est toutefois plus lent. Il n'intervient pas dans les dix jours suivant la procédure mais demeure très efficace.
La quatrième question que nous aimerions aborder est celle du délai qui s'écoule entre le moment où une procédure est intentée et le moment où les parties au litige peuvent concrètement s'adresser à un juge. Souvent, une procédure judiciaire va traîner neuf, dix, voire 12 mois avant le procès, avant que les parties au litige ne se présentent devant le juge, et cela est inacceptable.
• 1215
Comme dans les suggestions qui précèdent, la possibilité de
communiquer avec un juge au début de la procédure—dans les deux
semaines suivant la séparation—permettrait sans doute de réduire
au minimum les conflits entre les parties et de créer un climat
propice au règlement de leurs différends sans recourir à une
interminable procédure judiciaire.
Cinquièmement, il faut accélérer le processus. En Colombie-Britannique et en Alberta, le processus est très long et très coûteux. Que ce soit par modification législative ou de concert avec les juges en chef, l'une des meilleures façons de parvenir à un résultat en droit de la famille serait d'accélérer le processus.
Sixièmement, nous proposons un changement très simple, peut-être un peu blessant pour les juges, mais qui pourrait s'avérer fort utile. Nous voulons parler des retards d'audience. Il y a un deuxième problème, les délais attribuables aux juges quand il s'agit de prendre les décisions. Je soutiens que vous devriez exiger que figure dans tous les rapports et toutes les décisions des tribunaux une phrase qui précise: «La question a été débattue devant moi le (date) et je rends ma décision le (date).»
Les juges seraient gênés d'écrire «La question a été débattue devant moi il y a quatre mois et elle porte sur un droit de visite provisoire» ou «La question m'a été présentée il y a huit mois et porte sur la garde permanente.» Ils seraient gênés de dire cela à leurs confrères; ils seraient gênés de le dire au Barreau. Et il serait très utile que le Report on Family Law, dont je suis rédacteur, accepte de publier que tel juge rend ses décisions avec cinq mois de retard et tel autre, avec un mois de retard. C'est un changement tout à fait modeste qui pourrait avoir d'énormes répercussions.
Septièmement, vous devriez encourager la spécialisation des tribunaux, comme cela s'est fait en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. À mon avis, cette mesure est souhaitable. Par contre, le modèle retenu par la Saskatchewan, c'est-à-dire un tribunal de la famille entièrement isolé, présente peu d'intérêt. Les tribunaux séquestrés, ce que l'on appelle la division du droit de la famille de la Saskatchewan ou le tribunal unifié de la famille à Hamilton et à St. John's, n'ont pas donné de résultats particulièrement satisfaisants. Les juges oublient la réalité et perdent de leur humanité. Ils en viennent à penser qu'ils savent tout. J'admire les juges; j'approuve le système qui consiste à nommer les grands capitaines du Parti libéral, à l'âge de 54 ans...
La sénatrice Anne Cools: Cela est contraire au règlement.
M. Tony Merchant: Mais lorsqu'ils sont en place, de s'entendre continuellement répondre «Oui, votre honneur, trois sacs, votre honneur», cela leur monte à la tête, quelles que soient leurs qualités. S'ils sont dans des tribunaux isolés, ils finissent par penser qu'ils connaissent le système et cessent de s'intéresser aux nouveaux concepts. C'est donc un élément important de nos exposés, vous ne devez pas—absolument pas—appliquer universellement le modèle des tribunaux unifiés.
Huitièmement, l'Alberta a recours au règlement judiciaire exécutoire des différends et au règlement judiciaire non contraignant. Ce sont deux concepts importants, et si on les appliquait dans l'ensemble du pays ils pourraient donner d'excellents résultats. Permettez-moi de vous expliquer leur fonctionnement.
Le règlement judiciaire des différends donne d'excellents résultats quand la décision a force exécutoire. Vous rencontrez les parties, et le juge a pratiquement l'occasion d'interroger les témoins. On va de l'un à l'autre en proposant des solutions, puis le juge, dans une décision ayant force exécutoire, négocie le règlement de certaines questions avant de trancher les autres. Le juge a le pouvoir de décider et sa décision ne peut faire l'objet d'un appel, je le précise, parce qu'elle n'est pas prise dans le cadre d'une procédure judiciaire.
• 1220
Ce système offre de nombreux avantages, notamment la
souplesse. En deuxième lieu, il est bon que le juge entende
directement les témoignages, sans recourir au processus judiciaire
rigide. Je crois que la Loi sur le divorce devrait contenir une
disposition pour permettre le recours à un processus judiciaire de
règlement des différends où les décisions sont exécutoires.
Nous avons actuellement des processus de règlement à l'étape préalable au procès dans la plupart des compétences—et l'expérience de Toronto s'assimile à celles de la Saskatchewan et d'autres régions—mais il n'est pas possible de recourir à la médiation exécutoire, sauf en Alberta. Ce système donne de bons résultats en Alberta. Il est plus efficace que le système judiciaire.
Enfin, au numéro neuf, vous trouverez une mise en garde. Si vous faites preuve d'innovation, songez à la réticence des juges à accepter certains de ces changements. Les juges assument souvent un rôle traditionnel, plutôt solennel; ils veulent examiner à loisir les affaires et porter un jugement. Ils répugnent généralement à anticiper les situations. Les nouveaux juges, plus jeunes, sont plus susceptibles d'accepter ce rôle; certains des juges plus âgés, d'esprit plus traditionaliste, l'accepteront aussi.
Les juges qui participent au règlement judiciaire des différends et au processus de médiation savent que ces techniques donnent de très bons résultats. Les juges de la province vous diraient sans doute à l'unanimité que la médiation est plus efficace que les décisions prises suivant les méthodes traditionnelles pour les intéressés, en particulier en droit de la famille. Par contre, ils vous diraient aussi que cela enlève de la dignité à leurs tâches et qu'ils sont un peu réticents à évoluer en ce sens. Ne tenez pas compte de cette réticence si les juges en chef ou les représentants des ministères de la Justice en font mention.
Voilà qui termine notre exposé. Permettez-moi de faire écho à Dick Proctor et de vous souhaiter la bienvenue à Regina.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci.
Vous avez fait une remarque fort intéressante au sujet de la prudence dont il faut faire preuve, parce qu'il faut éviter trop de changements et préserver la souplesse. J'imagine que cela pourrait être interprété comme une défense de vos propres intérêts, le maintien du rôle des avocats.
La sénatrice Anne Cools: C'est vrai.
M. Paul Forseth: Vous défendez peut-être votre gagne-pain.
Je cherche des façons d'aider les enfants. Je n'ai rien entendu de votre part à ce sujet ce matin.
J'ai deux questions précises à vous poser. De quelle façon est-ce que nous pouvons modifier le système pour l'adapter aux besoins des enfants, par opposition aux besoins des parents qui se querellent? Deuxièmement, de quelle façon pouvons-nous minimiser le rôle des avocats dans le système?
M. Tony Merchant: Je vais essayer de répondre à la question au sujet de la réduction de l'importance des avocats au sein du système.
Si je puis me permettre une précision, les suggestions que nous avons présentées visent véritablement ce but. Si vous pouvez vous présenter immédiatement devant un juge, ce qui met fin à tout le cycle de demandes répétées qui aboutissent en huit ou neuf mois, la rapidité de l'intervention et le règlement précoce des problèmes minimisent la participation des avocats.
Par contre, il ne faut pas sous-estimer la contribution des avocats. Les avocats, au mieux, uniformisent les règles du jeu. Les avocats, au mieux, sont les porte-parole de leurs clients et atténuent l'avantage que peut avoir une personne qui s'exprime bien sur quelqu'un qui a de la difficulté à s'exprimer.
Ainsi, on considère souvent que l'arbitrage convient mal aux femmes.
• 1225
Le système d'arbitrage ne convient pas à de nombreuses femmes, en
partie... quand une femme veut mettre fin à un mariage où elle
était dominée par son mari ou si le mari est un homme d'affaires
qui a l'habitude de négocier, de régler des problèmes, de trouver
des solutions. La femme peut venir d'un mariage traditionnel et ne
pas avoir l'habitude de ce genre de négociation. Elle est abattue
parce que le mariage a échoué...
M. Paul Forseth: Très bien, je vois où vous voulez en venir. Certes, il y a toutes les données des sciences sociales sur les compétences de l'arbitre professionnel, et un arbitre compétent peut très bien rétablir l'équilibre des forces. En outre, cela ne signifie pas nécessairement que les personnes qui participent à un arbitrage, que vous semblez recommander plutôt que la médiation, ne pourraient pas recourir à un avocat, mais l'ensemble de règles qui s'appliquent dans ce contexte particulier et les conséquences qui en découlent sont différentes.
Je suppose que c'est un sous-ensemble des recommandations que vous avez présentées, que nous devrions peut-être recourir à un processus d'arbitrage qui pourrait être plus rapide...
M. Tony Merchant: Non, de fait notre expérience des médiateurs et des arbitres n'est pas très concluante, mais elle est merveilleuse quand l'arbitrage est confié à un juge. Les juges n'aiment pas beaucoup participer à ce processus, mais lorsqu'ils font jouer leur autorité, l'effet sur les parties en présence est extraordinaire. Lorsque des médiateurs et des arbitres interviennent, les parties continuent simplement à se quereller.
M. Paul Forseth: Il me semble que la différence vient des règles qui s'appliquent dans le contexte de l'arbitrage. S'il s'agit d'un arbitrage exécutoire, quand le règlement va être imposé, l'arbitre a le pouvoir de prendre une décision et cette décision ne peut être portée en appel que devant une instance supérieure. La situation est la même.
M. Tony Merchant: Évidemment, en règle générale, en cas d'arbitrage, vous ne pouvez faire appel que s'il y a une erreur de droit.
Nous sommes très favorables... la Saskatchewan est à la fine pointe du progrès en ce qui concerne les processus de règlement judiciaire préalable au procès au Canada et elle s'en tire très bien, mais tout est fonction, dans une large mesure, de l'autorité du juge. Les gens comprennent et respectent ce qu'est un juge, mais ils ont l'impression que les médiateurs et les arbitres ne sont là que pour les forcer à dire oui.
M. Paul Forseth: Je me demande aussi de quelle façon nous pouvons aider les enfants plutôt que de chercher à épuiser l'ordre du jour de ce que les parents veulent?
M. Tony Merchant: Ce problème nous hante depuis 35 ans déjà, et je n'ai pas de réponse simple à vous proposer.
Je crois que la représentation des enfants devant les tribunaux comporte certains avantages, mais il y a des coûts. Si vous avez un défenseur des enfants, il vous faut un autre organisme gouvernemental qui finit par ne plus suffire à la tâche, comme c'est souvent le cas des organismes gouvernementaux. C'est un problème très complexe.
M. Paul Forseth: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur le sénateur Jessiman.
Je dois vous signaler que le temps nous presse.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je comprends.
Ai-je raison de dire que vous avez six bureaux au Canada...
M. Tony Merchant: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: ... et un en Arizona?
M. Tony Merchant: Non.
Le sénateur Duncan Jessiman: Non? Vous ne faites que travailler en Arizona?
M. Tony Merchant: En effet, je suis membre du Barreau de l'Arizona.
Le sénateur Duncan Jessiman: C'est dommage que vous soyez dans cette situation, parce que, comme le mentionnait M. Forseth, nous allons vous aider si nous ne changeons rien.
Je pense que nous en sommes à notre 21e réunion. Nous avons entendu bien des spécialistes, et le témoignage qui semble m'avoir le plus marqué est celui d'une Britannique qui a comparu hier—je ne sais pas si elle était barrister ou solicitor. Dans tous les documents que nous avons lus et que nous lisons—et je suis moi-même avocat—, on tente de s'écarter non pas des avocats en soi, mais du processus accusatoire, du moins dans la mesure où les enfants sont concernés.
J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, est-ce que vous faites partie du groupe qui représente le Barreau canadien? Nous allons le rencontrer demain. Est-ce que vous pouvez me dire quel rapport vous entretenez avec cette organisation et ce que cette organisation pense de vos idées, si vous le savez?
Deuxièmement, parce que vous me semblez très au courant du dossier et je suppose... Dites-nous ce que vous pensez de ce qui se fait en Angleterre et en Australie ainsi que dans d'autres compétences. Dans tout ce que j'ai lu—et j'ai maintenant beaucoup lu à ce sujet—, je n'ai jamais vu de suggestions relatives au statu quo, au maintien des avocats, au maintien du système accusatoire. Tout ce que nous voyons c'est que cela coûte énormément d'argent. Pourtant, ce système vous sert, je suis convaincu que vous faites beaucoup pour vos clients, mais les gens ne peuvent pas s'offrir vos services.
M. Tony Merchant: Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Duncan Jessiman: Voilà le problème.
Je vais vous poser deux questions. Le Barreau canadien, tout comme l'Angleterre, évidemment, mais aussi d'autres compétences, s'oriente à l'inverse de ce que vous suggérez.
M. Tony Merchant: Je l'ignore. Je suis membre du Barreau canadien et je lis les documents que l'organisme m'envoie, mais je ne peux pas parler au nom du Barreau.
Le sénateur Duncan Jessiman: Il y a 9 000 avocats inscrits au volet droit de la famille du Barreau canadien; il y a 35 000 membres du Barreau. Ils ont témoigné devant un autre comité du Sénat qui étudie les lignes directrices. Les personnes qui examinent les lignes directrices ont ramené ce chiffre à 9 000 avocats, mais une trentaine seulement lisent les lignes directrices et environ neuf étudient les modifications, alors il n'y a que trois ou quatre membres du Barreau qui se concentrent vraiment sur la question.
Je ne pense pas que ce que j'ai entendu précédemment soit représentatif de la position du Barreau, mais je m'étonne que vous soyez aussi engagé dans ce domaine du droit sans être membre de ce groupe choisi de 9 000 avocats.
M. Tony Merchant: Eh bien, monsieur le sénateur, je n'ai jamais trouvé le Barreau canadien très utile. Je suis rédacteur des Reports of Family Law pour la région de l'Ouest. Je siège au conseil consultatif de deux revues de droit de la famille. J'écris beaucoup et je plaide constamment. Je suis très actif, et mes opinions ne sont en rien motivées par l'effet que cela aurait sur le succès de notre cabinet. Nous avons survécu à tous les changements.
Si vous ne devez retenir qu'une idée parmi celles que nous vous soumettons, que ce soit de laisser la latitude aux juges mais de modifier le système en vertu duquel les questions leur sont présentées. Je suis tout à fait favorable à l'élimination d'un grand nombre de formalités, à un assouplissement du processus, même dans les détails les plus infimes.
Aux États-Unis, on autorise souvent les gens à témoigner assis et les avocats à poser leurs questions assis, alors qu'au Canada, en droit de la famille et pour toutes les questions, vous devez vous lever. Lorsque vous vous levez, vous avez tendance à faire des discours. Lorsque vous êtes assis, vous parlez plutôt sur le ton de la conversation et vous obtenez de meilleurs résultats.
Je pense que c'est en grande partie la raison pour laquelle la médiation donne de si bons résultats. Le juge est à un mètre de vous. Vous n'avez pas à convaincre quelqu'un qui se trouve à un mètre; vous conversez.
Je pense que le changement de systèmes pourrait réduire les coûts et permettre de régler plus rapidement les causes, ce qui contribuerait à la réduction des coûts. Le principal problème que nous éprouvons est que les personnes entament des procédures—il n'y a rien de plus important que leurs enfants—et elles rencontrent le juge pour la première fois huit mois plus tard, entre temps, elles déposent des affidavits préparés par les avocats. Les juges reconnaissent que le système doit être modifié.
Ce à quoi nous nous opposons, c'est la codification. Je peux vous assurer que les juges prennent très au sérieux la tâche de régler les questions de garde et de droit de visite. Ils font de l'excellent travail. Dans tout le pays, ils font un travail admirable, et vous ne devriez pas affaiblir cette composante du système.
Le sénateur Duncan Jessiman: Ils s'écartent complètement de notre type de système...
M. Tony Merchant: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: ... et des tribunaux.
M. Tony Merchant: Je ne sais pas si cela donne vraiment de bons résultats. Cela me paraît une évolution favorable.
Mon hésitation vient de ce que je sais que le système que nous avons donne d'assez bons résultats et pourrait être amélioré. J'éprouve donc une certaine réticence à changer totalement de cap.
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, sénateur Jessiman, et merci, monsieur Merchant. Nous vous remercions d'avoir pris la peine de venir témoigner.
La sénatrice Anne Cools: Est-ce que nous sommes en retard?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non. Nous respectons l'horaire, et nous allons continuer de le faire.
La sénatrice Anne Cools: Je voulais simplement commenter un ou deux points.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, mais faites vite.
La sénatrice Anne Cools: Je serai très brève.
Je veux simplement dire que j'ai été fascinée par cet exposé. Le concept n'est pas neuf, mais c'est la première fois qu'on nous le présente à nous, membres du comité. Essentiellement, vous proposez en quelque sorte un système de justice axé sur le laissez-faire. C'est en quelque sorte la loi du commerce, du marché. Je trouve que c'est assez fascinant et des plus intéressants.
J'ai aussi remarqué, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, que vous, avocats, aimeriez une nouvelle règle de droit. Je veux souligner—j'aurais aimé pouvoir vous contre-interroger sur cette question—que bien des gens obtiennent justice s'ils sont représentés par des avocats capables et déterminés. J'aurais aimé qu'on me dise de quelle façon monsieur tout le monde détermine quels avocats sont compétents et lesquels sont déterminés.
M. Tony Merchant: Madame la sénatrice, puis-je dire un mot? Les hommes supposent toujours que leur femme obtiendra la garde, mais lorsqu'ils contestent, ils obtiennent très souvent la garde. Il y a une hypothèse appuyée par tous les stéréotypes au moment de la dissolution d'un mariage, c'est une première expérience de divorce; pour moi, c'est le cinq millième divorce, alors j'ai une certaine expérience. Mais nous nous laissons influencer par ces stéréotypes, la population se laisse influencer. On ignore...
La sénatrice Anne Cools: Je comprends tout cela.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien.
La sénatrice Anne Cools: J'étudie ces stéréotypes depuis des années. La question que je vous pose est la suivante: De quelle façon le citoyen ordinaire peut-il déterminer qu'un avocat est compétent ou non? C'est la question que je pose, mais la réponse devra attendre.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Quand nous reviendrons à Regina.
Je vous remercie d'être venus. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris la peine de venir témoigner et nous comprenons votre situation.
Laissez-moi vous donner un conseil. À l'avenir, nous aimerions que vous vous absteniez de faire des commentaires d'ordre politique devant les comités. Il s'agit d'un examen mené par des membres de tous les partis, et les commentaires d'ordre politique y sont déplacés.
M. Tony Merchant: Monsieur le président, j'ai été député libéral à l'assemblée législative. Je suis toujours content de pouvoir taquiner un peu mes amis de la magistrature.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je demande maintenant aux témoins de la Saskatchewan Association of Social Workers de se présenter. Nous accueillons M. Galluson et Mme Brandick.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Je ne sais pas si vous avez compris, en observant l'audience précédente, que nous avons en tout et pour tout une demi-heure, alors plus votre introduction sera brève et plus nous aurons de temps de poser des questions.
M. Tom Galluson (Saskatchewan Association of Social Workers): Merci beaucoup.
J'aimerais me présenter. Je suis Tom Galluson, membre d'une association provinciale de travailleurs sociaux. Je veux vous parler de l'évaluation des questions de garde et de droit de visite.
Pour commencer, j'aimerais traiter du document qui a été transmis au comité il y a environ une semaine au sujet du modèle proposé par l'Association of Family and Conciliation Courts sur les normes applicables aux évaluations liées à la garde d'enfants. Cette documentation n'existe qu'en anglais. Je me demande s'il est possible de vous soumettre cette information aux fins d'examen.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous allons l'accepter et la faire traduire.
M. Tom Galluson: Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous l'acceptons. Nous pourrons la distribuer seulement quand elle aura été traduite.
M. Tom Galluson: Pour commencer...
Le sénateur Duncan Jessiman: Il serait plus facile de suivre la discussion.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est à la discrétion du comité. Êtes-vous d'accord pour que l'on distribue ce document ou pas?
Le sénateur Duncan Jessiman: Cela va tous nous aider. Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux l'avoir sous les yeux?
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral:
[Note de la rédaction: Inaudible] ...je comprenais très bien.
[Traduction]
Qu'est-ce qui vous fait penser que j'aurais pu en décider autrement?
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci beaucoup.
M. Tom Galluson: Je veux préciser que mes antécédents de travailleur social comprennent 17 ans dans les services aux familles et la protection de l'enfance, dix années consacrées à l'évaluation des questions de garde d'enfant et trois années de médiation familiale.
Mme Sheila Brandick (Saskatchewan Association of Social Workers): Permettez-moi de me présenter et de vous expliquer un peu mon expérience. Je m'appelle Sheila Brandick. Je suis travailleuse sociale depuis plus de 30 ans. Je suis travailleuse sociale agréée auprès des associations de la Saskatchewan et du Canada.
Je suis présidente du comité des normes de l'association depuis cinq ou six ans maintenant. Mes 30 années d'expérience ont été consacrées essentiellement à l'aide directe aux personnes et aux familles et à beaucoup de travail dans le domaine de la santé et de la psychiatrie.
M. Tom Galluson: Au nom des membres du conseil de la Saskatchewan Association of Social Workers, nous sommes heureux de pouvoir témoigner aujourd'hui devant le Comité spécial mixte chargé d'examiner les questions de garde et de droit de visite.
Notre association provinciale représente 775 travailleurs sociaux accrédités. À l'heure actuelle, les candidatures de 28 personnes sont à l'étude. Si toutes sont acceptées, nous compterons 800 travailleurs sociaux agréés dans la province. L'accréditation n'est pas obligatoire dans la province de la Saskatchewan.
Le domaine de la garde et du droit de visite nous intéresse beaucoup, en particulier quand il s'agit d'évaluations. Il y a deux ans, nous avons créé un sous-comité chargé d'examiner ce secteur. Nous voulons élaborer des normes provinciales à l'intention de nos membres.
Quand vous avez rencontré d'autres représentants provinciaux, à l'occasion de tribunes similaires, on vous a peut-être dit qu'il n'existait pas de norme applicable à l'évaluation aux fins de garde et droit de visite dans l'ensemble du Canada. Notre registraire provincial signale régulièrement que la question des normes est soulevée dans le cadre de réunions nationales et que la conclusion d'accords de libre-échange interprovinciaux influe sur le niveau national des services.
Nous sommes conscients des grandes frustrations qu'éprouvent les parents dans ces situations. Leurs inquiétudes ont été traitées par le système judiciaire, la communauté juridique et les défenseurs de normes sociales minimales. Évidemment, les normes servent de lignes directrices et elles doivent refléter les besoins propres à une situation.
Pour en revenir au document qui vous a été distribué ce matin, nous avons transmis au comité un modèle de norme applicable aux évaluations aux fins de détermination du régime de garde. Ce modèle est proposé par l'Association of Family and Conciliation Courts, un comité international de normalisation dans ce domaine.
Dans le préambule, à la première page, on trouve, et je cite:
• 1245
Ces normes visent à aider et à orienter les évaluateurs du
secteur public et du secteur privé. La façon dont ces normes seront
mises en oeuvre et respectées est fonction des lois locales et des
règles en vigueur dans les tribunaux.
Nous voulons citer le regretté William Hodges, auteur de Intervention for Children of Divorce: Custody, Access and Psychotherapy, deuxième édition:
L'auteur, ici, traite essentiellement des points forts des parents et des nombreuses définitions qui s'appliquent à la famille.
J'aimerais commencer...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous demande d'être brefs, car nous n'aurons pas le temps de poser de questions. Vous avez déjà utilisé six ou sept minutes.
Mme Sheila Brandick: Très bien. Je tiens à signaler le rôle de la Saskatchewan Association of Social Workers et de l'Association canadienne des travailleurs sociaux à cet égard. Mais au niveau provincial, il s'est produit bien des choses.
Premièrement, nous avons, depuis le 18 avril 1995, une loi visant l'accréditation des travailleurs sociaux. On y stipule que personne ne peut utiliser le titre de travailleur social à moins d'être inscrit auprès de l'association, ce qui signifie que nous avons une entente avec le gouvernement de la Saskatchewan pour nous réglementer nous-mêmes. Nous devons donc adopter des normes pour montrer au gouvernement que nous nous réglementons, etc. Nos efforts portent entre autres, à l'heure actuelle, sur l'élaboration de normes dans le secteur de la garde et du droit de visite, à l'intention des travailleurs sociaux de la Saskatchewan. Tom vous en a brièvement parlé.
Je pense que l'une des choses que je veux vous dire au sujet des compétences des personnes qui procèdent à ces évaluations est qu'il faut que ces personnes soient des professionnels d'une profession d'assistance à autrui. Il faut non seulement avoir une formation professionnelle adéquate, mais aussi s'être spécialisé d'une certaine façon dans les domaines des services à l'enfance, de l'égalité entre les sexes, de la répression de la violence faite aux enfants, de la violence faite aux mères et de la violence sexuelle. Les personnes qui réalisent des évaluations en vue de la détermination du droit de visite doivent posséder cette expérience. À mon avis, cela vaut non seulement pour les travailleurs sociaux mais aussi pour les psychologues et les psychiatres, par exemple, qui participent à une telle démarche.
Il y a des psychologues et des psychiatres ainsi que quelques travailleurs sociaux qui procèdent à des évaluations et qui n'ont aucune formation spécialisée dans ce domaine. Alors si un rapport sur le droit de visite doit servir les intérêts de l'enfant... Parce que c'est le but du règlement et des normes que de protéger la population. Dans ce cas, nous voulons protéger l'enfant et la famille, mais nous devons regarder les choses du point de vue de l'enfant et voir ce qui se passe. Une évaluation adéquate en matière de droit de visite devrait nous révéler les systèmes familiaux, les dysfonctionnements, le genre de services dont la famille a besoin et ce qui vaut le mieux pour l'enfant en matière d'accessibilité des deux parents.
Je vais m'arrêter ici pour répondre à vos questions.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Sénateur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je crois comprendre, madame Brandick, que vous avez 30 années d'expérience.
Mme Sheila Brandick: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et vous, monsieur, depuis combien de temps travaillez-vous dans le domaine?
M. Tom Galluson: Trente ans également.
Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous procédé à un certain nombre d'expertises familiales au cours de ces 30 années?
M. Tom Galluson: J'ai été à l'emploi du Tribunal unifié de la famille à Saskatoon, en Saskatchewan, de 1985 à 1995. Au cours de cette période, je dirais que j'ai pu faire au-delà de 200 expertises et j'ai également supervisé des personnes qui en ont fait.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et vous, madame Brandick?
Mme Sheila Brandick: Je n'ai pas fait de rapport de droit de visite moi-même, mais j'ai agi très souvent comme expert-conseil auprès de personnes qui préparaient des rapports de garde et de droit de visite et parfois aussi auprès d'avocats relativement à mon évaluation de la famille et à ce qui se passait dans la famille. J'ai pu faire une évaluation de la mère et de son fonctionnement, du père et de son fonctionnement, et des rapports que tout cela pouvaient avoir avec l'enfant. Je le faisais donc dans le cadre d'un processus d'évaluation psychologique et de travailleur social et, en consultation.
Le sénateur Duncan Jessiman: C'est travaux s'adressaient-ils surtout à la cour ou aux parties elles-mêmes? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Tom Galluson: Selon mon expérience, la demande faisait suite à une ordonnance de la cour en Saskatchewan, et, par conséquent mes renseignements étaient contraignables en ce sens que je devais me reporter aux renseignements qui m'étaient fournis par la cour. Ces renseignements étaient partagés avec les parents et avec leurs avocats en premier lieu; ils avaient toujours la possibilité d'en arriver à un règlement basé sur le rapport et les recommandations. S'ils souhaitaient reprendre les préparatifs du procès en utilisant le rapport, ils pouvaient le faire. S'ils se rendaient jusqu'en cour, j'étais appelé comme témoin de la cour.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et vous alliez parler à la mère et aux enfants à un endroit, puis vous alliez chez le père pour lui parler et peut-être aussi aux enfants, mais peut-être pas aux enfants, à un autre endroit pour connaître leur point de vue. C'est exact?
M. Tom Galluson: C'est exact.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et vous posiez quelques questions auxquelles ils répondaient. Ainsi, vous obteniez le point de vue de chacune des parties.
M. Tom Galluson: Des renseignements sont des renseignements, et non un traitement ou une thérapie. Pour procéder à l'expertise, il faut obtenir des renseignements de plusieurs sources. Dans mon rapport, je ne me contentais pas nécessairement de citer ce qu'ils avaient dit. Il faut qu'il y ait une part d'évaluation et une part de recommandations. Oui.
Mme Sheila Brandick: Et ces expertises doivent être faites par une personne qui connaît très bien le système familial, les dysfonctions familiales, la violence faite aux enfants et la violence familiale afin de pouvoir interpréter ce qui se passe.
Je me suis déjà occupée de cas où, par exemple, l'enfant ne me disait pas tout à fait ce qui se passait, mais où mon expérience m'a permis de savoir qu'il y avait certains problèmes. Cela me permettait ensuite de travailler plus étroitement avec les parents concernant exactement les besoins de l'enfant. C'est là où l'expérience et la formation prennent une très grande importance.
Le sénateur Duncan Jessiman: Étiez-vous ici lors du témoignage de M. Andrychuk?
Mme Sheila Brandick: Non, je n'y étais pas.
Le sénateur Duncan Jessiman: Laissez-moi vous dire ce qu'il a raconté au sujet des travailleurs sociaux, et ce sont là des choses que nous avons entendues au sujet des juges. Certains disent exactement le contraire.
Il a dit que les travailleurs sociaux étaient des hommes ou des femmes qui avaient reçu une formation et que leur acculturation fait en sorte qu'ils peuvent avoir tendance à croire que la femme devrait être la principale pourvoyeuse de soins, et que dans la plupart des cas, les rapports que vous remettez à la cour disent que le mari a une maison et la femme un foyer. Je répète tout simplement ce qu'il a dit. Pourriez-vous élaborer?
M. Tom Galluson: Je peux vous parler de mon expérience. Je ne connais pas M. Andrychuk et je ne peux parler de son domaine de compétence.
Le sénateur Duncan Jessiman: Il est avocat.
M. Tom Galluson: Selon mon expérience, et je crois que je reflète aussi ce que l'on retrouve dans les documents, il est vrai qu'en ce qui a trait au fournisseur principal de soins—c'est-à-dire en terme d'arrangements de garde—il est possible que 85 à 90 p. 100 des femmes obtiennent la garde des enfants.
Le sénateur Duncan Jessiman: Voulez-vous nous dire alors que dans 85 à 90 p. 100 des cas ou plus vos rapports à la cour vont en ce sens?
M. Tom Galluson: Oui, mais je dois ajouter que ce n'est pas mon préjugé.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je veux simplement m'assurer que nous parlons de la même chose. Quand vous visitez ces foyers, je crois que vous avez dit que vous recommandiez 85 à 90 p. 100 du temps que la femme soit la principale pourvoyeuse de soins.
M. Tom Galluson: C'est exact.
Mme Sheila Brandick: Puis-je prendre la parole? Non, je...
Le sénateur Duncan Jessiman: Non, attendez une minute. Attendez, c'est mon tour.
Il y a donc 15 p. 100 des cas, en ce qui vous concerne—et vous n'êtes pas sous serment, mais si vous pouviez vous contenter de nous dire la vérité—ou vous avez recommandé que l'homme ait la garde des enfants?
M. Tom Galluson: C'est exact.
Mme Sheila Brandick: Je me dois d'ajouter une précision pour tout replacer dans le contexte.
Le sénateur Duncan Jessiman: Bien sûr.
Mme Sheila Brandick: C'est probablement le cas du point de vue statistique, mais à titre de travailleuse sociale depuis plus de 30 ans, je sais que dans 85 à 90 p. 100 des situations de famille, c'est la femme, la mère qui s'occupe à plein temps des responsabilités parentales, de la discipline, des soins aux enfants, qui se lève la nuit, qui tient la tête de l'enfant quand celui-ci doit vomir, qui se rend à l'école, qui prend congé quand son enfant est malade. Il faut donc mettre tout cela en perspective. Si le monde doit changer, et je le souhaite...
Le sénateur Duncan Jessiman: C'est ce que l'on vous dit, et vous croyez ce que l'on vous dit, et...
Mme Sheila Brandick: Non, ce n'est pas ce que l'on m'a dit. C'est ce que je sais, c'est ce que mon expérience m'a appris, et c'est ce que les femmes et mon expérience me disent. Il y a même eu des enfants qui me disaient qu'ils se tournaient vers leur mère pour bien des choses. J'aimerais bien moi aussi que le monde change, mais cela ne veut pas dire que les hommes ne sont pas capables d'être des parents. Ils en sont capables, mais ils doivent vouloir être parent, et ils doivent vouloir y consacrer le temps nécessaire et ils doivent avoir la volonté de partager les responsabilités parentales.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'ai une autre question. Avez-vous déjà recommandé dans vos rapports que la garde d'un enfant soit confiée à l'homme seulement?
Mme Sheila Brandick: Oui, je l'ai déjà fait.
Le sénateur Duncan Jessiman: Combien de fois?
Mme Sheila Brandick: Je ne garde pas de données statistiques personnelles, si c'est ce que vous voulez... Pas souvent—j'en conviens, d'accord? Mais je l'ai déjà fait.
Le sénateur Duncan Jessiman: Dix fois, cinq fois?
Mme Sheila Brandick: Facilement.
Le sénateur Duncan Jessiman: Facilement cinq fois?
Mme Sheila Brandick: Oui, parce que dans ces cas le père était de loin le meilleur parent.
M. Tom Galluson: Sénateur, vous avez posé la question et je vous ai répondu 10 à 15 p. 100 des cas. Cela correspond aux cas où je recommanderais que l'on confie la garde des enfants à l'homme seul. Cela représente de 10 à 15 p. 100 des cas.
Si vous me permettez d'ajouter une chose, je vous dirais que l'aspect garde n'est pas la question la plus complexe de mon expérience des expertises de garde et de visite. C'est le droit de visite qui est en cause. Souvent, les parents s'entendent sur les meilleurs arrangements de garde pour les enfants. Les difficultés surgissent lorsqu'il est question du droit de visite et du maintien de ce droit.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup, madame la présidente.
Bonjour. Pour faire suite aux observations du sénateur, je voulais entendre parler de l'Association des travailleurs sociaux de la Saskatchewan, et du besoin de normes, etc. Dans ce contexte, M. Andrychuk nous a parlé ce matin de la nécessité de travailleurs sociaux impartiaux. Je me demandais, en ce qui a trait à vos normes, quels sont les programmes en place? Êtes-vous consciente qu'il peut y avoir une forme de partialité de temps à autre, et cherchez-vous à l'éradiquer?
Mme Sheila Brandick: Oui.
M. Dick Proctor: Pouvez-vous élaborer un peu?
Mme Sheila Brandick: Commençons par l'Association canadienne des travailleurs sociaux, qui a un code d'éthique pour la pratique professionnelle. La Saskatchewan a incorporé ce code d'éthique à sa loi, ce qui signifie que les travailleurs sociaux de cette province sont guidés par ce code d'éthique et que ce principe existe.
Pour ce qui est des normes, elles donnent des moyens pour atteindre à l'impartialité. Si vous avez le sentiment d'être partial, vous devez trouver quelqu'un d'autre pour accomplir le travail. Par exemple, supposons que vous avez travaillé jusqu'à un certain point avec la femme et que celle-ci est engagée dans une cause de garde et de droit de visite. Les avocats peuvent alors demander que quelqu'un fasse du counselling pour le couple ou la famille. Si j'estime avoir établi un lien réel avec cette femme et que je ne puis me départir d'une certaine forme de partialité, je référerai les avocats à un autre professionnel pour le contexte global. Il est bien possible que je continue à traiter avec elle d'égale à égale, mais pas dans le contexte global parce que je sais à quel niveau se situe le lien et qu'il ne serait pas avisé que je m'engage dans l'aspect de garde et de droit de visite.
