TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 avril 1998
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson (Ontario, Lib.)): Bienvenue à la 15e séance du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.
Avant de commencer, je voudrais lire l'ordre de renvoi de notre comité. Il stipule:
Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin M. Norman Levasseur, président du Groupe d'action des pères pour le maintien des liens familiaux; M. Sylvain Camus, directeur général de Pères séparés; et MM. Turcotte, Claes et Prévost, qui représentent l'Association lien pères enfants de Québec.
Puisque nous ne disposons que d'une heure et que les membres du comité aimeraient vous poser des questions, nous souhaiterions que vous puissiez faire vos présentations en cinq minutes.
M. Rock Turcotte (Association lien pères enfants de Québec): Bonjour. Je m'appelle Rock Turcotte et je suis président de l'ALPE de Québec. Nous sommes heureux de venir témoigner devant vous de notre vécu.
L'ALPE de Québec est une jeune association de pères séparés et divorcés de Québec qui regroupe présentement une centaine de membres à qui nous offrons des services-conseils. Elle coordonne aussi différentes activités qui permettent de mieux sensibiliser le grand public à ce que vivent les pères séparés et divorcés du Québec.
Nous travaillons déjà en collaboration avec différentes associations partout dans le monde afin de revaloriser le rôle des pères et aussi afin qu'on respecte le fait que les enfants puissent vivre aussi bien avec leur père que leur mère.
Nous profitons de notre présence ici pour faire une première mise au point. Il est bon de vous rappeler dès le départ que les enfants, tant pour leur père que pour leur mère, sont uniques. Il va de soi qu'il est de la responsabilité de tous de protéger et de préserver ce droit fondamental sur lequel repose toute société civilisée. À notre avis, ce droit a priorité sur tout autre.
Nous sommes bien conscients ce matin que certains groupes qui ont comparu devant ce comité ont semblé avoir oublié ce droit fondamental des enfants et même souhaité, d'une quelconque manière, le saper dans les faits. C'est à vous de juger leurs véritables intentions, qui font en sorte qu'ils sont prêts à priver les enfants et surtout nos enfants de ce droit primordial.
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Compte tenu du temps alloué, nous irons droit au but.
Nous présenterons, dans un premier temps, les principes
qui doivent guider tout changement à la loi concernant
les divorces et les séparations, ainsi que les
recommandations qui en
découlent.
Les principes mis de l'avant par l'ALPE de Québec sont les suivants:
- prendre les mesures requises pour éviter toute forme de confrontation inutile et ayant pour unique but de faire du chantage sur l'autre parent, prenant ainsi plus ou moins directement ou indirectement les enfants en otage;
- faire en sorte que la garde conjointe et partagée soit une réalité de fait, cela dans l'intérêt de l'enfant;
- présumer que les deux parents sont de bons parents et que ces derniers se comportent comme tels;
- rendre impossible tout rapt d'enfant, sous quelque prétexte que ce soit;
- protéger le droit des enfants au libre accès à leur père et à leur mère lors d'un divorce ou d'une séparation;
- que toute forme de manipulation et de chantage, quelle qu'elle soit, ainsi que toutes les diverses tracasseries juridiques soient réprimées et rendues inutiles dans les faits;
- rendre caduque toute procédure juridique qui viendra d'une quelconque façon entraver le libre accès de l'un ou l'autre des parents à son enfant, tout comme celui de l'enfant à ses deux parents;
- que les deux parents n'aient plus à se quereller pour obtenir la garde des enfants parce qu'ils sont égaux dans les faits.
Voilà, selon nous, les principes autour desquels tout changement à la Loi sur le divorce devrait s'articuler. De cela découlent des recommandations plus précises, qui sont les suivantes. Au nom de l'ALPE de Québec, voici ce que j'ai à dire là-dessus:
- la meilleure façon de protéger le droit naturel des enfants à leurs deux parents est la garde conjointe et partagée à 50 p. 100;
- que, dès le début des procédures juridiques en vue d'une séparation ou d'un divorce, la garde conjointe et partagée soit mise en place automatiquement, de même que lorsque cesse la vie commune des parents;
- que les enfants demeurent dans leur milieu social et scolaire au moment du divorce, cela jusqu'à l'âge de 12 ans;
- qu'un enfant de plus de 12 ans puisse choisir de vivre pendant une période d'un an avec l'un ou l'autre des parents, cela en alternance, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la zone scolaire;
- qu'une souplesse soit introduite dans la notion de garde conjointe et partagée, de manière à ce que la période maximale de calcul de celle-ci puisse s'étaler sur deux ans sans que cela ait pour effet d'accorder un droit quelconque de prétendue garde exclusive à l'un des parents;
- que les enfants de plus de 14 ans puissent réclamer la possibilité de vivre avec l'un ou l'autre des parents, cela sur une base annuelle, tout en tenant compte de la période de l'année scolaire;
- que toutes les formes de chantage d'un parent contre l'autre, par l'utilisation du système judiciaire ou par de fausses accusations criminelles, ne soient plus tolérées d'aucune façon;
- que les tribunaux soient très vigilants face aux possibilités d'aliénation parentale et de domination parentale par l'un ou l'autre des parents;
- que, lorsque l'enfant atteint l'âge de 18 ans, dans le cas d'une séparation ou d'un divorce, toutes les responsabilités parentales découlant de la loi touchant les séparations et les divorces prennent fin; l'enfant est libre de vivre où il le veut et comme il le veut parce qu'il est majeur dans les faits.
Voilà ce que nous avons à recommander quant à une révision de la Loi sur le divorce. Cela, d'après nous, fait déjà l'objet d'un large consensus au sein de la population. Nous serons heureux de répondre aux questions que vous voudrez nous poser.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Qui d'autre aimerait prendre la parole maintenant?
M. Norman Levasseur (président, Groupe d'action des pères pour le maintien des liens familiaux): Cela me fait plaisir de vous présenter le Groupe d'action des pères pour le maintien des liens familiaux, qui existe depuis le mois de mars 1996. Le GAPMLF a pour but de protéger et de défendre les droits des pères séparés et divorcés et de les informer des possibilités qui les touchent. Nous visons surtout à donner aux enfants le droit d'être aimés par leurs deux parents à leur juste valeur.
Le GAPMLF regroupe des pères séparés ou divorcés qui résident dans la région de Trois-Rivières. Parmi nos membres, nous retrouvons des gens de différents milieux sociaux, tels des assistés sociaux, des professionnels de la santé, des notaires, des médecins, des gens d'affaires, etc., ce qui nous fait bien voir que le problème que vivent les pères séparés et divorcés touche toutes les classes sociales. Les pères d'un peu partout au Canada nous appellent pour nous exprimer leur solidarité.
• 1010
Le Groupe
d'action des pères pour le maintien des liens
familiaux croit qu'il est possible de donner à nos
enfants un milieu sain où ils pourront s'épanouir et
vivre normalement avec leurs deux parents, comme ils le
méritent.
Aujourd'hui, lors d'une séparation ou d'un divorce, la société déresponsabilise le père face à ses fonctions parentales. La société laisse à la mère la responsabilité d'éduquer ses enfants dans tous les sens du mot. Le rôle du père ne consiste plus qu'à procurer une sécurité monétaire, un soutien financier avec le montant de la pension alimentaire.
Les droits de visite et d'accès aux enfants constituent le motif le plus fréquent de recours aux tribunaux dans les cas de divorce ou de séparation. Ces motifs donnent régulièrement lieu à des conflits déchirants au milieu desquels se retrouvent les enfants, qui sont souvent traumatisés pour le reste de leur vie et qui ont, malgré eux, à choisir entre le père et la mère.
Le GAPMLF souhaite la déjudiciarisation la plus complète de la procédure consécutive à la rupture d'union. Le GAPMLF propose en conséquence le recours obligatoire à la médiation sur tout sujet relatif à la garde et à la subsistance des enfants à la suite d'une rupture d'union. Dans ce cadre, il préconise la garde partagée comme disposition de base et, dans l'impossibilité d'une garde partagée, une contribution financière au soutien de l'enfant en pourcentage sur le principe de l'impôt à l'application.
Le GAPMLF craint qu'à la suite d'une rupture, l'un des deux parents puisse se retrouver à l'aide sociale. Dans ces cas particuliers, le GAPMLF recommande une attention particulière de la part du gouvernement pour éviter que la société encourage la pratique du travail au noir.
Le GAPMLF ne peut dire si la femme est plus apte que le père à s'occuper des enfants, mais reconnaît qu'avant la rupture, tous les deux étaient de bons parents. Au bénéfice de la société, les femmes sont entrées en masse sur le marché du travail, ce qui les rend égales aux hommes. L'homme, quant à lui, redéfinit sa paternité et ses priorités. Autrefois, le travail passait avant la famille; aujourd'hui, la famille passe avant le travail. L'homme est davantage préoccupé par l'éducation de ses enfants. Maintenant que nous venons d'établir l'égalité parentale, comment peut-on continuer d'avantager l'un des deux parents au détriment de l'autre?
Le GAPMLF s'est donné comme mandat de faire respecter une directive: l'intérêt des enfants. Je ne lirai pas tout le mémoire qu'on vous a présenté, mais seulement la conclusion.
Les principales conclusions indiquent que l'intérêt de l'enfant n'est absolument pas respecté et que les pères et les enfants vivent le sexisme à son plus pur. Comment en sommes-nous arrivés à réduire la notion du père à un statut d'importance secondaire? Tous ces acquis donnent à la femme une position absolument enviable. Mais ce déséquilibre, où la mère n'a plus besoin du père pour avoir ou continuer une famille, aura des conséquences désastreuses pour les hommes et les enfants et, à plus long terme, pour la société.
Aujourd'hui, l'homme qui désire vivre une paternité plus affective et rapprochée de ses enfants a une énorme montagne à escalader. Bon nombre d'hommes ont redéfini leur paternité et leurs priorités vis-à-vis de leur engagement professionnel pour se permettre un rapprochement physique et affectif avec leurs enfants.
Malheureusement, cette porte ne restera ouverte qu'aussi longtemps qu'il le sera permis par la mère, car advenant un divorce où la mère refuse la garde partagée ou refuse d'accepter une pension juste et équitable pour permettre au père de vivre décemment, le père, sans l'accord de la mère, restera ce père qui est lié d'affection et qui a pris goût à paterner ses enfants, mais devra délier tous ses attachements et retourner au vieux modèle du père.
Devons-nous continuer à créer un monde où la mère peut remplacer le père biologique de ses enfants par tout autre père de son choix, voire même éliminer totalement le père de la vie de ses enfants? Nous léguons une société bien cruelle et désastreuse à nos enfants, une société où il est trop facile pour la mère d'éloigner le père de ses enfants, une société où le père ne compte plus et n'est pas considéré à sa juste valeur.
Le GAPMLF tient à remercier le gouvernement d'avoir écouté son point de vue. Nous espérons, pour l'intérêt des enfants, que l'ensemble du gouvernement osera accepter nos recommandations pour redonner à la famille une dimension basée sur l'intérêt de l'enfant.
Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a une autre présentation?
M. Sylvain Camus (directeur général, Pères séparés): Madame la sénatrice Pearson, monsieur le député Gallaway, mesdames et messieurs, le groupe Pères séparés a déposé un mémoire intitulé: «Ni Samson, ni Dalila». Le sous-titre est: «Pour une protection de la relation père-enfant qui compose avec les acquis sociaux de l'enfant, de la femme et des grands-parents».
Notre position ressemble à celle des deux intervenants précédents. Nous sommes un organisme implanté dans l'est de la ville de Montréal. Nous intervenons depuis quelques années assez intensivement sur différents plans. Nous oeuvrions antérieurement sur le plan des droits sociaux, mais nous avons constitué des groupes juste pour développer les services pour les pères. On a pu fréquenter, au cours des dernières années, différents milieux, les milieux d'intervenants sociaux des pères et les groupes de pères qui défendaient leurs droits.
Comme vous le savez sans doute, traditionnellement et encore aujourd'hui, les pères sont plus souvent qu'autrement confinés au rôle de pourvoyeurs de la mère et des enfants, alors que les enfants se voient limiter l'accès à leur père à une fin de semaine par 15 jours. Sous le régime de la Loi sur le divorce, au Canada, en 1990, comme vous le savez probablement, il y avait seulement 14,3 p. 100 des enfants qui bénéficiaient de la garde partagée; 73,3 p. 100 des enfants étaient confiés à leur mère.
La situation des enfants est encore moins reluisante au Québec lorsque l'on comptabilise les unions de fait. Ainsi, en 1991, selon le Conseil du statut de la femme, il n'y avait que 7 p. 100 des enfants qui bénéficiaient de la garde partagée, alors que la mère obtenait la garde dans 77 p. 100 des cas. Ainsi, au Québec, 93 p. 100 des enfants sont confiés à un seul parent.
L'attribution de la garde à un seul parent s'accompagne le plus souvent d'une quasi-déchéance de l'autorité parentale du parent non gardien. La non-attribution du temps de garde partagée s'accompagne le plus souvent, pour le parent non gardien, de la perte de son pouvoir de garde conjointe, c'est-à-dire de son pouvoir de prendre des décisions, conjointement avec le second parent, concernant l'école de l'enfant, ses traitements médicaux, etc. De plus, le parent non gardien conserve un mince pouvoir et un faible accès aux informations scolaires et médicales. Même là, l'exercice de la liberté des parents est soumise à l'arbitraire de la direction de l'école, de la garderie et de l'administration médicale.
De telles situations se produisent régulièrement. On est loin des années 1950, où les femmes avaient à revendiquer le droit de signer le bulletin scolaire de leur enfant, comme c'était le cas au Québec.
Quant au rapport des enfants avec les parents non gardiens, entre parenthèses les pères, ces derniers jouissent de peu de protection quant à l'exercice des droits d'accès. Comme le constate le rapport de mars 1995 du Comité pour la révision de la justice civile en Ontario, au Canada, selon un document du ministère de la Justice, 69 p. 100 des parents n'ayant pas la garde, surtout des pères, disent éprouver des problèmes liés à l'exercice du droit d'accès, et les recours juridiques et policiers pour faire respecter leurs droits sont peu efficaces, longs et coûteux.
Je voudrais ici porter à votre attention une décision de la juge L'Heureux-Dubé qui a bouleversé la jurisprudence: un parent gardien peut quitter le pays ou une région avec son enfant comme il le veut, cela pour la simple raison que la garde a déjà été accordée au «meilleur parent».
Je voudrais vous citer une situation qui montre l'excès de cette mesure. Cet exemple est celui d'un père qui exerce ses droits d'accès à tous les 15 jours. À chaque fin de semaine d'accès, il effectue l'aller-retour Montréal—Lac-Saint-Jean, ce qui veut dire plus de 400 kilomètres, pour que son enfant puisse bénéficier de sa présence et de sa sécurité. Pourtant, la mère est originaire du même secteur de Montréal et les grands-parents de leur enfant y résident.
Les pères aiment leurs enfants et leur sont profondément attachés. Ce n'est pas parce qu'ils n'en ont pas la garde qu'ils ne sont pas responsables et aptes à exercer la garde. Ainsi, le pouvoir de garde donne au parent gardien, s'il veut s'en servir de manière négative, un pouvoir énorme. Le temps que le parent gardien passe avec l'enfant ou son pouvoir d'empêcher l'exercice des droits d'accès lui donne la possibilité d'effectuer une aliénation parentale et de jouer sur le sentiment de culpabilité des enfants. Même certains hommes roses, des pères qui ont déjà passé une année ou un congé sabbatique avec leurs enfants, se sont vu refuser la garde partagée et ont été brimés dans leurs droits d'accès.
Bref, les enfants sont privés plus souvent qu'autrement de leur père, ce qui n'est pas sans conséquences à long terme sur leur développement et leur épanouissement. Les intervenants en médiation familiale du Palais de justice de Montréal soulignent divers effets psychologiques de la séparation sur l'enfant, cela selon l'âge et le sexe.
• 1020
Bref, les dispositions traditionnelles prévalent alors
que, dans la vie familiale quotidienne, les rôles sont de
moins en moins nettement délimités et normalisés.
L'avancement de la modernité a dissous
nos normes traditionnelles et donné plus de place à
la réalisation individuelle et personnelle. De plus,
le progrès de la condition féminine s'est effectué dans
une situation paradoxale. Pendant les années
1960 et 1970, les femmes ont revendiqué
leur autonomie économique, mais depuis environ 15 ans,
leurs revendications se sont portées contre la violence
et la pauvreté.
Si ces revendications sont bien fondées socialement, elles comportent quelque chose de paradoxal. Au discours de l'émancipation féminine s'est greffé le discours de la victimisation. Le discours sur la situation des femmes s'est donné deux têtes: un aspect émancipateur et un aspect traditionnel, et on y a répondu par des politiques sociales qui vont dans les deux sens. Cela a constitué le discours social dominant, alors que la parole et les besoins des pères ont été marginalisés. L'attribution de la garde et des droits d'accès s'est conformée à cette tendance.
Pourtant, être parent constitue une liberté naturelle des citoyens qui s'apprend sur le tas et qui ne nécessite aucune attestation de compétence par les autorités publiques.
La tradition communautaire valorise davantage le développement de l'autonomie des citoyens dans le respect de leur dignité. Ne devrait-on pas faire de même en soutenant les pères séparés dans l'exercice de leur paternité et en leur donnant un appui dans le long cheminement qui accompagne la séparation?
Notre expérience sociale et communautaire nous met devant le constat fondamental suivant: la condition sociale et institutionnelle des pères, sur le plan social, font qu'ils ont un statut parental de second ordre, comme le signalait M. Levasseur. Bref, ce qui urge actuellement, pour l'intérêt de l'enfant ayant des parents séparés ou divorcés, c'est d'atténuer et de contrebalancer les effets pervers des réformes sociales sur les pères et les enfants. Nous pensons que la garde partagée pourrait aller dans ce sens et faciliter le maintien des relations père-enfant.
Nous pensons aussi que l'attribution de droits d'accès devrait s'accompagner d'une formule qui explicite les droits de garde conjoints du parent. Toute disposition contraire devrait faire l'objet d'un renoncement explicite et, dans ce cas, les droits du parent non gardien devraient être précisés. Une telle mesure devrait inciter à la responsabilisation de chacun des parents ainsi qu'à faciliter l'exercice des droits face à toute institution, tout comme des normes juridiques sont imposées dans un contrat dans le but de protéger le consommateur.
Troisièmement, le ministère de la Justice devrait prendre l'initiative de voir à la promotion publique de ces réformes par des campagnes d'éducation des parents et des intervenants. Les pères ont une force sociale très grande, tels des Samson qui tireraient leur grand pouvoir de leur position sociale. Mais les pères ne doivent pas être considérés comme des parents sans pouvoir et des idiots parentaux, tels des Samson qui se seraient fait tondre les cheveux par des Dalila. De telles mesures, établies dans le respect de la coparentalité, ne renverraient pas non plus les Dalila à leur situation d'antan. Ni Samson, ni Dalila.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. On va passer aux questions. Sénateur Jessiman.
[Traduction]
Le sénateur Duncan J. Jessiman (Manitoba, PC): Merci. Je suis désolé de ne pas parler votre langue. J'espère que vous parlez anglais. Si vous ne connaissez pas cette langue, l'interprète va vous traduire mes paroles.
Nous avons déjà entendu un certain nombre d'associations de pères. Je vous poserais la même question: Pensez-vous que les juges aient un parti pris contre les hommes et favorisent les femmes? Estimez-vous que les juges favorisent les mères par rapport aux pères lorsqu'il s'agit d'attribuer la garde des enfants?
M. Norman Levasseur: Oui.
Le sénateur Duncan Jessiman: Il nous a toutefois été dit qu'il y a peu de pères qui demandent la garde de leurs enfants et que, dans plus de la moitié des cas, ceux qui la demandent l'obtiennent. Est-ce que cela correspond à ce que vous savez de la situation ou est-ce une affirmation fausse?
[Français]
M. Norman Levasseur: Je vais répondre. La garde n'est pas demandée parce que, dans plusieurs cas, la femme refuse. À ce moment-là, l'homme ne la demande pas parce que si la mère refuse au départ, il n'ira pas se battre en cour pour se faire dire non. C'est pour ça que ce n'est ni demandé ni encouragé. Quand un conflit existe entre les deux parents, même si le père demande la garde, elle lui est refusée. Il faut toujours qu'il y ait une bonne entente entre les deux parents pour que la garde partagée existe. Nous voudrions que ce soit l'inverse. Nous voulons que la garde partagée soit le processus de base. S'il y a une bonne entente, il y aura garde légale.
M. Sylvain Camus: Monsieur le sénateur,
[Traduction]
en faisant mes achats, j'ai acheté cette revue qui parlait de repas pour les enfants et de choses du genre. Elle s'appelle Coup de pouce. Elle contenait des statistiques sur le divorce et la garde au Canada en fonction du sexe des personnes qui demandaient, ou ne demandaient pas, la garde partagée. Cela figure dans mon mémoire. J'aimerais que le comité note que, quelle que soit la situation, le pourcentage des pères est plus faible que celui des mères, même lorsqu'ils demandent la garde partagée.
Certains pères ne savent même pas qu'ils peuvent demander la garde partagée. Les pères ne demandent pas la garde partagée parce qu'ils estiment qu'ils ne l'obtiendront jamais. Il y a également le fait que certains pères séparés pensent qu'ils ne sauraient pas comment élever leurs enfants.
C'est donc un sujet très important pour eux. Voilà quelle est leur attitude. Il leur arrive de se désister en plein milieu de l'instance; d'une certaine façon, ils sont dès le départ des perdants.
En plus, bien souvent, avant même d'aller au procès, lorsque le tribunal est appelé à prendre des décisions provisoires, il attribue la plupart du temps la garde à la mère. Parce que même si c'est la mère qui veut se séparer, le père est bien souvent obligé de quitter la maison, pour laisser les enfants avec la mère, au moins en attendant le jugement. Après cela, s'il n'a pas un droit d'accès suffisamment étendu, il est pénalisé par le processus et commence à être mis à l'écart.
Les pères souffrent en outre de graves problèmes affectifs qui peuvent durer de six mois à deux ans. Lorsqu'on a vécu avec une personne pendant 10 ans, c'est un choc émotif, un très gros choc émotif. Il arrive qu'ils ne puissent exprimer leurs sentiments.
Il n'y a pas de soutien pour nous. Les pères n'ont pas de soutien. Les femmes ont beaucoup de soutien, ce qui est très bon mais les pères aimeraient en avoir aussi.
Le sénateur Duncan Jessiman: Qui devrait vous offrir ce soutien?
M. Sylvain Camus: La collectivité peut-être. Lorsque les femmes se rendent dans des centres de femmes, elles sont très bien informées. Pour vous montrer l'ampleur du problème je vous dirais qu'il y a près de 200 foyers d'accueil pour les femmes battues au Québec. J'aimerais savoir combien vous pensez qu'il y a de centres pour hommes violents. À Montréal, il y a un centre et je ne suis même pas sûr qu'il soit ouvert. Il était en voie de création l'été dernier.
• 1030
Cela vous montre combien l'on néglige les problèmes et la
situation des pères. Les pères sont obligés de vivre comme cela et
d'adopter un point de vue traditionnel. Nous n'avons pas de modèle
parental, parce que c'est souvent notre mère. Nous n'avons pas avec
nos enfants les relations que notre père a eues avec nous.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je ne sais pas si je vous ai bien compris. Dites-vous qu'il y a des pères qui sont battus par leurs femmes et qu'il n'y a pas d'abris pour eux? Si j'ai bien compris à quoi servent ces abris, c'est parce que les mères ont été victimes de violence physique qu'elles se retrouvent dans ces foyers d'accueil. Affirmez-vous que l'on devrait avoir des foyers d'accueil pour les hommes qui sont battus par leur femme?
M. Sylvain Camus: D'une certaine façon, cela peut arriver mais je voulais montrer que les hommes qui sont violents, qui ont été accusés d'actes de violence vont en prison. Il n'y a pas d'endroit qui puisse les accueillir et les héberger, comme cela existe pour les femmes. C'est ce qui explique que je me demandais pourquoi il y en avait si peu et cela illustre très bien, d'après moi, tous les services qui ont été offerts aux femmes ces dernières années et combien l'on néglige la situation des hommes et leurs relations avec leurs enfants.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): M. Turcotte voulait répondre. Je vous interromps, mais qu'il le fasse rapidement et nous passerons ensuite au suivant.
[Français]
M. Rock Turcotte: La question que je vais vous poser est la suivante: combien y a-t-il de pères qui demandent la garde de leur enfant? Lorsque les gens viennent nous rencontrer, on connaît déjà le faible taux de succès. Mon collègue a mentionné qu'à peu près 10 p. 100 des pères allaient jusqu'en cour pour obtenir une décision en leur faveur et que 10 p. 100 d'entre eux l'obtenaient. Il y a donc environ 1 p. 100 des pères qui l'obtiennent.
Ce qu'on doit conseiller aux pères qui viennent nous voir, c'est de se retirer de la demande de garde. On leur demande ceci: es-tu prêt à démolir la mère de tes enfants? La plupart des hommes n'embarquent pas dans ce genre de débat; c'est une très faible minorité.
À ce moment-là, quelles sont les possibilités qui restent aux pères? On sait très bien que la garde conjointe et partagée est acceptée actuellement devant les tribunaux en autant que les deux parents s'entendent, et qu'elle n'est pas acceptée sur une base permanente. Cela peut être remis en cause n'importe quand et pour n'importe quel motif.
En tant que président de l'ALPE, je peux affirmer que nous nous opposons clairement et carrément à ce qu'il faille absolument démolir l'un des deux parents pour obtenir la garde lorsque les deux la demandent, comme c'est le cas actuellement. Nous trouvons cela aberrant et nous croyons que, fondamentalement, le bien de l'enfant n'est pas là.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je veux vous faire remarquer que vous avez déjà dépassé les cinq minutes qui vous étaient allouées pour cette question. Vous aurez d'autres occasions de prendre la parole.
M. Rock Turcotte: C'est bien.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Pépin.
La sénatrice Lucie Pépin (Shawinegan, Lib.): J'aimerais mettre certaines petites choses en perspective. D'accord? Je comprends très bien votre approche, lorsque vous dites que vous, les pères, avez l'impression de ne pas avoir la parole, ou les mêmes droits que la mère, lorsqu'il s'agit de garde partagée.
Je dois vous dire, dès le point de départ, que j'ai été une des femmes qui se sont battues pour que les femmes aient des pensions alimentaires, et aussi pour que les femmes aient des endroits où se réfugier lorsqu'elles étaient violentées. Je n'étais pas au courant qu'il y avait très peu de refuges pour les hommes, mais je peux vous dire que si les femmes en ont maintenant, c'est parce qu'elles se sont battues pour en avoir. Nous avons travaillé des années durant pour les obtenir. Je voudrais certainement que vous disposiez du même accès.
Je m'excuse, mais je ne sais pas votre nom parce que vous êtes le troisième intervenant et que vous ne vous êtes pas nommé au début de votre intervention. Vous dites qu'il y a des hommes qui n'ont pas d'endroit où aller à leur sortie de prison, où ils sont allés pour avoir violenté leur épouse. Je croyais qu'il existait des maisons de transition pour accueillir les personnes dans cette situation. Maintenant je ne sais plus.
Je vais vous exposer mes trois points dans l'ordre. Monsieur Turcotte, préconisez-vous que la garde partagée soit offerte ou bien qu'elle soit un droit reconnu à toutes les familles? C'est ce que j'aimerais savoir.
M. Rock Turcotte: Ce que nous proposons, c'est que, lorsque les parents ne s'entendent pas et se retrouvent devant le juge, et que les deux demandent la garde, la garde soit conjointe et partagée. Donc, les règles sont claires. Si un juge doit trancher, il doit décider que la garde est conjointe et partagée. Jusqu'à ce que le jugement soit rendu, la garde conjointe et partagée devrait être installée.
En ce moment, nous allons plus loin. Au moment où cesse la vie commune, en présumant que les deux parents sont de bons parents, on diminue les tensions et on stabilise les enfants. Le parent sait alors très bien que ce droit lui est reconnu et que s'il doit se rendre jusqu'en cour, ce droit lui sera confirmé. Nous pensons qu'ultimement, les vrais gagnants ne seront pas d'abord les pères, mais les enfants.
La sénatrice Lucie Pépin: À ce moment-là, demandez-vous la garde partagée simplement en ce qui concerne les frais et les décisions, ou si les enfants doivent aussi vivre deux semaines chez le père et deux semaines chez la mère? Est-ce que cela dépend de l'âge des enfants?
M. Rock Turcotte: Jusqu'à l'âge de 12 ans. C'est ce que nous avons écrit dans le mémoire. Notre proposition est que ce soit la situation jusqu'à l'âge de 12 ans. Entre 12 et 14 ans, avant que l'enfant puisse décider avec lequel des deux parents il veut vivre, on parle de la possibilité de prolonger la garde partagée pendant deux ans. Ou encore, il pourrait aller vivre une année avec son père et une année avec sa mère, toujours à sa demande. Dès ce moment-là, il devrait être en mesure de faire ce choix.
Nous pensons aussi qu'entre 12 et 14 ans, s'ils sont en dehors de la zone scolaire, c'est une option intéressante, parce que lorsque l'enfant aura 14 ans, il sera mieux en mesure de dire avec qui il veut vivre.
Nous allons encore plus loin; à partir de 14 ans, sa décision d'aller vivre avec son père ou avec sa mère n'est pas définitive. Il peut revenir sur sa décision, mais sur une base annuelle. Ce que nous voulons éviter, c'est qu'on s'en débarrasse: un bon matin, un des parents se lève et va conduire son enfant chez l'autre conjoint pour quelque raison que ce soit. Nous voulons éviter cela.
La sénatrice Lucie Pépin: Moi, je préconise une autre approche. Vous voulez faire cela et je crois que c'est pour le bien des enfants. Je suis tout à fait d'accord que les parents n'ont pas à se déchirer et que cela les aiderait peut-être à cesser de se quereller.
Par contre, quand un enfant de deux, quatre ou cinq ans est obligé de faire la navette entre ses deux parents... S'ils vivent sur la même rue, ce n'est pas si mal. Mais la plupart du temps, ils sont dans deux villes différentes. C'est difficile au point de vue émotif. Je ne penche pas davantage du côté de la mère que du côté du père. Je me place du point de vue de l'enfant.
Au point de vue émotif, quand un enfant qui se promène entre deux maisons... Il aime ses deux parents, je suis bien d'accord, mais croyez-vous qu'au point de vue de l'enracinement, c'est la meilleure solution?
M. Rock Turcotte: Je vais vous parler d'un cas concret, parce que c'est ce que je vis avec mon jeune fils. De l'âge de deux ans jusqu'à l'âge de six ans, j'en ai la garde une semaine sur trois. J'avais laissé la garde à madame et je l'avais une semaine sur trois. L'enfant s'adapte plus rapidement qu'on le pense. En tout cas, quand j'écoute les discours des experts, je vois qu'ils ne correspondent pas du tout à ce que mon enfant a vécu. Il apprend à vivre d'une façon avec papa et d'une autre façon avec maman.
Maintenant, il est rendu à Halifax. Comme elle avait la garde, elle pouvait partir avec l'enfant. Mon fils est à Halifax. Il est venu à Noël. Il est à Halifax depuis un an et demi. Il m'a demandé s'il pouvait venir passer un an avec moi. C'est la demande qu'il m'a faite. Donc, si vous me posez la question...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame St-Hilaire.
La sénatrice Lucie Pépin: Je n'ai pas posé la moitié de mes questions. Ce n'est pas possible!
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil, BQ): Je vais parler un peu dans le même sens que la sénatrice Pépin. Premièrement, je tiens à vous remercier d'être venus ce matin. Vous avez parlé de garde partagée et, si j'ai bien compris, vous demandez que la garde partagée soit le premier facteur de négociation et soit même imposée.
Vous n'avez pas parlé de la médiation. Vous savez qu'au Québec, d'où vous êtes pour la plupart, dans les cas de séparation, il y a un processus de médiation dès le départ quand il y a divorce. Comment vous sentez-vous par rapport à ce processus de médiation?
M. Norman Levasseur: Nous sommes très à l'aise en ce qui a trait à la médiation. Justement, cela va aider à réaliser un bon divorce. Cela devrait être imposé, comme ce l'est au Québec, par les lois du Canada.
La médiation, c'est le lieu où on peut trouver des terrains d'entente. C'est sûr que si personne n'a avantage à se battre pour gagner un point, il n'y aura pas d'avocat ou de gens de cette trempe qui vont semer la pagaille. Si un médiateur arrive à calmer les esprits... Il y a toujours un des deux parents qui n'accepte pas vraiment le divorce. Il y en a toujours un qui est un peu plus déséquilibré que l'autre. Parfois, des gens ont besoin d'avoir recours à des psychologues. Tous ces gens-là sont déjà en place. Tout ce qui manque, c'est d'offrir à nos enfants une garde partagée dans leur intérêt.
• 1040
S'il se présente des problèmes chez les
parents, il y a plein de mécanismes, plein de
gens, plein d'organismes communautaires qui
peuvent les appuyer et les aider dans leur
cheminement, justement pour le bien de l'enfant.
Pour répondre à la question de tout à l'heure, je prendrai mon exemple. J'ai deux enfants et je fais 320 kilomètres d'un côté et 700 de l'autre pour aller chercher mon fils. Ce n'est pas normal. Il est certain qu'il n'est pas normal qu'un père doive faire cela. Mes enfants souhaiteraient la garde partagée.
Mme Caroline St-Hilaire: Pourquoi faites-vous 700 kilomètres? Je ne comprends pas bien.
M. Norman Levasseur: Parce que mes enfants demeurent avec la mère.
Mme Caroline St-Hilaire: Oui, et qui demeure loin l'un de l'autre?
M. Norman Levasseur: Eh bien, c'est la mère qui demeure loin des deux.
Mme Caroline St-Hilaire: Donc, vous suggérez la garde partagée, à ce moment-là.
M. Norman Levasseur: Non. Mon cas est un ancien cas. Je parle en pensant aux nouveaux cas, aux prochains.
Mme Caroline St-Hilaire: Oui, mais qu'arrivera-t-il dans un nouveau cas où les deux parents habiteront loin l'un de l'autre?
M. Norman Levasseur: Pourquoi habiteraient-ils l'un loin de l'autre? Quand ils vivaient ensemble, ils habitaient la même ville. Pourquoi l'un des deux parents déménagerait-il?
Mme Caroline St-Hilaire: Cela s'appelle l'évolution.
M. Norman Levasseur: D'accord, c'est l'évolution. Mais quand un homme et une femme se rencontrent, ils font des concessions. Quelles sont-elles, ces concessions? Ils s'aiment, ils s'en vont dans la même ville et fondent une famille. C'est là le lieu où les enfants seront élevés. Pourquoi un des deux parents s'en irait-il? Ce n'est pas l'évolution. Il y a un choix à faire, et c'est celui de l'intérêt des enfants. On doit donc habiter la même ville pour le bien des enfants. On doit les élever.
Après cela, quand les enfants auront 18 ans, quand ils s'en iront rester à l'extérieur, les parents feront ce qu'ils voudront. Quand on fait des enfants, ce n'est pas pour en arriver à les charrier d'un côté et de l'autre. C'est pour s'en occuper.
Mme Caroline St-Hilaire: Dans ce cas-là, ce que je dis va dans le même sens. Vous parlez de ne pas charrier les enfants d'un côté et de l'autre. C'est ce qui me cause quelque hésitation par rapport à la garde partagée. N'est-ce pas ce qu'on fait, dans ce cas-là, transporter l'enfant d'un côté et de l'autre?
M. Norman Levasseur: Non. L'enfant...
Mme Caroline St-Hilaire: À deux ou cinq ans...
M. Norman Levasseur: Non. Je peux vous dire par expérience que mes enfants aimeraient la garde partagée, aimeraient rester une semaine chez moi et une semaine chez leur mère. C'est toutefois impossible compte tenu de la distance qui nous sépare.
