SPECIAL JOINT COMMITTEE ON THE CHILD CUSTODY AND ACCESS

COMITÉ MIXTE SPÉCIAL SUR LA GARDE ET LE DROIT DE VISITE DES ENFANTS

PRÉAMBULE

Le comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants se réunit aujourd'hui à 15 h 30 pour examiner et analyser les questions relatives à la garde et au droit de visite des enfants après la séparation et le divorce, et pour examiner notamment la nécessité d'adopter en matière de droit familial une démarche plus axée sur l'enfant et mettant l'accent sur les responsabilités communes des parents ainsi que sur la recherche de solutions parentales fondées sur les besoins et intérêts des enfants.

La sénatrice Landon Pearson et M. Roger Gallaway (coprésidents) président la séance.

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 25 mars 1998 (OTTAWA)

• 1530

La coprésidente (sénatrice Pearson): Nous accueillons aujourd'hui plusieurs témoins. Le premier est le professeur Howard Irving, de la Faculté de travail social de l'Université de Toronto.

M. Howard Irving (Faculté de travail social, Université de Toronto): Comme j'ai déjà eu l'occasion de témoigner en 1985 devant un comité mixte sur le même sujet, je suis heureux de pouvoir en traiter à nouveau aujourd'hui en tirant profit de l'expérience acquise depuis. Je voudrais d'abord faire le point sur la situation actuelle, après quoi je formulerai quelques recommandations.

Il importe de souligner en premier lieu que le divorce reste un phénomène fréquent au Canada, ce qui alourdit considérablement la charge de travail de l'appareil judiciaire. Au cours de la dernière décennie, on a de plus en plus été amené à remettre en question la procédure contradictoire du système judiciaire, surtout en ce qui concerne les différends familiaux. La principale critique formulée à ce sujet est que la communication et la coopération qui sont nécessaires pour que les deux membres d'un couple séparé continuent d'assumer leurs responsabilités parentales sont plus difficiles à obtenir dans un système contradictoire. En effet, l'une des grandes difficultés du droit de la famille est que, bien souvent, les problèmes qu'il s'agit de résoudre ne sont pas d'ordre juridique mais d'ordre humain. S'il est vrai qu'il y a quand même des problèmes d'ordre juridique à résoudre, cela n'atténue pas les problèmes humains et, ce qui est encore plus important pour l'avocat, il est rare que le problème juridique puisse être réglé correctement tant que les problèmes humains ne l'ont pas été.

Dans le contexte contradictoire, la procédure de divorce, qui est axée sur la faute, la rétorsion, la victoire ou la défaite, n'offre aucun avantage réel aux parties. Les batailles juridiques engagées au sujet des relations humaines ne permettent pas d'établir un climat sain ou juste pour les parents qui divorcent et pour leurs enfants.

On attend des avocats qu'ils agissent au-delà de leurs capacités, des juges, qu'ils prennent des décisions sur des questions pour lesquelles ils n'ont reçu aucune formation, et des conseillers, qu'ils s'attaquent à des questions de droit qu'ils ne sauraient résoudre. Et l'on dit ensuite que le système est injuste.

Considérant ce contexte, je voudrais maintenant formuler huit propositions de changement.

La première concerne la responsabilité partagée des enfants. Si l'on tient pour acquis que les deux parents sont compétents, on a tout lieu de penser, du point de vue du droit, de la dynamique familiale et du développement de l'enfant, qu'ils continueront de partager la responsabilité des enfants après la séparation et le divorce. Il ne s'agit pas ici de défendre le principe d'une présomption réfutable de responsabilité partagée mais plutôt de recommander que cette notion soit vigoureusement énoncée dans la loi, comme principe premier de préservation et de protection du bien-être des enfants après la séparation et le divorce. La loi actuelle, qui s'en tient à entériner que la garde des enfants peut techniquement être assumée par plus d'une personne, est foncièrement insatisfaisante.

Par extension, les parents qui partagent la responsabilité des enfants devraient partager aussi le fardeau financier qui en découle, et ce partage devrait être proportionnel à leurs revenus nets respectifs. La règle des 40 p. 100 qui figure actuellement dans la loi a pour effet concret, même si c'est par inadvertance, de violer le premier principe ci-dessus. En effet, elle accorde une incitation financière à partager la responsabilité des soins. Dans l'état actuel des choses, le parent qui a la garde des enfants, et c'est généralement la mère, est incité à éviter que l'autre parent ne contribue aux responsabilités envers les enfants pour plus de 40 p. 100 du temps afin qu'il demeure totalement responsable du soutien financier. Et cela vaut même si le parent qui a la garde a des revenus plus élevés que l'autre. Le parent qui n'a pas la garde, généralement le père, est incité à chercher à participer plus activement aux responsabilités envers les enfants, qu'il le veuille ou non ou y soit préparé ou non, afin d'échapper à la responsabilité unilatérale du fardeau financier. Au cours de la dernière année, je n'ai jamais rencontré autant de mères et de pères se battant autour de cette règle de 40 p. 100 afin d'essayer de protéger leurs intérêts financiers, même au détriment de leurs enfants.

Je voudrais maintenant parler de la formulation de la loi. Le texte actuel est truffé d'expressions telles que «garde» et «droit de visite» qui renvoient à une époque révolue où les femmes et les enfants étaient légalement considérés comme la propriété du chef de famille, le père. Il conviendrait de reformuler la loi en employant une terminologie correspondant à la réalité actuelle, c'est-à-dire au fait que tous les membres de la famille ont des droits et où les deux parents sont égaux devant la loi. Donc, en ce qui concerne les responsabilités parentales après le divorce, le but fondamental de la loi devrait être de favoriser la recherche de solutions satisfaisantes. Ces solutions devraient être axées sur le partage des responsabilités en entérinant l'existence de deux foyers parentaux différents. De plus, la loi devrait favoriser au maximum la participation de deux parents aux soins courants dispensés aux enfants issus du mariage, bien que les circonstances puissent exiger que l'on entérine le fait que les enfants vivent chez l'un seulement des deux parents.

Parlons maintenant de l'éducation des parents. Les dispositions à prendre au sujet des enfants après la séparation exigent une série de décisions importantes. Comme ces décisions risquent d'avoir de sérieuses conséquences, il conviendrait que les parents soient pleinement informés des options qui leur sont offertes et de leurs résultats probables. À l'heure actuelle, c'est rarement le cas. Les parents, dont la plupart en sont à leur premier divorce, sont censés prendre ces décisions à un moment de détresse émotive intense et en n'ayant qu'une connaissance très sommaire, voire nulle, de la loi, des conséquences du divorce pour eux-mêmes et pour leurs enfants, de la différence entre procédure judiciaire et médiation, ou même de l'existence de services de médiation dans leur collectivité. À notre avis, cela n'est ni raisonnable ni responsable.

Nous proposons en conséquence que les parents en instance de divorce soient sensibilisés à ce type d'information au moyen d'un cours obligatoire de préparation au divorce, cours qui devrait être de courte durée et être dispensé sous les auspices du tribunal. Plusieurs provinces offrent désormais ce genre d'éducation aux parents en conflit sur des questions de garde ou d'accès aux enfants. D'après nous, ce genre d'éducation devrait être prévu dans la loi, de façon à ce que tous les parents qui se trouvent dans cette situation puissent y avoir accès, selon une formule normalisée. À long terme, ce genre de mesure préventive contribuerait à préserver le bien-être des enfants et à réduire les coûts.

Il y aurait lieu aussi de donner une éducation aux parents après le divorce. En effet, même lorsque des dispositions sont prises au sujet des enfants, il n'est pas garanti qu'elles seront efficaces. Même le plan le mieux conçu peut échouer, et je crois que les gens devraient avoir la possibilité de revenir devant une sorte d'instance d'éducation pour revoir leur plan et réfléchir à d'autres solutions.

À mon avis, il faudrait profiter de ces programmes d'éducation pour informer les parents sur la médiation. Je précise tout de suite que je ne suis pas en faveur de la médiation obligatoire; je préfère la médiation volontaire. Par contre, je crois que les parents devraient être obligés de participer à une réunion au cours de laquelle on leur expliquerait ce qu'est la médiation et où on leur donnerait la possibilité de s'en prévaloir.

L'accès à la médiation et son financement ont toujours causé des problèmes. Lors de mon témoignage d'il y a quelques années, des membres du comité m'avaient dit: «La médiation, c'est une très bonne chose pour les bonnes personnes. Si l'on estime que les personnes concernées pourront en tirer profit, très bien. Par contre, comment la financer?» Aujourd'hui encore, on se demande si la médiation devrait être une question de compétence provinciale ou fédérale.

À mon avis, l'appareil judiciaire devrait offrir cette option aux parents qui sont prêts à l'utiliser mais qui n'en ont pas les moyens financiers. À l'heure actuelle, les services de médiation sont essentiellement offerts par des organismes privés, contre le paiement d'honoraires. À quelques très rares exceptions près, ils ne sont pas offerts par des organismes publics. Cela veut dire que les personnes à revenus modiques n'y ont pas accès et qu'elles sont donc obligées d'avoir recours à la justice. En plus, ces personnes sont même souvent obligées de le faire sans avocat dans la mesure où les récentes modifications apportées à l'aide juridique les privent de l'accès aux services d'un avocat.

Nous recommandons que tous les parents en conflit, mais surtout ceux dont les ressources financières sont limitées, aient accès à des services de médiation du secteur public, financés en totalité ou en partie par l'État. Les fonds nécessaires pourraient être obtenus en y consacrant une partie des droits des licences de mariage ou des droits des demandes de divorce.

Je voudrais maintenant aborder la confidentialité des communications. C'est lorsque les parents se sentent tout à fait libres de s'exprimer en toute franchise, sans craindre que leurs déclarations ne reviennent les hanter s'ils ne parviennent pas à un accord, que les chances de trouver un accord dans le cadre d'une médiation volontaire sont les plus élevées. En conséquence, je recommande que l'on prévoie dans la loi, pour les parties qui y consentent mutuellement, que toute communication entre les clients et leur médiateur reste confidentielle et ne puisse être divulguée plus tard devant le tribunal. Cela aurait pour effet de donner aux parents en conflit la possibilité de recourir à la médiation familiale à huis clos, sans que le médiateur ne risque d'être obligé de témoigner ou de produire ses notes si les parents ne parviennent pas à un accord et que l'affaire passe devant un tribunal.

Finalement, le recours à la médiation familiale pour résoudre les différends des parents en matière de garde et d'accès n'est envisagé qu'en passant dans le projet de loi C-41. J'ai de sérieuses inquiétudes à ce sujet et j'invite le législateur à prendre sérieusement mes propositions en considération. Notre objectif devrait être de produire un texte de loi éclairé, qui offre aux parents la possibilité de résoudre leurs différends de la manière la moins destructrice possible. Mon expérience au cours des 15 dernières années, conjuguée à l'examen d'études de plus en plus nombreuses, corrobore les propositions que je vous ai présentées.

Dans mon dernier ouvrage, Family Mediation: Contemporary Issues, je fais le point sur 72 rapports d'études empiriques; or, j'ai pu constater que, dans la quasi-totalité des cas, les auteurs recommandaient la médiation plutôt que le recours à la justice. Les données empiriques sont parfaitement claires. L'un des problèmes qui est aujourd'hui résolu est celui qui consistait autrefois à envoyer tout le monde en médiation. Chaque fois qu'un couple envisageait de se séparer, on lui recommandait la médiation. Les recherches nous ont appris que ce n'était pas une bonne méthode et c'est pourquoi nous avons formulé un modèle de médiation à tendance féministe, de façon à pouvoir décider dès le départ de ne pas recommander la médiation dans les cas où l'épouse femme risque d'être désavantagée et aurait besoin d'être habilitée, ou dans les cas où il y a eu agression ou violence. Dans de telles circonstances, nous recommandons plutôt des services-conseils. Nous recommandons aux couples de se prévaloir des services existant dans la collectivité, étant bien entendu que nous ne voudrions pas que ces gens en arrivent à des ententes qui n'auraient aucune chance de succès. Merci.