M. Tom Galluson: Peut-être pourrais-je commenter. Lors d'une expertise pour la garde et le droit de visite, la conscience de soi, la connaissance des préjugés seraient assurément l'un des principes des travailleurs sociaux que je suivrais.
De même, dans le cadre d'une expertise pour la garde et le droit de visite, la procédure serait de ne pas intervenir concernant la garde si vous connaissez déjà l'une des parties, comme Sheila l'a dit.
Si vous avez des préjugés relativement aux questions qui doivent faire l'objet d'une expertise, vous devez le laisser savoir aux clients et aux avocats. Au bout du compte, ce sont eux qui décideront si vous ferez ou ne ferez pas l'évaluation.
En Saskatchewan, les travailleurs sociaux qui sont au service du ministère des Services sociaux bénéficient d'une supervision au sein de leur service. Ils peuvent parler à un superviseur qui prendra alors une décision, de concert avec le client, les avocats et la cour pour ce qui est de recommander un autre évaluateur.
Mme Sheila Brandick: La consultation de pairs, par exemple, fait partie de notre processus et de nos normes.
M. Dick Proctor: Dans vos observations, monsieur Galluson, vous avez dit que les intérêts supérieurs des enfants ont une importance primordiale. Croyez-vous que ces intérêts devraient être énumérés dans la Loi sur le divorce comme quelque chose à considérer, que les facteurs pertinents à examiner devraient être dans le meilleur intérêt des enfants ou de l'enfant?
M. Tom Galluson: À plusieurs égards, je crois qu'il faudrait une définition, parce que «les meilleurs intérêts» représentent de nombreuses zones grises pour plusieurs personnes.
Le divorce relève d'une loi fédérale tandis que la garde relève du Children's Law Act provincial, et ainsi de suite. Je crois qu'il faudrait être aussi objectif que possible dans la définition plutôt que d'utiliser du jargon ou d'autres termes propres à une profession. Je crois que nous devons déterminer ce qui se passe vraiment.
Je crois donc que les meilleurs intérêts de l'enfant sont une question très complexe qui est à l'origine de beaucoup de confusion.
M. Dick Proctor: Si vous me le permettez, madame la présidente, j'ai une dernière question.
Il y avait dans la dernière édition du magazine Maclean's un article vedette sur le divorce et sur la garde et le droit de visite des enfants. Selon cet article, il y aurait un groupe de soutien appelé «Rainbow» dans chacune des provinces, sauf en Saskatchewan.
Je me demande si, premièrement, vous êtes au courant et, deuxièmement, si vous l'êtes, pourquoi un tel groupe n'existe pas chez nous.
M. Tom Galluson: J'ai lu l'article, mais je vous prie de me rafraîchir la mémoire concernant les intérêts du groupe.
M. Dick Proctor: Rainbow s'occupe d'enfants de parents séparés ou divorcés. Il s'agit d'un groupe de soutien qui les réunit de manière collective pour traiter de leur douleur et de leurs émotions.
M. Tom Galluson: Y a-t-il un tel service provincial en Saskatchewan? Non. Il n'y a rien qui soit financé par le gouvernement, du moins à ce que je sache à ce moment-ci. Je vous parle à titre de profane et non à titre de fonctionnaire.
Il existe certains organismes non gouvernementaux et d'autres groupes de soutien qui offrent des séances concurrentes avec les parents afin de les renseigner sur la séparation et le divorce. On le fait avec les enfants aussi.
Je parle plus précisément de Saskatoon, où je demeure, et de Catholic Family Services.
Par conséquent, ces organismes ne sont pas accessibles dans chacune des collectivités de la Saskatchewan, mais ils le sont sur une base planifiée.
Mme Sheila Brandick: Le Catholic Family Service Bureau de Regina a un programme très similaire qui s'est avéré très utile. Mon expérience de la référence de familles reconstituées et de parents et d'enfants en matière de séparation et de divorce indique que la démarche est positive dans 90 p. 100 des cas pour les familles et les enfants.
Par conséquent, je suis d'accord avec vous. Je crois que c'est un service qui pourrait exister.
M. Dick Proctor: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci, monsieur Proctor.
Madame Dalphond-Guiral.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Bonjour. J'ai prêté beaucoup d'attention à votre grille d'analyse et aux paramètres que vous utilisez pour faire l'évaluation des besoins des enfants et des parents. Si je vous dis que j'ai travaillé très longtemps en pédiatrie, vous allez comprendre pourquoi cela m'intéresse.
• 1305
Vous êtes tous les deux en
pratique depuis 30 ans. J'imagine que vous avez
amélioré cette grille d'analyse au fil des années.
Je voudrais savoir si vous l'avez
améliorée en effectuant une espèce de suivi auprès des parents
et des enfants que vous aviez vus avant que le divorce
ne soit consommé. Donc, je voudrais savoir
comment vous en êtes arrivés à modifier les choses.
Voici ma deuxième question. Vous aurez peut-être envie d'y répondre en premier. Dans quelle proportion le juge reçoit-il presque entièrement vos recommandations? Croyez-vous que les juges en Saskatchewan font un très bon travail, ou croyez-vous qu'il y aurait lieu d'assurer, autant aux juges et aux avocats qu'à tous les professionnels qui sont au coeur de décisions importantes, une espèce de processus d'éducation continue, un peu comme ce qu'on a en médecine, par exemple?
[Traduction]
M. Tom Galluson: Je vous remercie d'avoir posé ces deux questions très importantes. En ce qui a trait au suivi, c'est le but de l'évaluation. Les évaluateurs n'ont pas l'expérience préalable ni l'expérience postérieure des parties. Par conséquent, en tant qu'évaluateur, vous ne fournissez pas de traitement et n'assurez pas de suivi au counselling.
Ce qui se produit, et cela est très recommandé dans la plupart des évaluations, est que le parent considère les recommandations accessoires comme le counselling. Il peut porter sur des aspects particuliers, et il faut l'envisager avec beaucoup de rigueur.
Selon mon expérience de l'appareil judiciaire, la cour statue en matière de garde et de droit de visite. Habituellement, les recommandations accessoires ne font pas partie d'une ordonnance écrite, mais elles représentent un facteur dans les discussions qui peuvent se tenir lors d'une conférence préalable à l'instruction. De même, lors du procès, le juge peut faire des observations à ce sujet. Vous demandez si nous faisons le suivi? Non. Je dirais que c'est exact.
Pour ce qui est de votre deuxième question concernant les juges et aussi les enfants, la famille, la garde et le droit de visite, je suis partial et je vous dirai que les juges doivent connaître le système familial et les questions familiales, de même que les besoins des enfants.
Je crois qu'il y a en Saskatchewan, depuis 1985, un système de tribunal unifié de la famille similaire à celui que l'on trouve à St. John's et qui a été mentionné par M. Merchant. Celui de Hamilton a été le premier. Il y a eu quelques programmes pilotes, puis nous avons eu droit à un programme complet. En Saskatchewan, il y a des services de la division du droit de la famille de même qu'une division du droit de la famille qui compte des juges. Dans ce cas, les juges travaillent suivant une rotation.
Je conviens avec vous que l'éducation continue est importante et qu'elle serait probablement assurée dans leur propre discipline. Dans le cas de l'ordre judiciaire, il y a des rencontres conjointes. Quant à savoir qui y assiste, je ne saurais commenter ni vous dire s'il y a des mécanismes d'exécution.
Vous avez demandé si les juges tiennent entièrement compte de l'évaluation en matière de garde et de droit de visite. Je vous dirais non, parce que le but de l'expertise est de fournir des renseignements et des recommandations pour le cas où la cause se rendrait jusqu'au tribunal. À ce niveau, c'est au juge de rendre une décision et il ne fait pas intervenir les parties dans la planification, comme c'est le cas au niveau de la médiation. Je parle de la médiation avant l'instruction, qui se fait à l'extérieur de l'appareil judiciaire. Les parents doivent le faire.
• 1310
Dans le système judiciaire, les juges semblent toujours
apprécier les renseignements qu'ils reçoivent, surtout s'ils sont
perçus comme objectifs et sans favoritisme dans un sens ou dans
l'autre.
Est-ce que je pense que les juges de la Saskatchewan font du bon travail? Oui.
En ce qui a trait à l'éducation continue, certainement en matière de travail social, je crois que j'ai déjà répondu à votre question.
Mme Sheila Brandick: En tant que conseillère, je suis spectatrice. Des gens comme moi, dans la pratique directe, assureraient un suivi avant ou après les décisions. Je tiens à recommander que les juges et les avocats reçoivent une formation particulière en matière de sensibilisation au traitement différent réservé aux hommes et aux femmes, à la violence familiale, aux systèmes familiaux et aux conséquences que ces questions importantes peuvent avoir pour les personnes et l'enfant.
Je revois des gens, 20 ou 30 ans après les faits, qui présentent toujours des problèmes de personnalité et psychologiques parce qu'il n'y a pas eu de suivi, peut-être parce que le juge n'a pas suivi les recommandations.
C'est là où je pense que les observation de M. Merchant sont très utiles. Vous êtes à la recherche d'un avocat persuasif. Malheureusement, l'avocat persuasif est celui qui se fait entendre des juges. L'avocat qui présente sa cause doucement et calmement n'est pas toujours celui qui se fait entendre.
C'est pourquoi je crois que le système doit changer.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
M. Tom Galluson: Peut-être pourrais-je ajouter une observation à votre question sur la formation et la mise à jour.
Dans notre province, on offre des séances d'information sur la séparation et sur le divorce aux parents avant une séparation ou pendant ou même après les procédures. Le but est de les sensibiliser aux solutions de rechange à la séparation et au divorce face au processus juridique et aux diverses étapes de la séparation.
Ces séances abordent aussi les besoins des enfants pendant la séparation et le divorce et les responsabilités parentales après une séparation et un divorce. Actuellement, ces séances sont offerte par la division du droit de la famille de la province de la Saskatchewan dans le cadre des services de médiation.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie beaucoup de votre excellent exposé.
J'appelle maintenant les prochains témoins, qui comparaissent tous à titre individuel: M. Jack Christopher; M. Eldon Szeles; M. Gordon Mertler; M. Randy Liberet et Mme Betty Junior.
Bien que vous comparaissiez tous à titre individuel, je crois qu'il sera plus efficace pour notre processus que chacun de vous fasse son exposé de cinq minutes avant que les membres du comité ne posent leurs questions.
Monsieur Liberet.
M. Randy Liberet (témoigne à titre personnel): Merci.
Mon exposé comprend deux volets. Le premier porte sur ma situation personnelle et l'autre contient des recommandations à l'intention de votre comité.
Je suis sûr que vous avez tous entendu des histoires de père comme la mienne, mais je vais tenter de vous résumer mon cas personnel, parce que j'estime qu'il est pertinent.
Mon ex-femme et moi avons trois enfants, âgés de 12, huit et cinq ans. Quand nous nous sommes mariés j'ai adopté notre enfant de 12 ans, qui avait deux ans à l'époque. Ma femme était une mère seule.
Nous avons été mariés pendant environ sept ans et demi. J'ai vécu un divorce acrimonieux. Il a fallu attendre 22 mois pour aller au tribunal, les enfants ont été utilisés comme des pions et on a proféré de fausses allégations à mon endroit.
J'ai été arrêté à la maison, devant mes collègues de travail et devant mes enfants à 11 reprises l'an dernier. Récemment, soit le 2 février, j'ai été exonéré des 11 accusations criminelles qui pesaient contre moi.
• 1315
Quatre mois après que ma femme eut obtenu la garde exclusive
de nos enfant parce que, comme l'a dit madame la juge Dawson, les
deux parties ne pouvaient s'entendre, j'ai demandé un partage des
responsabilités en soutenant qu'il y avait eu acrimonie par
dessein. J'ai préparé un plan de partage des responsabilités
parentales que j'ai soumis lors du procès, mais il semble qu'il
soit resté lettre morte.
Les tactiques utilisées ont été si mesquines qu'en janvier 1997, au moment où mon fils adoptif de 11 ans a dit à sa mère qu'il voulait vivre avec moi à la maison, à quatre pâtés de maisons du foyer conjugal, mon ex-femme a présenté notre fils à son père biologique. L'expérience a été dévastatrice pour lui et pour ses frère et soeur plus jeunes, qui cherchaient à ce moment à surmonter les effets de notre divorce. Huit semaines plus tard, le père biologique s'est installé dans notre maison. Depuis, mon ex-femme l'a mis à la porte, il y a environ six semaines. Maintenant, notre fils n'a plus de père. Je ne l'ai plus vu depuis un an.
Mon ex-femme a dit aux travailleurs sociaux, juste avant le procès, que j'avais frappé mon fils de 22 mois avant notre séparation. Curieusement, dix personnes ont témoigné que notre fils était excité à la perspective de déménager avec moi après le cas de violence allégué. La juge a dit qu'elle ne prêtait pas foi aux allégations. Rien n'a été fait.
En plus d'avoir la garde des enfants, mon ex-femme touche une pension alimentaire pour enfants de 851 $ par mois en plus d'une pension alimentaire de 800 $ par mois. La juge n'a donné aucune raison pour le soutien alimentaire versé à un conjoint; elle semble l'avoir fait à des fins punitives en se basant sur un revenu de 50 000 $ par année...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pourriez-vous vous arrêter un moment. Quand nous entrons dans ce type de considération où vous portez des jugements sur les juges, il nous faut le nom et le numéro de référence de la cause.
M. Randy Liberet: La cause est celle de Liberet c. Liberet, et le numéro est le 2934.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): En quelle année?
M. Randy Liberet: C'était en 1997.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Dans quelle juridiction était-ce?
M. Randy Liberet: C'était à Regina.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord.
M. Randy Liberet: Avec un revenu de 50 000 $ par année, je suis maintenant admissible à l'aide juridique, j'ai un certificat de personne nécessiteuse et je suis virtuellement sans le sou. Après avoir versé les montants exigés à mon ex-conjointe et après avoir payé les dépenses courantes de la maison, je me retrouve avec 187 $ par mois pour les médicaments, l'épicerie, les vêtements, les dépenses d'automobile, l'argent à dépenser quand mes enfants sont avec moi et les loisirs. Mon ex-femme touche près de 2 700 $ nets par mois, y compris son revenu de 1 000 $ par mois.
J'ai dépensé environ 70 000 $ en frais juridiques dans des causes civiles et criminelles. Mon ex-femme a probablement dépensé près de 50 000 $. Nous sommes lourdement endettés tous les deux.
J'en appelle de la décision de la juge, mais les avocats—je suis représenté par le cabinet de M. Merchant, apparemment l'un des meilleurs et des plus persuasifs qui soient dans le domaine du droit de la famille—qui me disent que la démarche est futile parce que je suis l'homme.
Mes enfants supplient leur mère de les laisser passer plus de temps avec moi. Ils sont souvent fâchés ou ils pleurent. J'ai aussi pleuré à cause de la douleur de mes enfants et de la mienne depuis plus de deux ans. Actuellement, je sens que les enfants prennent leur distance, depuis que j'ai déposé mon appel en février de cette année. L'aliénation parentale est une réalité dévastatrice.
J'aimerais vous entretenir de certaines recommandations si vous me le permettez. Dans le cadre de ma participation aux activités de la National Shared Parenting Association, j'ai rencontré des hommes et des femmes de partout au pays et de toutes les professions, y compris des travailleurs sociaux et des psychologues professionnels. Deux thèmes se dégagent constamment de mes échanges avec les gens qui ont vécu un divorce acrimonieux, y compris mon cas.
Le premier est que les enfants sont utilisés comme des pions par certains parents. Le second est de savoir si un des parents obtiendra la garde ou la propriété de l'enfant, par rapport à l'autre parent qui deviendra le parent non gardien ou le visiteur dans la vie de ses enfants.
Je pense qu'il y a des raisons pour lesquelles les gens veulent avoir la garde exclusive plutôt que de partager les responsabilités parentales: à cause d'un amour évident pour leurs enfants; par fierté, étant donné que la situation de parent non gardien a une connotation négative puisque vous n'êtes plus un parent réel ou apte; par colère et par vengeance; par peur, car les gens ont peur de perdre, peur de la façon dont ils survivront sur le plan financier, peur de devenir le parent non gardien et même de perdre la relation qu'ils avaient avec leurs enfants; et à cause de l'argent.
Un autre aspect très important quand on considère le parent gardien est que les enfants ont un prix. Le parent qui parvient à obtenir le premier prix, c'est à dire la garde des enfants, obtient aussi une pension alimentaire pour enfants exempte d'impôts, de nombreux crédits d'impôt, souvent une pension alimentaire de conjoint et, parfois, de meilleurs règlements concernant les biens et, bien sûr, le contrôle après le mariage s'il s'adonne à être un parent en colère.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous avez utilisé vos cinq minutes, par conséquent, il nous faut vos recommandations.
M. Randy Liberet: D'accord, j'ai six recommandations. Je vais tenter de les passer en revue rapidement.
Je crois qu'au départ, il devrait y avoir une disposition obligatoire dans la loi concernant le partage des responsabilités parentales en cas de divorce, afin de créer un équilibre.
• 1320
Je dirais qu'en la matière, il s'agit de partager les
responsabilités parentales entre une mère et un père, et de
reconnaître l'importance égale des deux parents. Aucun des deux
parents n'aurait la garde de l'enfant, mais les deux seraient
responsables de son éducation. Le plan de partage prévoirait des
calendriers établis sur la base des désirs des enfants et des
parents. On tiendrait compte aussi de la proximité géographique des
parents l'un par rapport à l'autre et d'autres facteurs touchant
l'enfant.
Les parents pourraient respecter de façon volontaire le plan de partage des responsabilités parentales ou, s'ils n'y parviennent pas, on ferait intervenir les travailleurs sociaux et les psychologues professionnels. Vous avez entendu les témoignages de travailleurs sociaux juste avant le mien. Je dirais qu'il nous faut aussi des psychologues pour enfants—des gens qui comprennent bien le processus de pensée réelle—ainsi que des sociologues.
Ma deuxième recommandation serait de soustraire complètement le divorce au système judiciaire accusatoire. Ce système dit bien ce qu'il est, il est accusatoire. Point à la ligne. La procédure jette de l'huile sur le feu dans plusieurs cas de divorce, puisque les avocats sont embauchés pour s'affronter et non pour défendre les intérêts de leurs clients et non ceux des enfants. Les enfants ne paient pas d'honoraires d'avocat, tandis que les adultes le font.
Je crois aussi que la plupart des juges et des avocats ont un préjugé favorable à l'endroit des femmes et qu'ils donnent aux femmes la garde des enfants à cause des précédents qui caractérisent notre société.
La troisième recommandation serait de remplacer le recours aux tribunaux par une médiation obligatoire pour les parents qui n'arrivent pas à s'entendre sur un plan de partage des responsabilités parentales ou de leur fournir l'aide d'un médiateur. Encore une fois, les professionnels qui participeraient à ce processus de médiation seraient des professionnels du domaine social et scientifique. Si nous plaçons véritablement nos enfants au premier plan, il faudrait que la médiation ou l'arbitrage ou tout autre moyen soit obligatoire. Peut-être pourrait-on utiliser une expression différente au lieu du mot médiation.
J'aimerais parler de ce qui est véritablement dans le meilleur intérêt des enfants. Je n'ai pas encore entendu cette suggestion, mais je crois que les besoins émotifs et psychologiques des enfants devraient être placés avant leurs besoins physiques de base ou tout au moins sur un plan égal. Les enfants ont besoin d'être aimé, ont besoin qu'on s'occupe d'eux, ont besoin de savoir qu'ils peuvent compter sur leurs deux parents.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Pourriez-vous en finir? Chaque minute que vous utilisez est soustraite du temps d'intervention de vos compagnons.
M. Randy Liberet: D'accord.
Je recommanderais l'établissement d'un programme national d'éducation sur le divorce pour les parents qui divorcent, pour le public en général et pour le milieu juridique, y compris les juges et les avocats.
Ce sont mes recommandations. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Monsieur Szeles.
M. Eldon Szeles (témoigne à titre personnel): Bonjour. Mon nom est Eldon Szeles et je demeure tout juste à l'est de Regina, sur notre ferme familiale. C'est pour moi un véritable honneur que d'être associé à vos travaux ce matin, et j'espère que nous pourrons en arriver à une solution en vue d'apporter certains changements dans ce domaine.
Ma situation personnelle est assez semblable à celle de Randy. Je me trouve fortement appauvri et frustré. Malheureusement, mon fils est directement au milieu du conflit.
Mes recommandations vont plutôt dans le sens des enfants. Le premier problème que nous avons tous éprouvé, et que j'éprouve depuis la séparation, est celui des visites. C'est le premier problème, celui de voir les enfants après la séparation et le divorce.
Ma première recommandation serait que dans les cas où il y a un nourrisson ou un tout-petit, la mère obtienne la garde parce que j'estime que l'enfant est généralement mieux servi s'il est avec sa mère, sauf dans les cas où la mère n'a manifestement aucun instinct maternel ou dans les cas plus graves où il y a de la drogue, de l'alcool, etc. De façon générale, j'estime que les jeunes enfants devraient être avec leur mère.
Toutefois, les pères de ces enfants devraient avoir des contacts directs et sans restriction avec leurs enfants, sur une base quotidienne ou aussi souvent qu'ils le jugent approprié. De même, ces pères devraient être capables de faire des sorties avec leurs jeunes enfants pour les amener au parc dans une poussette pendant de courtes périodes et leur manifester qu'ils prennent soin d'eux et qu'ils sont sensibles à leurs besoins.
• 1325
La deuxième recommandation serait l'établissement de règles
qui feraient en sorte que les deux parents s'occupent également des
enfants et qu'ils soient liés par un contrat quelconque, surtout
lorsque les enfants sont un peu plus vieux et qu'ils peuvent
comprendre et percevoir ce qui se passe autour d'eux, qu'ils ne
sont plus des tout-petits. Nous devrions appeler cela «les
responsabilités parentales partagées».
Nos enfants seraient sous la garde de chacun des parents 50 p. 100 du temps. Cela supposerait que les parents assument la responsabilité financière, s'occupent des besoins de leurs enfants—s'occupent de leur santé, des activités parascolaires, des questions scolaires, etc.
En l'occurrence, il est manifeste qu'il y aura certains conflits. Selon moi, le premier mécanisme de règlement des différends serait le recours à un médiateur. Les deux parents pourraient envisager leurs préoccupations dans un contexte neutre et discuter de diverses questions autant de fois qu'il serait nécessaire de le faire. Si le médiateur conclut à la fin des discussions qu'il n'y a pas de terrain d'entente ou que les deux parties—ou même une des parties—ne veulent rien entendre, il pourrait soumettre le dossier à un arbitre, une personne qui aurait l'autorité d'imposer un règlement basé sur la situation des deux parents, sur ce qu'ils ont à dire, sur leurs bons points et ainsi de suite.
Cet arbitre qui pourrait imposer une solution devrait être une personne connaissant très bien tous les aspects de la famille, les aspects sociaux et ainsi de suite. Toutefois, le même arbitre pourrait intervenir de nouveau si, à une date ultérieure, il était nécessaire de régler certains détails.
J'aimerais que la cour et les avocats soient complètement à l'écart de ce processus et de toutes les procédures judiciaires, sauf dans les cas où il y a un élément criminel comme des menaces, des menaces à la sécurité, de la violence, et ainsi de suite. J'aimerais que les avocats et les tribunaux soient complètement exclus de la démarche des parents qui cherchent à trouver un terrain d'entente et une solution partagée pour leurs enfants.
En supposant qu'il y ait une entente à ce stade, et qu'il y ait violation de l'entente signée ou conclue, et, faut-il l'espérer, respectée par les deux parents, l'arbitre pourrait entendre la plainte de l'un des deux parents. Il faudrait que la violation soit sérieuse, par exemple un cas de non-respect. L'arbitre aurait alors l'autorité de suggérer une solution et de veiller à l'application de la solution. Il pourrait donner aux deux parties trois chances d'en arriver à une entente compte tenu de ce qui leur a été imposé et leur rappeler qu'ils n'ont pas le pouvoir ni les droits ni quoi que ce soit qu'ils croyaient avoir.
Cela étant dit, il devrait y avoir une forme de punition si les violations sont graves. S'il n'y a pas de punition pour la faute, la faute risque de se répéter.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous avez dépassé votre période de cinq minutes. Pouvez-vous conclure?
M. Eldon Szeles: Oui. Cela met un terme à mon exposé. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Madame Junior.
Mme Betty Junior (témoigne à titre personnel): Je suis ici à titre de grand-mère, et j'ai plusieurs préoccupations à formuler.
La principale concerne le système judiciaire et les avocats. Les dépenses liées à un divorce et à l'audience concernant la garde des enfants ont littéralement assommé mon fils, tout comme ce fut le cas pour mon mari et moi. Nous avons dû contribuer de fortes sommes pour l'aider. Je crois qu'il faut revoir le système judiciaire.
Je crois aussi qu'en ce qui a trait à la prestation des soins, la mère n'est pas toujours la mieux placée, et que les pères sont tout à fait capables de donner de bons soins aux enfants. Nous avons demandé à un psychologue d'évaluer mes deux petits-enfants. J'ai contesté son rapport parce que j'estimais que le psychologue avait un préjugé en faveur de la mère. J'en étais très fermement convaincue.
J'ai relu le rapport de 28 pages du psychologue et j'ai eu l'impression qu'il dépeignait mon fils comme le diable et la mère, un ange. La mère est partie avec les enfants depuis un an. Mon fils avait deux garçons. J'ai consulté des avocats pour qu'il se présente à la cour afin que mon fils obtienne la garde de mes deux petits-fils. Il n'a pas obtenu ce droit. Il n'y a pas eu de procès.
Au bout du compte, ces deux messieurs ont parlé d'une garde entièrement partagée. Mon fils a la garde de mes deux petits-fils à toutes les deux semaines. La mère les a une semaine et mon fils les a l'autre semaine. J'ai constaté que cet arrangement était très bien. Premièrement, j'ai vu que cela était bon pour mon fils; il est devenu un parent responsable et il se débrouille très bien avec ses garçons. Elle-même a trouvé que l'arrangement était valable et elle est devenue un parent qui prend certaines responsabilités, bien qu'elle confie une bonne part de ses responsabilités à sa mère et à son père.
Je pense que la cour devrait s'arrêter au fait que les pères sont de bons pourvoyeurs de soins, et je pense aussi que ces femmes devraient rendre compte de l'argent qui leur est donné parce que j'estime qu'une bonne partie de cet argent versé pour le maintien des enfants n'est pas dépensé de manière appropriée.
Je pense aussi qu'il faut s'arrêter aux divers aspects qui sont liés au fait que le père a les enfants ou que la mère a les enfants. J'ai constaté au cours des trois dernières années que si la mère a la garde des enfants, elle obtient ce qu'il est convenu d'appeler un logement à prix modique et beaucoup d'aide des services sociaux.
Mon fils habite un logement à prix modique. J'ai une amie qui paie un peu moins de 200 $ et elle a deux enfants. Mon fils a deux enfants et il paie 650 $ pour vivre dans le même ensemble d'habitations à bon marché. Je ne crois pas que ce soit équitable. Mon fils a deux emplois afin de maintenir deux maisonnées. Je crois donc qu'il faut s'intéresser à cette question.
Voilà qui résume ce que j'aimerais que vous examiniez dans le cadre de vos travaux. En plus du rapport du psychologue, c'est vraiment quelque chose qu'il faut examiner.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Monsieur Christopher.
M. Jack Christopher (témoigne à titre personnel): Je suis ici en mon nom propre et au nom de mes enfants. Je ne suis pas un professionnel de quelque espèce, mais j'ai certaines observations à faire concernant ma situation et certaines recommandations à formuler.
Premièrement, l'éclatement de mon ménage a eu l'effet d'une destruction totale sur mon existence et celle de mes enfants, une situation qui ne pourra jamais être corrigée. Les coûts engagés pour combattre les fausses allégations d'abus sexuel à l'endroit d'un enfant dépassent actuellement les 150 000 $. Au plan financier, je suis ruiné. Je ne possède plus rien. Heureusement, j'ai pu garder le même emploi depuis 30 ans. Ma compagnie m'a appuyé dès le départ.
Il y a une perte de respect dans la collectivité. On regarde votre famille et on se demande d'où vient ce type.
Il y a eu un manque total de contacts avec mes enfants. Quatre mois après avoir été arrêté et inculpé, les accusations contre moi ont été suspendues.
• 1335
Personne ne m'autorisait à voir mes enfants. Le ministère des
Services sociaux, par l'entremise de mon avocat, m'a dit que je
pourrais voir mes enfants quand je voudrais. Pour cela, il me
suffisait d'enregistrer un plaidoyer de culpabilité et de suivre le
traitement prévu parce que j'avais usé de violence envers eux. Par
conséquent, parce que je ne pouvais le faire, j'ai vu mes enfants,
qui avait trois et six ans à l'époque où tout cela a commencé,
pendant une heure et demie en deux ans et demi.
J'ai perdu huit années de la vie de mes enfants. Ils grandissent. Personne ne pourra jamais remplacer ces huit années pour moi ou mes enfants. Mon ex-femme a lutté constamment pour me tenir éloigné de mes enfants. Elle ne veut absolument pas que j'aie accès à mes enfants. Actuellement, je vois mes enfants quatre heures par mois, sous supervision.
Les accusations et l'odieux qui en découlent sont à l'origine du décès prématurée de ma mère. Elle n'était pas autorisée à voir ses petits-enfants, puisque je n'étais pas autorisé à voir mes enfants. Les effets de tout cela ont été dévastateurs pour moi. Je suis sous les soins d'un psychiatre et d'un psychologue depuis six à sept ans. Je prends des médicaments. Parfois, je me demande comment je m'en tire d'une journée à l'autre.
J'étais totalement intimidé par la cour, la police et le ministère des Services sociaux. Le ministère des Services sociaux ne m'a jamais parlé de la situation en cours. Au tribunal, le juge qui officiait à l'époque, le juge Joe Gagne, m'a dit que je n'étais guère mieux que David Milgaard, tant et aussi longtemps que je clamerais mon innocence...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Comme dans les cas précédents où il y a des allégations ou des observations concernant les juges, il nous faut le nom de la cause...
M. Jack Christopher: Cour unifiée de la famille, numéro 44, en 1990.
La sénatrice Anne Cools: Le nom de la cause, s'il vous plaît.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Le nom de la cause, s'il vous plaît.
M. Jack Christopher: Christopher c. Christopher.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): D'accord, merci.
M. Jack Christopher: Il m'a dit également que si jamais je parlais à mes enfants de ce qui s'était produit dans leurs vies, il ferait en sorte que je ne les revois plus jamais. Il m'a également dit que si je n'étais pas d'accord avec ce qu'il disait, il avait la possibilité de m'envoyer en prison.
On ne peut rien attendre de la police ou du ministère des Services sociaux. Après le renvoi des accusations, je suis allé à la police et je leur ai demandé de l'aide afin de savoir ce qui était arrivé à mes enfants. La police a refusé.
Depuis huit ans et demi, ma vie est consacrée à tenter de laver mon nom et à mettre les choses au point avec mes enfants. Dans ce type de cause, on suppose automatiquement que vous êtes coupable. Personne n'est innocent.
Voilà, c'est essentiellement ce que j'ai à dire. J'ai quelques recommandations, si vous voulez bien les entendre.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui, vous disposez encore d'une minute.
M. Jack Christopher: La police, les services sociaux et les juges devraient recevoir une formation appropriée pour traiter de ces causes. Dans mon cas, le travailleur social avait été embauché à titre temporaire pour une période de six mois pendant le congé de maternité d'une autre travailleuse.
Avant toute chose, il devrait y avoir un contact avec tous les membres de la famille et tous les membres de la famille immédiate. Il doit y avoir une enquête plus approfondie et plus complète avant que les familles ne soient déchirées.
Avant de décider quoi que ce soit, il faut produire un rapport sur le droit de visite, à la demande de la cour. J'ai combattu pendant huit ans pour obtenir ce type de rapport. Le juge ne voulait rien entendre. Finalement, en janvier de cette année, la cour a ordonné la préparation d'un tel rapport. Les résultats sont connus et ils sont surprenants. Tout ce que mon fils veut est de passer un peu de temps avec moi; c'est là son principal intérêt. Ma fille ne veut pas y être forcée; elle veut sa liberté de choix. Après tout, elle aura 15 ans le mois prochain. C'est une adolescente. On me dit que les adolescentes ne veulent pas passer de temps avec leur père. Elles veulent aller magasiner avec leurs amis. Mais nous verrons bien ce qu'il en résultera.
• 1340
On devrait procéder à une enquête et à une évaluation
complètes de la partie qui fait ces accusations, en l'occurrence
mon ex-belle-mère. L'examen médical doit être fait par plus d'un
médecin—non pas par les services sociaux, mais par un médecin
choisi. Le médecin de famille devrait intervenir dans le dossier.
Il y a trois ans, j'ai obtenu le dossier médical de mes enfants et une lettre de leur médecin qui disait qu'il ne leur était absolument rien arrivé pendant qu'il les traitait. On aurait dû communiquer avec lui dès le départ, et ce cas aurait été réglé dès le premier jour.
Il faut qu'il y ait une divulgation en temps opportun et assez tôt de toute la preuve par le procureur de la Couronne, afin que l'on puisse préparer une défense appropriée.
Il doit y avoir un droit d'action spécial pour permettre aux accusés d'intenter une action contre les personnes qui font de fausses allégations. Les personnes qui font de fausses allégations devraient être mises en accusation et elles devraient rendre compte de leurs actions. Les personnes qui font enquête dans ces causes et qui entament les poursuites devraient également être tenues responsables de leurs actions.
Lors de toutes les entrevues avec les enfants et la famille, on devrait faire un enregistrement vidéo ou audio, ce qui n'est pas le cas actuellement. On devrait aussi prévoir une forme d'aide financière pour le défendeur dans ces causes.
Je l'ai dit plus tôt, ma vie est ruinée. Je ne possède rien. Je n'arriverai jamais à payer mes dettes avant de mourir.
En guise de conclusion, j'aimerais remercier la sénatrice Cools d'avoir organisé ces audiences. Je sais que c'est grâce à ses efforts qu'elles peuvent avoir lieu et je suis fier de pouvoir témoigner devant elle. Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Monsieur Mertler.
M. Gordon Mertler (témoigne à titre personnel): Madame la présidente, membres du comité, je suis heureux d'être ici pour partager avec vous mes vues et mes pensées ainsi que mon expérience, et pour vous faire des recommandations.
Je me nomme Gord Mertler. Je vous donnerai simplement quelques notes sur le mariage et sur notre enfant. Nous nous sommes épousés en 1982. Nous avions tous les deux 33 ans. C'était mon premier mariage et le second de ma femme. Elle avait deux enfants d'un précédent mariage. En l'occurrence, il faudrait parler de deux adultes d'âge mûr.
Nous avons eu un enfant en 1983, une fille, surtout pour répondre à mon besoin. Nous avons commencé des consultations matrimoniales en 1988. Nous nous sommes séparés en 1994 et l'expertise et l'évaluation de notre fille a eu lieu vers la fin de 1994. Nous avons convenu d'une entente de séparation en 1995 avant d'aller à l'instruction, et le jugement de divorce a été prononcé en 1996.
Après tout ce processus de séparation, la question qui se pose est la suivante: Qu'est-ce qui est le mieux pour les enfants pendant cette période difficile et injuste de la séparation? C'est injuste pour les enfants parce qu'ils ne sont pas la cause de la rupture.
Bien qu'il soit toujours accepté dans le système juridique d'avoir des stratégies pouvant être utilisées par les clients et leurs avocats pour la répartition des biens ou même pour une pension, je crois que la stratégie devrait être éliminée de la démarche visant le droit de visite des enfants.
Il ne s'agit pas de savoir quelle équipe peut le mieux manoeuvrer ou s'établir ou retarder les procédures ni même qui a le meilleur avocat de divorce. En quoi cela est-il bon pour les enfants? En général, ces démarches aliènent les enfants par rapport à l'un des deux parents, ce qui rend encore plus difficile pour eux d'avoir des droits de visite aux deux parents.