Je pense que tous les enfants s'adaptent plus facilement. Des études ont été faites et tout est concluant. Pour la majorité des personnes qui vivent une garde partagée, les choses vont très bien; les enfants évoluent très bien dans un tel système. Pour ce qui de leur éducation, ces enfants-là seront mieux équilibrés parce qu'ils auront connu leurs deux parents plutôt que de vivre dans un foyer monoparental. Un foyer monoparental, c'est l'enfer pour eux. Il y a plus de chances de décrochage, de problèmes à l'école, de délinquance et de drogue.
Nous connaissons de telles études. Il y a plein d'études qui ont été faites, qui sont concluantes. Alors, pourquoi ne pas aller de l'avant? Pourquoi le gouvernement, pour une fois, ne décide-t-il pas d'aller de l'avant? Le gouvernement du Québec n'a pas encore franchi ce pas. Il a instauré la médiation. Est-ce que le gouvernement fédéral va modifier la Loi sur le divorce de manière à ce que l'intérêt de l'enfant soit d'abord pris en considération? Je ne parle pas de l'intérêt financier, parce que quand on parle d'argent, on ne parle pas de l'intérêt de l'enfant. Jamais.
M. Sylvain Camus: J'aimerais signaler que je suis très favorable à la médiation familiale. Les pères, en général, y sont très favorables. Mais que se passe-t-il lors d'une médiation familiale? Quel est le rôle du médiateur? Quelles sont les idées véhiculées? Dans quel cadre vont-ils situer les enfants? C'est un peu là qu'est le problème actuellement.
Nous nous étions fait poser la question à Québec, à un moment donné, lors d'une commission parlementaire sur les pensions alimentaires. Nous avions dit que l'important, c'était la philosophie de base. Il faudrait une philosophie en faveur de la famille biparentale. Cependant, nous n'avons aucune assurance que c'est une philosophie biparentale qui est appliquée lors des médiations actuellement.
C'est un développement très récent. La formation des médiateurs familiaux, actuellement, au Québec, c'est à peine deux fins de semaine suivies de dix expériences de médiation, que la plupart n'ont pas eues parce qu'il ne s'est pas encore présenté suffisamment de cas. La loi est récente.
La sénatrice Lucie Pépin: Ils les font maintenant, je pense.
M. Sylvain Camus: Oui, parce que c'est obligatoire, mais regardons la formation qui est donnée ainsi que les recherches sur l'enfant, par exemple, sur ce qui se passerait en ce qui concerne l'environnement de l'enfant et le respect qui lui est dû. J'ai rencontré des gens du Conseil de la famille, qui est aujourd'hui le Conseil de la famille et de l'enfance, qui m'ont dit vouloir proposer des choses à ce sujet. Mais comme ils ont déjà proposé la garde partagée conjointe, qu'ils l'ont recommandée au gouvernement et que les choses ne bougent pas encore, ils attendent toujours les résultats de ce côté-là.
Il y a donc beaucoup de médiations et de recherches qui pourraient être faites sur ce plan, mais qui ne le sont pas. Elles pourraient contribuer à revivifier nos dispositions dans ce domaine et celles des décideurs publics.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci.
• 1045
Le premier groupe d'intervenants a parlé des âges auxquels les
enfants pourraient avoir un mot à dire dans ce qui leur arrive,
pour ce qui est de l'endroit où ils vont vivre. À la fin, vous avez
parlé de l'idée d'un âge maximum de 18 ans. J'en déduis que vous
parlez des arrangements judiciaires qui prévoient qu'un des parents
verse à l'autre parent une pension alimentaire pour un enfant et
que cette obligation cesse lorsque l'enfant a atteint l'âge de
18 ans.
Avec la Loi sur le divorce du Canada, nous avons une situation dans laquelle dans une famille intacte, lorsque les enfants sont grands, lorsqu'ils ont atteint l'âge de la majorité, qui se trouve être l'âge de 19 ans en Colombie-Britannique, âge auquel ils peuvent signer leurs propres contrats et obtenir des prêts, ce sont des adultes pour tous les aspects juridiques, et les parents ne sont pas tenus d'entretenir ces enfants s'ils veulent étudier à l'université ou ailleurs. Mais dans une famille divorcée, il est possible d'obliger un des parents à verser une pension alimentaire pour un enfant une fois que celui-ci a dépassé l'âge de la majorité.
C'est pourquoi votre commentaire au sujet de l'introduction d'un âge limite de 18 ans m'a intéressé. Vous pourriez peut-être en dire davantage.
[Français]
M. Rock Turcotte: L'âge limite que nous proposons, c'est 18 ans, parce qu'au Québec, actuellement, un enfant a à peu près tous les droits à cet âge. En fait, l'idée que nous entretenons, c'est celle de la cohérence. On déclare une personne majeure. Que ce soit à 20 ans ou à 16 ans, à partir du moment où la société déclare quelqu'un majeur et lui donne le droit de vote et celui de décider par lui-même, la loi qui régit les divorces et les séparations doit s'en tenir à cela.
Il reste ensuite les autres lois concernant les responsabilités. Nous croyons vraiment qu'à ce moment-là, toutes les évasions fiscales et tout ce qui a trait à l'impôt, etc. sont là pour... Le parent le plus fortuné prendra l'enfant à sa charge. Nous pensons que ce doit être là le canevas.
Nous disons que la loi régissant les divorces et séparations doit toucher, dans les ententes... De toute façon, c'est ce qui existe, ce qui est écrit et mis en pratique dans les tribunaux, bien que ce ne soit pas aussi explicite que ce que j'ai dit. Nous recommandons qu'à partir de 18 ans, toutes les responsabilités définies dans la Loi sur le divorce tombent ou prennent fin. L'enfant est majeur. L'enfant ira vivre où il le veut. Il peut vivre avec son père ou avec sa mère. Il peut aller où il le veut. Il faut que les lois soient conséquentes, tout simplement.
Si, dans certaines provinces c'est 21 ans, ce sera 21 ans. À partir du moment où on déclare qu'un enfant est majeur, qu'il a le droit de vote, qu'il a le droit de faire ceci ou cela, c'est à lui de décider. Je peux admettre que sur le plan financier, il existe des différences entre les parents. On sait bien que celui qui est le plus fortuné va prendre l'enfant à sa charge. On n'a plus besoin de parler de pensions alimentaires. On n'a plus besoin de parler d'autres choses. Il négociera avec son enfant.
Souvent, des pères nous arrivent en pensant qu'ils sont encore sous le coup de la Loi sur le divorce alors que leurs enfants ont 20 ou 22 ans. Ils peuvent continuer de s'entendre avec la mère s'ils le veulent, mais ils peuvent discuter directement avec leurs enfants. Les tribunaux vont reconnaître cela.
C'est seulement pour clarifier les choses. Cela devra être clair au moment où seront récrits ces articles.
[Traduction]
M. Paul Forseth: J'ai une autre question. Tous les groupes ont semblé recommander que la garde partagée soit présumée en cas de séparation et de divorce, dans le but général d'accorder plus de pouvoirs aux pères.
Comme vous le savez, chaque province a adopté sa propre loi sur les relations familiales, le Québec a le Code civil, et la Loi sur le divorce s'applique à l'ensemble du pays; notre comité peut uniquement recommander de modifier la Loi sur le divorce. Il ne peut pas donner des ordres aux provinces.
Comment recommandez-vous que l'on modifie la Loi fédérale sur le divorce pour aller dans le sens que vous proposez, à savoir reconnaître davantage l'égalité des pères et leur attribuer davantage de pouvoirs? Quelles seraient les modifications que vous aimeriez que l'on apporte à cette loi?
[Français]
M. Rock Turcotte: Je vais d'abord dire une chose. Nous pensions que la médiation réglerait une partie de la situation. Nous nous rendons compte que tant qu'on ne modifie pas les règles du jeu des séparations ou des divorces dans la loi canadienne, cela revient un peu à rêver en couleur. Il se peut qu'un père ou une mère renonce à la garde de son enfant. Nous ne nous y opposons pas. Ce sera son choix.
• 1050
Ce que nous disons, c'est qu'à partir du moment où un
père ou une mère qui veut obtenir la garde de son
enfant est rassuré dès le moment de la séparation, il
est sécurisé. Je pense qu'il faut sécuriser tout
autant les enfants. Au Québec, actuellement, lorsqu'il
se produit un drame dans une école, il n'y a qu'une
personne-ressources. La Loi sur le divorce touche 50
p. 100 des enfants. Dans certains
quartiers, l'enfant vivant avec
ses deux parents est une exception. Cela touche tout
le monde.
Nous pensons que ce sont les règles du jeu, les règles fondamentales qui doivent être modifiées. Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Claes?
M. Gilbert Claes (Association lien pères enfants de Québec): J'aimerais ajouter, en me rapportant à la question de M. Paul Forseth, qu'il faudrait souligner un principe qui est à la base de tout: c'est le droit naturel des parents, reconnu par toutes les nations. L'enfant a le droit de grandir en présence de ses deux parents. Il n'y a aucune loi qui peut abolir ce droit. Dans n'importe quel pays, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial, il faut s'orienter dans cette direction: un père est un père et une mère est une mère. Le législateur devrait travailler dans cette optique afin d'éliminer tous les aspects d'une loi qui peuvent faire surgir ou provoquer des conflits entre parents.
Si, à tous les niveaux, on travaillait dans cette optique, on éliminerait en partant un problème ou des problèmes. Souvent, quand on élabore une loi, on travaille à partir de cas d'exception. Je pense que la loi ne doit pas s'appuyer sur des cas d'exception, mais sur des principes fondamentaux, et ceux-ci sont déjà écrits dans les droits universels de l'enfant.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Jessiman, vous aviez une question supplémentaire.
Le sénateur Duncan Jessiman: J'aimerais apporter certaines précisions pour votre gouverne et pour le procès-verbal. Tout cela vient de la façon dont la Loi sur le divorce définit l'enfant à charge. Un enfant est à charge lorsqu'il n'a pas atteint l'âge de la majorité et ne s'est pas soustrait à l'autorité de ses parents ou, et c'est l'aspect qui cause les problèmes, a atteint l'âge de la majorité et est à leur charge, sans pouvoir, pour cause de maladie ou d'invalidité ou pour toute autre cause, cesser d'être à leur charge. Malheureusement pour les couples séparés et les parents qui n'ont pas la garde des enfants, la Cour suprême du Canada a déclaré que «pour toute autre cause» comprenait le fait d'étudier.
Voilà ce qui s'est produit. Le gouvernement voulait que la loi parle de «maladie, d'invalidité ou d'études secondaires». De notre côté, nous voulions supprimer les mots «pour toute autre cause». Nous en sommes arrivés à un compromis parce que s'ils avaient ajouté «ou d'études», et c'est comme cela que les tribunaux interprètent cette expression, cela aurait encore renforcé davantage cette disposition.
Cela est injuste parce que, comme M. Forseth l'a fait remarquer, les couples mariés ne sont pas tenus de le faire. La raison d'être de cette disposition est que le gouvernement estime, et il a peut-être raison, que les enfants des couples séparés sont dans une situation plus précaire. Les statistiques démontrent que ces enfants n'étudient pas autant, c'est ce qui s'est produit dans le passé, que les enfants qui viennent de foyers unis. C'est un avantage dont bénéficient les enfants de couples séparés. Ils peuvent obliger leurs parents à les entretenir et à payer leurs études.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci, monsieur Jessiman, d'avoir précisé cela pour le procès-verbal.
Ce n'est pas vraiment une question, parce que M. Mancini attend.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je suis désolé, je voulais simplement apporter cette précision.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Très bien. Nous avons la réponse. Ce n'était pas une question mais une déclaration.
M. Sylvain Camus: Monsieur Forseth, les règles en matière de divorce peuvent fournir indirectement des normes aux provinces et les amener à agir.
Pour le problème que pose au Québec la Loi sur le divorce pour les gens qui ne sont pas mariés, c'est que les statistiques indiquent que la situation est moins bonne que celle des gens qui sont mariés et que cela devrait changer. Même avec le Code civil du Québec, il n'y a pas la même obligation envers l'autre parent. Il faudrait donner davantage de latitude mais cela n'est pas respecté. Cela cause un problème.
• 1055
Il y aurait peut-être une façon d'imposer ce genre de chose.
Nous pourrions peut-être faire comme pour la pension alimentaire
destinée aux enfants et dire que, si le gouvernement provincial
adopte une règle identique à celle applicable en matière de
divorce, le Code civil va l'emporter sur la question de
l'attribution du droit de garde et de l'accès aux enfants.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Je suis un député de Nouvelle-Écosse. Mon français n'est pas très bon. Je poserai donc ma question en anglais.
[Traduction]
Excusez-moi.
Monsieur Levasseur, vous avez soulevé un point fort intéressant lorsque vous avez déclaré qu'il y a des pères qui reviennent à l'ancien modèle après le divorce. Ils travaillent davantage pour pouvoir effectuer les versements alimentaires et le reste. Mais il y a une vérité bien connue, un fait, qu'après un divorce, les dépenses fixes sont multipliées par deux, parce qu'il y a deux maisons, deux séries de coûts. Cela nous amène à un point crucial. Cela nous amène à faire un jugement fondamental. Vous avez parlé d'études qui indiquent que les enfants qui sont privés de contact avec un de leurs parents ont des démêlés avec la justice, ont des problèmes de drogue et le reste. Mais nous savons que la pauvreté est également un facteur. Les enfants qui vivent dans une famille pauvre ont plus souvent des démêlés avec la justice.
Si l'on parle de garde partagée, si les parents vont tous deux consacrer autant de temps aux enfants, cela veut dire qu'aucun d'entre eux ne peut revenir à l'ancien modèle consistant à travailler davantage pour gagner davantage pour qu'il y ait suffisamment d'argent pour les enfants. Estimez-vous qu'il est préférable pour un enfant d'avoir des ressources financières réduites mais de passer davantage de temps avec ses deux parents ou plutôt de passer moins de temps avec un parent en ayant accès à des ressources financières plus abondantes?
[Français]
M. Norman Levasseur: Vous parlez de plus d'argent et moins de temps avec les enfants, ou l'inverse. C'est une question sur laquelle nous ne nous sommes pas trop attardés parce que nous nous sommes dit que les gens ont redéfini leur paternité et que, même si c'est la mère ou le père qui a présentement la garde légale, il lui faut travailler. Donc, l'un n'est pas plus disponible que l'autre. Les deux parents sont à égalité. Je ne crois pas que ce soit vraiment important de savoir si le père va travailler davantage pour que son enfant ait plus de choses, parce que, de toute façon, il est avec lui pendant une semaine. Pendant l'autre semaine, le père peut se faire mourir au travail s'il le veut bien. Et c'est la même chose pour la mère.
D'ailleurs, actuellement, c'est la mère qui a la garde légale. Comment fait-elle pour subvenir aux besoins de l'enfant alors qu'elle doit travailler, qu'elle n'est pas là et qu'elle doit subvenir aux besoins de l'enfant 365 jours par an parce que le père est absent? Il voit son enfant quatre jours par mois. Nous ne sommes pas des pères très apparents. Nous sommes seulement des gardiens de fin de semaine. Je vous dirais même que les éducateurs des garderies ont plus de liens intimes avec nos enfants que leurs propres pères, à cause du temps qu'ils passent ensemble.
• 1100
Il est donc certain qu'il faut tout redéfinir.
Ce qu'il faut considérer, c'est
l'intérêt de l'enfant et non le côté monétaire. À
chaque fois qu'on parle d'argent, plus rien ne
fonctionne.
Ce ne sont que conflits.
M. Sylvain Camus: Je voudrais faire une brève intervention.
[Traduction]
J'aimerais vous rappeler qu'au début du XXe siècle, c'étaient les hommes qui obtenaient la garde. Pourquoi? Parce qu'ils avaient plus d'argent. Ils payaient pour l'avoir. Pourquoi faudrait-il maintenant réagir différemment à l'endroit des pères qui souhaitent avoir la garde partagée? Je ne dis pas que c'est là votre intention mais je connais des groupes de discussions...
M. Peter Mancini: Il faut, je crois, tenir compte du fait qu'il y a une diminution du niveau de vie de l'enfant. Personnellement, je ne pense pas que cela soit très grave parce que je ne crois pas qu'il faille faire dépendre l'accès de la capacité de payer ou de l'aspect financier ou de choses de ce genre.
Mon deuxième point, parce que notre mandat ne porte pas véritablement sur l'obligation alimentaire, même si nous en avons beaucoup parlé aujourd'hui, est que, pour ce qui est de la garde partagée 50-50, où l'enfant passe autant de temps avec ses deux parents, il existe des études qui indiquent qu'il est préférable pour l'enfant, au lieu de passer une période fixe avec chacun des parents, en particulier pour les jeunes enfants, je pense aux enfants d'un, deux, trois ou quatre ans, ces études indiquent qu'il est préférable pour cet enfant d'avoir plus fréquemment accès aux deux parents pour des périodes plus courtes. Par exemple, au lieu de voir chaque parent pendant une semaine, il serait bon que les enfants voient leurs parents pendant deux heures tous les jours, même si cela est plus compliqué pour eux.
C'est parce qu'en fait les enfants ont besoin de sécurité, d'un sentiment de permanence, ils ont besoin d'un horaire. Cet horaire peut prévoir la visite quotidienne de l'autre parent ou un partage du temps, si l'on veut aller au-delà du droit de visite avec les deux parents.
Ne craigniez-vous pas que les jeunes enfants, en particulier eux, soient troublés s'ils passent trois jours ici, trois jours là, s'ils changent de résidence tous les jours, plutôt que quelques heures par jour?
[Français]
M. Norman Levasseur: Bien au contraire, l'enfant va tirer son identité de ses deux parents. Pour lui, l'adaptation est plus facile. Il va pouvoir connaître ses deux parents équitablement et il va pouvoir se frayer un chemin et grandir dans ce système. C'est un système qui, pour lui, est tout à fait simple parce que les deux parents ne se déchirent pas. Dans la situation actuelle, lorsque l'enfant va chez le père pendant deux jours, la mère dit souvent qu'au retour, il est tout à l'envers.
Bien sûr, quand son père lui manque, l'enfant revient tout à l'envers. Mais s'il partage toujours son temps à parts égales, il va pouvoir mieux s'adapter au milieu du jour. Actuellement, c'est dévastateur parce que l'enfant est tiraillé entre deux mondes et ne sait plus vers quoi se tourner. Il cherche son identité. Il ne l'a pas.
M. Rock Turcotte: Pour les très jeunes enfants, on parle de dodos à ce moment-là. On ne parle pas de journées parce que l'enfant ne comprend pas. C'est toujours un dodo ou deux dodos, chez papa ou chez maman. C'est ainsi qu'on parle à de jeunes enfants. Plus l'enfant est petit, plus on doit parler de un ou de deux dodos. Quand il est un peu plus vieux, selon la façon dont vont les choses, on favorise des périodes d'une semaine pour qu'il ait plus de temps avec l'un ou l'autre et qu'il se sente moins perdu.
C'est sûr que l'enfant, quand il est petit, doit s'adapter à vivre d'une façon avec papa et d'une autre avec maman. C'est sûr que les jeunes couples ont des obligations. On a des gens qui viennent nous voir dont l'enfant a moins de deux ans. On aurait le goût de leur dire de se supporter pendant encore deux ans à tout le moins.
Cela étant dit, les jeunes enfants posent effectivement un problème particulier. Je vais souvent dans des maisons où j'accompagne des gens et je me suis aperçu que des jeunes bébés, il n'y en a pas tant que cela. C'est une minorité. On ne parlera pas d'un cas fictif qui ne se pose pas. C'est très rare. Cela arrive, mais c'est rare. Je retiens donc la notion que plus l'enfant est petit, plus les périodes doivent être courtes. Cela n'empêche pas la garde conjointe. C'est une question de dodos.
Il se peut aussi que les enfants soient parfois mieux avec le père qu'avec la mère. On présume toujours qu'il est mieux avec la mère. Il se peut qu'il se sente mieux avec son père, même petit. Il se peut que certains hommes soient plus habiles avec de jeunes enfants que la mère. Cela existe. On observe cela chez des couples normaux. Pourquoi en faire un débat?
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Une réponse brève.
M. Sylvain Camus: Monsieur Mancini, je ne pense pas que cela trouble beaucoup les enfants. Ils sont troublés, comme l'a dit M. Levasseur, lorsqu'il n'y a que la fin de semaine, parce que lorsqu'il y a la fin de semaine, les changements se succèdent rapidement. Si l'on a des problèmes le vendredi soir et le dimanche soir, cela complique la visite de la fin de semaine, parce qu'ils ne sont pas stabilisés. C'est comme s'ils faisaient du camping. Lorsqu'ils reviennent, ils veulent que leurs parents soient toujours là, ils veulent les faire venir.
M. Peter Mancini: Je suis d'accord avec vous.
M. Sylvain Camus: Au Palais de justice de Montréal, ils recommandent habituellement un changement de garde tous les trois ou quatre jours, comme pour la garde partagée, pour les enfants de moins de six ans. Cela est préférable à des périodes d'une semaine, parce qu'ils ont besoin de voir leurs parents plus souvent.
L'autre difficulté est que lorsque les enfants deviennent des adolescents, entre 10 et 12 ans, les amis comptent beaucoup pour eux. Parallèlement, nous constatons qu'il y a beaucoup d'enfants qui décident à ce moment d'aller vivre chez leur père parce qu'ils n'ont pas suffisamment de contact avec lui. La difficulté est que si l'on a seulement une fin de semaine sur deux, il faut voir un adolescent au moins une autre fois, parce qu'il est plus difficile d'établir le contact avec lui.
Certains disent que, lorsqu'ils ont leurs enfants pendant un mois l'été, ça leur prend un mois pour rétablir un contact avec leurs enfants. Après les vacances, cela prend fin et ils s'éloignent les uns des autres, ce qui est dur pour les enfants aussi. Nous ne pensons pas suffisamment aux implications à long terme.
Nous traitons les enfants comme s'ils étaient des rois. Lorsqu'ils sont adolescents, ils peuvent choisir le parent avec qui ils préfèrent vivre, ce qui n'est pas nécessairement dans leur intérêt parce qu'ils doivent apprendre à vivre avec des contraintes.
Comment pouvons-nous penser faire de nos enfants des citoyens qui n'auront que des droits? Il y a un problème quelque part et il est frustrant pour un père de dire: «Je verse une forte pension alimentaire à mes enfants et à la mère et je ne vois pas mes enfants.»
Je connais même un père, le cas de Bourdages, qui pleurait au tribunal lorsqu'il a appris que son enfant s'était cassé la jambe quelques mois auparavant. Il ne l'avait même pas su.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. J'ai deux autres questions. Je laisse le comité décider. Voulez-vous poursuivre? Nous avons déjà cinq minutes de retard.
Docteure Bennett, c'est à vous.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Excusez-moi. J'allais essayer mon français du dimanche, avec mon entraîneur ici, mais pour gagner du temps je vais...
Pour ce qui est des termes que vous utilisez en français, la garde et le droit de visite, nous disons en anglais «custody and access» qui sont des termes qui font tout autant référence à la confrontation et qui créent une situation où il y a un gagnant et un perdant, ce qui fait perdurer le déséquilibre des pouvoirs et ce dont nous venons de parler, pratiquement une leçon d'arithmétique; 50-50, tant d'heures ici, tant d'heures là; qui gagne, qui perd. Il s'agit toujours de gagner et de perdre. Faut-il que cela soit 50-50?
La mère essaie d'obtenir le droit d'amener l'enfant voir une partie de hockey mais elle n'en a pas envie mais c'est ce qu'elle doit faire si elle veut gagner.
On a recommandé, dans beaucoup d'autres pays et ici depuis 1993, de se débarrasser de cette façon de parler et de partir de l'hypothèse que les deux parents ont des responsabilités et qu'ils sont capables, avec les grands-parents et les tantes, d'élaborer un projet de répartition des responsabilités parentales qui soit vraiment dans l'intérêt des enfants.
Le problème avec la garde partagée, du moins d'après l'expérience que j'ai de la médecine familiale, c'est que les juges ne l'accorde pas si les parents ne s'entendent pas. La raison pour laquelle l'enfant ne change pas de parents toutes les heures ou tous les jours, c'est parce que, lorsque les parents se voient moins souvent, ils ont moins la possibilité de se disputer.
• 1110
Si les parents ne s'entendent pas, le juge n'accorde pas ce
type de garde. Par contre, si dès le début du divorce, l'on mettait
en place un mécanisme qui n'était pas fondé sur le fait de gagner
ou de perdre ni sur l'arithmétique mais un projet de répartition
des responsabilités parentales, cela favoriserait la collaboration
entre les parents. J'aimerais savoir si vous êtes favorable à ce
que l'on supprime ces termes de la loi.
[Français]
M. Gilbert Claes: Si on ramène la situation à sa plus simple expression, on peut dire qu'il y a un père et une mère, et qu'ils sont égaux. S'ils sont égaux, mathématiquement, c'est 50-50.
Lorsqu'il y a des enjeux, c'est lorsqu'on change les rapports mathématiques à 20, 30, 49, 48. Si on simplifie et qu'on transmet le message à tous les parents que c'est dorénavant 50 p. 100, et non pas 49 ou 51 p. 100, si, à la base de toute décision et de toute forme de calcul, on se dit qu'il y a deux sexes, qu'il y a un homme et une femme, un père et une mère, et que le rapport est de 50-50, on éliminera peut-être beaucoup de problèmes.
Actuellement, les conflits sont toujours causés par des enjeux. Les enjeux sont des enjeux mathématiques, des questions de pensions alimentaires. Si on a la garde 38 p. 100 du temps, ce n'est pas une garde partagée; si on a la garde 40,2 p. 100 du temps, cela devient une garde partagée. Donc, il y a distorsion mathématique là-dedans.
Si on revient à la base et qu'on décrète que c'est 50 p. 100, on pourra, grâce à cette simplicité, éliminer beaucoup de problèmes. C'est ce qu'on compte: non pas 49 ou 48 p. 100, mais 50 p. 100.
M. Norman Levasseur: Je peux aussi ajouter qu'actuellement, il y a des conflits parce qu'il y a un enjeu, celui de savoir qui va avoir la garde. On s'inquiète de savoir ce qui va arriver. Si vous éliminez les enjeux en déterminant que la garde est partagée à 50 p. 100, il n'y aura plus de conflits. Sur quoi seraient-ils fondés? L'argent? Il n'y en aura pas. On ne parle pas d'argent. Tous les deux s'occupent de l'enfant. Qu'est-ce qui arrive cette semaine à l'enfant? Qu'est-ce qu'on fait? D'accord. Il a des problèmes à l'école; peux-tu l'aider en mathématiques? Pas de problème. L'autre parent va s'exécuter.
Actuellement, on ne peut pas faire cela. Personnellement, lorsque j'ai mes enfants, même si je sais pertinemment que mon aînée a des problèmes en mathématiques, est-ce que je vais consacrer les deux journées que je passe avec mes enfants aux mathématiques? Absolument pas. Comme parent, il faut que je m'amuse avec eux et que je leur donne l'occasion de me connaître en faisant des choses avec eux.
Dans le cas de la garde partagée, il n'y aura plus de conflits. C'est pratiquement assuré à 100 p. 100. Les parents vont peut-être se disputer au début sur des petits riens, sur des bagatelles, mais cela va se régler. Et si jamais cela persiste, il y aura des gens, des psychologues qui sont déjà en place, des intervenants qui sont là, qui ne demandent qu'à être consultés pour aider ces parents à évoluer dans un nouveau mode de vie.
L'enfant, lui, ne mérite pas de divorcer d'un de ses deux parents. Si ses parents divorcent, l'enfant ne divorce pas de ses parents. Actuellement, l'enfant divorce du père.
[Traduction]
M. Sylvain Camus: Madame Bennett, j'aimerais savoir ce que vous voulez dire par «ne s'entendent pas». Comment dire que deux parents «ne s'entendent pas»? Où cela s'arrête-t-il? Où cela commence-t-il?
C'est une notion très subjective et j'ai constaté dans les affaires, parce que je suis beaucoup d'affaires judiciaires, que c'est une réponse facile qui permet de refuser la garde conjointe à un parent ou de préserver le pouvoir de recevoir l'argent pour les enfants, habituellement en faveur de la mère.
C'est quelque chose de très artificiel parce qu'habituellement...
Mme Carolyn Bennett: Nous connaissons les couples qui reviennent 40 fois devant le juge, pour savoir si ce sera à 20 heures ou à 20 h 30 le vendredi. Dans ces cas-là, les juges estiment que cela est trop difficile parce qu'aucun des deux parents n'est prêt à placer l'intérêt de l'enfant en premier pour régler ce genre de chose.
J'aurais un autre commentaire et c'était...
M. Sylvain Camus: J'aimerais terminer ma réponse. Je tiens à dire que dans l'ensemble, elle a raison mais il y a beaucoup de cas exceptionnels. Que veut dire «ne pas s'entendre»? Cela veut dire que nous n'arrivons pas à choisir l'école des enfants. Ce qu'ils mangent chez moi et ce qu'ils mangent chez l'autre importe peu. Cela veut dire ne pas s'entendre au sujet d'une décision médicale importante qu'il faut prendre. Ce sont là les vraies réponses.
Tous les autres cas où les parents ne s'entendent pas... Ces gens avaient déjà beaucoup de problèmes avant de se séparer, lorsqu'ils étaient «normaux», tout comme les couples normaux. Le problème est que tous ces cas deviennent des cas spéciaux. C'est un problème grave. Cela ne respecte pas la responsabilité des parents et leur liberté d'action. Il faut qu'ils en arrivent à un certain niveau de tolérance.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Tout le monde est très intéressé par vos opinions, mais je crois qu'il ne nous reste qu'une question à vous poser. Il y en a d'autres qui attendent pour nous faire part de leur témoignage. Il nous faut les respecter eux aussi.
La sénatrice Lucie Pépin: L'un de vous a dit, et je suis d'accord avec lui, qu'un enfant a le droit d'être aimé par ses deux parents. Je prends cette affirmation sous un autre angle. Je me mets à la place de l'enfant et je me demande quelle est la meilleure façon d'aimer son enfant quand on divorce. Là je ne m'engage pas dans la querelle du partage à 40 p. 100 ou à 50 p. 100, parce que je ne prends pas l'argent en considération. Je me place sur le plan des sentiments. Je trouve très important qu'un enfant se fasse un nid, ait un point d'ancrage quelque part, se construise un équilibre émotif pour le reste de ses jours.
Vous dites que des études ont été faites. Vous avez aussi parlé des distances de 300 kilomètres ou de 500 kilomètres que des pères ont à parcourir. Cependant, à moins que j'aie mal compris, si ce n'est pas le père ou la mère qui fait ce voyage, ce sera l'enfant. Est-ce bien cela? Je voudrais vérifier.
M. Norman Levasseur: Je vais vous répondre parce que je vous ai parlé de mon cas. C'est impossible pour moi d'avoir la garde partagée; il faut s'entendre là-dessus.
La sénatrice Lucie Pépin: Mais qui parcourrait la distance?
M. Norman Levasseur: Par coutre, je suis le premier à dire, parce que je suis un parent, que la garde partagée devrait être la norme. Quant à moi, je suis un père de la vieille époque, comme on pourrait dire.
La sénatrice Lucie Pépin: C'est bien.
M. Norman Levasseur: Mais il y a une nouvelle génération. Je suis quand même de cette nouvelle génération qui aimerait avoir la garde partagée, mais il faut bien s'entendre.
La sénatrice Lucie Pépin: Quand il y aura une distance à parcourir, qui devra la parcourir? C'est ce que je vous demande.
M. Norman Levasseur: Il n'y aura pas de distance parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsqu'il y aura séparation ou divorce, le milieu familial restera toujours le lieu d'ancrage des enfants et ils devront y demeurer, à moins qu'il y ait une entente. S'il n'y a pas d'entente, ce sera leur point d'ancrage. Il n'y aura donc pas de 500 kilomètres ou de 100 kilomètres à parcourir. Il faut penser à l'intérêt de l'enfant.
La sénatrice Lucie Pépin: J'ai vu un jugement qui a été rendu dernièrement par un juge d'ici, au Québec. La mère demeure à Rimouski et le père à Montréal, et les enfants doivent passer deux semaines chez maman et deux semaines chez papa. Je ne sais pas comment cela est vécu.
M. Norman Levasseur: C'est vraiment l'exception.
La sénatrice Lucie Pépin: Si c'est difficile pour les pères, qu'est-ce que cela doit être pour les enfants? C'est là ma question.
M. Laurent Prévost (Association lien pères enfants de Québec): Je vais répondre à cette question. Je suis père et récemment séparé de ma femme. J'ai trois enfants et j'en ai la garde à 50 p. 100. Je trouve cela merveilleux. Nous habitons le même village, comme plusieurs autres divorcés de mon village. Ce qui est bon pour les enfants, c'est qu'ils sont 50 p. 100 du temps chez nous et 50 p. 100 du temps chez leur mère. Pour leur équilibre, c'est parfait. C'est pour mon équilibre à moi, pour celui de la mère et pour celui des enfants.
La sénatrice Lucie Pépin: Parce que vous demeurez l'un près de l'autre.
M. Laurent Prévost: C'est la concession à faire quand on se sépare; il faut demeurer le plus près possible l'un de l'autre et surtout préserver le milieu scolaire de l'enfant, où il passe quand même entre 75 et 80 p. 100 de son temps d'activité. C'est le compromis qu'il faut accepter.
M. Sylvain Camus: Madame Pépin, je pense qu'on imagine souvent que le goût de voyager ou non des enfants est semblable à celui des adultes. Je sais que, vers 25 ou 30 ans, on perd le goût de faire des longues distances. Parfois, avant cet âge, on se déplace énormément. On a une blonde et on est prêt à faire 200 milles pour aller la voir. À un moment donné, si certains sont prêts à continuer, beaucoup mettent les freins. Cependant, les enfants sont à un âge beaucoup plus souple dans ce domaine et il n'est pas sûr que cela leur pèse autant. Le poids est sur les parents. C'est par rapport à eux qu'il faut prendre la question du transport en considération.
La sénatrice Lucie Pépin: Je trouve que pour les enfants, c'est beaucoup.
M. Sylvain Camus: Je voulais aussi ajouter un dernier point: présumer la garde partagée ne veut pas dire obliger à la garde partagée.
La sénatrice Lucie Pépin: C'est donc un principe.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est terminé. Il faut laisser du temps aux autres, madame Pépin.
• 1120
Je vous remercie beaucoup. Comme vous l'avez vu, la
discussion a été très animée et vos témoignages ont eu
beaucoup d'importance pour nous. Merci beaucoup.
Nous commencerons dans trois minutes l'échange avec les autres témoins.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): À l'ordre.
[Français]
Nous recevons maintenant M. Pierre Chapdelaine et sa fille, Mlle Brazeau. Je dois faire remarquer aux membres du comité que Mlle Brazeau est âgée de 17 ans et qu'il faut avoir la permission des membres du comité pour accueillir une personne de moins de 18 ans.
[Traduction]
J'aimerais savoir si les membres du comité sont d'accord pour l'entendre.
La sénatrice Anne C. Cools (Toronto-Centre, Lib.): Adopté.
Mademoiselle Brazeau, vous devriez peut-être savoir cela, parce que c'est pour nous un privilège de vous avoir ici. Il y a beaucoup de gens qui ne le savent pas mais ces comités fonctionnent grâce «aux pouvoirs d'enquête du Parlement» et les mêmes règles s'appliquent, tout comme le droit de vote et le reste. Et dans votre propre intérêt, parce que nous avons l'obligation impérieuse de vous protéger, en tant que mineure, j'ai pensé qu'il était important de consigner au procès-verbal le fait que nous avons tenu compte de la nécessité de vous protéger.
Comprenez-vous?
Mme Annie Brazeau (témoigne à titre personnel): Oui.
La sénatrice Anne Cools: Bon. Merci.
[Français]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): D'accord. Nous n'avons que 20 minutes. Vous pouvez commencer.
M. Pierre Chapdelaine (témoigne à titre personnel): Mon anglais n'est pas très bon. Je vais donc faire mon exposé en français. Je m'en excuse auprès des personnes unilingues anglophones.