Le coprésident (M. Gallaway): Merci. Je donne maintenant la parole au professeur Bailey.

Mme Martha Bailey (Faculté de droit, Université Queen's): Le professeur Irving vient d'aborder un large éventail des questions dont vous êtes saisis. En ce qui me concerne, mon témoignage portera uniquement sur la médiation et sur son rôle dans la résolution des problèmes de garde et d'accès aux enfants. De tous vos témoins d'aujourd'hui, je crois être la seule qui ne soit pas médiatrice. J'enseigne à la Faculté de droit de l'Université Queen's. Ma spécialité est le droit de la famille et j'ai publié des recherches sur la médiation familiale. En outre, j'ai voyagé dans plusieurs pays pour examiner leurs programmes de médiation et j'ai discuté avec les médiateurs locaux. C'est l'une des raisons pour lesquelles je souhaitais m'adresser aujourd'hui à votre comité. Je suppose également que l'autre raison pour laquelle j'ai été invitée est que vous souhaitez discuter des limites de la médiation. Étant donné que mes collègues vous présenteront probablement les avantages de cette méthode, je m'efforcerai quant à moi de replacer la médiation dans le contexte des autres méthodes disponibles, ce qui m'amènera à évoquer les limites de la médiation.

La médiation est un mécanisme de résolution des conflits par lequel les parties tentent de négocier un règlement avec l'aide d'une tierce partie appelée un médiateur. Voilà une description très générique de la médiation, et je crois qu'il importe de souligner dès le départ que la médiation n'a pas le même sens pour tout le monde.

Il n'existe pas de processus ou de style normalisé de médiation, et différents médiateurs font des choses différentes. Comme vous le savez, il existe de la médiation privée, il existe des programmes de médiation financés par les gouvernements, et il existe des programmes de médiation financés par le gouvernement mais reliés aux tribunaux, par exemple au tribunal de la famille de Kingston, où j'habite. La médiation n'est pas une profession réglementée ou licenciée comme peuvent l'être le droit et la médecine; il n'existe pas de normes en matière de médiation ni en matière de pratiques des médiateurs.

Je tiens à souligner dès le départ que la médiation n'est que l'un de plusieurs mécanismes de résolution des conflits relatifs à la garde et à l'accès aux enfants, comme la négociation, l'arbitrage et le recours à la justice. La plupart des différends relatifs à la garde des enfants et à l'accès sont réglés par la négociation, certains le sont par la médiation, et un petit nombre le sont par l'arbitrage ou par les tribunaux.

En plus de ces mécanismes de règlement des différends, il ne faut pas oublier qu'il existe d'autres mesures pour faciliter la recherche de solutions. Par exemple, on peut faire appel à un expert, comme un psychologue, un psychiatre, un travailleur social ou un autre type de professionnel spécialisé dans les questions de garde et d'accès. Bien souvent, l'intervention d'un tel expert peut amener les parties à régler leur différend conformément aux recommandations qui leur sont faites.

Le professeur Irving a mentionné un autre exemple de mesure souvent susceptible de produire un règlement: les programmes d'éducation des parents. Comme il l'a dit, ces programmes sont offerts dans diverses collectivités et ils peuvent contribuer à des règlements correspondant aux besoins et intérêts des enfants. À mon avis, ces programmes sont prometteurs. Comme ils sont encore récents, on commence à peine à en voir certaines évaluations mais j'estime comme le professeur Irving que ce sont des mécanismes que l'on devrait adopter plus souvent.

À mes yeux, la médiation est un mécanisme utile de résolution des différends que peuvent avoir de nombreux parents en matière de garde et d'accès, mais ce n'est pas le seul qui soit disponible, et il n'est pas utile dans tous les cas.

Comme le professeur Irving, j'estime que la médiation ne doit pas être obligatoire. Elle l'est dans certaines juridictions mais ce n'est pas quelque chose que je serais prête à recommander. La médiation n'est ni utile ni adéquate dans certaines situations. Tout d'abord, elle ne l'est pas lorsque les parties n'en veulent pas. La juge Rosalie Abella avait dit que la médiation, malgré son utilité, ne devrait pas être obligatoire parce que la négociation exige que l'une des parties accepte volontairement le risque de se laisser convaincre de réduire ses exigences et d'accepter moins que ce qu'elle souhaitait. Or, si l'une des parties n'est pas prête à engager librement la discussion, il est difficile de voir comment une entente serait possible.

Je crois qu'il est utile de faire savoir aux parties que des services de médiation existent, et de leur communiquer les avantages et inconvénients de ce mécanisme, ainsi que des autres mécanismes de résolution des différends.

Je recommande que l'on donne cette information aux parties ayant un différend en matière de garde et d'accès afin qu'elles puissent faire un choix éclairé à ce sujet. Si elles ne souhaitent pas participer à une médiation après avoir été informées, elles ne devraient pas être obligées de le faire.

La médiation n'est pas adéquate non plus lorsque les deux parties n'en ont pas besoin parce qu'elles sont parfaitement capables de régler elles-mêmes leur différend. Aujourd'hui, bien des parties sont parfaitement capables de négocier leur propre solution. Avec le soutien complémentaire des programmes d'éducation des parents, qui permettent de donner des renseignements standard sur les normes juridiques et sur les conséquences des différentes dispositions relatives à la garde et à l'accès, bien d'autres parties seront en mesure de négocier elles- mêmes leur propre solution.

Il existe aussi de nombreuses parties qui n'ont pas besoin du niveau d'intervention supérieur que représente la médiation. Comme elles sont parfaitement capables de régler leur différend dans le meilleur intérêt de leurs enfants avec un niveau d'intervention inférieur, la médiation ne saurait leur être utile.

Un autre cas où la médiation n'est pas adéquate est celui où il existe un profond déséquilibre entre les parties du point de vue du pouvoir de négociation. Dans un tel cas, il serait difficile à la partie la plus faible de négocier une entente équitable sans l'aide d'un avocat. De fait, bon nombre de médiateurs font participer les avocats au processus de médiation. Si tel est le cas, et si les parties estiment que leurs intérêts sont bien protégés, elles peuvent évidemment s'engager dans le processus de médiation, mais je ne voudrais pas que l'on oblige quiconque à s'engager dans la médiation si de telles préoccupations existent.

En règle générale, la médiation n'est pas non plus indiquée dans les cas de violence. En effet, ces cas se caractérisent généralement par un pouvoir de négociation inégal, et il existe toujours un risque de violence supplémentaire pendant le processus de médiation. Certes, on peut adopter des mesures de sauvegarde qui peuvent être satisfaisantes pour la victime, auquel cas celle-ci peut être prête à accepter la médiation. Si tel est le cas, je ne dirais certainement pas qu'il faut interdire la médiation mais, encore une fois, il ne faudrait certainement pas l'imposer.

La médiation n'est pas non plus indiquée lorsque les chances de règlement sont quasi inexistantes, et que l'une des parties veut y avoir recours simplement pour temporiser. Je discutais hier à Toronto avec un ami qui s'occupe précisément d'une telle situation à l'heure actuelle. Il craint que l'une des parties n'ait demandé la médiation que dans le seul but de faire traîner les choses, étant donné qu'il semble que les parties ont très peu de chance de parvenir à une entente.

Cela dit, la médiation est un mécanisme utile de résolution des différends. Elle peut aider les parties à trouver une entente correspondant aux meilleurs intérêts de l'enfant. Je partage donc la recommandation du professeur Irving voulant que des services de médiation soient offerts par tous les tribunaux de la famille. Toutefois, la médiation n'est pas le seul processus envisageable. Il en existe d'autres qui se prêtent mieux à certaines circonstances et il ne faudrait certainement pas les négliger. La médiation devrait être disponible mais pas obligatoire. La médiation devrait être purement volontaire et il ne faudrait pas en fausser l'esprit en la rendant obligatoire.

Je tiens à dire aussi que la médiation ne saurait remplacer la représentation juridique ou les conseils d'un avocat. Le rôle du médiateur n'est pas de conseiller une partie plutôt que l'autre, et ses services ne sont pas là pour remplacer l'aide juridique, par exemple.

La médiation peut aider certaines familles à trouver une meilleure entente qui donne satisfaction aux deux parties et qui protège les intérêts des enfants. On prétend souvent que la médiation permet de réduire les coûts mais je crois que c'est là un argument qu'il faudrait examiner de très près. Dans certains cas, il n'est pas justifié. Si l'on envisage la médiation des différends relatifs à la garde et à l'accès dans le seul but d'économiser de l'argent, on risque d'être déçu. Comme le disait Gwynn Davis en septembre dernier lors d'un débat sur le nouveau mécanisme de médiation mis en place en Grande-Bretagne et financé par l'État, économiser de l'argent n'est probablement pas un facteur pertinent étant donné qu'il est peu probable que l'on puisse réaliser des économies mesurables. Je crois que cette remarque vaut également dans le contexte canadien.

La dernière chose que je voudrais dire est que la médiation n'est pas conçue pour éliminer la peine et les problèmes que peuvent connaître les enfants à cause du divorce de leurs parents, et qu'elle ne saurait y parvenir. Je ne connais aucun médiateur qui le prétende, mais je ne pense pas que l'on puisse exagérer l'importance d'un mécanisme de résolution des différends pour atténuer dans une certaine mesure les problèmes causés aux enfants par le divorce. Ces problèmes et cette douleur continueront quel que soit le mécanisme de résolution utilisé. La médiation peut les atténuer dans certains cas, ce dont tout le monde se réjouit, mais elle ne peut les éliminer.

Mme Barbara Landau (témoigne à titre personnel): Je vais d'abord vous dire brièvement qui je suis, après avoir remercié les témoins qui m'ont précédée non seulement pour la clarté de leur exposé mais aussi pour l'excellence de leurs idées. Vous m'entendrez probablement répéter certaines de leurs affirmations mais je ne pense pas que ce sera inutile parce que cela vous indiquera dans quels domaines nous sommes d'accord.

Je suis psychologue, avocate en droit de la famille et médiatrice. Je suis présidente de mon cabinet de médiation, Cooperative Solutions, ce qui vous indique que je consacre la plupart de mon temps à la médiation. Dans les années 1970, j'étais psychologue principale à la Clinique de droit familial. J'ai ensuite fait des études de droit et j'ai obtenu ma maîtrise sur la réforme du droit des enfants. En 25 ans, je me suis occupée de médiation dans des centaines de cas de rupture familiale et j'ai effectué des centaines d'évaluations de garde des enfants. Je me suis occupée de médiation dans le cadre de conflits touchant parfois plusieurs générations, lorsqu'il y avait des problèmes concernant des grands-parents, et j'ai aussi appliqué le processus de médiation dans des affaires de jeunes contrevenants et de bien-être de l'enfance.

Je suis ex-présidente de l'Association ontarienne de médiation familiale, et j'ai fait partie du conseil d'administration de nombreuses organisations. Je ne vous ennuierai pas avec les détails. J'enseigne la médiation familiale depuis une quinzaine d'années. J'enseigne la médiation familiale de base et avancée, ainsi que la médiation générique, et j'ai donné ce type d'enseignement dans plusieurs pays. Comme je vous ai donné une brève biographie, je n'ajoute rien à ce sujet.

Je suis moi aussi très heureuse d'avoir l'occasion de faire des observations sur les modifications que l'on pourrait apporter à la Loi sur le divorce, l'une des mesures législatives les plus importantes pour les familles en période de crise. Nous sommes tous membres d'une famille et, comme le tiers ou la moitié des premiers mariages, et un pourcentage encore plus élevé des seconds, risquent d'aboutir à un divorce, et puisque les enfants de divorce sont plus susceptibles de divorcer eux-mêmes ou de ne jamais se marier, cette question mérite qu'on l'examine de très près.

Le thème de la séance d'aujourd'hui est le processus à suivre lorsque les couples divorcent. Je vous ai adressé un mémoire de portée plus générale mais je limiterai mes remarques d'aujourd'hui au processus.