Les parents ne devraient pas avoir à se préoccuper de commettre une erreur dans la démarche judiciaire en vue d'obtenir un droit de visite des enfants. Une erreur technique peut fort bien être l'élément qui entraîne un traitement inéquitable des enfants.
Si on tolère que les enfants soient utilisés comme des outils de négociation ou si le processus d'entente de séparation est retardé pendant un certain temps, l'un des parents en subit une injustice, habituellement celui qui a quitté le foyer conjugal.
La véritable injustice ne vise pas le parent, mais plutôt les enfants qui, dans la plupart des cas, n'ont pas la possibilité de passer du temps avec les deux parents.
• 1345
De fait, les enfants peuvent prendre des décisions par eux-mêmes. Quand
ils rendent visite à un parent—et je crois que le mot
«visite» est approprié ici—à l'extérieur du foyer conjugal, ils se
trouvent éloignés de leur milieu familier, de leur chambre, de leur
propre lit, de leurs jouets, de leurs amis et de leurs animaux
favoris. La question est de savoir comment rendre cette transition
plus facile pour eux, afin qu'ils ne soient pas absorbés par le
conflit et qu'ils puissent continuer à vivre avec les deux parents
dans un contexte de partage des responsabilités parentales.
Certaines solutions pour corriger ces problèmes pourraient comprendre l'obligation pour le système judiciaire d'aborder la question de la garde très tôt dans le processus de séparation. Si les parents s'entendent mutuellement au sujet de l'arrangement de garde, le gouvernement peut alors avoir l'assurance que la décision tient compte du meilleur intérêt des enfants. En cas de différend, il suffit d'envoyer les deux parents chez un médiateur afin qu'ils tentent de trouver une solution.
Si la médiation échoue ou ne donne pas de résultat, il pourrait y avoir un comité d'arbitrage chargé d'entendre la cause et de rendre une décision. Une fois que la décision est connue, il faudrait renvoyer les parents chez le médiateur dans le cadre d'un mécanisme constant pour le bien-être des enfants. Il peut s'agir d'un processus continu à la discrétion des parents et même des enfants, s'ils sont en âge d'être entendus. Les parents doivent être obligés de communiquer sur les questions qui se rapportent aux enfants.
Dans notre cas, la mère de notre fille a refusé de communiquer de quelque façon que ce soit avec moi pour tenter de régler le désaccord ou les points de vue différents ou même de traiter de styles de vie différents, ce qui a été à l'origine de stress pour notre fille. Si l'un des parents, pour une raison quelconque, refuse de participer à une entente de partage des responsabilités parentales, alors il doit y avoir un prix à payer. Dans notre cas, notre fille a choisi de vivre avec moi—ce n'est peut-être pas l'entière raison, mais je suis sûr qu'elle est liée au refus d'un parent de s'engager. Il n'y a pas de place pour la vindicte ni pour exercer des pressions supplémentaires sur les enfants. La rupture de la famille est un fardeau suffisamment lourd pour eux.
Dans notre situation, la mère profitait d'une aubaine: la pension alimentaire de l'enfant. En plus, elle ne communiquait pas avec l'autre parent donc, elle n'était pas tenue à quoi que ce soit relativement aux responsabilités parentales. Cela n'est pas correct.
Le processus menant à une entente de séparation que nous avons entrepris a été retardé et j'ai vu la possibilité d'une entente de partage des responsabilités parentales m'échapper avec le temps. Bien que nous ayons réussi à nous entendre sur la garde partagée, je versais une pension et je payais pour toutes les activités de ma fille. L'entente initiale prévoyait le tiers du temps avec moi et les deux tiers avec la mère. En temps réel au cours des 14 premiers mois, ma fille a passé 49 p. 100 du temps avec moi et 51 p. 100 avec sa mère. Ensuite, ma fille a demandé à passer une journée de plus avec moi sur une période de deux semaines, puis deux mois plus tard elle a demandé une entente de 50-50.
À ce moment, elle avait 12 ou 13 ans. Au cours des deux derniers mois, elle a été avec moi constamment, par choix. Toutefois, je verse toujours une pension alimentaire basée sur l'entente de 50-50. Bien que la cour ait accéléré le processus de révision des ententes de garde et de pension alimentaire, le processus demeure trop lourd.
En résumé, j'en reviens au processus menant à l'entente de séparation. Si ce processus est retardé pour une raison quelconque, il faut prévoir une entente intérimaire afin que les deux parents puissent commencer à établir une vie familiale pour leurs enfants.
La garde partagée est la seule solution. Si les arrangements de garde partagée ne donnent pas de résultats, les changements nécessaires peuvent être apportés afin que la garde soit confiée à un seul parent, et qu'une pension alimentaire pour les enfants soit versée au parent gardien. Toutefois, ce serait pour moi une solution de dernier recours, à moins que l'un des parents ne renonce à son rôle de parent. Dans notre cas, je crois que la meilleure solution s'est imposée, mais le processus n'a pas été facile pour ma fille. Je crois qu'elle en a payé le prix.
Encore une fois, je vous remercie et je vous souhaite bonne chance dans vos déplacements au Canada afin d'en arriver à un arrangement qui donnera des résultats pour tout le monde. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Nous passons maintenant aux questions. Qui aimerait commencer? Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup. C'est la première fois que j'ai le privilège de faire partie du comité. Je crois que je m'intéresse aux personnes qui sont derrière les témoins et au déséquilibre de genre que je constate ici aujourd'hui.
Monsieur Mertler, que pensez-vous de la situation actuelle à laquelle nous sommes confrontés?
M. Gordon Mertler: Je me suis écarté sciemment de l'aspect genre. Selon ce que j'ai vu et entendu, et selon le pédopsychologue qui a fait une évaluation de ma fille, je crois que la situation est défavorable aux mâles.
Dans les années 50 et 60, quand j'étais jeune, ma mère était à la maison continuellement. La situation change et je pense que chacun des deux parents doit rendre compte de ce qu'il fait. Oublions la question de genre pour le moment et allons de l'avant.
M. Dick Proctor: Monsieur Christopher, vous avez suscité mon intérêt quand vous avez dit que votre mère n'avait pu voir ses petits-fils, et je me demandais qui avait pris cette décision, et quelle en était la logique, ou quels en étaient les motifs.
M. Jack Christopher: Ma mère avait 80 ans au moment où tout cela a commencé, et j'ai été obligé de vivre avec elle après avoir quitté la maison familiale afin que mes enfants puissent y demeurer. La cour ne voulait pas m'autoriser à faire quelque arrangement que ce soit pour me permettre d'amener mes enfants en visite à la résidence de ma mère quand je n'y étais pas, quand j'étais au travail ou autre, afin qu'elle puisse voir les enfants. Elle était incapable de sortir pour aller voir les enfants. Les services sociaux lui ont dit que si elle voulait voir les enfants, elle pourrait aller au parc ou les rencontrer dans l'aire de restauration du centre commercial. C'était impossible pour elle, mais la cour ne m'a pas permis de faire des arrangements pour que mes enfants viennent rendre visite à ma mère.
M. Dick Proctor: J'ai une dernière question pour monsieur Liberet. Vous avez précisé, dans votre témoignage, avoir été représenté par le groupe Merchant. Je ne sais pas si vous étiez présent dans la salle, mais il nous a dit, je crois, que certains changements étaient nécessaires mais qu'il faudrait user de prudence avec ces changements, qu'ils ne devraient pas être trop marqués.
Pourriez-vous commenter et nous donner vos impressions?
M. Randy Liberet: Personnellement, j'ai eu à traiter avec quatre ou cinq avocats différents. Je ne saurais parler de M. Merchant, mais je soupçonne fortement que tous les avocats de l'industrie du divorce ont un intérêt direct. Certains des travailleurs sociaux aussi, mais plus particulièrement les gens du milieu juridique. C'est leur travail de représenter les gens, de se battre pour défendre les meilleurs intérêts de leurs clients, et je crois qu'il y a une valeur monétaire rattachée à tout cela.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Les questions suivantes viendront de la sénatrice Cools puis de la sénatrice DeWare.
La sénatrice Anne Cools: J'ai quelques questions à poser. Premièrement, je me demande si M. Christopher pourrait déposer certains des documents relatifs à son cas ou s'il accepterait que nous le fassions en son nom.
M. Jack Christopher: Je ne vois pas de problème à cela. Je n'ai pas tous les documents avec moi aujourd'hui, mais je pourrai vous les envoyer.
La sénatrice Anne Cools: Merci. J'aimerais que le comité reçoive ces documents parce que j'estime qu'à un moment donné, il faudra examiner ces causes attentivement afin de déterminer où il y a eu déni de justice. J'ai déjà fait passablement de travail à ce chapitre, de telle sorte que je sais où le déni de justice se trouve. Mais cette conclusion doit être le fait d'un travail collectif.
Je me demande si M. Christopher pourrait nous en dire un peu plus sur le rôle des services de protection de l'enfant et sur le rôle des avocats dans son cas.
M. Jack Christopher: Le ministère des Services sociaux n'a jamais voulu parler de ce cas. Ils ne m'ont jamais interviewé ni rien. Ils sont venus à la maison un soir et m'ont dit que ma femme et mes enfants me quittaient, et voilà. Le lendemain, la police de Saskatoon est venue chez mon employeur, m'a arrêté, m'a inculpé et m'a jeté en prison.
Après cela, j'ai tenté de rencontrer des représentants du ministère des Services sociaux. Finalement, j'ai pu rencontrer le directeur régional à Saskatoon. Après la rencontre, je n'ai pas eu à lui demander quand il pourrait me recevoir à nouveau. Il m'a demandé quand je pourrais revenir et lui parler. Il m'a dit qu'il faudrait examiner certains aspects de ce dossier. J'ai pris rendez-vous pour la semaine suivante ou dix jours plus tard, mais quand je suis retourné le voir, il n'était plus à l'emploi du ministère des Services sociaux.
J'ai dû tout recommencer et je n'ai pu obtenir quoi que ce soit de quiconque.
Je suis désolé, quelle était votre seconde question?
La sénatrice Anne Cools: Elle portait sur le rôle de vos avocats.
M. Jack Christopher: Les avocats travaillent pour l'argent. Un point c'est tout. Chaque fois que vous leur parlez au téléphone ou que vous les rencontrez, le compteur tourne, tourne, tourne.
Comme je l'ai dit, les honoraires et les frais que j'ai dû payer jusqu'à maintenant dépassent les 150 000 $. J'en suis à mon quatrième avocat à Saskatoon. Il a accepté de me représenter gratuitement, et je lui en sais gré. Cet avocat a fait plus pour moi au cours des six derniers mois que quiconque au cours des huit années précédentes. Il a obligé la cour à ordonner une évaluation ciblée, ce que la cour a fait. Le résultat était à mon avantage. Tout se déroule très bien.
La sénatrice Anne Cools: Excellent. Peut-être que je pourrais revenir dans la seconde vague de questions.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, PC): Je sais qu'il se fait tard. Peut-être pourrions-nous poser une question à laquelle tous répondraient.
J'ai entendu bon nombre de témoins depuis un mois. Plusieurs ont fait état de situations semblables aux vôtres. Il n'y avait pas tellement d'arrestations et d'allégations, mais on a entendu beaucoup parler de cas où l'on refusait la garde et les droits de visite. Ces gens ont dit que le système n'avait pas très bien fonctionné pour eux et pour les enfants en cause. C'est pour cette raison que nous cherchons à prendre le meilleur intérêt des enfants ici.
Que penseriez-vous d'un plan obligatoire de partage des responsabilités. Deux personnes aux prises avec une situation d'allégations devraient travailler ensemble dans le meilleur intérêt de l'enfant. Grâce à ce processus, vous commenceriez à prendre conscience de votre rôle en tant que parents. Je sais que certains d'entre vous sont assurément de bons parents, parce que c'est ce que nous comprenons de votre témoignage.
J'aimerais avoir vos commentaires sur un plan obligatoire de partage des responsabilités. Commençons avec le numéro huit.
M. Randy Liberet: Une des premières recommandations vise un plan obligatoire de partage des responsabilités parentales qui pourrait être élaboré avec des professionnels comme des psychologues, peut-être même des sociologues et des travailleurs sociaux. Cela n'est pas rigoureusement dans le meilleur intérêt des parents—peu importe papa et maman—mais je suis sûr que nous pouvons tous nous souvenir de l'époque où, enfants, la perte d'un parent aurait été désastreuse.
C'est ce dont il est question ici aujourd'hui. Il est tellement facile de perdre cet aspect de vue et de tomber dans les droits des parents, la façon dont les deux parties s'entendent, les allégations de violence, et ainsi de suite. Il faut toujours mettre les intérêts des enfants au premier plan plutôt que de nous arrêter aux intérêts des parents.
La sénatrice Mabel DeWare: Oui.
Monsieur Szeles.
M. Eldon Szeles: Oui, je suis entièrement d'accord avec Randy. Selon moi, une telle approche serait avantageuse pour notre plus précieuse ressource, nos enfants, et irait dans le sens de leurs meilleurs intérêts.
La sénatrice Mabel DeWare: Grand-maman, madame Junior.
Mme Betty Junior: Je suis d'accord. Je pense qu'une séance d'information sur les responsabilités parentales serait bénéfique pour les deux parents. Je pense que ce serait une bonne idée.
La sénatrice Mabel DeWare: Avant que M. Christopher ne commence, et puisque que nous connaissons sa situation, j'aimerais dire que tous les plans de partage des responsabilités diffèrent en ce qui a trait aux meilleurs intérêts de l'enfant. Parfois, le travail d'un père l'amène à se déplacer, de telle sorte que le plan de partage des responsabilités différerait en fonction de la situation familiale, de l'âge des enfants, etc. Quelqu'un m'a même suggéré qu'il devrait y avoir un plan de trois à cinq ans et que ce plan pourrait être revu plus tard.
Monsieur Christopher, ce qui se dégage de votre témoignage est le fait que même si vous avez été mis en accusation, vous avez été acquitté trois mois plus tard. Les accusations ont été abandonnées, de telle sorte que je ne peux comprendre...
Le sénateur Duncan Jessiman: On ne les a pas laissées tomber, elles ont été suspendues.
La sénatrice Anne Cools: Avez-vous dit qu'elles avaient été abandonnées.
M. Jack Christopher: Elles ont été suspendues après quatre mois. Un an plus tard, elles ont été abandonnées.
Le sénateur Duncan Jessiman: Ont-elles été abandonnées?
M. Jack Christopher: Oh oui. Elles ont été abandonnées un an après avoir été suspendues.
La sénatrice Mabel DeWare: Donc il s'est écoulé un an et trois mois et on n'a toujours pas reconnu son innocence malgré l'abandon des accusations. C'est là la partie triste de votre cas.
Qu'en est-il de M. Mertler?
Vouliez-vous élaborer, monsieur Christopher?
M. Jack Christopher: Non, c'est très bien.
M. Gordon Mertler: Mon cas n'est pas aussi extrême que celui des autres intervenants. En cas de violence et ainsi de suite, je crois qu'il faut aborder cet aspect.
Dans ma recommandation, je suggère d'obliger les deux parents à se parler. Quand j'étais enfant, et que deux enfants se bagarraient, la mère les attrapait par l'oreille et les obligeait à se regarder en face. Je crois que c'est ce qu'il faut faire avec les parents, et oublier tout le reste. Nous devons nous préoccuper du meilleur intérêt des enfants.
La sénatrice Mabel DeWare: Oui. Je crois que tous les membres de notre comité sont tout à fait d'accord avec vous.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett, aimeriez-vous prendre la parole rapidement? Le sénateur Jessiman est le prochain sur ma liste.
Le sénateur Duncan Jessiman: Monsieur Mertler, vous dites avoir une garde partagée à 50 p. 100 aujourd'hui.
M. Gordon Mertler: Oui, nous sommes retournés en cour. C'est une garde partagée. C'est 50-50 pour ce qui est de la pension alimentaire. Au cours des deux derniers mois, j'ai eu ma fille à temps complet.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous dites que c'est 50-50, mais vous dites aussi qu'elle gagne plus que vous. C'est ce que vous dites dans votre lettre.
M. Gordon Mertler: Oui, mais après mûre considération, on a déterminé que je devais quand même verser une pension à mon ex-conjointe.
Le sénateur Duncan Jessiman: Ça devrait être l'inverse.
M. Gordon Mertler: Vous avez raison.
Le sénateur Duncan Jessiman: Ça devrait être l'inverse, si les faits sont exacts.
M. Gordon Mertler: C'est un cas où quelque chose s'est perdu entre mon avocat et son avocat. On a commis une erreur. Il ne s'agit que d'un paiement de 65 $ par mois, donc ce n'est pas beaucoup. Techniquement, c'est égal.
Le sénateur Duncan Jessiman: Combien gagne-t-elle de plus que vous par mois ou par année?
M. Gordon Mertler: Je dirais entre 800 $ ou 1 000 $ par mois environ.
Le sénateur Duncan Jessiman: Plus que vous ne gagnez?
M. Gordon Mertler: Oui.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce tout?
Le sénateur Duncan Jessiman: Je crois que vous devriez consulter M. Merchant.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Nous avons du mal avec la pension qui est versée après la séparation et les changements réels apportés à la Loi sur le divorce, je crois. Ce qui revient continuellement et qui est le point de départ des travaux de notre comité est l'emploi des mots «garde» et «droit de visite» dans la Loi sur le divorce. Je crois que c'est une partie du problème. Cela signifie qu'il y a un gagnant et un perdant. On établit un climat qui est tout à fait différent.
Pourriez-vous me dire ce que vous penseriez si ces mots étaient éliminés de la loi?
L'autre chose que nous essayons de clarifier est que seuls les enfants ont des droits. De fait, les parents ont des responsabilités. Si nous avions changé la formulation de la loi, croyez-vous que cela aurait pu vous aider dans votre cause? Quand vous voulez obtenir un divorce, vous devez établir un plan de responsabilités parentales. Comme l'a dit la sénatrice DeWare, personne ne perd et personne ne gagne.
M. Randy Liberet: Oui, c'est un très bon point. Je crois que nous devrions revenir à des mots comme «mère», «père» et «parents». Dans un plan de responsabilités parentales partagées, il ne serait plus question de «parent gardien» ou de «pourvoyeur de soins quotidiens», comme on le dit actuellement d'une manière un peu plus douce. De même, le «parent qui peut être visité» ou le parent non gardien est appelé la «personne qui contribue à la fourniture de soins».
Je pense que nous devrions nous référer aux parents comme le père et la mère et les parents. Oui, ces expressions sont plutôt dérogatoires. Ce sont des mots qui servent à décrire des biens ou qui sont utilisés dans le système carcéral.
Mme Carolyn Bennett: Je crois que nous souhaitons un système souple qui fasse en sorte que si c'est la saison de hockey, les arrangements peuvent être différents de ce qu'ils seraient s'il y a un camp d'été. Si nous nous contentons d'établir bêtement qu'une heure consacrée avec chacun des parents est une façon d'évaluer la qualité, il y a erreur. C'est à ce moment que nous entrons dans les détails, c'est là où commencent les arguments et les problèmes.
M. Randy Liberet: Nous attachons trop d'importance aux étiquettes, je crois.
Mme Carolyn Bennett: Oui. Nous essayerons de nous débarrasser des étiquettes.
M. Randy Liberet: Je crois que si nous nous contentions d'utiliser père et mère, nous ne nous en porterions que mieux.
M. Eldon Szeles: Oui, absolument. Nous pourrions éliminer plusieurs expressions comme garde et droit de visite, parce que, comme on l'a dit plus tôt, le premier prix est attribué à l'un ou l'autre des parents, et il ne faudrait pas considérer nos enfants de cette manière. Ce sont des êtres très précieux et ils sont notre vie et notre sang pour le futur.
M. Gordon Mertler: Manifestement, le sénateur Jessiman pense que ce type a perdu, de telle sorte que gagne ou perd, il faudrait éliminer ces notions.
Si le juge interprète mal un aspect—la cause qui est présentée comme une entente à prendre ou à laisser—alors oui, peut-être qu'il y a des gagnants ou des perdants. Je crois qu'il faut se débarrasser des notions de gagnant et de perdant. Abordons ce qui est le mieux pour les enfants. S'il doit y avoir une garde à sens unique, qu'il en soit ainsi, mais essayons d'abord la garde partagée.
Mme Carolyn Bennett: Faut-il établir une distinction entre la capacité de passer du temps avec les enfants sur la base d'un emploi ou d'un style de vie par rapport à la capacité de payer?
M. Gordon Mertler: S'il faut le faire, bien sûr. Quant à la capacité de payer, je sais qui paie le plus dans notre cas. Je crois que cela me gêne dans une certaine mesure, mais ce qui m'importe le plus est le temps que je consacre à ma fille.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Cools, c'est la dernière question.
La sénatrice Anne Cools: J'ai lu certaines de ces causes avec beaucoup d'attention, et je pense qu'il vaut mieux continuer parce que le temps nous presse. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup à tous les cinq. Ce fut intéressant d'entendre vos cas.
Nous ajournons les travaux jusqu'à 13 h. Des tables ont été réservées au restaurant pour les membres du comité.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): À l'ordre.
Bienvenue à la séance de l'après-midi de la 21e réunion de ce comité de la Chambre des communes et du Sénat du Canada.
Cet après-midi, nous avons parmi nous des gens qui représentent trois groupes distincts. Il y a Mme Fisher, coordonnatrice de la Provincial Association of Transition Houses Saskatchewan. Il y a aussi Mmes Sekhar et Gill-Skulski du Saskatchewan Action Committee on the Status of Women. Enfin, il y a Mmes Johnson et Lynnane Beck de la Saskatchewan Battered Women's Advocacy Network
Je ne sais pas si on vous a expliqué la façon de procéder, mais je vous demanderai de vous limiter à cinq minutes—je sais que c'est difficile, mais c'est possible—et de nous présenter vos recommandations le plus rapidement possible.
Nous commençons par madame Fisher.
Mme Virginia M. Fisher (coordonnatrice, Provincial Association of Transition Houses Saskatchewan): Bon après-midi.
Les membres de la Provincial Association of Transition Houses de la Saskatchewan comprennent des maisons de transition de la Saskatchewan, ainsi que des maisons d'hébergement et des refuges et aussi d'autres organismes qui offrent des services aux femmes et aux enfants victimes de violence.
Je crois que notre tâche la plus importante est de poursuivre les efforts d'éducation pour nous-mêmes et pour les autres concernant la dynamique de la violence faite aux femmes et aux enfants à la maison.
Je suis la coordonnatrice de PATHS, et je puis vous parler de cette question sur la base de mes 12 années d'expérience comme avocate du droit de la famille.
Nous n'avons pas de travaux de recherche fracassants à soumettre ni d'analyses renversantes à proposer, ni même d'anecdotes différentes et rafraîchissantes. Par contre, nous sommes très convaincus de ce qui est bon et de ce qui est mauvais en matière de violence familiale et de garde et de droit de visite, et nous espérons que notre façon d'articuler cette conviction aujourd'hui contribuera finalement à renverser la balance en faveur d'une justice réelle pour les femmes battues et leurs enfants. Je dis «finalement» parce que rien de ce que je vous dirai n'est nouveau.
C'est ce qu'a dit le barreau de la C.-B. dans son rapport de 1982, intitulé Gender Equality in the Justice System.
On dit aussi:
Cela est tiré du rapport de 1995 de la Law Reform Commission de Nouvelle-Écosse, intitulé From Rhetoric to Reality: Ending Domestic Violence in Nova Scotia.
Les sections sur le droit de la famille des deux rapports concluent que la Loi sur le divorce et les lois provinciales correspondantes doivent être modifiées afin que la violence familiale soit un facteur déterminant dans les décisions et les règlements concernant la garde et le droit de visite des enfants, et qu'il faudrait présumer qu'il n'est pas dans le meilleur intérêt de l'enfant qu'un conjoint violent ait la garde partagée ou autre, ni un droit de visite de l'enfant sans supervision.
J'aime particulièrement ces deux exemples de rapports, parce que j'estime qu'il est important d'avoir deux rapports distincts préparés à trois ans d'intervalle, dans des provinces éloignées et à des milliers de kilomètres de distance, d'un océan à l'autre, et qui en arrivent aux mêmes conclusions. Je crois que ces deux documents font le point sur ce qui est bien et sur ce qui est juste au Canada, et je vous en recommande la lecture.
Un ouvrage plus récent, Spousal Violence in Custody and Access Disputes: Recommendations for Reform, publié en mars 1998, propose 24 recommandations. Je crois que vous connaissez ce document et que vous avez déjà entendu parlé de Nicholas Bala, l'un des auteurs. Malgré nos efforts, nous n'avons pu trouver d'articulation meilleure et plus rigoureuse de notre liste de souhaits au nom des femmes victimes de violence et de leurs enfants. Par conséquent, je vous réfère aux 24 recommandations afin de mettre en lumière le fait que nous endossons ces recommandations et de bien délimiter les mesures de sécurité globales que nous estimons nécessaires. Chacun de vous en a un exemplaire en français et en anglais.
La loi devrait reconnaître de manière spécifique l'importance de la violence familiale dans les cas de garde et de droit de visite.
La violence familiale devrait être définie de manière claire et concise.
La sécurité des parents et des enfants victimes de violence devrait être notre principale préoccupation.
Il devrait y avoir une présomption que la garde ne doit pas être accordée aux auteurs de violence familiale.
La présomption de parent amical ne devrait pas s'appliquer dans les cas où il y a eu violence familiale.
La loi devrait prévoir des dispositions explicites pour des droits de visite et des échanges sous supervision.
La loi devrait autoriser une cour à exiger des auteurs de violence familiale qu'ils suivent des séances de counselling ou une thérapie comme condition pour la garde ou le droit de visite.
La loi devrait interdire la divulgation du lieu de résidence du conjoint victime de violence.
La loi devrait reconnaître que la violence familiale peut justifier une variation à l'ordonnance de garde ou de droit de visite.
Le fait de quitter le foyer conjugal par crainte pour sa sécurité ne devrait pas être un facteur dans les différends concernant la garde et le droit de visite.
La loi devrait imposer des restrictions à l'utilisation de la médiation dans les cas de violence familiale.
Il devrait y avoir une présomption contre la garde partagée dans les cas de violence familiale.
La cour devrait être autorisée à mettre de côté des ententes déjà conclues s'il y a violence familiale.
Les cas mettant en cause la violence familiale devraient bénéficier d'une priorité pour l'aide juridique.
Les parties non représentées dans un cas de violence familiale doivent compter sur un soutien approprié.
Les prestataires de services doivent recevoir une formation spécialisée pour traiter des cas de violence familiale.
Il faut des campagnes médiatiques généralisées sur les effets de la violence d'un conjoint sur les enfants.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez un peu dépassé le temps qui vous était alloué. Avez-vous presque terminé?
Mme Virginia Fisher: Je vous laisse le soin de lire les six autres recommandations.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien.
Mme Virginia Fisher: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre Mme Johnson, qui représente le Saskatchewan Battered Women's Advocacy Network.
Mme Julie Johnson (Saskatchewan Battered Women's Advocacy Network): Merci beaucoup.
Le SBWAN, n'est qu'une petite voix parmi celles que vous avez déjà entendues; elle se fait cependant l'écho des innombrables appels au secours des femmes de la province qui continuent à réclamer un peu de justice dans la façon dont on traite les questions de garde et de droit de visite.
• 1520
Depuis 1984, le Saskatchewan Battered Women's Advocacy Network
est le porte-parole des femmes, en particulier celles des zones
rurales et des régions éloignées du Nord de cette province. Nous
utilisons diverses méthodes pour les défendre, depuis
l'organisation proactive de cours d'instruction à l'intention des
jeunes femmes jusqu'au lobbying auprès du gouvernement et d'autres
organismes afin d'obtenir des services appropriés et accessibles à
l'intention des femmes battues et de leurs enfants.
Lorsqu'une femme battue décide finalement de mettre fin à une relation de violence, le manque de soutien, qu'il soit financier ou légal, et les attaques verbales ou physiques auxquelles ses enfants et elle-même sont en butte, la prédisposent à retomber dans le cycle de violence.
Dans le cadre de notre travail, nous voyons beaucoup de femmes qui souffrent des longueurs de la procédure judiciaire lorsqu'aucun avocat ne peut les représenter ni n'accepte de le faire. Ces femmes déjà déchirées sur le plan émotionnel sont donc obligées d'assurer leur propre défense.
Il y a aussi des femmes qui essaient d'expliquer aux travailleurs sociaux, aux agents de police et aux fonctionnaires de ministères de la Justice les formes que prend cette violence, car il y en a toujours qui refusent de reconnaître qu'il y a des femmes battues dans leur collectivité. Le SBWAN a travaillé avec des collectivités dont certains membres étaient intimidés par l'agresseur. Lorsque l'agresseur et la collectivité sont de connivence, vous avez une situation parfaite pour que la femme perde tout, sa maison, ses terres, ses amis, sa confiance en soi, sa dignité, son respect de soi et même son ou ses enfants, à la suite d'une ordonnance de garde partagée. Il y a cependant là un problème, car tous les éléments d'information nécessaires n'auront pas été fournis aux juges pour leur permettre de prendre une décision éclairée.
Les membres de la collectivité ont peur de représailles et le contenu des études et des évaluations faites par les professionnels n'est pas toujours présenté de manière fidèle. Considérez les faits avancés par la Vancouver Custody and Access Support and Advocacy Association, qui déclarait ceci: premièrement, les hommes violents et excessivement dominants sont plus portés à poursuivre leurs conjoints devant un tribunal pour obtenir la garde de leurs enfants car c'est un moyen pour eux d'essayer de continuer à dominer ou maltraiter la mère; deuxièmement, les femmes qui se plaignent de mauvais traitements sont accusées de vouloir se venger et on n'accorde pas crédit à leurs déclarations.
En réalité, selon un article de 1995 dans la Revue canadienne de psychiatrie, les fausses accusations de violence sont extrêmement rares. La solution de la garde partagée et du partage des responsabilités parentales donne de bons résultats lorsqu'il y a respect mutuel entre les conjoints et lorsque tous deux ont le souci du bien-être de leurs enfants, mais il est très dangereux de défendre ce mythe lorsque l'on soupçonne le moindrement que les rapports entre l'homme et la femme sont entachés de violence.
La violence des hommes à l'égard des femmes n'est pas nouvelle. L'autorité des hommes sur les femmes, et leur droit de leur imposer cette autorité, sont entérinés depuis des siècles par les autorités civiles et religieuses du monde entier. Il faut que non seulement les agresseurs eux-mêmes mais beaucoup d'autres membres de notre société remettent en cause les systèmes de croyances qui nourrissent leur désir de contrôler le comportement des femmes et des enfants qui partagent leur vie et leur foyer.
Réfléchissez aux risques de violence et de meurtre que présentent les conflits relatifs à la garde des enfants. Considérez la situation de la femme qui vit dans des régions rurales ou isolées du nord de la Saskatchewan, où il n'y a aucun travailleur social, où la police se trouve à 40 kilomètres et où l'infirmière de la santé publique est peut-être sa belle-soeur. À qui cette femme battue peut-elle demander de l'aide lorsqu'elle n'a qu'un champ devant elle et qu'elle a un fusil braqué dans le dos?
Le Saskatchewan Battered Women's Advocacy Network donne son aval aux mémoires présentés par l'Association nationale de la femme et du droit ainsi que le mémoire soumis par la Vancouver Custody and Access Support and Advocacy Association.
Nous sommes touchés que vous nous ayez offert cette occasion de vous parler et nous espérons vous avoir donné une idée de l'ampleur du problème auquel votre comité est confronté. Quel que soit le système qui sera finalement mis en place, il est indispensable, dans l'intérêt de l'enfant, qu'il soit examiné périodiquement.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, madame Johnson.
À votre tour, madame Sekhar.
Mme Kripa Sekhar (coordonnatrice principale, Saskatchewan Action Committee, Status of Women): Je tiens à préciser tout de suite que mon mémoire est en anglais. Je ne veux pas perdre une partie du temps dont nous disposons à le lire, car nous avons un témoin dont je voudrais que vous entendiez l'histoire. Mon mémoire est donc uniquement en anglais. Acceptez-vous malgré tout que je vous le présente maintenant?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Certainement.
Mme Kripa Sekhar: Cela ne me fait pas déjà une minute de moins, j'espère?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Le chronomètre est en marche.
Mme Kripa Sekhar: Je voudrais faire quelques remarques. J'appartiens au Saskatchewan Action Committee, une organisation féminine vraiment de base. Nous avons presque quotidiennement affaire à ce genre de problème. Des femmes battues téléphonent constamment à notre bureau.
Je voudrais cependant souligner deux points importants. Si nous vous sommes très reconnaissantes d'avoir été invitées à témoigner, je dois dire que c'est faire peu de cas d'un problème aussi grave que de nous donner que cinq minutes pour en parler.
Nous regrettons également que certains membres du comité aient déjà fait connaître leurs vues sur l'orientation que le comité va prendre. Nous nous sentons un peu désavantagées à cause de cela.
Cela dit, je tiens à dire que nous donnons notre aval au mémoire de la NAWL et à celui de Vancouver, exactement comme...
La sénatrice Anne Cools: Monsieur le président, cette remarque était tout à fait déplacée et contraire au règlement; tout à fait déplacée.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui. Votre allégation était dirigée contre le comité ou contre ses membres. Voulez-vous poursuivre, ou voulez-vous vous expliquer?
Mme Kripa Sekhar: Je voudrais continuer, mais lorsque j'aurai terminé, je pourrai m'expliquer, monsieur Gallaway.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): De toute façon, nous sommes ici pour écouter votre exposé et non vos allégations ou vos opinions.
Mme Kripa Sekhar: Ce n'est pas une allégation. Ce qui nous inquiète, c'est que certaines opinions ont été rendues publiques, et que des commentaires ont été faits par des membres du comité au sujet de certaines questions.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Permettez-moi de vous dire tout de suite que les députés ont le droit d'avoir des opinions et de les exprimer. Vous qui comparaissez devant nous, n'appréciez peut-être pas ce que vous considérez comme l'opinion d'un de nos membres, mais dites-vous bien qu'il s'agit d'un comité qui voyage, d'un comité d'étude, et que les attitudes, les convictions et les valeurs de ses membres, ainsi que leurs conclusions peuvent fort bien changer.
Vous entendez peut-être des rapports de la presse, à la radio ou à la télévision. J'espère que vous avez l'esprit suffisamment délié pour comprendre que les médias n'offrent parfois qu'une version incomplète des propos d'une personne. Vous ne pouvez pas comparaître devant le comité et l'attaquer aussitôt. Ce que vous pouvez faire, par contre, c'est présenter votre exposé.
Cela dit, veuillez continuer.
Mme Kripa Sekhar: Cela dit, monsieur Gallaway, je sais très bien tout cela. J'y reviendrai cependant un peu plus tard.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Eh bien, écoutons votre exposé.
Mme Kripa Sekhar: Bien.
La sénatrice Anne Cools: J'estime que si le témoin a quelque chose à nous dire au sujet de la garde et du droit de visite, elle devrait le faire sans plus tarder, et que si elle ne veut pas en parler, elle devrait s'en aller.
Mme Kripa Sekhar: Je n'ai aucune intention de le faire. Je suis venue ici pour vous exposer les préoccupations d'un groupe important de femmes, et nous avons un témoin...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): N'allons pas plus loin. Présentez votre mémoire. Vous êtes venues pour cela, faites-le donc.
Mme Kripa Sekhar: Bien. Je voudrais que vous entendiez tout d'abord le témoin qui m'accompagne, après quoi, je reviendrai à certains points de mon document.
Mme Jeannette Gill-Skulski (Saskatchewan Action Committee, Status of Women): J'ai vécu deux unions très différentes qui se sont terminées par une séparation; dans les deux cas, il y avait des enfants en cause.