J'aimerais élaborer sur les situations familiales que crée une séparation ou un divorce et les événements qu'un enfant peut avoir à vivre dans ces cas-là.
Annie et moi avons vécu certaines choses presque en même temps, sauf lors de la première séparation d'avec mon ex-conjointe, dont une enfant est née, qui a maintenant huis ans.
Je crois qu'il est très important de protéger l'enfant dans ces cas-là et de garder l'accès à l'enfant. Je parle de protection tant sur le plan verbal que sur d'autres plans. Il faut minimiser les effets de ce qui peut se passer autour de la séparation ou du divorce quant aux actions judiciaires, aux relations avec la DPJ ou à toute autre chose qui y est rattachée. Il ne faut pas que l'enfant soit affecté par tout cela. C'est mon principe et cela a très bien marché chez moi.
Ce que je veux établir personnellement, avant de laisser parler Annie, c'est que je ne vois pas du tout que les problèmes qui affectent l'enfant proviennent de l'attribution de la garde au père ou à la mère.
Je dénonce plutôt le système sur pied actuellement dans la province de Québec; je parle du système judiciaire qui retient beaucoup des plaintes contre les pères de famille, plaintes qui se sont souvent avérées fausses, lors de plusieurs comparutions en cour. Cela crée un tort énorme—je parle d'expérience—à la vie d'un père de famille. C'est regrettable parce que ce sont les enfants qui en souffrent. Je pense au point de vue monétaire. Tous nos biens passent en frais d'avocats et de procédures judiciaires.
Ce que je veux vous dire aujourd'hui, en me fondant sur mon expérience, c'est que ces biens monétaires devraient être protégés dans l'intérêt des enfants, dans leur intérêt scolaire.
Je vais laisser parler Annie, qui va vous expliquer un peu les deux situations qui se sont présentées dans notre famille au cours des cinq dernières années. Je crois qu'elle aura ainsi la chance de s'exprimer et de peut-être vous faire connaître un point de vue différent, celui des enfants.
Mlle Annie Brazeau: Excusez-moi. Bien que je parle français, j'ai plus de facilité à m'exprimer en anglais.
[Traduction]
Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui vous parler de ma situation. On m'a demandé de parler de deux aspects de ma vie concernant le divorce et de ce que ressent un enfant qui vit cette situation.
J'avais six ans et ma petite soeur trois ans, lorsque mes parents ont divorcé, ma mère et mon père biologique. Je dois dire que je me considère comme ayant eu de la chance parce qu'ils n'ont pas eu le genre de divorce qu'ont la plupart des parents de nos jours, où il y a des affrontements, où les parents disent «Mon enfant devrait être avec moi» ou «Je devrais pouvoir faire cela», et tout doit être partagé moitié-moitié, la garde et le reste.
C'est ma mère qui me garde en ce moment et je crois que j'ai de la chance. Je vois mon père quand je veux. Si je veux lui parler, je l'appelle. Il me téléphone. Il vient chez moi et il y passe la nuit. Il parle à Pierre, l'ami de mère en ce moment. Il a une relation très amicale avec ma mère. Je crois que c'est parce que leur relation est si amicale que tout cela ne m'a pas touché autant que si mes parents avaient toujours été en train de se disputer.
J'ai grandi, j'ai 17 ans. J'aime énormément mon père et j'aime énormément ma mère. Je vis avec ma mère et je suis heureux d'être avec ma mère. Je suis heureuse où je suis en ce moment. Je suis plus heureuse maintenant que je ne l'étais quand j'avais six ans et que mes parents se disputaient toujours. Je pensais qu'il serait préférable qu'ils divorcent et je suis heureuse.
Nous habitons loin les uns des autres mais je peux quand même le voir. Ma mère et mon père sont dans l'armée et ils vivent toujours dans des provinces différentes mais je peux le voir quand je veux. Je vais le voir à Noël et à Pâques. Il va venir pour la remise des diplômes avec son amie et ses deux enfants que je considère comme mon demi-frère et ma demi-soeur. J'ai grandi avec eux.
En mars 1994, Pierre et son ex-femme étaient en train de divorcer et j'ai trouvé cette enfant Amélie, qui vit avec eux, et qui en souffrait. Elle n'avait que quatre ans et ne comprenait pas ce qui se passait et elle demandait «Où est papa, où est maman?», mais elle comprenait ce qui se passait. Elle avait des émotions. Lorsque ses parents pleuraient, elle pleurait. Elle venait me parler. Elle n'avait que quatre ans mais elle comprenait quand même.
Au cours de ce divorce très difficile, j'ai vu qu'on accusait Pierre d'avoir fait beaucoup de choses qu'il n'avait pas faites et son ex-femme a amené Amélie, sa fille, à croire ces accusations, de sorte qu'elle s'est un peu éloignée de son père.
Nous formons une grande famille maintenant mais c'est le genre de famille où nous disons tout ce qui se passe. Il n'y a pas de mensonge; on dit la vérité. Bien sûr, nous avons tous fait des bêtises, et dans le divorce, les deux parents ont fait des erreurs. Nous nous parlons beaucoup.
Amélie, qui a maintenant huit ans, est obligée de voir sa mère une fin de semaine sur deux. Je ne suis pas obligée de voir mon père. Si je veux voir mon père, je vais le voir. Si je veux le voir deux fois par mois, je le vois deux fois par mois. Mais la petite est obligée de voir sa mère parce que le juge a dit que sa mère avait le droit de la voir. Je ne dis pas qu'elle n'a pas le droit de la voir. Sa mère a le droit de la voir mais quelquefois elle n'a pas envie d'aller chez elle. Elle a des amies et elle n'a que huit ans. Elle prend des cours de ballet sur la base où nous vivons et sa mère lui a fait abandonner ses cours de ballet parce qu'elle habite à Val-Bélair et que c'est un long voyage; mais elle aime le ballet et elle ne peut suivre ces cours.
Nous faisons parfois des sorties en famille et elle ne peut pas aller avec nous. Nous ne le faisons pas exprès. Nous voulons vraiment qu'elle vienne avec nous mais sa mère veut qu'elle aille la voir. Je crois que ça lui fait de la peine de ne pouvoir décider elle-même. Elle est peut-être un peu trop jeune encore pour décider quoi faire mais elle pourrait tout de même donner son avis. J'ai dit ce que je voulais faire et je suis heureuse maintenant. Je suis avec mon père, avec ma mère, je suis entourée d'une famille aimante, même s'ils ne sont pas ensemble comme ils l'étaient quand j'étais petite. Pierre me traite comme sa fille et je traite Amélie comme ma petite soeur. Nous sommes tous des amis et nous nous entendons bien.
• 1135
Je ne pense pas que ce soit à l'enfant de décider mais il
devrait avoir le droit de dire s'il veut aller voir son père ou
veut aller voir sa mère. Je suis pour un partage 50-50 et pour que
la mère ait la possibilité de voir sa fille ou son fils et que le
père puisse le faire également.
Je vais me mettre dans une situation imaginaire. Disons que mon père vit en Ontario et que j'habite à Québec et que je passe une année ici et une année là-bas. Cela serait très dur parce qu'il faudrait que je change d'école et d'amis. Ce serait une vie différente.
Je vois mon père les fins de semaine et à Pâques et je suis heureuse comme cela. Si je ne l'étais pas, je le dirais.
Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Nous allons commencer nos questions avec M. Forseth.
M. Paul Forseth: Je voulais simplement préciser quelque chose. Il semble que vous soyez issue d'un premier mariage et que votre père s'est remarié et a divorcé de nouveau et que c'est l'enfant du second mariage, sa fille, qui vit maintenant avec son ex-première épouse.
Mme Annie Brazeau: Non, mes parents biologiques sont divorcés. J'ai une soeur. Ma soeur avait six ans lorsqu'ils ont divorcé. Mon père va épouser son amie au mois d'août. Elle avait deux enfants à elle quand mon père l'a rencontrée. Ma mère a rencontré Pierre, qui était en train de divorcer. Il avait déjà une fille et elle vit avec nous maintenant et elle va voir sa mère toutes les deux fins de semaine.
M. Paul Forseth: Très bien. J'essayais de mettre un peu d'ordre dans cette constellation familiale.
Mme Annie Brazeau: C'est très compliqué.
M. Paul Forseth: Vos enfants, mes enfants, nos enfants.
La sénatrice Anne Cools: Ceux qui sont à lui, à elle, à nous.
M. Paul Forseth: Oui, à peu près.
La sénatrice Anne Cools: C'est très complexe.
M. Paul Forseth: L'idée générale que je retiens de votre intervention est que, sur un plan purement juridique, vous reconnaissez les droits à l'égalité. Du point de vue de l'enfant, si l'on veut préserver la continuité, la prévisibilité des habitudes de vie, il ne faudrait pas appliquer strictement la règle 50-50.
Mme Annie Brazeau: Oui.
M. Paul Forseth: Ce qui nous ramène au critère de ce qui est dans l'intérêt de l'enfant, l'intérêt de l'enfant au sens sociopsychologique, qui ne veut pas nécessairement dire partager son temps à parts égales. Cela peut troubler l'enfant, en particulier si les distances sont grandes et parce qu'un enfant a besoin de racines et d'avoir le sentiment d'appartenir à un groupe, à un lieu.
Nous avons entendu tout à l'heure le groupe des pères. Vous étiez assise en arrière et vous les avez entendus dire qu'ils souhaitaient que la garde partagée soit la règle et que l'on s'approche davantage d'une répartition 50-50 du temps de garde. Vous exprimez maintenant une opinion personnelle qui va à l'encontre de leurs opinions parce que vous voulez tenir compte de vos besoins personnels, vous avez besoin d'avoir votre espace et de savoir où vous allez vivre.
Mme Annie Brazeau: Je suis d'accord avec le partage 50-50 dont ils parlent lorsque les parents vivent assez prêts l'un de l'autre. Je ne sais pas, mais peut-être que ça peut marcher s'ils vivent dans la même ville. Mais s'ils vivent à des milliers de kilomètres l'un de l'autre, cela aurait pour effet d'obliger l'enfant qui vit avec sa mère à adopter un genre de vie complètement différent lorsqu'il vit avec son père. Si les parents habitent tout prêts, la répartition 50-50 est acceptable. Elle est bonne parce que l'enfant n'a pas à modifier ses habitudes.
M. Paul Forseth: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame DeWare.
La sénatrice Mabel M. DeWare (Moncton, PC): Merci.
• 1140
Je comprends ce que vous voulez dire, ils peuvent conserver
les mêmes amis, fréquenter la même école, suivre les mêmes cours de
ballet.
Votre soeur, la fille de Pierre, Amélie, elle n'a pas le droit de dire «Je ne veux pas y aller cette fin de semaine; j'aimerais rester avec vous»? Elle ne peut pas le faire?
Mme Annie Brazeau: Elle s'est déjà mise en colère quelquefois parce qu'elle ne voulait pas y aller. Elle a crié, hurlé et pleuré. Chaque fois qu'elle va voir sa mère, elle s'en fait une montagne. Elle ne dit rien mais elle n'a pas l'air d'être heureuse. Lorsqu'elle revient dans la voiture, elle est un peu, vous savez... c'est pareil. Lorsqu'elle arrive à la maison elle dit «Salut». Alors nous la sortons, nous faisons quelque chose avec elle.
La sénatrice Mabel DeWare: Est-ce qu'on ne pourrait pas expliquer à sa mère qu'il y a des fois où il serait bon qu'Amélie puisse l'appeler et lui dire: «Maman, j'ai quelque chose cette fin de semaine et j'aimerais rester ici»?
Mme Annie Brazeau: C'est arrivé une fois. Je crois, mais elle récupère toujours ce temps-là. Au lieu de rester deux jours, elle reste trois jours ou deux fins de semaine de suite. C'est arrivé une fois quand mon petit cousin est venu chez nous; ils sont très amis.
Je ne connais pas très bien cette femme. Je lui ai parlé mais elle ne m'a jamais dit de choses gentilles. Il faudrait peut-être en parler à Pierre. C'est lui qui...
Lorsque nous l'amenons voir sa mère, nous allons dans une maison familiale. Le père reste avec les enfants et il part lorsque la maman arrive. Le père et la mère ne se voient jamais, l'enfant ne peut jamais être avec son père et sa mère en même temps. C'est toujours «Eh bien, je pars et ta mère arrive», et des choses du genre.
La sénatrice Mabel DeWare: C'est dommage.
Mme Annie Brazeau: Oui.
La sénatrice Mabel DeWare: Merci.
Mme Annie Brazeau: De rien.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini: Merci.
Vous serez peut-être intéressé d'apprendre que vous êtes la troisième jeune femme à venir nous parler au cours de nos audiences qui se trouve dans une situation très semblable, celle d'un divorce où les époux collaborent. Il est bon pour nous d'entendre ce genre de chose. Il est bon pour nous de savoir que ça donne parfois de bons résultats et qu'il y a des enfants qui sont capables d'expliquer ce qu'ils ont vécu et d'ainsi nous aider. Merci.
J'ai une question qui s'adresse à vous, monsieur Chapdelaine, et qui touche le cas dont vous nous avez parlé. Pourquoi est-ce que votre ancienne épouse a quitté la région où vous viviez? Était-ce pour son travail?
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: Je n'ai pas voulu que la situation affecte les enfants à la maison. On reste dans le même environnement. Des menaces ont été faites, même des menaces de mort, au cours de ces procédures. Madame a proféré des menaces envers moi et envers l'enfant. Cela a entraîné un genre de stress chez l'enfant lorsqu'il était chez sa mère.
Il vaudrait mieux que je vous lise les menaces. J'ai laissé une note ici. Vous allez mieux comprendre. Cela a été dit le 30 mai 1992 devant des témoins, devant la cour:
C'est pour cela que j'ai parlé tout à l'heure... Merci.
[Traduction]
M. Peter Mancini: Merci. Je comprends. Je n'ai pas beaucoup de temps pour vous poser des questions mais j'ai compris l'essentiel de ce que vous me disiez.
Voilà les questions que je voulais poser.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Monsieur Jessiman et ensuite, Mme Pépin.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je pose la question à Pierre, si vous le permettez, lorsque vous vous êtes divorcé la première fois, est-il vrai que votre femme a obtenu la garde de votre enfant alors que celui-ci avait quatre ans? L'enfant avait quatre ans, lorsque vous avez divorcé la première fois?
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: Oui.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Avez-vous obtenu la garde dès le départ? Vous avez la garde de l'enfant maintenant.
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: Non, je n'ai pas eu la garde dès le début.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Bien. Vous avez donc obtenu la garde par la suite. Vous avez maintenant la garde de l'enfant?
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: Oui, j'ai maintenant la garde légale. Je vais vous expliquer un peu ce qui s'est passé. Je pense que ce sera important par rapport au point de vue des enfants, ce dont on parle aujourd'hui, afin de faire changer les choses.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Bien. C'est ce que j'avais compris.
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: J'ai essayé par la suite, devant ces menaces, de déposer des plaintes. Or, il s'avère impossible pour un père de déposer une plainte contre son ex-épouse ou ex-conjointe dans des situations comme celle-là. À un moment donné, après deux ans de comparutions en cour, deux attachés politiques du ministère de la Justice et du ministère de la Sécurité publique ont appuyé ces plaintes et ont déposé eux aussi des plaintes. Ces plaintes n'ont pas été jugées recevables.
Donc, on a poussé plus loin ces plaintes, avec l'aide de ces attachés politiques. Elles ont encore une fois été rejetées. Donc, j'ai écrit un document au ministre de la Justice du Québec, qui était alors M. Bégin, au Québec, déclarant que je croyais sincèrement le système complice d'un engrenage visant à s'approprier les biens des milieux familiaux.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Mais vous avez dû obtenir une ordonnance judiciaire qui vous attribuait la garde de l'enfant à un moment donné.
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: Oui. Je ne sais pas si c'est un cas spécial, mais le Protecteur du citoyen y a été mêlé, de même qu'un juge et la Direction de la protection de la jeunesse. Ils ont été obligés d'intervenir dans l'intérêt de l'enfant. Donc, oui, j'ai la garde devant les tribunaux.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Bien sûr. Je crois que le problème d'Annie est que cette enfant ne veut pas aller voir... Votre femme, d'avec qui vous avez divorcé, la mère de cette enfant, a des droits de visite et l'enfant ne veut pas aller la voir. Est-ce parce qu'elle a peur de sa mère à cause des menaces qu'elle a proférées auparavant? A-t-elle peur d'aller voir sa mère?
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: Oui.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Je vois. Pourriez-vous parler à votre femme pour essayer de les aider? Avez-vous pensé à faire intervenir un tiers? Ce pourrait être quelqu'un d'autre avec une visite surveillée.
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: Si j'ai vécu toutes ces tribulations, c'est parce que j'ai toujours essayé de fonctionner à l'amiable. J'ai essayé d'être de bonne entente dans l'intérêt de l'enfant. Mais de cette entente à l'amiable, il a découlé de fausses accusations. Une fois en cour, on s'est aperçu que cette entente à l'amiable servait de prétexte à diverses fausses accusations.
Par exemple, les appels téléphoniques ordonnés par la cour, soit d'appeler 48 heures à l'avance pour avoir accès à l'enfant, se sont retournés contre moi; un mandat d'arrestation a été émis, déclarant que je faisais des appels de harcèlement et des menaces de mort. Durant mon procès à la cour criminelle, on a vraiment démontré que ces appels avaient été faits pour avoir accès à l'enfant. C'est donc un peu difficile d'établir ce qu'il faut faire; doit-on appeler ou non?
Si madame ne répond pas au téléphone, il faut rappeler. C'est une ordonnance de la cour. Si elle n'est pas là, ce n'est pas supposé lui nuire. Mais c'est enregistré et on peut dire qu'il a appelé, par exemple, 18 fois durant la soirée pour avoir accès à son enfant. À partir de là, cela devient une sorte de brèche par où il est possible de porter toutes sortes d'accusations contre la personne qui veut avoir le droit de voir son enfant.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Très bien, monsieur Jessiman. Nous sommes encore à cours de temps.
Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Pépin, pourriez-vous vous limiter à une seule question? Mme Cools pourrait alors poser une question.
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin: Il existe actuellement des études qui démontrent que, selon leur âge, les enfants préfèrent ne pas aller passer la fin de semaine chez un de leurs parents parce qu'ils se sentent bien là où ils sont. Ils sont près de leurs copains ou ont quelque autre raison du même genre. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'ils n'aiment pas leurs parents.
• 1150
Si les enfants pleurent et ne veulent
pas aller chez un de leurs parents, c'est souvent parce
qu'il y a quelque chose. Annie, après vous avoir
entendue, je me suis dit que vous avez eu des parents
qui avaient assez de maturité pour être capables
d'en arriver à une entente semblable. Je connais aussi
d'autres personnes qui ont eu le même genre d'entente,
qui a permis aux enfants de demeurer avec un des
parents et à l'autre parent de venir les voir quand il le
voulait. Il pouvait aussi parfois amener ses copines.
Donc, les enfants n'étaient pas coincés entre le père
et la mère, et n'avaient pas à choisir.
Si je comprends bien, ce que vous avez vécu serait ce
que vous pensez être le meilleur.
Deuxièmement, en ce qui a trait à la garde partagée, il ne faudrait pas forcer les enfants à aller chez l'un de ses parents plutôt que chez l'autre. Ce serait plutôt aux parents à s'adapter aux besoins des enfants, selon leur âge. Est-ce bien cela?
Mlle Annie Brazeau: Comme vous le disiez...
La sénatrice Lucie Pépin: Vous pouvez le dire en anglais si vous le voulez.
Mlle Annie Brazeau: Non, ça ne me dérange pas. Vous disiez que j'étais contente de pouvoir voir mon père quand je le voulais et que ce serait la même chose si j'habitais avec mon père et que je pouvais voir ma mère.
La sénatrice Lucie Pépin: C'est cela, un des parents ou l'autre.
Mlle Annie Brazeau: Mais c'est qu'il habitent très loin l'un de l'autre. Si mon père habitait plus près, c'est sûr que je le verrais plus souvent. Et c'est la même chose pour ma mère. Mais ils sont très éloignés l'un de l'autre. Je vois mon père quand je le veux, quand il vient avec les enfants de sa blonde. Cet été, ma soeur et moi irons à son mariage. J'aime que les choses soient ainsi.
La sénatrice Lucie Pépin: Je connais aussi d'autres familles à qui c'est arrivé, où les enfants vivent de la même façon. Les parents ont dû faire beaucoup d'efforts, mais ils l'ont fait pour les enfants.
Mlle Annie Brazeau: C'est ça.
La sénatrice Lucie Pépin: Donc, ce qui vous trouble, c'est de voir la petite qui est obligée de s'en aller parce que sa mère ne comprend pas qu'elle veuille passer la fin de semaine.
Mlle Annie Brazeau: C'est pour cela. Si sa mère était gentille, la petite n'aurait pas peur. Oui, la garde partagée, c'est super, mais elle a peur. Alors, pourquoi la forcer à y aller? Même si elle a huit ans, elle a des émotions qu'elle sent au-dedans d'elle. Elle est bien là où elle est, mais si elle aimait sa mère, si elle voulait aller la voir, Pierre la laisserait aller, comme mon père et ma mère le font pour moi. Mais elle ne veut pas y aller.
La sénatrice Lucie Pépin: C'est parfait. Merci.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame Cools.
La sénatrice Anne Cools: Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie Annie de nous avoir fait comprendre aussi clairement la vulnérabilité et les besoins des enfants qui se trouvent dans de telles situations.
Ma question s'adresse à vous, monsieur Chapdelaine. Vous avez déclaré il y a quelques instants qu'on vous avait fait des menaces et qu'on avait porté de fausses accusations contre vous. Au moment où vous avez fait cette déclaration, vous sembliez lire un document judiciaire. Est-ce bien ce que vous faisiez? Si c'est le cas, pourriez-vous donner la référence pour que cela paraisse au procès-verbal?
[Français]
La sénatrice Lucie Pépin:
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Pierre Chapdelaine: Madame Cools, j'ai laissé ce document à l'entrée tout à l'heure. Ce document est authentifié par des policiers assermentés.
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools: Bien, mais pourriez-vous lire le nom du document pour qu'il figure dans le procès-verbal? Cela n'y figure pas si vous le laissez à l'entrée.
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: C'est une demande d'indemnisation pour le tort causé lors de mon divorce final en 1995. Les énoncés ont été résumés parce que tous les papiers de cour avaient près de six pouces d'épaisseur. Au lieu de les déposer tous, j'ai résumé l'ensemble en mentionnant les dates importantes. J'ai voulu déposer ce résumé à la cour. Cela m'a été refusé même si c'était authentifié par des policiers assermentés. Ce document-là m'a été refusé par un juge.
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools: Merci. C'est ce que je recherchais parce que lorsque l'on lira le procès-verbal on pourra voir ce que je veux dire. Nous aimerions toutefois que cette référence soit consignée au procès-verbal, affaire un tel contre un tel, simplement pour préciser les choses. Il est bon que les gens sachent que ces choses sont dites mais elles ne figurent pas vraiment au procès-verbal si elles ne sont pas consignées.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Je remercie les témoins d'être venus ici ce matin.
[Français]
Vous avez une question?
Mme Caroline St-Hilaire: Merci beaucoup. J'ai une question pour M. Chapdelaine.
Vous avez dit au début de votre intervention que vous aviez eu des menaces. Vous avez dit: «Beaucoup s'avèrent de fausses accusations.» J'aimerais que vous nous disiez si vous parlez en votre nom personnel ou au nom de plusieurs personnes.
M. Pierre Chapdelaine: Je parle de mon cas, de ma situation. Ce que je veux dire, c'est que quand de fausses accusations sont portées dans un milieu familial, cela peut causer beaucoup de tort aux enfants. On est concentré là-dessus et donc moins concentré sur les enfants. On ne peut plus leur donner des loisirs parce que c'est suspendu. Il faut aller plusieurs fois en cour. Cela nuit aux intérêts de l'enfant parce qu'on est plus stressé, et la famille au complet en souffre.
Mme Caroline St-Hilaire: Je voulais qu'il soit clair que vous parliez en votre nom personnel. J'aimerais que vous m'éclairiez parce que je ne suis pas une experte dans ce domaine-là.
Pourquoi une femme en vient-elle à faire des menaces comme vous en avez subi? Pourquoi ne pouvez-vous pas porter plainte en tant que père? Ce n'est pas clair pour moi.
M. Pierre Chapdelaine: Je me pose encore la question aujourd'hui. Pourtant, je suis allé quand même assez haut. Je suis même allé rencontrer les ministres. Tous les ministres étaient au courant de cette situation-là avant que certaines menaces s'exécutent. Ils étaient au courant avant que les menaces arrivent. Ces menaces ont même été dites en cour criminelle, et vous pourrez le vérifier. On a parlé d'agression sexuelle sur mon enfant et, après la cour criminelle, la DPG a accepté la plainte même si le juge de la cour criminelle m'avait demandé de l'informer et même, s'il le fallait, de l'appeler pour ne pas que cette chose arrive. Ils savaient que c'étaient de fausses accusations et ils voulaient me protéger ainsi que ma famille, mais cela n'a pas été fait. La DPG a continué d'examiner les plaintes, sans même venir vérifier à la maison, même si j'avais Annie et Chantal avec moi.
Mme Caroline St-Hilaire: Selon vous, pourquoi votre ex-conjointe a-t-elle fait de telles choses? C'est très personnel, mais je veux essayer de comprendre.
M. Pierre Chapdelaine: Je ne peux pas vous donner trop de détails. Elle a rencontré 11 psychiatres dans la même année à un moment donné. Je ne sais pas par quoi c'était causé, mais je pense que c'est un problème de famille. C'est son frère qui a fait des menaces de mort à M. Parizeau il y a environ deux ans.
Mme Caroline St-Hilaire: Merci.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
La sénatrice Anne Cools: Monsieur le président, pourrais-je poser une brève question.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je ne vais pas essayer de vous arrêter. Allez-y.
La sénatrice Anne Cools: C'est par curiosité, mais personne n'a pensé vous poser la question; vous dites que vous avez maintenant la garde de votre petite fille. Est-ce que votre ex-conjointe verse une pension alimentaire pour l'enfant?
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: Oui, j'ai une pension alimentaire de 150 $ par mois.
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools:
[Note de la rédaction: Inaudible]
[Français]
M. Pierre Chapdelaine: On a le même salaire.
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Une fois encore, je vais essayer de remercier nos témoins.
[Français]
Les membres du comité parlent beaucoup ce matin.
[Traduction]
Nous vous remercions d'être venus. Nous avons beaucoup appris ce matin grâce à vous. Merci de nous avoir consacré votre temps.
Nous allons prendre une pause de trois minutes. Nous avons pris du retard.
[Français]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): À l'ordre! Nous recevons, de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, Mme Claudette Maingué et Mme Sylvie Lévesque et, du Regroupement des familles monoparentales et recomposées de Laval, Mme Agathe Maheu. Nous commencerons par Mme Maheu.
Mme Agathe Maheu (directrice, Regroupement des familles monoparentales et recomposées de Laval): Par moi, avant ma fédération?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui. Cinq minutes, s'il vous plaît.
Mme Agathe Maheu: Je vais essayer.
Mesdames, messieurs les membres du comité, j'ai accepté l'invitation. Je ne me sentais pas bien grosse, mais je peux vous dire que j'ai beaucoup d'expérience.
Je suis une femme chef de famille monoparentale depuis 25 ans. Je suis mère de deux garçons et je suis ici parce que je suis la cofondatrice et la directrice du Regroupement des familles monoparentales et recomposées.
Je veux vous présenter notre regroupement. La mission première du Regroupement des familles monoparentales et recomposées est d'aider les parents à vivre une séparation ou un divorce. Je dirais qu'on est maintenant une école de parents. On aide les parents à mieux vivre la séparation et le divorce et, surtout, à améliorer la qualité de vie des enfants dans cette situation-là.
Ça fait 25 ans qu'on existe. Je veux vous dire tout de suite qu'à la troisième rencontre de nos groupes, où il y avait seulement des femmes, une personne-ressource qui était psychiatre était venue nous parler de nos enfants. En tant que mères, il y a 25 ans, nous étions très inquiètes de nos enfants, surtout quand on était mères de deux ou trois garçons. Dans ce temps-là, les femmes avaient en moyenne trois ou quatre enfants. Sur dix femmes, neuf étaient assistées sociales. Bien évidemment, monsieur partait et s'en lavait les mains, et on restait avec les petits et les vieux chaudrons.
Cela dit, ça fait 25 ans que je travaille pour les familles monoparentales et recomposées, plus particulièrement pour les femmes. Je dois vous dire que notre vision s'est élargie puisqu'on écoute aussi les hommes depuis sept ou huit ans. Je pourrai vous parler un peu plus de la façon dont on a élargi notre vision.
Il faut tout de suite dire qu'une de nos principales préoccupations était tout ce qui se passait au tribunal. Aujourd'hui, j'ai réfléchi avant de venir ici et je me suis dit: une pratique en droit familial qui rendrait heureux les parents et les enfants après l'éclatement de la cellule familiale, d'après moi, cela ne se bâtit pas sur une loi et sur les tribunaux; cela se bâtit sur des parents qui ont une conscience parentale, qui ont conscience qu'ils ont des responsabilités parentales après la séparation ou le divorce. Je parle de séparation parce que vous savez qu'il y a de plus en plus de couples qui ne se marient pas, mais qui vivent des séparations alors qu'ils ont des enfants.
• 1210
Une loi ne répondra jamais au désir que tous les
enfants portent dans leur coeur, c'est-à-dire que leurs
parents reviennent ensemble et arrêtent de se
chicaner. On ne peut penser faire une loi
qui va donner cela aux enfants. Je pense qu'il n'y a pas
de loi parfaite.
J'aurais pu faire l'analyse de la situation économique des femmes et des hommes, et des relations interpersonnelles entre les hommes et les femmes pendant 25 ans, mais je me suis surtout concentrée sur ce que font les tribunaux quand ils sont dans l'obligation de décider où se situe l'intérêt de l'enfant.
Dans notre organisme, on a produit un guide qui s'appelle Le guide juridique des étapes d'une rupture, que je pourrais déposer si vous le voulez. On a essayé de vulgariser le langage des tribunaux dans l'ensemble de la démarche juridique par laquelle il faut passer quand on veut se séparer ou divorcer. Je vais surtout vous entretenir de ce qu'on dit dans notre guide.
On dit que les tribunaux, en se basant sur la loi, doivent tenir compte de l'intérêt de l'enfant dans tous les types de garde, parce qu'il y a quatre sortes de types de garde d'enfant. Où l'intérêt de l'enfant se situe-t-il, pour moi, pour vous, pour nous? On pourrait en discuter longtemps, parce que je pense que l'intérêt de l'enfant est surtout fonction de la couleur de nos valeurs.
Cela étant dit, on a établi des critères pour déterminer l'intérêt des enfants. Voici les critères sur lesquels la cour se base. Elle se base sur l'âge des enfants, sur la capacité des enfants de choisir, sur l'opinion des enfants quand leur âge et leur jugement le permettent, sur la capacité des parents de s'occuper de leurs enfants et de les éduquer, sur la capacité des parents d'offrir un milieu de vie familiale stable pour le développement sain des enfants, et sur la capacité des parents d'offrir une éducation et des activités propices à leur développement. Dans ces six critères-là, il y a beaucoup de choses à mâcher pour la cour, les avocats et les parents.
Pour ce qui est de l'âge des enfants et de leur capacité de choisir, il n'y a pas grand-chose à dire. Un enfant de trois ans n'a pas les mêmes besoins qu'un enfant d'âge scolaire ou un adolescent.
Cela étant dit, je dois dire tout de suite qu'il y a eu une certaine amélioration dans les tribunaux. On s'est donné, au Québec, un service de médiation familiale gratuite pour tous les parents qui arrivent à une séparation ou un divorce et ne s'entendent pas. Vous savez qu'ils peuvent passer par ce service-à. Je peux vous dire tout de suite qu'on sent déjà l'impact de cela chez nous, dans notre organisme. Nous faisons beaucoup de publicité là-dessus, parce que nous avons toujours cru que, pour déterminer la garde des enfants, il fallait que les parents se parlent, mais ce n'est pas évident de se parler quand on est en chicane pour toutes sortes de raisons et qu'on met l'enfant au milieu de ses préoccupations. Je pense que ce service, au Québec, sera efficace. D'ailleurs, ça faisait longtemps qu'on demandait un tel service.
Cela dit, pour revenir aux modèles de garde des enfants, il y a la garde physique, la garde légale, la garde conjointe et la garde partagée.
La garde légale et la garde physique vont dans le même sens. Quand le parent a la garde physique, il a automatiquement la garde légale. Encore aujourd'hui, dans 80 p. 100 des causes de séparation ou de divorce, c'est la femme qui a la garde légale et physique de l'enfant. Pourquoi? Les hommes disent que les juges ont des préjugés favorables envers les femmes quand il s'agit de l'éducation des enfants. C'est possible, mais je n'ai pas vérifié. Pour ma part, je fais confiance aux tribunaux quand ils sont appelés à trancher la question de l'intérêt de l'enfant. Je pense qu'ils doivent être au-dessus des préjugés favorables. S'ils prennent le temps d'analyser les critères sur lesquels il faut se baser pour accorder la garde des enfants, ils ne devraient pas avoir de préjugés. En tout cas, je fais confiance à la cour pour ça.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Madame, votre période de cinq minutes vient de se terminer.
Mme Agathe Maheu: C'est terminé, mais j'ai encore des choses importantes à dire. Vous demanderez à la Fédération d'en dire moins.
Des voix: Ah, ah!
Mme Agathe Maheu: Il y a des choses qui ont été dites par des témoins, qui sont très importantes, mais on dînera mieux tout à l'heure.
La garde partagée et la garde conjointe sont des modèles de garde d'enfant qui se développent. On a vendu l'idéal de ça, et je crois à l'idéal d'une garde partagée ou d'une garde conjointe. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a une différence entre la garde partagée et la garde conjointe. La petite différence qui fait toute la différence au monde, qui peut être plus ou moins facile à vivre, c'est que dans la garde partagée, les deux conjoints ont la garde légale et la garde physique des enfants, tandis que dans la garde conjointe, les deux parents ont la garde légale mais n'ont pas tous deux la garde physique. La garde conjointe peut être plus accommodante. Il ne faut pas rêver en couleur: c'est un peu un idéal, un rêve. Moi aussi, je rêve que les hommes et les femmes vivent d'amour, même après le divorce, et qu'on s'aime assez pour aimer nos enfants. Cependant, ce n'est pas la réalité de nos jours, et je n'ai pas besoin de faire un dessin à qui que ce soit.
Cela étant dit, quand on dit que la garde partagée est l'idéal, il faut quand même regarder les réalités. Des réalités, il en est sorti tout à l'heure. Quand les parents n'habitent pas la même ville, le même quartier, où les enfants peuvent-ils aller à l'école? C'est rêver en couleur que de penser que tous les parents pourront s'accommoder un jour de la garde partagée.
La garde conjointe, c'est un peu mieux parce que l'enfant a son lieu civique où demeurer, et il a le droit de voir son père ou sa mère quand il le veut et comme il le veut. Les parents sont capables de communiquer entre eux. Tout à l'heure, je parlais à mes confrères, les messieurs là-bas, qui parlaient de donner de l'information. Donner de l'information, pour moi, c'est communiquer. À la radio, on a de l'information; ces gens sont des communicateurs.
En tout cas, si les hommes et les femmes ne peuvent pas bien communiquer entre eux, il ne sert à rien de vendre l'idéal de la garde partagée, où l'enfant passe 50 p. 100 du temps chez le père et 50 p. 100 du temps chez la mère.