Il est utile de replacer cette question dans son contexte psychologique. Sur l'échelle du stress, le divorce vient habituellement au deuxième rang, juste après la mort du conjoint. D'après mon expérience, cependant, le divorce devrait être classé au premier rang parce qu'il y a dans notre société de nombreux rites de guérison après un décès. Nous honorons les personnes qui décèdent et la famille, les amis et les voisins se rallient autour des survivants. En cas de divorce, par contre, il n'y a pas de rites de guérison. Au contraire, on déshonore les parties en les poussant dans un processus de confrontation qui oblige les couples à faire des déclarations sous serment qui humilient publiquement l'autre conjoint. Les membres de la famille, les amis et les voisins sont poussés à prendre parti pour l'un ou l'autre, ce qui cause des divisions permanentes, et les enfants sont traités comme des objets rares qu'on doit répartir comme des biens matériels. Étant donné que le processus contradictoire accroît les tensions, mine la confiance et décourage toute communication constructive entre les parents, ce n'est manifestement pas le processus de premier choix, surtout lorsqu'il y a de jeunes enfants.

À mon avis, le premier avantage de la médiation est qu'elle offre la possibilité de réparer des relations qui devront continuer dans un certain esprit de coopération et de respect mutuel, ou en tout cas d'y causer le minimum de dommage. Dans la plupart des cas, cela correspond beaucoup plus à l'objectif des familles que le modèle contradictoire. L'argument peut-être le plus fort en faveur de la médiation des différends familiaux est que la séparation et le divorce ne sont pas, au premier chef, des questions d'ordre juridique, en tout cas pour les parties concernées. Pour elles, en effet, la rupture de la famille est avant tout une question de perte de dignité, de perte de confiance, de trouble émotif et de peur économique. Pour les enfants, c'est une question de perte de sécurité, de perte de stabilité, d'éloignement et de peur pour l'avenir. Certes, il faut une structure juridique et des recours pour établir des lignes directrices et assurer le respect des décisions, mais il est clair que la meilleure solution pour l'adaptation à long terme de tous les membres de la famille est une entente, c'est-à-dire un plan parental et un règlement financier que les deux parents jugent équitable et réaliste et qui réponde aux besoins émotifs, sociaux et économiques des enfants. Mon expérience de plus de 25 ans, confirmée par de nombreuses études, est que c'est lorsque ces ententes sont établies dans un contexte de médiation qu'elles ont le plus chance d'être appliquées.

Du point de vue historique, les changements apportés en 1985 à la Loi sur le divorce constituent une base importante pour envisager d'autres modifications en 1998. Le but visé par le législateur en 1985 était de mettre l'accent sur l'intérêt des enfants, d'inciter les deux parents à participer aux responsabilités envers les enfants, et d'offrir aux familles un processus moins contradictoire, la médiation, pour résoudre les différends. En vertu de la loi de 1985, les avocats sont tenus d'informer leurs clients sur l'existence de la médiation pour résoudre les questions de garde et d'accès, ainsi que les différends financiers, mais il faut bien dire que le respect de cette exigence laisse beaucoup à désirer.

Je tiens à dire en passant que, lorsque je faisais mes études de droit, il y a 20 ans, j'ai appris que le divorce faisait partie du droit civil. Mon expérience m'a cependant montré qu'il n'y a strictement rien de civil dans le divorce. Le défi que vous devez relever consiste donc à faire en sorte que le divorce soit effectivement quelque chose de civil.

Bien que certains des objectifs que j'ai mentionnés aient été atteints, il convient aujourd'hui de revoir la législation canadienne si l'on veut s'attaquer aux problèmes identifiés dans les études consacrées au divorce, en nous inspirant de la tendance croissante de nombreux pays à mieux protéger les enfants. Je vous propose donc, et c'est un aspect fondamental de mes recommandations, un changement fondamental de philosophie dans le but de nous placer du point de vue des enfants dans le cadre du divorce. Autrement dit, plutôt que de nous intéresser à ce que chaque parent espère gagner, nous devrions mettre l'accent sur ce que chaque parent a à offrir aux enfants, c'est- à-dire sur les responsabilités particulières des parents.

Deux grandes méthodes peuvent être envisagées pour effectuer cette réorientation philosophique. La première concerne les programmes obligatoires d'éducation des parents, sur lesquels je crois pouvoir dire que nous sommes tous d'accord. C'est en tout cas ce que je suppose. La deuxième est la médiation, pour les couples qui pourraient en bénéficier. Je vais traiter de chaque méthode séparément, et j'indiquerai ensuite quand la médiation est indiquée et quand elle ne l'est pas. Certes, il est difficile de donner beaucoup de détails dans un bref exposé mais je serais très heureuse de répondre à vos questions.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'éducation des parents, je crois qu'elle devrait être obligatoire au début de la procédure de divorce. Cela pourrait en effet préparer les parents à choisir une procédure en connaissance de cause, par exemple la médiation. Les programmes d'éducation des parents offrent la possibilité de prévenir certains dommages psychologiques que pourraient subir les enfants suite au divorce. Ces programmes ont fait leurs preuves dans plus de 40 juridictions des États-Unis, et ils existent déjà en Alberta et au Manitoba. On commence à en mettre en oeuvre en Ontario, au Québec, en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick.

En ce qui concerne les programmes d'éducation des parents, je recommande que tous les couples ayant des enfants de moins de 18 ans et qui ne parviennent pas à s'entendre sur les dispositions parentales soient tenus d'assister à deux séances d'éducation à deux dates différentes, le plus tôt possible, par exemple 30 et 45 jours après avoir formulé une demande de divorce, ou même plus tôt si possible. L'objectif serait qu'ils suivent de tels programmes avant de devenir des adversaires. Il pourrait y avoir des exceptions dans les cas d'urgence ou dans les cas d'abus ou de négligence.

La première session devrait servir à donner des informations sur le droit de la famille et sur les divers mécanismes de résolution des différends. Il faut que les gens soient des consommateurs avertis. Cette session serait également utile pour les couples sans enfants ou ayant des enfants plus âgés, simplement pour leur faire connaître leurs options.

La deuxième session devrait être consacrée à l'incidence sur les parents et les enfants de la séparation et du divorce, aux compétences en communication, et à des idées constructives sur les responsabilités parentales après le divorce. Elle permettrait d'informer les parents sur le processus de médiation et sur les plans parentaux. Cette deuxième session pourrait aussi être utile pour les couples n'ayant pas de différends en ce qui concerne les enfants, ces couples pouvant être encouragés à y assister volontairement. Le fait qu'il n'y ait pas de différends au sujet des enfants ne garantit pas que les parents soient conscients de l'incidence du divorce sur les enfants ou des méthodes susceptibles d'atténuer les dommages émotifs.

Pour ces sessions, les couples devraient être répartis en couples ayant de nombreux conflits et couples ayant peu de conflits, surtout pour la deuxième session. Ces deux catégories de couples ne devraient pas assister aux sessions ensemble et devraient recevoir des renseignements quelque peu différents, du fait de leur situation différente. Cela s'est déjà fait avec succès au Manitoba et au Massachusetts, et c'est envisagé en Colombie-Britannique et au Nouveau- Brunswick. Par exemple, les membres du premier groupe pourraient recevoir des informations sur la façon d'éviter de pérenniser le conflit entre les parents, particulièrement lorsque les enfants risquent d'en être témoins ou qu'il y a un risque de violence contre un adulte ou contre un enfant.

La question de l'aliénation parentale pourrait aussi être abordée, dans l'espoir de prévenir ce problème lorsque la sécurité des enfants n'est pas en jeu. On pourrait aussi traiter de planification de sécurité et de ressources pour prévenir ou réduire la violence. Pour ce groupe, il conviendrait de mieux structurer et de mieux préciser la répartition des responsabilités parentales, afin d'éviter les malentendus, et il conviendrait aussi, si possible, d'effectuer les échanges d'enfants sans contact parental direct. Tout cela concernerait les couples ayant de nombreux conflits.

En ce qui concerne les couples ayant peu de conflits, on pourrait leur donner des informations sur les possibilités de coopération et de partage des responsabilités parentales après le divorce et après la médiation. Pour ce qui est du financement de ces programmes, plusieurs options peuvent être envisagées mais je n'ai pas le temps d'en parler en détail maintenant. Nous pourrons peut- être le faire plus tard.

Pour ce qui est de la médiation, je vais vous dire ce que cela signifie pour moi, à l'intention de ceux et celles qui n'ont pas encore eu le plaisir de participer à un processus de médiation. La médiation familiale est un processus dans lequel on fait appel à une tierce partie objective pour aider les membres du couple à trouver volontairement une entente qu'ils jugent équitable et qui réponde à leurs besoins. À la différence d'un juge ou d'un arbitre, un médiateur ne prend pas de décisions pour les parties. Il se contente d'utiliser ses compétences en communications pour faciliter la négociation entre les membres de la famille. Le but est de trouver un résultat gagnant-gagnant, surtout pour les enfants, plutôt qu'un résultat gagnant-perdant, ce qui est l'aboutissement caractéristique des poursuites judiciaires et de l'arbitrage.

À mon avis, les couples réceptifs devraient être tenus de rencontrer le médiateur au moins une fois pour voir si ce processus leur serait utile. On pourrait imposer cette exigence - et je partage à ce sujet l'opinion du professeur Bailey - aux parents qui ne peuvent s'entendre sur les responsabilités à l'égard des enfants ou, même s'ils s'entendent, à ceux qui n'y donnent pas suite.

On devrait aussi envisager un mécanisme pour permettre aux enfants plus âgés de demander un réexamen d'un arrangement parental qui ne leur convient pas. Par exemple, si un parent ne respecte pas ses droits de visite ou si les modalités acceptées par les parents ne conviennent pas à un enfant plus âgé, celui-ci devrait avoir la possibilité d'engager un processus de médiation.

Je voudrais dire quelques mots de la violence familiale. Ayant été présidente de comités sur la violence familiale à la fois pour l'Association ontarienne de médiation familiale et pour l'Academy of Family Mediators, qui est une grande organisation internationale basée aux États-Unis, je peux vous dire que c'est un sujet qui m'importe beaucoup. La médiation n'est pas nécessairement adéquate pour tous les couples. Il est donc essentiel de demander à un médiateur compétent d'effectuer un filtrage préalable.

La violence familiale est souvent un facteur, surtout au moment de la séparation. Pour que la médiation soit efficace, il faut que les participants puissent soulever leurs préoccupations et formuler des propositions répondant à leurs besoins, ou à ceux de leurs enfants, sans crainte de représailles. Il faut qu'ils connaissent bien leurs droits et responsabilités et qu'ils sachent qu'ils doivent parvenir à une entente volontaire, c'est-à-dire sans pressions. Il faut que les deux parties comprennent que chacune a des intérêts légitimes et qu'elles aient la conviction que chacune agit de bonne foi. S'il y a eu de la violence dans le couple, ces critères risquent de ne pas être respectés par l'une des parties, voire par les deux. En conséquence, s'il y a eu violence ou s'il y a peur de violence, il devrait y avoir une présomption réfutable contre la médiation, ce qui est la thèse exprimée dans le rapport du Toronto Forum on Women Abuse, que j'ai inclus dans ma documentation, et dans les politiques sur la violence familiale formulées par l'Association ontarienne de médiation familiale et le National Council of Juvenile and Family Court Judges. Cette présomption pourrait être réfutée si les victimes ou survivants de la violence demandent la médiation et si la médiation est offerte de manière spécialisée dans le but d'assurer la sécurité des victimes ou survivants, par un médiateur qui a eu une formation sur les problèmes de violence familiale.

Pour savoir si un couple serait réceptif et si l'un de ses membres est en situation de risque, il serait essentiel de faire une évaluation des deux parties. Dans les cas douteux, on pourrait proposer des options. Cela veut dire que toutes les personnes offrant la médiation, surtout dans le cadre d'un système obligatoire, devraient avoir obtenu une formation spécialisée en matière de violence familiale, de procédures spéciales et d'interruption sécuritaire du processus si l'on constate que celui-ci n'est pas adéquat.

Je souligne que je ne recommande pas ici la médiation obligatoire. Comme le professeur Irving, je pense qu'il devrait y avoir une réunion avec les couples réceptifs pour discuter de cette possibilité.