La première fois, j'étais mariée et j'ai eu deux enfants de ce mariage. Même si cela n'a pas marché entre nous deux, mon ancien époux est un homme de valeur, un père très affectueux et conscient de ses responsabilités, et il l'a toujours été. Il y a près de 14 ans que nous nous partageons la garde de nos enfants, et cela avec succès, sans aucune aide des avocats, des tribunaux ou des médiateurs. Cet arrangement marche bien parce que nous avons du respect l'un pour l'autre et que nous nous soutenons mutuellement pour toutes les décisions prises pour nos enfants, en particulier lorsque nous le faisons devant eux. Nous discutons toujours des grandes décisions à prendre avant que l'un ou l'autre n'en parle aux enfants, et nous ne nous critiquons jamais. Nos rapports sont si bons que mon ancien conjoint fait encore partie de la famille, et que nos enfants ont partagé bien des dîners et des sorties avec leurs deux parents.
La seconde fois, cependant, il s'agissait d'une union de fait de deux ans avec un homme coupable de violence physique, verbale et mentale non seulement à mon égard, mais aussi, dans une certaine mesure, à l'égard des deux enfants de mon premier mariage. Au cours de cette période, je me suis trouvée enceinte d'un troisième enfant, d'une fille. J'ai mis un terme à cette union alors que la petite avait à peine trois mois. Grâce à un livre que j'avais lu pendant ma grossesse, je me suis finalement rendu compte du cycle de violence dont j'étais prisonnière et que je voulais désespérément épargner à mes enfants.
• 1530
Au début, j'ai voulu laisser cet homme rendre visite à notre
fille, mais je me suis rendu compte que ce qui l'intéressait
surtout c'était de savoir où j'étais, avec qui, et d'essayer de me
faire reprendre la vie commune. Je me disais également que notre
séparation ne servirait à rien si je le laissais aussitôt prendre
ma fille pour en faire le témoin de sa prochaine relation de
violence. C'est la raison pour laquelle je lui ai refusé tout droit
de visite. J'ai cependant continué à encourager ses parents et sa
famille à voir sa fille, mais il les en a empêchés.
Dans un tel cas, le partage des responsabilités parentales aurait été impossible. Cet homme n'a jamais été un bon père pour notre fille, il ne m'a jamais respecté et je suis fermement convaincue qu'il était de beaucoup préférable que notre enfant ne soit pas exposé à son mode de vie violent. Elle connaît mon mari actuel depuis qu'elle a quatre mois, et il l'a adoptée lorsque nous nous sommes mariés. Il est le seul père qu'elle ait jamais connu et il a été pour elle un père bon, aimant et attentif. C'est une petite fille qui est très heureuse et qui réussit très bien à l'école, en sports et en musique. J'aime profondément ma fille, et j'estime avoir fait les choix appropriés pour elle et avoir toujours agi au mieux de son intérêt.
En résumé, je crois que lorsqu'elle est possible, la garde partagée fonctionne sans l'aide des avocats. Je suis convaincue que la plupart des mères aiment profondément leurs enfants et qu'elles ne les priveraient pas de la présence d'un père bon et aimant par pur esprit de vengeance. Peut-être y aura-t-il quelques erreurs de parcours au départ, mais une fois que les émotions se seront calmées, les deux parents comprendront ce qui convient le mieux à leurs enfants. Il est déjà bien difficile d'élever des enfants, et je crois que la plupart des mères préféreraient ne pas se retrouver seules avec leurs enfants ou gaspiller des milliers de dollars en honoraires d'avocat, alors que cet argent aurait pu être utilisé pour l'éducation de leurs enfants, si elles n'avaient pas de bonnes raisons d'agir ainsi.
C'est lorsqu'il y a violence, manque d'honnêteté et de respect que les gens se retrouvent devant un tribunal, et dans ces cas là, je ne crois pas qu'une loi qui impose le partage des responsabilités familiales soit la bonne solution. Je crains, en fait, que les résultats soient désastreux. Il est déjà suffisamment difficile pour les femmes d'échapper à une relation de violence, et de protéger leurs enfants contre celle-ci. Ce genre d'hommes se gardent bien de révéler leur véritable personnalité. En fait, certains d'entre eux sont d'habiles manipulateurs instruits et bien vêtus qui ont l'art de tromper les autres et de s'en faire des alliés.
Ce que je crains le plus c'est une loi qui imposerait la garde partagée ne permette à ces loups dans la peau d'un agneau, abrités derrière un groupe de soutien de parents maltraités, et prétendant n'avoir à coeur que l'intérêt supérieur de l'enfant, ne continuent à se montrer violents et dominateurs. Je ne dis pas du tout que tous les hommes ou femmes qui réclament bien fort la justice font partie de ces gens-là, et j'espère qu'il est possible de les aider. Ce que je veux dire c'est que la violence est un problème très répandu, que nous voulions le reconnaître ou non. Nous sommes entourés de loups dans la peau d'un agneau, et si nous voulons changer les lois, il faut le faire avec beaucoup de prudence, afin de ne pas donner à ces gens-là plus de pouvoirs qu'ils en ont déjà.
Ma solution, peut-être, dans les cas...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez largement dépassé le temps dont vous disposiez.
Mme Jeannette Gill-Skulski: Il ne me reste qu'un paragraphe.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Continuez.
Mme Jeannette Gill-Skulski: En cas de divorce, lorsque les deux parties ne sont pas d'accord sur l'arrangement relatif à la garde des enfants, le tribunal pourrait désigner un travailleur social ou envoyer un enquêteur afin de déterminer de quelle manière la famille fonctionnait avant et après la séparation, et ce ne serait qu'après une enquête approfondie, dans laquelle on entendrait les témoignages des enfants, des parents, de la famille élargie, des enseignants, des médecins, des amis intimes et des voisins, que les tribunaux pourraient vraiment prononcer un jugement équitable sur l'arrangement convenant le mieux aux enfants.
Je ne suis pas du tout d'accord avec ceux qui pensent que la décision devrait être uniquement fondée sur ce que demande l'enfant. Combien d'enfants savent vraiment ce qui est bon pour eux? Si c'était le cas, ils n'auraient pas besoin de parents. Je crois que cela placerait en fait l'enfant dans une situation de conflit encore plus grave. Si ces agresseurs sont capables de manipuler les adultes pour leur faire croire ce qu'ils veulent, imaginez l'impuissance d'un enfant. Je crois qu'en déjudiciarisant l'enquête, cela permettra non seulement de réduire les coûts et le temps des tribunaux mais permettra aussi de se faire une idée beaucoup plus exacte de ce qui se passe vraiment dans chaque cas.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Nous allons maintenant passer aux questions. Qui veut commencer? Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Je m'adresse au dernier témoin. Si je comprends bien, vous avez dit que vous en êtes à votre troisième relation et que vous vous êtes remariée.
Mme Jeannette Gill-Skulski: Oui.
M. Paul Forseth: Y a-t-il encore des questions à régler en justice, avec votre deuxième compagnon, par exemple, en ce qui concerne le droit de visite à son enfant?
Mme Jeannette Gill-Skulski: Non, mon époux a adopté l'enfant, et son père naturel n'a jamais eu de droit de visite.
M. Paul Forseth: D'accord. Le père naturel de votre fille n'essaie-t-il pas d'obtenir quelque chose?
Mme Jeannette Gill-Skulski: Non.
M. Paul Forseth: Bien. C'est tout ce que je voulais savoir. Merci.
Mme Jeannette Gill-Skulski: Il a essayé une seule fois, lorsque ma fille avait huit mois environ, mais lorsque j'ai présenté mes affidavits et la preuve de ses condamnations pour actes de violence, il a renoncé.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): À qui le tour? Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Julie, avez-vous des statistiques à nous donner sur le nombre de femmes victimes d'une relation de violence avec qui vous avez eu des contacts ou dont vous vous occupez dans votre organisation? Pourriez-vous nous donner des chiffres?
Mme Julie Johnson: Dans la mesure du possible, j'essaie d'éviter les statistiques. Premièrement, notre bureau bénéficie d'une subvention fédérale, mais celle-ci n'est que partielle, si bien que nous ne sommes ouverts que trois jours par semaine. J'ajouterai que j'ai eu mon «agence» chez moi pendant cinq ans et que je viens de m'installer dans des locaux du sous-sol du YWCA.
Je n'ai donc pas de statistiques à vous donner.
La sénatrice Mabel DeWare: Vous avez parlé d'agents. Avec combien d'agents travaillez-vous?
Mme Julie Johnson: D'agents de police?
La sénatrice Mabel DeWare: Oui. Lorsque vous avez utilisé ce mot, il s'agissait bien d'agents de police?
Mme Julie Johnson: Non, j'ai dit dans mon «agence».
La sénatrice Mabel DeWare: Mais vous avez dit quelque chose à propos des personnes avec qui vous travaillez.
Mme Julie Johnson: Dans mon mémoire?
La sénatrice Mabel DeWare: Non. Dans les commentaires que vous avez faits, il y a quelques minutes, j'ai cru que vous aviez parlé d'agents.
Mme Julie Johnson: Non, madame, j'ai parlé d'agence.
La sénatrice Mabel DeWare: D'accord.
Comme vous le savez, au cours du mois écoulé nous avons entendu de nombreux témoins, et comme vous le savez également, beaucoup d'entre eux sont des pères. Je crois que vous le savez parfaitement. Nous avons donc également des cas très solidement documentés de pères auxquels le droit de visite avait été refusé parce qu'on les avait faussement accusés de violence.
Quel est votre sentiment à ce sujet? Savez-vous quel est le rapport entre le nombre des fausses accusations et celui des accusations absolument confirmées par votre organisation?
Mme Julie Johnson: Non, mais ce que je sais, c'est que dans tous les cas dont je me suis moi-même occupée, il n'y a pas eu de fausses accusations, et la personne concernée a été inculpée ou bien l'allégation a été portée devant le tribunal.
La sénatrice Mabel DeWare: Bien entendu, vous parlez surtout de femmes qui ont été maltraitées et battues.
Mme Julie Johnson: C'est exact—je parle de femmes battues.
Mme Virginia Fisher: Pourrais-je ajouter un mot?
La sénatrice Mabel DeWare: Certainement.
Mme Virginia Fisher: Dans un article intitulé «C'est toujours le père qui a raison: Pourquoi les agresseurs obtiennent toujours la garde des enfants» du numéro du 24 mars de 1997 de The New Republic, il était dit que les recherches avaient montré que les mères sont plus enclines que les pères à porter de fausses accusations.
Lorsque je pratiquais le droit de la famille, un des cas les plus mémorables a été celui pour lequel j'étais le cinquième avocat à être engagé par une mère. La vie de chacun des avocats qui m'avaient précédée avait été menacée par le mari, le père de l'enfant.
Cet homme m'avait menacée de mort. Il avait aussi menacé de tuer les employés de mon bureau, ma secrétaire, etc. J'ai alors décidé que je n'abandonnerais pas la mère de l'enfant. Elle aurait été obligée de faire appel à un sixième avocat, et c'eût été une injustice à son égard.
Cet homme soutiendra jusqu'à la mort qu'il n'était pas violent. Il ne s'est pas présenté au cours du procès en divorce, alors qu'il demandait la garde de l'enfant. Il avait également été inculpé de voies de fait à l'égard de sa femme. Le jour du jugement, le tribunal de Vancouver a reçu un coup de téléphone, c'était une alerte à la bombe. Après que le juge a accordé la garde de l'enfant à la mère, le père, qui ne s'était même pas présenté, a téléphoné à mon bureau pour me dire que je pouvais me considérer comme morte. Il a ensuite menacé le juge. Il a été arrêté, inculpé et condamné et pourtant, il continuera à prétendre jusqu'à la mort que ces allégations étaient fausses.
Il est dont tout aussi facile d'invoquer de fausses allégations qu'il l'est d'en faire. Il faut réfléchir à deux fois avant de dire que si le père prétend qu'il n'est pas coupable, c'est qu'il ne l'est effectivement pas.
La sénatrice Mabel DeWare: Je crois que le comité va avoir bien des difficultés à faire la différence entre les cas dans lesquels le Code criminel entre en jeu et ceux dans lesquels c'est la Loi sur le divorce qui joue.
Voulez-vous faire une déclaration?
Mme Kripa Sekhar: Oui. Nous avons constamment affaire à ce genre de situation, et comme Julie, nous travaillons dans la collectivité. Nous ne sommes pas des avocats, nous ne sommes pas des travailleurs sociaux, mais nous avons des contacts avec les femmes qui vivent ce genre d'épreuves. Tout d'abord, il est très difficile pour une femme d'obtenir une ordonnance d'interdiction de communiquer à moins qu'il existe une preuve qu'un acte de violence a été commis, sous une forme ou sous une autre. Aucun agent de police ne se dérangera pour porter une accusation. Pour pouvoir alléguer l'existence de mauvais traitements, il faut tenir compte de nombreux facteurs.
L'autre chose qui nous préoccupe beaucoup, c'est qu'on s'engage dans une voie très dangereuse lorsqu'on commence à parler de cas de violence alors qu'il peut en fait s'agir uniquement de fausses allégations. Cela peut marcher dans certains cas, mais dans la plupart, j'en doute. C'est une façon de faire taire les femmes qui viennent de subir des violences en milieu familial et de les empêcher d'en parler. Si je suis victime de mauvais traitements, je n'en parlerai pas si je sais que dès le lendemain mon partenaire sera prêt à aller au tribunal pour soutenir que ce que je dis est faux, et que c'est lui qui est victime de harcèlement.
Je vous présente une vision hypothétique de ce genre de situation, mais nous l'avons aussi rencontrée dans la réalité. Nous avons parlé aux femmes concernées. Nous avons fait nos propres enquêtes pour savoir si c'était vrai ou non.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, sénatrice DeWare.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Merci. Peut-être pourrions-nous poursuivre un peu dans la même veine, car le comité a vraiment des difficultés à cerner le problème.
Il y a des sociologues qui, dans leurs témoignages, disent que les fausses allégations sont aujourd'hui l'arme favorite. Il est évident que certains pensent qu'on a conseillé aux femmes de l'utiliser. Même si cette situation ne se présente qu'une seule fois, il est indispensable d'engager les poursuites nécessaires pour dissiper le nuage de fausses allégations. Dès que nous disons, après tout, cela n'arrive pas souvent, et que nous laissons passer ne serait-ce qu'une seule fois, dans la pratique nous...
J'estime que porter de fausses allégations contre quelqu'un est très grave. Peut-être quelqu'un pourra-t-il nous dire si l'une de ces fausses allégations a jamais été confirmée, et si dans ce cas... Pensez-vous qu'on en ait laissé passer certaines sans intervenir et dont on devrait s'occuper pour éviter que les allégations qui sont justifiées ne soient pas mises en doute?
Mme Virginia Fisher: Je crains de ne pouvoir vous être d'aucune utilité à ce sujet, mais ce que je tiens à dire c'est qu'il existe un certain nombre de documents, Women and Children Last: The Plight of Poor Women in Affluent America entre autres, qui montrent bien... Et je sais, en tant qu'avocate spécialisée dans le droit de la famille, que des allégations de mauvais traitement ont souvent un effet contraire au résultat souhaité parce que la femme perd son image de gentillesse. C'est la raison pour laquelle de nombreux avocats disent, «Ne parlez même pas des mauvais traitements que vous avez subis, vous risquez de perdre la garde de votre enfant».
J'ai assisté à la séance de ce matin au cours de laquelle on a un peu parlé des rapports de garde et de droit de visite. Il y a six mois, j'ai vu un de ces rapports qui avait été préparé par un homme à Saskatoon. Le mari, qui a agressé sa femme, avait été inculpé et condamné. On le savait, cela figurait dans le rapport de garde et de droit de visite. Il avait plus tard été inculpé pour voies de fait à l'encontre de son nouveau partenaire. Cela figure également dans le rapport. La femme réclamait la garde exclusive de l'enfant à cause du danger auquel elle se sentait exposée et du caractère violent du père qui réclamait le partage de la garde. Il voulait coopérer—et ces gens-là paraissent toujours si coopératifs. En fin de compte, c'est le père qui a obtenu la garde exclusive de l'enfant, parce que c'est la mère qui avait donné l'impression d'être hostile.
Il faut donc me croire lorsque je dis que de porter des accusations de mauvais traitement contre le père n'est pas le meilleur moyen d'obtenir la garde exclusive de vos enfants.
Le sénateur Duncan Jessiman: Si les accusations sont vraies, c'est ce qui devrait pourtant se passer.
Mme Virginia Fisher: Elles ne le sont pas. Les tribunaux sont...
Le sénateur Duncan Jessiman: Une fois que vous les avez prouvées, ils...
Mme Virginia Fisher: Cet homme avait été déclaré coupable à deux reprises, mais cela ne l'a pas empêché d'obtenir la garde exclusive.
La sénatrice Anne Cools: Comment s'appelait cette affaire?
Le sénateur Duncan Jessiman: La loi prévoit actuellement qu'«En rendant une ordonnance conformément au présent article»... Il s'agit de la garde... «le tribunal ne tient pas compte de la conduite antérieure d'une personne, sauf si cette conduite est liée à l'aptitude de la personne à agir à titre de père ou de mère», Manifestement, dans votre cas, il y avait peut-être eu des condamnations antérieures pour violence, mais la loi dit que l'on ne doit pas en tenir compte—le juge peut user de son pouvoir discrétionnaire—à moins que la conduite ne soit liée à l'aptitude de cette personne à agir à titre de père ou de mère. Cela ne signifie pas que la cliente, si vous représentez la mère, ne devrait pas faire état des mauvais traitements subis par elle; il demeure que ceux-ci remontent à une période antérieure à la demande de garde.
Mme Virginia Fisher: Sénateur, ce que je demande, et ce que demandent beaucoup de femmes dans notre pays, c'est que la loi soit modifiée afin de préciser que le fait d'avoir commis antérieurement des actes de violence en dit long sur votre aptitude à agir à titre de père ou de mère. Comme le rapport de la Colombie-Britannique le précisait, les hommes qui brutalisent leurs femmes ne devraient pas être considérées comme des parents acceptables. Leur conduite crée une mauvaise impression.
Le sénateur Duncan Jessiman: Non, mais ce que vous...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénateur Jessiman, vous avez interrompu Mme Bennett.
Le sénateur Duncan Jessiman: Excusez-moi.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons vous mettre sur la liste et votre tour viendra tout à l'heure.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je parlerai plus tard.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Revenons à la question de Mme Bennett.
Mme Carolyn Bennett: À la non-question venue de l'autre côté?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'ai l'impression de perdre un peu le contrôle du débat, cet après-midi.
Mme Carolyn Bennett: Il y a manifestement des gens qui voudraient apporter beaucoup de changements à la loi afin de mieux l'axer sur les besoins des enfants et de s'assurer dans toute la mesure du possible que les gens règlent leurs affaires en dehors du tribunal. Vous avez clairement montré que lorsqu'il y a des actes de violence antérieurs, la situation se présente sous un jour totalement différent. Lorsque la violence n'entre pas en ligne de compte, les approches telles que la médiation paraissent convenir, et peut-être pourrions-nous traiter en priorité des arrangements tels que la conciliation.
Ce qui m'inquiète cependant c'est que si les cas de violence sont plus fréquents dans les situations très conflictuelles, celles qui sont portées devant le tribunal, il peut aussi y avoir eu de mauvais traitements lorsqu'il s'agit de personnes qui acceptent de signer un accord de divorce sans aller jusqu'au tribunal; et s'il n'y en a pas eu, il y a en tout cas un déséquilibre des forces qui transparaît dans le fait que l'accord signé n'est pas toujours dans l'intérêt supérieur des enfants. S'il y avait un moyen d'éduquer les gens avant qu'ils signent quoi que ce soit, peut-être pourrions-nous commencer à libérer certains de ces...
Une voix:
[Note de la rédaction: Inaudible]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Attendez un instant. Laissez-la continuer, je vous en prie. Ce sont simplement ces termes-là qu'elle utilise.
La sénatrice Anne Cools: Ah bon!
Mme Carolyn Bennett: Ne devrait-il pas y avoir un cours quelconque à l'intention des personnes qui veulent présenter une demande de divorce? Cela leur permettrait de découvrir le smorgasborg de choix qui existent et éviterait peut-être à certains d'aller au tribunal.
Mme Lynanne Beck (Saskatchewan Action Committee, Status of Women): Puis-je répondre? Je suis une mère divorcée. Mon problème, comme vous l'avez dit, tenait au fait qu'on ne m'avait pas dit ce qu'il fallait faire. Je venais d'ailleurs que de Regina et je ne connaissais pas les options qui m'étaient offertes. Je ne savais pas vraiment ce qui c'était passé dans le premier mariage de mon conjoint. Je savais que la garde de ses enfants n'était pas également partagée entre lui et sa femme. Tout simplement, celle-ci était partie et avait été obligée, du moins le pensait-elle, de laisser ses cinq enfants derrière elle. Par la suite, trois d'entre eux étaient retournés vivre avec elle. J'ai élevé les deux autres et nous avons nous-mêmes eu un enfant.
L'affaire fut finalement portée devant le tribunal où cette femme intervint d'ailleurs en ma faveur parce que ses enfants avaient été dressés contre elle. Ce n'est qu'au bout de plusieurs années... Lorsque j'ai vu ce qui se passait, ce que cet homme avait fait et ce qui s'était produit dans son mariage, j'ai également compris ce qui allait se passer dans mes rapports avec le fils dont j'essayais d'obtenir la garde.
J'ai demandé au tribunal de me fournir un conseiller, uniquement pour l'enfant, quelqu'un qui... Les avocats, tout le monde en fait, s'y est totalement opposé en disant que l'enfant estimait lui-même ne pas avoir besoin de counselling. Les services chargés de la garde et du droit de visite révélèrent qu'il y avait un détournement de l'affectation de mon enfant à mon égard, et bien que le processus se soit poursuivi neuf mois de plus, qu'il y ait eu un rapport et que tout le monde le sût, on ne fit absolument rien pour aider mon enfant. À la conclusion du procès, c'est mon ex-conjoint qui obtint la garde de mon fils, et je suis censée voir un psychologue. Même cela n'a pas marché.
Je me retrouve donc devant le tribunal où je me représente moi-même, car il ne me reste plus rien. Mon fils a maintenant 15 ans. On lui interdit de me téléphoner. Si j'essaie de lui téléphoner, il se contente de me répondre, «Je ne peux pas te parler» et il raccroche.
À mon avis, cet enfant a été totalement trahi par la justice. J'ai constamment demandé qu'on désigne quelqu'un pour l'aider. Je n'ai rien demandé pour moi. J'ai dit «Aidez-le. Pourquoi a-t-il cette attitude?» Comme elle vient de le dire, que vous fassiez appel à l'école, à la communauté, à l'église... On vous répond qu'on n'y peut rien. Pourtant, tous ces gens-là voient bien ce qui s'est passé, ils connaissent la situation, mais ils vous disent qu'il n'y a rien à faire.
• 1550
Mon ex-conjoint a écrit à la direction de l'école lorsque j'ai
demandé à celle-ci de m'aider à savoir pourquoi mon fils avait de
mauvaises notes, puisque je ne pouvais pas intervenir moi-même. On
m'a rappelée et on m'a dit «Il a eu vent de votre appel, et nous ne
voulons pas nous mêler de cette affaire car nous ne connaissons pas
les tenants et les aboutissants de votre divorce».
Je me suis dit que je n'étais plus rien. J'ai le droit de visite, et je voudrais donc que le comité me dise pourquoi, malgré un jugement qui stipule que je peux voir mon fils une fin de semaine sur deux, et que j'ai toutes sortes d'autres droits, rien n'a marché? Pourquoi le système judiciaire demeure-t-il indifférent au fait que je ne peux pas faire appliquer le jugement? Pourquoi dois-je être financièrement saignée à blanc? Je n'ai pas les moyens d'engager une nouvelle action en justice, je vais perdre mon fils et je vais être obligée d'attendre pendant des années. Dans une certaine mesure, il va devenir dysfonctionnel. Que puis-je faire d'autre?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Avant de donner la parole à la sénatrice Cools, je précise que j'avais oublié de demander quelque chose à Mme Fisher. Vous avez mentionné une cause. À titre d'information, pourriez-vous nous donner la citation?
Mme Virginia Fisher: Laquelle?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous y avez fait allusion au cours de votre discussion avec le sénateur Jessiman...
Mme Virginia Fisher: Non, je le regrette, c'est impossible. J'ai essayé d'apporter ce rapport sur la garde et le droit de visite mais je n'ai pas pu m'entendre avec les avocats.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous n'avez peut-être pas ce rapport avec vous, mais pourriez-vous le fournir au greffier.
Mme Virginia Fisher: Je peux essayer.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Y a-t-il un compte rendu?
Mme Virginia Fisher: Je n'en sais rien. Comme je ne pratique plus, c'est un peu par hasard que j'ai découvert ce compte rendu.
La sénatrice Anne Cools: Si vous aviez les noms...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): En effet.
Mme Virginia Fisher: Je vais essayer de le trouver.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Merci.
Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci, monsieur le président. J'ai d'autres questions à poser. Elles s'adressent aux lobbyistes, à l'Association provinciale des maisons de transition.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.
La sénatrice Anne Cools: Merci.
Vous représentez l'Association provinciale des maisons de transition de la Saskatchewan. Pourriez-vous nous parler un peu de vos clients, des personnes à qui vous offrez vos services?
Pourriez-vous me dire de combien de femmes vous vous êtes occupés l'an dernier? Combien d'entre elles étaient des femmes battues et combien de ces dernières étaient en instance de divorce.
Mme Virginia Fisher: Nos membres sont constitués par les maisons de transition de la Saskatchewan. L'an dernier, comme presque chaque année, ces maisons de transition ont accueilli 2 000 femmes et enfants. Elles ont été obligées de refuser 4 000 femmes et enfants parce qu'il n'y avait pas suffisamment de foyers pour les femmes qui ont besoin d'un abri où elles seront en sécurité.
La sénatrice Anne Cools: Je ne parle pas des femmes et des enfants. Ce que nous essayons de savoir, c'est de combien de femmes il s'agissait.
Mme Virginia Fisher: Pour chaque femme accueillie dans nos foyers, il y a environ 2,5 enfants.
La sénatrice Anne Cools: Bien, vous avez donc le nombre de femmes.
Mme Virginia Fisher: Je ne l'ai pas en tête.
Le sénateur Duncan Jessiman: Prenez le nombre total et divisez-le par 3,5.
La sénatrice Anne Cools: Je demande des renseignements très simples au sujet de ceux de vos clients qui ont besoin d'aide et de soutien. Les décideurs que nous sommes ont besoin de cette information. Je ne vous demande rien d'aussi compliqué qu'un profil...
Mme Virginia Fisher: En fait, sénatrice Cools, l'enquête de 1993 sur la violence envers les femmes indique très précisément ce qu'est la population de femmes battues au Canada, et il est possible d'en extrapoler les statistiques pour la Saskatchewan.
Nous nous occupons que de six à huit pour cent des femmes battues de la Saskatchewan. Nous sommes donc loin de servir la totalité des femmes maltraitées.
La sénatrice Anne Cools: J'essaie simplement d'amener le témoin à me dire quelle est la population de clients qu'elle est venue représenter ici. Je pose une question très simple sur le nombre de femmes dont ces organismes se sont occupés l'an dernier, sur le nombre de femmes battues l'an dernier, et sur le nombre de femmes battues qui étaient en instance de divorce.
Mme Virginia Fisher: Je n'ai pas ces statistiques sous la main. Nos foyers ne tiennent pas une liste des femmes qui sont, ou ne sont pas en instance de divorce. Notre seule préoccupation est leur sécurité.
La sénatrice Anne Cools: Comment savez-vous, alors, si ces personnes sont en instance de divorce? Vous dites que vous les représentez et...
Mme Virginia Fisher: Non, je n'ai jamais dit cela.
La sénatrice Anne Cools: Monsieur le président...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Laissez-la parler.
Continuez, sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: J'essaie simplement de me faire une idée du problème. Je vais poser la question et je vais...
Mme Virginia Fisher: Je ne pense pas pouvoir vous aider, sénatrice.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Laissez-la poser la question.
Mme Virginia Fisher: Mais elle va poser la question, je vais lui dire ce que je pense, et cela ne va pas marcher.
La sénatrice Anne Cools: Cette remarque est tout à fait irrégulière.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Un instant. Sénateur Jessiman, un moment, s'il vous plaît.
Si vous ne pouvez pas répondre à la question, dites-le.
Mme Virginia Fisher: J'ai déjà dit que je n'avais pas ces statistiques sous la main.
La sénatrice Anne Cools: Vous avez dit que vous n'avez pas de statistiques sur le nombre de femmes dont votre organisme s'est occupé, ni sur le nombre de celles qui ont été battues et, parmi celles-ci, de celles qui étaient en instance de divorce...
Mme Virginia Fisher: Mais je pourrais les obtenir.
La sénatrice Anne Cools: Laissez-moi finir.
Mme Virginia Fisher: Mais pas les chiffres concernant les personnes divorcées car nous ne les conservons pas.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je vous en prie, laissez-la finir. Voilà le problème.
Mme Virginia Fisher: Je le répète, je ne les ai pas sous la main, mais je pourrais les obtenir.
La sénatrice Anne Cools: C'est de l'agression pure et simple.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Un instant, s'il vous plaît. Si vous voulez finir votre question, sénatrice Cools, faites-le.
La sénatrice Anne Cools: Merci.
Si nous comprenons bien, vous n'avez aucune statistique des services fournis par vous.
Mme Virginia Fisher: Je ne les ai pas avec moi. Ce n'est pas mon rôle de m'en occuper. Vous n'avez pas entendu mes déclarations préliminaires, si bien que vous...
La sénatrice Anne Cools: Je ne suis pas...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Laissez-la finir, je vous en prie, sénatrice. Laissez-la finir.
Mme Virginia Fisher: Vous avez donc manqué la partie où je disais que ce qui est le plus important pour nous c'est de continuer à nous instruire et à instruire les autres au sujet de la dynamique de la violence familiale envers les femmes et les enfants. Notre rôle n'est pas de recueillir des statistiques.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Une dernière question, sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: J'ai deux ou trois questions à poser.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien.
La sénatrice Anne Cools: Si j'interprète bien la réponse du témoin, elle n'a aucune statistique sur les services fournis à sa propre clientèle.
Je souhaiterais que deux ou trois autres points soient inscrits à l'ordre du jour. Je n'ai pas le compte rendu de l'affaire devant moi mais j'ai entre les mains une coupure de presse du 28 octobre... [Note de la rédaction: Inaudible]... du Toronto Star, dont le titre est «Une maman déclare au tribunal qu'elle a tué sa petite fille pour la protéger». Le sous-titre dit «Elle croyait à tort que son ancien mari maltraitait sa fille»; c'est un article sur une femme qui croyait à tort que son mari maltraitait sa fille et avait tué celle-ci pour la protéger.
Ma question aux témoins est la suivante: L'agression et la manipulation sont-elles un problème humain ou, au contraire, un problème de sexe? Autrement dit, les hommes sont-ils seuls coupables d'agression, de tromperie et de malhonnêteté, et la bonté et l'altruisme n'existent-ils que chez les femmes? Si nous voulons parler d'agression, domaine que j'ai étudié toute ma vie, faisons-le tout de suite.
Mme Virginia Fisher: Avez-vous lu l'ouvrage de Anne Campbell, Men, Women and Aggression?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Voulez-vous, s'il vous plaît, répondre à la question?
Mme Virginia Fisher: Elle a dit qu'elle l'avait étudié, et je me demandais si nous pouvions en parler.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez entendu la question. Nous ne pouvons pas y répondre par une autre question.
Mme Virginia Fisher: D'accord. Certes, il y a des cas d'agressivité chez les femmes comme chez les hommes. Il est possible que, fondamentalement, cette agression ait un caractère différent. La loi ne doit jamais être fondée sur les cas d'exception.
La sénatrice Anne Cools: Je suis tout à fait d'accord.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Quelqu'un d'autre a-t-il une remarque à faire?
La sénatrice Anne Cools: Puis-je poursuivre? L'agression est-elle une question de problématique homme-femme ou est-elle en fait un problème humain?
Mme Kripa Sekhar: Je préfère ne pas répondre à cette question. Ce n'est pas sous cet angle que nous examinons les questions ou que nous présentons les problèmes. Nous essayons de nous attacher à l'aspect humain de la vie de nombreuses femmes, un point c'est tout, sénatrice. Nous nous efforçons simplement de brosser un tableau réaliste de la situation. Nous sommes en contact avec des femmes qui ont vécu ce genre de situation, et nous ne sommes pas venus ici pour en minimiser la gravité.
Je vous remercie.
La sénatrice Anne Cools: À mon avis...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pourrions-nous avoir une réponse définitive?
Mme Julie Johnson: Oui. Il est très traumatisant pour un enfant d'être témoin d'actes de violence commis par son père ou sa mère.
La sénatrice Anne Cools: Effectivement. Vous considérez donc que l'agression et la violence sont indésirables et inacceptables, un point c'est tout. C'est bien cela?
Mme Julie Johnson: Oui.
La sénatrice Anne Cools: Tout ce que je demandais aux témoins c'était de me dire ce qu'ils pensent du recours à l'agression et à la violence dans le cadre de relations intimes, c'est tout.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien.
Sénateur Jessiman.
La sénatrice Anne Cools: Pourrais-je...?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Non, vous avez largement dépassé le temps dont vous disposiez.
La sénatrice Anne Cools: D'accord.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je renonce au temps qui m'est imparti.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord.
Vous pouvez poser encore une question, mais ce sera la dernière. Soyez brève.
La sénatrice Anne Cools: Je voudrais déclarer, aux fins du compte rendu, qu'il y a quelques années, le projet de loi C-68 nous avait été soumis. Mme Jill Hightower avait alors comparu devant nous, ainsi que Mme Virginia Fisher. Je crois qu'à l'époque j'avais déjà essayé d'obtenir ce genre de renseignements de Mme Fisher, c'est-à-dire un profil, une idée de ce qu'étaient ses clients.
Mme Fisher nous avait alors dit que 46 p. 100 des femmes tuées par leurs époux l'avaient été avec des armes à feu. Elle nous avait également déclaré que 50 000 femmes vivaient dans des foyers où il y avait des armes à feu et qu'elles craignaient pour leur vie. Lorsque nous lui avions demandé combien de femmes bénéficiaient des services de ces organismes et avaient été tuées par leurs maris avec des armes à feu, elle avait refusé de nous donner des chiffres en invoquant diverses raisons, «Je n'ai pas les chiffres en tête» ou «Nous n'avons pas assez d'argent pour assurer le suivi des femmes qui quittent le foyer».
J'estime, mes chers collègues, que nous allons être obligés, à un moment ou à un autre, de placer les témoins sous serment. Voilà ma première remarque. Deuxièmement, je considère, honorables sénateurs, que la violence en milieu familial est un phénomène beaucoup trop sérieux, beaucoup trop grave, pour qu'on l'occulte ou qu'on en minimise l'importance de quelque façon que ce soit. À mon avis, les souffrances des hommes, des femmes et des enfants victimes de violence familiale méritent notre attention et ne devraient pas être traitées à la légère. Je tenais à le dire.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, sénatrice.
Je vous remercie d'être venue. La première heure de l'audience de cet après-midi a été très intéressante.
Un témoin: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous allons maintenant demander au groupe de six personnes dirigé par M. Morsky, de bien vouloir comparaître.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre ce groupe.
Commençons par monsieur Seitz.
M. George Seitz (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je voudrais...
M. Paul Forseth: Excuse-moi, madame la présidente. Je voulais revenir sur ce que la sénatrice Cools disait au sujet de la vérité.
La sénatrice Anne Cools: Oui.
M. Paul Forseth: Je tiens à rappeler aux personnes qui comparaissent devant le comité que ce que nous recherchons, c'est la vérité. Ce souci s'étend à vos témoignages.
Je tiens à rappeler à ceux qui m'écoutent l'existence de l'ouvrage Le privilège parlementaire au Canada de Joseph Maingot, ainsi que Beauchesne, article 109, sixième édition, 1989, qui dit:
Dans toute autre juridiction, il existe une protection.
Je rappelle cependant aux témoins de ne pas dénigrer les individus. Nous ne sommes pas ici pour revenir sur des affaires déjà réglées. Contentez-vous de préciser les circonstances afin de donner un contexte aux recommandations que vous soumettez au comité, car celui-ci a lui-même pour mandat de recommander des changements législatifs au gouvernement.
J'espère que vous tiendrez compte de ces observations. Veuillez continuer.