Il faut aussi regarder la réalité des enfants. Les enfants de huit ans ne sont pas ici pour vous parler, mais je sais qu'il y a des enfants de huit ans... Je peux vous donner des cas. Je pourrais vous en donner tout l'après-midi parce qu'on rejoint 3 000 personnes par année, qui appellent chez nous pour tous les gros problèmes dont vous avez un peu entendu parler. On essaie d'aider ces gens à démêler leur situation. Quand un enfant de huit ans ne veut pas aller chez son père et qu'on doit le conduire dans une maison intermédiaire, où il doit passer tant de temps avec son père ou sa mère sous supervision, je me demande où est le bien de l'enfant. À huit ans, un enfant peut dire: «Oui, je veux aller chez papa; non, je ne veux pas y aller.» Il y a des raisons. Je n'en sortirai pas. Ce qu'on voit dans les journaux, c'est ce qu'il y a de plus laid, mais il y a d'autres raisons beaucoup plus subtiles, qui n'apparaissent pas mais qui sont là.
J'ai fini. Vous pourrez me poser des questions. Je vous dis que nous avons un programme d'éducation pour les enfants, qui s'appelle «La réaction des enfants face au divorce, la brisure familiale et les effets», que nous dispensons dans tous les organismes. Je demanderais à MM. les députés et sénateurs de faire vivre les regroupements de familles, qui sont des écoles pour ces genres de familles. Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous nous avez proposé tout un programme d'éducation.
Mme Claudette Maingué (Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées de Québec): Je vais enchaîner tout de suite. À la Fédération, nous rejoignons 50 associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Par le biais de ces associations-là, on rejoint environ 20 000 personnes. Donc, ce qu'on va vous présenter, c'est un portrait plus global. Il ne s'agit pas de cas par cas, mais bien d'un portrait de l'ensemble de la situation.
On ne vous apprend rien quand on vous dit que les portraits de famille ont beaucoup changé au cours des dernières années. Les mentalités évoluent parallèlement à ces changements. Aujourd'hui, la répartition des tâches dans les jeunes couples ne se fait plus de la même manière qu'il y a 20 ans, alors que le modèle du père pourvoyeur et de la mère éducatrice était beaucoup plus répandu. Aujourd'hui, dans un bon pourcentage des cas, les deux parents travaillent. Donc, ça change la dynamique familiale. Malgré ça, on peut dire qu'il y a encore au-delà de 80 p. 100 des femmes, selon un récent sondage, qui s'occupent des tâches ménagères, mais on s'en va tranquillement vers des changements de comportement et de mentalité.
• 1220
Parallèlement à ces changements, il y a les
ententes négociées qui sont à la hausse.
Entre 1985 et 1990, dans 63 p. 100 des cas, des ententes
hors cour arrivaient à voir le jour, alors que dans
les années 1990 à 1995, le taux a grimpé à 81 p. 100.
Malgré ce fait,
ce sont encore
majoritairement les femmes qui ont la garde des
enfants.
Cela veut dire qu'il y a 19 p. 100 de l'ensemble des dossiers qui doivent être tranchés par le juge. Donc, dans 19 p. 100 des dossiers, il y a litige: une demande de garde partagée versus une demande de garde exclusive, ou quelque chose de semblable.
Selon le modèle d'aujourd'hui, les deux parents s'occupent également des enfants, ou à peu près. Ce n'est pas l'un d'eux qui va le conduire à la garderie, mais ils partagent les tâches de la manière dont ils le veulent. Ils assument ces responsabilités à deux. Cela va se faire tout seul. Du moins, on pense que les choses vont se passer comme ça. Quand il n'y a pas de contestation, le choix du genre de garde reflète en quelque sorte le comportement que les parents avaient avant de divorcer.
Quand il y a contestation, il y a un écart. Quand on dit que l'un ou l'autre parent n'a pas joué complètement son rôle, il y a peut-être moyen de nuancer à ce sujet. Si on voit que la garde partagée peut être possible physiquement, si les parents ne demeurent pas chacun à leur bout du pays et ne semblent pas présenter de torts majeurs, il convient peut-être de s'ouvrir à cela. Je ne sais pas si c'est juste, mais les critères qui semblent guider les juges dans l'attribution de la garde sont d'abord l'intérêt de l'enfant, en deuxième lieu la façon dont le parent a agi à titre de parent, et en troisième lieu la coopération.
La coopération, bien entendu, ne s'impose pas. Il y a d'ailleurs eu une consultation publique qui a été menée par le gouvernement fédéral en 1993 sur la présomption de garde partagée, et les experts s'étaient entendus pour dire qu'on ne pouvait pas imposer la coopération et la garde partagée qui en découle.
Mme Maheu a dit tout à l'heure qu'au Québec, en vertu de la Loi 65, on a la médiation préalable à l'audition. Il y a aussi la Loi 14 qui s'applique pendant l'audition. Le juge peut ordonner une médiation s'il se rend compte, en cours d'audition, que les parties pourront peut-être arriver à s'entendre.
Il faut penser qu'on négocie des questions importantes comme la garde d'un enfant à un moment où on est au niveau émotif beaucoup plus qu'au niveau rationnel. On ne peut pas changer cela. Ce sera toujours comme cela. Mais il y a peut-être quelque part possibilité que ces gens-là s'entendent. Donc, on pourrait peut-être leur donner une chance de s'entendre par un processus comme celui-là.
As-tu quelque chose à ajouter, Sylvie?
Mme Sylvie Lévesque (directrice générale, Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec): Comme on le disait tantôt, lors d'une rupture, on se demande qui s'en va, qui garde les enfants, comment on va faire le partage, comment on va réussir à s'entendre. Il faut effectivement utiliser au maximum les moyens ou les lois et les possibilités qui sont disponibles pour les parents au moment du divorce afin d'en arriver à une meilleure entente, dans l'intérêt des enfants.
Dans ce contexte-là, il faut tenir compte de la réalité. Ce sont encore les femmes qui assument en majorité la responsabilité parentale. Également, la majorité d'entre elles vivent sous le seuil de la pauvreté. Il ne faut pas oublier cela. Quand les parents décident d'avoir des enfants, s'il y une responsabilité partagée avant la rupture, comment se fait-il qu'au moment de la rupture, on ne soit plus en mesure de continuer d'assumer cette responsabilité? Il faut donc trouver des moyens de communiquer cela.
Il y a des iniquités à ce niveau. Ces temps-ci, on fait beaucoup de cas d'espèce. On trouve cela un peu malheureux. C'est sûr que souvent, il faut se baser sur des lois, mais il faut le plus possible tenir compte du fait qu'il y a quand même 80 p. 100 des situations qui sont négociées et dans lesquelles les deux parents s'entendent.
• 1225
C'est vrai qu'il y a des situations aberrantes de part
et d'autre. Les femmes ne
sont pas des pures et les hommes non plus.
Il y a a aussi des
raisons économiques qui, parfois, font en sorte
qu'il y en a un qui veut avoir du pouvoir sur
l'autre. J'entendais parler tantôt de situations
émotives que des enfants et des parents ont vécues.
J'espère que la
commission va tenir compte non seulement des cas
d'espèce, mais aussi des aspects
plus globaux.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Nous allons commencer par M. Jessiman.
Le sénateur Duncan Jessiman: Je vais vous poser une question, si vous le permettez. Je crois savoir que votre fédération a une école pour les parents. Est-ce exact?
Mme Agathe Maheu: Non.
Le sénateur Duncan Jessiman: Non? C'est ce que j'ai compris de l'interprétation.
[Français]
Mme Agathe Maheu: Je crois qu'un organisme communautaire qui a une mission précise, une mission d'aide, d'écoute et d'information pour des parents qui vivent une séparation, fait de l'éducation. Étant donné tous les programmes que nous offrons après 25 ans—vous lirez notre dépliant—, nous pensons que ce que nous avons mis dans notre programmation répond aux besoins de ces parents, mais nous ne sommes pas une école reconnue.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: J'aimerais que vous m'expliquiez comment cela fonctionne. Vous n'avez pas de locaux et vous n'êtes pas la seule personne qui y travaille. Combien de gens avez-vous? Est-ce que les parents viennent entendre des conférences? Est-ce qu'ils regardent des bandes vidéos? Comment procédez-vous? Comment transmettez-vous l'information aux gens qui viennent vous voir? Est-ce qu'ils viennent vous voir avant une séparation ou après? Vous avez dit qu'au début il n'y avait que des femmes. Maintenant il y a des hommes qui viennent vous voir. Donnez-nous une idée des chiffres que cela représente. J'aimerais en savoir davantage pour connaître les moyens dont vous disposez et pour que cela figure au procès-verbal.
[Français]
Mme Agathe Maheu: Notre organisme a pour mission de regrouper les parents séparés et divorcés et leurs enfants. On est connus par ce programme-là, qui est diffusé. Les parents nous appellent et ils ont des besoins. Nous leur offrons des services, des services d'information sur la démarche juridique qu'on entreprend quand on se sépare ou qu'on divorce. On parle surtout de la garde des enfants et du partage du patrimoine familial.
Il y a cinq intervenants qui travaillent chez nous. Nous avons une permanente. Nous sommes financés. Nous avons des personnes-ressources compétentes, c'est-à-dire des psychiatres, psychologues, psycho-éducateurs, travailleuses sociales, avec qui nous travaillons et avec qui nous avons conçu les programmes pour éduquer les parents.
Comment est-ce que cela se passe? Quand un parent nous appelle, il est toujours en situation d'urgence. Il a besoin d'information et il est plein de peine et d'inquiétude. On dédramatise cela. On regarde cela et on dit: «Oui, tu vas passer à travers cela. Nous te proposons une démarche, une démarche qui est celle-ci.»
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce qu'ils viennent vous voir ou c'est vous qui allez les voir?
[Français]
Mme Agathe Maheu: Ils viennent à nous.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Très bien.
[Français]
Mme Agathe Maheu: On leur propose une démarche de 12 rencontres animées par une personne-ressource, portant sur les étapes d'une rupture. Qu'est-ce que je vis, moi, homme, moi, femme, quand je vis une rupture? Pourquoi est-ce que je vis cela? Comment se fait-il que je vis autant d'émotions? On se reporte alors à notre passé, à nos valeurs familiales et ainsi de suite, et on voit qu'il faut faire le ménage là-dedans. Ensuite on parle des enfants.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Chaque cas est différent. Vous n'avez pas de classe qui regroupe 10, 12 ou 15 personnes en même temps?
[Français]
Mme Agathe Maheu: Nous avons des groupes de 12 à 15 personnes qui se réunissent, qui font la démarche, qui suivent le programme sur les étapes de la rupture, mais ce ne sont pas des groupes mixtes. Nous avons des groupes pour hommes et des groupes pour femmes. Quand on en arrive à discuter du rôle des parents à la suite de la séparation ou du divorce, nous regroupons les parents. Nous leur parlons...
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Est-ce que la réunion dure une heure, deux ou trois heures? Quelle est la durée optimale de ce genre de réunion d'information?
[Français]
Mme Agathe Maheu: La durée des rencontres est de trois heures par semaine. Le programme dure 12 semaines.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: J'aurais une autre question. Vous avez dit que vous étiez subventionnés. Dois-je tenir pour acquis que vous êtes subventionnés par le gouvernement du Québec ou par le gouvernement fédéral? Qui paie les dépenses de votre organisme?
[Français]
Mme Agathe Maheu: Le principal bailleur de fonds de notre organisme est Centraide Montréal. Il y a le ministère de la Santé et des Services sociaux. L'argent que nous recevons du fédéral vient surtout des programmes d'employabilité. J'ai oublié de vous dire qu'on travaillait aussi beaucoup avec des étudiantes en droit et en service social.
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Enfin, votre organisme représente-t-il Montréal ou l'ensemble du Québec?
[Français]
Mme Agathe Maheu: Notre organisme est d'abord dans la région de Laval, mais est connu partout dans la province de Québec par l'entremise de la Fédération. Par l'entremise de la Fédération, nous formons des intervenants dans d'autres organismes afin qu'ils puissent utiliser nos programmes d'intervention..
[Traduction]
Le sénateur Duncan Jessiman: Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Docteure Bennett, vous avez la parole.
Mme Carolyn Bennett: Vous avez parlé de quatre différents types de garde. Pouvez-vous nous les expliquer?
[Français]
Mme Agathe Maheu: Les types de garde dont je vous ai parlé sont ceux qu'on peut retrouver dans la loi. Il y a la garde physique, la garde légale, la garde partagée et la garde conjointe.
En principe, un parent qui a la garde physique a automatiquement la garde légale. C'est ce qui encore le plus populaire aujourd'hui, puisque 80 p. 100 des femmes ont la garde physique et légale des enfants. C'est une sorte de garde. Je dirais que c'est l'ancien modèle, mais on commence à le retrouver un peu moins à cause de l'évolution des mentalités et des transformations sociales au niveau des hommes et des femmes.
Il y a la garde partagée. Dans ce cas, les deux parents ont la garde légale de l'enfant et la garde physique de l'enfant. Cela veut dire que les parents doivent s'entendre pour savoir combien de jours, combien de semaines ou combien de mois par année l'enfant va vivre chez son père. C'est cela, la garde de l'enfant partagée.
Pour ce qui est de la garde conjointe, la nuance, c'est que les deux parents ont la garde légale de l'enfant, ce qui veut dire qu'ils décident ensemble de tout ce qui concerne l'enfant, mais qu'un seul parent en a la garde physique, avec des droits de visite qu'on compte à l'heure, à la seconde, au jour, à la semaine avec le nouveau formulaire dont les tribunaux se servent lorsqu'ils attribuent la pension alimentaire. Je n'ai pas osé entrer là-dedans, mais on sait très bien que le nerf de la guerre pour les enfants, lors de la séparation ou du divorce, c'est la pension alimentaire. On a toujours pensé que les femmes faisaient de l'argent avec une pension alimentaire. Maintenant, les hommes commencent à recevoir de plus en plus des pensions alimentaires et ils se rendent compte qu'on ne vit pas avec une pension alimentaire: c'est pour faire vivre les enfants.
C'est donc un peu le nerf de la guerre. Les tribunaux ont mis ce gros formulaire à la disposition des avocats, dirais-je, parce que la pauvre Mme Tout-le-Monde ou le pauvre M. Tout-le-Monde connaît bien son salaire, mais n'est pas capable de faire le calcul lui-même tellement le formulaire est compliqué. Nous commençons à les aider. Nous les aidons avec les étudiantes en droit, parce qu'elles sont capables de le faire. C'est encore un outil qu'on a déposé en pensant un peu aux avocats, parce qu'il faut bien faire de l'argent avec le divorce ou la séparation. Il faudrait que ce soit davantage sorti des tribunaux.
Cela dit, je suis critique quand je dis cela...
[Traduction]
Mme Carolyn Bennett: Nous appelons ça l'industrie du divorce.
[Français]
Mme Agathe Maheu: C'est ça.
[Traduction]
Mme Carolyn Bennett: Vous avez dit qu'au Québec, il y avait des services de médiation qui étaient gratuits. Parle-t-on d'une visite, de 10 visites ou du nombre de visites nécessaires pour en arriver à un accord? Il y a une limite aux services de médiation qui sont offerts à un couple gratuitement?
[Français]
Mme Agathe Maheu: Je vais vous dire ce que je sais, et la Fédération va peut-être ajouter quelque chose. Je sais qu'il y a une visite obligatoire. C'est un service de médiation obligatoire. La première visite obligatoire est une visite d'information pour les deux parents concernés, mais il peut n'y avoir qu'un seul parent qui décide d'y aller. Donc, le parent qui décide d'y aller y va. Si les deux y vont, c'est encore mieux, mais parfois les deux parents ne veulent pas aller à une séance d'information sur la médiation. Si, après une première séance d'information, ils décident de continuer, ils peuvent bénéficier d'un maximum de six visites gratuites pour tenter de s'entendre sur le partage du patrimoine, la garde de l'enfant et la pension alimentaire.
Est-ce que c'est ça? En tout cas, c'est ce que j'en sais. Chez nous, c'est ainsi que ça fonctionne.
Mme Claudette Maingué: C'est six séances au moment du divorce original. C'est trois séances dans le cas des révisions. Effectivement, il y a trois moyens de faire la médiation en vertu de la Loi 65. Il y a une séance d'information obligatoire en groupe. Les deux conjoints peuvent y aller ensemble ou séparément. Il y a une médiation qui commence à ce moment-là si les gens s'entendent. Il y a beaucoup de personnes qui sont habilitées à faire de la médiation, qui sont reconnues par le ministère de la Justice ici, dont les avocats, les notaires, les psychologues, les travailleurs sociaux et les orienteurs professionnels. De plus, quelques centres-jeunesse ont des personnes accréditées pour faire de la médiation.
À l'issue de ces séances, les gens peuvent continuer. À ce moment-là, c'est à leurs frais, mais c'est quand même beaucoup moins coûteux que l'avenue habituelle, c'est-à-dire les avocats.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Madame St-Hilaire.
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire: Merci. Vous avez failli m'oublier encore une fois.
Merci beaucoup, mesdames. Premièrement, j'aimerais vous remercier d'avoir dressé un portrait assez réaliste de la situation. Vous êtes vraiment un regroupement de familles monoparentales. Vous ne représentez pas les intérêts de la femme ou de l'homme, mais vraiment des deux personnes, des deux individus. Jusqu'à maintenant, on n'avait entendu chaque fois qu'une version. Personnellement, je trouve cela très intéressant.
Madame Maheu, vous avez dit que la séparation était de juridiction provinciale et qu'il y avait la médiation, et que le divorce relevait d'une autre loi, au niveau fédéral celle-là. En plus, il n'y a pas beaucoup de mariages, comme on le sait. À ce moment-là, ce n'est plus un divorce mais une séparation.
Est-ce que vous constatez, quand vous rencontrez ces personnes, qu'il est compliqué de gérer cette histoire des deux juridictions? Est-ce qu'il devrait y avoir automatiquement une médiation, qu'il s'agisse d'un divorce ou d'une séparation?
Mme Agathe Maheu: Difficile à gérer? Moi, je fais abstraction de la juridiction. Je sais que le divorce est de compétence fédérale. Nous avons travaillé à la Loi sur le divorce quand elle a été modifiée, par exemple pour dire qu'on ne voulait plus d'accusations lors d'un divorce. On voulait qu'un an de non-cohabitation soit une raison suffisante. Ça, c'est fédéral.
Vous me demandez si c'est plus difficile parce que les gens sont moins souvent mariés légalement. D'après ce que je connais des couples qui vivent en union libre, je trouve que c'est l'enfer pour eux. Je vais vous donner un exemple.
Mme Caroline St-Hilaire: C'est l'enfer pour ceux qui vivent en union libre?
Mme Agathe Maheu: Oui, quand ils se séparent alors qu'ils sont en chicane. Je ne parle pas de divorcer, mais bien de se séparer. Ils ont en commun des biens. Ils sont copropriétaires de la maison. Ils ont des enfants en commun. On sait que la garde et la pension alimentaire de l'enfant sont régies par la loi, mais quand arrive le partage de la maison... Tous les deux sont maîtres chez eux.
À mon époque, la loi permettait aux méchantes comme moi, qui pouvaient faire sortir leur conjoint de la maison, de lui envoyer un subpoena et de lui dire: «Ça ne fonctionne plus, tu dois quitter la maison.» La loi nous permettait de faire cela.
• 1240
Je trouve qu'on y perd quand on ne peut avoir recours
à cela lors d'une séparation ou d'un divorce, quand
il y a des situations terribles à vivre, notamment des
situations
de violence. Quand on était
mariée légalement, comme dans mon temps, on pouvait
faire quitter un conjoint violent, tandis
qu'aujourd'hui, en union libre, les deux
sont maîtres chez eux. «Tant que la maison ne
sera pas vendue, on restera ensemble. Si tu veux
vivre en bas, moi, je vais vivre en haut.» Je trouve que
c'est plus difficile à gérer. Cela ne correspond pas
à ma mentalité quand on dit cela aux jeunes couples.
Quand on rencontre des jeunes, on leur dit:
«Si vous ne vous mariez pas légalement,
faites au moins une entente écrite au cas où une
séparation arriverait.
Mieux vaut prévenir que guérir.» Mais on n'est en pas
rendu là. Rares sont les couples qui décident de
vivre ensemble en union libre, de
s'acheter une maison et d'avoir des enfants,
qui se font un contrat. On trouve ces situations très
difficiles. En tout cas, il y a
moins de choses sur lesquelles on peut s'asseoir. On
peut plus difficilement dire:
«La loi te permet de faire cela.» Je
crois qu'il faut réagir.
Mme Claudette Maingué: Pour répondre d'une façon plus précise et plus directe, je dirais qu'au moment du dépôt du budget de 1995, je pense, le ministre avait déposé les grandes lignes de la politique sur l'ensemble de la problématique des enfants en cas de divorce.
Il me semble qu'au niveau fédéral, on devrait s'en tenir au niveau philosophique ou aux grandes lignes et laisser la gestion de cela aux provinces. Il y aurait alors uniformité pour tout le monde. Dans le fond, il n'y a pas de contradiction entre l'un et l'autre. On peut faire des sous-lois, mais on ne peut pas contredire le grand principe.
Mme Caroline St-Hilaire: J'ai une petite sous-question. Les pères, surtout, nous ont dit qu'ils préconisaient la garde partagée. J'aimerais vous entendre là-dessus étant donné que vous faites aussi affaire avec des hommes. Si j'ai bien compris, vous préconisez la garde conjointe plutôt que la garde partagée obligatoire au départ.
Mme Sylvie Lévesque: Oui, mais comme on l'a mentionné tantôt au sujet de la médiation, comment peut-on imposer quelque chose? Il faut que les deux parties décident volontairement de ce qu'elles veulent faire de leurs enfants à prime abord.
Si, au moment du prononcé du divorce, le tribunal impose automatiquement la garde à quelqu'un, que ce soit la mère ou le père, qui ne désire pas entrer dans ce processus, à notre avis, les résultats ne seront pas probants pour l'enfant ou pour les enfants.
Donc, il faudrait s'en tenir à des lignes directrices très larges, à des principes. On peut dire que les deux parents sont responsables de leurs enfants. Ils décident ensemble d'avoir des enfants avant le divorce. Donc, les deux parents en sont responsables. Par la suite, on devrait privilégier un processus beaucoup plus souple et beaucoup mieux adapté, par exemple la médiation, pour éviter, au moment où on décide de ces choses-là... C'est évidemment une situation très émotive. Il y a des situations où il n'y a pas de violence, où il n'y a pas de pression, où il n'y a pas d'abus. Les hommes ne sont quand même pas tous violents, heureusement. Donc, dans ce contexte-là, je pense qu'il faut privilégier davantage les processus dans lesquels les deux parties vont pouvoir s'entendre. Si on l'impose, à notre avis, cela ne donnera pas de résultats probants. Encore là, on aura des jeux d'influence, tant du côté de la masse de temps qu'au niveau du contrôle ou de certains pouvoirs. Il ne faut pas nier qu'il y a des situations où c'est souvent une question monétaire. On pense que, parce qu'on obtient la garde partagée, il n'y aura plus de pension alimentaire, alors que ce n'est pas le cas. C'est fixé selon les revenus.
Encore aujourd'hui, la pauvreté est féminine. Le Conseil national du Bien-être social a publié une étude il y a deux jours. Il y a au-delà de 100 000 enfants au Canada qui vivent dans la pauvreté. Il faut tenir compte de cette réalité-là.
Mme Caroline St-Hilaire: Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Sénatrice Pépin.
La sénatrice Lucie Pépin: Vous dites que 81 p. 100 des ententes sont négociées. Il y a seulement 19 p. 100 des décisions qui doivent être rendues par le juge. Pensez-vous qu'il y a un corollaire entre le pourcentage des ententes qui sont négociées et le pourcentage des familles monoparentales dirigées par les femmes qui vivent dans la pauvreté?
Mme Sylvie Lévesque: Quatre-vingt deux pour cent?
La sénatrice Lucie Pépin: On dit que...
Mme Sylvie Lévesque: Quatre-vingt deux pour cent des femmes monoparentales...
La sénatrice Lucie Pépin: C'est cela. J'ai juste vu les statistiques. Donc, les parents s'entendent et négocient, mais il y en a plusieurs qui semblent abandonner leurs responsabilités aussitôt que l'entente est terminée. C'est la mère, à ce moment-là, qui doit assumer les responsabilités.
• 1245
Avez-vous une étude, mesdames,
sur l'impact de la garde physique partagée sur les
enfants de 2 à 15 ans?
Toutes les deux semaines, ils doivent
faire leurs valises pour aller chez
l'un des deux parents.
Il y a une jeune femme de 18 ans qui est
venue et qui a dit spontanément: «Pour la première fois,
quand je vais avoir mon appartement, je
vais avoir toutes mes affaires à la même place. Je
pense que je ne serai jamais capable de partir de là.»
Cela m'a profondément bouleversée.
Dans les groupes que vous voyez, avez-vous
une indication de l'impact de cela, simplement
cela, sans parler du déchirement émotif?
Mme Agathe Maheu: C'est un peu de cela que je parlais tout à l'heure. Je vous parlais de la garde partagée, qu'on dit idéale. J'aurais pu vous parler de l'impact de cette garde sur les enfants. Je dois vous avouer que, lorsqu'il y a garde partagée et que l'entente des parents est fragile, qu'il y pas mal de tiraillage, les enfants ne se sentent pas en sécurité et sont très, très manipulateurs. Quand ça ne va pas chez papa, on décide d'aller chez maman.
Les enfants sont appauvris dans une situation comme celle-là. Voici le cas concret d'un enfant de huit ans. La semaine dernière, la mère renégocie la garde de l'enfant. L'enfant veut retourner vivre avec son père. Il a huit ans. On a regardé ensemble pourquoi il voulait aller vivre chez son père. À huit ans, il commence à ne plus faire ses devoirs. La mère use de discipline et lui limite les heures de télévision. Le petit garçon est très fâché et dit: «Je m'en vais chez papa.» Le père embarque là-dedans, n'est-ce pas? Alors, on change la garde de l'enfant: il s'en va chez papa.
Madame avait une pension pour l'enfant, et il payait une chambre, un petit téléviseur et ainsi de suite. C'est maintenant le temps des logements. «Il faut changer la garde tout de suite, parce que s'il s'en va, je devrai déménager parce que je n'ai plus les moyens de payer sa chambre.» Lorsque l'enfant viendra chez sa mère, il n'aura plus de chambre à coucher.
On voit beaucoup de situations comme celle-là. Où est le bien de l'enfant là-dedans? Je pense que les parents auraient eu intérêt à s'asseoir et à regarder pourquoi l'enfant voulait aller chez son père. C'est sûr que le père ne paiera plus de pension et que la mère est très pauvre, mais où est le bien de l'enfant de huit ans dans tout cela?
C'est pour cela que je vous parle de l'éducation des parents. Je dis que les parents devraient aller à l'école pendant un an après leur séparation ou leur divorce pour comprendre ce que vivent leurs enfants, mais d'abord pour comprendre ce qu'ils vivent eux-mêmes.
Donc, j'insiste sur l'éducation et la bonne information, car c'est là qu'est le bien de l'enfant. Il y a des études à faire sur ces enfants.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Il est presque 12 h 50. Nous avons pratiquement une heure de retard. Je vais demander à M. Mancini de poser la dernière question.
[Français]
M. Peter Mancini: Merci, mesdames.
[Traduction]
Merci de nous avoir présenté un exposé assaisonné d'une bonne dose de réalisme. J'aurais une brève question au sujet de quelque chose que vous avez dit et qui m'a légèrement inquiété.
Vous avez dit que l'accès est souvent lié à la pension alimentaire. Je crois comprendre que ces deux aspects ne sont pas liés puisqu'il y a en fait beaucoup de parents qui ne peuvent pas payer une pension alimentaire mais qui sont de bons parents et qui bénéficient de droits de visite généreux. Il peut également y avoir des parents qui ont de gros moyens financiers mais qui ne souhaitent pas avoir de droits de visite ou à qui ces droits ne conviennent pas très bien. Lorsque vous affirmez que l'accès et la pension alimentaire sont liés, vous basez-vous sur votre expérience?
[Français]
Mme Agathe Maheu: Je me suis mal exprimée si vous avez compris que j'avais fait un lien entre la pension et la visite. Je ne fais pas de lien du tout. La pension, c'est une chose. C'est une responsabilité parentale. Les visites, c'est au niveau de l'éducation et des conflits que les hommes et les femmes peuvent vivre à la suite d'une séparation ou d'un divorce.
• 1250
Je me dis que, quand on a compris ce qu'on vit à la suite
d'une séparation, quand on comprend la dépendance
affective qu'on peut avoir vis-à-vis du conjoint,
autant la femme que l'homme, car les hommes sont
maintenant
dépendants comme nous l'avons été
longtemps, quand on arrive à comprendre ça, il n'y a
plus de problème pour la visite de l'enfant. Quand on
arrive, en tant qu'adulte, à comprendre ce qu'on
vit à la suite d'un divorce... C'est une peine d'amour,
monsieur. Que cela arrive à 30 ans, 40 ans, 50 ans ou 60
ans, c'est ça. Pourquoi les jeunes se suicident-ils
aujourd'hui? Les jeunes se suicident à la
suite d'une peine d'amour. Quand les hommes tuent leur
femme, c'est à cause de leur très grande dépendance
vis-à-vis de l'ex-épouse. C'est ça. Mais on ne se
connaît pas et on ne comprend pas ce qu'on vit. On a
peut-être été dépendant toute sa vie au plan affectif,
dépendant de sa mère, de son père et ainsi de suite. C'est pour
ça que, quand on vit une séparation ou un divorce,
il faut aller à l'école pendant un an.
Je suis parent unique depuis 25 ans et je suis allée à l'école pendant tout ce temps pour en comprendre davantage, et je n'ai pas encore fini de comprendre certaines des choses qui se disent entre les hommes et les femmes. C'est pour ça qu'il faut dire que les hommes ont autant besoin de services que les femmes; les femmes en ont besoin et les enfants en ont besoin. Quand je vous parle des services, je veux parler de l'école. Je me souviens du bon vieux curé qui nous a appuyés quand on a fondé notre regroupement. Il m'avait dit: «Blasphème, c'est ça, de l'éducation pour les adultes!» Quand on n'est pas préparé à vivre une situation et qu'on ne sait que faire quand on la vit, c'est là qu'il faut faire de l'éducation aux adultes.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Merci d'être venues.
[Français]
Il nous reste 10 minutes avant le début de la prochaine séance. Nous allons faire une pause de 10 minutes. Les membres du comité voudront peut-être manger quelque chose. Vous pouvez partager votre temps entre vous.
Mme Sylvie Lévesque: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Oui.
Mme Sylvie Lévesque: On a préparé un texte écrit qu'on vous a remis. Malheureusement, il n'est qu'en français. Espérons que vous pourrez en prendre connaissance.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Pas de problème. Merci.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous avons devant nous les représentants de G.R.A.N.D., ils vont nous dire ce que veut dire G.R.A.N.D...
La sénatrice Anne Cools: De grandes personnes.
[Français]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous accueillons Mme Mathilde Erlich-Goldberg et M. Albert Goldberg, qui représentent l'association G.R.A.N.D. Je pense que vous avez assisté à la séance de ce matin. Nous vous accordons 10 minutes pour nous faire part de votre point de vue. Nous aurons par la suite une période de questions, comme à la Chambre. Je vous invite à commencer, s'il vous plaît.
Mme Mathilde Erlich-Goldberg (présidente, G.R.A.N.D.): Bonjour. Je parlerai en français, ma connaissance de l'anglais n'étant pas très bonne. Je m'appelle Mathilde Erlich-Goldberg et je suis la présidente du groupe G.R.A.N.D. pour la province de Québec. Je suis aussi une grand-mère qui, malheureusement, ne voit pas sa petite-fille, cela depuis assez longtemps, c'est-à-dire depuis le décès de notre fille il y a bientôt six ans.
Nous avons formé un groupe pour aider des grands-parents qui, malheureusement, ne voient pas leurs petits-enfants en raison de divorces, de séparations, de décès, de suicides, d'abus ou, bien souvent, de problèmes financiers et familiaux qui remontent parfois assez loin. G.R.A.N.D. est ce groupe que nous avons formé pour les soutenir et les aider. Nous travaillons tous à titre bénévole et nous sommes assez nombreux, soit à peu près 400 membres et sympathisants. Nous oeuvrons depuis quatre ans et demi. Nous sommes accompagnés de Me Michel Girard, qui travaille lui aussi bénévolement avec nous, qui nous apporte une très grande collaboration, qui assiste à toutes nos réunions à chaque mois et qui nous donne des conseils en vue d'aider nos grands-parents.
Il faut vous dire qu'on traite de cas ou de problèmes très très spéciaux, et je me sens obligée de le dire puisque nous en avons eu cette semaine. Par exemple, des grands-parents dont les enfants s'adonnent à la drogue voient leurs petits-enfants confiés à la DPJ. C'est un grave problème ici, à Montréal.
On offre un soutien aux grands-parents. On est obligés de les soutenir moralement. Nous avons un grave problème au Québec. L'article 611 du Code civil dit que les grands-parents ont, sauf dans certains cas, des droits d'accès à leurs petits-enfants et on se retrouve en cour. Lorsqu'on comparaît devant un juge—et j'ai moi-même vécu cette situation—, on constate malheureusement que la plupart du temps, ce dernier n'est pas éduqué ou sensibilisé pour pouvoir faire face à une grand-mère ou un grand-père qui vient devant lui. Il ne saisit pas bien le problème. Il faudrait changer cette chose.
Les membres de G.R.A.N.D. aimeraient que ça change et que, lorsque les grands-parents se présentent en cour avec leur avocat, le juge puisse mieux comprendre l'amour qu'ils éprouvent pour leurs petits-enfants, ainsi que l'intérêt des petits-enfants à voir leurs grands-parents. C'est très important. Il ne faut pas oublier que bien souvent, les grands-parents sont privés de l'amour de leurs petits-enfants, tout comme les petits-enfants le sont du leur, parce qu'on leur interdit de se voir. Cette question nous importe beaucoup en ce moment.
• 1310
Je vais céder la parole à mon époux,
ma deuxième moitié qui m'aide beaucoup.
M. Albert Goldberg (vice-président, association G.R.A.N.D.): Le sigle G.R.A.N.D. est en quelque sorte l'emblème de l'association et il signifie «grands-parents requérant accès naturel et dignité». On peut en faire une traduction littérale en anglais et le sigle demeure donc le même.
Il faut comprendre l'importance du rôle des grands-parents dans la société en général. Il n'y a pas que le problème affectif, mais aussi celui du développement des petits-enfants. Lorsqu'on rompt les liens entre les grands-parents et les petits-enfants, c'est comme si un pays n'avait pas d'histoire. Un peuple ne peut pas vivre sans son histoire; il ne peut pas préparer son avenir s'il ne connaît pas son passé. Il y a donc trois générations: il y a le passé qui représente l'histoire d'un pays ou d'une famille, et ce sont les grands-parents; il y a le présent, et ce sont les parents; et il y a l'avenir, c'est-à-dire les petits-enfants.
Séparer l'avenir du passé, c'est très difficile, aussi bien pour les uns que pour les autres. Dans notre démarche, nous pensons surtout aux petits-enfants parce que, de toute façon, l'avenir des grands-parents est derrière eux. Quand on rompt les liens entre les petits-enfants et leurs grands-parents, c'est un drame.
Je voudrais souligner qu'au Québec, nous avons la chance d'être protégés par l'article 611. Cet article donne des droits aux grands-parents et ces droits sont indépendants des situations. Ailleurs au Canada, on semble régir l'accès aux grands-parents dans le cadre de la Loi sur le divorce. Le divorce est peut-être l'une des causes qui éloignent les grands-parents de leurs petits-enfants, mais ce n'est pas la seule. J'apprécie le fait que chez nous, indépendamment du divorce, il y a cet article du Code civil qui garantit aux grands-parents l'accès naturel aux petits-enfants, sauf évidemment s'ils sont incestueux ou s'il y a des raisons valables que nous ne défendrions pas. C'est donc très important.
À mon avis, le droit d'accès des grands-parents devrait être indépendant de la situation, qu'elle se soit produite à la suite d'un divorce ou d'un chantage pour des questions d'argent, ou qu'il s'agisse de l'enfant qui reproche à ses parents le divorce. Nous entendons de telles histoires. Des parents n'acceptant pas le divorce des grands-parents leur interdisent de voir les petits-enfants, disant qu'ils ne sont pas un bon exemple. Un enfant n'a pas à juger des causes menant au divorce de ses parents, d'autant plus que la mère ou le père peut lui monter la tête en lui disant que son père est un vaurien, etc.