Je voudrais dire aussi quelques mots des options à la médiation, lorsque celle- ci n'est pas adéquate. Je précise en passant que j'ai inclus dans ma documentation la politique sur la violence élaborée par l'AOMF. Lorsque les couples ont eu leur première réunion avec le médiateur, les sessions suivantes devraient être purement volontaires. En outre, et surtout s'il y a des questions de violence, les clients devraient bénéficier d'une représentation juridique gratuite ou à un tarif réduit, s'il y a lieu. Il faudrait également prévoir des maisons d'accueil ou, de préférence, adopter une loi similaire à celle qui existe au Wisconsin, si je ne me trompe, où l'agresseur est expulsé du foyer familial afin que la femme et les enfants - si c'est la femme qui est victime de violence - puisse y rester.

Il faut aussi prévoir des centres d'accès supervisés, des services de consultation, et des programmes de gestion de la colère et de prévention de la violence, pour les deux parties.

Il faut des programmes de désintoxication, de l'alcool ou des drogues, à l'intention des parents aussi que des enfants de parents divorcés. Lorsque la médiation n'est pas adéquate, il faudrait qu'un professionnel de la santé mentale puisse faire une évaluation des dispositions de garde des enfants, ou on pourrait envisager un processus d'arbitrage.

Je tiens à mentionner aussi les plans de responsabilités parentales, car c'est une question importante. Pour les familles réceptives, la médiation peut être particulièrement utile dans l'élaboration de tels plans qui indiquent comment les parents s'acquitteront de leurs responsabilités respectives, au lieu de se chamailler sur leurs droits. Par exemple, le processus de médiation peut aider les parents à préciser qui emmènera les enfants chez le médecin, chez le dentiste ou pour d'autres rendez-vous, et qui s'occupera d'autres types d'activités, par exemple des fêtes d'anniversaire, au lieu de se battre pour savoir qui a légalement la garde.

Le médiateur encourage les parents à discuter de questions telles que la prise de décisions, les communications et le rôle des membres de la famille élargie, comme les grands-parents, les tantes, les oncles et les cousins. Dans le cadre du processus de médiation, les parents sont encouragés à envisager un processus de règlement des questions potentiellement difficiles qui risquent de se poser à l'avenir, concernant par exemple la mobilité et l'arrivée de nouveaux partenaires. À la différence du système contradictoire qui produit un résultat fixe et immuable, la méthode de l'élaboration des plans de responsabilités parentales encourage les parents à adapter leur arrangement en fonction du développement des enfants.

Il est clair qu'un plan garantissant la stabilité d'un nouveau-né n'a rien à voir avec un plan conçu pour un enfant d'âge scolaire ou pour un adolescent. La médiation est le processus qui permet de communiquer à ce sujet et d'évoluer avec les circonstances. Si le couple parvient à agir avec maturité et dans l'intérêt des enfants, il n'a pas besoin de faire appel à l'appareil judiciaire pour trouver des accommodements raisonnables à terme.

La médiation est utile pour les parents qui sont capables de coopérer mais qui n'ont jamais vécu de séparation et qui ne savent donc pas quelle serait la solution la plus utile pour leurs enfants, ou la moins dommageable. Elle est également utile pour les couples qui sont très émotifs mais qui ne sont pas abusifs - les couples qui doivent subir la douleur de l'atteinte portée à leurs aptitudes parentales et qui ont besoin de l'aide d'une tierce partie pour se concentrer sur les intérêts spécifiques de leurs enfants plutôt que sur les leurs. C'est également un processus qui peut être utile pour éviter l'aliénation parentale.

En outre, la médiation est utile pour les familles marginales qui ont besoin d'aide - ce que j'appelle «le coup de pouce pour passer l'obstacle» - pour identifier les besoins spéciaux de leurs enfants et trouver des ressources communautaires qui les aideront à surmonter des problèmes exacerbés par la séparation ou qui risquent d'être négligés à cause de la séparation. C'est un processus extrêmement efficace du point de vue de la prévention. L'appareil judiciaire se prête beaucoup moins bien à cela. J'affirme que la médiation devrait être entreprise assez tôt dans le processus, par exemple dans les 30 jours suivant les sessions d'éducation des parents, mais je n'insiste pas là- dessus.

Les compétences du médiateur sont également un facteur très important et il devrait y avoir des normes à ce sujet. De fait, il y en a dans la plupart des associations provinciales, et une organisation nationale, Family Mediation Canada, prépare actuellement un processus d'accréditation des médiateurs. Je n'insiste pas là-dessus non plus.

On devrait poursuivre les recherches pour voir si le processus de médiation répond aux besoins du public et, en particulier, des enfants.

En conclusion, mes propositions sont faites dans l'espoir que la Loi sur le divorce sera clairement axée sur les besoins et intérêts des enfants. Pour ce faire, elle devrait exiger la participation à des programmes d'éducation des parents et, dans les cas adéquats, la médiation. L'objectif doit être d'amener les parents à dresser des plans précisant leurs responsabilités respectives et offrant aux enfants un contexte moins dommageable et plus digne en cas de rupture de l'unité familiale.

La coprésidente (sénatrice Pearson): Nos derniers témoins seront Bernice Shaposnick et Philip Shaposnick.

Mme Bernice Shaposnick (témoigne à titre personnel): Je vais vous dire brièvement qui nous sommes. Philip et moi sommes mariés depuis 35 ans. Nous sommes l'un des rares couples de médiateurs qui réussissent à rester en activité en Amérique du Nord. C'est un domaine extrêmement difficile car nous vivons parfois les problèmes mêmes que nous sommes censés aider d'autres personnes à résoudre. Ce n'est pas toujours facile.

Nous nous adressons à vous aujourd'hui pour vous soumettre une liste de questions.

Nous sommes une équipe. Philip est avocat et je suis travailleuse sociale. Au cours des années, nous en sommes arrivés à nous demander pourquoi il y a tant de problèmes dans l'appareil judiciaire. Pourquoi les causes prennent tellement de temps à être réglées? Pourquoi les choses n'avancent-elles pas?

Nous vous posons cette question: lorsqu'un couple fait face à de sérieuses difficultés, pensez-vous qu'il est motivé à agir ou à faire des choix plus par les lois, les droits, les obligations et la logique que par des émotions telles que la colère, la peur, la jalousie, la haine et l'amour? C'est quand nous nous sommes mis à voir les choses sous cet angle que nous avons commencé à comprendre ce qui se passe dans l'appareil judiciaire: il y a beaucoup de choses qui ne sont jamais prises en considération dans un tribunal ou par les avocats, et c'est ce que nous appelons les «non-dits». Or, la médiation est l'une des manières qui permettent d'aborder les non-dits.

Les cas dont nous nous occupons ne sont pas faciles, loin de là. Malheureusement, nous traitons de cas très difficiles, très conflictuels. Dans certains cas, nous réussissons, dans d'autres, nous ne réussissons que partiellement et les parties doivent retourner devant les tribunaux. C'est ce qui nous a amenés à réfléchir aux non-dits. Dans les cours que nous dispensons aux avocats - ce que nous faisons depuis des années - nous nous sommes mis à réfléchir aux questions qui ne sont jamais prises en compte. Nous nous sommes dit: «Si vous ne voulez pas la médiation, vous pouvez aller devant un tribunal mais vous devez prendre conscience de ce qui se passe. Si vous ne savez pas ce qui se passe, vous ferez des erreurs de jugement et vos clients reviendront vous voir. Vous n'obtiendrez jamais de solution définitive.» Nous faisons donc beaucoup d'efforts pour comprendre les facteurs qui ne sont jamais exprimés. C'est donc la première question que nous voulions vous soumettre.

La deuxième est la suivante: les lignes directrices établies en matière de pension alimentaire débouchent-elles sur une baisse de niveau de vie pour certaines familles?

Nous sommes du Québec, où les lignes directrices sont un peu différentes de celles qui s'appliquent au palier fédéral. Cependant, nous avons commencé à constater une différence de niveau de vie et de mode de vie des enfants. Nous nous sommes mis à interroger les juges. Certains nous ont dit: «Nous suivons simplement les lignes directrices.» D'autres nous ont dit: «En matière de garde, nous devons tenir compte de tous les facteurs pertinents.»

Nous avons donc décidé, dans notre travail avec nos clients, de ne pas nous limiter aux lignes directrices. Nous tenons compte de tous les facteurs pertinents - c'est-à-dire des revenus et des dépenses - pour voir d'où vient la différence dans le mode de vie et comment le couple peut y faire face, parce que les lignes directrices ne sont pas suffisantes.

C'est notre deuxième question.

M. Philip Shaposnick (témoigne à titre personnel): Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner. Nous nous sentons un peu comme les deux personnes qui ont déclaré, lors de la remise des Oscars: «En 20 secondes, nous ne pouvons pas remercier tous ceux qui le mériteraient.»

J'aimerais beaucoup débattre des questions dont vous êtes saisis et des recommandations qui vous ont été adressées, mais je voudrais poursuivre sur le thème soulevé par Bernice, c'est-à-dire vous soumettre les questions que vous pourriez vous poser lorsque vous entendrez d'autres témoins.

Bien des gens nous ont dit - bien que nous ne l'ayons pas vu nous-mêmes - que les lois actuelles sont axées avant tout sur les questions d'argent.

Il y a cependant certains cas où, à cause de facteurs culturels, un père qui doit recevoir de l'argent de la mère a beaucoup de réticence à l'accepter. Le problème que cela pose est que cela affecte le niveau de vie des enfants. L'un des problèmes que pose la législation est qu'elle simplifie à l'excès ce que les gens sont censés faire, ou que l'on ne tient pas assez compte du fait que chaque famille est différente. Quand on parle de relations émotives, on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac et traiter tout le monde de la même manière.

Notre souci, à titre de médiateurs, est d'assurer le bien-être des enfants. Généralement, les parents sont trop pris par leurs problèmes émotifs. Chaque divorce suscite de fortes réactions émotives, même lorsqu'il n'y a pas de différend. Lorsqu'il y en a, c'est l'enfer. Et plus le différend est grave, plus c'est l'enfer pour les participants. Et ce sont les enfants qui en paient le prix.

Malheureusement, nous consacrons beaucoup de temps à dispenser à des couples extrêmement conflictuels le genre d'éducation que l'on dispense dans les programmes d'éducation des parents au sujet des responsabilités respectives envers les enfants, facteur qui est souvent perdu de vue dans la tempête émotive.

Envisager le problème simplement du point de vue du droit ou de l'argent est beaucoup trop simpliste. Il faut tenir compte de la qualité de vie des enfants, du mode de vie à la maison et de l'influence des facteurs culturels. C'est un facteur qu'il faut prendre en considération dans le cas, par exemple, des pères qui ne veulent pas accepter d'argent de la mère alors qu'ils pourraient parfaitement accepter une autre forme de contribution parentale. Si l'on définit tout en fonction de l'argent, ce sont les enfants qui risquent d'y perdre. Comment tenir compte de cela du point de vue législatif? Toute loi à ses limites, sur ce plan, et je le sais d'autant mieux que je suis aussi avocat. J'en suis parfaitement conscient.

Le Dr Landau a dit que les avocats devraient signer un certificat disant qu'ils ont informé leurs clients sur la possibilité de médiation. Mme Shaposnick et moi-même avons dispensé le cours de base sur la médiation à plus d'un millier d'avocats. Chaque fois, nous leur demandons de définir la médiation. Or, même si je parle ici d'avocats qui ont signé beaucoup de ces certificats, un grand nombre sont incapables de définir vraiment la médiation. C'est extrêmement troublant.

Je sais aussi, par expérience, que beaucoup d'avocats disent à leurs clients: «Vous savez que vous pouvez avoir accès à la médiation et à une consultation familiale, mais nous sommes d'accord, vous et moi, pour dire que cela ne se prête pas à votre cas.» Ensuite, ils signent le certificat disant qu'ils ont informé leurs clients sur la médiation. Et c'est parfaitement légal.