M. George Seitz: Bonjour. Je vous souhaite à tous la bienvenue à Regina.
Premièrement, je remercie le comité d'avoir accepté de m'entendre cet après-midi, et je tiens à remercier tout particulièrement les personnes à qui je dois cette possibilité.
L'affaire à laquelle je suis partie, Seitz v. Seitz, porte le numéro 36 et a été instruite en 1996, au centre judiciaire de la Cour du Banc de la Reine à Regina, en Saskatchewan.
Je suis membre de la National Shared Parenting Association dont je partage totalement l'objectif qui est de promouvoir le bien-être des enfants en recommandant une participation pleine et égale du père et de la mère aux responsabilités parentales ainsi que le maintien de la famille élargie. Je soutiens également le maintien du rapport entre parents et enfants, qu'il s'agisse de familles intactes ou de familles en instance de séparation ou de divorce.
Je pense que tout le monde dans cette salle est d'accord avec moi lorsque je dis que les familles canadiennes connaissent aujourd'hui de sérieux problèmes et que j'estime que le bien des enfants doit passer avant tout le reste.
Nous devons tous nous assurer que les enfants bénéficient des soins appropriés. Il ne faut pas non plus oublier les nombreux enfants aujourd'hui adultes qui ont besoin qu'on les aide à guérir. Il ne faut plus que nous tombions dans le piège des querelles et des reproches que l'on se jette mutuellement à la tête ni dans celui des chiffres que l'on trouve dans les études. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est bien parce que ces chiffres et ces problèmes existent, n'est-ce pas?
Je suis scandalisé par la manière dont les enfants sont utilisés et exploités par leurs parents qui en font des armes pour punir et blesser leurs conjoints, celle dont ils sont exploités dans le cadre de la propagande politique de groupes d'intérêts qui considèrent que les enfants et les mères constituent un tout indissociable. Ces enfants sont utilisés comme véritables pions par le système juridique pour régler les problèmes de biens et d'argent. Il est tout à fait clair pour moi que la loi prime sur les familles dans les tribunaux de droit de la famille.
Bien trop de cas sont jugés en vertu de lois qui favorisent un parent par rapport à l'autre, de lois qui déterminent le rôle que l'on joue dans la société en fonction du sexe à la naissance. Les responsabilités familiales et les paiements ne devraient plus être déterminés selon le sexe du parent.
Mes suggestions ne portent que sur un faible pourcentage de questions liées aux difficultés auxquelles je me suis heurté lorsque j'ai voulu conserver mon rôle de parent. Mes préoccupations ne se limitent pas à mes deux enfants—Jordan, huit ans et Magda, quatre ans—elles s'étendent à tous les enfants du Canada qui se retrouvent sans père ou sans mère.
Pendant les 21 mois des 27 mois pendant lesquels j'ai lutté pour défendre les besoins et les droits de Jordan et de Magda, ainsi que les miens, j'ai été mon propre avocat dans un système judiciaire purement accusatoire. Au cours de cette période, j'ai eu affaire à des travailleurs sociaux et des fonctionnaires ignorants et réticents; j'ai été témoin de comportements insouciants de la part des avocats; et je me suis heurté aux préjugés et aux jugements présomptueux de juges. Je suis un père aimant et attentif, comme le décrit un rapport sur la garde et le droit de visite; pourtant, je ne suis plus aujourd'hui qu'un simple visiteur dans la vie de mes enfants.
Premier point: dans tout le Canada, les enfants se voient refuser le droit d'une participation égale de leurs deux parents à leur vie après la séparation et le divorce. L'épanouissement d'un enfant est totalement tributaire de ses rapports avec son père et sa mère.
Deuxième point: tous les jours au Canada, des enfants sont enlevés à l'un de leurs deux parents—habituellement le père—aux membres de leur famille élargie et à leurs amis. Dans la plupart des cas, leur garde est confiée à des mères en colère et vindicatives. Les enfants semblent être devenus la propriété du conjoint qui a leur garde et ils sont utilisés comme instruments de contrôle de l'autre parent. Les conjoints qui ont la garde les utilisent également pour obtenir des avantages financiers.
Troisième point: des parents en colère et vindicatifs ont souvent recours à de fausses allégations de violence à l'égard du conjoint et de l'enfant.
Quatrième point: les parents et les enfants se trouvent plongés dans la pauvreté à cause de la séparation et du divorce. Et effectivement, il y a aussi des pères dans cette situation.
• 1610
Solutions possibles: Premièrement, éviter que le dilemme
familial ne soit traité dans le contexte d'un système accusatoire.
J'estime qu'il y a une manière moins controversée de traiter les
cas d'éclatement de la famille autre que la méthode actuelle qui
fait les beaux jours de l'industrie du divorce.
Je pense qu'il est possible d'établir un plan efficace de partage des responsabilités familiales et de le mettre en oeuvre. On peut utiliser pour cela un modèle de planification autour d'une table; j'expliquerai plus tard au comité comment il fonctionne.
Le partage obligatoire des responsabilités parentales: pour toutes les séparations et divorces de couples ayant des enfants, il faut immédiatement mettre en oeuvre des mesures de partage des responsabilités parentales afin de préserver les droits et les besoins des enfants. Cet arrangement devrait être codifié. Toutes les ordonnances relatives aux enfants dont les parents sont séparés doivent prévoir la présentation au tribunal d'un accord de partage des responsabilités parentales dans les deux semaines qui suivent la séparation, à moins qu'un des parents ne soit déclaré incompétent ou ne souhaite renoncer au droit d'exercer ses responsabilités. Le parent qui se refuse à prendre des décisions conjointes avec l'autre parent, même par le biais de la médiation, ne jouira pas d'un droit égal d'exercice de ses responsabilités parentales tant que sa conduite n'aura pas changé.
Un processus simple devrait être prévu pour les parents qui souhaitent recouvrer leurs droits parentaux lorsqu'ils les ont perdus dans le courant des cinq années précédentes à la suite d'une décision judiciaire. Une enfant de moins de 18 ans ne doit jamais perdre le droit d'obtenir que ses deux parents assument la responsabilité de leur éducation scolaire et religieuse ainsi que de leurs frais médicaux et dentaires. Les deux parents doivent assumer également les autres responsabilités matérielles, y compris le coût de transport de leurs enfants entre les domiciles des deux parents. Ces derniers devraient être encouragés à passer autant de temps que possible avec leurs enfants, sans qu'aucune restriction financière ne leur soit imposée pour cela.
En fonction des besoins, des travailleurs sociaux et des spécialistes devraient être assignés auprès de la famille dès que le tribunal sait qu'il y a eu séparation. Le travailleur social surveillera les parties concernées au cours des étapes initiales de la séparation et il aidera la famille afin que les besoins et les droits des enfants soient satisfaits.
Des cours d'instruction obligatoires, un processus de médiation et de counselling devrait être utilisé pour les parents qui ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le partage de leurs responsabilités parentales après la séparation et le divorce; les arrangements suivants devraient également être obligatoires: éducation et counselling dans les écoles à l'intention des enfants; formation spéciale de ceux qui s'occupent des familles avant, pendant et après la séparation et le divorce; campagnes de sensibilisation énergiques faisant surtout appel aux médias afin d'informer les gens de l'énorme problème social actuel.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Excusez-moi de vous interrompre, mais vous avez dépassé vos cinq minutes. Avez-vous presque terminé?
M. George Seitz: Presque.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Veuillez donc passer tout de suite aux recommandations.
M. George Seitz: J'y arrive. Excusez-moi.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Bien. Nous pourrons y revenir au cours de la discussion. Autrement, vous allez empiéter sur le temps alloué aux autres.
M. George Seitz: Il faudrait lancer des campagnes visant tous les groupes d'âge, afin de créer une réalité différente de celle dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Les fausses allégations ne devront plus être tolérées et leurs auteurs devront être sévèrement punis. Les lois et dispositions législatives utilisées lorsqu'il y a éclatement de la famille devraient être revues, par exemple la Victims of Domestic Violence Act, la loi sur les biens matrimoniaux, et la Children's Law Act.
J'en aurais plus à dire, mais je vais...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Vous pourrez probablement le faire tout à l'heure à l'occasion d'une question. Nous allons maintenant donner la parole à monsieur Morsky.
M. Wayne Morsky (témoignage à titre personnel): Merci. Bonjour, mesdames et messieurs. Je voudrais, moi aussi, vous souhaiter la bienvenue à Regina.
Mon exposé comporte trois volets. Le premier est un résumé de ma propre situation. Le second comporte un certain nombre de recommandations. Le troisième offre quelques exemples concrets de la manière dont ces recommandations pourraient être appliquées.
Il y a cinq ans et demi, mon fils de six ans et ma fille de quatre ans ont été emmenés par leur mère à 300 kilomètres de chez moi. Pendant cette période, ma proche famille et moi-même avons effectué en moyenne 40 aller-retours de 600 kilomètres pour rendre visite à mes enfants et nous occuper d'eux. Les arrangements relatifs au partage des responsabilités parentales ne permettaient à mes enfants de ne passer que 20 p. 100 de leur temps avec leur père.
À cause du système de divorce en vigueur dans notre pays, ces deux enfants ont été privés du temps qu'ils auraient pu passer avec leur père. Ils ont été ainsi privés d'un droit qui est, je crois, inscrit dans la Convention des Nations Unies relative aux enfants.
J'estime que le système de divorce au Canada devrait être revu de manière à ce que les droits fondamentaux d'un enfant puissent être vraiment établis en fonction de ses besoins. À mon avis, et dans toute la mesure du possible, ce sont les parents qui devraient d'abord déterminer le mode de partage de leurs responsabilités parentales dans cette perspective. Deuxièmement, des professionnels tels que des médecins, des éducateurs, des représentants des autorités religieuses, etc., devraient intervenir. Troisièmement, ce n'est qu'après l'échec de toutes leurs tentatives, que le système judiciaire devrait entrer en jeu.
En utilisant une telle méthode, la société place la décision concernant les responsabilités parentales entre les mains des personnes les plus compétentes, autrement dit, les parents ou les personnes qui ont la formation appropriée. Le partage à égalité des responsabilités parentales, en fonction des besoins des enfants, doit être l'objectif de toutes les personnes concernées.
• 1615
Je crois que si l'on éliminait le processus accusatoire, on
pourrait améliorer le dialogue et la communication entre les
parents. Je vais vous donner un exemple. Je suis séparé et divorcé
depuis six ans de la mère de mes enfants, et pendant tout ce temps
là, la communication a été très mauvaise et ne s'est jamais
améliorée.
Elle n'a commencé qu'à s'améliorer qu'il y a environ huit mois lorsque nous avons cessé tous les deux d'utiliser nos avocats. L'amélioration a été lente mais régulière, et elle se fait au moins dans l'intérêt supérieur de nos enfants.
Je voudrais vous donner un autre exemple d'une recommandation que j'ai présentée au sujet du plan du partage des responsabilités familiales. Je me suis récemment remarié. La femme que j'ai épousée a vécu exactement la même situation que moi: elle a deux enfants, et elle a divorcé exactement à la même époque que moi.
Ma nouvelle épouse et son ancien conjoint ont dépensé 50 $ pour divorcer. Les arrangements concernant le partage des responsabilités parentales sont excellents. Les enfants vont librement d'un parent à l'autre.
Je ne prétends pas qu'il y a vraiment une différence entre ces deux enfants et les miens, mais je sais que j'ai dépensé des sommes astronomiques en comparaison de mon épouse. Le temps et l'énergie dépensés ont également été énormes, et je note tout de même certaines différences entre les quatre enfants à cause de ce qu'ils ont vécu.
Pour terminer, voici une question qui m'est souvent posée par mes enfants et aussi dans le cadre de mon travail. Je travaille avec beaucoup de gens et je me considère tout à fait capable de faire face à une foule de problèmes professionnels, mais je n'ai jamais réussi à donner une réponse satisfaisante à mes enfants lorsqu'ils posent la question suivante: Pourquoi, papa, ne pouvons-nous pas passer la nuit chez toi? Pourquoi, papa, sommes-nous obligés de rentrer à la maison à 8 heures du soir? Maintenant que j'ai vécu tout cela, j'espère ne plus jamais entendre cette question, et j'espère qu'aucun enfant ne sera jamais plus obligé de la poser.
En résumé, au cours d'une des audiences précédentes, la sénatrice Cools a cité un poème, et je voudrais moi-même vous lire une brève citation qui me paraît tout à fait pertinente pour tous ceux qui sont ici:
Dans 100 ans, la voiture que je conduis, la maison dont je suis propriétaire ou l'argent que j'ai en banque n'auront plus aucune valeur, mais le monde sera peut-être différent parce que j'aurai joué un rôle important dans la vie d'un enfant.
Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
George Charpentier.
M. George Charpentier (témoigne à titre personnel): Premièrement, je vous remercie de m'offrir l'occasion de témoigner devant vous. Comme je suis de Saskatoon, je me permettrai de vous souhaiter la bienvenue en Saskatchewan.
Je suis heureux que notre Parlement ait jugé bon d'établir votre comité, et je sais combien vous êtes occupés. Je ne vous envie pas votre tâche, mais je tiens à vous remercier d'être si disposés à nous écouter.
Il y a un peu plus de deux ans, en rentrant du travail j'ai découvert que ma maison avait été vidée de la moitié des meubles, et ce qui était bien pire, que tout ce qui me restait de ma fille qui était un bébé à l'époque, c'était un cintre pour vêtement d'enfants et une boîte qui avait autrefois contenu un jouet.
Depuis le début de cette instance de divorce, j'ai appris beaucoup de choses sur l'institution qu'est le divorce au Canada. J'ai résumé ma réflexion dans les recommandations suivantes:
Premièrement: que l'importance du rôle de parent soit affirmée à nouveau, et que la contribution du père et de la mère, à tous les aspects de la vie d'un enfant soit jugée suffisamment importante pour être codifiée. De plus, il conviendrait que les droits et responsabilités des deux parents soient clairement définis. Les recherches montrent que les pères, au même titre que les mères, contribuent à l'équilibre émotionnel de l'enfant. Il est grand temps de reconnaître que le rôle du père après le divorce est bien plus qu'une présence au moment de la conception et pour déterminer le niveau approprié de sa contribution financière.
Deuxièmement: Que le partage des responsabilités parentales et non la garde exclusive soit une présomption légale au Canada. Ceux qui veulent obtenir la garde exclusive de l'enfant devraient être tenus d'exposer leurs motifs ou, comme le suggérait M. Morsky, si vous ne voulez pas de vos enfants, dites-le. Un enfant a le droit d'être élevé à la fois par sa mère et par son père. La présomption légale selon laquelle la mère obtient la garde exclusive de l'enfant prive celui-ci de la présence paternelle.
Troisièmement: Qu'une fausse accusation de violence à l'égard des enfants et de violence familiale donne lieu à des sanctions sévères. La violence à l'égard d'un enfant ou du conjoint est inadmissible; ceux qui en sont responsables devraient être punis. Sur ce point, je suis tout à fait d'accord. Cependant, étant donné le mépris dans lequel nous tenons les agresseurs, il est tout à fait logique que ceux qui portent de fausses accusations soient soumis à des sanctions aussi sévères et soient tenus dans le même mépris.
• 1620
Quatrièmement: Que ceux qui gagnent leur vie en s'occupant de
questions liées au divorce soient tenus d'établir des critères de
comportement et d'éthique qui reflètent l'importance essentielle de
l'enfant et qui respectent les valeurs de la parenté responsable,
et que des sanctions soient prévues en cas de non-respect de ces
critères. Que ce soit heureux ou non, les avocats sont tenus de
représenter leurs clients. Qui représente l'enfant? Les juges
devraient être tenus responsables de leurs décisions et les
conseillers matrimoniaux des conseils qu'ils donnent.
Cinquièmement: Que l'on révise le processus de divorce et que la médiation et l'éducation en soient des éléments obligatoires afin d'atténuer la nature contradictoire du divorce et le terrible coût émotionnel et financier lié au système actuel. Si l'on ne veut pas le faire pour le bien du couple qui divorce, qu'on le fasse au moins pour les enfants.
Sixièmement: Que les organismes gouvernementaux et les groupes qui reçoivent des fonds publics et effectuent des recherches et des études sur les rapports entre hommes et femmes et entre parents et enfants, soient tenus d'effectuer ces études dans la double perspective de l'homme et de la femme. J'en ai assez de toutes ces études dont le seul objet est de prouver qu'un sexe est meilleur ou pire que l'autre. Il n'est sans doute pas possible d'éviter la distorsion par les médias de l'information recueillie, mais ces études et ces recherches ne devraient comporter aucune discrimination sexuelle.
Septièmement: Que l'on cherche à mettre en oeuvre de nouveaux moyens d'éviter l'acrimonie du divorce dès avant le mariage. Cela pourrait prendre des formes diverses: programmes d'éducation, accords prénuptiaux sur les responsabilités parentales et même, obligation de demander des conseils à un avocat avant le mariage. Tout ce que je veux dire c'est qu'il vaut mieux prévenir que guérir.
J'assisterai à une conférence préalable à l'instruction, le 15 mai. Pourquoi? Parce que je n'accepte pas qu'on commence tout de suite par me dire qu'il va falloir que je paie, qu'on ajoute aussitôt que je n'aurais absolument rien à dire au sujet de la manière dont ma fille sera élevée et qu'ensuite, c'est quelqu'un d'autre qui me dira quand je pourrai lui rendre visite.
En tant que membres du Parlement, c'est vous qui êtes responsables de l'adoption des lois qui régissent notre vie. Plus que quiconque, vous savez que la vie est faite de contraintes matérielles. La théorie est bien jolie, mais c'est la vie quotidienne qui est la réalité.
Je suis certain que si vous y réfléchissez, vous serez capables de trouver des exemples de divorce dans lesquels le bon sens a été balayé avec un mépris complet des répercussions sur les enfants alors qu'il eût été tellement préférable de se montrer un peu raisonnable. Je vous suis d'avance reconnaissant de tout ce que vous pourrez faire pour améliorer la situation vis-à-vis des enfants.
Je voudrais conclure en citant le chef Poundmaker, homme fort intelligent, condamné après la rébellion de 1885: «Nous ne pourrons jamais oublier ce qui s'est passé, mais nous ne pouvons pas plus revenir en arrière que nous asseoir passivement au bord de la piste et de ne rien faire».
Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Monsieur Grymalowski.
M. Kelly Grymalowski (témoigne à titre individuel): Bonjour. J'espère représenter les parents non gardiens qui n'ont jamais été mariés.
J'ai un fils de trois ans. Je n'ai jamais été marié. J'aimerais faire partie de sa vie.
Il y a environ trois ans, alors que mon fils était sur le point de naître, j'essayais d'avoir autant de contacts que possible avec lui. Sa mère s'y opposait. Elle ne trouvait pas acceptable que j'aie une place dans sa vie.
J'ai obtenu les services d'un avocat et je lui ai demandé si elle avait le droit de me couper de mon enfant. L'avocat m'a expliqué qu'on ne devrait pas m'empêcher de voir mon enfant, mais que si la mère voulait me mettre des bâtons dans les roues, elle y parviendrait. Il m'a demandé si je voulais poursuivre l'affaire. Je suis sûr que mon enfant, pour son bien-être personnel, a besoin de son père biologique. Nous avons donné suite à l'affaire.
Lorsque mon fils a eu environ trois mois, nous avons comparu devant le tribunal pour la première fois. Les deux parties ont produit des preuves. Toutes sortes de preuves, même des accusations mensongères, mais en ce qui me concerne, au plus profond de moi-même, je ne pensais pas qu'un seul tribunal au Canada pourrait prendre la décision d'éloigner un enfant de son père biologique.
Le jugement a été prononcé une semaine plus tard; il établissait qu'un enfant de trois mois n'avait pas besoin de son père biologique à ce stade de sa vie. J'ai été choqué par ce jugement. Je voyais les choses en perspective, et je craignais qu'un jour je sois un étranger pour mon fils parce que je n'avais pas eu de contacts avec lui quand il avait trois mois.
• 1625
J'ai poursuivi l'affaire et on a abordé l'étape préparatoire
au procès. Ici en Saskatchewan, on est foré de passer par la
médiation, qui s'est avérée inefficace. J'ai rencontré le médiateur
et je lui ai dit qu'en effet je voulais voir mon fils. Mais la
médiation n'a rien donné dans mon cas, parce que ça prend deux
personnes pour en arriver à un compromis.
On nous a ensuite fixé une date pour la conférence préparatoire au procès. Nous nous sommes présentés à la conférence et la mère a fait d'autres accusations mensongères, disant que j'étais un monstre et me traitant de tous les noms. Le juge a décidé qu'il était prêt à m'accorder plus de temps avec mon fils que l'autre partie ne le souhaitait et j'ai commencé à croire vraiment que j'allais finir par voir mon fils.
Quelques mois avant l'audience, la mère a jugé bon de déménager à Victoria, ce qui a causé de grands problèmes. Je vis ici et elle vit à des milliers de milles de distance. Nous sommes allés au tribunal et on m'a accordé un droit de visite. C'était très limité. J'étais sous surveillance à tout moment. Être sous surveillance pour voir son propre fils—c'est impossible de décrire ce qu'on ressent. Vous savez j'entraîne des enfants à la gymnastique tous les jours. Je travaille avec des enfants chaque jour, et maintenant je suis sous surveillance moi-même quand je rencontre mon propre fils. C'est comme si c'était un crime chaque fois que j'allais le chercher, que je le touchais, que je le tenais dans mes bras—ou que je posais tout autre geste.
Ainsi, pendant presque un an j'ai eu un droit de visite sous surveillance. Je prenais l'avion vers Victoria chaque fois qu'on m'accordait le droit de le voir. Un certain moment, je me suis même rendu là-bas en avion pour une visite d'une heure.
J'ai travaillé dur, sans relâche, pour augmenter graduellement mon temps de visite. Au total, j'ai comparu devant un juge environ huit fois jusqu'ici. J'ai dépensé presque 20 000 $. Actuellement, je peux voir mon fils une fois par mois et je peux le garder la nuit. Je prends l'avion pour Victoria tous les mois.
Je vais bientôt avoir 30 ans. À cause des honoraires d'avocats et du coût des voyages, je suis en train, en fait, de compromettre ma situation financière simplement parce que je crois que les enfants ont besoin de leurs parents biologiques.
Après avoir comparu devant un juge huit fois—habituellement, quand on est sur le banc des accusés, on voit défiler, en moyenne, de 10 à 20 cause—je suis pas mal déçu de notre système, déçu de l'hostilité et des sentiments agressifs que les parents entretiennent à propos de la garde et du droit de visite. C'est comme s'ils utilisaient la garde de la façon suivante: «J'ai la garde de l'enfant, c'est ma propriété et c'est moi qui décide pour lui». Je ne comprends pas pourquoi les parents ne peuvent oublier leurs différends et arrêter d'agir comme des enfants pour commencer à jouer leur rôle de parents.
En guise de recommandation, j'aimerais que notre système laisse tomber les mots «garde» et «droit de visite». Je suis partisan du partage des responsabilités parentales. Je crois que si nous nous débarrassons des rôles antagonistes que nous jouons dans le système judiciaire, les parents auront une chance de s'entendre. Vous savez—ils finiraient par communiquer, ce qui serait dans l'intérêt de l'enfant.
J'aimerais qu'il y ait une certaine forme de médiation, sans la présence d'avocats, pour assister les parents quand ceux-ci ne peuvent pas s'entendre. Les deux parents pourraient se rencontrer en présence d'un juge pour écouter leurs opinions respectives. J'estime que la présence des avocats engendre beaucoup d'animosité entre les parents; c'est une situation qui, à long terme, n'est pas bénéfique pour nos enfants.
Deuxièmement, j'aimerais voir... Quand on a affaire au système judiciaire, c'est très intéressant d'observer nos avocats. Vous entrez dans la salle d'audience et ils attendent de voir qui est le juge pour la journée. «C'est un bon juge, c'est un mauvais juge».
Quand il s'agit de nos relations avec nos enfants, je ne crois pas qu'on devrait avoir de bons et de mauvais juges. C'est l'avenir de ces enfants qui se joue ici. Je pense que nous avons besoin d'un peu plus de juges qui se spécialisent en droit de la famille—pas nécessairement un seul juge pour juger une cause, mais peut-être deux juges, qui pourraient communiquer et superviser chaque cause...
La coprésidente (la sénatrice Pearson): Avez-vous presque terminé monsieur Grymalowski?
M. Kelly Grymalowski: Oui, j'ai terminé. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Pearson): Merci beaucoup.
Enfin, monsieur Birkbeck.
M. Larry Birkbeck (témoigne à titre individuel): Merci à vous, madame la présidente, aux distingués membres du comité et au personnel de soutien, et à tous ceux qui ont pris le temps de présenter ces mémoires devant ce comité.
Je constate que certaines personnes sont ici aujourd'hui parce qu'elles se sentent concernées par ces très importantes questions. C'est en fait un privilège de pouvoir s'adresser au Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants. J'espère que ma présentation contribuera à démêler les fils de la toile dans laquelle tant d'enfants désespérés sont pris au piège à cause des litiges sur la garde et le droit de visite.
• 1630
La famille est depuis longtemps considérée comme le tissu
social par excellence. C'est la famille qui forge nos valeurs et
nos principes. C'est la famille qui développe notre croyance en
Dieu et nos opinions religieuses. J'aime croire qu'une famille dont
les membres prient ensemble, reste soudée.
Malheureusement, ce n'est pas le cas de nombreuses familles. La famille est en pleine dégénérescence morale.
Il n'y a pas de remède miracle. Pour relever le défi, il faut chercher des solutions durables. Et je ne crois pas que c'est possible d'en trouver qui ne soient pas fondées sur la foi chrétienne. Je ne le crois pas. Nous nous retrouverions tout simplement en train de passer d'un problème à l'autre.
La question à laquelle ce comité fait face est complexe. Les discussions soulèvent souvent plus de questions subsidiaires qu'elles n'apportent de réponses. Pourquoi y a-t-il tant de divorces? Qu'est-ce qu'un parent? Est-ce que c'est n'importe quelle personne qui se trouve à vivre avec un enfant.
Le divorce est trop facile d'accès, mais si on modifie la loi, il faudra tenir compte des cas où un des conjoints ou l'enfant est en danger. Les besoins de l'enfant ne sont pas pris en compte lorsqu'un des conjoints, souvent par égoïsme, décide de mettre un terme à la relation. Ce même conjoint tente alors de s'assurer la garde en s'appuyant sur la présomption que c'est dans l'intérêt de l'enfant. Le juge qui préside accepte l'argument et chacun rentre chez soi satisfait, sauf l'enfant.
Depuis des décennies, les femmes se battent avec raison pour être perçues comme autre chose que la propriété des hommes. De la même façon, les enfants ne devraient-ils pas être vus comme autre chose qu'un bien appartenant aux femmes? N'est-ce pas suffisant que les partenaires d'un couple décident de vivre séparément, devons-nous en plus fragmenter la famille? Devons-nous détruire les liens parentaux?
Quand peut-on dire, en principe, qu'il est juste ou qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de soustraire celui-ci à l'un de ses parents? Où est la justice quand un parent non gardien est forcé d'assumer le coût de l'instruction postsecondaire de ses enfants? Les couples mariés sont-ils tenus de payer les études postsecondaires de leurs enfants?
Les parents non gardiens sont trop souvent dépouillés de tous droits parentaux. Leur responsabilité première est réduite au rôle de pourvoyeur en échange d'une visite d'une fin de semaine, deux fois par mois. Est-ce dans l'intérêt de l'enfant?
Les nouvelles lignes directrices sur l'entretien ne reflètent pas le niveau des engagements pris par le conjoint non gardien envers l'enfant. Les juges ont fait preuve de mépris pour ces lignes directrices et, dans de nombreux cas, ils n'en ont tout simplement pas tenu compte. Si un conjoint non gardien est autorisé à passer plus de temps avec ses enfants, n'est-ce pas juste de réduire, en proportion, le temps ou les coûts encourus par le conjoint non gardien? Est-ce un usage efficient des ressources disponibles, et qui va dans le sens de l'intérêt de l'enfant?
Quand on compare les droits des femmes à ceux des hommes, il est clair que ceux des femmes sont vigoureusement protégés et que la société veille à leur exécution. Il est ironique de constater que lorsque les juges reconnaissent aux femmes le droit d'être en charge du génie des affaires domestiques, mais le refuse aux hommes, ils dénigrent ce pourquoi les femmes se sont battues. Les juges prennent des décisions parce qu'ils croient que les hommes sont mieux équipés pour se mériter des revenus substantiels. C'est faux.
Les ordonnances alimentaires sont mises à exécution, mais pas celles qui règlent le doit de visite. Cette situation, elle aussi, est injuste. Les conjoints non gardiens doivent disposer d'un processus simple et économique pour en appeler de la violation des ordonnances attributives de droit de visite.
Les juges doivent cesser d'avantager les femmes à l'égard des questions de garde et de droit de visite. Le système doit être modifié pour refléter les solutions qui vont dans le sens de l'intérêt des enfants. La garde conjointe doit être l'option préférée et la paternité ne doit jamais être radiée de l'équation.
Les avocats et les juges doivent rendre compte de leurs actes. Les témoignages erronés et non fondés ne doivent pas être tolérés dans les cas portant sur la garde et le droit de visite.
Les sentiments des enfants devraient être régulièrement évalués. N'ont-ils, eux, aucun droit de visite? Les juges ne se sentent-ils concernés que par les droits des femmes? Le système judiciaire doit faire preuve de plus de compassion, d'attention et de sensibilité. Le simple fait de renvoyer à la jurisprudence n'est pas une solution acceptable.
Je vous remercie d'avoir écouté ma présentation. Mes commentaires et recommandations sont dans le mémoire. Je serais heureux de répondre à toutes vos questions.
La coprésidente (la sénatrice Pearson): Merci beaucoup.
Passons maintenant aux questions. Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci.
Monsieur Seitz, dans votre mot d'ouverture vous avez fait allusion à l'élimination du système accusatoire, fondé sur les antagonismes, et à la création d'une table ronde. Je voudrais vous donner l'occasion d'élaborer davantage et de nous dire le fond de votre pensée sur ce point.
M. George Seitz: Je n'ai pas vraiment rassemblé tous les éléments du casse-tête, mais je peux dire que cette table ronde comprendrait quelqu'un qui représente les enfants, un défenseur de l'enfant; quelqu'un de l'école, comme un administrateur scolaire, qui connaît les enfants et leurs besoins; peut-être un pédopsychologue, un médecin de famille et d'autres professionnels qui interviennent dans l'entourage des familles concernées.
On pourrait également désigner un médiateur au nom de la mère et du père et accueillir les membres de la famille élargie de l'enfant, comme les grands-parents. En toute probabilité, il y aurait un avocat pour chaque partie, puisqu'il ne semble pas possible de s'en passer.
Toutes ces personnes devraient s'efforcer d'en arriver à un partage des responsabilités parentales qui fonctionne bien du point de vue de l'enfant.
M. Dick Proctor: Il semble évident que vous voyez cette proposition mise en oeuvre dès que possible après la désintégration du mariage.
M. George Seitz: Oui. Ce que j'aimerais voir, immédiatement après l'éclatement de la famille, c'est l'intervention d'un spécialiste des services sociaux individualisés—un intervenant sans parti pris du genre dont on nous a entretenus précédemment—assigné à la surveillance du cas.
M. Dick Proctor: Ma deuxième et dernière question, madame la présidence, s'adresse à monsieur M. Grymalowski.
Vous avez parlé sans élaborer davantage de deux juges qui sont intervenu dans une même cause. J'ai parlé, durant la pause du déjeuner, à quelqu'un qui serait entièrement de votre avis sur cette question. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi, selon vous, ce serait nécessaire.
M. Kelly Grymalowski: C'est simplement fondé sur mon expérience des jugements qui sont rendus dans ce genre de cause. Je pense qu'il s'agit d'une importante décision à prendre pour une seule personne puisqu'elle engage l'avenir de l'enfant. Il y a de nombreux préjugés et partis pris dans notre système judiciaire.
Comme indiqué, le jugement ne statue habituellement pas en faveur du parent de sexe masculin. Si deux juges étaient désignés et discutaient du cas, on sortirait de la situation où on impose à une seule personne le fardeau de prendre une décision qui engage l'avenir de l'enfant. En d'autres termes, deux têtes valent mieux qu'une.
M. Dick Proctor: Est-ce que vous voyez une relation hiérarchique entre ces deux juges, l'un supervisant le travail de l'autre? Est-ce qu'on peut concevoir qu'un juge se prononce sur un cas particulier et que sa décision soit ensuite revue par un autre juge?
M. Kelly Grymalowski: En fait, j'ai un exemple sous la main. J'étais en cour en janvier dernier. Il y avait un seul juge. Mon avocat m'a dit que c'était un bon juge. Il était sur le point de rendre son verdict quand mon ex-conjointe s'est levée et a dit qu'on avait mal interprété son témoignage et que c'était injuste. Elle a poursuivi sur ce thème. Pour éviter qu'elle en appelle de la décision qu'il était sur le point de prendre, ce juge a fixé une autre audience deux semaines plus tard. Elle s'est alors présentée avec un autre affidavit d'une longueur de deux pages contenant de fausses accusations.
Voici ce qu'il a fait. Dans le premier jugement, il m'avait accordé tout ce qui pouvait faciliter ma relation avec l'enfant, mais son nouveau jugement, venu de nulle part, remettait tout en question. Mes privilèges, qui étaient nombreux, étaient pratiquement réduits à néant. Je dois me rendre en Colombie-Britannique pour une visite alors qu'auparavant, chaque fois que j'y allais... J'entreprends ce long voyage, pour trois visites de nuit.
Ainsi, s'il y avait eu un autre juge, je pense que la décision aurait été moins partiale.
M. Dick Proctor: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Pearson): Merci.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci.
Nous avons entendu, à plusieurs reprises, la proposition visant à mettre un terme au système accusatoire. Mais par quoi remplacer ce système? C'est là le problème!
Certaines des observations que nous avons entendues concernent les programmes éducatifs initiaux: la médiation et d'autres formes d'arbitrage plutôt que les procès accusatoires suivis des règles d'évitement ou de contournement qui se rapportent à ces décisions.
• 1640
Pour la gouverne du groupe ici présent, lorsque vous
mentionnez ces choses, est-ce cela que vous voulez dire, par
«mettre un terme au système accusatoire» ou est-ce que vous creusez
davantage? Ce nouveau système irait-il plus loin? Jusqu'à prendre
pour modèle le système inquisitoire des pays qui n'ont pas adopté
le système judiciaire accusatoire et historique de la Grande-Bretagne?
Certes, nous ne devons pas réinventer la roue. Il s'avère que, pour ce type de problème social, la tradition britannique du procès accusatoire ne fonctionne pas vraiment, peut-être pouvons-nous étudier d'autres instances, peut-être l'Allemagne, les Pays-Bas, la Hongrie ou tout autre pays, et examiner ces systèmes inquisitoires qui s'appuient sur ces 1 000 ans d'histoire où on a tenté de trouver la vérité et de résoudre les problèmes sociaux surgissant en cas de conflit.
Ainsi je vous adresse la question à tous; en ce qui a trait à la table ronde dont vous avez parlé—la question qui se pose, bien entendu, c'est qui va en assumer les coûts—s'il c'était le système en place, et s'il n'y en avait pas d'autres, ce serait ce système, payé par les contribuables, qui remplacerait la procédure accusatoire.
Il existe deux niveaux de réponse à votre proposition de se débarrasser du système accusatoire. S'agit-il de se limiter à la question éducative et à des mécanismes optionnels de règlement des différends sans fermer la porte au procès accusatoire, ou va-t-on plus loin et envisage-t-on d'examiner le système inquisitoire en vigueur dans d'autres pays?
M. George Seitz: Quand je parle du système accusatoire, je veux dire le système judiciaire où un avocat s'oppose à son homologue et où les deux ont une obsession commune: gagner. On finit par dépenser des milliers de dollars en frais juridiques qui auraient pu être dépensés plus judicieusement, par exemple, en médiation ou à des fins éducatives et autres. C'est ce que je veux dire par système accusatoire.