J'aimerais qu'ailleurs au Canada, on songe à séparer la question de l'accès des grands-parents à leurs petits-enfants des causes qui ont prévalu. Ce n'est pas fatal d'insérer le droit de visite dans la Loi sur le divorce; enfin, c'est ce que je pense. On prépare mal l'avenir d'un pays si on ne comprend pas que dans la famille, les grands-parents jouent peut-être le rôle le plus important. Ils n'ont pas à assumer l'éducation des petits-enfants; ils sont plutôt là comme confidents. Lorsqu'un petit-enfant se confie à ses grands-parents, il sait qu'il ne sera pas jugé. Ses parents vont juger son action. Les grands-parents sont des amis qui seront à l'écoute et à qui on peut se confier en toute confiance. Si on le leur demande, ils vont donner un conseil, mais ils ne le feront pas si on ne le leur demande pas. Ils sont là pour aimer et gâter leurs petits-enfants. C'est un rôle tout à fait différent.
Si on enlève une partie de cette chose naturelle de la vie, il y aura un déséquilibre au niveau du psychique de l'enfant. Il est très important d'accorder ce droit.
Mme Mathilde Erlich-Goldberg: Permettez-moi de souligner que la semaine passée, nous avons reçu dans La Presse—je pense que tout le monde l'a reçu—Le Téléphone Juridique. Je l'ai feuilleté et j'ai trouvé ça formidable. Mais, à ma grande surprise, je n'ai rien trouvé au sujet des grands-parents. On parle de...
M. Albert Goldberg: ...droit de la famille.
Mme Mathilde Erlich-Goldberg: On parle de droit de la famille, on parle enfants et famille, adoption, liens juridiques entre parents et enfants, autorité parentale, tutelle et droits de la personne. Où sont les grands-parents et les petits-enfants? Où est l'article 611? Où sont les grands-parents? Les grands-parents font partie de la famille.
[Traduction]
La sénatrice Anne Cools: Monsieur le président, pouvons-nous demander au témoin de préciser ce qu'elle est en train de lire pour que cela figure au procès-verbal; ainsi nous saurons tous de quoi il s'agit lorsque nous lirons le procès-verbal?
Nous avons besoin du document que vous lisez.
[Français]
M. Albert Goldberg: Le Téléphone Juridique est rédigé par la Société québécoise d'information juridique, le gouvernement du Québec, le ministère de la Justice et le ministère de la Justice du Canada. Les trois ministères de la Justice ont omis les grands-parents; ils ne l'ont pas fait exprès, mais c'est révélateur. Lorsqu'on fait un lapsus en parlant, c'est parfois révélateur. Dans ce document, qui a été envoyé à presque toute la population et distribué dans les journaux, les grands-parents étaient absents.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Sénatrice Pépin.
La sénatrice Lucie Pépin: Je vous remercie de votre présentation et je vous comprends. Je suis une grand-mère. Si jamais je n'avais pas le droit de voir ma petite-fille, je capoterais. Alors, je comprends tout.
Mais il y a une chose que je ne saisis pas. Est-ce la loi qui vous défend de voir vos petits-enfants ou si ce sont les parents qui vous le défendent? Est-ce parce que vous n'avez aucun recours dans la loi que vous ne pouvez pas exiger de voir vos petits-enfants après la séparation de vos propres enfants? Quel est le mécanisme qui fait en sorte que vous ne pouvez pas voir vos petits-enfants?
M. Albert Goldberg: Ce sont les parents, pour des raisons quelconques. Par exemple, cela nous est arrivé lorsque nous avons perdu notre fille. Elle est décédée deux semaines après avoir donné naissance à une fille. À l'époque, ma femme était extrêmement malade et hospitalisée. Je m'occupais de ma femme et j'allais voir ma fille, etc. Ma femme n'est sortie de l'hôpital qu'une journée pour assister aux funérailles de notre fille et elle y est retournée. Six mois plus tard, ma femme est sortie de l'hôpital. Pendant ces six mois, l'autre grand-mère avait assumé la garde de l'enfant.
Au début, elle nous donnait notre petite-fille deux ou trois fois par semaine parce que ça l'accommodait et qu'elle travaillait. Elle était bien contente qu'on la prenne le week-end, etc. Puis, à un moment donné, elle est devenue jalouse. Lorsque j'arrivais, la petite, qui m'adorait, me sautait dans les bras. Il y a certainement un fond de jalousie. Mon ex-gendre s'est par la suite remarié. C'est son droit et c'est naturel. Sa femme et lui ont décidé qu'il y avait une autre famille et d'autres grands-parents. Cette femme qu'il a épousée avait déjà un enfant et il a dit à ma petite fille: «C'est ta soeur.» Notre fille est morte deux fois. On ne parlait pas de sa mère à notre petite-fille et elle a eu une soeur.
Après que Me Girard, qui est ici présent, nous a représentés en justice et obtenu pour nous le droit de la recevoir en visite, la petite est venue chez nous et a vu la photo de sa mère. Nous lui avons expliqué qu'elle avait deux mères: une maman qui était au paradis et une autre qui l'élevait.
Quand ils ne veulent pas vous la donner, ils ne vous la donnent pas et invoquent un prétexte: «Elle est malade, je ne veux pas que vous veniez à la maison, vous êtes chez moi.» Et vous ne pouvez pas entrer chez quelqu'un; on appelle la police et vous êtes...
La sénatrice Lucie Pépin: Vous n'avez pas de recours.
M. Albert Goldberg: C'est vous qui vous retrouvez en prison.
Mme Mathilde Erlich-Goldberg: Oui, il y a des recours, mais il faudrait aller tout le temps en justice.
La sénatrice Lucie Pépin: C'est ça. Si je me rappelle bien, il y a environ un an, il y avait eu tout un débat au sujet de la responsabilité des grands-parents et des pensions alimentaires. Si les parents ne payaient pas, c'étaient les grands-parents qui devaient le faire.
M. Albert Goldberg: Oui.
Mme Mathilde Erlich-Goldbert: Oui.
La sénatrice Lucie Pépin: Lorsque ce débat avait eu lieu, j'avais dit à une de mes copines: «Ça veut dire que les grands-parents ont toute la responsabilité, mais n'ont aucun droit.»
M. Albert Goldberg: C'est ça.
La sénatrice Lucie Pépin: En fait, cela n'a pas été corrigé depuis.
M. Albert Goldberg: Mais si, heureusement. J'ai présenté un mémoire avec un autre avocat. À l'époque, le ministre de la Justice était Bégin. Chaque fois que je le peux, j'en profite pour lui rendre hommage parce qu'il a été vraiment très bien. Nous avons réussi à faire abolir la pension des grands-parents. C'est un des grands succès de notre organisation. Les grands-parents n'ont plus cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Ils ne sont plus tenus de payer. Cela ne veut pas dire que nous n'encourageons pas tous les grands-parents à faire le maximum pour leurs petits-enfants, et ils le font normalement dans des cas comme ceux-là. Donc, nous avons réussi à annuler cette pension alimentaire. Je pense que c'est un grand succès pour beaucoup de grands-parents, surtout pour les plus pauvres. Quand on est riche, 1 000 $, ce n'est rien, mais quand on est pauvre, 100 $, c'est un monde.
La sénatrice Lucie Pépin: Je vous remercie. J'espère que vous serez capable de faire campagne pour qu'on ajoute votre document à la liste de ceux qu'on a tous reçus.
M. Albert Goldberg: Oui, oui.
La sénatrice Lucie Pépin: Merci.
[Traduction]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini: Thank you. Merci.
Je suis sûr que vous vivez une situation personnelle très difficile. Je viens d'une famille très nombreuse de la côte Est et lorsque je pense à la contribution qu'ont apporté les grands-parents des deux côtés de la famille... Je suis sûr que vous avez dû vivre une situation difficile.
Je vais limiter mes remarques au divorce parce que la mort d'un enfant crée une situation particulière. Le contraste entre le Code civil du Québec et ce qui existe dans ma propre province est frappant. En fait, en Nouvelle-Écosse, la jurisprudence indique qu'il est difficile aux grands-parents de vaincre les obstacles juridiques. Les tribunaux ont déclaré que les grands-parents ne peuvent avoir accès à leurs petits-enfants que par l'intermédiaire de leur enfant.
Pouvez-vous imaginer une raison pour laquelle cela ne devrait pas être le cas? Si les parents de l'enfant ont le droit de passer du temps avec leur enfant et qu'ils sont les enfants des grands-parents, n'est-ce pas à eux de partager avec leurs parents le temps qu'ils passent avec leur enfant? N'est-ce pas plutôt leur responsabilité que celle des tribunaux?
Me suis-je bien expliqué?
[Français]
M. Albert Goldberg: Oui, c'est tout à fait clair. Selon les lois morales, en général, cela devrait être d'abord la responsabilité de l'individu avant celle des tribunaux. Malheureusement, quand il y a absence de sens des responsabilités chez l'individu, les tribunaux sont là comme palliatifs. Ils ne sont jamais là en premier lieu.
D'ailleurs, dans notre association, nous recommandons toujours la conciliation ou la médiation avant le recours au tribunal. Nous essayons d'ailleurs d'en faire. Pour nous, le tribunal est suffisamment traumatisant pour qu'on l'évite au maximum. On ne va au tribunal qu'en dernier recours, quand il n'y a plus de moyens de discussion. On privilégie la discussion et on essaie de régler les problèmes. Je suis absolument d'accord que cela devrait être une responsabilité individuelle, celle des parents, évidemment.
[Traduction]
M. Peter Mancini: Dans le monde où nous vivons, les enfants n'ont pas beaucoup de temps. Ils ont beaucoup de choses à faire. Ils vont à l'école de 9 heures à 15 heures. Ils ont des activités de 15 heures à 17 heures. Ils mangent de 17 à 18 heures. Ils font leurs devoirs de 19 heures à 20 heures. C'est du moins de cette façon que cela se passe avec mes enfants.
Lorsque les parents divorcent, il faut répartir encore le temps des enfants. Si nous donnons aux grands-parents, par le biais de la Loi sur le divorce, un droit d'accès, ne risquons-nous pas de trop morceler le monde des enfants? Cela ne risque-t-il pas de nuire au bien-être de l'enfant.
[Français]
M. Albert Goldberg: Non, c'est une question de point de vue. Lorsque j'étais enfant, nous avions 10 fois plus de devoirs. D'abord, on allait à l'école jusqu'à 16, 17 ou même 18 heures. On avait des devoirs et, bien souvent, on travaillait jusqu'à minuit.
Quand on prend son point de vue, on s'imagine qu'on est le centre de la terre, mais si vous prenez d'autres civilisations... J'ai eu la chance d'enseigner le français à des petits Chinois. Cela m'a permis d'entrer dans la communauté chinoise. Chez les Chinois, ce sont les grands-parents qui élèvent les petits-enfants. On ne frappe jamais les enfants, alors que chez nous, il y a des problèmes. Chez les Chinois, on ne les bat jamais et ils sont aussi bien élevés. J'ai eu de la chance. Il fallait voir comment les élèves me traitaient et ce qu'ils me faisaient en fin d'année. C'était incroyable. Donc, il faut aussi élargir son horizon. Je crois qu'il y a toujours du temps pour tout. Ce que les gens ne savent pas faire en général, c'est voir ce qui est important. Lorsqu'on manque de temps, on doit éliminer ce qui n'est pas important, et là on trouve du temps pour ce qui est important. C'est parfois le contraire: on garde ce qui est futile et on n'a pas de temps pour ce qui est important. Cela dépend de la valeur que l'on donne au temps.
Je suis sûr—excusez-moi de ma certitude—qu'on peut, en s'organisant, avoir du temps pour tous. Ce n'est pas un temps futile que celui passé avec les grands-parents. C'est un temps de tendresse. L'amour, il n'y a que cela dans la vie. Le reste est secondaire. Lorsque l'on est aimé et que l'on aime, on a une force à battre les montagnes.
Si nous avons la chance, après avoir perdu une enfant, de pouvoir faire des choses, c'est parce que j'ai une femme extraordinaire. C'est cela qui m'a porté dans la vie. Je crois que tout ce que j'ai fait, je l'ai fait parce que j'avais quelqu'un à côté de moi qui me donnait la force nécessaire. Si on inculque cela aux enfants, ils auront la force de battre les montagnes. Peut-être que l'enfant fera un moins de hockey et un peu plus de mathématiques. Cela dépend si on considère que les mathématiques sont plus importantes que le hockey. Maintenant, si on considère qu'une carrière à pousser la rondelle est plus importante... C'est ce qui se passe dans la vie.
Je crois qu'il y a du temps pour tout et que, si on prend du temps pour les grands-parents, les parents s'arrangeront pour veiller à ce que certaines choses qui ne sont pas importantes soient abandonnées. C'est mon opinion.
Mme Mathilde Erlich-Goldberg: Je suis d'accord là-dessus, monsieur. Je vois parfois des parents qui viennent dans mon bureau et qui me disent: «Je veux bien que mes enfants y aillent, mais il y a le hockey et le ski et ils n'ont jamais le temps d'y aller.»
Je suis persuadée qu'ici, parmi nous, il y a des personnes qui sont comme moi. Mes parents travaillaient. Je suis une enfant de la guerre. J'ai vécu avec ma grand-mère, qui m'a aidée et soutenue. J'avais une grand-mère merveilleuse que je ne pourrai jamais oublier. Mon grand-père est allé à la guerre, où il est décédé, mais ma grand-mère m'a apporté des choses merveilleuses. Je ne les oublie pas aujourd'hui. Mais ce ne sont pas mes parents.
Quand j'ai eu mes enfants, je n'étais pas toujours d'accord avec ma mère. On avait des différends. On a le droit d'avoir des différends avec ses parents. Cependant, le jour où mes enfants n'allaient pas à l'école, le jeudi, je prenais le train et j'amenais les enfants chez ma mère pour la journée. Il n'aurait jamais fallu que je lui dise non. Jamais. Maintenant, les parents disent toujours non. Pourquoi? Un petit coup de téléphone, ce n'est pas grand-chose. Eh bien, il y a des parents qui refusent que les enfants appellent leurs grands-parents.
• 1330
Je vais vous parler d'une autre chose que j'ai
trouvée déplorable. Auparavant, j'étais dans le
domaine médical et je visitais des maisons de
retraite.
Je parlais avec des personnes âgées. Jamais on leur
apportait leurs petits-enfants. Les parent ne venaient
jamais les visiter. Jamais ils ne voyaient leurs
petits-enfants. Pensez-vous que c'est beau, cela?
C'est terrifiant.
[Traduction]
M. Peter Mancini: Je sais que mon temps de parole est pratiquement écoulé. J'aimerais terminer sur une réflexion. Je souscris à tout ce que vous avez dit ou presque et vous avez parfaitement raison de transmettre votre message mais nous vivons à une époque, en particulier là d'où je viens, où il est très fréquent que les gens soient obligés de quitter leur région d'origine, à cause du travail. C'est à cause de cette situation que les employés sont obligés de déménager d'une région du pays à une autre. Nous vivons des temps très difficiles mais cela ne retire rien au message que vous avez transmis.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Madame Cools.
La sénatrice Anne Cools: Très rapidement, je tiens à remercier les témoins mais également à rappeler à la présidente, comme je l'ai fait hier, que les questions qu'ils ont soulevées, en particulier le deuil, le décès et l'accès aux autres membres de la famille, font partie d'un ensemble de questions plus larges que le comité va devoir aborder.
Nous avons eu la situation inverse hier. Un témoin nous a déclaré qu'elle avait été éloignée de son père et que, lorsqu'il est décédé, elle avait eu beaucoup de mal à obtenir des renseignements sur lui, des choses qui lui auraient permis de vivre son deuil, pour ainsi dire.
Madame la présidente, cela fait partie d'un ensemble de questions plus larges que nous allons devoir examiner: les répercussions des décès et du deuil sur ce genre de conflits familiaux.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous demande de m'excuser
[Français]
auprès des témoins. Nous n'avons pas pris de temps pour manger. S'il y a ici des gens qui s'absentent pour aller manger, ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas vous écouter. C'est qu'ils ont faim.
M. Albert Goldberg: Nous comprenons très bien. Nous vous remercions beaucoup de nous consacrer ce temps. C'est quand même assez épuisant, parce que vous êtes là depuis ce matin. On comprend très bien et on vous remercie du temps que vous prenez et de l'attention que vous nous accordez.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup. Il y a encore une question pour vous.
[Traduction]
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Les personnes qui ont compris que nous allions refondre la Loi sur le divorce nous ont demandé de ne pas faire ce qu'avait fait l'Alberta, je crois que c'est bien cette province, c'est-à-dire, mentionner les grands-parents dans la loi. Ils ont dit que cela était trop difficile à administrer, que cela n'était pas pratique.
J'aimerais que vous me disiez si vous pensez que cela devrait figurer dans la Loi sur le divorce ou prendre la forme d'une suggestion au moment où nous allons remplacer les mots «garde et droit de visite» par «répartition des responsabilités parentales», prévoir dans cette répartition le droit de visite des grands-parents, de la tante préférée et des autres personnes intéressées.
Un témoin nous a déclaré hier que l'on devrait geler les actifs financiers dès qu'il y a séparation pour empêcher que l'argent ne soit dépensé d'un seul coup sur quelque chose d'autre et que les enfants n'aient plus suffisamment d'argent pour rester dans la même maison—ce genre de choses.
Je sais également qu'on inscrit les enfants à toutes sortes de cours et qu'il y a diverses façons de faire sentir son pouvoir et qu'alors les cours prennent le pas sur le droit de visite ou les grands-parents ou le reste. Il existe plusieurs façons de contrôler la vie d'un enfant qui permettent de conserver le pouvoir et d'éviter que ce pouvoir passe à la personne contre qui on se bat. Cela semble être dans l'intérêt de l'enfant mais finalement, l'enfant n'a plus le temps de jouer. L'enfant suit toutes sortes de cours et il n'a pas le temps d'être un enfant, un petit enfant et toutes ces choses.
J'aimerais savoir si vous pensez que le droit d'accès des grands-parents devrait être prévu par la loi ou figurer dans le projet de répartition des responsabilités parentales. Que faire quand l'un des parents exerce son pouvoir en inscrivant les enfants à toutes sortes de cours pour punir l'autre conjoint?
[Français]
M. Albert Goldberg: Prenons un exemple. Lorsqu'on a un accident de voiture, on peut tuer quelqu'un, mais on peut aussi tuer quelqu'un avec un revolver ou avec du poison. Ce qui est punissable, ce n'est pas la façon dont on a tué la personne, mais le fait d'avoir tué la personne.
Le manque de contact entre les grands-parents et les petits-enfants n'est pas obligatoirement le résultat d'un divorce. Si les grands-parents ne peuvent pas voir les petits-enfants ou si les petits-enfants ne peuvent pas voir les grands-parents, ce n'est pas toujours à cause d'un divorce. Donc, j'aurais aimé qu'il y ait un article qui garantisse l'accès aussi bien aux petits-enfants qu'aux grands-parents, peu importe la cause.
C'est très bien que ce soit inclus dans la Loi sur le divorce, mais je trouve regrettable que ce soit limité à la Loi sur le divorce. Je dis que ça devrait exister pour tous les grands-parents et petits-enfants. C'est comme la responsabilité des parents, qu'ils soient divorcés ou pas. Si on est un père et qu'on est divorcé, est-ce qu'on ne doit plus s'occuper de ses enfants? On devrait conserver les mêmes responsabilités, qu'on soit marié ou divorcé, ou qu'on vive avec quelqu'un. Quand on donne naissance à un enfant, on a des responsabilités. Le malheur de notre société, c'est qu'on parle toujours de droits et qu'on ne parle pas de responsabilités.
La responsabilité, c'est une chose qui est en dehors du mariage, d'un acte de papier. Ce qu'on devrait accorder aux grands-parents et aux petits-enfants est en dehors du papier, qu'il y ait un mariage, un divorce ou pas. Cela devrait aussi être inclus dans la Loi sur le divorce, mais pas seulement dans la loi. Enfin, c'est mon opinion.
Mme Mathilde Erlich-Goldberg: Il faudrait incorporer les grands-parents pour les cas de divorce, mais aussi pour les cas de décès ou de suicide. Il faudrait garder l'article 611.
Il y a moins de divorces, mais il y a des séparations, car il y a beaucoup de personnes qui vivent conjointement. Donc, il y a les séparations. Ce serait bien que l'on incorpore les grands-parents, comme vous le disiez, mais ceux qui ont des problèmes autres ne peuvent pas se présenter dans cette situation-là. Il faudrait donc garder l'article 611. Lorsque la maman ou le papa est décédé par accident ou par suicide, qu'est-ce qu'on fait? Ce n'est pas un divorce. Les grands-parents, à la suite de ça, sont exclus. On leur dit alors: «Maintenant, tu n'es plus rien.»
Bien souvent, aussi, il y a des familles monoparentales ou des familles reconstituées. Chez nous, on voit des cas où les grands-parents sont complètement exclus et sont obligés d'aller en cour parce que les gens ne veulent pas aller en médiation.
[Traduction]
Mme Carolyn Bennett: Nous adoptons progressivement une définition plus actuelle et plus moderne de ce qu'est une «famille», et je me demande ce que vous penseriez d'une disposition qui prévoirait que les enfants ont le droit de rester en contact avec leurs origines, parce que cela peut être le voisin tout simplement. On tenterait ainsi d'apporter une certaine sécurité pour que les enfants connaissent leurs origines. Sans aller jusqu'à donner le droit aux grands-parents de voir leur enfant, pourrait-on au moins prévoir cette intention au moment du divorce? Les enfants trouveraient ainsi une certaine continuité auprès des personnes qui les aident à passer à travers un moment difficile, qui leur apportent un peu de sécurité et de stabilité.
[Français]
Mme Mathilde Erlich-Goldberg: Si vous le permettez, Me Girard voudrait vous dire un mot.
Me Michel Girard (avocat): Pour répondre à la question de M. Mancini, le problème du droit d'accès des grands-parents dans des situations de divorce ne se pose pas normalement. Le parent gardien permet à ses parents de voir l'enfant et le parent non gardien permet à ses parents de voir l'enfant. Là où c'est beaucoup plus problématique, c'est quand, par exemple, des femmes qui se retrouvent dépossédées économiquement retournent chez leur mère et habituent les grands-parents et l'enfant à une relation très stable, mais à un moment donné, il y a une espèce de conflit dans les rôles. Après cinq ou six mois, la mère se trouve un nouveau conjoint et la grand-mère se voit privée de la présence quotidienne des enfants. Le problème se pose à ce moment-là, et l'inclusion des droits des grands-parents dans la Loi sur le divorce sera un avantage.
Voici une autre situation pour laquelle il serait propice d'inclure le droit des grands-parents dans la Loi sur le divorce. Malheureusement, il arrive encore souvent, dans nos sociétés, que des hommes, une fois divorcés, une fois qu'ils ne vivent plus avec la mère, renient leur paternité et toute responsabilité parentale. Ils démissionnent souvent de leur emploi et ne paient pas de pension alimentaire. Qui est perdant là-dedans? C'est l'enfant. L'enfant se voit privé de ses racines paternelles, et la grand-mère ou les grands-parents paternels ont toute la difficulté du monde à conserver un accès à l'enfant parce que le père agit avec une telle ingratitude. Même au Québec, en vertu du l'article 611, il est difficile d'obtenir des droits d'accès dans une telle situation. Si on met une telle disposition dans la Loi sur le divorce, la grand-mère ou les grands-parents pourront dire, par exemple: «Oui, nous reconnaissons que notre fils ne remplit pas toutes ses obligations, mais nous voudrions quand même garder un certain contact.» C'est un avantage.
M. Mancini posait une question sur la fragmentation des droits de sortie. Si le père est absent de la vie de l'enfant, à ce moment-là, il n'y aura pas de fragmentation excessive au niveau des droits de sortie. Si c'est véritablement un problème parce que la grand-mère avait logé la mère et l'enfant et qu'elle voudrait avoir de nouveau certains droits d'accès, il s'agit tout simplement alors de rééquilibrer une situation. Pendant un premier temps, la grand-mère avait peut-être trop de relations avec l'enfant et maintenant elle n'en a plus du tout. Il suffit de rééquilibrer ça. À mon avis, ce sont des situations qui sont relativement courantes et qui militent en faveur de la présence du droit des grands-parents à l'intérieur de la Loi sur le divorce.
Tel que mentionné en début d'entrevue, il y a toute la problématique des enfants dont la situation est déclarée compromise par le directeur de la Protection de la jeunesse. Si le droit des grands-parents était à l'intérieur de la Loi sur le divorce, ça sensibiliserait tout le Barreau et toute la magistrature à tout ce que les grands-parents peuvent faire pour l'enfant, cela dans l'intérêt de l'enfant.
[Traduction]
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Je voulais simplement dire qu'hier, en tant que mère de deux fils, un des pères divorcés m'a averti que le comité ferait mieux de faire du bon travail car je risquais sinon de ne pas pouvoir voir mes petits-enfants et d'autres personnes.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: Merci.
J'ai beaucoup apprécié le fait que les grands-parents aient comparu devant le comité. On nous a décrit, je crois, trois ou quatre cas personnels et je suis très heureuse que les Goldbergs soient venus ici aujourd'hui nous parler de ce qu'ils avaient vécu, compte tenu du fait que nous pourrons peut-être faire quelque chose pour les grands-parents.
On nous a présenté deux cas, en plus du vôtre, où les grands-parents n'avaient plus revu leurs petits-enfants à la suite du décès de leur enfant. Cela serait un gros choc pour moi parce que je suis également grand-mère et arrière-grand-mère.
Comme M. Mancini, je viens de la région de l'Atlantique. Je ne sais pas pourquoi mais il semble qu'il y ait davantage de familles étendues dans cette région. Quand grand-père meurt, grand-mère vient vivre avec la famille. Lorsqu'une cousine va à l'université, elle va vivre avec la famille pendant qu'elle étudie à l'université. C'est comme ça que cela se passe. On y retrouve ces valeurs familiales et c'est une chose que nous sommes en train de perdre je crois. Malheureusement, cela touche également la religion, dont on éloigne également certaines personnes, comme nous l'avons entendu dire au cours de nos audiences.
• 1345
Tout cela vient avec les valeurs familiales fondamentales et
le respect d'autrui. Est-il vraiment possible d'imposer des valeurs
familiales? Ce sont des choses qui s'enseignent et qui sont au fond
de nous et nous sommes en train de perdre ces valeurs. Tout change
trop vite, les valeurs changent mais nous avons besoin de connaître
nos racines. C'est un peu de ça dont nous parlons: le droit des
grands-parents, le droit des frères et soeurs qui ont été privés de
ces contacts eux aussi, ils sont venus nous voir pour nous parler
de la situation, et il y a les pères et les mères. Je ne sais pas
comment l'on pourrait redresser la situation. Il est impossible
d'imposer les valeurs familiales en adoptant une loi. Comment
pourrait-on faire cela?
Une voix:
[Note de la rédaction: Inaudible]
La sénatrice Mabel DeWare: Essayons. Nous aimerions le faire mais comment?
[Français]
Mme Mathilde Erlich-Goldberg: Je pense que ce que vous dites est vrai: on perd beaucoup la valeur de la famille et il faudrait recommencer l'éducation des enfants, des frères et soeurs. C'est vrai que, dans le Code civil, des oncles ou des tantes, ou des frères et soeurs n'ont pas ces droits quand il arrive de tels malheurs. Il faudrait faire quelque chose, mais quoi? C'est peut-être à vous d'y voir. Nous sommes là pour vous aider.
Je vais céder la parole à Me Girard parce qu'il a quelque chose à vous dire.
Me Michel Girard: Vous demandez comment il est possible de changer les valeurs familiales canadiennes au moyen d'une loi. Je vous répondrai comme suit. Quand j'étais enfant, il était populaire de fumer. J'ai vu tout un paquet de lois concernant la publicité sur le tabac et des affiches «Interdit de fumer». Aujourd'hui, je m'aperçois, moi qui suis fumeur, que je suis un peu démodé et même minoritaire. Le Parlement du Canada exprime la volonté populaire. Peu importe quel parti est au pouvoir, quand il adopte une loi, c'est l'expression d'une certaine norme qu'il veut reconnaître. Cela peut prendre des années avant de changer des normes.
En matière familiale, on a aujourd'hui la famille nucléaire, c'est-à-dire les enfants, le père et la mère, mais je crois que, de plus en plus, à la longue, on va revenir à des réseaux plus larges en se disant: «On a peut-être besoin de nos tantes, de nos oncles, de nos grands-parents.» C'est normal, parce que je crois qu'à long terme, on jugera qu'on a fait erreur en considérant que la famille ne comprenait que le père, la mère et l'enfant.
On vit dans un monde où, de plus en plus, on entretient des relations élargies avec la planète entière. Je pense entre autres à Internet. Je pense qu'au niveau familial, on va recommencer à établir des liens avec beaucoup de gens de notre famille.
En tant que législateurs, que vous soyez sénateurs ou députés, vous avez un rôle important à jouer en ce sens que vous réaffirmez l'importance des liens entre les grands-parents et les enfants, en insistant d'abord et avant tout sur l'intérêt de l'enfant, bien sûr.
Je vous dirai même qu'en pratique, dans des causes de divorce, quand j'ai commencé, les mères disaient par exemple: «Je suis la mère et j'ai le droit d'avoir la garde» alors que le père disait: «J'ai le droit d'avoir des droits de sortie». Le Jeune barreau de Montréal a fait des vidéos qu'on montre dans les salles d'attente des palais de justice pour sensibiliser les parents à la question de l'intérêt de l'enfant. De plus en plus, on entend cette expression revenir, même avant qu'on l'ait dite, dans la bouche des parents: «Il faut penser à l'intérêt de l'enfant.»
Évidemment, il y a un travail de législation et d'éducation à faire, mais je crois qu'il faut d'abord légiférer. C'est la première expression de ce qu'on veut être la norme.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'était très bien. Merci beaucoup de votre présentation.
[Traduction]
La sénatrice Mabel DeWare: Merci, madame la présidente.
La sénatrice Lucie Pépin: Puis-je ajouter quelque chose?
[Français]
Je veux terminer en vous disant qu'aujourd'hui, les parents sont tellement occupés, tellement débordés, parce que les deux parents travaillent, que les grands-parents ont un rôle à jouer, que ce soit d'aller chercher les enfants à la garderie ou de les garder quelquefois quand les parents travaillent.
• 1350
Donc, je suis convaincue que les grands-parents ont un
rôle à jouer, surtout quand les parents sont divorcés.
Mme Mathilde Erlich-Goldberg: On leur enlève ce rôle. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
[Traduction]
Nous allons prendre une pause de 10 minutes.
[Français]
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je demanderais à tout le monde de s'asseoir. On va recommencer la séance.
Nous entendrons maintenant M. Solloway, M. Spicer et M. Spencer-Lewin.
[Traduction]
Monsieur Solloway, veuillez commencer.
M. Ian Solloway (témoigne à titre personnel): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis Ian Solloway, un avocat de Montréal qui s'occupe de droit familial.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invité à présenter mon point de vue sur la question de la garde et du droit d'accès en vertu de la Loi sur le divorce.
[Traduction]
Je vais essayer d'être aussi bref que possible. Je sais que mon temps est limité à cinq minutes et cinq minutes d'avocat peuvent parfois prendre jusqu'à une heure.
Je vais limiter mes remarques à trois domaines précis. Pour votre information, je vais parler de la terminologie actuelle, du sexisme apparent de la Loi sur le divorce et de la question de la mobilité ou du déménagement des parents.
C'est presqu'un truisme de dire que le divorce est, par définition, un processus pénible et douloureux. Lorsqu'il donne lieu à des demandes judiciaires entre les parents, ce processus devient encore plus douloureux. Le cadre juridique actuel, à savoir le processus accusatoire utilisé pour attribuer la garde et les droits de visite, est tout à fait inadapté aux besoins des enfants et il leur est en fait extrêmement préjudiciable.
Je ne crois pas dire quoi que ce soit de neuf ou de nouveau pour vous.
D'après moi, le facteur qui exacerbe le plus l'hostilité, les souffrances, l'angoisse qui entoure les demandes judiciaires relatives à la garde et au droit de visite et qui survit même aux demandes judiciaires, c'est la terminologie que l'on retrouve actuellement dans nos lois relatives aux droits de la famille, en particulier, dans notre Loi sur le divorce, à savoir l'emploi des mots «garde» et «accès».
Je dirais simplement que le mot «garde» est un mot qui, d'après moi, n'a plus sa place dans le droit de la famille d'une façon générale et dans la Loi sur le divorce, en particulier. Outre le fait que ce terme est utilisé couramment à l'égard des détenus, lorsqu'on l'utilise à l'endroit des enfants du divorce, il laisse entendre que les enfants sont des biens ou un butin que se partagent les parents, tout comme ils le font pour la porcelaine, les disques compacts et les autres biens matrimoniaux.
De la même façon, le mot «accès» vient du droit des biens et fait référence à un droit de passage, au droit d'entrée sur des lieux. Avec ce mot, le rôle du parent qui n'a pas la garde est réduit à celui de «parent avec la permission du tribunal».
D'après mon expérience, il y a beaucoup trop de litiges relatifs à la garde d'enfants qui portent en réalité sur des étiquettes et non sur les arrangements qu'il faudrait prendre pour s'occuper des enfants. Des étiquettes comme le parent «qui a la garde», «qui n'a pas la garde», ou «qui a un droit d'accès» ont tendance à renforcer le caractère conflictuel de ce genre de litige. Les véritables perdants dans tout cela sont en fait les enfants. Cela est certain.
• 1410
Les mots «garde» et «accès» ne conviennent absolument pas—et
font même bien souvent beaucoup de tort—pour décrire la relation
qui existe entre les parents divorcés ou en train de divorcer et
leurs enfants. Si l'on veut apaiser la colère, la douleur et
l'hostilité qui accompagne la dissolution d'un mariage et
abandonner l'approche accusatoire au règlement des questions que
pose la répartition des tâches parentales entre les parents
divorcés, il faut, et je souligne les mots «il faut», supprimer les
mots «garde» et «accès» des règles relatives au divorce et du
vocabulaire juridique, en général.
[Français]
On doit enlever les mots «garde» et «accès» de notre vocabulaire juridique.
[Traduction]
Ceci m'amène directement à mon deuxième point, l'apparence de sexisme. Nous avons détruit la plupart des mythes qui entouraient les soins à donner aux enfants dans les cas d'échec du mariage. Le préjugé défavorable traditionnel qui visait les pères lorsqu'on appliquait les théories des enfants en bas âge et de la préférence maternelle d'après laquelle la mère n'était pas seulement le parent le mieux à même, tant sur le plan affectif que physique, d'élever un enfant après un divorce mais le seul parent capable de le faire, n'est plus accepté officiellement, ni en psychologie ni par nos tribunaux. On reconnaît couramment qu'élever des enfants n'est pas une fonction biologique mais un processus sociologique dans la mesure où un père motivé et dynamique joue un rôle extrêmement important, sinon crucial, dans le développement des enfants après un divorce.
Il y a toutefois une certaine réalité à laquelle le père qui demande la garde doit faire face. L'avocat qui souhaite donner des conseils réalistes, pratiques et efficaces au père qui demande la garde dans le contexte juridique actuel doit faire comprendre à son client que, même si celui-ci réussit à démontrer qu'il est capable de s'occuper de son enfant, qu'il a le temps et le désir de le faire, les probabilités que le tribunal lui accorde la garde exclusive sont au mieux très minces.
Les décisions judiciaires varient énormément lorsqu'il s'agit d'attribuer la garde au père. Les juges semblent tenir compte de considérations très diverses. Lorsque, par exemple, le père souhaite se consacrer davantage à son enfant en réduisant ou en modifiant son horaire de travail, il arrive que le tribunal lui reproche d'agir de façon irresponsable et de ne pas gagner autant d'argent qu'il le pourrait.