Si des pères ont le désir, le temps et les ressources nécessaires pour s'occuper de leurs enfants pendant de plus longues périodes de temps, n'est-il pas vrai que certains ne peuvent pas le faire à cause d'idées préconçues sur les rôles respectifs de la mère et du père? Nous nous inquiétons des dangers qu'il y a à essayer de modifier la culture et de modifier le rôle traditionnel des femmes, ainsi que le rôle des hommes.

Beaucoup de jeunes hommes sont des parents. Le problème que nous prévoyons, si l'on crée des présomptions dans un sens ou dans l'autre, c'est que l'on va probablement créer des problèmes parce qu'on aura présumé qu'une présomption peut être faite. Ce que nous disons, c'est que chaque famille doit être envisagée comme un cas distinct et sans présumer qu'elle peut changer.

S'il est vrai que je présumais autrefois que ma mère resterait au foyer, je ne présume pas aujourd'hui que ma belle-fille fera la même chose. De fait, ma belle-fille, ma fille et mon fils sont tous des avocats. Je suis sur le point d'avoir un petit-fils et je ne sais pas qui s'en occupera à la maison. Je sais cependant que le couple devra décider. Mes présomptions ne valent plus rien aujourd'hui. Si on légifère en fonction de présomptions, on risque de ne pas pouvoir réagir assez vite aux changements culturels.

Ce qu'il faut considérer avant tout, selon nous, c'est que les besoins des enfants ont changé. Ils changeront à mesure qu'ils grandiront et selon qu'il s'agit d'un garçon ou d'une fille.

Un garçon adolescent a besoin d'établir un lien solide avec un modèle masculin, de préférence son père. Est-ce la même chose pour un enfant d'un an ou de six mois, garçon ou fille? Je pose la question au Dr Landau. Notre expérience nous a montré que les besoins sont très différents et qu'ils changent au cours des années.

Ce qui est important, quand on parle de garde et d'accès, c'est de bien comprendre les besoins auxquels on tente de répondre. S'agit-il des besoins des parents ou des besoins des enfants?

Je voudrais attirer votre attention sur un ouvrage intitulé The Custody Revolution, du Dr Warshak. Il affirme que la garde n'a rien à voir avec le sexe des parents. Selon lui, il peut y avoir plusieurs mauvaises raisons d'essayer d'obtenir la garde: obtenir une meilleure entente financière; éviter de payer une pension alimentaire; obliger l'autre conjoint à préserver le mariage; avoir plus de contacts avec l'autre conjoint après le divorce; punir l'autre conjoint; prouver sa valeur au monde; atténuer la culpabilité au sujet du divorce; échapper à la solitude.

Nous nous occupons actuellement d'un cas où la mère a accepté de céder la garde au père parce qu'elle pense que c'est dans l'intérêt des enfants. Comme il y a trop de conflits entre les parents, elle pense que les enfants seront mieux avec le père et qu'ils pourront la voir quand ils le voudront. Par contre, elle ne veut pas renoncer au chien. Je soupçonne que cela a à voir avec la dernière raison que je viens de mentionner. Tous les membres de la famille aiment le chien et il n'y a pas de possibilité d'arbitrage. On ne peut pas couper le chien en deux. Je l'avais suggéré mais je n'ai pas eu de réponse positive.

La dernière question que j'aimerais poser est celle-ci: la médiation peut-elle avoir un effet thérapeutique même s'il ne s'agit pas d'une thérapie? Je voudrais préciser le sens de ma question par un exemple concret qui ne prendra pas longtemps.

Des parents en situation de conflit extrême arrivent à notre bureau pour leur première séance de médiation. Dès le début de la discussion, nous apprenons qu'un fils de neuf ans, que nous appellerons Jimmy, témoigne de comportements très rituels. Selon le médecin, il souffre de névrose obsessionnelle. D'autres personnes affirment que cela témoigne simplement du stress de ce divorce très conflictuel. L'enfant se lave les mains 100 fois par jour et il refuse de toucher les personnes qu'il aime. Il désire beaucoup toucher ses professeurs mais il refuse de toucher ses parents ou ses frères et soeurs parce qu'il a l'impression qu'il va les contaminer.

Au début de la médiation, la thérapeute de l'équipe s'efforce de sensibiliser les parents à la probabilité que le petit garçon est en train d'intérioriser une bonne partie du blâme et de la responsabilité du divorce, ce qui est une réaction assez fréquente chez les enfants de cet âge.

Ce soir-là, le père devait emmener les enfants au restaurant. Nous lui avons recommandé d'emmener les enfants chez lui et, en présence de la mère, de leur dire que les parents s'étaient entendus pour essayer de parvenir à un accord, par la médiation, sur la manière de mettre fin au mariage. De dire aux enfants que les parents s'étaient entendus pour ne plus être mari et femme mais pour rester parents. De leur dire qu'ils resteraient présents pour leurs enfants.

Les parents se sont entendus pour que les enfants voient souvent le père et ils se sont entendus aussi pour demander l'aide des enfants afin d'établir un programme, puisque l'adolescent causait beaucoup de difficultés en ne respectant pas le programme établi, ce qui causait beaucoup de conflits entre les parents. Nous avons demandé aux parents de dire au petit garçon qu'ils s'étaient entendus pour qu'il voie le père une fin de semaine sur deux et que, s'il voulait changer ce programme, il devrait s'entendre avec son père et que c'est le père qui en informerait la mère. Nous avons ensuite recommandé aux parents de ne plus discuter de cette question avec les enfants, étant donné les conflits existant entre le couple, mais qu'ils donnent ces informations aux enfants.

Au cours de la session suivante, le père nous a dit qu'il avait dit aux enfants dans la voiture, en revenant du restaurant, qu'il s'était entendu avec la mère et que tout le monde allait donc retourner à la maison pour discuter des arrangements avec la mère. Il a ajouté qu'il a immédiatement vu disparaître les symptômes de comportements rituels du petit garçon, et nous ne les avons pas vu réapparaître.

Je n'affirme pas que le petit garçon a été guéri mais j'estime que la médiation, plutôt qu'une approche contradictoire entre les deux parents, a eu un effet beaucoup plus spectaculaire sur le comportement et le bien-être des enfants. Si quelqu'un se pose des questions au sujet de l'intérêt de la médiation, je pense que cet exemple fournit la réponse.

Au Québec, une session d'information est obligatoire. Pas une session de médiation mais uniquement d'information, et les parents ne sont pas obligés d'y assister ensemble. Après la session d'information, s'ils ne veulent pas entrer en médiation, ils n'y sont pas obligés. S'ils commencent et qu'ils veulent arrêter, ils le peuvent. Par contre, s'ils ne participent pas à la session d'information sans raisons valables pouvant être exposées au juge, ils risquent d'être pénalisés en étant obligés de payer les frais.

Le système d'accréditation du Québec est unique, à mon avis, en Amérique du Nord. Le Québec a adopté une loi sur l'accréditation des médiateurs familiaux. On ne peut devenir médiateur que si l'on fait partie de l'une de cinq professions: avocats, notaires, c'est-à-dire essentiellement des avocats du secteur immobilier, procureurs, psychologues ou travailleurs sociaux et conseillers. Un programme a été mis sur pied pour obtenir l'accréditation. Après avoir suivi le programme, on doit être supervisé dans 10 causes par un superviseur chevronné. Bernice est superviseure.

Pour ma part, j'ai choisi de ne pas superviser parce que, comme avocat, je n'ai jamais été supervisé. Je crois que je ne comprends pas bien la supervision, et je ne pense pas non plus comprendre aussi bien que Bernice les «non-dits». Comme elle travaille essentiellement avec des avocats, nous pensons qu'elle peut jouer un rôle plus efficace du point de vue de la supervision. Quoi qu'il en soit, il y a un système d'accréditation des médiateurs et on limite la pratique au secteur familial, où il est tellement crucial d'avoir non seulement une formation juridique mais aussi d'être capable de traiter des aspects émotifs et sociaux du divorce.

Le sénateur Jessiman: Je voudrais parler des règlements ou lois concernant les médiateurs. Y a-t-il une loi provinciale, et y en a-t-il une dans chaque province?

M. Shaposnick: À ma connaissance, le Québec est la seule province à avoir légiféré dans ce domaine. C'est même la seule juridiction en Amérique du Nord, mais on peut me corriger si je me trompe.

M. Irving: Family Mediation Canada a reçu une subvention de 150 000 $ du ministère de la Justice du Canada pour établir des normes et un processus d'accréditation, et le travail a commencé.

Le sénateur Jessiman: Le système s'appliquerait-il à toutes les provinces?

M. Irving: Oui, il s'appliquerait dans tout le pays.

Mme Landau: La plupart des provinces ont établi des normes mais elles n'ont pas de processus d'accréditation. Elles exigent un minimum de formation professionnelle et le respect d'un code de conduite. Elles exigent un certain nombre d'heures de supervision et elles examinent un certain nombre d'ententes de médiation pour veiller à ce qu'elles respectent certaines normes. Il y a donc un certain nombre de procédures et nous essayons actuellement de resserrer les normes et d'obtenir un mécanisme d'accréditation des médiateurs. C'est difficile parce que la médiation est une aptitude. Ce n'est pas seulement un ensemble de connaissances. Il ne suffit pas de répondre à quelques questions d'examen pour devenir médiateur.

M. Shaposnick: La différence, au Québec, est qu'il y a une loi. Aux États-Unis, il y a l'Academy of Family Mediators qui s'occupe d'accréditation depuis longtemps, depuis plus de 10 ans.

Mme Landau: La plupart des provinces se sont inspirées de l'Academy of Family Mediators pour établir leurs normes. C'est un processus volontaire mais on ne peut pas devenir médiateur accrédité par l'organisation si l'on ne respecte pas ses normes.

M. Shaposnick: Vous devez bien comprendre que cela s'applique seulement à Family Mediation Canada. Dans les autres provinces, un chiropraticien, un comptable ou qui que ce soit - même un boucher - peut faire de la médiation sans aucun contrôle.

Le sénateur Jessiman: Si je voulais engager quelqu'un qui se dit être médiateur, y a-t-il une organisation quelconque à laquelle je pourrais m'adresser pour vérifier que cette personne respecte certaines normes?

Mme Landau: Oui, car Family Mediation Canada tient un registre de médiateurs qui ont atteint les normes.

Le sénateur Jessiman: Par contre, le fait qu'il y ait une association et un registre n'empêche pas d'autres personnes de pratiquer la médiation?

Mme Landau: C'est vrai.

Le sénateur Jessiman: Monsieur Irving, vous êtes de Toronto. Si je comprends bien, l'Ontario n'a pas encore établi ses propres lignes directrices?

M. Irving: Si, il y a des lignes directrices.

Le sénateur Jessiman: Les lignes directrices fédérales?

M. Irving: Oui.

Le sénateur Jessiman: Je suis sûr que vous les connaissez bien. Vos deux premières recommandations ne tiennent certainement pas compte du partage des revenus. Comme vous le savez, les lignes directrices établissent que, si vous gagnez, vous obtenez la garde. Elles précisent ensuite que les tribunaux doivent tenir compte du revenu du parent qui n'a pas obtenu la garde, et c'est tout. Comme c'est généralement le père, il doit payer une certaine somme.

Je sais que les lignes directrices du Québec sont différentes. Je ne suis pas sûr de bien comprendre les lignes directrices fédérales mais je suppose qu'elles sont très similaires à celles du Québec. Quoi qu'il en soit, des parents n'ayant pas obtenu la garde de leurs enfants m'ont écrit pour me dire qu'ils ne comprennent pas pourquoi on ne tient pas compte des deux revenus. Votre recommandation est-elle que le partage devrait être proportionnel aux revenus nets respectifs?

M. Irving: C'est ce que nous avions avec la formule de Paris.

Le sénateur Jessiman: Vous êtes d'accord avec cela. Recommandez-vous que l'on retourne à cette formule?

M. Irving: Des lignes directrices peuvent être efficaces mais, dans le système actuel, si vous êtes le parent qui n'a pas la garde et que vous voyez votre enfant 40 p. 100 du temps, il y a partage du revenu.

Le sénateur Jessiman: J'ai eu quelque chose à voir avec cela, comme le sénateur Cools.