Il continuera à y avoir quelque recours à ce système accusatoire dans certaines causes, quoique peut-être pas les plus importantes, mais je pense que les gens pourront s'en passer lorsque les membres de la famille étendue y participeront avec des professionnels qui savent vraiment ce qui va dans le sens de l'intérêt de l'enfant. Je ne pense pas que les avocats le sachent, pas plus d'ailleurs que les juges eux-mêmes.
M. Paul Forseth: D'accord. Quelqu'un d'autre?
M. Kelly Grymalowski: J'en ai également contre le terme «garde». À mon avis, cela donne aux parents le pouvoir de contrôler n'importe quelle facette du comportement de l'enfant.
Après qu'un enfant est né hors-mariage, la mère obtient la garde exclusive parce qu'elle a donné naissance à l'enfant. Si, après la naissance de l'enfant, le partage des responsabilités parentales était automatiquement établi—il faut laisser tomber le mot «garde»—je crois que cela signifierait que les deux parents auraient le droit de s'occuper de l'enfant et non que la garde est confiée à l'un d'entre eux, ce qui est une source d'animosité.
M. Paul Forseth: Continuez.
M. George Charpentier: Malheureusement, la nature même du problème est souvent quelque peu contradictoire en soi, indépendamment de la réaction de l'entourage. Je ne crois pas qu'il y ait de nombreuses situations où on ne trouve pas, à un niveau ou l'autre, des sentiments de frustration que seul, le temps, peut atténuer.
Si je vous disais à l'instant que je ne me suis jamais senti en colère, je ne ferais rien d'autre que de dissimuler la vérité. Il y a encore des jours où je me sens très agressif. Mais ce sentiment de colère a tendance à s'amenuiser et j'imagine que je me sentirai de moins en moins fâché à mesure que le temps passera. Néanmoins, je pense que notre façon d'aborder le problème au début contribuerait largement à minimiser la nature du conflit.
Actuellement, il me semble qu'en ce qui concerne mon cas particulier, c'est tout ou rien. Ou bien je suis le père à plein temps ou bien je ne suis rien du tout. C'était certainement une bonne façon de faire monter la mise.
Je pense—sans en être tout à fait sûr—qu'il y a des moments où les gens qui envisagent un divorce sont encouragés par leur avocat à faire circuler une pétition deux jours après la séparation. Pour certaines personnes, ça équivaut à agiter un drapeau rouge en face d'un taureau. À mes yeux, c'est une intervention assez contradictoire.
• 1645
Ainsi, si l'une de ces choses se produisaient, nous pourrions
dire, qu'en tant que société, nous avons un problème sur les bras;
restons pragmatiques. Nous faisons face à des sentiments assez
négatifs; nous sommes en plein conflit. Nous avons besoin de
prendre du recul. Nous avons besoin d'une période de décompression.
Celui qui a la garde de l'enfant à ce moment-là ne doit pas
nécessairement la conserver pour toujours du simple fait que les
juges hésitent à remettre en question le statu quo. Mais
probablement une bonne partie du counselling et du temps que l'on
accorde aux gens pour en sortir... En outre, les déclarations de
droit vont dans le sens d'une présomption de partage des
responsabilités parentales, à moins que quelqu'un puisse prouver
l'incapacité parentale d'un coté ou de l'autre, ou qu'un des deux
conjoints ne veuille pas la garde des enfants. C'est clair et
évident pour n'importe qui.
J'ai été vraiment choqué quand j'ai réalisé que, toutes choses étant égales par ailleurs, ma relation avec ma fille serait limitée à trois heures le jeudi, une fin de semaine sur deux et quelques semaines en été. Cela m'a complètement mis à terre. Je n'avais vraiment rien fait qui mérite que je perde tout d'un coup autant de temps de contact avec ma fille. Pourquoi? Mon avocat me dit que c'est comme ça. Je ne crois pas que c'est une raison suffisante.
Quelques-unes des hypothèses sous-tendant nos interventions doivent être changées pour que tout le monde sache que nos hypothèses et nos de présupposés sont différents. Rien de ce que je peux dire ne signifiera jamais que les gens peuvent se battre et que c'est bien. Cela continue à arriver mais ce n'est pas de ça que je parle. Je parle de notre point de départ. Cela nous aiderait grandement d'essayer de savoir comment approcher le problème à partir de là.
La coprésidente (la sénatrice Pearson): Sénatrice Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, madame la présidente.
Une de mes questions a été traitée par Paul Forseth quand il a repris l'énoncé maintes fois réitéré ici par les témoins que nous devrions abandonner notre système accusatoire. D'un point de vue philosophique, le divorce est-il un droit? Quelqu'un parmi vous aimerait-il répondre à cela.
Peut-être vous tous? Je ne sais pas qui veut répondre. Le divorce est-il un droit ou le divorce est-il un privilège? Il se peut que personne, de nos jours, ne s'arrête plus à cette question actuellement.
La coprésidente (la sénatrice Pearson): Vous venez de poser une énigme philosophique.
M. Larry Birkbeck: «Je devrais répondre par l'affirmative. Je suppose que quand mon ex-conjointe a pris sa décision et dit à son conseiller qu'elle croyait avoir le droit d'être heureuse... Si on a jamais le droit d'être heureux...
La sénatrice Anne Cools: On m'a déjà posé cette question-là. J'en connais pas mal à ce sujet.
M. Larry Birkbeck: ... en suivant cette ligne de pensée qui et appuyée par les conseillers juridiques professionnels, le divorce est un droit.
Comme je l'ai signalé dans ma présentation, lorsque des conjoints, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme, ou leurs enfants sont vraiment en péril d'une manière ou d'une autre, ce serait un simulacre de justice que de leur refuser le droit de divorcer et de se tirer de ce mauvais pas. Si vous voulez une réponse à cette question je répondrai oui, je crois que c'est un droit. J'ignore si c'est écrit quelque par ou enchâssé quelque part, mais, d'un point de vue philosophique et officieusement, je dirais que c'est un droit.
La sénatrice Anne Cools: Quelqu'un d'autre veut-il commenter cette opinion?
M. George Charpentier: Peut-être l'accès au divorce devrait-il être moins facile. Il s'agit là, une fois de plus, d'une situation où chacun a des attentes précises quant à la façon de résoudre le problème. Malheureusement, il est préférable que les gens divorcent plutôt que de rester ensemble s'il n'y a plus de relations entre eux. C'est relativement important, voire essentiel, dans un mariage. Si bien sûr, à un moment donné, il n'y a plus d'autre option, alors le divorce devrait être accessible. Donc, en dernière analyse, oui, c'est un droit, en quelque sorte.
La coprésidente (la sénatrice Pearson): Quelqu'un d'autre voudrait-il aborder ce sujet ou passons-nous à la question suivante?
Sénatrice DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Nous sommes assis autour de cette table et certains d'entre nous font de la politique et participent à la gérance publique depuis un certain temps et nous continuons à faire des lois pour régler les problèmes. Je pense même quelquefois, quand je reviens à la Charte des droits et libertés, que cette charte a créé plus de problèmes qu'elle n'aurait dû. On se demande ce qui nous arrive. Dans tout cela, on a tenté de régler les choses et de les redresser pour améliorer le mode de vie des gens et leur permettre d'avoir des droits. Comment allons-nous revenir aux valeurs de base dont M. Birkbeck, je crois, nous a entretenus?
Vous savez, en 40 ans, l'évolution des choses avec lesquelles nos familles sont confrontées est tout simplement stupéfiante; quand on évoque le demi-siècle qui vient de s'écouler, de 1948 à 1998, on constate que nos valeurs familiales portaient alors sur la famille élargie, l'église et l'école. Le prêtre, le ministre du culte ou le rabbin, étaient des membres très importants de la collectivité et si on avait des problèmes le prêtre était la première personne à qui on se confiait, avant de s'adresser, si je ne me trompe, à l'instituteur ou au docteur.
Qu'est-il arrivé à l'unité familiale et qu'enseignons-nous dans le système scolaire? Nous pouvons peut-être essayer de vous aider et c'est ce que nous voulons faire, mais nous devons également nous assurer qu'à un moment donné dans nos délibérations, nous-mêmes ou les protagonistes du système saurons ce que nous allons enseigner dans nos systèmes scolaires. Nous devons en quelque sorte amener nos enfants, qui gravitent les échelons de ce système, à avoir des valeurs différentes.
Et nous devons espérer que les choses ne se reproduiront plus parce que nous notons qu'aujourd'hui, il y a une tendance à l'abus dans les familles. Il y a une tendance au divorce. Nous devons briser ce cercle d'une manière ou d'une autre et persuader les gens qu'ils ont, en tant que personne, la responsabilité de s'éduquer, d'entretenir leur famille et eux-mêmes et de faire partie intégrante de la collectivité qui nous soutient.
Je sais ce que vous allez me dire: «Vous rêvez en couleur». Eh bien, je ne pense pas. C'est quelque part, le long de la ligne qui représente la philosophie de mon enfance, parce que comme vous pouvez le constater, je suis beaucoup plus âgée que certains d'entre vous.
M. Larry Birkbeck: Vous avez environ mon âge.
La sénatrice Mabel DeWare: Certains d'entre vous pourraient sans doute faire partie de ma famille.
Qu'est-il arrivé à cette société compatissante qui était la nôtre? C'est peut-être là que nous en sommes aujourd'hui. S'il y a encore de la compassion dans le monde, c'est ce que vous cherchez. Vous dites: «Eh bien cette société compatissante ferait bien de faire quelque chose pour nous.»
C'est juste un commentaire. Je ne sais pas si quelqu'un veut ajouter quelque chose ou non, mais ensuite je reviendrai à George pour quelques minutes.
M. Wayne Morsky: Sénatrice, puis-je faire un commentaire sur ce que vous venez de dire?
La sénatrice Mabel DeWare: Vous dites que vous avez une solution pour les ordonnances d'intervention d'urgence, etc. J'aime votre solution, mais elle devrait s'adresser à tout le monde. Lors que vous dites: «Toute allégation d'abus» cela devrait s'appliquer à tous les abus, qu'ils soient perpétrés sur la personne d'un conjoint, d'une conjointe ou d'un enfant.
Vous dites que toutes les allégations d'abus et de violence doivent être examinées avec prudence. Nous sommes tous d'accord sur ce point. Vous dites ensuite qu'elles doivent faire l'objet d'une enquête menée par des policiers spécialement entraînés et des travailleurs sociaux spécialisés dans le travail auprès des enfants, qui connaissent bien la dynamique de la violence familiale et des actes d'agression ou de négligence à l'endroit des enfants, ainsi que par des psychologues accrédités, spécialisés dans les problèmes de l'enfance et par des agents de police assignés aux cas de violence familiale.
Votre solution semble acceptable, mais je pense que nous devons reconnaître qu'il doit s'agir d'un abus lié au sexe des personnes. Cela ne peut pas être un abus à l'endroit du mari, de l'enfant ou de la femme. Êtes-vous d'accord avec moi sur ce point?
M. George Seitz: Oui, je suis d'accord.
La sénatrice Mabel DeWare: Maintenant, si quelqu'un veut présenter des observations sur la philosophie de la vie, je serais heureuse...
M. Wayne Morsky: Dans votre première intervention, vous avez mentionné que nous étions des rédacteurs de lois. Je ne sais pas si c'est Preston Manning qui a inventé l'expression, mais je lui ai entendu dire ceci: «Une fois qu'on est dans le trou, il faut arrêter de creuser». On ne peut pas continuer à proposer des lois qui vont aider ces enfants. Nous devons commencer à faire appliquer les lois existantes et je rattache cela à la question du refus d'accorder le droit de visite.
Je suis très préoccupé par ce que nous enseignons à nos enfants dans la société d'aujourd'hui. Pendant cinq ans, j'ai refusé de m'engager dans ma deuxième relation parce que je voulais m'assurer que mes enfants ne fassent pas une deuxième fois l'expérience de l'éclatement de leur famille. J'ai voulu leur donner l'occasion de voir en quoi consiste une relation sincère et importante parce qu'ils n'avaient pas connu cela la première fois.
Je parle avec mes enfants de ce qu'ils ont appris grâce au divorce—nous avons été très ouverts avec eux, même si cela a pu, parfois, les traumatiser—et je crois sincèrement qu'ils seront très prudents dans l'avenir et qu'ils feront appel à toutes les méthodes et à toutes les habiletés que nous leur avons enseignées et qu'ils ont pu apprendre pour s'assurer que leur relation va marcher. C'est l'espoir qui m'anime.
La sénatrice Mabel DeWare: Nous ne voulons pas les effrayer cependant. Il ne faut pas qu'ils éliminent la possibilité de se marier juste pour éviter les formalités du divorce et les autres tracasseries du même ordre au cas où la relation ne marcherait pas. Vous noterez que beaucoup de gens refusent aujourd'hui de se marier avant d'avoir eu une relation intime avec leur partenaire pendant un certain temps ou encore avant d'avoir vécu ensemble. Bien entendu, on n'y pensait même pas de mon temps. Ce n'était pas toléré. Mais c'est ce qui se passe. Malheureusement, de nos jours, nous devons nous assurer que la relation a des chances de succès.
M. Kelly Grymalowski: C'est vrai. C'est à cause de cela que les enfants naissent hors mariage...
La sénatrice Mabel DeWare: Dans votre cas.
M. Kelly Grymalowski: Exactement, et c'est là que j'estime que certaines des lois sur l'enfance devraient être changées parce que j'arrive à la trentaine et je ne me suis pas encore marié alors que mes parents étaient mariés à 18 ans et avaient des enfants à cet âge-là. Maintenant, quand je pense au fait que je ne suis pas encore marié, j'ai un pincement au coeur. Je vais avoir un deuxième enfant avec une autre femme et ça va être très pénible pour le premier; et je ne vois pas ces choses de gaieté de coeur.
Je pense que c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Je ne peux pas aider mon premier fils mais un jour, si cela se produit à nouveau—si je n'épouse pas la mère de mon deuxième enfant—je ne veux pas que la même chose se reproduise. Je ne veux pas que mon fils ne voie son père qu'une fois par mois. Je pense qu'un enfant a le droit de voir son papa plus d'une fois par mois.
La sénatrice Mabel DeWare: Est-ce que la mère de votre fils s'est remariée?
M. Kelly Grymalowski: Elle n'est pas mariée.
La sénatrice Mabel DeWare: Non?
M. Kelly Grymalowski: Elle n'est pas mariée. Elle est sur le point de se remarier, fiancée ou non fiancée, et vous devez comprendre qu'il va y avoir un autre père dans le portrait. Mon fils va avoir deux papas. Finalement, un moment donné je vais me remarier et cela entraînera une relation à quatre—pas seulement ma famille, mais aussi leur famille. Cela fait beaucoup d'intervenants et nous devrons être très prudents quand il s'agira de prendre des décisions sur l'avenir de nos enfants.
La sénatrice Mabel DeWare: Nous allons avoir quelques arbres généalogiques très intéressants dans l'avenir.
M. Kelly Grymalowski: Exactement.
La coprésidente (la sénatrice Pearson): Merci, sénatrice DeWare.
À titre de présidente, je n'ai pas souvent l'occasion de poser une question, mais je vais le faire puisqu'il nous reste quelques minutes.
Certains d'entre vous se sont demandés si les gens ont besoin, avant de s'engager dans le mariage, d'une certaine formation ou d'une réflexion sérieuse sur les conséquences et les responsabilités qui en découlent. Peut-être quelqu'un parmi vous voudrait-il présenter des observations sur les programmes que certains pays que je connais ont mis sur pied et qui offrent aux enfants ou aux adolescents l'occasion de se familiariser avec le concept des droits humains et le respect mutuel que ces droits génèrent.
En ce qui a trait aux programmes, certains d'entre vous ont mentionné la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, et j'ai la ferme conviction que les enfants qui sont respectés et qui comprennent ce qu'est le respect, respectent les autres, à leur tour, beaucoup plus aisément, et que bon nombre des problèmes auxquels sont confrontés beaucoup d'entre nous auraient pu être évités si ce sens fondamental du respect mutuel avait existé et avait harmonisé nos relations.
C'est une autre question philosophique, mais j'aimerais bien connaître certaines de vos réponses.
M. Kelly Grymalowski: À mes yeux, c'est encore une question de garde, et je me demande toujours, en tant qu'observateur de ce qui se passe, qu'est-ce qui pousserait le parent qui a la garde à manifester du respect à l'égard de celui qui n'a pas la garde. Vous avez l'enfant. Pourquoi respecter les souhaits et les croyances de l'autre personne, puisque si vous n'êtes pas d'accord avec le parent qui a la garde, c'est très bien, vous n'avez pas besoin de le voir. Le respect disparaît de cette façon, et les gens se laissent envahir par les émotions et la colère. La situation ne peut que se détériorer à partir de là.
Nous parlons d'une question qui comporte des milliers de détails...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je le sais bien. Je me demandais si une partie de la prévention ne pourrait pas viser à accroître la compréhension de ce que l'on entend par respect mutuel.
M. Kelly Grymalowski: Nous en revenons donc à la nécessité d'abolir la garde exclusive. Vous devez vous asseoir. Vous êtes les deux parents; vous devez vous asseoir et communiquer, faire preuve de maturité, commencer à assumer votre rôle de parent et communiquer et manifester ce respect. Cela peut peut-être se faire grâce à du counselling obligatoire, un conseiller s'assoit avec vous pendant que vous essayez de communiquer et d'apprendre à vous respecter mutuellement.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Birkbeck veut ajouter quelque chose.
M. Larry Birkbeck: J'ai souvent eu l'occasion de signaler qu'il valait parfois mieux rester tranquille et passer pour un idiot que de prendre la parole et d'écarter tous les doutes.
Dans ce contexte, je crois que ce que nous avons à faire et ce que nous apprenons à force d'expérience... et j'apprécie vos commentaires à leur juste valeur, madame DeWare. Pour en revenir à ces valeurs anciennes, malheureusement, nous apprenons seulement avec l'âge qu'il est important de s'arrêter au moins une heure, sinon un jour ou deux, avant de réagir à une situation explosive. Je crois que les conjoints, et en particulier les femmes à mon avis... Les femmes sont souvent très émotives, vous le savez; les hommes sont encore obligés d'apprendre dans une certaine mesure à surmonter leurs émotions, même si la société évolue. Si un homme pleure, c'est qu'il est faible. Il devrait se tenir un peu et retrousser ses manches. Si une femme pleure, par contre, on n'y trouve rien à redire. La pauvre a sans doute vécu des choses terriblement pénibles.
Je vous le dis, et je le dis à toutes les femmes, nous sommes faibles, nous sommes égaux. Les hommes souffrent, ils ont du chagrin tout comme les femmes. Si nous ne commençons pas à adopter... Et j'ai mentionné certains passages de la bible dans mon exposé. Si nous ne commençons pas à croire que les lois de Dieu, au départ—non pas les lois temporaires que nous, les humains qui auront quitté ce monde dans quelques années, avons élaborées... À moins de nous orienter dans cette direction fondamentale et de travailler vers ce que—et nombre d'entre vous ne seront pas d'accord, cela ne fait rien—, nous ne verrons aucun ralentissement de ce qui me paraît être le pourrissement du tissu moral de nos familles. Si nous ne revenons pas à cette structure familiale de base, cette évolution se poursuivra.
Je n'ai pas eu l'occasion de parler du caractère accusatoire de notre système judiciaire, et j'ai un très bref commentaire à faire à ce sujet à l'intention des membres du comité. Il n'est pas nécessaire d'être accusatoire. Il n'est pas nécessaire d'aborder ainsi les choses. Tous ceux d'entre vous qui sont ici aujourd'hui pourraient rendre toute cette séance accusatoire s'ils le voulaient. Les juges le font dans les tribunaux de notre pays, et ils le font régulièrement; ils le font tous les jours. Ils décident qu'ils vont choisir une partie et qu'ils vont intervenir dans le débat. Ils sont censés être des arbitres. Ils sont censés écouter les preuves de fond qui leur sont présentées et prendre des décisions qui touchent la vie des personnes.
Je suis le produit—comme bien des hommes et des femmes—des terribles décisions prises dans le cadre du système judiciaire. N'oublions pas qu'il suffit d'une signature pour nommer un juge mais qu'il faut une décision du Parlement pour le radier.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Forseth va faire un dernier commentaire, puis nous nous arrêterons un instant pour que chacun puisse se dégourdir un peu.
M. Paul Forseth: Je crois que la discussion prend un tour plutôt philosophique.
La sénatrice Mabel DeWare: Nous ne pouvions pas y échapper.
M. Paul Forseth: En effet, je crois que vous avez raison. Nous parlons sans doute de certaines des grandes tensions sous-jacentes à notre société, et l'un des points que vous avez soulevés est qu'il y a des tendances dans notre société qui reconnaissent l'importance de la liberté de circulation, du droit de faire ce que l'on veut. Notre société est de plus en plus globale, et même dans un pays aussi diversifié que le Canada il est admis que l'on a le droit de se déplacer pour progresser dans sa carrière ou s'épanouir socialement.
La libre circulation des personnes, est-ce qu'elle n'est pas garantie par l'article 6 de la Charte? Certes, cela crée des difficultés aux parents, parce que la liberté de circuler est inscrite dans le document constitutif de notre pays et de notre société, tout comme le droit de décider pour soi-même, de s'épanouir sur les plans social et économique. Ces droits sont parfois directement en conflit avec les responsabilités parentales que l'on partage avec quelqu'un d'autre. Alors si vous voulez faire respecter les droits que la Charte vous accorde à titre d'individu, cela cause un préjudice direct à la responsabilité et aux souhaits de l'autre personne qui veut exercer ses responsabilités parentales. Cela mine le fondement même de notre société, qui est, à mon avis, l'unité familiale.
Nous avons donc certains conflits fondamentaux auxquels nous cherchons des solutions, et souvent c'est une question d'équilibre entre des droits concurrents. La questions se pose devant le Parlement depuis que je suis député, depuis 1993-1994. Parfois, nous nous trouvons devant des situations où les droits s'opposent, et nous devons trouver une façon de résoudre les problèmes... Nous essayons de trouver des solutions. Je pense que ce dont vous avez parlé aujourd'hui le prouve à nouveau.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Nous allons consigner cette déclaration et nous arrêter un instant.
Je remercie nos cinq témoins.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): La séance reprend.
Nous allons maintenant entendre quatre témoins. Vous constatez à la lecture de l'avis de convocation qu'il devait y avoir cinq témoins. L'un d'eux est malade et ne peut malheureusement pas être avec nous aujourd'hui.
Nous accueillons M. Murray Valiaho, Mme Yvonne Choquette, M. Douglas Johnson et M. Larry Shaak—du même nom que le joueur de hockey, mais l'orthographe est un peu différente. Madame et messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue.
Je sais que certains d'entre vous ont assisté à la séance précédente et sont conscients qu'ils disposent de cinq minutes. Nous vous demandons la version Reader's Digest de ce que vous avez à nous dire.
Nous allons commencer par monsieur Valiaho.
M. Murray Valiaho (témoigne à titre personnel): Je vous remercie. Je suis vraiment heureux de pouvoir m'adresser à certaines des personnes qui élaborent les lois dans notre pays—ou du moins qui font des recommandations qui, parfois, deviennent lois.
Je crois que vous faites tous les lois, n'est-ce pas?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Oui, tous ensemble.
M. Murray Valiaho: Collectivement. C'est bien, parce que je crois qu'il faut apporter certains changements aux lois qui touchent les enfants et les parents. Je suis donc très reconnaissant et extrêmement ému d'avoir l'occasion de raconter mon histoire à quelqu'un qui veut bien l'écouter.
Je suis l'heureux père de quatre enfants, que j'ai eu de deux femmes différentes. Dans un cas, j'aime à dire que l'histoire finit bien, mais dans l'autre malheureusement, les choses se gâtent. Je vais vous raconter d'abord l'histoire qui finit bien.
J'ai deux enfants qui habitent maintenant avec moi, deux garçons. Mon ex-épouse et moi, lors de notre divorce, avons assez bien réglé les problèmes parce que nous nous souciions de nos enfants. Nous voulions que les enfants grandissent dans une atmosphère saine et respectueuse, et qu'ils passent le plus de temps possible avec leurs deux parents.
• 1720
Pour ce qui est du processus, du système juridique, nous avons
dû déployer beaucoup d'efforts pour trouver un avocat disposé à
nous aider à présenter les documents au tribunal. Je pense que nous
avons rencontré cinq ou six personnes avant de trouver quelqu'un
qui acceptait de présenter notre affaire à un prix à peu près
abordable et de demander la garde partagée. Cela se passait en
1992, je crois. La plupart des avocats nous ont dit «Vous
n'arriverez jamais à prouver que vous vous entendez suffisamment
bien pour avoir la garde partagée. Adressez-vous à quelqu'un
d'autre. Je ne peux pas vous parler à tous deux en même temps.»
Nous étions horrifiés, nous avons presque abandonné notre projet.
Nous étions fort convaincus de ce qu'il fallait faire. Nous avons
pensé qu'il vaudrait peut-être mieux ne pas demander le divorce,
parce que cela créait des difficultés.
De toute façon, nous avons réussi. Parce que nous avons persévéré et parce que nous aimons tous les deux nos enfants, nous avons été capables d'obtenir la garde partagée et d'empêcher les exploiteurs et les esprits chagrins de faire échouer notre projet. À mon avis, nos enfants se portent fort bien.
Dans l'autre cas, l'histoire malheureuse, je tenais vraiment à avoir une famille et j'ai établi une relation avec une autre femme. Nous avons eu la chance d'avoir deux enfants. Nous n'étions pas mariés. Je voyais cette femme régulièrement, et nous avons eu deux enfants. Un jour, sans crier gare, j'ai reçu un avis qui me disait que je devais verser un certain montant et ne plus voir ces deux enfants. J'ai dû trouver un avocat très rapidement, parce que je ne savais pas ce qui se passait. J'ai retenu les services d'un avocat et j'ai épuisé toutes mes économies simplement pour prendre les mesures provisoires.
Dans l'ordonnance provisoire, il était dit que je devais payer un certain montant, il n'y avait aucune disposition relative au droit de visite, et si quelque chose survenait à la mère des enfants je n'avais toujours pas un mot à dire au sujet de la façon dont ils étaient élevés. C'est inacceptable. Je n'ai pas vu ces enfants depuis cinq ans. Nous essayions de constituer une famille, alors les deux enfants qui sont avec moi n'ont pas vu leurs soeurs depuis cinq ans. Auparavant, ils s'informaient souvent d'elles, mais maintenant ils ne le font plus qu'une fois par mois ou à peu près parce que je ne peux rien leur dire.
J'ai essayé différentes stratégies pour y parvenir. Je ne téléphone pas à la mère, car j'ai entendu trop d'histoires d'horreur au sujet de personnes qu'on emprisonne si elles entrent en contact avec l'autre parent. C'est considéré comme du harcèlement ou quelque chose du genre, et c'est un risque je ne peux pas courir. J'ai deux enfants qui vivent avec moi, je ne pourrais pas être emprisonné simplement parce que je veux voir mes deux autres enfants.
J'ai investi pour devenir un enseignant. C'est ma formation, c'est bon que vous le sachiez. J'ai un baccalauréat et un baccalauréat en éducation ainsi qu'un diplôme d'études supérieures dans le domaine de l'éducation à l'enfance en difficulté. J'ai toujours voulu travailler avec les enfants, réussir, contribuer à élever des enfants respectueux, rendre le monde meilleur. Je ne sais pas si j'y ai bien réussi pour l'instant, parce que le monde semble éprouver quelques problèmes.
Permettez-moi de passer maintenant aux suggestions.
Je pense sincèrement que les avocats trop gourmands doivent être écartés, même s'ils ne sont pas tous trop gourmands. L'avocate que j'ai engagée était tout à fait correcte. Je ne pouvais pas payer toutes les factures qu'elle me présentait et nous avons trouvé une solution, mais je ne pouvais plus continuer la procédure. J'ai essayé de parler à l'avocat de la mère de mes deux filles. Il est très compréhensif, mais il me dit «Je dois défendre ma cliente, et c'est ce que nous devons faire. Je suis désolé mais il en est ainsi». Je ne comprends pas cela.
Peut-être qu'au lieu d'un système accusatoire, d'avocats et d'une industrie qui font la richesse des uns et la misère des autres et qui créent des difficultés aux enfants, nous devrions nous inspirer de ce qui s'est passé dans les écoles. Nous avions autrefois des problèmes sociaux, vers la fin des années 1800, parce qu'il y avait des enfants qui vivaient dans la rue, etc. Alors nous avons créé les écoles publiques, pour aider les enfants à grandir. Nous avons maintenant des écoles publiques qui sont financées par l'État. Nous pourrions peut-être faire quelque chose dans la même veine quand les gens divorcent.
Permettez-moi de revenir au début.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je me demande si vous ne pourriez pas nous donner vos recommandations, sous forme abrégée.
M. Murray Valiaho: Très bien. Il nous faudrait un système de rechange qui ferait qu'il est équitable et pas trop dispendieux pour chaque partie de chercher à passer du temps avec ses enfants.
Pour ce qui est du meilleur parent, si les gens avaient le droit de choisir le meilleur parent, je n'aurais peut-être pas choisi ceux auprès de qui j'ai grandi. J'aurais pu choisir quelqu'un d'autre, peut-être Bill Gates ou quelqu'un comme ça. Pour ce qui est de ce qu'un témoin a dit précédemment, il nous faut plus d'efforts en amont, pour que les gens sachent ce qu'ils font lorsqu'ils se marient et qu'ils élèvent des enfants, les responsabilités que tout cela comporte.
L'État ne se mêle pas d'évaluer les gens lorsqu'ils décident d'avoir des enfants. Il n'y a pas d'évaluation. Nous n'avons pas de rencontre avec des psychologues, des spécialistes de l'évaluation, mais dès qu'il y a un divorce, tous ces gens se précipitent et affirment «Très bien, voyons d'abord qui est le meilleur parent». Cela est idiot. Je ne trouve pas d'autres mots pour qualifier cela. Cela est idiot et l'on manque de respect aux parents et aux enfants si l'on croit que l'État devrait intervenir, sauf dans les cas les plus horribles, quand quelqu'un a vraiment perdu l'esprit. Je ne peux m'imaginer à quel point il doit être pénible de dire à l'autre parent «Je suis désolé, tu as perdu. Tu n'es pas le meilleur parent».
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé, vous avez largement dépassé votre temps de parole; je vous demanderais donc de vous limiter aux recommandations et d'arrêter de présenter vos commentaires.
M. Murray Valiaho: Très bien. Désolé.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous avez dit qu'il y en avait quatre et j'en ai noté trois jusqu'ici. L'éducation...
M. Murray Valiaho: Il faudrait faire preuve de bon sens lorsque l'on fixe le montant des versements alimentaires que doivent effectuer les parents non gardiens pour qu'ils puissent avoir encore un peu d'argent pour aller voir leurs enfants. Lorsque les enfants vivent à 500 kilomètres de chez vous et que vous n'avez pas de ressources... Puis-je faire un commentaire pour appuyer cette affirmation?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.
M. Murray Valiaho: Lorsque le tribunal a fixé le montant des aliments que je devais verser aux enfants, mon avocat a déclaré «Mon client a deux enfants qui vivent avec lui. Comment pourrait-il verser un tel montant?» Le juge a déclaré «Je m'en fiche, c'est un coureur de jupons», je n'en revenais pas «Il va payer ce montant-là. Peu importe combien d'enfants il a.» Le bon sens n'intervient pas dans ce genre de décision. Je m'arrête.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien. Madame Choquette.
Mme Yvonne Choquette (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président. Honorables membres du comité, je suis heureuse d'avoir l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
J'ai écouté les audiences que votre comité a tenues à Toronto. Je viens de Toronto mais c'est en Saskatchewan que sont mes racines. Je suis heureuse de dire que mon père est ici. Il a plus de 80 ans et il est venu appuyer ma démarche, c'est pourquoi j'apprécie beaucoup l'occasion que vous m'offrez.
Je suis ici à cause de la gravité du problème. Cela fait quatre ans que je suis partie à des instances judiciaires, non pas parce que je le veux mais parce que la loi dit que lorsqu'une partie présente une demande au tribunal, l'autre partie doit également être là parce que cette autre partie est l'intimée. J'ai donc été l'intimée au cours de 14 journées d'audience et d'un procès de huit jours à la fin duquel un juge de la division générale de la Cour de l'Ontario a prononcé une décision dans l'affaire Choquette v. Choquette au sujet de mon plus jeune fils qui avait cinq ans à l'époque, il s'appelle Elliot; le juge me l'a retiré pour le confier à son père. C'est toujours moi qui m'étais occupée de lui.
Le sénateur Duncan Jessiman: En quelle année?
Mme Yvonne Choquette: Le 8 octobre 1996.
J'ai deux fils. Mon fils aîné s'appelle Graham. La situation de mes deux fils me préoccupe mais c'est certainement celle du plus jeune qui avait cinq ans lorsqu'il a entendu la décision du juge, qui me préoccupe le plus. Le juge a prononcé sa décision et mon fils m'a dit: «Maman, pourquoi est-ce que ce n'est pas toi qui prends cette décision? Pourquoi est-ce que le juge prend une décision à mon sujet?» Je n'ai rien pu lui répondre.
• 1730
Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous demande
de penser aux enfants lorsque vous adopterez des lois. Ils ne
peuvent faire entendre leur voix, ils ne peuvent vous parler.
Je me sens comme si j'étais la personne suivante. Je suis un parent. Cela me touche profondément et je suis très émotive, je vous demande donc de m'accuser si je suis un peu nerveuse.
Je vous prie de penser aux enfants. Ce sont eux qui sont le plus gravement touchés. L'ordonnance vise l'enfant, et non pas les parties. L'ordonnance se fonde sur les éléments que les parties ont présentés. Il n'y a aucune disposition de la Loi sur le divorce qui précise que le juge doit posséder tous les renseignements. Le juge prend connaissance des affidavits ou des témoignages des deux parties et il base ensuite sa décision sur ces éléments. Lorsqu'une des parties n'a plus d'argent ou n'est pas là, pour une raison ou une autre, pour fournir des renseignements au juge, le juge base sa décision sur des renseignements incomplets.
Il est obligé de le faire. La loi énonce que le tribunal compétent peut, sur demande des époux ou de toute autre personne, rendre une ordonnance relative soit à la garde des enfants à charge ou de l'un d'eux, soit à l'accès auprès de ces enfants, soit aux deux.
Il y a un autre article un peu plus loin dans la Loi sur le divorce qui prévoit que l'on peut demander la modification des ordonnances. Cela veut dire que ces demandes peuvent être présentées jusqu'à ce que l'enfant ait atteint l'âge de la majorité, soit 18 ans.
Cela fait quatre ans que je vais devant les tribunaux. Je crois savoir que cela pourrait continuer jusqu'à ce que mes enfants aient atteint l'âge de 18 ans. Leur père a obtenu la garde exclusive et je ne peux rien faire. J'ai dépensé 90 000 $. Mon enfant n'a pas pu se faire entendre.
Les allégations jouent un rôle déterminant. On a allégué contre moi que j'étais entraîneure de soccer et que cela empêchait le père d'exercer son droit de visite. Il n'y a pas de règlement qui exige que les auteurs d'allégations fournissent des preuves et c'est donc à moi qu'il a incombé de démontrer que cela était faux, et qu'en fait, il était avantageux pour mon fils que je sois entraîneure. Mais il est très difficile de réfuter des allégations.
La sénatrice Anne Cools a présenté un projet de loi concernant les fausses allégations. C'était le projet de loi S-4 qui est devenu maintenant le projet de loi S-12, je crois. Avec ce projet de loi, les avocats et les gens seraient obligés de rendre des comptes. L'essentiel du problème est qu'il faut démontrer qui est le meilleur parent des deux. Pour y parvenir, il faut démontrer que l'autre parent n'est pas un bon parent. Il faut être réaliste, si les deux parents étaient de bons parents, le juge accorderait la garde partagée.
La plupart des ordonnances prévoient la garde exclusive parce que c'est ce qui est demandé au juge. Cela revient à supprimer le rôle d'un des parents.