Il en résulte non seulement que le père n'obtient pas la garde mais que, dans certains cas, ses droits de visites sont limités et que le tribunal lui impute un revenu théorique pour calculer la pension alimentaire destinée à son enfant. Bien souvent, le père se trouve dans une situation sans issue.
Je cherche simplement à souligner que, même lorsque le père a la capacité, la motivation et le temps nécessaires pour élever ses enfants, il demeure qu'il n'est pas jugé en fonction des mêmes critères que la mère lorsqu'il s'agit d'attribuer la garde. Les tribunaux considèrent encore trop souvent les pères de façon stéréotypée et voient en eux des soutiens de famille plutôt que des parents nourriciers.
Il faut donc se demander s'il existe d'autres formes de répartition des tâches parentales qui pourraient concilier tous ces intérêts? D'après moi, la réponse est oui. Je dois toutefois dire immédiatement que je ne pense pas que la réponse réside dans la garde partagée.
On recommande souvent la mise en place d'une présomption simple en faveur de la garde partagée qui serait énoncée dans la Loi sur le divorce, ce qui mettrait fin au caractère conflictuel du processus, supprimerait le sexisme apparent ou réel dont souffrent les pères et faciliterait la répartition des responsabilités parentales après le divorce.
D'après mon expérience de praticien, la garde partagée est le remède qui est le plus souvent mentionné mais aussi le moins bien compris. La garde conjointe imposée par un juge n'est pas une panacée. Ce n'est pas elle qui, d'après moi, permettra de résoudre ces problèmes et facilitera la répartition des tâches entre les parents.
Un juge, je crois que c'était un juge de la Cour d'appel de l'Ontario, le juge Thorson a décrit de la façon suivante, il y a quelques années, la garde partagée: «le triomphe de l'optimisme sur la prudence». Cela est très vrai. Il n'y a pas de...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Solloway...
M. Ian Solloway: Mon temps est-il écoulé?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Voyons. Vous avez pris cinq minutes de plus.
M. Ian Solloway: Il me reste quelques points à aborder et j'aimerais en arriver à la question du déménagement des parents.
Il n'y a pas de vérité universelle lorsqu'il s'agit d'élever des enfants, que ce soit avant ou après un divorce, ni de solution que l'on puisse concrétiser facilement. Ce n'est pas parce que la loi ou un juge impose la garde partagée que les parents vont collaborer dans l'exercice des responsabilités parentales. Il n'est pas possible d'obliger les parents à bien élever leurs enfants en adoptant des lois. Seuls les bons parents peuvent le faire.
Cela m'amène à la solution que je préconise et que vous avez sans doute déjà envisagée ou que vous envisagerez à l'avenir: la répartition des responsabilités parentales. Comme vous le savez sans doute, cette solution a été retenue par l'État de Washington en 1987 et elle existe en Angleterre depuis 1991. Avec cette solution, les parents sont tenus de répondre aux droits et aux besoins des enfants en définissant les responsabilités parentales dans quatre domaines: la résidence, la pension alimentaire, la prise de décision et le mécanisme de résolution des conflits.
S'il faut fixer la résidence de l'enfant par ordonnance, le tribunal en prononce une. Cette ordonnance relative à la résidence ne mentionnera pas les mots «garde» et «droit de visite». Cette solution offre toutes sortes d'avantages que nous pourrions examiner au cours de la période des questions. L'autre grande question pour laquelle je n'ai pas de solution, vous savez déjà de quoi je vais parler, est celle de la mobilité ou du déménagement des parents. C'est, d'après moi, la question la plus grave qui se pose après le divorce en droit familial, de nos jours.
En simplifiant, il s'agit de concilier la liberté de mouvement du parent qui a la garde avec le droit du parent qui ne l'a pas de conserver la relation qu'il a établie avec son enfant. Il n'y a pas de solution facile. La Cour suprême s'est prononcée sur cette question. Je ne vais pas vous parler ici des opinions de la majorité et de la minorité sur cette question, ni de l'existence d'une présomption en faveur du parent qui a la garde de l'enfant.
Je peux tout de même vous dire que cette question peut être résolue de la façon suivante. Lorsque le parent chez qui réside un enfant en vertu d'une ordonnance rendue aux termes de la Loi sur le divorce souhaite déménager, il doit donner un avis d'au moins 60 jours à l'autre parent avant de le faire. Deuxièmement, l'avis doit contenir un projet de modification des droits de visite si l'arrangement actuel se trouve à être impraticable, suite au déménagement. Troisièmement, si le parent qui a reçu l'avis ne fait pas opposition dans un délai de 30 jours, il est réputé avoir consenti au déménagement et celui-ci est autorisé sans que les parents soient tenus de revenir devant le tribunal. Quatrièmement, si le parent qui a reçu l'avis s'oppose par écrit à l'avis de déménagement à l'intérieur d'un délai de 30 jours, le parent qui souhaite déménager doit soumettre la question à une médiation obligatoire préalable à l'audition. Si la médiation ne donne pas de résultat, la question est ensuite soumise au tribunal.
Je vais m'arrêter ici. Pardonnez-moi d'avoir pris tout ce temps. Il y a d'autres personnes qui attendent. Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Monsieur Spicer.
M. Robert Spicer (témoigne à titre personnel): Bonjour. Mesdames, messieurs, sénateurs, sénatrices, membres de la Chambre des communes et du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous pour vous dire comment j'ai vécu mon mariage, ma séparation, mon divorce, les questions de garde et de droit de visite, mon remariage avec une femme ayant des enfants, en passant par l'aliénation parentale et de fausses accusations.
J'ai épousé mon ex-femme en 1985 à Toronto au cours d'une cérémonie juive orthodoxe. Nous avons eu un fils en 1986 et une fille en 1988. Elle souffre malheureusement d'épilepsie et de troubles de la personnalité. Je parle de mon ex-femme. Elle a essayé de se suicider, c'est une personne agressive tant physiquement qu'émotivement. Les spécialistes n'ont rien pu faire pour elle. Nous avons finalement déménagé ici à Montréal en 1989 et nous nous sommes séparés en 1990. Elle a quitté la maison pendant que je me trouvais à Toronto pour affaires, en emmenant avec elle les enfants et la plupart des meubles. Elle a pris contact avec un avocat pour présenter une demande de divorce et a, depuis, usé une bonne douzaine d'avocats de l'aide juridique.
J'ai conclu une entente préliminaire avec les avocats selon laquelle je pouvais visiter mes enfants une fin de semaine sur deux. Plus tard cette même année, j'ai rencontré ma nouvelle femme et nous avons formé le projet de nous marier dès que j'aurais obtenu mon divorce. Entre-temps, elle a emménagé avec moi et m'a aidé de toutes sortes de façons. La mère de mes enfants a communiqué avec la protection de la jeunesse en m'accusant d'agression sexuelle et physique. La DPJ a confié mon cas à un jeune travailleur social. Il a cru les mensonges qu'on lui racontait et m'a dit que je devrais me considérer heureux de ne pas avoir fait l'objet d'accusations criminelles. Entre-temps, on m'a empêché de voir mes enfants, malgré mes demandes répétées. Elle m'a faussement accusé en décembre 1991 de l'avoir menacée de mort et de l'avoir agressée au moment où je ramenais les enfants après une fin de semaine. Des inculpations ont été portées contre moi, ce qui m'a obligé à retenir les services, fort coûteux d'ailleurs, d'un criminaliste pour me défendre.
• 1420
J'ai été obligé de me faire accompagner par un témoin chaque
fois que j'allais chercher mes enfants pour me protéger contre de
nouvelles fausses accusations. Même de cette façon, elle appelait
souvent la police au moment où j'arrivais en disant qu'elle avait
peur de me remettre les enfants et elle refusait de le faire.
Lorsque je demandais aux policiers d'intervenir en mon nom, ils me
répondaient qu'il s'agissait d'une question civile dont ils ne
pouvaient pas se mêler.
Pendant cette période difficile, mon moral était au plus bas et je n'arrivais pas à me concentrer sur mon travail. J'ai perdu mon entreprise et été obligé par la suite de faire une faillite personnelle. Une fois, après que j'ai été cherché mes enfants, elle a appelé la police et m'a accusé faussement de les avoir kidnappés. Les choses sont finalement rentrées dans l'ordre lorsque les policiers ont constaté que c'était la fin de semaine où je pouvais exercer mon droit de visite. La police n'a pas inculpé mon ex-femme d'avoir faussement déclaré que j'avais kidnappé les enfants. Les accusations criminelles qui avaient été portées contre moi ont finalement été rejetées.
Mon avocat m'a conseillé d'essayer de m'entendre sur les questions de la garde et de droit de visite. Je lui ai offert, sans contestation, la garde, une pension alimentaire pour elle et une pension pour les enfants, d'un montant très généreux. Tout ce que nous demandions en retour était d'avoir des droits de visite raisonnables et que mes enfants soient élevés selon ma religion. Elle a refusé et a mis de nombreux obstacles au déroulement de l'instance. Elle a cessé de pratiquer sa religion, comportement que les enfants ont eu beaucoup de mal à comprendre.
Nous avons finalement été entendus par la cour supérieure vers le milieu de l'année 1993. Les témoignages ont duré six jours. J'ai été accusé d'avoir agressé physiquement mes enfants et elle a fourni des photographies. Le juge a constaté qu'elle tentait depuis longtemps d'éloigner les enfants de moi et que c'était elle qui n'avait pas dit la vérité et qui avait porté contre moi de nombreuses fausses accusations. Les enfants souffraient de la situation et étaient en danger. J'étais capable d'élever mes enfants, en particulier avec ma nouvelle femme, et très motivé à le faire.
En août 1993, le tribunal a prononcé le divorce en m'accordant la garde exclusive des enfants. La mère a obtenu des droits de visite une fin de semaine sur deux, pendant certains congés et pendant l'été. Je me suis remarié officiellement. Les enfants ont réintégré le système scolaire juif et un environnement cascher. Après évaluation psychologique, notre fils a participé à un programme de rattrapage scolaire pour l'aider à progresser malgré des difficultés d'apprentissage récemment découvertes. Notre fille consulte un psychologue pour tenter de régler les problèmes de comportement que lui ont causé les mauvais traitements qu'elle a subis de la part de sa mère. Depuis cinq ans, ma femme, mes enfants et moi-même participons à divers programmes de counselling pour nous aider à surmonter nos difficultés et à nous développer.
Au printemps 1996, après que mes enfants aient passé une fin de semaine avec leur mère, on a découvert qu'ils avaient fait l'objet de mauvais traitements graves tant physiques qu'affectifs. Notre fils a avoué à son professeur que sa mère l'avait battu avec une ceinture munie d'une boucle, et donné des coups dont ses cuisses et son dos portaient encore les traces. Elle lui avait interdit de m'appeler. Ma fille a déclaré que l'ami de sa mère l'avait lancée sur le lit et qu'elle s'était frappé la tête et qu'elle avait eu très peur.
L'école de mon fils a signalé le cas à la Batshaw Youth Protection qui m'a demandé de venir chercher les enfants. Elle a appelé la police pour tenter de m'empêcher de prendre mes enfants à l'école. La police est arrivée et a donné suite à la recommandation de la DPJ qui me demandait de ramener les enfants chez moi. J'ai découvert par la suite que les policiers n'avaient pas cru que les enfants avaient été battus par leur mère et qu'ils avaient noté cela dans leur rapport.
Le juge du tribunal de la jeunesse a ordonné à la DPJ d'accorder à la mère des droits de visite surveillés et de procéder à l'évaluation psychologique de toute la famille. La mère devait suivre la thérapie de groupe que je suivais déjà avec mes enfants.
Les visites surveillées ont duré un an. Il est difficile de croire qu'aucune inculpation n'a été portée contre elle, ni contre son ami. Peu avant l'expiration de l'ordonnance provisoire du tribunal de la jeunesse concernant les visites surveillées, et avec la recommandation du DPJ, j'ai demandé à la cour supérieure en juin 1997 de modifier l'ordonnance initiale concernant le droit à une visite de fin de semaine sans surveillance. Incidemment, nous avons comparu devant le juge qui m'avait initialement attribué la garde. Il a ordonné que les droits de visite soient réduits à un dimanche après-midi sur deux. Ce droit était assorti de la condition qu'elle suive régulièrement une thérapie de groupe et qu'elle ne fasse manger aux enfants que des aliments cascher.
Elle a tenté par la suite d'interjeter appel de cette décision, ce qui n'a pas été autorisé. Nous poursuivons la thérapie de groupe. Les enfants ont commencé à établir eux-mêmes les modalités des visites de leur mère. Celle-ci a du mal à accepter cette situation. Mon fils a onze ans et ma fille neuf ans.
Ma femme et moi essayons de nous adapter à la situation que nous vivons quotidiennement avec nos enfants et mon ex-femme, et qui nuit parfois beaucoup à notre relation. Notre vie n'est pas facile et je ne souhaiterais à personne de vivre ce que nous avons vécu. Notre histoire est très particulière mais je vous l'ai relatée parce que nous pensions que cela montrerait peut-être à d'autres familles qu'en ayant confiance, en ne renonçant jamais et en visant toujours le bien des enfants, on peut obtenir des choses. Vous n'êtes pas les seuls à vivre des moments difficiles.
Je remercie Dieu de m'avoir donné la force d'élever mes enfants et je remercie en particulier ma femme qui est avec moi ici aujourd'hui.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
M. Nicholas Spencer-Lewin (témoigne à titre personnel): Je vais courir un risque et improviser au lieu de lire.
• 1425
J'ai épousé une femme qui avait six ans de plus que moi, qui
était propriétaire du foyer conjugal et qui gagnait 60 000 $ dans
un poste de la fonction publique du Québec, avec la pension de
retraite et les avantages sociaux. J'étais travailleur autonome et
je gagnais environ 20 000 $ par an. Nous avons eu deux enfants et
habitions sur le plateau à Montréal.
Ma femme a pris un congé pour suivre des cours d'acupuncture, bien qu'elle possédât déjà une maîtrise en sciences, et c'est là qu'elle a été endoctrinée par un de ses professeurs qui l'a amenée à se joindre à une secte religieuse.
Elle a tout préparé pendant six mois avec un avocat de sorte que le dernier jour de ses cours, elle a changé les serrures de la maison et m'a remis une liste d'allégations tout à fait exagérées.
J'avais été jusque-là un père très actif. Tous ceux qui nous connaissaient le savaient. Je nettoyais les toilettes, cousais les costumes d'Halloween, préparais les repas. Tout était partagé moitié-moitié.
Lorsque tout cela est arrivé, j'ai communiqué immédiatement avec un avocat. Il m'a dit qu'il n'y avait rien à faire. Rien ne servirait de demander la garde partagée. Il fallait simplement accepter la situation.
J'ai trouvé la situation tellement étrange. Ma femme disait aux enfants que je ne valais rien et elle me disait qu'elle était en fait une guérisseuse, elle se moquait de moi derrière mon dos mais elle était tellement intelligente qu'elle pouvait très bien communiquer avec les autorités.
Quoi qu'il en soit, j'ai essayé de négocier avec elle. Cela n'a rien donné. Ma mère a trouvé que la situation était tellement bizarre qu'elle a décidé de me soutenir financièrement. Elle a décidé que je n'étais pas obligé d'accepter cela.
Je ne me suis aperçu qu'elle faisait partie d'une secte que lorsque mes enfants ont commencé à me dire qu'on les endoctrinait, ce qui m'a décidé à demander la garde.
Nous sommes allés devant le juge pour une audience sur les mesures provisoires. Le juge est entré dans la salle et avant même de s'asseoir, il a déclaré et bien, qu'est-ce qu'il faut faire, il faut leur taper sur la tête avec une pelle pour qu'ils paient? Ce contact avec le système a été beaucoup plus traumatisant pour moi que le divorce lui-même. Je n'arrivais pas à le croire.
J'ai dû attendre trois ans avant d'aller devant le tribunal. J'ai dû emprunter 175 000 $. Les audiences ont duré six semaines au cours de l'été 1995. Mes enfants ont dû passer deux ans dans une secte religieuse et fréquenter une école illégale, ils me posaient des questions du genre «Papa, est-ce que c'est vrai? Maman a dit que Satan avait coupé ton prépuce» et toutes sortes de stupidités. L'école prônait l'eugénisme et l'amélioration de la race.
Nous avons au moins eu une audience très longue et même si le juge a sévèrement critiqué la façon dont ma femme avait traité les enfants et s'il a déclaré que j'étais un excellent père et un exemple à suivre, je n'ai pas obtenu la garde. J'ai eu des droits de visite généreux. Les enfants habitent à une heure de voiture d'ici. C'est moi qui conduit tout le temps. Ma femme gagne trois fois plus que moi. J'ai les enfants 38 p. 100 du temps. Je dois lui verser 925 $ par mois, somme que je ne peux me permettre.
Cela fait huit fois que j'essaie de faire modifier la pension alimentaire pour les enfants. J'attends depuis un an de retourner devant le tribunal.
Il arrive toutes sortes de choses qui m'empêchent de vivre tranquillement. Mon ex-femme veut se rendre près de Medellin en Colombie pour voir un membre de la secte; cela m'oblige à présenter une requête, à demander à un représentant du ministère des Affaires étrangères de témoigner pour dire que cet endroit est particulièrement dangereux. Elle me dit alors «Très bien, je n'irai pas», je retire donc ma requête et elle me dit ensuite «Je vais quand même y aller».
Cela dure en gros depuis cinq ans. J'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir. J'ai parlé à beaucoup de gens. J'ai vu des femmes divorcées qui sont de vraies victimes, qui font tout ce qu'elles peuvent pour aider leurs enfants, même si le père ne vaut pas grand-chose, comme la femme pour laquelle je travaille à l'heure actuelle dont le mari est parti avec une femme de 20 ans au moment où son troisième enfant avait trois mois et elle lui donne tous les droits de visite qu'il veut. Entre-temps, j'ai également vu des femmes manipuler le système à leur avantage. Je suis absolument convaincu que le système n'est pas impartial.
Le droit est écrit de façon imprécise et n'est pas appliqué de façon uniforme. Il me paraît tout à fait ridicule de détruire la collaboration qui existait entre les parents en accordant la garde exclusive à l'un d'entre eux, de présenter une demande de divorce contestée et de faire vivre aux enfants le bouleversement émotif qu'occasionne un divorce. Il me paraît tout à fait pervers d'obliger quelqu'un à payer une forte pension alimentaire et de l'obliger ensuite à n'avoir qu'une relation très distante avec son propre enfant.
• 1430
Les choses changent. Dans mon cas, je connais trois hommes qui
ont obtenu le droit de s'occuper de leurs enfants. Même s'il est
vrai que la majorité des hommes ne nettoient pas les toilettes et
n'élèvent pas leurs enfants, je crois qu'il faudrait les encourager
à le faire. Il me paraît essentiel pour le bien des enfants qu'ils
le fassent et je crois que le droit devrait donner le bénéfice du
doute aux hommes, et non pas les criminaliser. Cela est tout à fait
ridicule. Vous vivez un divorce et on vous examine de tous les
côtés, ce qu'on ne ferait jamais à un citoyen ordinaire, pour la
seule raison que vous divorcez.
J'ai lu dans le Globe and Mail un article où l'on prétendait que les lois sur le divorce avaient été rédigées pour dissuader les gens de demander le divorce. Voilà un commentaire tout à fait ridicule. Je connais tant de personnes qui ne s'occupent pas de leurs enfants pendant qu'elles sont mariées et tout d'un coup, vous divorcez et une personne comme moi qui fait tout ce qu'elle peut, qui dépense son argent, et qui passe du temps avec ses enfants, est traitée comme un moins que rien.
J'ai versé 12 000 $ à un psychologue pour qu'il évalue mon cas et il s'est acheté une Lexus neuve. Mon avocat s'achète une maison neuve. Je vis dans un appartement loué sur le plateau. Je ne sais pas comment je vais pouvoir retourner devant les tribunaux. Il va falloir que je me représente moi-même.
En fait, il y aurait tant à dire mais...
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci beaucoup.
Le dernier témoin dans ce groupe est Mme Joyce Pooran.
Mme Joyce Pooran (témoigne à titre personnel): Je vais vous parler de ce qui m'est arrivé.
Je me suis mariée en 1969 et j'ai divorcé en 1983. J'avais deux fils, l'un adopté et l'autre né de cette union. En 1987, j'ai reçu une requête qui portait sur la garde, une révision de pension alimentaire et une somme de 10 000 $ d'arriérés. La garde a été accordée à mon ex-conjoint en 1988. On m'a dit que j'étais une très bonne mère et que je pouvais aller profiter de la vie.
Mes enfants ont immédiatement commencé à éprouver des difficultés à l'école, à boire et à se droguer. Mon aîné a fait six écoles en trois ans. On l'a finalement trouvé mort en pleine rue, à 4 h 30 du matin. Le jour où l'on a découvert son corps, son père ignorait où était mon fils et même qu'il n'était pas à la maison, jusqu'à ce que ses amis téléphonent. Le père de la petite amie de mon fils a dit à mon ex-conjoint d'appeler la police parce qu'il s'était passé quelque chose dans une certaine rue.
Le fils qu'il me reste a maintenant 21 ans. Je ne le vois jamais, même s'il n'habite pas très loin de chez moi. Ils sont entrés chez moi par effraction. Ils ont lancé des pierres sur ma voiture—pas mes enfants, mais leurs amis, parce que mes enfants avaient beaucoup d'amis toxicomanes.
Essentiellement, comme mes avocats me l'ont dit, les portes étaient ouvertes et les enfants se sont perdus. Toutes leurs activités ont été réduites. Ils ont été renvoyés de l'école à diverses reprises. Ils n'avaient pas le droit de venir me voir. Ils ont dû signer des requêtes à l'intention des tribunaux et dire toutes sortes de choses à mon sujet. Le juge a déclaré qu'elle pouvait dire que mes enfants avaient une excellente mère simplement en leur parlant.
Dix ans ont passé. J'ai perdu ma maison, j'ai perdu ma voiture. Je vis maintenant grâce à l'aide sociale, mais je lutte encore. Je lutte parce que même quand mon fils est mort j'ai dû me battre. J'ai dû demander une injonction pour empêcher les funérailles. Mes droits ont toujours été bafoués—toujours!—jusqu'à la mort de mon fils.
En 1992, après le décès de mon fils, je me suis présentée devant le tribunal de la jeunesse, mais là encore rien n'a pu être fait. C'est d'ailleurs le juge Ruffo qui m'a demandé de présenter l'affaire au tribunal.
La sénatrice Anne Cools: Vous avez bien dit le juge Ruffo?
Mme Joyce Pooran: En effet, au tribunal de la jeunesse. Nous n'étions pas amies, mais j'avais rencontré le juge Ruffo au cours de toute cette procédure entourant mes enfants. Je me souviens que, le lendemain de l'enterrement de mon fils, elle m'a téléphoné pour me dire à quel point elle était désolée et que, compte tenu de toutes les épreuves que j'avais traversées, elle sentait que j'avais tout de même l'âme en paix.
• 1435
Elle m'a demandé de présenter toute l'affaire au tribunal, et
je l'ai fait, mais la cause a été reportée et, pour une raison
quelconque, le juge Ruffo n'a pas pu prendre de décision. On ne l'a
pas autorisée à le faire, et je crois que la plupart des gens
savent pourquoi dans ce cas particulier.
Le fils qui me reste va d'échec en échec, et je ne sais pas ce qu'il va advenir de lui. Je ne pense pas que j'ai accepté la mort de mon fils, car je me bats toujours. Je me bats pour clore ce chapitre de ma vie. Je ne peux pas faire appel aux tribunaux parce que je n'ai plus d'argent.
La plupart des avocats seraient prêts à défendre ma cause, mais ils ne veulent pas s'engager dans le cadre du système d'aide juridique. J'ai beaucoup de difficulté. Je ne comprends pas le système judiciaire. Je ne peux tout simplement pas le comprendre. Une mauvaise décision, peut-être, mais deux et trois, malgré les preuves?
Je suis certaine, madame la sénatrice, que vous avez mon dossier dans votre bureau, et ce n'est que le tiers du quart de ce dossier. J'ai plus de 300 pages. J'ai frappé à la porte de tous les politiciens, à la protection de la jeunesse... J'ai fait 51 signalements avant le décès de mon fils, et il ne s'agit là que de ce que j'ai fait moi-même. J'ai parlé à des conseillers municipaux, aux écoles—personne n'a rien fait.
À la fin d'août 1991, mon fils est arrivé ivre à son école secondaire, à 9 h du matin. Cet enfant disait «S'il vous plaît, aidez-moi», et personne n'a rien fait.
Personne n'a jamais pris la peine de m'appeler. Ils ne voulaient rien me dire parce qu'ils savaient que j'allais leur demander de le mettre par écrit et communiquer l'information aux services de la protection de la jeunesse.
Il me semble que, dans toute cette affaire, c'était toujours moi le sujet de la conversation plutôt que mes enfants. Le véritable débat ne portait jamais sur mes enfants.
Alors je n'ai plus aucun respect pour le système judiciaire. J'aimerais demander aux membres du comité qui est le vrai responsable dans ce cas.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
La sénatrice Anne Cools: C'est une honte que nous permettions ce genre de chose.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Bennett.
La sénatrice Anne Cools: C'est une honte.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci.
Mme Carolyn Bennett: Merci à tous de participer à cette très importante discussion. Je crois que chaque récit est important, mais celui de M. Solloway... il nous a fait un résumé formidable, à mon avis, des travaux du comité jusqu'à maintenant, et il faut espérer que des solutions concrètes en sortiront.
Un argument revient constamment... Si nous éliminions les termes «garde» et «droit de visite» dans les dossiers relatifs à la mobilité internationale, que se passerait-il en cas d'enlèvement d'enfant si, effectivement, aucun des parents n'avait vraiment la garde? On peut utiliser un autre terme, mais comment pourrions-nous éviter cette difficulté?
M. Ian Solloway: Il ne faut pas oublier que nous avons des conventions internationales déjà en place. Il y a la Convention de La Haye, qui traite de respect entre les États désignés, de régime de garde existant... À défaut d'un meilleur terme, j'aimerais utiliser l'expression «ordonnance de résidence», et dans la mesure où nous comprenons tous ce dont nous parlons je crois que cela ne créerait pas beaucoup de difficultés. Je crois que plus de 40 États sont maintenant signataires de la Convention de La Haye au sujet des enlèvements d'enfant à l'échelle internationale. Je ne crois pas vraiment que cela crée de problèmes particuliers.
Pour en revenir à l'utilisation des termes, pour les praticiens, quand il faut respecter les conventions du système, trop souvent nous voyons des questions de garde ramenées à des questions de pouvoir et de contrôle. Vous avez tous entendu cela auparavant, mais c'est vrai. La réalité, dans la vraie vie, c'est «Je suis le parent qui a la garde», et lorsque vous avez la garde, il y a un rôle, certaines attentes, qui accompagnent ce statut, un rôle que l'on assume. Cela se perpétue. Dans la mesure où l'on pourrait l'éliminer, je crois que cela nous aiderait grandement à éviter le processus accusatoire.
Je ne sais pas si on peut l'écarter totalement, parce que le tribunal a certainement un rôle à jouer, mais ce que nous voulons faire c'est de réduire ce rôle et d'amener les parents à aborder le processus du point de vue des enfants. De toute évidence, les seuls qui ont des droits dans ce genre de cause, à mon avis, ce sont les enfants. Ce n'est que dans la mesure où les intérêts des parents coïncident avec ceux de leurs enfants que les parents ont des droits. Les parents ont des responsabilités, et non pas des droits. Nous devons veiller à ce que ce principe sous-tende la Loi sur le divorce.
• 1440
J'ai écouté le dernier exposé au sujet des droits des grands-parents et
de choses de ce genre. Tout cela est très joli, mais
nous devons mettre l'accent sur l'enfant. Mettez l'accent sur
l'enfant et, dans la mesure où les intérêts de chacun coïncident
avec ce qui vaut le mieux pour l'enfant—nous pouvons discuter
longtemps de cet aspect—, tout se règle. Cela ne me paraît pas
créer de difficulté, pour en revenir à ce que vous disiez.
Mme Carolyn Bennett: Je crois que nous abordons tous la question dans un contexte où il y a un gagnant et un perdant. Par conséquent, le gagnant doit démontrer qu'il a véritablement remporté la victoire, qu'il continuera d'exercer le pouvoir et qu'il y a un pouvoir à contester.
Dans les autres compétences, est-ce qu'en général le projet de répartition des responsabilités parentales doit préciser ces quatre mêmes questions—la résidence, les finances, la prise de décisions et le règlement des différends—et que ces quatre aspects doivent figurer dans chaque projet de répartition des responsabilités parentales?
M. Ian Solloway: Grosso modo, oui. D'après ce que m'ont dit des collègues de ces compétences, le taux de succès est très élevé. Le taux de retour, le taux de poursuite ou de reprise des procédures, a diminué de façon spectaculaire dans l'État de Washington et en Angleterre. On ne voit plus tellement ce que l'on appelle la requête de garde ou de droit de visite.
Mme Carolyn Bennett: D'après ce que vous avez vu, est-ce que nous pouvons éviter les leçons d'arithmétique? Est-ce que nous pouvons nous éloigner du 50-50? Est-ce que nous pouvons nous écarter des plans d'éducation des enfants où, à la fin de la semaine, les deux parents ont le même nombre d'heures? Cela n'est certainement pas la façon dont je planifie ma vie.
M. Ian Solloway: Cela continuera sans doute à se faire sentir, en raison des lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants et parce que, du moins au Québec, le facteur temps se répercute sur le montant de la pension alimentaire pour enfants. Dans la mesure où vous avez plus de 20 p. 100 du temps de résidence, vous êtes considéré, en vertu de nos règles, comme en régime de partage des responsabilités parentales aux fins de la détermination de la pension alimentaire pour enfants.
Je ne sais pas si les législateurs l'avaient prévu lorsqu'ils ont établi les lignes directrices relatives à la pension alimentaire pour enfants, mais cela crée un problème. Même si ce problème n'est pas insoluble, je crois qu'il demeure encore aujourd'hui.
Mais nous devons séparer, si vous me passez l'expression, la pension alimentaire pour enfants de la question de la résidence. La question de la résidence soulève des difficultés. Nous devons constamment utiliser le terme «résidence» plutôt que «droit de visite», «accès», ou «garde». Il faut éliminer ces termes.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Monsieur Forseth, vous avez la parole.
M. Paul Forseth: Monsieur Solloway, je vais vous demander de préciser votre idée et d'utiliser des termes plus spécifiques pour nous expliquer les problèmes inhérents à la tutelle partagée et à la garde, aux ordonnances relatives à la résidence, au partage du temps, etc. Vous nous conseillez de ne pas adopter cette orientation. Voilà ma première question.
M. Ian Solloway: Nous savons déjà que la garde partagée est, évidemment, l'exception plutôt que la règle dans le contexte du droit de la famille au Canada. Je crois que les études l'ont bien montré. Je sais que Judith Wallerstein, en Californie je crois, a réalisé de nombreuses études quant à l'opportunité d'imposer la garde partagée. Je crois que les statistiques révèlent que la garde donne des résultats, qu'elle soit partagée ou exclusive, si cela se fait par entente, mais lorsqu'elle est imposée, un nouveau procès est toujours possible.
M. Paul Forseth: Revenons à la notion de garde «imposée», parce que lorsque nous avons un couple, ils ont la garde partagée. Après la séparation, le fait de maintenir ce qui existait précédemment ne devrait donc pas constituer une imposition.
M. Ian Solloway: Eh bien, que se passe-t-il si vous avez une situation, par exemple—je choisis peut-être un exemple un peu exceptionnel—s'il y a eu violence familiale et que la garde partagée constitue l'hypothèse de base, vous pouvez aussi avoir une situation où quelqu'un choisit la garde partagée parce qu'il craint de ne pas avoir la garde du tout.
• 1445
À mon avis, la garde partagée ne signifie pas nécessairement
qu'un parent qui se désintéressait de l'éducation des enfants
commencera comme par magie à y participer simplement parce qu'il a
la garde partagée. Cela n'aura pas nécessairement cette
conséquence, les choses ne se passent pas ainsi. C'est ce que j'ai
constaté.
J'aimerais mieux parler de projets concrets, de responsabilités dans divers secteurs: la résidence, la prise de décisions, qui fait quoi. Éloignons-nous de la terminologie de la garde, qu'elle soit partagée ou exclusive, et attaquons-nous aux véritables questions qui touchent la vie des parents.
M. Paul Forseth: Abordons la question sous un angle légèrement différent. Vous avez aussi parlé de responsabilités plutôt que de droits. De quelle façon pensez-vous que nous pourrions ajouter une disposition en ce sens dans la Loi sur le divorce, pour réorienter le système, en quelque sorte, pour créer un système qui favorise l'examen des responsabilités plutôt que la promotion des droits.
M. Ian Solloway: Je crois que la répartition des responsabilités parentales ne nous permet pas nécessairement de parler de responsabilités plutôt que de droits. Nous parlons de responsabilités parentales, d'obligations, dans des secteurs très précis. Dans la mesure où nous mettons l'accent sur le mot «responsabilités», cela va de soi. Je crois que les notions en vertu desquelles l'enfant a droit à des soins adéquats et à la sécurité, à la satisfaction de ses besoins économiques, toutes ces notions sont faciles à inscrire dans la loi.
Le Code civil du Québec utilise ces notions. Cela est inscrit dans le Code civil. Les articles 32, 33 et 34 du Code civil traitent des droits de l'enfant, du droit de l'enfant à être entendu et du droit de l'enfant relativement aux décisions prises à son égard.
Là encore, sans faire de répétition, la notion de projet de répartition des responsabilités parentales est axée sur l'enfant, orientée en fonction de l'enfant, et je crois que dans la mesure où cette approche est adoptée d'une façon quelconque, elle suppose nécessairement une approche axée sur l'enfant en matière de divorce.
La sénatrice Anne Cools: Madame la présidente, j'aimerais poser une question supplémentaire à Paul?
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): C'est à vous, de toute façon.
La sénatrice Anne Cools: J'ai une question à ajouter. On entend «Laissez les juges décider», «Laissez cela aux tribunaux» et «Laissez le barreau intervenir». Il est évident que toutes ces hypothèses sont fausses et complètement erronées, parce que nous voyons bien ce qui se passe.
Si je devais réfuter un seul des énoncés que vous avez présentés, je choisirais celui sur l'utilité du projet de répartition des responsabilités parentales. J'ai devant moi un article de Nicholas Bala, qui est venu témoigner devant nous, intitulé The Best Interests of the Child. Il examine une partie de la jurisprudence dans cet article sur les interprétations judiciaires de ce qu'est l'intérêt de l'enfant. Au sujet du juge Claire L'Heureux-Dubé de la Cour suprême, M. Bala affirme qu'«elle présente une analyse explicitement féministe». Il la cite ensuite dans l'affaire Young c. Young: «Le rôle du parent qui a le droit de visite est celui d'un observateur très intéressé». M. Bala reprend aussi les paroles du juge L'Heureux-Dubé: «Le parent qui a la garde... est le plus en mesure d'évaluer l'intérêt de l'enfant».
Dites-moi, si vous devez vous présenter dans une salle d'audience où le juge affirme que c'est là son point de vue, quelle utilité aurait un projet de répartition des responsabilités parentales dans ce contexte?
M. Ian Solloway: Je crois que les tribunaux participeraient moins à la prise de décisions, parce que dans la mesure où les parents sont tenus par la loi de présenter un projet de répartition des responsabilités parentales, les cours interviendront de moins en moins. Je pense que c'est vraiment l'objectif visé. Nous ne voulons pas nécessairement que les juges interviennent. Nous voulons que les parents participent à la définition de leur propre accord de partage des responsabilités parentales après un divorce. Là encore, si les parents ont une obligation statutaire, s'ils doivent soumettre un projet, les tribunaux n'interviendront qu'en l'absence de projet ou si les parties n'arrivent pas à s'entendre. Les tribunaux prononceront alors diverses ordonnances—des ordonnances relatives à la résidence, par exemple, ou des ordonnances qui imposent une décision. Je songe à des aspects très précis.