M. Irving: Vous pouvez imaginer ce qui en résulte. La lutte se fait non pas dans l'intérêt de l'enfant mais dans un intérêt économique.

Le sénateur Jessiman: Laissez-moi vous expliquer l'origine de tout cela.

Dans la dernière proposition qui avait été faite, il fallait, pour que l'on tienne compte d'une manière quelconque du parent qui n'a pas la garde, que celui-ci passe au moins la moitié des nuits avec les enfants. Cela veut dire que ce parent pouvait passer 100 p. 100 du temps avec les enfants pendant la journée et ramener les enfants chez eux tous les soirs, ce qui veut dire qu'il se serait occupé des enfants 100 p. 100 du temps puisqu'on ne considère pas que le temps de sommeil était un temps d'activité parentale. Voilà d'où vient la règle des 40 p. 100.

Certaines personnes ont dit que cela a au moins encouragé certains pères à voir leurs enfants plus souvent. Je connais une personne professionnelle qui s'occupait de ses enfants trois jours et trois nuits par semaine, alors que le parent qui en avait la garde les avait quatre nuits par semaine. Un bref calcul a montré que cela faisait plus de 40 p. 100, ce qui convenait aux deux parents et aux enfants.

M. Irving: Si le parent qui a la garde est en colère contre l'autre, cela peut l'inciter à faire en sorte que l'autre parent voie les enfants moins de 40 p. 100 du temps. Mon seul argument est qu'il n'y a pas lieu d'établir une règle financière de cette nature dans le contexte des responsabilités parentales.

Le sénateur Jessiman: Votre recommandation, que j'appuie, est qu'il y ait un partage. Après le divorce, la situation n'est plus la même que pendant le mariage. Aujourd'hui, les pères changent les couches et s'occupent des enfants. Ils assument autant de responsabilités parentales que les mères. Généralement, les deux travaillent et les deux partagent.

M. Irving: Je suis d'accord avec ça. Je crois cependant qu'il faut revoir tout le concept. Par exemple, j'estime qu'il y a un lien parental réel, ou un pacte parental, si je puis utiliser ce mot, qu'il ne faut pas briser à la légère. Quand on parle de «garde» des enfants, on sous-entend une certaine notion de propriété envers l'enfant.

Personne ne possède les enfants. Nous ne voulons pas posséder les enfants. Cependant, sous sa forme actuelle, la loi oblige les gens à accepter ce scénario gagnant-perdant.

Le sénateur Jessiman: Quelqu'un parlait d'une fin de semaine sur deux. Que se passe-t-il si c'est deux soirs par semaine ou deux jours par semaine, et une fin de semaine complète sur deux? C'est vraiment une tâche parentale. Les enfants ont leur propre chambre. Ils ne passent pas la nuit le mardi et le jeudi mais ils sont simplement ramenés chez eux et ils vont se coucher. Est-ce un partage équitable des responsabilités?

M. Irving: Je ne pense pas qu'il faut envisager les choses sous cet angle de parent principal. La notion me gêne beaucoup. Bon nombre de pères et de mères ont décidé au moment de leur mariage, avant même d'avoir des enfants, que l'un serait le parent qui resterait à la maison et que l'autre occuperait un emploi à l'extérieur de la maison. C'était une décision mutuelle.

Le sénateur Jessiman: C'était comme cela à mon époque mais je peux vous dire que ce n'est plus comme cela aujourd'hui, si j'en juge d'après mes enfants.

M. Irving: Ce qui est important, c'est qu'une décision est prise par les parents. Est-il juste de punir un parent parce qu'il ne peut pas passer avec les enfants tout le nombre d'heures ou de minutes qu'il voudrait - qu'il s'agisse du père ou de la mère - alors qu'il a un lien émotif très fort avec ses enfants? D'après moi, il faudrait tenir compte plus de la qualité de la relation que du nombre de minutes et d'heures passées avec l'enfant. Évidemment, compter les heures et les minutes convient aux avocats et aux juges parce que ça rend la décision plus facile. Ils disent simplement: «Combien de temps avez-vous passé avec cet enfant?» Cela soulève la question du parent principal et, à mon avis, ce n'est pas juste. On devrait tenir compte de la qualité de la relation.

M. Shaposnick: Quand les gens viennent nous voir, nous leur demandons de ne pas utiliser le mot «garde». Nous leur disons que ce qui est important, d'après nous, c'est qu'ils nous disent quand ils sont disponibles pour être avec leurs enfants. Avec cette règle de 40 p. 100, les parents se battent sur les heures et les minutes parce que cela a des conséquences financières.

Au Québec, bon nombre de juges décident d'eux-mêmes de ne pas compter une journée si la nuit n'est pas comprise, ce qui leur évite toutes ces histoires de demi-journées ou de soirées. Ce qui est important, c'est de savoir quand la mère et le père sont disponibles pour s'occuper des enfants. Si nous avons cette information, nous pouvons ensuite évaluer les besoins des enfants et voir comment chacun peut y répondre, qu'il s'agisse d'aller faire du patin ou d'aller au ballet. Nous préparons un tableau à l'intention des parents et nous leur demandons d'indiquer qui est disponible pour emmener le fils faire du hockey - bien que ce ne soit plus une fonction purement masculine - et qui est disponible pour s'occuper des cours de ballet.

Le sénateur Jessiman: On ne peut quand même pas inclure dans les responsabilités parentales le temps passé à l'école ou le sommeil.

M. Shaposnick: Mais il se peut qu'il faille les emmener à l'école. Dans un cas que nous avons connu, le seul moment où le père était disponible était à 7 heures du matin. C'était un avocat et il travaillait jusqu'à 11 heures du soir. Quand on a fait le point sur ses disponibilités, on a constaté qu'il n'était disponible que de 7 heures à 8 h 30 du matin, pour le petit déjeuner. Il prenait son fils à 7 heures du matin, trois ou quatre matins par semaine, et il partageait son petit déjeuner avec lui. Comment pourriez-vous prévoir cela dans un texte de loi? Traduire cela en dollars et en pourcentage de temps ne correspond pas aux intérêts des enfants. Il va falloir trouver une manière quelconque de mesurer la disponibilité qu'ont les parents pour être avec leurs enfants.

Mme Landau: La règle des 40 p. 100 répondait peut-être à d'excellentes intentions mais elle a causé d'énormes difficultés. Toutes mes médiations sont désormais faussées à cause de cette règle. Quand des parents viennent me voir, tout ce qui les intéresse, c'est de faire des comptes d'apothicaire. Ils veulent savoir s'ils ont atteint le nombre de minutes nécessaires pour réduire leurs paiements de pension alimentaire. De ce fait, l'autre parent se méfie lorsque celui qui n'a pas la garde dit qu'il veut être avec les enfants. Cette règle a causé beaucoup de torts. Les femmes qui travaillent et qui apprécieraient normalement la contribution du père sont moins prêtes à l'accepter parce qu'elles craignent que l'intention réelle du père soit de réduire ses paiements. Dans certains cas, c'est vrai.

Je m'occupe à l'heure actuelle d'un cas où le père veut la garde des enfants pendant 40 p. 100 du temps, mais il part pour le travail à 6 heures du matin et il rentre à 6 heures du soir, sinon plus tard. En outre, il est à l'extérieur de la ville trois jours par semaine. La mère voudrait qu'il soit plus présent pour les enfants mais on parle ici de deux enfants, de quatre ans et deux ans, respectivement. Le projet du père est d'engager une gardienne à résidence afin que cela lui permette d'atteindre la règle des 40 p. 100. Cela n'a aucun sens. La mère pense que c'est un très bon père et qu'il devrait simplement apporter sa contribution quand il le peut.

Cette règle de 40 p. 100 a faussé tous les cas de médiation dont j'ai dû m'occuper cette année. Nous devrions mettre l'accent sur les plans parentaux adaptés au développement des enfants, et nous devrions encourager les parents à subvenir aux besoins financiers des enfants dans la mesure de leur capacité, et à s'en occuper également dans la mesure de leur capacité.

Le sénateur Cools: La règle des 40 p. 100 est une règle claire que nous ne sommes pas prêts à abandonner. Elle semble avoir suscité une certaine confusion. C'est une règle dont l'application est très limitée, par l'article 26 de la Loi sur le divorce. Je regrette de devoir le répéter mais les lignes directrices ne concernent strictement rien d'autre que les questions financières.

Mme Shaposnick: Mais elles ont une incidence plus large.

Le sénateur Cools: Certes, mais elles portent sur des questions financières et sur rien d'autre. Elles n'ont rien à voir avec la garde ou avec l'accès.

Mme Landau: En réalité, si.

Le sénateur Cools: Nous connaissons très bien les lignes directrices. Hier, nous avons recueilli un témoignage absolument stupéfiant d'une des personnes qui ont joué un rôle très important pour permettre au gouvernement de faire adopter les lignes directrices. Cette personne nous a dit que les lignes directrices ne marchent pas et qu'elles sont trop complexes. Le gouvernement avait dit au comité que les lignes directrices étaient nécessaires pour tout simplifier, mais on constate aujourd'hui que la situation est encore pire qu'avant.

Je tenais à faire cette remarque parce que le comité se penche sur des questions de garde et d'accès, alors que vous ne cessez de soulever cette question particulière des lignes directrices sur la pension alimentaire. Ne nous y trompons pas, les lignes directrices ont une fonction et une seule: faire passer une partie du revenu d'un parent à l'autre. C'est tout.

Mme Landau: Puis-je faire une remarque?

Le sénateur Cools: Nous avons beaucoup travaillé sur cette question mais l'une des raisons pour lesquelles les lignes directrices continuent de poser un problème n'est pas que telle ou telle personne veut tirer un avantage financier du fait qu'elle a réservé une chambre pour accueillir les enfants. La question fondamentale reste le fait que les lignes directrices ne sont pas correctement fondées sur le revenu des deux parents, et c'est cette question-là qu'il va bien falloir finir par résoudre. J'affirme que, si l'on tenait compte des deux revenus, les problèmes que vous venez d'évoquer seraient beaucoup moins fréquents. Je parle ici du fait que l'un des parents se méfie de l'autre lorsque celui-ci veut avoir l'enfant 40 p. 100 temps. Les lignes directrices auraient dû être fondées sur les revenus des deux parents. Nous nous sommes beaucoup battus à ce sujet. On dit très clairement que les lignes directrices seront fondées sur le principe que les deux parents ont l'obligation financière conjointe de subvenir aux enfants du mariage, conformément à leurs capacités, entre autres. Pourtant, ce n'est pas cela qui se fait en réalité. J'affirme que les problèmes que vous voyez peu à peu apparaître dans vos batailles de médiation - et ce sont toujours des batailles parce que c'est pour cela que les gens vont en médiation - proviennent du fait que les gens commencent à réclamer que l'on tienne compte des deux revenus. Je tiens à dire que ce ne sont pas nos lignes directrices. Je ne les aimais pas à l'époque et je ne les aime pas encore aujourd'hui, mais ce n'est pas le sujet de notre discussion.

Je voudrais parler des questions de garde et d'accès.

Le coprésident (M. Gallaway): Voulez-vous une réponse des témoins, sénateur?

Le sénateur Cools: J'aimerais passer à la question du Dr Irving.

Le coprésident (M. Gallaway): Je crois que c'était plus une remarque qu'une question.

Le sénateur Cools: Mais je ne manque jamais de questions.

J'appuie sans réserve ce que vous dites au sujet de la présomption de parent principal. C'est une remarque très intéressante. On joue avec ce concept comme s'il existait en droit, ce qui n'est absolument pas vrai. Cela n'a jamais figuré dans la Loi sur le divorce, et je ne pense pas que ce soit un concept qui ait beaucoup de chance de s'y retrouver à l'avenir, mais ce n'est pas là la question. C'est peut-être maintenant la position de certains idéologues mais je dois vous dire que ces mêmes idéologues - et vous en connaissez certains, comme le Dr Margaret Mead, puisque vous êtes professeur - parlaient il y a bien longtemps du lien inhérent qui existe entre la mère et l'enfant. Vous vous souvenez que la fameuse anthropologue Margaret Mead avait qualifié ce lien spécial entre la mère et l'enfant de lien d'oppression. C'était une branche du féminisme de l'époque. Je voudrais vous lire ce que Margaret Mead a dit un jour:

Ceci... est une forme nouvelle et subtile d'antiféminisme par laquelle les hommes - sous couvert d'hommage à la maternité - lient les femmes à leurs enfants plus étroitement qu'on ne l'a jamais pensé nécessaire depuis l'invention du biberon et du berceau.