Je crois que cela remonte aux années 1800. J'ai fait beaucoup de recherche là-dessus et j'ai beaucoup réfléchi aux causes de cette situation. J'ai des brochures à vous distribuer. Je suis désolée qu'elles soient seulement en anglais et pas en français. J'aimerais que vous en preniez une et lisiez les études effectuées.
Je tiens à dire que j'étais une des personnes, Mme Cools, qui a appelé la Assaulted Women's Helpline parce qu'il y avait maltraitance. Quatre ans plus tard, le père a la garde. Les tribunaux ne protègent pas les enfants ni les mères. Ce n'est pas eux qui vont assurer la sécurité des enfants.
Cela remonte, je crois, aux années 1800. En 1855, il y avait la Loi sur la garde des mineurs...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Choquette, je suis désolé de vous interrompre mais je vais vous demander de passer aux recommandations. Votre temps est écoulé.
Mme Yvonne Choquette: Très bien, merci, monsieur le président.
Je vais mentionner rapidement qu'en 1855, Caroline Norton a été à l'origine de l'adoption de la Loi sur la garde des mineurs. Cette loi donnait aux mères le droit de demander la garde. Jusqu'à cette époque, la garde était attribuée au père. C'est ce qui explique que nous ayons aujourd'hui la garde et les droits de visite, et la garde exclusive.
Je vais vous présenter maintenant les recommandations. Premièrement, les juges, les tribunaux et les avocats ne devraient pas intervenir. Si nous voulons vraiment supprimer la notion de «garde», il ne faut pas avoir recours aux tribunaux. J'affirme, en tant que mère qui vient de quitter une relation dans laquelle j'ai été maltraitée, qu'il ne faut pas avoir recours aux tribunaux.
La deuxième recommandation est le partage des responsabilités parentales. Il faudrait élaborer un plan de partage des responsabilités parentales dès qu'un couple se sépare.
• 1735
La troisième recommandation est la médiation, non pas comme
une possibilité mais la médiation obligatoire. Et comment peut-on
l'exiger? En ne passant pas par les tribunaux.
La cinquième chose serait de créer un organisme de protection de l'enfance que les personnes qui vivent une situation de violence familiale pourraient contacter avant la séparation. Cet organisme serait chargé de parler au nom des enfants. Ce serait l'organisme ressource avant que le mariage ne soit dissous, de sorte que, s'il existait quelque chose... J'ai constaté qu'il n'existait rien de ce genre à l'heure actuelle.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Monsieur Johnston.
M. Douglas R. Johnston (témoigne à titre personnel): Bon après-midi. Je remercie le comité spécial mixte de m'avoir permis de participer à cet atelier.
Cela fait maintenant 10 ans que l'on me refuse tout accès à mes deux enfants, je peux donc vous dire que, pour moi, les questions de garde et d'accès soulèvent des problèmes. Je ne peux communiquer avec mes enfants qu'en les appelant au téléphone, ce qui n'est pas pratique et ne dure pas plus de deux minutes.
Que pourrais-je ajouter? Cela est criminel.
Même avec une ordonnance judiciaire qui accordait la garde partagée, avec une menace d'outrage au tribunal au cas où l'accès me serait refusé et les nombreuses tentatives que j'ai faites pour résoudre ce problème d'accès, rien n'a pu faire changer d'idée mon ex-conjointe qui cherche uniquement à éloigner les enfants de moi.
En Saskatchewan, lorsqu'un bébé naît, l'infirmière de la santé publique visite le foyer à l'improviste pour voir comment les jeunes parents se débrouillent. Elle fait des suggestions, et s'il n'y a aucun problème, on n'entend plus parler d'elle, sauf au moment où il faut commencer à donner des vaccins.
Je crois qu'un programme de ce genre serait très utile après la séparation, que je considère comme une nouvelle tranche de vie pour les enfants et les parents. Les spécialistes, qu'il s'agisse de conseillers travaillant pour les services sociaux ou pour le bureau du child advocate ou encore pour une direction du ministère de la Santé, pourraient évaluer l'état émotif des personnes concernées pour voir comment elles s'adaptent à la nouvelle situation. Après cette évaluation, le spécialiste pourrait alors décider s'il y a lieu de suivre le cas. Si l'on juge qu'une intervention s'impose, on pourrait offrir des services comme la médiation ou le counselling pour les enfants et les parents et offrir à tous un appui avec un suivi ponctuel jusqu'à ce que l'on estime que cela n'est plus nécessaire.
Le coût d'un tel service serait faible comparé à ce qu'il en coûte à la société de s'occuper des enfants et des adultes qui ont été traumatisés; cela réglerait le problème au départ.
On pourrait demander à nos établissements scolaires de fournir des services de soutien qui s'occuperaient les problèmes liés à la séparation et au divorce. Compte tenu du grand nombre de divorces au Canada, cela aiderait nos enfants à s'adapter à cette situation difficile, en l'empêchant d'avoir des conséquences trop traumatisantes.
L'argent est une autre de mes grandes préoccupations, et la priorité doit être accordée aux aliments destinés aux enfants. Cela est très important. Par contre, seul le parent gardien a le pouvoir de dépenser ces sommes. Est-ce équitable? Je ne le pense pas. C'est pourquoi je trouve l'idée du partage des responsabilités parentales intéressante. Avec un tel partage, on obtiendrait un meilleur équilibre entre le rôle des parents, et ceux-ci seraient mieux informés. Comme le dit le proverbe, deux têtes valent mieux qu'une.
On dépense tellement d'argent en honoraires d'avocats et en frais judiciaires, alors qu'il serait bien préférable d'utiliser cet argent dans l'intérêt de l'enfant. Ce qui aggrave les choses, c'est qu'une fois vos ressources épuisées à cause des frais judiciaires, on vous empêche d'exercer vos droits de visite; vous êtes obligé d'investir encore pour obtenir ce que le tribunal vous a accordé. Cela entraîne des difficultés financières et émotives extrêmes et vous empêche de fonctionner rationnellement et de vous consacrer à vos enfants.
Je sais que je n'ai pas toutes les réponses aux problèmes que posent la garde et l'accès aux enfants mais avec les cerveaux qui existent au Canada, je suis sûr que l'on pourrait mettre en oeuvre la suggestion que j'ai décrite et qui donnerait des résultats plus heureux que ceux que j'ai obtenus.
Pour terminer, j'estime que, si la sécurité financière des enfants est importante, l'élément essentiel dont ont besoin des enfants pour être heureux et en bonne santé, c'est l'amour, celui de leurs parents et des membres de la famille élargie. Il faut répartir de façon plus équitable les contacts qu'ont les enfants avec leurs deux parents. Il est difficile d'exprimer son amour derrière une porte, par des lettres ou des appels téléphoniques. Ce n'est qu'en passant du temps avec les enfants qu'on peut leur montrer qu'on les aime.
• 1740
Merci de m'avoir écouté.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci, monsieur Johnston.
Monsieur Shaak.
M. Larry Shaak (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup. Je souhaite la bienvenue à Regina aux membres du comité. Je suis arrivé de Moose Jaw cet après-midi. Lorsqu'il vous a souhaité la bienvenue, j'espère que M. Proctor vous a précisé que Regina n'était qu'une banlieue de Moose Jaw. Je ne sais pas s'il l'a fait ou non, mais je vous souhaite quand même la bienvenue dans la province du blé.
Depuis quatre ans, il est rare que j'ai senti qu'on m'écoute ou qu'on me croie. Vos audiences me donnent l'occasion de me faire entendre, et je l'espère, d'être cru; j'espère aussi que vous trouverez digne de foi ce que je vais vous dire. Il n'est pas facile de parler de ce dont je vais parler cet après-midi. Je vous demande de m'excuser si vous voyez que je suis ému.
Quand je pense à ma situation, il y a une erreur que je fais parfois et lorsque je la fais publiquement, il faut que je me reprenne lorsque je parle de «mes» enfants. Il faut dire «nos» enfants. Je crois que les responsabilités parentales sont nécessairement des responsabilités partagées.
Pour ce qui est de mon cas, je dirais très brièvement que je me suis séparé en 1985 de ma conjointe et de mes trois enfants. Le divorce a été prononcé en 1988. Nos enfants sont nés en 1978, 1980 et 1982. Après la séparation, ma conjointe a décidé de déménager. Je comprends aujourd'hui pourquoi elle a décidé de déménager à 80 milles à l'ouest de Moose Jaw. C'était dans le but d'obtenir automatiquement la garde exclusive des enfants. Les tribunaux la lui ont accordée, et sa manoeuvre a très bien réussi.
En septembre 1994, je travaillais comme éducateur au moment où j'ai reçu un appel à mon bureau de quelqu'un qui me demandait de me rendre au poste de police de Moose Jaw. On m'a informé à ce moment-là que ma femme m'avait accusé d'agression sexuelle. Elle prétendait que j'avais agressé notre fils. J'étais horrifié. Je ne me souviens pas avoir été aussi bouleversé de ma vie. Ma vie a beaucoup changé et, après avoir parlé à de nombreux spécialistes depuis, je crois que ma vie ne sera jamais comme avant et c'est une situation qu'il faut accepter. J'espère qu'à l'avenir, on pourra éviter ce genre de chose.
En septembre 1994, j'ai immédiatement fait l'objet d'un engagement selon l'article 810 et en décembre 1994, j'ai été accusé d'agression sexuelle. L'enquête préliminaire a eu lieu en mars 1996 et l'on m'a écouté en novembre 1997. C'est le temps qu'il a fallu pour que l'on m'écoute, au moins les tribunaux, et que l'on me croit.
Après trois jours de témoignage, le juge n'a pris que 30 minutes pour se prononcer et j'ai été acquitté de cette accusation horrible. L'engagement, je le dis en passant, est toujours en vigueur; cela fait quatre ans que je n'ai pas vu nos enfants. L'engagement est encore en vigueur parce que ma conjointe prétend que je suis passé en voiture devant chez elle en 1996 et cette affaire sera jugée dans deux semaines.
Je crois que la nature du problème est évidente comme l'ont montré les témoignages que vous avez entendus ce matin. Je ne vais pas entrer dans les détails. Il faut que j'avance parce que je sais que votre temps est compté.
Les parents non gardiens, bien souvent des hommes, sont séparés de leur famille à cause d'une Loi sur le divorce fédérale sexiste et à cause des jugements relatifs à la garde prononcés par les tribunaux. C'est un système qui favorise ouvertement la discrimination, qui constitue de la cruauté mentale et qui éloigne les parents de leurs enfants. Mesdames et messieurs, il faut y mettre un terme et rapidement.
Je sais que les tribunaux ne peuvent résoudre tous les problèmes familiaux. Par contre, lorsque les décisions des tribunaux et une loi discriminatoire sont la cause directe d'arrangements inhumains et inéquitables en matière de garde et d'accès, il y a lieu de corriger immédiatement la situation pour éviter ce genre de jugements et de dispositions législatives.
À l'heure actuelle, comme les témoins l'ont déclaré aujourd'hui, le Code criminel ne contient aucune disposition qui permettrait de poursuivre les conjointes rancunières qui portent de fausses accusations contre l'autre conjoint. Ces fausses accusations placent un fardeau sur l'accusé, qui voit, d'un seul coup, sa vie détruite sur le plan psychologique, financier et social; le parent accusé est immédiatement privé de tout contact avec les enfants, ce qui était l'objectif recherché au départ. La manoeuvre réussit car c'est une manoeuvre très efficace.
Je voudrais jouer un rôle positif dans la vie de nos enfants. Une seule fausse accusation a supprimé cette possibilité et je n'ai guère d'espoir d'être réuni un jour avec nos enfants. Je souhaiterais que cela se produise. J'espère qu'après vos audiences, on va modifier certaines choses pour que d'autres parents non gardiens ne vivent pas ce que j'ai vécu.
• 1745
Des enquêtes policières bâclées, des poursuivants qui
craignent d'irriter les puissants mouvements féministes, tout cela
isole très rapidement le parent accusé à tort d'avoir commis un
acte criminel. On organise une chasse aux sorcières contre les
hommes qui veulent exercer leur rôle, s'occuper de leurs enfants et
participer activement à leur vie quotidienne. Il faut mettre un
terme à cette chasse aux sorcières qui n'est que trop fréquente en
Saskatchewan. Les parents gardiens refusent parfois délibérément de
laisser le parent non gardien voir ses enfants et participer à
leurs activités. Cela est une affirmation que nous avons souvent
entendue aujourd'hui dans la bouche des intervenants. Il faut
obliger ces parents à rendre des comptes.
Lorsque des choses aussi cruelles arrivent à des gens bien, il faut faire quelque chose. Lors de la prochaine session de la Chambre des communes, j'espère que l'on va modifier la Loi sur le divorce pour que les tribunaux ordonnent automatiquement la garde partagée dans toutes les demandes de divorce. Il faut arrêter ce jeu qui permet à un des parents d'essayer de contrôler l'autre. Il faut penser aux enfants et je crois que la garde partagée est la meilleure solution. Il faut d'ailleurs également changer le mot «garde» à cause de ses connotations négatives et choisir un mot qui fasse penser aux soins donnés aux enfants. Cela me paraît également important.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous avez légèrement dépassé votre temps de parole. Vous avez conservé un bon rythme.
M. Larry Shaak: Il ne me reste que quelques remarques que je vais vous présenter très rapidement. Je vous demande de m'excuser si je prends trop de temps.
J'aimerais que l'on modifie le Code criminel pour sanctionner les fausses accusations et revoir l'engagement, une mesure sexiste. J'aimerais que l'on crée un organisme fédéral chargé de résoudre les conflits familiaux pour que ces questions soient réglées avant que les parties ne saisissent les tribunaux.
Je voudrais également que cet organisme soit chargé d'intervenir dès que l'on porte des accusations de nature pénale, pour que l'on sépare les parents des enfants, pendant que l'on procède immédiatement à une enquête pour éviter que l'on imprime dans l'esprit des enfants de faux souvenirs et qu'on les influence.
Enfin et surtout, je suis heureux de voir que la défenseure des enfants est venue ici, peut-être qu'elle est encore dans la salle. J'aimerais que la Saskatchewan adopte une charte des droits des enfants, et pas seulement la Saskatchewan, mais toutes les provinces pour tous les enfants. J'aimerais également que cette déclaration des droits ne soit pas uniquement rédigée par des adultes. J'aimerais que les enfants participent à l'élaboration de leur propre déclaration des droits.
Merci de m'avoir permis de prendre la parole devant vous cet après-midi.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Nous allons commencer les questions et donner la parole à M. Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Toutes ces histoires me paraissent quelque peu irréelles mais je vais poser une question à deux ou trois d'entre vous.
Monsieur Shaak, vous étiez le dernier, ai-je bien compris qu'il y a quatre ans, votre femme a quitté votre domicile, elle a emmené les enfants avec elle, elle a présenté une demande de séparation et de divorce et obtenu une ordonnance lui attribuant la garde exclusive?
M. Larry Shaak: La séparation s'est produite en 1985 et le divorce a été prononcé en 1988. L'accusation...
Le sénateur Duncan Jessiman: À quel moment a-t-elle obtenu l'ordonnance lui attribuant la garde exclusive des enfants?
M. Larry Shaak: Elle a obtenu l'ordonnance de garde exclusive au moment du divorce.
Le sénateur Duncan Jessiman: Quand cela s'est-il produit?
M. Larry Shaak: Le divorce a été prononcé en 1988.
Le sénateur Duncan Jessiman: Elle a obtenu la garde exclusive.
M. Larry Shaak: C'est exact.
Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous obtenu des droits de visite à cette époque?
M. Larry Shaak: Oui, j'avais en théorie des droits de visite raisonnables et généreux mais en fait l'accès n'était ni généreux ni raisonnable.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous avez obtenu des droits de visite et vous avez ensuite été accusé d'avoir agressé votre fils. Vous avez passé par une période très difficile et un procès de trois jours, à la suite de quoi vous avez été acquitté.
M. Larry Shaak: C'est exact.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): J'aimerais que vous nous disiez dans quelle ville a eu lieu le procès.
M. Larry Shaak: Le procès a eu lieu à Moose Jaw le 17 novembre 1997.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien et le nom de l'affaire est évidemment Regina v. Shaak. Désolé.
Le sénateur Duncan Jessiman: Savez-vous si cette décision a été publiée dans des rapports judiciaires? Est-il possible de prendre connaissance de cette affaire dans un recueil?
M. Larry Shaak: Je n'ai pas essayé de le faire, monsieur.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous dites que vous avez été acquitté, mais que l'engagement est toujours en vigueur.
M. Larry Shaak: L'engagement demeurera en vigueur jusqu'à ce que l'accusation portée aux termes du paragraphe 145(3) du Code criminel, fondée sur l'allégation que je suis passé devant le logement de mon ex-femme en 1996, ait été jugée.
Notre fille aînée a 20 ans, la deuxième a 18 ans et cet engagement m'interdit encore d'avoir des contacts avec elles.
Le sénateur Duncan Jessiman: L'engagement s'explique par la présence d'une inculpation contre vous...
M. Larry Shaak: C'est exact.
Le sénateur Duncan Jessiman: ... et cette inculpation doit donner lieu à un procès. Cela paraît irréel.
Très bien, j'ai terminé.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Cools.
La sénatrice Anne Cools: Oui, merci beaucoup.
J'aimerais poser quelques questions; je vais commencer par Mme Choquette et je m'adresserai ensuite à M. Shaak.
Madame Choquette, vous dites avoir fait l'objet de fausses accusations. Ont-elles été portées au cours d'une instance civile ou avez-vous effectivement fait l'objet d'une inculpation pénale, comme cela a été le cas pour M. Shaak?
Mme Yvonne Choquette: C'était dans l'instance de divorce, on m'a également menacé d'utiliser contre moi la Loi sur l'entrée sans autorisation, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d'autres menaces de ce genre.
La sénatrice Anne Cools: La pratique consistant à porter de fausses accusations dans le cadre d'une instance civile, où la norme de preuve est moins stricte, est particulièrement insidieuse. Dans le cas de M. Shaak, on avait porté une inculpation pénale mais votre cas ressemble davantage aux affaires habituelles où l'on porte de fausses accusations.
Vous avez évoqué de façon particulièrement poignante que les fausses accusations sont le fruit de l'imagination et que celle-ci ne connaît pas de limite; elle est infinie. La plupart du temps, lorsqu'on réussit à réfuter une fausse accusation, elle est suivie immédiatement d'une nouvelle accusation. Il y a un avocat de Toronto qui qualifie ce phénomène de vaudou et de psychodélire, si je peux citer Allan Gold. Je l'ai entendu faire un discours très émouvant dans lequel il les a qualifiés de deus ex machina du système, mais en fait ils font gaspiller des ressources dont nous avons un besoin vital.
Hier à Calgary, nous avons entendu Michael LaBerge et Marina Forbister de la Equitable Child Maintenance and Access Society, bureau de Calgary. Ils ont présenté la recommandation suivante. Je cite leur mémoire, page 9, tel qu'ils nous l'ont remis hier:
Ils se sont intéressés aux fausses allégations et ont situé l'infraction là où elle doit être, à savoir dans le Code criminel et non pas dans la Loi sur le divorce.
J'ai été fort impressionnée par la qualité du travail qu'ils ont accompli sur cette question et je me demande si l'un d'entre vous, ou vous tous, aimeriez commenter leur proposition.
Mme Yvonne Choquette: J'aimerais beaucoup intervenir sur ce point parce qu'avec leur proposition, l'agression émotive et les allégations d'agression émotive seraient également visées, et cela me paraît tout à fait vrai. En fait, à l'heure actuelle, c'est une des allégations que l'on fait au sujet de mes enfants et de moi, sur une base régulière, et cela a un effet dévastateur. Il faut mettre un terme à de telles pratiques. Le droit de la famille est un domaine où les accusations d'agression n'ont pas leur place, et il n'y a pas de limite. Nous ne voulons pas que nos enfants connaissent cela.
La sénatrice Anne Cools: Absolument. Ce doit être extrêmement douloureux.
J'aimerais également souligner que ce phénomène particulier a été abordé au cours de l'examen de la justice civile au Manitoba et de l'examen de la justice civile en Ontario. C'est un problème extrêmement grave et il doit être très démoralisant d'être traité d'une façon aussi cruelle.
Dans l'autre cas, M. Shaak, s'agissait-il d'une poursuite pénale ou d'une double poursuite? Était-ce une poursuite à la fois civile et pénale?
M. Richard Shaak: C'est une poursuite pénale intentée aux termes de l'article 271.
La sénatrice Anne Cools: L'accusation a été portée. Une fois qu'elle est déposée, il faut subir le procès et espérer un acquittement. Je vous remercie beaucoup.
Le projet de loi S-12 est un peu différent. Il oblige les avocats à rendre compte de leurs actes.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: J'aimerais poser une question à Mme Choquette.
Lorsque vous dites que la voix des enfants ne se fait pas entendre, je dirais que c'est là pour nous un des aspects les plus importants du mandat qui a été confié à notre comité. Les enfants ont des opinions et savent, en général, ce qui se passe.
Ce à quoi nous en revenons dans ces affaires vivement contestées, ce qui revient de plus en plus souvent, et nous espérons entendre également à ce sujet la défenseure des enfants, c'est que l'issue de ces affaires serait peut-être différente si les enfants avaient automatiquement droit aux conseils d'un avocat, ou du moins d'un défenseur, dans toutes les instances contestées.
Ce qui m'a particulièrement intéressé dans votre exposé, c'est qu'au lieu de faire intervenir la protection de l'enfance; lorsque cela est plus utile, c'est en fait un moment où il leur est particulièrement difficile d'intervenir, il faudrait que tous les enfants qui se trouvent dans des relations très conflictuelles puissent avoir accès à ces services. Les enfants sauraient eux-mêmes qui appeler dans ce genre de cas.
Des enfants nous ont déclaré que lorsqu'ils se trouvaient dans une situation de maltraitance avec l'un de leurs parents, ils risquaient d'aggraver le conflit en appelant l'autre parent alors que si les enfants avaient accès à un arbitre faisant partie du système, lorsqu'ils ne se sentiraient pas en sécurité, comme par exemple, en cas d'état d'ébriété d'un adulte qui s'occupe d'eux, ils pourraient appeler une tierce partie. Un arbitre serait chargé de s'occuper de ce cas jusqu'à ce que les problèmes soient résolus.
On passerait ainsi insensiblement des avocats des enfants au défenseur des enfants et à ce que l'on appelait auparavant le système de «protection de l'enfance». On pourrait peut-être restaurer la réputation du système de protection de l'enfance si on lui confiait des tâches utiles, qui lui permettraient d'obtenir de bons résultats.
Des voix: Oh, oh!
Mme Carolyn Bennett: Je crois qu'on accuse souvent à tort les services de protection de l'enfance. On pourrait leur donner davantage de ressources pour qu'ils puissent agir dans le domaine de la prévention; ils auraient le droit d'intervenir au lieu d'attendre qu'on les appelle lorsque la situation est trop grave. On pourrait comparer cela à la visite des services de santé publique auprès des nouvelles mamans. Je sais qu'ils sont venus me voir.
Pensez-vous que le résultat aurait été différent dans votre cas si vos enfants avaient eu un défenseur?
Mme Yvonne Choquette: En fait, il y a plusieurs aspects sur lesquels j'aimerais attirer votre attention parce qu'ils me paraissent très importants.
Le Bureau de l'avocat des enfants est intervenu. Le problème est que les éléments de preuve qui figurent dans le rapport que prépare ce bureau est versé dans un dossier à moins qu'une des parties ne souhaite les présenter au procès. Si ces éléments de preuve ne favorisent pas la position de l'une ou l'autre des parties, ils ne sont pratiquement jamais présentés au tribunal. Cela coûte beaucoup d'argent aux contribuables pour des rapports qui se retrouvent souvent sur les tablettes.
L'autre aspect de la situation est que si l'une des parties décide de présenter ce rapport en preuve, elle le fait parce que le rapport est favorable à sa thèse et non pas parce qu'il reflète nécessairement l'intérêt des enfants.
Le procès comprend notamment des contre-interrogatoires. Dans le cas d'Elliott, le rapport recommandait qu'il demeure avec sa mère mais l'avocat de la partie adverse a démontré, en procédant à un contre-interrogatoire rigoureux, que le rapport n'était pas d'une grande fiabilité, de sorte que le juge ne lui a guère accorder d'importance.
Le problème que pose notre système, et cela vaut, je crois, pour toute la question des batailles judiciaires; nous parlons ici d'affaires vivement contestées, c'est que la contestation s'aggrave parce que le droit confie à un juge le soin de décider lequel des deux parents sera celui qui s'occupera de l'enfant. Il n'y a plus deux parents. Si l'on veut vraiment tenir compte de l'intérêt de l'enfant, il faudrait reconnaître que l'enfant veut ses deux parents. Même lorsqu'il y a agression, le défenseur vous dira sans doute que, même si l'un des parents est violent, l'enfant souhaite conserver une relation avec lui.
• 1800
Nous ne voulons pas que l'enfant se trouver placé dans le même
cycle de violence, il faut donc prévoir un processus de guérison.
Notre système judiciaire accusatoire n'est pas un milieu qui
favorise la guérison. C'est le milieu le plus agressif dans lequel
on peut vouloir résoudre un conflit.
Le droit confie cette décision à un juge et vous, en tant que législateurs, dites en fait que c'est la façon dont nous allons traiter nos enfants et les parents n'ont pas un mot à dire à ce sujet. Si l'un d'entre eux souhaite soumettre ces questions à un juge, on ne peut pas l'empêcher de le faire.
Mme Carolyn Bennett: Certains pays prévoient une phase pré-judiciaire, qui amène les intéressés à se réunir et à envisager toutes sortes de solutions pour ne pas avoir à saisir un juge de ces questions et l'on se demande parfois...
Il y a ces présomptions et ces hypothèses que nous aimerions tous peut-être... Ne pensez-vous pas que, si l'on demandait à un défenseur des enfants très expérimenté de préparer une expertise, en utilisant des services rattachés au tribunal, et si ces personnes faisaient ce travail toute la journée, tous les jours, sans que l'on puisse remettre en question leur compétence, il serait très rare que le juge n'approuve pas la recommandation du bureau du défenseur des enfants?
Mme Yvonne Choquette: Si vous me permettez d'intervenir, je vous invite à lire ce que j'ai préparé, parce que je pense que tant que l'on demeure dans le système judiciaire, il faut appliquer les règles judiciaires et il y a des contre-interrogatoires. Il faut suivre la procédure qu'utilisent les juges pour les procès et vous parlez d'une situation idéale.
Malheureusement, lorsque l'on parle de tribunaux, ce sont ces mêmes tribunaux qui jugent les criminels avec les mêmes règles. Il n'y a pas de salles d'audience qui soit réservées au droit de la famille, parce que ce sont les mêmes.
Mme Carolyn Bennett: Je crois que c'est dans cette direction que certaines provinces tentent d'aller, vers ces tribunaux de la famille unifiés; elles essaient de trouver un milieu qui corresponde davantage au cabinet d'un juge qu'à une salle d'audience, pour essayer de...
Il faut tout simplement éviter le palais de justice. Cela ne peut pas se faire dans le couloir, comme dans...
Mme Yvonne Choquette: Je dirais, pourquoi essayer? L'enfant a besoin de ses deux parents. La plupart des travailleurs sociaux et des psychologues vous diront, et c'est ce qu'ils m'ont dit, que cela est vrai même lorsque le père les maltraite. Qu'allez-vous faire? Allez-vous lui refuser l'accès à son enfant?
Il est très très difficile d'établir devant un tribunal pénal des allégations d'agression. En droit de la famille, le juge se fonde sur la prépondérance des probabilités de sorte qu'il y a beaucoup d'allégations qui sont faites en droit familial qui ne pourraient pas être établies devant un tribunal pénal.
La sénatrice Anne Cools: C'est exact. C'est là le problème et c'est pourquoi ils le font, parce qu'ils savent que cela peut réussir.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Avez-vous terminé?
Mme DeWare a une brève question et Mme Cools veut faire...
La sénatrice Mabel DeWare: Monsieur Johnston, je constate à la lecture de votre mémoire que vous versez 900 $ par mois d'aliments pour les deux enfants. D'après notre barème de l'année dernière, vous ne devriez payer que 463 $. Versez-vous également des aliments à votre conjointe?
M. Douglas Johnston: Non. C'est 900 $ et quelque chose, déductible d'impôt, parce que nous nous sommes entendus le 20 avril 1997.
La sénatrice Mabel DeWare: Vous avez le droit de demander que l'on modifie ces versements, si vous le voulez.
M. Douglas Johnston: Oui.
La sénatrice Mabel DeWare: Je posais la question. C'est donc par choix.
M. Douglas Johnston: Dès que j'aurais assez d'argent pour retourner devant le tribunal, oui, je le ferai.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous ne devrions pas trouver ça drôle.
Madame Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci. Je remercie les témoins. Je crois que ces témoignages vont nous être fort utiles.
J'aimerais souligner un aspect qui a été mentionné à plusieurs reprises au cours de ces audiences et que, je crois, Mme Choquette a également mentionné. Il s'agit de l'utilisation massive que font les tribunaux des expertises préparées par les professionnels de la santé mentale, et de l'importance qui est ainsi attribuée à la crédibilité de ces spécialistes, à leur expertise plutôt qu'à la crédibilité des parents.
• 1805
Je signale cet aspect parce que nous allons devoir, au cours
de nos travaux, nous pencher sur ces expertises et examiner qui en
sont les auteurs, quelle est leur fiabilité, quels sont les
diplômes que possèdent ces personnes, et quelle est l'importance
que les juges leur accordent. Je voulais simplement insister sur
cet aspect.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci d'être venus et d'avoir ainsi contribué aux travaux de notre comité. Je sais que ce n'est pas facile, parce que vous nous parlez de choses très personnelles et fort intimes. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir ici.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): J'invite la défenseure des enfants, Mme Deborah Parker-Loewen, à prendre place à la table. Elle est accompagnée de M. John Brand.
Vous êtes les derniers témoins que nous allons entendre aujourd'hui et vous allez nous parler au nom des enfants. Veuillez commencer.
Mme Deborah Parker-Loewen (défenseure des enfants, province de la Saskatchewan): Eh bien, la journée a été longue. Je vous félicite. J'ai écouté les autres témoins et j'ai vu avec quelle passion ils vous ont présenté leurs exposés et cela donne une bonne leçon d'humilité.
Tout d'abord, je tiens à féliciter le Sénat et la Chambre des communes d'avoir entrepris ces consultations très importantes. Ce que l'on appelle maintenant la garde et l'accès des enfants est manifestement un sujet émotif et controversé. Il faut du courage et de la volonté pour faire ce que fait votre comité. En particulier, cette consultation d'envergure nationale démontre que vous recherchez le bien-être des enfants canadiens.
Vous avez manifestement entendu de nombreux points de vue au sujet de la garde et de l'accès des enfants. Je vous précise que je suis ici à titre de Children's Advocate, c'est-à-dire de défenseure des enfants pour la province de la Saskatchewan. Je suis nommée par l'assemblée législative et fais partie de la haute direction. Je relève de l'assemblée législative de la Saskatchewan. Ma mission est de promouvoir et de protéger les droits des enfants de diverses façons. Nous serions heureux de répondre à vos questions sur ce sujet si vous souhaitez en poser.
Pour répondre à certains commentaires qui ont été faits, je mentionnerais que le Children's Advocate de la Saskatchewan n'a aucun pouvoir à l'égard des décisions prises par les tribunaux en matière de garde et d'accès. Nous n'avons pas le pouvoir d'intervenir directement dans ces domaines. En fait, la loi qui définit ma mission l'interdit expressément.
En outre, il n'existe pas en Saskatchewan de bureau de l'avocat des enfants. Il n'y a pas d'organisme de ce genre dans cette province.
Votre mandat précise que vous allez effectuer un examen complet de la question en vous basant sur les recherches effectuées et la façon dont d'autres pays abordent cette question sociale complexe. Ma collègue de l'Ontario, Mme Judy Finlay, vous a présenté un mémoire au nom du Canadian Council of Provincial Children's Advocates. Je ne vais pas vous redonner ces renseignements.
Je n'allais même pas comparaître aujourd'hui mais j'ai pensé qu'il était important que vous entendiez ce que les enfants qui sont directement touchés par les décisions en matière de garde et d'accès avaient à dire. C'est donc principalement de cet aspect que je vais vous parler aujourd'hui, même s'il existe d'autres aspects importants que je n'écarte pas.
Il me semblait important de vous faire entendre directement ce que les enfants pensaient des mesures qui pourraient leur être utiles au moment où leurs parents se séparent ou divorcent. J'avais en fait espéré pouvoir encourager quelques jeunes à vous parler aujourd'hui mais j'ai été surprise d'apprendre que c'était là un sujet de controverse pour le comité. Je crois savoir que vous avez maintenant décidé d'inviter et d'entendre un certain nombre de jeunes. Je tiens à vous dire toute l'importance que j'attache à une telle initiative. Voilà qui est excellent.
Les questions que soulevait, ou soulève encore, je ne sais pas très bien, pour le comité, le droit des enfants de prendre la parole devant un comité comme le vôtre sont très semblables aux questions que se posent les parents, les juges, les médiateurs et d'autres lorsque des enfants participent aux décisions relatives à la garde et à l'accès.
• 1810
Les discussions que vous avez eues au sujet de la
participation des enfants aux travaux du comité sont les mêmes que
celles qui se tiennent devant les tribunaux ou lorsqu'il s'agit de
résoudre ce genre de situation. Il est important que vous le
sachiez.
Il est évident qu'il faut éviter que les enfants soient exploités ou gravement perturbés par leur participation à un processus donné. Il est également important, sinon davantage, que les enfants aient la possibilité d'exprimer leur point de vue. Le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, ce qui a donné une importance accrue aux droits des enfants. L'article 12 de la Convention énonce que l'enfant doit avoir la possibilité d'être entendu, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant, sur toute question l'intéressant. Je ne vais pas vous lire intégralement l'article 12, car vous le connaissez sans doute déjà.
Je sais qu'il y a un bon nombre de personnes qui se demandent s'il est dans l'intérêt de l'enfant de participer directement à la médiation ou à une instance judiciaire. Certains spécialistes soutiennent que les enfants ne devraient pas participer à ce genre de processus. Vous avez vous-mêmes décidé que les enfants ne devraient pas avoir directement accès au processus que vous utilisez ici aujourd'hui.
Les personnes qui souhaitent que les enfants ne participent pas à la médiation ou à une instance judiciaire soutiennent qu'il serait mauvais de les placer dans une situation où ils auraient à dire où ils préfèrent vivre et avec qui. Ces personnes affirment que cela peut causer chez ces enfants de graves conflits pour ce qui est de la loyauté à l'égard de leurs parents, et des troubles psychologiques. Les affaires familiales et la médiation sont souvent complexes et chargées d'émotion et amènent bien souvent les parties à rappeler des événements du passé, ce qui risque d'amener les enfants à assister à des disputes.
D'autres soutiennent que, de toute façon, les enfants sont déjà en train de vivre la séparation ou le divorce de leurs parents et qu'ils doivent nécessairement participer à la médiation et aux instances judiciaires, en particulier s'il est possible d'aménager la participation de l'enfant à l'élaboration du partage des responsabilités parentales. Si l'on souhaite maximiser les contacts de l'enfant avec ses deux parents, tout en respectant le bien-être de l'enfant, il faut que la médiation et le contentieux se fondent sur l'hypothèse que les parents vont se répartir entre eux les responsabilités parentales et que l'enfant va participer à cette planification.
Les enfants plus âgés ont souvent des idées bien arrêtées sur l'endroit où ils veulent vivre, sur la fréquence des changements qu'ils sont prêts à opérer pour ce qui est de la résidence et sur la façon dont ils vont concilier leurs relations avec leurs parents avec leur vie sociale ou leurs activités extrascolaires. Il arrive souvent que le partage des responsabilités parentales opéré sans la participation d'un enfant échoue, pour la raison que ce partage n'a pas tenu compte de ses intérêts et de son point de vue. L'enfant se sent alors exclu du processus et, consciemment ou non, fait échouer le projet de partage des responsabilités parentales.