• 1450
Oui, nous revenons toujours à l'intérêt de l'enfant. Il est
indéniable que c'est là le critère, etc., mais c'est une question
de conviction. Dans un tel cas, la conviction revient au juge, mais
je pense que nous avons donné aux tribunaux d'autres options à
envisager.
La sénatrice Anne Cools: Je n'en disconviens pas, monsieur Solloway. Je pense que vous avez fait un excellent travail. Je ne conteste pas votre notion de projet de répartition des responsabilités parentales. De fait, je suis tout à fait en faveur de tels projets. Ce que j'essaie de dire, cependant, c'est que même lorsque l'on a un excellent projet de répartition des responsabilités parentales, la question de «l'intérêt de l'enfant» n'est toujours pas réglée. C'est l'aspect essentiel qui ressort de l'article de M. Bala. Dans ce cas particulier, les juges affirment que «l'intérêt de l'enfant» signifie que le parent qui n'a pas la garde est simplement un visiteur intéressé.
Je soutiens pourtant qu'en effet, il nous faut des plans de responsabilités parentales, mais qu'il faut aller un peu plus loin. Nous devons nous astreindre à une réflexion mystique pour établir et communiquer aux tribunaux une orientation quelconque, afin qu'ils puissent exercer le pouvoir qu'ils détiennent en vertu de la loi quand il faut définir l'intérêt de l'enfant.
M. Ian Solloway: Je suis plutôt d'accord avec vous, madame la sénatrice et je...
La sénatrice Anne Cools: Oh, fort bien.
M. Ian Solloway: ... je suis d'accord avec vous en particulier dans les cas de violence familiale. C'est un grave problème. Je pense que les tribunaux ont un rôle à jouer, et qu'il faut alors leur demander d'intervenir. Nous pouvons débattre de l'opportunité de tenir compte du comportement pour prendre des décisions relatives à la garde d'un enfant. Nous avons la prescription actuelle de la Loi sur le divorce, en vertu de laquelle le comportement passé est obligatoirement écarté à moins qu'il n'influe sur la capacité d'élever les enfants. Je pense que cela est déplorable.
La sénatrice Anne Cools: Tout à fait, et je comprends ce que vous dites. Je le comprends et je vous en remercie. Il y a des centaines de milliers de ces cas, et je remercie en particulier le témoin qui nous a parlé des fausses accusations, de ce phénomène des cultes. Très souvent, il y a des expériences du même genre que celles des cultes qui entrent en jeu dans certaines de ces affaires.
Quand ces trois témoins parlaient, j'ai pensé qu'ils expliquaient avec beaucoup d'éloquence des situations personnelles particulièrement tragiques. Je me demande si chacun peut me donner l'intitulé de la cause, pour que cela figure dans le compte rendu, afin que nous connaissions tous les faits et que des gens comme moi sachent quel document demander pour prendre connaissance des décisions du tribunal et des dossiers. Est-ce que vous pourriez me donner votre nom et le nom de votre affaire, par exemple Paul c. Marie, un titre de cette nature? Je connais certaines de ces affaires, mais j'aimerais que vous le mentionniez.
M. Robert Spicer: Certainement. J'ai déposé le texte de mon exposé. Je m'appelle Robert Spicer. Que voulez-vous savoir?
La sénatrice Anne Cools: Donnez-moi simplement l'intitulé de la cause. Vous voyez, nous ne pouvons pas faire figurer les mémoires que vous nous remettez dans les transcriptions de nos délibérations.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous voulez qu'il nous précise le nom sous lequel la décision du tribunal est connue.
La sénatrice Anne Cools: C'est exact. Donnez-moi le titre qui figure sur le document, les motifs de la décision dans l'affaire de Untel c. Untel, devant le tribunal. Quel est l'intitulé de votre cause?
M. Robert Spicer: Mon nom de famille est Spicer et celui de mon ex-épouse, Guenoun.
La sénatrice Anne Cools: Très bien. Alors si nous pouvons simplement le mentionner pour mémoire, il s'agit de l'affaire Guenoun c. Spicer...
M. Robert Spicer: ... et cela a été entendu à Montréal.
La sénatrice Anne Cools: Très bien, à Montréal. En quelle année?
M. Robert Spicer: En 1993, je crois que le juge Irwin Halperin présidait.
La sénatrice Anne Cools: Parfait. De cette façon, nous avons cette information dans le compte rendu. Nous pouvons aller chercher ce jugement et le consulter très facilement.
Et votre cause, monsieur?
M. Nicholas Spencer-Lewin: Lewin c. Jackson, juillet 1996, juge Audet.
La sénatrice Anne Cools: Très bien, merci. Dans quelle compétence?
M. Nicholas Spencer-Lewin: Montréal.
Mme Joyce Pooran: Pooran c. Rubin, juge Warren, 1988, Montréal.
La sénatrice Anne Cools: Alors tout cela se passait dans le district de Montréal.
Je vous remercie beaucoup. Je connais très bien ces affaires, et cela m'étonne profondément que nous, politiciens, députés fédéraux du Canada, ayons permis que ce genre de chose se produise. Je vous remercie de nous l'avoir expliqué aussi calmement. Les gens commencent maintenant au moins à écouter, car vos histoires sont des cas classiques. Je pourrais facilement produire des centaines d'affaires. J'ai des dossiers sur ces affaires à mon bureau. Je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Merci, madame Cools.
Madame DeWare.
La sénatrice Mabel DeWare: J'aimerais demander une précision à M. Lewin. Pourriez-vous me dire quel âge avaient vos enfants à l'époque où votre conjointe a décidé que vous deviez quitter le foyer, et quel âge est-ce qu'ils avaient lorsque vous avez réussi à obtenir un droit de visite correspondant à 38 p. 100 du temps?
M. Nicholas Spencer-Lewin: Ils avaient cinq et sept ans au moment de la séparation. Il m'a fallu trois ans avant de pouvoir m'adresser à un tribunal.
La sénatrice Mabel DeWare: Et vous ne les avez pas vus entre-temps?
M. Nicholas Spencer-Lewin: Si, je les voyais. Ma femme a fait preuve d'une grande fourberie. Elle ne s'est pas opposée au droit de visite de base. Par exemple, le jugement provisoire précisait que toute visite supplémentaire au-delà de la visite tous les deux week-ends se ferait à l'amiable. Il n'y a rien eu de tel. Elle n'a manifesté absolument aucune souplesse ni accepté aucune entente supplémentaire. Rien ne pouvait être négocié.
La sénatrice Mabel DeWare: Joyce, j'aimerais vous poser cette question: Est-ce que c'est en 1983 que vous avez obtenu votre divorce?
Mme Joyce Pooran: Oui, en 1983.
La sénatrice Mabel DeWare: Et c'est en 1987 que votre mari a présenté une demande relative à la garde des enfants?
Mme Joyce Pooran: C'est exact, il n'y avait aucune pension.
La sénatrice Mabel DeWare: Vous aviez eu les enfants jusqu'à ce moment?
Mme Joyce Pooran: Oui.
La sénatrice Mabel DeWare: Pourquoi est-ce qu'il a présenté cette demande, cinq ans après le fait?
Mme Joyce Pooran: Je crois que c'était essentiellement pour des raisons d'ordre monétaire. Il voulait que la pension alimentaire soit annulée. Je ne savais rien.
De fait, toute cette affaire avait été préparée six mois avant que l'on ne me présente la demande. Il n'avait pas d'emploi à ce moment et il a affirmé qu'il ne pouvait pas me payer. Évidemment, je n'ai pas insisté. À quoi bon intenter des poursuites ou se disputer au sujet de l'argent? Je pensais que, s'il était sincère, dès qu'il aurait trouvé du travail il recommencerait à payer la pension. Alors je n'ai rien fait.
Six mois plus tard, il y avait un huissier à ma porte. À cette époque, je préparais des examens. De fait, je suivais un cours d'immobilier. Je voulais devenir agent d'immeubles afin d'être à la maison quand mes enfants partaient le matin et quand ils rentraient de l'école.
Mes enfants étaient très proches de moi, je peux vous le dire. Ce qui me brise vraiment le coeur, c'est que mon fils aujourd'hui décédé me disait toujours qu'il était tout à fait désolé. Cela m'a vraiment fait du mal.
La sénatrice Mabel DeWare: Votre mari a obtenu la garde de vos enfants?
Mme Joyce Pooran: Oui.
La sénatrice Mabel DeWare: Apparemment, il ne faisait pas grand cas de ses responsabilités parentales. Il n'y avait pas de discipline. Il leur permettait...
Mme Joyce Pooran: Il n'y avait aucune discipline.
La sénatrice Mabel DeWare: Pensez-vous que vous avez perdu votre fils en partie parce qu'on vous a enlevé les enfants?
Mme Joyce Pooran: Pourriez-vous répéter la question? De quelle façon ai-je perdu la garde?
Le juge a donné la garde au père. Elle m'a dit que j'étais une excellente mère et que je devrais profiter de la vie. Profiter de la vie, cela n'est pas une raison pour modifier une entente relative à la garde. Le juge a même dit à mes enfants qu'elle voyait bien qu'ils avaient une excellente mère, rien qu'à leur parler.
J'ai le texte de la décision. Je peux vous le fournir n'importe quand. Je l'ai enregistré.
Je suis revenue devant le tribunal après avoir lutté toute une année. Je me suis même adressée à tous les politiciens auxquels j'ai pu penser. J'ai frappé à des centaines de portes. J'ai hurlé de toutes mes forces. J'ai littéralement vu mes enfants sombrer.
La sénatrice Mabel DeWare: Je peux le dire.
Mme Joyce Pooran: On s'est servi de toxicomanes pour écarter mes enfants de moi. J'ai hurlé aussi fort que je l'ai pu, et je continuerai de le faire.
La sénatrice Mabel DeWare: Je suis désolée.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce que quelqu'un a une autre question à poser? Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini: J'ai deux ou trois questions à poser. La première s'adresse à M. Solloway.
Je vous remercie de votre exposé. Il me paraît très utile. Je suis moi-même avocat en droit de la famille, et une bonne partie de ce que vous avez dit me paraît très vrai.
La question que je veux vous poser m'a été inspirée lors d'une intervention précédente, celle d'un autre témoin aujourd'hui. Vous parliez de sexisme. Je songe à un grand nombre de mes clients lorsque je vous entends dire que si un homme propose de réduire son revenu pour consacrer plus de temps à ses enfants au foyer, pour être un meilleur père après la séparation, vous devez l'aviser que cela risque de jouer contre lui.
Est-ce que nous contestons quelque chose ici? Il existe une théorie selon laquelle le niveau de vie de l'enfant doit autant que possible être maintenu après la séparation. La séparation ne doit pas se répercuter sur le niveau de vie de l'enfant parce que, tout bien pesé, ce n'est pas sa faute si les parties ont décidé de se séparer, ce qui réduit considérablement le revenu du ménage.
• 1500
Est-ce que nous contestons cette théorie, est-ce que nous
affirmons qu'il vaut peut-être mieux que les deux parents réduisent
leurs heures de travail parce que les enfants ont besoin de plus de
temps? Est-ce que nous disons maintenant que le niveau de vie de
l'enfant devra peut-être diminuer pour que l'enfant passe plus de
temps avec chacun de ses parents?
M. Ian Solloway: Je ne crois pas que nous disions nécessairement cela. La réalité, évidemment, c'est que le niveau de vie de l'enfant dans la plupart des cas diminuera un peu. Nous connaissons tous les statistiques. Il y a les statistiques empiriques qui indiquent que le niveau de vie de la mère diminue de façon spectaculaire en cas de divorce. Celui du père séparé augmente parfois.
Je crois que nous devons porter certains jugements de valeur dans ce cas. Le rôle du père a évolué en 10 ou 15 ans. Les juges ne demandent plus aux pères, du moins pas ouvertement, ce qu'ils savent de l'éducation des enfants. C'est une question qu'on aurait pu poser il y a 20 ans, mais il est maintenant acquis que le père est un élément extrêmement important, sinon essentiel, dans le développement de l'enfant.
Nous voulons essayer d'encourager cela. Évidemment, nous voulons essayer de réduire au minimum les pertes financières, mais des parents responsables, soucieux du bien de l'enfant, feront tout ce qu'ils peuvent pour limiter les pertes financières.
Je pense que la plupart des mères sont heureuses de voir le père participer. Pour chaque mère qui s'oppose à ce que le père continue de participer à la vie de l'enfant après le divorce, il y en a 100 qui sont prêtes à encourager cette participation. Nous devons être au même diapason. Nous voulons peut-être essayer de tout faire, mais ce qui importe ici c'est de faire participer les parents à l'éducation des enfants après le divorce, et de les laisser proposer leurs propres solutions.
M. Peter Mancini: Très bien. Merci.
Ma deuxième question s'adresse aux autres membres de la table ronde, à tour de rôle. Je vous remercie de nous avoir exposé vos expériences personnelles. Malheureusement, ce que nous a dit M. Solloway ne vous aurait guère aidé.
Un de mes collègues m'a rappelé le modèle australien, qui fait appel à un juge particulier. Qu'il s'agisse de garde partagée, de répartition des responsabilités parentales, de négociation ou de médiation obligatoire, nous nous écartons alors du système accusatoire.
Quand je vous écoute, je ne pense pas, d'après le bref aperçu que vous avez été en mesure de nous fournir ici, que la médiation ou la présomption de garde partagée aurait donné des résultats. Un homme nous a dit—et je veux savoir ce que vous en pensez—à quel point son ex-conjointe était habile et fourbe. Je suppose que la situation est la même pour vous, et que vos ex-conjoints détenaient certains pouvoirs.
Malheureusement, et j'espère que vous pouvez me répondre, vous représentez à mes yeux les cas irréductibles qui, parfois, ne laissent d'autre choix que le processus accusatoire et un arbitrage définitif, par un arbitre qui écoute toutes les preuves présentées et prend une décision.
Sans trop entrer dans le détail de vos histoires personnelles, parce que nous n'avons pas beaucoup de temps, est-ce que vous pouvez nous dire ce qui vous aurait aidé à régler plus rapidement ou de façon plus adéquate le problème, un élément que nous pourrions inscrire dans la loi? Je suis certain que vous diriez tous «Si le juge m'avait donné la garde, nous n'aurions pas eu à vivre tout cela», mais ce n'est pas ainsi que vos histoires se sont déroulées. Alors, d'après votre expérience, quelles solutions pouvons-nous mettre en oeuvre grâce à la loi.
Mme Joyce Pooran: J'aimerais dire, en premier lieu, que c'est le système judiciaire. Ce qui se passe, c'est que le parent qui présente sa demande est aidé et encouragé par le système judiciaire, par les services sociaux, par le système scolaire. Et pourquoi?
Dans mon cas, par exemple, les écoles étaient là. Elles ont présenté des lettres. Les écoles ont dit aux tribunaux que les enfants ne cessaient de perdre du terrain. La situation devenait vraiment critique. Le juge m'a appuyée pendant deux jours. Puis, quand le travailleur social a présenté un rapport, je suis devenue le centre du débat. Ce n'était plus de mes enfants qu'il s'agissait, mais de moi, parce que je contestais le système.
Il fallait faire porter l'accent sur les enfants. J'ai entendu bien souvent l'expression «Dans l'intérêt de l'enfant». Est-ce que quelqu'un peut me dire ce qu'est l'intérêt de l'enfant? Vous avez tous entendu ces histoires. Je n'ai rien entendu au sujet de l'intérêt de l'enfant de la part du système.
M. Peter Mancini: Mais est-ce que la solution ne consiste pas à faciliter l'accès à l'aide juridique gratuite, afin que vous puissiez continuer à vous battre?
Mme Joyce Pooran: Oui, j'aimerais mener ma cause à terme.
M. Peter Mancini: Est-ce que la solution ne serait pas de faciliter l'accès immédiat à des rapports psychologiques gratuits? Quelles sont les réponses? Je vous demande de m'aider à trouver ces réponses.
Mme Joyce Pooran: Je crois que nous devons notamment consacrer plus d'effort aux enfants. Nous devons éduquer le système judiciaire et le système des services sociaux.
Je pense que nous avons besoin d'écarter tous ces témoins experts. Les meilleurs témoins experts que vous pouvez appeler sont les personnes qui traitent avec les enfants toute la journée: les écoles, les directeurs d'école, les conseillers d'orientation. Je pense que les conseillers d'orientation font de l'excellent travail. Ils donnent vraiment un bon...
M. Peter Mancini: Très bien.
M. Nicholas Spencer-Lewin: Je crois que mon cas est un peu exceptionnel, et mes enfants ont beaucoup souffert. La situation aurait pu être moins éprouvante, elle aurait pu rester dans des limites raisonnables si l'on avait simplement respecté la notion de l'intérêt de l'enfant, si l'on avait tenu compte de la situation des enfants et si l'on avait essayé de la modifier le moins possible.
Ma femme a réussi à amener les enfants en dehors de la ville, dans une secte religieuse. Si l'on avait vraiment examiné la situation des enfants, quand ils étaient entourés par toute la famille, si l'on avait eu un peu de respect à l'égard du parent qui n'avait pas la garde, même si la garde avait été accordée à la mère, on aurait tenté de préserver l'accès des deux parents et de maintenir les enfants en ville. Mes enfants n'auraient pas traversé toute cette épreuve.
Même dans un cas extrême, lorsque l'arbitre est un juge, je pense que les juges sont tellement... Je regarde ce qui s'est passé et je ne peux que chercher la logique. Je songe à ce qui m'est arrivé, et je vois qu'un juge qui préside du haut de son autorité, n'ayant de comptes à rendre à personne, comme s'il réglait une dispute entre deux enfants querelleurs et qu'il est impossible de savoir qui dit la vérité, et qui n'est pas en mesure de trancher.
M. Peter Mancini: Alors vous proposez une méthode différente de présenter les requêtes aux magistrats? J'aimerais quelque chose d'un peu plus concret.
M. Nicholas Spencer-Lewin: Je pense que le juge devrait seulement signer l'accord final, et toute la question devrait être traitée non pas par une personne mais par deux ou trois qui sont des spécialistes de la santé, pas de satanés avocats et des juges—quelqu'un qui a du coeur. Il faut établir un dialogue humain, c'est-à-dire transiger à l'amiable, faire des concessions mutuelles.
M. Peter Mancini: Mais encore, qu'est-ce qu'il serait advenu de votre conjointe?
M. Nicholas Spencer-Lewin: Si vous devez vous asseoir dans une pièce et parler ou perdre votre droit... Vous maintenez le statu quo, et celui qui veut partir peut simplement se lever et sortir. Il y a un prix à payer pour les enfants et il faut essayer de rester autour d'eux et de répondre à leurs besoins, même si l'on a obtenu la garde.
M. Peter Mancini: Merci.
M. Robert Spicer: C'est intéressant. Nous parlons ici, mais dans le monde réel il y a très peu de réflexion et beaucoup de haine et de colère, beaucoup d'importance accordée à la réputation de l'avocat que l'on embauche, bien des mensonges, et souvent cela ne donne rien.
J'ai eu la chance d'avoir de bons amis et d'avoir reçu de bons conseils. Cela m'a coûté très cher. Cela m'a coûté des choses auxquelles on ne peut fixer aucune valeur. Je suis entièrement dévoué à mes enfants, et j'ai recueilli beaucoup de soutien.
J'ai entendu nombre de bonnes idées ici. Pour ce qui est de la répartition des responsabilités parentales, je pense que c'est une excellente idée. J'ai fait toutes ces choses, et il m'a quand même fallu deux ans et huit mois et beaucoup d'argent pour comparaître devant un juge.
Je pense que lorsque l'on parle rationnellement, comme nous le faisons aujourd'hui, bien des choses sont réalisables.
Mais il y a beaucoup d'incompétence chez les témoins experts, et il y a beaucoup de préjugés.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Une dernière question, madame Cools.
La sénatrice Anne Cools: Vous soulevez des questions très importantes, entre autres les évaluations, les témoins experts et toute cette énorme industrie qui s'est greffée sur le divorce, mais il y a une question que vous trois n'avez pas abordée, et c'est celle du rôle de certains avocats dans l'ensemble du processus. Ils veulent déposer des affidavits et des documents judiciaires. Il vous faut vraiment vous demander à quoi pensent les avocats lorsqu'ils rédigent ces documents et présentent certaines de ces absurdités. Je me demandais si vous trois... Je suis certaine que M. Solloway l'a vu bien des fois. C'est tout simplement de la négligence. Bien souvent, vous affrontez la malveillance, la haine, le désir de vengeance et le manque de scrupule.
Je me demandais simplement, lequel de vous trois, qui avez vécu toutes ces épreuves dans le système... parce que j'ai remarqué—pardonnez-moi, j'oublie toujours votre nom, monsieur...
M. Nicholas Spencer-Lewin: Nicholas Lewin.
La sénatrice Anne Cools: Monsieur Lewin, vous avez parlé du choc et du sentiment de trahison que vous avez éprouvés lorsque vous vous êtes rendu compte de la façon dont le système fonctionnait véritablement. La plupart des gens abordent ce système en se disant «Ah, justice va être faite. Je n'ai pas à m'inquiéter. Je n'ai rien fait de mal. Certainement, n'importe quel juge le reconnaîtra.» Et ces personnes sont renversées. Elles perdent pied.
J'ai lu bien des documents et je ne comprends pas pourquoi tant d'avocats présentent des documents remplis de mensonges aussi grossiers. Je me demandais si quelqu'un le comprenait.
M. Nicholas Spencer-Lewin: Je le jure, je ne sais pas comment l'avocat de ma femme peut dormir la nuit. Je suis sérieux. Je ne prendrais pas un ascenseur avec cet avocat. Le premier affidavit qu'on m'a présenté était tellement... Je vous le dis, j'ai dû me faire prescrire des calmants. Je ne pouvais pas y croire. On m'accusait d'avoir été violent à l'égard des enfants. Ma femme a déclaré qu'elle avait été gravement maltraitée, qu'elle était une femme battue. Pendant notre mariage, elle m'appelait l'«artiste» et elle se moquait de moi parce que je ne gagnais pas suffisamment d'argent, et puis dans cet affidavit elle soutenait que je ne déclarais pas tout mon revenu et que je gagnais trois fois plus que ce que je déclarais. Tout le monde le savait, je prenais bien soin des enfants, et elle a affirmé qu'elle était le principal fournisseur de soins et qu'elle ne pouvait pas croire que j'arriverais à me débrouiller avec les enfants. J'en ai été littéralement abasourdi.
La sénatrice Anne Cools: Nous sommes tous encore abasourdis.
Est-ce que l'un d'entre vous a porté plainte au barreau? Auquel cas, qu'est-ce qui s'est passé? Les avocats nous disent de laisser les avocats s'en occuper.
M. Peter Mancini: J'aimerais préciser un point. L'avocat n'a pas déclaré cela. C'est votre femme qui a présenté cet affidavit, sous serment.
M. Nicholas Spencer-Lewin: Mais l'avocat...
M. Peter Mancini: L'avocat a consigné son affidavit.
M. Nicholas Spencer-Lewin: C'est exact.
M. Peter Mancini: Merci. C'est une précision que je voulais apporter, madame la sénatrice.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Est-ce que quelqu'un veut ajouter un mot?
M. Robert Spicer: Mon ex-épouse a eu jusqu'à 18 avocats, et je dois dire qu'à mon avis, la plupart d'entre eux lui donnaient de bons conseils mais elle refusait d'accepter ces conseils. Le cabinet dont j'ai retenu les services, un cabinet de Montréal, a été très équitable, je crois. J'ai suivi ses conseils, même si je n'étais pas toujours d'accord. Il faut certainement demander de bons conseils professionnels, et il faut les suivre.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Madame Pépin.
La sénatrice Lucie Pépin: Je pense que M. Mancini a posé la question que je voulais poser, mais j'en ai une autre. De nombreuses personnes nous disent que chaque fois qu'elles se présentent au tribunal elles rencontrent un nouveau juge. Vous dites, monsieur Spicer, que vous avez eu la chance de voir chaque fois le même juge.
Je me demandais, monsieur Lewin, est-ce que vous avez dû reprendre toute votre histoire, toute votre affaire, devant un nouveau juge chaque fois que vous vous êtes présenté au tribunal? Est-ce que vous avez eu affaire au même juge?
M. Nicholas Spencer-Lewin: J'ai rencontré cinq juges, mais le juge qui nous a entendus pendant six semaines a décidé de conserver juridiction dans cette affaire, en cas d'audiences futures, ce qui ne m'aide pas du tout puisque je ne peux pas me permettre de me représenter devant lui de toute façon.
La sénatrice Lucie Pépin: D'accord. Merci.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Je vous remercie tous infiniment de votre contribution. Vos récits nous aident vraiment à mieux cerner les problèmes. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): À l'ordre, s'il vous plaît.
[Français]
Je regrette de vous dire que c'est notre dernière heure de séance aujourd'hui.
[Traduction]
Nous accueillons trois nouveaux témoins: M. Boucher, M. Gadoury et Mme Kalaba. Écoutons d'abord Mme Kalaba.
Mme Besime Kalaba (témoigne à titre personnel): Merci.
Bonjour, mesdames et messieurs. Au cours des cinq prochaines minutes il me sera très difficile de vous expliquer ce que mes enfants, Tirana, qui avait cinq ans à l'époque et qui en a maintenant dix, et mon fils, Dashmir, qui avait trois ans à l'époque et qui a maintenant huit ans, ont vécu ces cinq dernières années.
La douleur, la souffrance et la perte de joie de vivre sont indescriptibles. Ces cinq dernières années, et cette expérience se poursuit, j'ai constaté qu'il n'y avait absolument aucune justice dans les tribunaux lorsqu'il s'agit de garde et de droit de visite. Cela vaut dans tous les tribunaux, de la cour provinciale au tribunal de division générale. Et je ne parle pas des injustices qu'on rencontre dans les programmes des services sociaux, le Régime d'aide juridique de l'Ontario, le Bureau des obligations familiales, l'assurance-emploi, les sociétés d'aide à l'enfance, le Bureau de l'avocat des enfants, ni même ce qui se passe maintenant sur le marché du travail.
J'ai été obligée de parcourir un labyrinthe juridique sans issue. J'ai comparu devant de nombreux juges. Dans mon cas, le juge qui entendait ma cause était l'honorable juge Brownstone. Ce juge prononce des ordonnances qui ne sont pas fondées sur les faits. Il refuse de permettre à une partie d'élaborer. Il refuse de relire et d'examiner les renvois de toute motion. C'est à peine s'il lit les affidavits qui lui sont présentés. Le comportement et la conduite dans la salle d'audience du juge Brownstone et de certains juges que j'ai rencontrés auparavant sont inacceptables et inexcusables.
Je veux simplement vous donner une idée de la façon dont le juge Brownstone se comporte pendant le dépôt de mes motions et les audiences, alors que je dois me défendre moi-même. Il interrompt constamment la personne qui parle. Il n'a aucune patience. Il s'emporte. Il porte des accusations et il fait des allégations. Il expose ses opinions et ses convictions. Il répond à ses propres questions. Il refuse d'examiner les preuves. Il prononce des ordonnances et des jugements qui ne sont pas fondés sur les faits. Il élève la voix et il vous crie après. Il vous intimide. Il vous menace et vous persécute sans même connaître les faits. Il attaque. Il n'a aucune compassion, aucune sympathie, aucune pitié. Il est facilement ennuyé, devient vicieux et il est en colère contre le monde entier. Et je pourrais continuer ainsi.
• 1525
Je crois que ce juge particulier, le juge H. Brownstone, est
devenu fou et qu'il est impossible de lui parler. Pour vous donner
un petit exemple, avant l'une de mes audiences qui, à titre
d'information, est le numéro de dossier D169/97, le juge H.
Brownstone, le 18 décembre 1997, a levé la main, il a pointé du
doigt un homme et lui a ordonné de rester tranquille et d'écouter
ce qu'il disait parce qu'il représentait la loi. Il a déclaré bien
haut, en fait il criait, «Restez tranquille et écoutez-moi. C'est
moi qui ai le pouvoir dans cette salle d'audience, pas vous.
Lorsque vous êtes dans ma salle d'audience vous devez m'écouter».
Je vous jure que je n'avais vraiment pas hâte de présenter mon
affaire et mon avis de motion devant lui.
J'ai toujours fait beaucoup d'argent. Je faisais un quart de million de dollars en ventes, je possédais trois salons de coiffure Cut Above, un triplex et une résidence, six entreprises, et tout cela était ma propriété et enregistré à mon nom, à la demande de mon ex-conjoint. Et je ne parle pas d'une boutique de 5 000 pieds carrés que nous avions construite ensemble sur une période de 12 ans.
C'est là que l'injustice commence. Une partie décide de partir et emporte tous les avoirs, et l'autre partie reste avec toutes les dettes engagées pendant le mariage. Parce qu'une partie refuse de payer les fournisseurs, les prêts, les hypothèques, l'autre perd son foyer et ses salons de coiffure font faillite, tout cela par la faute de l'autre partie. Les propriétés sont vendues et les comptes en banque sont vidés. Tout cela s'en va directement dans les comptes des avocats, sans aucune aide. Les avoirs commerciaux sont enlevés et réinstallés, ce qui nous laisse, moi et mes enfants, sans foyer.
On se tourne vers les services sociaux, et il faut produire un état financier pour les entreprises dont vous êtes seul propriétaire. On se tourne vers l'aide juridique, et il faut produire un état financier. On se tourne vers un avocat et avant même de retenir ses services il faut produire un état financier, parce qu'avec l'état financier, l'avocat va décider si oui ou non il veut vous défendre. Lorsque vous allez à la Cour de l'Ontario, que ce soit une cour provinciale ou une division générale, vous devez aussi apporter un état financier à jour.
J'en ai assez des états financiers, quand une partie a pris tous les avoirs et tous les dossiers et que vous ne pouvez produire aucune preuve.
Je suis une mère qui a dû se défendre elle-même. Mon avocat, Elly A. Simas, est tombé malade et il ne peut plus exercer. Pour compliquer les choses, le cabinet peut encore présenter aux tribunaux un avis de motion pour se retirer du dossier parce qu'il a d'autres engagements et qu'il n'a pas le temps de me représenter. Les tribunaux consentent généralement à ces demandes sans même laisser aux intéressés le droit de parler, et puis vous êtes tout seul face aux autorités susmentionnées.
Lorsque l'on donne un consentement à l'autre partie parce que l'on croit que c'est pour le bien des enfants et que l'on préfère ne pas se battre ou ne pas faire intervenir les tribunaux pour réussir, parce que c'est dans l'intérêt des enfants... Après cinq ans de consentements, toujours dans l'intérêt des enfants, les tribunaux transforment la réalité et se tournent contre vous pour affirmer que vous avez abandonné vos enfants.
Je vais vous donner un exemple du processus, depuis le début. En 1994, mon fils a été attaqué et blessé par un chien sur ma propriété. Je me suis portée à son secours et je lui ai sauvé la vie. Ce faisant, j'ai presque perdu l'usage du bras droit et du bras gauche. Ma fille a assisté à cet incident. Les enfants ont été envoyés chez leur père seulement—et cela était très clair—de façon provisoire, jusqu'à ce que je retrouve l'usage de mon bras.
Quand je suis allée chercher les enfants, on m'a dit non, traîne-moi d'abord devant un tribunal. Avant de me présenter au tribunal, parce que je voulais préserver la paix et ne pas bouleverser les enfants, j'ai suivi le conseil du détective Brad Brigham, de la 52e Division, qui me disait: «Ne faites pas de souque à la corde avec les enfants, dans leur intérêt. Retenez les services d'un avocat. Si vous choisissez de ne pas suivre nos conseils, vous risquez d'être vous-même victime de violence conjugale. Votre mari est toujours en liberté sous condition, et la police de West Gwillimbury vous a déjà conseillé de le rencontrer seulement en présence d'un tiers. Madame, je vous en prie, demandez une ordonnance provisoire du tribunal et nous vous aiderons.»
L'agent Mike Cannon, du Bureau de la jeunesse de la 52e Division, m'a dit: «Faites-nous confiance. Si vous suivez la loi, la loi ne peut pas être utilisée contre vous. Faites-nous confiance. Si vous respectez la loi, vous en sortirez toujours gagnante. Les enfants sont jeunes. Ils n'ont que trois et cinq ans. Ils vivent une période difficile, en particulier votre fils, qui se remet à peine de cette attaque par un chien, et votre fille, qui consulte maintenant un psychologue parce qu'elle a été témoin de l'attaque. Si vous allez chez le répondant ou à l'école des enfants pour tenter de les reprendre, les tribunaux vous considéreront comme une personne irrationnelle, et ce n'est pas dans votre intérêt.»
• 1530
Je m'adresse au Régime d'aide juridique de l'Ontario, et là
aussi on m'indique que les policiers ont raison; il vaut mieux
suivre les règles. Le ministère des Services sociaux et
communautaires m'affirme: «Les policiers vous ont bien conseillée.
Nous voyons trop de mères qui arrivent couvertes d'ecchymoses et
qui ont été agressées par leur mari quand elles ont essayé de
reprendre les enfants elles-mêmes, sans l'aide de la police.»
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé de vous interrompre, mais vos cinq minutes sont depuis longtemps écoulées. Si vous avez des recommandations très précises à nous faire, faites-les maintenant s'il vous plaît. Sinon, nous allons vous interrompre ici.
Mme Besime Kalaba: Oui, j'en ai.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Alors, s'il vous plaît, présentez-nous ces recommandations.
Mme Besime Kalaba: Une de mes recommandations est que j'aimerais qu'il y ait un diagramme de l'histoire matrimoniale, un graphique de la situation actuelle. Ce graphique indiquera les sommets et les creux, les changements marqués. Il s'agit d'un graphique à deux lignes qui indiquent l'historique financier, émotif et psychologique de chaque partie ainsi que la situation actuelle. Lorsque les deux graphiques des deux parties sont combinés, on voit bien la représentation de toute la vie des deux parties, et cela montre quelle vie a été interrompue sur les plans psychologique, émotif et financier. L'autre graphique montrera aussi la situation de l'autre partie, qu'elle soit bonne ou mauvaise.
L'organigramme fera le point sur la partie dont la vie a été interrompue et sur celle dont la vie n'a pas été interrompue. Cela indiquera la situation financière, émotive et psychologique de chacune des parties avant le divorce ou la séparation et après.
La deuxième partie du test d'aptitude familiale ou de l'étude—et je ne sais pas comment vous voulez l'appeler—montrera le temps passé par chacune des parties avec les enfants et le soutien financier versé par chacune d'elles. L'organigramme indiquera aussi, lorsque l'on combinera les graphiques, de quelle façon les jours sont répartis.
Évidemment, il faut pouvoir superviser le temps que les enfants passent avec chacune des deux parties. Cela devrait être fait à compter du moment de la séparation et jusqu'à concurrence de deux ans, il faudra le faire tous les trois mois. On peut aussi assurer ce suivi par téléphone. Cela pourrait se faire par la poste ou même au moyen d'un guichet automatique, comme il y en a partout au Canada. L'information peut être entrée dans l'ordinateur.
Pour faciliter l'accès à cette information, il serait préférable d'utiliser des guichets automatiques parce qu'il y en a partout. Non seulement cette méthode permettra de surveiller le temps d'accès, mais elle peut aussi être utilisée comme preuve devant un tribunal. Et cela créera des emplois au Canada et un nouveau service chargé de surveiller ce genre de situation dans les familles.
Ma deuxième suggestion...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Je suis désolé. Combien de recommandations avez-vous à nous faire?
Mme Besime Kalaba: J'en ai cinq.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): S'il vous plaît, hâtez-vous. Je suis désolé, mais vous saviez que vous n'aviez que cinq minutes, et vous avez depuis longtemps épuisé le temps qui vous était alloué.
Mme Besime Kalaba: Oui. J'avais calculé mon temps. Je pensais que j'avais parlé assez rapidement.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Vous en êtes sans doute à neuf minutes maintenant, alors il vous reste une minute.