Je mentionne cela seulement pour vous montrer que le concept avait été rejeté par les féministes dans le passé mais qu'il est maintenant réapparu sous une nouvelle forme.

Le Dr Irving a parlé de violence familiale. À vous tous et toutes qui êtes des médiateurs, je demande ceci: comment identifiez-vous une victime de violence?

J'ai évoqué une cause dont je suis en train de m'occuper en ce moment, puisque je prépare des notes pour un discours que je dois prononcer demain. Il s'agit de la cause Metzner c. Metzner, dans laquelle le mari avait été faussement accusé de violence familiale par la mère.

Mme Bennett: Pourriez-vous poser votre question? Nous ne voulons pas faire perdre de temps aux témoins, sénateur.

Le sénateur Cools: Voici ma question: comment les médiateurs réagissent-ils face à ces situations? Comment décident-ils qu'une personne est victime de violence ou en est coupable? Étant donné que c'est un terrain tellement miné, comment un médiateur, dont la profession est de conseiller les particuliers, parvient-il à cette conclusion?

M. Irving: Je vais essayer de répondre.

Un protocole a été préparé par un comité de Washington. Nous l'avons examiné. Le professeur Bailey le connaît. On y trouve une série de questions que l'on pose à chacun des partenaires - individuellement, pas ensemble. C'est très intéressant. On pose des questions d'une manière qui banalise la violence. Par exemple, on demande: «Votre partenaire vous a-t-il déjà battu, mordu ou donné des coups de pied ou a-t-il déjà battu vos animaux?» On pose des questions que l'on n'aurait jamais posées autrefois. C'est un mécanisme qui permet d'amener la victime et le coupable à en parler. Ce qui est important, c'est que nous ne proposons pas de médiation s'il y a ce genre de violence et d'abus.

Le sénateur Cools: Ce sont des questions sur le présent ou sur le passé?

Le coprésident (M. Gallaway): Veuillez laisser le témoin répondre.

M. Irving: Ce qui est crucial, à mon avis, c'est que nous évitons dans ce genre de situation de préparer une entente. Au lieu de cela, nous aiguillons les parties vers un service communautaire afin de leur permettre de régler ces questions de colère et d'abus avant d'entamer la médiation. Je crois que c'est cela qui est crucial. Je suis sûr que tous mes collègues conviendront que l'on ne peut pas faire de médiation s'il y a un problème de ce genre.

Vous voulez savoir comment nous déterminons que le problème existe. Nous procédons à une évaluation individuelle, dans la mesure du possible, afin de recueillir le maximum d'informations. Il est vrai que certaines personnes réussissent quand même à passer à travers le filet mais nous nous efforçons vraiment d'établir un mécanisme de filtrage très serré.

Le sénateur Cools: C'est rassurant.

M. Shaposnick: Pendant la supervision qui suit la formation de base, on met l'accent sur cette question.

Je peux mentionner un autre indice qui ne ressort probablement pas des questionnaires: un bleu dans le cou. Nous apprenons à nos étudiants à poser des questions qui peuvent être irritantes: «Comment vous êtes-vous battus?» Ensuite, on surveille attentivement la gestuelle de chaque partie. Notre expérience nous a montré que la victime va inévitablement se refermer, alors que l'autre partie donnera des signes de tension, voire d'agression et de colère. Et l'on fait attention aux bleus.

Le sénateur Cools: Vous avez des indicateurs.

M. Shaposnick: Il faut être formé pour surveiller ces signes. Cela peut être difficile à repérer. En effet, la plupart des victimes vont faire le maximum pour les cacher. Ce n'est pas évident, il faut vraiment faire attention.

M. Forseth: J'examine le mémoire du Dr Landau, où je trouve à la fin cette excellente affirmation:

S'il est vrai que ce sont les provinces qui sont chargées d'administrer la justice, c'est dans la Loi sur le divorce que l'on a établi le cadre et les normes nationales guidant les provinces et les territoires. La Loi sur le divorce est un outil puissant que l'on pourrait utiliser pour améliorer les résultats de toutes les parties concernées par un divorce, surtout les enfants.

Notre comité a pour mandat de mettre clairement l'accent sur les besoins des enfants. J'aimerais donc obtenir quelques réponses brèves et claires, peut-être de chacun des témoins, sur les changements législatifs que l'on pourrait envisager pour réduire l'émotivité du processus. Quelqu'un a dit tout à l'heure que cela peut être l'enfer, et je le sais fort bien. J'ai moi aussi été médiateur dans des affaires de divorce dans le passé. J'aimerais donc savoir quelles modifications législatives on pourrait apporter dans le contexte de l'affirmation du Dr Landau.

M. Shaposnick: Le professeur Irving a souligné que la terminologie employée dans la loi sous-entend l'existence d'une relation contradictoire, d'un résultat gagnant-perdant, d'une partie qui obtient l'enfant et de l'autre qui ne l'obtient pas, d'une partie qui paie et d'une autre qui reçoit. C'est d'ailleurs tout à fait conforme à nos lois et à notre culture. Votre chère institution est conçue de cette manière. Nous avons le même problème dans nos débats constitutionnels. Tous les débats sont contradictoires. Si l'on rédigeait vraiment la loi en fonction des besoins des enfants, on aurait un texte tout à fait différent. On n'utiliserait pas le mot «garde», comme je le disais tout à l'heure. Nous-mêmes, nous n'autorisons pas les parents à parler de garde. Nous parlons des besoins des enfants.

M. Forseth: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?

M. Irving: Quelques séances obligatoires d'éducation des parents, comme cela se fait dans certaines provinces - surtout au début, lorsque l'émotion est tellement vive que les parties se précipitent chez leurs avocats, ce qui fait monter les tensions d'un cran supplémentaire - permettraient d'atténuer un peu le problème. On pourrait en profiter pour recommander la médiation.

À mon avis, amener les gens à déterminer eux-mêmes leur situation par rapport à leurs enfants est un exercice d'une valeur inestimable. Les gens ne veulent pas que quelqu'un d'autre, que ce soit un juge, un travailleur social ou un psychologue, prenne au sujet des enfants des décisions qui leur appartiennent en propre. Les parents devraient donc avoir la possibilité de s'asseoir avec une tierce partie pour essayer de résoudre leur problème, mais ce n'est pas ce qui se passe aujourd'hui. Ce qui est prévu dans la Loi sur le divorce à ce sujet reste purement symbolique. Certains le font, d'autres pas. Certains le font à contrecoeur - qui sait? Il faudrait donc indiquer de manière plus claire dans la loi qu'il y a avantage à ce que les parents aient la possibilité de s'asseoir avec quelqu'un pour dresser un plan de responsabilités parentales dans l'intérêt de la famille, et pas seulement des enfants ou des adultes.

Mme Landau: Lorsque les parents envisagent la séparation, toutes sortes de peurs surgissent. La peur de perdre le lien avec l'enfant est très puissante, tout comme la peur de ne plus avoir d'importance ou d'influence. Et tout cela n'est pas favorisé par le processus judiciaire ni par la terminologie de la Loi sur le divorce qui semble indiquer qu'il y aura un résultat gagnant-perdant. Que l'un obtiendra quelque chose et que l'autre paiera.

Je pense qu'il devrait y avoir plus de services de consultation pour aider les gens à maîtriser leurs émotions au début de la procédure, ce qui veut dire qu'il ne devrait pas y avoir seulement l'éducation des parents mais aussi un mécanisme permettant à la fois aux hommes et aux femmes - et j'aimerais qu'un plus grand nombre d'hommes soient prêts à accepter la consultation - de parler de leur peine et de leur sentiment de perte. La médiation peut les aider à concentrer leur attention sur ce qu'ils devraient faire dans l'intérêt de leurs enfants.

J'ai constaté dans mes activités de médiation que les parents sont extrêmement rassurés de voir que nous allons leur parler de la manière dont ils peuvent contribuer au bien-être des enfants. J'ai apporté avec moi un exemple d'éléments que l'on peut aborder dans un plan de responsabilités parentales alors que, dans une entente de séparation, ce sont surtout des étiquettes standard que l'on voit. Quand je faisais mes études de droit, il y avait l'étiquette du parent qui a la garde et l'on disait que l'autre parent bénéficierait d'un accès généreux aux enfants, si cela peut avoir un sens. Cela voulait surtout dire qu'ils pourraient se battre pendant 20 ans sur le sens de «fréquent» et de «généreux».

Dans la médiation, nous leur montrons comment ils vont continuer à assumer leur tâche de parents, mais sous deux toits différents. Par exemple, quelles sont les tâches quotidiennes et concrètes qu'il faut assumer pour être un parent, et comment les deux peuvent-ils y participer dans la mesure de leur disponibilité et de leur bonne volonté. C'est toujours de cette manière que j'engage le processus, afin qu'il soit bien clair que la sécurité passe en premier. C'est un processus très rassurant et qui débouche sur ce que j'appelle une carte routière que les parents pourront emprunter à un moment particulièrement difficile de leur vie, sur le plan émotif.

Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Forseth, quand vous dites que les parents sont alors à un moment où ils concentrent toute leur attention sur leurs propres besoins et où ils ont un sentiment de perte et de peur face à l'avenir, aussi bien sur le plan économique que sur tous les autres plans. Ils ont peur de la solitude et de tout le reste. À ce moment-là, un processus qui leur montre qu'ils peuvent apporter une contribution positive et maintenir leur lien avec les enfants peut être très positif et très sain.

On aura besoin de certaines ressources.

Je sais que je n'ai pas utilisé le bon mot. Nous ne laissons pas les parents dire le mot qui commence avec la lettre G, et, quant à nous, nous n'avons pas le droit d'utiliser le mot qui commence par la lettre R.

M. Forseth: Bien sûr, on peut bien changer la terminologie et la langue mais ce n'est pas cela qui change foncièrement la nature humaine et la nature du combat. Par exemple, la règle californienne de présomption de garde conjointe n'a rien changé aux questions de fond. Changer la terminologie a peut-être eu un effet positif marginal mais c'est tout.

Mme Landau: Je suis d'accord. C'est un signe positif mais ça ne règle rien. Il ne suffit pas de changer la terminologie. Il faut faire plus.

En ce qui concerne ce que l'on peut faire du point de vue des tâches parentales, je voudrais mentionner une chose importante. La loi est une sorte d'instantané photographique et non pas un outil qui s'adapte à l'évolution des enfants. Un plan adéquat pour un nouveau-né ne l'est pas pour un enfant d'âge scolaire ou pour un adolescent. La médiation permet donc d'envisager les choses à plus long terme, pour le moment où les gens ne seront plus aussi marqués par leur peine. Changer la terminologie ne suffit pas.

Ce que je veux faire dans la médiation - et je suppose que les autres médiateurs présents autour de cette table veulent la même chose - c'est amener les parents à se considérer comme étant du même côté de la table, à concentrer leur énergie sur ce qu'ils ont à offrir aux enfants au lieu de consacrer à se battre.

Mme Shaposnick: Changer la terminologie est important mais je pense qu'il faut faire quelque chose d'autre, c'est-à-dire retourner aux écoles de droit. Comme j'ai enseigné à beaucoup d'avocats et que j'en ai supervisé beaucoup, je peux vous dire que beaucoup m'ont dit qu'ils auraient abordé certaines causes différemment si on leur avait appris tout cela à la faculté de droit. Autrement dit, on ne les avait pas préparés à ce qu'ils allaient constater. Je sais qu'il est important d'avoir une procédure contradictoire, mais on peut la gérer de différentes manières. J'aimerais que ces choses-là soient plus enseignées dans les facultés de droit. Je crois que c'est là qu'il faut commencer.