Il faut respecter l'enfant qui ne se sent pas en sécurité avec l'un de ses parents et tenir compte de son point de vue, en particulier s'il réussit à exprimer ce sentiment. Je reconnais qu'il est toujours possible qu'un des parents accuse faussement l'autre et que l'enfant soit influencé négativement par l'un des ses parents. Cela dit, toutes les décisions prises dans ce domaine doivent tenir compte du point de vue de l'enfant pour ce qui est des contacts qu'il a avec ses parents, ses grands-parents, ses frères et soeurs ou d'autres membres de la famille. Il faut s'abstenir d'obliger les enfants à se trouver dans des situations où ils ne se sentent pas en sécurité pour la seule raison que le comportement répréhensible reproché n'a pas été prouvé.
L'article 9.3 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant énonce:
—le droit de l'enfant—
Cet article de la Convention accorde très clairement à l'enfant le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et je crois que nous sommes obligés de tenir compte du point de vue de l'enfant si nous voulons respecter les droits de l'enfant tels qu'ils sont définis par la Convention.
Je voudrais terminer mes remarques en vous racontant l'histoire d'une petite fille. Elle m'a donné la permission de vous raconter son histoire et je crois qu'elle illustre bien la nécessité de tenir compte du point de vue de l'enfant lorsque l'on prend des décisions le concernant et qu'elle fait ressortir la responsabilité qui est la nôtre de respecter que le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses deux parents est un droit qui appartient à l'enfant.
• 1815
Cette petite fille a 12 ans. Ses parents sont séparés et sa
mère vit sur l'exploitation familiale. Son père vit ailleurs. Elle
a été placée sous la responsabilité du ministère des services
sociaux à titre d'enfant ayant besoin de protection après qu'elle
a demandé de l'aide. Elle ne se sentait pas en sécurité avec sa
mère. Ses parents n'ont pas réussi à s'entendre sur le mode de vie
qui lui conviendrait et le tribunal a décidé par la suite que le
ministère des services sociaux continuerait à s'en occuper jusqu'à
ce que ses parents s'entendent sur une personne avec qui elle
pourrait vivre en attendant le règlement des questions de garde et
d'accès. Entre-temps, elle a été placée auprès d'un oncle et d'une
tante.
Après avoir vécu quelques semaines dans un foyer d'accueil, ses parents, les services sociaux et le tribunal se sont entendus pour qu'elle aille vivre avec cet oncle et cette tante, qui habitaient à plusieurs heures de voyage de là où elle avait vécu auparavant. L'ordonnance du tribunal, qui a été prononcée sans que la fillette de 12 ans ait été consultée, mentionnait également qu'elle irait voir ses parents une fin de semaine sur deux: une fin de semaine chez sa mère, et la fin de semaine suivante chez son père, et ainsi de suite. Cela semblait être aux parents et au tribunal un arrangement raisonnable et conforme à son intérêt. Les parents étaient également tenus de prendre leurs dispositions pour les déplacements de la jeune fille et de consulter un conseiller matrimonial.
Elle a communiqué avec le bureau du défenseur des enfants pour protester. Elle a estimé que cette ordonnance n'était pas équitable. Elle ne voulait pas être obligée de voyager toutes les fins de semaine en autobus pendant six heures le vendredi soir et six heures le dimanche soir. Elle voulait consacrer du temps à se faire de nouvelles amies dans sa nouvelle école. Cette adolescente a décidé qu'elle n'allait pas respecter l'ordonnance du tribunal. Elle a écrit à ses deux parents pour leur dire qu'elle ne les verrait qu'une fin de semaine sur deux et qu'elle n'allait pas voyager toutes les fins de semaine. Elle leur a mentionné qu'ils pouvaient venir la voir s'ils le souhaitaient.
L'oncle et la tante ont craint, à juste titre, qu'on les accuse d'outrage au tribunal, c'était la tante paternelle; ils ont donc demandé à un avocat de représenter, à leurs frais, cette adolescente. Cet avocat n'était pas partie au litige relatif à la garde provisoire mais a écrit, pour le compte de l'adolescente, à ses parents et aux deux avocats des parents pour leur communiquer les désirs de leur fille de 12 ans. Il a également demandé qu'on lui permette de s'expliquer lors de l'audience préalable au procès qui devait être tenue bientôt.
Cette petite fille a fait ressortir un certain nombre de questions qu'elle vous soumet. Je crois qu'elle aurait aimé vous présenter elle-même ses commentaires aujourd'hui mais je vous les transmets. Je vais dans toute la mesure du possible essayer d'utiliser les termes qu'elle aurait utilisés.
Premièrement, elle n'a pas été informée de ce qui se passait. Cela l'a dérangé.
Deuxièmement, les gens, ses parents et le personnel des services sociaux, n'écoutent pas ce que disent les autres. Ils s'intéressent uniquement à ce qui les préoccupe, pas à ce qui la préoccupe elle.
Troisièmement, elle n'a pas confiance dans le système. Elle a déclaré aux membres de mon personnel que les gens disent toujours qu'ils donnent la priorité aux enfants alors qu'en fait c'est l'adulte qui fait le plus de bruit qui a toute l'attention. Elle affirme que personne ne cherche véritablement à protéger ses intérêts.
Quatrièmement, les dates fixées n'ont jamais été respectées. On lui a dit qu'il ne faudrait qu'un mois, une période provisoire, pour que ces décisions soient prises et elle vit avec sa tante et son oncle depuis maintenant huit mois. Elle attend toujours la décision. L'audience préalable au procès n'a toujours pas été tenue. Elle a déclaré vouloir vivre avec son père et estime qu'on la prive de vivre en famille pour la seule raison que sa mère ne veut pas qu'elle le fasse.
Je vous signale le cas de cette petite fille parce qu'il illustre combien il est important de tenir compte, véritablement, du point de vue de l'enfant lorsqu'on prend des décisions concernant le lieu où il va résider et la personne qui va s'en occuper. Le droit d'établir et de maintenir des contacts appartient nécessairement à l'enfant.
En résumé, je vous invite vivement à veiller à ce que les recommandations de votre comité respectent les droits des enfants, tels que définis par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
Je n'ai pas ajouté d'autres recommandations dans mon mémoire. Je vous invite à vous référer aux recommandations formulées par Mme Judy Finlay, Défenseure des enfants, en Ontario, au nom du Canadian Council of Provincial Children's Advocates, recommandations que j'appuie sans réserve.
Je vous remercie beaucoup de l'intérêt que vous avez manifesté. Je suis prête à répondre à vos questions.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, madame la présidente.
• 1820
Je remercie le témoin d'être venu aujourd'hui.
J'ai cru comprendre que vous aviez dit que le poste de défenseur des enfants avait été créé par une loi de l'assemblée législative provinciale et que le défenseur des enfants était également membre de la haute direction de l'assemblée législative. Est-ce bien ce que vous avez dit?
Mme Deborah Parker-Loewen: Je suis un haut fonctionnaire de l'assemblée législative de la Saskatchewan. C'est exact. J'ai été nommée en vertu de l'Ombudsman and children's advocate Act de la Saskatchewan.
La sénatrice Anne Cools: Comment la loi définit-elle vos rapports avec les services de la protection de l'enfance? En d'autres termes, quel est le rapport entre la loi qui crée le défenseur des enfants et celle qui accorde certains pouvoirs aux services de la protection de l'enfance? Je ne sais pas comment s'appelle cette loi dans votre province, mais dans certaines provinces on parle de la loi sur la protection de l'enfance ou de la loi sur les services à l'enfance et à la famille. Comment l'appelez-vous?
Mme Deborah Parker-Loewen: Le Child and Family Services Act.
La sénatrice Anne Cools: Que prévoit la loi à ce sujet?
Mme Deborah Parker-Loewen: La loi qui a créé mon poste énonce que je suis une fonctionnaire indépendante qui relève de l'assemblée législative et que j'ai les pouvoirs que possèdent les autres fonctionnaires de cette assemblée.
La loi énonce que le défenseur des droits des enfants «reçoit, examine et fait enquête» sur toute question concernant un enfant qui reçoit des services offerts par un ministère ou un organisme gouvernemental.
Le rapport que j'entretiens avec les autorités provinciales de protection de l'enfance est que je peux être saisie de toute question concernant un enfant. Il y a une autre disposition qui mentionne que je peux essayer d'aider à résoudre certains problèmes par le biais de la médiation.
La sénatrice Anne Cools: Vous pouvez donc examiner et faire enquête. Possédez-vous un pouvoir de décision?
Mme Deborah Parker-Loewen: J'ai le pouvoir de présenter des recommandations.
La sénatrice Anne Cools: Très bien.
Mme Deborah Parker-Loewen: Je présente mes recommandations au sous-ministre, au ministre ou à l'assemblée plénière, qui deviennent alors, évidemment, des recommandations publiques.
La sénatrice Anne Cools: Vous n'exercez donc aucun pouvoir de surveillance.
Mme Deborah Parker-Loewen: Aucun.
La sénatrice Anne Cools: Ce sont des pouvoirs concurrents. Le défenseur des enfants n'exerce pas un pouvoir de surveillance sur d'autres autorités.
Et pourtant, s'il y a bien un domaine du droit et des services qu'il conviendrait d'examiner, c'est bien toute la question des pouvoirs des autorités de protection de l'enfance. Il serait urgent de revoir le fonctionnement de ces services. Il y en a encore beaucoup qui agissent comment le faisaient les dames charitables du siècle dernier.
Mme Deborah Parker-Loewen: Il existe un poste comparable en Colombie-Britannique. Nous possédons des pouvoirs assez étendus en matière d'enquête. Ils ont le pouvoir de citer des témoins, de pénétrer dans des locaux pour examiner des documents. Les pouvoirs d'enquête sont donc relativement étendus et le gouvernement prend très au sérieux les recommandations qui peuvent découler de ces enquêtes.
La sénatrice Anne Cools: Je comprends mais le rapport est...
De toute façon, vous avez répondu à mes questions. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci beaucoup.
Je trouve tout cela fascinant mais j'aimerais savoir comment cela fonctionne et quel genre de recommandations vous présentez. Nous savons tous que, dans le système actuel, lorsque deux personnes se séparent et présentent une demande de divorce, ils se posent immédiatement la question de savoir qui aura les enfants. Les deux conjoints sont représentés par un avocat. Il y a parfois des personnes qui se représentent elles-mêmes.
Supposons pour le moment, pour prendre un cas hypothétique, que les deux parents sont représentés par un avocat et qu'ils n'ont qu'un enfant. À quel âge pensez-vous que l'on devrait tenir compte des opinions de l'enfant?
Mme Deborah Parker-Loewen: Je ne suis pas convaincue que l'âge soit un critère déterminant.
Le sénateur Duncan Jessiman: À n'importe quel âge?
Mme Deborah Parker-Loewen: Je crois que la maturité est un élément important.
Le sénateur Duncan Jessiman: Dites-moi comment vous décideriez; vous dites «cela dépend de l'enfant» mais vous ne demanderiez pas l'opinion à un enfant d'un an, parce qu'il ne comprend pas, et pas non plus à un enfant de deux, trois, quatre ou cinq ans. Il y a des enfants de cinq ans qui sont plus éveillés que d'autres; je suis d'accord avec vous.
Quel est l'âge de raison, est-ce cinq ans?
Je n'essaie pas de vous piéger. J'aimerais savoir ce que vous pensez. Supposons que je représente une partie et que vous représentez l'autre. Vous représentez la mère. Moi, c'est le père. Nous voulons savoir ce que l'enfant pense. Comment allons-nous procéder? Dites-moi à quel âge vous pensez et nous partirons de là.
Mme Deborah Parker-Loewen: Il est très difficile de définir un âge précis.
Le sénateur Duncan Jessiman: Donnez-moi une fourchette.
Mme Deborah Parker-Loewen: Il y a des enfants qui ont du mal à communiquer et d'autres pour qui cela est plus facile.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous avez raison. Peut-on dire que cela est possible lorsque l'enfant a entre 5 et 10 ans? Cette enfant avait 12 ans et cela a donné de bons résultats dans ce cas.
Mme Deborah Parker-Loewen: Elle était capable de dire ce qu'elle pensait.
Le sénateur Duncan Jessiman: Oui, et quel serait l'âge minimum? Manifestement, elle représente l'âge maximum, nous pourrions donc essayer de voir ce que pourrait être l'âge minimum.
Mme Deborah Parker-Loewen: Cela dépend de la façon dont vous allez demander à l'enfant d'exprimer son point de vue.
Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien. Vous représentez une partie et je représente l'autre et c'est vous qui suggérez cette idée et je veux connaître son opinion. Je me dis, c'est vraiment une très bonne idée. C'est ce que je pense, je suis sérieux.
Mme Deborah Parker-Loewen: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Si cela est possible, nous allons essayer d'inclure cette recommandation dans nos politiques au moins, et voilà ce que je vous demande. Vous nous conseillez et nous sommes ceux qui allons présenter des recommandations au gouvernement. Je vous pose la question. Vous représentez une partie et je représente l'autre et je suis d'accord pour essayer de savoir ce que pense l'enfant. Prenons comme hypothèse que l'âge de 12 ans est l'âge maximum. Peu importe, disons que l'âge maximum est de 12 ans. Il s'agit d'une enfant de 12 ans. Allons-nous nous réunir avec l'enfant pour l'interroger?
Mme Deborah Parker-Loewen: Je recommanderais, je vous dis cela pour ce que ça vaut...
Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien.
Mme Deborah Parker-Loewen: ... de fixer un âge.
Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien, nous avons là une fillette de 12 ans et nous sommes d'accord sur le fait que cette fillette a suffisamment de maturité. Nous sommes devant une fillette capable de dire ce qu'elle pense. Que recommandez-vous maintenant? Il y a une fillette raisonnable, et nous sommes tous les deux d'accord...
Mme Deborah Parker-Loewen: Me posez-vous une question au sujet de cette enfant?
Le sénateur Duncan Jessiman: Non, n'importe quel enfant qui aurait la même maturité. Il s'agit d'un enfant éveillé et vous représentez la mère ou je peux représenter la mère si vous préférez représenter le mari; cela m'est égal. J'aimerais savoir comment vous et moi, en tant qu'avocats... Allons-nous rencontrer l'enfant ensemble, allons-nous le rencontrer séparément pour ensuite nous réunir ou allons-nous demander à une autre personne de se réunir avec elle? Allons-nous demander à nos clients de parler avec leur enfant?
Mme Deborah Parker-Loewen: Monsieur Jessiman, il existe de nombreuses possibilités, comme vous les avez.
Le sénateur Duncan Jessiman: Oui.
Mme Deborah Parker-Loewen: Si vous pensez à une situation où les parties ont déjà saisi le tribunal, ce qui je l'espère...
Le sénateur Duncan Jessiman: Eh bien, j'espère que nous ne l'avons pas encore fait.
Mme Deborah Parker-Loewen: Ce genre de discussion aurait pu avoir lieu bien avant...
Le sénateur Duncan Jessiman: Oui, disons que nous sommes au début...
Mme Deborah Parker-Loewen: ... au cours de la médiation.
Le sénateur Duncan Jessiman: On vient de retenir nos services; ces gens vont divorcer; ils ont décidé que leur mariage était fini.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Jessiman, je vous demande de laisser la défenseure des enfants répondre.
Mme Deborah Parker-Loewen: Il n'y a pas de réponse unique, cela reflète la complexité de la question.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je ne sais pas comment nous allons pouvoir recommander...
Mme Deborah Parker-Loewen: Il n'est pas facile de préciser les modalités de la participation de l'enfant. Votre comité souhaitera peut-être envisager d'élaborer des lignes directrices qui tiendraient compte des étapes du développement des enfants.
Le sénateur Duncan Jessiman: Oui.
Mme Deborah Parker-Loewen: Vous souhaiterez peut-être fixer un âge à partir duquel tous les enfants peuvent se faire représenter et pour les enfants qui n'ont pas atteint cet âge, on pourrait envisager différents moyens de tenir compte de leur point de vue, qui soient adaptés à leur maturité et à leur degré de développement.
L'article 12 ne précise pas que l'enfant doit être représenté par un avocat.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous avez peut-être mentionné ce qui pourrait être la réponse, si c'est bien ce que vous dites et je crois que ce serait une bonne réponse. Vous pouvez me dire: «Je pense que nous devrions faire représenter l'enfant; nous pourrions ensuite parler à cette personne et c'est elle qui leur parle.» Est-ce bien cela?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Jessiman, laissez-la poursuivre.
Le sénateur Duncan Jessiman: Non, non. Quoi? Quoi? Elle a parlé de cela. Je ne conteste pas que, si...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Elle n'avait pas fini sa phrase, je crois.
Mme Deborah Parker-Loewen: Il y a des enfants qui sont tout à fait capables de se représenter eux-mêmes.
Le sénateur Duncan Jessiman: Excusez-moi?
Mme Deborah Parker-Loewen: Il y a des enfants qui sont tout à fait capables de dire ce qu'ils ont à dire.
Le sénateur Duncan Jessiman: Oui.
Mme Deborah Parker-Loewen: D'autres enfants auraient besoin d'être accompagnés par un défenseur des droits des enfants. D'autres encore ont besoin d'une personne qui parle en leur nom.
Ce qui importe, c'est que les mesures que vous allez adopter soient suffisamment souples pour tenir compte de la maturité de l'enfant. Il me paraît moins important de fixer un âge précis...
Le sénateur Duncan Jessiman: Nous avons un enfant...
Mme Deborah Parker-Loewen: ... que d'introduire une grande souplesse, de façon à respecter le degré de maturité de l'enfant.
Dans une vie antérieure, j'ai été psychologue pour enfants. Les enfants de deux et trois ans peuvent déjà vous donner une idée de ce qu'ils préfèrent, ce qui, malgré les questions de fiabilité que peut poser ce genre de déclaration et le débat qui entoure la crédibilité des spécialistes de la santé mentale, vous montre ce dont ils sont capables. Mais quelle que soit la solution retenue, elle devra comporter beaucoup de souplesse.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Le sénateur Duncan Jessiman: Non, il faut que je comprenne bien cela, parce que cela me paraît très important.
Êtes-vous d'accord pour dire que les deux dernières personnes à qui l'enfant devrait parler sont son père et sa mère, comment pourrait-il leur dire «Écoute, je ne veux pas vivre avec toi; je vivrais peut-être avec toi?» Il serait incapable de le faire n'est-ce pas? Demanderiez-vous à un enfant de 12 ans de dire ces choses à sa mère et à son père qui vont se séparer, à un enfant qui a vécu avec eux depuis sa naissance?
Mme Deborah Parker-Loewen: Il existe d'autres façons de savoir ce que veulent les enfants, on peut leur demander: Qu'est-ce qui est important pour toi dans l'endroit où tu vis? Comment passes-tu ton temps? Avec qui passes-tu ton temps?
Le sénateur Duncan Jessiman: Je vous demande s'il s'agit bien de choses dont l'enfant devrait parler avec son père et sa mère?
Mme Deborah Parker-Loewen: De choses qui devraient être discutées avec l'enfant?
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que cet enfant...
Mme Deborah Parker-Loewen: Je ne pense pas que l'on puisse donner une réponse générale. Cela dépend des circonstances et vos recommandations doivent être suffisamment souples pour offrir diverses solutions qui peuvent répondre à des situations diverses. Je crois également que, si l'on veut axer les décisions sur l'enfant et sur son bien-être, cela peut se faire lorsque les gens réussissent à mettre de côté les questions personnelles qui les préoccupent en tant qu'adultes.
Le sénateur Duncan Jessiman: Et vous estimez que dans certaines circonstances, un enfant de 12 ans qui vivait avec sa mère et son père il n'y a pas longtemps et qui divorcent aujourd'hui peut parler avec eux de la façon dont il envisage la garde?
Mme Deborah Parker-Loewen: Oui, je le pense. Il se peut également qu'elle change d'idée, comme vous pourriez le faire.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous êtes avocate?
Mme Deborah Parker-Loewen: Non, je ne suis pas avocate.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je vois. Vous n'avez donc pas vraiment... très bien.
Mme Deborah Parker-Loewen: Cela ne veut pas dire que je ne comprends pas les enfants.
Le sénateur Duncan Jessiman: Non, je le sais déjà. Mais vous ne les avez pas représentés, dans le sens que vous ne pouvez pas... Je sais que cela est impossible, lorsque ces personnes s'affrontent, et que c'est de ça qu'il s'agit, de personnes en conflit...
Mme Deborah Parker-Loewen: Je vous recommande de veiller à ce que l'on tienne compte du point de vue de l'enfant, et pas seulement de l'intérêt de l'enfant, mais de son point de vue.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup.
Madame Parker-Loewen, vous avez mentionné peu après le début de vos commentaires qu'en Saskatchewan, le défenseur des enfants ne possédait pas de pouvoirs en matière de garde et d'accès. Je suis ici en tant qu'invité et je ne suis pas spécialiste de ce domaine, mais dois-je en déduire qu'il y a d'autres provinces où les défenseurs des enfants possèdent des pouvoirs plus vastes? Est-il possible de tirer cette conclusion?
Mme Deborah Parker-Loewen: Non. Au Canada, c'est peut-être la Saskatchewan qui a adopté la loi la plus large en matière de défense des enfants. Dans certains pays, aux États-Unis, on appelle défenseur des enfants une personne qui n'est pas toujours un juriste et qui défend le point de vue des enfants dans un contexte judiciaire. Il y a donc une différence de terminologie parce qu'au Canada le défenseur des enfants joue un rôle différent de celui qui appartient à ce même défenseur aux États-Unis. Je crois qu'il est important de le préciser.
La loi de la Saskatchewan ne me permet pas d'intervenir au sujet d'une question qui a été tranchée par un tribunal. C'est là la principale limite. Ce n'est pas une limite qui touche uniquement la garde et l'accès. Toute question qui a été tranchée par un tribunal ne peut être modifiée qu'en utilisant la procédure d'appel prévue.
M. Dick Proctor: Que pensez-vous, personnellement ou professionnellement, d'attribuer des pouvoirs plus larges au défenseur des enfants pour que celui-ci puisse intervenir dans une instance judiciaire?
Mme Deborah Parker-Loewen: Je pense que le bureau du défenseur des enfants, tel qu'il est défini en Saskatchewan, n'a pas la capacité de modifier une décision judiciaire régulièrement prononcée. J'estime par contre que l'on pourrait envisager de confier à un défenseur des enfants, qui ne relèverait pas nécessairement de ce genre de bureau, et qui ne serait pas créé par la loi dont j'ai parlé, puisse intervenir avant la saisine des tribunaux pour veiller à ce que la voix des enfants soit entendue. C'est donc une réponse nuancée que je vous donne.
M. Dick Proctor: Oui.
Vous avez également dit qu'il n'y avait pas d'avocat des enfants en Saskatchewan, au niveau provincial. Est-ce que ce poste existe dans d'autres provinces?
Mme Deborah Parker-Loewen: Je sais qu'il existe un Bureau de l'avocat des enfants en Ontario. En Saskatchewan, lorsqu'un enfant a besoin d'un avocat, le bureau du défenseur des enfants ou d'autres personnes ont à leur disposition différentes façons d'aider les enfants à retenir les services d'un avocat, comme l'ont fait la tante et l'oncle dont je vous ai parlé. Dans certains cas précis, l'aide juridique peut accepter de s'occuper du cas d'un enfant, même si cette possibilité est très réduite dans ce domaine. Dans d'autres situations, ce sont les services de protection de l'enfance qui peuvent s'en charger ou le tuteur public. Il y a toutefois des lacunes dans ce domaine et les autorités provinciales sont en train d'examiner toute cette question.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je ne pose pas souvent de questions mais j'ai trouvé cette idée d'écouter ce qu'ont à dire les enfants fort intéressante.
Je vais essayer une autre fois, M. Jessiman. Je vais vous donner l'exemple d'un mari et une femme qui ont divorcé et qui ont deux enfants, de quatre et 10 ans. Le mari a des droits de visite et la femme a la garde. Six ans plus tard la femme informe, par l'intermédiaire de son avocat, son ex-mari que la fille, maintenant, âgée de 10 ans, ne veut plus voir son père.
On vous demande donc de faire enquête. Sachant que la fille vit avec sa mère depuis six ans, que pouvez-vous faire pour vous assurer que c'est bien en fait ce que souhaite l'enfant et non pas la mère?
Mme Deborah Parker-Loewen: Si vous me posez la question en tant que défenseur des enfants, je vous dirais que je m'adresserai directement à l'enfant. Si l'enfant me répète la même chose en privé, à ce moment-là, c'est l'opinion que je communiquerai.
Je sais qu'il est possible que quelqu'un ait influencé l'enfant. Mais il faut également tenir compte du fait que le père l'a vue régulièrement pendant six ans et qu'il a eu ainsi l'occasion de parler à son enfant et que celui-ci a eu le temps de se faire une idée.
J'ai essayé de montrer dans mon exposé qu'il fallait absolument tenir compte du point de vue de l'enfant. Ça ne veut pas dire que l'enfant va obtenir exactement ce qu'il veut. Mais il faut que ce point de vue soit examiné et respecté. Si à 10 ans, elle ne veut plus voir son père, il y a peut-être une autre raison pour cela. Il faut écouter cette raison et ne pas simplement dire que c'est une ordonnance judiciaire qu'il faut exécuter, que l'enfant se sente ou non en sécurité à ce moment-là.
Je ne sais pas si vous avez des enfants mais il peut arriver que votre fille de 10 ans vous dise à un moment donné qu'elle ne veut plus aller chez son grand-père. Il faut alors en parler. Que se passe-t-il? Ce sont des questions qui se posent lorsque les parents sont séparés et divorcés ou lorsqu'ils vivent ensemble. C'est à nous de trouver les moyens de respecter le point de vue de nos enfants. Ce n'est pas une question qui touche uniquement les enfants dont les parents sont séparés.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Dans le cas que je vous ai décrit, vous dites que vous écouteriez ce que l'enfant a à dire. Supposons le pire et supposons que la mère lui dise: tu vas rencontrer cette personne et voilà ce que tu vas lui dire. Si tu ne dis pas cela, tu vas en subir les conséquences.
Un enfant de 10 ans est très impressionnable. Comment pouvez-vous être sûre que cela n'est pas ce qui se passe?
Mme Deborah Parker-Loewen: On ne peut jamais être sûr. Il faut par contre que quelqu'un établisse une relation de confiance avec l'enfant de sorte que ce genre de question puisse être abordé progressivement. Je dis qu'à ce moment-là il faut encore respecter le point de vue de l'enfant.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): M. Jessiman a une question supplémentaire.
Le sénateur Duncan Jessiman: Donneriez-vous la même réponse si les rôles étaient inversés dans ce cas? L'homme a le droit de visite, la femme a la garde et la petite fille dit un jour à sa mère, je veux aller vivre avec papa.
Mme Deborah Parker-Loewen: Ce n'est pas une question de sexe.
Le sénateur Duncan Jessiman: Non, je vous demande simplement si c'est la même chose. C'est tout.
Mme Deborah Parker-Loewen: Bien sûr, ce n'est pas une question de sexe. C'est une question de respect.
Le sénateur Duncan Jessiman: Vous avez raison; je suis d'accord avec vous. La garde et l'accès, c'est ce que veut l'enfant... si elle veut modifier non seulement les droits de visite, parce que c'est le cas qu'a décrit le président... mais il faudrait également tenir compte de son souhait de changer la garde.
Mme Deborah Parker-Loewen: Lorsque l'enfant ne se sent pas en sécurité, il faut en tenir compte.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je ne pense pas que dans l'exemple choisi, nous avions indiqué que l'enfant ne se sentait pas en sécurité. C'est simplement que... pour une raison ou une autre.
Mme Deborah Parker-Loewen: Bien sûr, il arrive qu'ils veulent aller à l'école pour répéter une pièce, et que ces répétitions ont lieu la fin de semaine pendant laquelle ils doivent aller voir l'autre parent. Je reconnais que ce n'est pas seulement une question de sécurité. C'est le genre de négociation qui se fait dans toutes les familles. J'ai trois enfants, je négocie tous les jours avec mes enfants et mon mari avec qui je vis depuis 25 ans.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je parierais que vous gagnez la plupart du temps.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Mme Bennett a une dernière question.
Mme Carolyn Bennett: Je me demande quelles sont les ressources dont vous disposez ou ce que vous pouvez faire lorsque votre intuition vous dit que cet enfant que vous devez protéger a fait un choix qui va lui nuire à long terme. Lorsqu'un enfant dit qu'il ne veut pas voir un de ses parents, ou autre chose, ne devrait-on pas voir là un signe indiquant que l'enfant risque plus tard de regretter ce choix? Pensez-vous que nous pouvons faire quelque chose pour amener l'enfant qui décide de ne plus voir un de ses parents, pour une raison ou pour une autre, qui le considère comme s'il était mort, pour lui offrir le soutien psychologique dont il a besoin pour lui permettre par la suite de changer d'idée si l'on réussit à mieux lui faire comprendre tous les aspects de cette décision?
Mme Deborah Parker-Loewen: Parlez-vous d'un enfant qui refuse de voir l'autre parent?
Mme Carolyn Bennett: Je dis que cet enfant devrait automatiquement être vu par un psychologue.
Mme Deborah Parker-Loewen: Je crois que les enfants ont besoin de soutien.
Mme Carolyn Bennett: Oui.
Mme Deborah Parker-Loewen: Ce soutien peut être offert par un conseiller, mais il y a beaucoup d'autres façons d'apporter un appui à un enfant. Les conseillers ne sont pas une panacée. La famille élargie, les amis de la famille, les autres adultes qui aiment l'enfant, peuvent aider celui-ci aussi bien qu'un conseiller le ferait.
Je n'ai pas réfléchi à cette question mais je ne suis pas sûre qu'il soit nécessaire de prévoir l'intervention obligatoire d'un conseiller. Par contre, si l'enfant demande de voir un conseiller, il faudrait en tenir compte.
Mme Carolyn Bennett: Quelle que soit la situation, lorsqu'un enfant décide de ne pas voir un parent, cela ne revient-il pas à presque dire...?
Je suis une grand-mère et je sais ce que je peux apporter en terme de soutien et de conseils et je sais que, sur le plan thérapeutique, il y a des choses que je ne peux pas offrir moi-même. Lorsqu'il y a une situation de crise, je peux m'en occuper. Dans d'autres cas, je réfère les enfants à quelqu'un d'autre.
Je crois que, lorsque l'enfant prend une décision aussi grave que celle de ne plus voir un de ses parents, cela indique presque nécessairement qu'il faut prévoir une action thérapeutique pour cet enfant?
Mme Deborah Parker-Loewen: Je crois que l'on pourrait envisager de lui offrir des conseils thérapeutiques. Je ne pense pas que les choses soient noir et blanc. L'enfant dit aujourd'hui: Je ne veux plus jamais voir ce parent. Il faut trouver le moyen de préserver la communication; il faut essayer de le faire.
Avez-vous déjà connu un homme ou une femme qui ne voulait plus jamais revoir son conjoint? Il peut arriver avec le temps que cette décision change et qu'on mette au point un autre plan. Ce n'est pas très différent pour les enfants. Avec le temps, avec un changement de situation ou dans un environnement plus sûr, il est parfois possible de réparer les choses.
Mme Carolyn Bennett: Ne craigneriez-vous pas par exemple de laisser passer quelque chose, que ce soit de l'agression ou l'alcoolisme? Pour moi, c'est comme une sirène d'alarme.
Mme Deborah Parker-Loewen: Il faut demander à l'enfant de rencontrer un conseiller lorsque l'adulte commet des actes d'agression ou est alcoolique.
Mme Carolyn Bennett: Je dis qu'il faut essayer de savoir ce qui se passe.
Mme Deborah Parker-Loewen: Ce n'est pas l'enfant qui a besoin de counselling.
Mme Carolyn Bennett: D'après mon expérience, les enfants qui ont été victimes d'agression ont besoin d'aide pour surmonter cette épreuve et il y a moins de répercussion lorsqu'ils reçoivent cette aide rapidement.
Mme Deborah Parker-Loewen: Si vous me demandez si un enfant qui a été agressé a besoin de counselling, je répondrais qu'il faut lui offrir ce service.
Mme Carolyn Bennett: Si un enfant déclare ne plus vouloir aller chez l'autre parent, comment savoir que ce n'est parce qu'il a été agressé?
Mme Deborah Parker-Loewen: Je ne dis pas qu'il ne faut pas faire enquête. Je dis simplement qu'il faut respecter le point de vue de l'enfant.
Mme Carolyn Bennett: Comment pourrons-nous le faire si nous n'avons pas la permission de poursuivre la relation ou de faire parler l'enfant?
Mme Deborah Parker-Loewen: Eh bien, qui parle à qui dans ce cas-ci? Si vous dites que l'enfant ne veut pas voir le parent A, ça ne veut pas dire que l'enfant n'est pas prêt à parler à quelqu'un d'autre des raisons pour lesquelles il ne veut pas voir le parent A.
Mme Carolyn Bennett: Il pourrait être risqué de parler au parent B de...
Je me demande simplement si nous ne pourrions pas demander à un tiers impartial de parler à l'enfant plutôt que de simplement signaler le cas à votre bureau?
Mme Deborah Parker-Loewen: Oh, très bien.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett, si vous permettez, je dois mentionner que cet aspect a déjà été soulevé deux ou trois fois. Les personnes qui s'intéressent aux droits des enfants nous ont déclaré qu'il serait souhaitable que les enfants puissent appeler quelqu'un lorsqu'ils ne se sentent pas en sécurité, de façon à démarrer le processus qui permettrait de comprendre ce qu'est en train de vivre cet enfant... Est-ce de cela que vous voulez parler?
Mme Deborah Parker-Loewen: Dans ce cas, je peux vous donner une meilleure réponse. Il arrive que notre bureau reçoive des appels provenant d'enfants qui disent «Je ne veux pas aller voir mon parent non gardien», je l'appelle comme cela. Notre bureau reçoit l'appel. Nous sommes un organisme neutre, exactement ce dont vous parlez. La personne qui répond va essayer de savoir ce qui se passe, elle va demander à l'enfant: «À qui en as-tu parlé? En as-tu parlé à quelqu'un d'autre? Serais-tu prêt à en parler à un travailleur social?» Bien souvent, l'enfant dit oui. Nous lui demandons alors: «Quel est ton numéro de téléphone? Comment peut-on te rejoindre?» Nous appelons un travailleur social. Nous allons veiller à ce que quelqu'un parle à l'enfant dans les 24 heures. On peut donc faire des choses.
Ce sont des événements inhabituels, même pour notre bureau, et nous...
Mme Carolyn Bennett: Excusez-moi mais je veux en fait parler de ce qui est une de mes priorités, à savoir les ressources. Si notre comité ne demande pas des ressources pour pouvoir offrir ce genre de soutien au sein du système judiciaire, et s'il ne précise pas qu'il tient à ce que l'on offre ce genre de service, alors nous ne recevrons pas de fonds. Je crois qu'en Ontario, le Bureau de l'avocat des enfants ne réussit qu'à traiter 60 p. 100 des cas qui lui sont référés et qu'il doit en refuser 40 p. 100. Je ne pense pas qu'en Ontario, on pourrait envoyer quelqu'un voir l'enfant dans les 24 heures. Je ne sais pas comment nous procédons. C'est pourquoi il y a tous ces frais et que dans notre pays, les enfants riches bénéficient d'un appui et les enfants pauvres n'en ont pas, et cela ne semble pas très juste.
Mme Deborah Parker-Loewen: Il me paraît très important de faire une différence entre les enquêtes sur les allégations de mauvais traitements et l'offre de services de counselling aux enfants. Ces deux choses ne vont pas nécessairement ensemble. Il est important d'avoir des renseignements exacts.
Ma dernière observation est qu'il est important d'écouter ce que l'enfant dit, et de baser ensuite la discussion sur cela; il ne faut pas minimiser ou écarter son point de vue. Si l'enfant ne se sent pas à l'aise, il faut en tenir compte.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup d'être venue témoigner cet après-midi.
J'aimerais remercier l'auditoire, il y en a une bonne partie qui est là depuis ce matin, parce qu'il s'intéresse à ce sujet. J'aimerais remercier M. Proctor qui s'est joint aujourd'hui à notre comité.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): La séance est levée jusqu'à demain, le 1er mai, à 9 heures à Winnipeg.