Mme Besime Kalaba: Si les suggestions qui n'ont pas encore été examinées par le comité ne sont pas appliquées immédiatement et si des mesures ne sont pas mises en oeuvre, notre société fera face à une augmentation de la criminalité des enfants parce que le système a échoué. Tout ce que l'on montre à nos enfants aujourd'hui c'est que d'autres autorités ont plus de pouvoir que les parties qui les ont créés. Nous montrons aux enfants du Canada que leurs espoirs et leurs convictions, leurs droits, seront exercés par des autorités autres que leurs parents. Le système actuel ne fait qu'encourager les enfants du Canada à se tourner vers le crime, la promiscuité sexuelle, les drogues, l'alcool, les médicaments prescrits et le suicide, sans parler des autres activités, parce qu'ils vont chercher de l'aide ailleurs.
C'est la situation à laquelle les enfants et les parents du Canada sont confrontés aujourd'hui, pendant que le gouvernement, avec l'aide des tribunaux, refuse de rendre des comptes à ce sujet. Il ne s'agit pas seulement des enfants du Canada et des parents du Canada, des citoyens et des gouvernements du Canada; c'est aussi Dieu qui supplie que l'on aide les enfants, qu'on les protège, qu'on les éduque dans les domaines qu'il avait au départ prévus. Dieu nous parle et il parle à son peuple. Il nous lance un cri d'alarme en Habaquq 1:4. Alors la loi est engourdie et le droit ne voit plus jamais le jour. Quand un méchant peut garrotter le juste, alors, le droit qui vient au jour est perverti.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
[Français]
Monsieur Boucher.
M. Jacques Boucher (témoigne à titre personnel): Merci. Je dirai d'abord qu'on a un manque de considération face à nos enfants. Quand on les sépare d'un de leurs parents, on ne les sépare pas juste d'un seul parent, mais aussi des amis de ce parent, de leur grand-père, de leur grand-mère et de leurs cousins. On fait preuve de discrimination à leur endroit parce qu'on ne leur donne pas accès à un bassin idéologique aussi poussé, puisqu'il peut souvent y avoir deux bassins idéologiques différents dans deux familles. Il y a également souvent des activités différentes auxquelles on s'adonne. Je dirais qu'on violente l'enfant pendant à peu près 18 ans, et ensuite on vient se demander pourquoi il y a de la violence.
Je propose qu'on adopte le modèle de la loi allemande qui entrera en vigueur le 1er juillet prochain et qui accorde la présomption de garde partagée dans tous les cas de séparation et de divorce. Je préfère ce modèle, qui permet aux enfants d'avoir quotidiennement accès à leurs parents. Vous savez, avoir accès à son parent, même si ce n'est que deux minutes le matin, c'est beaucoup pour un enfant.
Il faut également mettre un terme à l'aliénation parentale, aux fausses accusations et au freinage du droit d'accès à l'enfant par l'un des parents. À cette fin, on ne devrait jamais accroître les droits d'un parent à partir d'accusations. On devrait plutôt réduire les droits d'accès du parent qui porte de fausses accusations ou qui tente de brimer le système judiciaire. Nous pourrions par exemple réduire ses droits d'accès d'une demi-journée ou d'un soir par semaine pendant une période de trois mois. Il ne faudrait pas que cette pénalité soit trop longue ni trop grave, parce qu'en même temps on pénalise l'enfant. Je pense qu'il faudrait en arriver à ce genre de choses.
D'autre part, on ne devrait plus jamais réduire les droits d'un parent à partir d'accusations qui ne sont appuyées sur aucun fait. Ce qui se passe présentement, ce n'est pas compliqué: on présente des insinuations au Tribunal de la jeunesse et là on freine les droits d'accès de l'individu. On sait fort bien qu'on ne pourrait pas porter de telles accusations non fondées devant un tribunal criminal. À mon avis, on va complètement à l'encontre de la justice parce que ces insinuations ne sont pas basées sur des faits et qu'elles ne servent qu'à créer le doute dans la tête du juge. On ne devrait jamais réduire les droits d'accès d'un parent à partir d'un tel schéma d'application.
Il devrait y avoir une médiation dans le cadre de laquelle on explique aux deux parents toutes les conséquences négatives que subira leur enfant s'ils se mettent à se dénigrer l'un l'autre. La plupart des parents ne sont pas avertis de ces conséquences et n'en connaissent pas l'impact éventuel.
J'ai résumé les grandes lignes du mémoire que je vous ai fait parvenir. Je vous ai aussi remis un document complémentaire. Merci.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Monsieur Gadoury.
M. François Gadoury (témoigne à titre personnel): Je m'appelle François Gadoury et je suis père de deux enfants. J'ai vécu une saga judiciaire.
Je me suis marié en août 1988. Je travaillais alors dans les Forces armées canadiennes. L'été suivant, en août 1989, j'ai démissionné des Forces armées canadiennes et suis rentré de Belgique au Canada. J'avais accumulé un fonds de pension, un REER, etc. J'ai travaillé dans le domaine de l'assurance, et les affaires allaient bien.
• 1540
Au printemps 1994, mon ex-épouse et moi décidions
d'acheter une maison. Curieusement, un mois
plus tard, en mars 1994, madame demandait une
séparation,
et la saga judiciaire commençait. En juillet, j'emménageais
tout seul dans la maison que nous avions tous deux
achetée. Ça commençait à mal aller parce que madame,
qui avait travaillé jusqu'au moment de notre
séparation, avait
quitté son emploi. C'était bien pour elle parce qu'elle
pouvait utiliser l'aide
juridique à sa guise.
Le 27 décembre 1994, après le premier Noël qui a suivi notre séparation, il y avait déjà eu jugement sur les mesures accessoires familiales et j'allais chercher mes enfants pour la période des Fêtes, pour une semaine. Mais voilà qu'on m'accuse pour la première fois de voies de fait et de menaces de mort.
Finalement, compte tenu de toutes les procédures et de tout le kit, le procès n'a eu lieu que le 14 septembre 1995, bien que jusqu'à cette date, certaines conditions aient dû être respectées. Ainsi, puisque nous assumions à tour de rôle la garde des enfants, à chaque fois que madame venait me porter les enfants, il fallait que j'aie un témoin, et à chaque fois que j'allais les reconduire à Trois-Rivières, il fallait qu'elle ait un témoin.
Le 9 juin 1995, madame est arrivée avec deux heures et dix minutes de retard et mon témoin, qui était accompagné de sa femme et de ses trois enfants, n'a pas pu l'attendre. Ce qui est drôle, c'est que cette journée-là, madame a déposé une deuxième plainte au poste de police en disant que je n'avais pas de témoin. Imaginez-vous: elle était en retard de deux heures et demie et contrevenait au jugement civil qui avait été rendu, mais c'est moi qui étais accusé de bris de conditions au criminel. Il me semble que cela n'a pas de sens. Le soir même, les policiers sont venus chez moi et m'ont demandé ce qui se passait. Je leur ai répondu que j'irais tout probablement voir mes enfants le dimanche et que je parlerais à mon avocat, entre autres parce que la cause était toujours en instance. Le dimanche suivant, le 11 juin 1995, je suis allé faire une déclaration au poste de police selon laquelle cela n'avait aucun sens, que madame n'était pas à l'heure et qu'elle ne respectait pas le jugement civil sur les droits de visite, qui précisait à quelle heure elle devait venir. Je n'en ai plus entendu parler pendant un certain temps, mais j'ai reçu un jour une sommation par un huissier m'indiquant que j'étais accusé de bris de conditions. Je n'en revenais pas!
Lors de mon premier procès, qui s'est tenu le 14 septembre 1995 et où j'étais accusé de voies de fait et de menaces de mort, j'ai été acquitté. Selon ma logique, le deuxième procès avait encore moins d'allure: j'étais accusé de bris de conditions, tandis que c'est madame qui était arrivée deux heures et demie en retard. De plus, je me disais que j'avais été acquitté lors de mon premier procès. J'avais alors un bureau d'assurance et j'avais décidé d'appeler l'avocat de la Couronne afin de tenter de faire quelque chose et de démontrer que cela n'avait pas d'allure. On a quand même décidé de porter la cause devant le tribunal.
J'ai donc été obligé de comparaître à Repentigny le 25 octobre 1995 et de faire face à des accusations de bris de conditions. Je fus évidemment acquitté. Le juge a trouvé cela ridicule. Je n'ai même pas eu à témoigner après que madame eut avoué avoir été deux heures et dix minutes en retard. Je ne comprends pas ce que j'avais à faire là.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Excusez-moi, mais votre intervention a déjà duré plus de cinq minutes. Désirez-vous soulever des points précis, proposer des changements ou formuler des recommandations?
M. François Gadoury: J'étais rendu à la troisième accusation qu'on a portée contre moi et il est important que je vous en parle. Le même policier qui s'était présenté lors de ma deuxième accusation était venu chez moi à 4 h 30 du matin.
Je recommanderais qu'avant d'arrêter quelqu'un et d'entamer le processus judiciaire, on s'assure que les accusations reposent sur des faits. Il faudrait peut-être faire une enquête plus poussée.
• 1545
Il est bien évident qu'à la suite du dénouement du deuxième
procès, j'ai présenté une plainte
auprès du comité de déontologie policière. Cette plainte a été
acceptée et a été portée devant le comité de
déontologie policière en décembre dernier. J'ai alors appris
que l'enquêteur n'avait
jamais enquêté et qu'il avait envoyé le dossier à l'avocat de la
Couronne directement.
Je déplore cette situation, parce que j'avais quand même pris la peine de faire une déclaration et de démontrer que les accusations n'avaient pas de bon sens. J'avais même remis une copie du jugement au civil. Je n'en reviens pas du système judiciaire. J'ai dû subir trois accusations au criminel, en plus d'une à la DPJ. Je ne comprends pas qu'on ne fasse rien contre ceux qui portent de fausses accusations.
D'ailleurs, curieusement, l'avocate du comité de déontologie policière posait cette question à l'avocat qui avait accepté la plainte: «Pourquoi n'avez-vous pas accusé madame de méfait?» Il était clair que cela n'avait pas de sens. Pendant ce temps-là, je devais me défaire de la maison que j'avais acquise grâce à mon fonds de pension de l'armée canadienne et de mon bureau d'assurance, tout cela à la suite de fausses accusations. Dans le fond, même si j'ai été acquitté, je vois que, d'autre part, la personne qui a porté de fausses accusations réussit quand même à s'en sortir. Ça n'a pas de sens. De plus, la DPJ nous oblige à avoir des témoins pour nous prévaloir des droits d'accès. C'est insensé.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
Notre dernier témoin sera M. Duchoeny.
[Traduction]
M. Joel Duchoeny (témoigne à titre personnel): Est-ce que je dois pousser sur un bouton?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est automatique.
M. Joel Duchoeny: Alors l'argent de mes impôts est bien utilisé.
Je ne suis pas un orateur, je suis donc très nerveux, sans doute comme ces personnes puisque nous discutons de la partie la plus importante de nos vies, de ce qui nous est le plus cher. J'ai préparé ce qui me semble être un bon document. J'espère que vous le lirez. Je sais que vous avez sans doute beaucoup de documents à examiner, à la suite de tous ces déplacements ici et dans le reste du pays.
Pour résumer un peu, j'ai été marié environ six ans. Cet été, il y aura près de deux ans que je suis séparé—quel que soit le terme que vous voulez utiliser. Mon ex-conjointe avait deux enfants d'un mariage antérieur, une fille qui a maintenant 18 ans et qui souffre de déficience mentale, elle a deux ou trois ans d'âge mental, et un garçon de 15 ans. Ensemble, nous avons eu un enfant, notre fille Erika, que nous adorons tous les deux. Comme tous les parents, nous pensons qu'elle est merveilleuse.
Au moment de la séparation, lors de l'examen provisoire, nous avons convenu d'un horaire d'accès à l'enfant. Je devais voir ma fille deux fois par semaine et l'avoir avec moi le week-end, puis deux fois la semaine suivante pour le dîner, sans accès pendant la fin de semaine. Cet horaire semblait adéquat, mais au bout de quelque temps j'ai eu l'impression que le temps m'était compté. Je devais surveiller l'horloge, et quand on a un enfant de six ans c'est assez difficile. Vous savez, les enfants ne s'habillent pas quand vous le leur demandez. Alors je trouvais la situation un peu artificielle.
Ma femme a commencé à m'adresser des lettres d'avocat si je ramenais ma fille un peu en retard—c'est-à-dire après 20 heures mêmes si elle ne la mettait pas au lit avant 23 heures—et pas seulement à l'occasion; c'était son heure de coucher normale. Nous avons ensuite engagé cette lutte.
Je lui ai demandé de réviser la première semaine afin de pouvoir garder ma fille de façon continue, pour éviter ce problème des retours. Ma fille veut vivre avec moi. C'est ce qu'elle me dit, mais je sais bien qu'elle veut vivre avec ses deux parents parce qu'elle nous aime sincèrement tous les deux.
À cette étape, lorsque j'ai demandé cet horaire, j'ai essayé de parler au travailleur social de ma femme, qui a accepté le plan et le jugeait parfaitement adéquat. Ma femme, cependant, ne voulait même pas en parler. Par conséquent, nous nous sommes tournés vers le juge et nous avons consulté un psychologue pour enfants. Tout à coup, moi qui étais un père merveilleux pour nos enfants, je suis devenu... je ne peux pas le dire ici. Je suis devenu un monstre, un psychopathe, je ne sais plus quelles autres expressions ont été utilisées... J'avais besoin de soins psychiatriques. Pourtant, pendant des années j'avais été irréprochable. Le tribunal a recommandé que nous consultions un psychologue pour enfants, choisi dans une liste qu'on nous a fournie.
Malheureusement, j'ai perdu. Si tel n'était pas le cas, je ne serais pas ici. Non seulement j'ai perdu, mais ma femme ne demandait pas de grands changements. Elle voulait seulement supprimer un dîner aux deux semaines. Elle m'a laissé ma fille quelques jours de plus à Noël parce qu'elle était en vacances, alors de toute évidence je n'étais pas si méchant, malgré tout ce qu'elle en disait.
• 1550
Ses injures et tout cela n'ont commencé que quand j'ai demandé
de modifier l'horaire de ma fille. La psychologue a constaté que ma
mère—non, non pas ma mère, je veux dire ma femme... Doux Jésus,
quel lapsus! La psychologue a établi que ma femme—je m'excuse
encore—était une sainte et que j'étais un bon à rien et elle a
réduit mon temps encore plus que ce que ma femme demandait.
Le pire, dans tout cela, c'est que même les amis de ma femme riaient de cette évaluation. Ils savent comment elle est. Ils la connaissent. Ils l'aiment bien. Ils veillent sur elle. Ce sont ses amis. Si mes amis buvaient, je leur dirais qu'ils ont tort—et ses amis lui disent qu'elle a tort. Elle prive sa fille d'un père qui l'aime. Erika aime être avec son père et j'aime être avec elle.
Ce qui s'est produit véritablement, c'est que ma femme s'est mieux présentée a la psychologue. J'ai dit ce que la psychologue voulait entendre. Je lui ai dit pourquoi j'étais fâché. Je suis fâché pour toutes sortes de raisons. Ma femme m'a fait beaucoup de mal et la psychologue n'a rien vérifié. Je lui ai indiqué où il fallait vérifier, je lui ai dit qu'il fallait s'adresser aux travailleurs sociaux, au travailleur social de ma femme, à l'école, au banquier, je lui ai dit ce qu'elle pouvait utiliser pour vérifier si ma femme mentait.
Dans une petite pièce où il y avait une chaise et tout ce qu'il fallait, elle a réussi à tout résumer. Compte tenu de l'enjeu, c'est-à-dire ma fille, elle me devait de vérifier toutes ces allégations. Ce n'est pas une question de «celui qui se présente le mieux devant le psychologue remporte la fille». Alors maintenant—et la plupart des gens me trouvent plutôt chanceux—, ma fille est avec moi du jeudi soir au dimanche soir, ce qui est très bien, mais la semaine suivante je ne la vois pas pendant dix jours. Je la vois trois heures en dix jours.
Je vous donne un exemple de ce que fait ma femme. La semaine dernière ou il y a deux semaines, ma fille avait la varicelle. Une ou deux semaines auparavant, également pendant la période qui m'est attribuée, elle avait la grippe. Alors j'ai demandé à ma femme une journée de rattrapage, quand ma fille se serait remise de la varicelle, pour la voir un peu. Je l'ai vue trois heures en 19 jours: «Je suis désolée, mais nous devons respecter l'horaire». Il y a de la mauvaise volonté. C'est le genre de personne que la psychologue considère comme une bonne mère qui fait tout. Là encore, ce qui est le plus difficile à accepter c'est que même les amis de ma femme se moquent du rapport de la psychologue.
Si vous me frappez au visage, nous savons tous les deux ce que vous avez fait. Même si le tribunal vous exonère, nous savons que vous m'avez frappé. C'est cela qui se passe.
Je l'explique mieux dans le rapport. Ma fille et moi avons une relation extraordinaire. Vous pouvez le lire dans mon rapport. C'est beaucoup mieux dit, je suis plus calme.
Il y a une chose que je voulais ajouter, parce que vous avez demandé une recommandation à ce monsieur qui est assis au bout de la table. Je n'ai pas préparé de recommandations. Je suis venu raconter mon histoire. C'est que...
Le coprésident (M. Roger Gallaway): C'est très bien. Vous avez préparé un mémoire...
M. Joel Duchoeny: Est-ce que je peux exposer encore un point, toutefois?
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Bien sûr.
M. Joel Duchoeny: À moins qu'il ne faille enlever un enfant à son père... quand la famille est ensemble, à moins que le père ne soit peut-être un pédophile ou un alcoolique—je ne sais pas quelles sont les catégories—, le père devrait avoir droit à au moins 50 p. 100 lorsque les parents se séparent. Il y a trop de possibilités d'abus de la part des deux parents—trop de possibilités de trouver à redire à ce que fait l'autre, de dire du mal de l'autre, de faire des manigances. C'est cela qui se produit.
Si j'étais incontestablement un bon père quand ma femme et moi étions encore ensemble, alors ce qui se passe après... Il faut en convenir, les deux parties faussent la vérité.
J'ai dépensé une fortune en avocats. Ma femme a soutenu qu'elle n'avait pas d'argent, même si elle vient de louer une voiture de 30 000 $ et a gardé notre bonne pendant neuf mois. Je paie 20 000 $ par année pour un enfant. Je paie l'école privée. Je paie l'assurance. J'ai payé mon avocat. J'ai payé la psychologue. Je vais finir par payer son avocat à elle. Et je ne vois même pas mon enfant?
Il y a trop de possibilités et trop de raisons de se faire du mal dans cette situation.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci. Nous passons maintenant à la période de questions. Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci.
La décision a été prononcée à quelle date?
M. Joel Duchoeny: Le dernier jugement, le jugement conditionnel de divorce, a été prononcé le 16 février 1998, le mois dernier.
M. Paul Forseth: Mais qu'en est-il du procès où il a été décidé d'accorder la garde à la mère?
M. Joel Duchoeny: C'était le 3 février 1997.
M. Paul Forseth: De quel tribunal s'agissait-il?
M. Joel Duchoeny: Montréal, au centre-ville.
M. Paul Forseth: Et qui était le juge?
M. Joel Duchoeny: Le premier juge était le juge Gomery, mais la première décision n'était pas contestée. Nous en étions tous les deux satisfaits. Nous nous partagions l'enfant à peu près équitablement.
M. Paul Forseth: Mais vous contestez le jugement suivant.
M. Joel Duchoeny: Le jugement suivant a été prononcé le mois dernier.
M. Paul Forseth: Par quel juge?
M. Joel Duchoeny: Je n'étais pas là. Il s'agissait d'une ordonnance provisoire. Nous essayions de faire reporter l'affaire. On m'a dit qu'elle serait reportée. J'ai été surpris qu'un jugement ait été prononcé.
M. Paul Forseth: À quel niveau de tribunal cela se passait-il?
M. Joel Duchoeny: Je l'ignore. Je pourrais vous le trouver. Il s'agit d'un tribunal qui prononce des jugements conditionnels de divorce.
M. Paul Forseth: Quel est le nom de la répondante? Votre nom figure dans le document, mais quel est le nom de l'autre partie?
M. Joel Duchoeny: Harriet Gold.
M. Paul Forseth: Très bien. Merci.
Je vais renvoyer à Beauchesne, 6e édition, article 493.
La coprésidente (la sénatrice Landon Pearson): Dites-leur que vous invoquez le Règlement.
M. Paul Forseth: Ça va.
À la page 157, on peut lire:
Vers la fin de la citation, on précise:
... il s'agit des députés...
Nous pouvons certainement nous montrer critiques à l'égard des juges lorsqu'il s'agit des décisions et des affaires, mais je pense que nous devons veiller à ne pas les attaquer personnellement, en tant qu'individu.
Les membres du comité, un organisme quasi judiciaire, doivent être prudents lorsqu'il s'agit de critiquer un tribunal, mais nous devons mener nos audiences et nos délibérations de façon un peu plus détendue, pour faciliter la présentation des témoignages, et nous faisons du mieux que nous pouvons.
Dans ce cas, nous avons peut-être laissé les choses aller trop loin lorsqu'il s'agit de mentions de juge. Au nom de mes collègues et du comité, j'aimerais présenter des excuses pour cela, et nous tenterons d'agir avec un peu plus de circonspection à l'avenir.
J'ai écouté vos quatre témoignages et tous ont pour thème commun la recherche de la vérité. Vous nous avez donné des exemples clairs de la façon dont, peut-être, notre système accusatoire encourage l'une ou l'autre partie à mentir quand il y va de son intérêt. Cela aiderait les parties, en particulier compte tenu de ce qu'il semble possible d'agir ainsi et de se parjurer impunément. En outre, vous avez signalé que notre système judiciaire est un instrument très grossier, et qu'on lui demande peut-être de faire quelque chose dont il est incapable.
Alors, pour résumer, j'aimerais voir si je peux obtenir quelques réflexions rapides de chacun de vous quant au résultat de vos rapports avec le système judiciaire. Qu'est-ce que vous auriez attendu de ce système? Évidemment, vous auriez souhaité une décision favorable, mais en plus, pour nous aider à modifier le système en vue de réduire le nombre d'affaires qui ont produit des résultats aussi désastreux que les vôtres? Quelle serait, à votre avis, la principale modification à apporter au système?
[Français]
M. François Gadoury: Comme je le disais plus tôt, je crois que lorsqu'une accusation est portée contre quelqu'un, il doit y avoir enquête. Je ne comprends pas qu'une déclaration ne soit pas vérifiée par un enquêteur et qu'elle soit transmise directement à l'avocat de la Couronne. Je ne comprends pas non plus que, dans mon cas, alors qu'il y avait eu un témoin jusqu'à une telle heure, lors de la deuxième accusation que madame a portée contre moi, l'enquêteur n'ait même pas vérifié si c'était vrai auprès de ce témoin.
Au départ, s'il y avait eu enquête, il n'y aurait peut-être pas eu de procès. De plus, quand on en est rendu à une deuxième ou à une troisième accusation, il faut peut-être se demander s'il n'y a pas un certain abus. Arrêter le père seulement sur une accusation, cela n'a pas beaucoup de bon sens.
M. Jacques Boucher: Je pense que la garde partagée réglerait bien des problèmes. Comme je l'ai mentionné plus tôt, si la personne qui porte des accusations voyait ses droits un peu diminués, elle serait moins portée à porter des accusations, surtout si elle n'a rien à gagner quant à la garde de ses enfants, que les accusations soient vraies ou fausses. S'il n'y avait pas d'avantages à en retirer, elle ne porterait pas d'accusations.
[Traduction]
M. Joel Duchoeny: Pour la plupart d'entre nous, je pense que le fait de se présenter devant un tribunal, de se tenir devant un juge, de parler à un juge et de se préparer est une expérience épuisante et chargée d'émotions. Je ne veux pas le refaire, je n'en suis pas capable financièrement. Je suis épuisé sur le plan émotif. Je ne peux plus me représenter. Cela n'aide personne. Cela ne fait que nourrir l'animosité entre mon ex-épouse et moi-même. Cela est absurde.
Les tribunaux eux-mêmes se présentent comme des Je sais tout. Vous ne pouvez rien dire. Je ne suis qu'un non-initié: je veux dire quelque chose à cette personne, mais je n'en ai pas le droit. Il y a cette règle-ci et celle-là à respecter.
Par conséquent, je ne pense pas que ce soit le bon moyen de régler les divorces. Le divorce n'est pas un crime. Il faut le soumettre à la médiation. La médiation signifie que nous commençons sur le même pied. Nous voulons tous une décision honnête, juste et équitable, et la seule façon de commencer sur le même pied c'est que les deux parents commencent au même niveau.
Les tribunaux ne font pas cela. Les plateaux de la balance signifient que le tribunal penche d'un côté ou d'un autre. Alors les tribunaux ne sont pas l'outil qu'il nous faut.
Mme Besime Kalaba: Des systèmes de surveillance, par exemple celui dont j'ai parlé précédemment, permettront d'éliminer entièrement les accusations entre les parties, et on se concentrera sur la famille qui est exposée, assujettie, victime de violence financière, émotive ou psychologique. Ce type de violence empêche les tribunaux d'appuyer, de tolérer et d'encourager la partie violente ou la partie qui a commis le crime. Cela éliminera aussi les personnes qui commettent le crime et les tribunaux n'ont pas à rendre de comptes.
L'autre aspect qui me paraît vraiment difficile à accepter et que je connais est celui de l'utilisation impropre des paiements de pension alimentaire pour enfants. La pension alimentaire pour enfants versée au parent ne garantit pas que les paiements serviront aux besoins de l'enfant en matière d'éducation, de vêtements, d'activités parascolaires, de soins médicaux, de divertissements ou de voyages.
Lorsqu'il y a garde partagée, un fonds en fiducie devrait être créé pour que l'argent soit déposé et retiré pour les besoins de l'enfant. Les versements de la pension alimentaire pour enfants ne répondent parfois qu'à un seul besoin, et les autres besoins ne sont pas du tout satisfaits. Par conséquent, lorsque l'enfant arrive chez l'autre parent, il faut encore dépenser de l'argent pour combler certains besoins qui n'ont pas été satisfaits par le parent qui touche la pension alimentaire pour enfants.
M. Joel Duchoeny: Je veux ajouter quelque chose. J'ai remarqué que les jugements étaient prononcés contre le père parce que la mère obtient généralement la garde de l'enfant. Comme les conditions sont imposées au père, il est facile de les vérifier.
Lorsque je ramène ma fille à 20 h 15, à 20 h 03 ou à 20 h 20 plutôt qu'à 20 h, on peut le mesurer. Je n'ai aucun moyen de surveiller précisément ce dont vous parlez pour ce qui est de l'argent que mon ex-conjointe dépense ou de l'heure à laquelle elle met ma fille au lit. Je ne pouvais pas utiliser de tels arguments. Elle s'en est servie comme d'une arme.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci.
[Français]
Madame St-Hilaire.
Mme Caroline St-Hilaire: Merci beaucoup. Nous avons entendu quatre histoires assez tristes. Je serais d'accord avec vous pour dire que les hommes et les femmes sont également responsables de leurs enfants; les deux sont égaux, en fait. C'est M. Boucher, je crois, qui disait que les enfants devraient avoir accès aux parents en tout temps.
Je m'interroge sur les cas de violence et les cas où des accusations sont portées. Sont-elles fausses? En principe, elle ne le sont pas, du moins quant à moi. En cour, qu'il s'agisse de femmes ou d'hommes, comment peut-on prouver quelque chose? Par exemple, j'ai entendu beaucoup d'histoires d'hommes et beaucoup d'histoires de femmes violentés. Comment prouver cela en cour? Vous parlez d'enquêtes. En tout cas, je trouve que c'est difficile à prouver. Comment pourriez-vous apporter une preuve de cela en cour?
M. Jacques Boucher: Si ce n'est pas prouvable, on ne devrait pas accuser, à ce moment-là. Il me semble que c'est la moindre des choses.
Mme Caroline St-Hilaire: D'accord. Si je suis toute seule avec mon conjoint à la maison et qu'il me tabasse, comment puis-je prouver cela le lendemain matin, ou peut-être même dans six mois? Le lendemain, ce ne serait pas encore si mal parce que j'en aurais encore les marques. Mais six mois plus tard, comment pourrais-je prouver cela en cour? J'aurais de la difficulté, n'est-ce pas?
M. Jacques Boucher: Eh bien, il y a des marques. C'est évident que, s'il n'y a pas de témoin, c'est plus embêtant. Mais c'est la même chose pour n'importe quel autre acte en vertu du Code criminel: une accusation doit reposer sur des faits. On ne devrait pas pénaliser un enfant à partir d'une histoire de violence de cette nature. Ce n'est pas l'enfant qui a été violenté, mais la femme. C'est autre chose. Cela relève d'un autre domaine, en ce qui me concerne. L'enfant a droit à ses deux parents.
• 1605
La violence, c'est une autre affaire. L'enfant,
dès qu'on lui enlève un de ses deux
parents, est automatiquement violenté, et il est violenté pendant
18 ans. Ce n'est pas pour rien qu'au Québec, on a un
des plus hauts taux de suicide parmi les jeunes,
non seulement au Canada, mais partout dans le monde. Il
n'y a
que l'Italie et un autre pays qui nous dépassent.
Au Québec, c'est encore pire qu'ailleurs parce que la garde partagée est accordée, dans les cas de divorce, dans seulement 9,8 p. 100 des cas, selon les statistiques de 1994. Au Canada, c'est moins grave: elle est accordée dans 26,6 p. 100 des cas.
Comment se fait-il que nous soyons obligés d'aller régler cela en cour, alors qu'en Californie, il n'y a que 2 p. 100 des cas de garde d'enfant qui aboutissent en cour? J'ai remis tout à l'heure un mémoire qui complète celui que j'avais déjà envoyé. Vous y trouverez des données provenant des études en questions.
Mme Caroline St-Hilaire: Pour que je vous comprenne bien, monsieur Boucher, vous dites que la garde de l'enfant devrait être partagée, que l'enfant devrait aller chez son père ou chez sa mère indifféremment, peu importe qu'il y ait violence ou non.
M. Jacques Boucher: S'il n'y a pas eu de violence contre l'enfant, le problème est autre. Si le parent est violent, il peut être accusé au criminel pour violence, mais on n'a pas à le pénaliser dans sa relation avec son enfant.
Mme Caroline St-Hilaire: Merci.
[Traduction]
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Monsieur Duchoeny.
M. Joel Duchoeny: Je ne me fonde pas sur les statistiques ni sur une expérience directe, mais je pense simplement que si un parent est violent—et la plupart des gens accusent les pères de faire partie de ce groupe des parents plus violents—alors il n'essayerait pas d'avoir le droit de voir son enfant. Il le ferait peut-être pendant un certain temps, pour se venger de la mère, mais tôt ou tard l'enfant deviendrait un fardeau. Il ne pourrait pas sortir et faire tout ce qu'il veut faire, et cela n'en vaudrait pas la peine pour lui.
Les parents qui se battent pour continuer de voir leurs enfants, ceux qui veulent leurs enfants, à mon avis, ne sont pas des parents violents.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Allez-y.
Mme Besime Kalaba: J'aimerais ajouter une remarque à cela. Je sais que, dans ma situation, j'ai été victime de violence aux mains de mon conjoint et j'ai immédiatement—cette nuit-là—déposé une plainte au poste de police. Les policiers ont pris des mesures contre mon mari et l'ont forcé à quitter le foyer. Mais nous possédions une boutique de 5 000 pieds carrés à l'arrière de notre maison. Alors le domicile conjugal n'était qu'à 200 pieds des locaux où mon mari travaillait. Les conditions de libération permettent au répondant, en l'occurrence mon conjoint, de travailler de 8 h à 22 h. C'est un quart de travail de 14 heures pour faire tout ce qu'il veut faire là. Si j'y vais pour voir comment il menait les affaires, parce que je suis copropriétaire de cette entreprise, on me dit que je l'incite à violer les conditions de sa libération. Il a donc eu l'occasion de liquider et d'enlever tous les biens.
Maintenant, tout cela remonte à cinq ans. J'essaie d'attirer l'attention du tribunal sur ce point et on me répond: «Madame, cela s'est passé il y a plus de cinq ans. Cela n'est plus pertinent.»
En outre, les ordonnances sont accordées pour l'exempter de choses et de déclarations qu'il a faites sous serment, dans un affidavit.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Nous accordons la dernière intervention à monsieur Duchoeny.
M. Joel Duchoeny: Merci.
Je suis très ému par cette histoire. C'est une histoire qui éveille un écho en moi. J'aime ma fille. Dans cette situation, un geste criminel a été posé, et il est admis que lorsqu'il y a crime, il faut procéder différemment.
Je ne sais pas quel est le pourcentage des divorces où les deux parties sont parfaites et où les deux parties sont des parents. Ces divorces ne devraient pas être traités de la même façon que les autres cas, et c'est là le problème. On libérerait les tribunaux; cela me coûterait beaucoup moins cher. Mais ce n'est pas un facteur.
Je ne sais pas de quelle façon, dans le contexte d'un système accusatoire, je vais parvenir à faire la paix avec mon ex-conjointe, pour que notre séparation soit longue et pacifique dans l'intérêt de ma fille. Bien des choses ont été dites, bien des gestes ont été posés. C'est à court terme. Dans deux ans, nous aurons peut-être détruit autant qu'en 20 années de séparation.
Mme Besime Kalaba: Je veux vraiment ajouter quelque chose. Je sais que nous avons discuté des conférences de règlement et de préparation au procès, de médiation et de comédiation. Quand tous les efforts échouent... et je sais que dans mon cas j'ai essayé d'obtenir des conférences de règlement. Quand rien ne porte fruit; la conférence préalable à l'instruction n'a rien donné, parce que l'autre partie ne démord pas des rapports qui ont été préparés par des sociétés d'aide à l'enfance ou peut-être par le Bureau de l'avocat des enfants, parce qu'il peut s'appuyer sur cette recommandation, même s'il y a des faits et des preuves à l'appui.
• 1610
En vertu de la règle 31(1) des tribunaux, en vertu de la Loi
portant réforme du droit de l'enfance, on précise qu'à moins que
les deux parties ne s'entendent pour recourir à la médiation,
l'autre partie ne peut l'obtenir. Je me suis heurtée à ce problème
à de nombreuses occasions.
Pour l'éviter, si aucune conférence de règlement n'est tenue, il faudrait présenter le problème au tribunal, et uniquement à un juge qui a reçu une formation spéciale, qui a été éduqué et qui a la compétence pour prononcer des ordonnances dans ces causes particulières. Il faudrait aussi permettre au juge de combiner les règles de la procédure civile, de la Loi portant réforme du droit de l'enfance et de la Loi sur le divorce.
Je suis à une division provinciale où le juge n'a pas compétence pour faire respecter une telle ordonnance, et il faut porter l'affaire devant la division générale, ou vice versa. On ne peut pas tout régler en même temps.
Mon dossier compte 500 pages. Il m'a coûté mon travail. Il m'a coûté ma souffrance. J'ai perdu la jouissance de la vie ainsi que le bonheur d'être avec mes enfants. Je veux simplement demander un ajournement que, grâce à Dieu, j'ai finalement obtenu d'un juge, le juge Beaman, qui a écouté mon témoignage pour une fois et m'a accordé un ajournement. Là encore, cependant, c'est pour me laisser le temps de trouver un avocat. Si je ne peux pas trouver d'avocat en moins d'un mois, je devrai me présenter au procès.
Je ne sais rien de la façon d'interroger les témoins ou de présenter les preuves. Je ne connais pas la façon de procéder à un contre-interrogatoire, pourtant je suis obligée de me présenter devant le juge et de me défendre moi-même.
Il faut mettre fin à cela. Nos enfants souffrent. Les enfants du Canada souffrent. Notre société et les contribuables souffrent. C'est un combat qui continue et auquel il faut mettre un terme.
Le coprésident (M. Roger Gallaway): Merci beaucoup.
Je veux remercier tout ceux qui sont venus ici aujourd'hui. Notre travail progresse, et chaque jour nous recueillons de l'information. Nous ajoutons de nouvelles dimensions à ce que nous croyions être l'ensemble de la question. Il me semble que le problème s'élargit. Je vous remercie d'être venus.
La séance est levée.