Mme Bailey: On enseigne le RED dans certaines facultés de droit. Dans mon cours de droit familial, je parle beaucoup de médiation familiale. En vertu du paragraphe 9(2), l'avocat a l'obligation d'attirer l'attention de ses clients sur les services de médiation. Je peux vous dire que mes étudiants le savent et qu'ils sont interrogés là-dessus. On constate que l'on donne de plus en plus d'informations sur la médiation et sur les mécanismes de RED dans un nombre croissant de facultés de droit du Canada. Les étudiants tiennent à avoir des informations à ce sujet. Nous avons quatre cours de RED et ils sont tous très prisés.

Je voudrais revenir à votre question, monsieur Forseth. Je suis d'accord avec le professeur Irving quand il dit que les programmes d'éducation des parents sont une méthode qui permet de faire face à l'hostilité qui peut exister entre les parents. On peut envisager plusieurs modèles différents. On commence à avoir des évaluations de ces programmes et on peut obtenir des informations sur les différents modèles qui existent, afin de faire un choix éclairé. Cela donne la possibilité d'enseigner aux parents ce qu'ils ne savent pas au sujet des arrangements qu'ils peuvent formuler dans l'intérêt de leurs enfants.

Ce niveau d'intervention est suffisant dans de nombreux cas mais, pour d'autres, il faut faire plus. On devrait donc prévoir dans l'éducation standard des parents la diffusion d'informations sur les services de médiation, les avantages et les inconvénients, et sur les autres procédures de règlement des différents.

M. Lowther: Je suivais parfaitement votre raisonnement, professeur Irving, jusqu'à ce que vous commenciez à parler de la boîte noire de la médiation. Vous avez dit que tout allait bien jusqu'à ce que vous compreniez qu'il y avait des problèmes de violence qui ne pouvaient pas être réglés de cette manière. Pourriez-vous préciser?

M. Irving: L'image de la boîte noire était destinée à montrer que, chaque fois qu'un avocat nous envoyait des clients pour faire une médiation, nous faisions une médiation. Nous avons cependant mis au point de très bonnes techniques d'évaluation, récemment, pour vérifier que les parties sont bien réceptives à la médiation. Il faut que les gens abordent le processus sur un pied d'égalité. Il ne faut pas que l'une des parties soit désavantagée dès le départ.

Notre expérience et nos recherches nous permettent de dire que tout le monde n'est pas nécessairement un bon candidat à la médiation. Certaines personnes devraient plutôt se trouver devant les tribunaux, et d'autres, ailleurs. Voilà ce que je voulais dire. Nous n'acceptons pas d'office n'importe qui en médiation.

M. Lowther: Comment faites-vous la différence? Y a-t-il un questionnaire, comme disait le sénateur Cools? Êtes-vous en mode de violence?

M. Irving: Je peux parler de mon ouvrage et de celui du Dr Landau. En fait, il y a aujourd'hui six ouvrages canadiens qui portent sur les différentes méthodes d'élaboration du filtre qui est nécessaire pour déterminer les questions en jeu et dresser le profil des parties. Des recherches permettent de savoir si la médiation convient à certaines personnes plutôt qu'à d'autres.

Mme Landau: Dans mon cabinet, nous faisons le filtrage de quatre manières différentes au minimum. La première, c'est quand le client appelle. Mon assistante a reçu une formation de deux jours sur la violence familiale. Elle fait donc un filtrage préliminaire. Ensuite, j'envoie un questionnaire aux deux membres du couple, séparément. S'ils vivent ensemble, je leur demande de ne pas remplir le questionnaire au même moment ni dans le même lieu. La troisième méthode est la réunion avec les avocats, sans les clients. Je n'invite pas les avocats dans la pièce mais je les fais participer à une première réunion. Je fais un examen en présence des avocats. La quatrième étape consiste à rencontrer individuellement les avocats pour poursuivre l'examen. Il y a donc plusieurs méthodes qui ont fait leurs preuves.

M. Lowther: Le thème central de ma question était l'idée que la médiation n'est pas une panacée. Elle ne marche pas à tout coup. Vous avez certaines méthodes crédibles pour vérifier si certaines personnes pourront vraiment en bénéficier. Le professeur Bailey a évoqué d'autres options. Que fait-on cependant des gens pour qui la médiation n'est pas la bonne démarche?

C'est ça le problème. Nous sommes satisfaits pour les 80 p. 100 de personnes, à peu près, pour qui cette solution est satisfaisante. Cependant, les gens qui viennent à mon bureau sont ceux à qui la médiation ne convient pas. Il y a par exemple le cas d'un enfant qui n'obtient pas l'accès à un parent. Il se retrouve coincé entre les deux et la médiation ne marche pas.

J'aimerais en savoir plus sur la procédure d'arbitrage. Quelqu'un a parlé tout à l'heure du cas d'un père qui s'était adressé à maintes reprises au tribunal et qui avait obtenu un jugement en sa faveur, pour avoir accès à ses enfants, mais sans réussir à le faire appliquer. Finalement, le juge a décidé que le parent qui avait la garde devait aller en prison. Évidemment, cela a causé toutes sortes de réactions négatives mais c'est seulement de cette manière que l'enfant a finalement pu être confié au parent qui n'en avait pas obtenu la garde.

Vous avez laissé entendre que le parent qui a la garde et qui ne respecte pas la décision du tribunal risque de perdre cette garde. Toutefois, ce n'est peut-être pas dans l'intérêt de l'enfant lui-même, ce qui nous ramène à l'idée de la médiation, mais nous avons fermé la porte à la médiation dans ce genre de cas. Ces cas tombent en dehors du système. Que pouvez-vous donc proposer?

Mme Bailey: Vous soulevez le problème difficile de l'exécution des arrêts judiciaires. Dans certaines juridictions - en Floride par exemple - on a introduit des programmes obligatoires d'éducation des parents qui ne respectent pas les arrêts judiciaires concernant l'accès. Et on a prévu une gradation dans les mesures. Il y a d'abord l'éducation, puis le service communautaire, puis des sanctions contre les parents et, en dernière étape, la sanction ultime qui a été imposée dans le cas que vous venez de mentionner: la prison.

Lorsque le différend atteint ce niveau de gravité, on peut être obligé d'imposer la sanction la plus grave, l'emprisonnement. Évidemment, les tribunaux hésitent à le faire puisque l'emprisonnement du parent qui a la garde n'est généralement pas la meilleure solution pour l'enfant. Toutefois, si l'on tient pour acquis, comme on le doit, que la décision d'origine en matière d'accès correspondait aux meilleurs intérêts de l'enfant, le parent qui a la garde et qui ne respecte pas cette décision fait manifestement quelque chose qui n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant. On est donc bien obligé, au bout d'un certain temps, de peser la perte temporaire du parent qui a la garde, du fait de son emprisonnement, par rapport à l'effet préjudiciable que peut avoir sur l'enfant le fait que l'autre parent n'obtienne pas l'accès. Dans certains cas, il peut être dans l'intérêt de l'enfant d'imposer la sanction ultime.

M. Lowther: Ne pensez-vous pas qu'une meilleure solution pourrait être de renverser les rôles et de confier la garde - même si j'ai horreur de ce mot - à l'autre parent? Si le parent qui a la garde n'agit pas dans l'intérêt de l'enfant, peut-être faudrait-il confier la garde à l'autre parent plutôt que de mettre le premier en prison?

Mme Bailey: C'est ce que font parfois les tribunaux, le critère devant toujours être l'intérêt ultime de l'enfant. Dans certains cas, même si le parent qui a la garde ne respecte pas l'ordonnance d'accès, il peut quant même être dans l'intérêt de l'enfant de rester avec le parent qui a obtenu la garde. À mon avis, il n'est pas approprié d'imposer un transfert de garde comme punition dans un cas de violation d'une ordonnance d'accès. Cela peut être conforme à l'intérêt de l'enfant dans certaines circonstances mais pas dans tous les cas.

M. Lowther: Quelqu'un a mentionné une statistique sur le nombre de divorce qu'il y a au Canada. Lorsque les gens passent dans ce cycle de médiation avant la séparation et avant le divorce, et lorsqu'ils prennent conscience de l'incidence que ce qu'ils vont faire pourra avoir sur les enfants, y en a-t-il qui décident qu'ils feraient mieux de rester ensemble?

M. Irving: J'ai parlé de la boîte noire. Cette boîte noire vaut aussi pour les gens qui ne devraient pas aller en médiation parce qu'ils devraient essayer de résoudre leurs différences. Je ne connais pas un médiateur qui ne s'efforce pas d'abord d'aller dans cette voie si elle est envisageable. Je ne recommande jamais le divorce. Notre rôle est de recommander ce qu'il y a de mieux pour la famille et de veiller à ce que le couple connaisse les options à la médiation.

Selon les statistiques, 10 p. 100 des gens qui vont aujourd'hui en médiation finissent par se réconcilier, mais je suppose que c'est le groupe qui serait le moins susceptible de se réconcilier.

M. Lowther: Cela doit être dans l'intérêt des enfants. Cela doit être notre première priorité.

M. Irving: Et c'est généralement le cas.

Le sénateur Jessiman: En ce qui concerne la femme qui a été mise en prison, elle avait déjà fait l'objet de 22 accusations d'outrage au tribunal. On a maintenant modifié la loi au sujet du paiement. Si le parent ne paie pas, on peut le mettre en prison mais, avant de passer à cette étape, on peut aussi lui prendre son permis de conduire et son passeport. Si le parent qui a la garde refuse de donner l'accès, ne serait-il pas raisonnable d'envisager les mêmes choses avant de songer à le mettre en prison? Est-ce que ce ne serait pas raisonnable?

Mme Bailey: Je suis absolument d'accord avec vous là-dessus. À mon avis, mettre les gens en prison devrait être la sanction tout à fait ultime. Ce n'est généralement pas adéquat et ce n'est généralement pas conforme aux intérêts de l'enfant.

D'autres mesures, comme des amendes, peuvent aussi aller à l'encontre de l'intérêt de l'enfant, et c'est pourquoi il nous faut envisager un éventail plus large d'options et améliorer l'exécution des ordonnances d'accès.

Le sénateur Jessiman: On a prévu dans la loi des sanctions telles que le retrait du permis de conduire ou du passeport, en cas de défaut de paiement, et je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas la même chose s'il y a des problèmes du point de vue de l'accès.

Le sénateur DeWare: La raison pour laquelle ce comité a été créé est que, lorsque nous traitions de la Loi sur le divorce, bon nombre de témoins ont souhaité débattre des questions de garde et d'accès. Nous devions sans arrêt leur répondre: «Désolés, ce n'est pas le thème de ce projet de loi.» C'est ce qui a mené à la création de ce comité.

Vous dites que vous n'aimez pas le mot «garde». On a essayé de trouver un autre mot mais le problème est que c'est le mot «garde» qui est utilisé dans toutes les lois. C'est en tout cas ce que je me suis laissé dire.

Mme Landau: Mais ça commence à changer en Angleterre et en Australie, par exemple.

Le sénateur DeWare: C'est exactement ce que nous voulons, un changement. On n'y est pas encore parvenu mais c'est ce que l'on cherche.

Vos témoignages me donnent également quelque espoir en ce qui concerne l'éducation des parents au lieu de la médiation. En ce qui concerne les dispositions de la loi relatives à l'accès aux enfants, les plaintes peuvent être résumées comme suit: «Nous payons mais nous n'obtenons pas l'accent. On nous prive de l'accès. Je suis allé à l'école pour prendre mon enfant, lundi matin, comme d'habitude, et il n'était pas là. L'enseignante m'a dit qu'il était malade ce jour-là». Quand le parent a fini par discuter avec l'enfant, celui-ci a dit: «Maman a dit que je pouvais ne pas y aller». Le fait est que l'enfant n'est pas allé à l'école parce que maman ne voulait pas que papa puisse le prendre. Cette histoire nous a été racontée un nombre incalculable de fois. Je suis sûre que vous êtes au courant.

Mme Shaposnick: Je reviens à ce que je disais au début. Il faut commencer par examiner ce qui n'est pas dit et commencer par poser les bonnes questions pour obtenir les bonnes informations dans le cas particulier dont on est saisi. Si on ne pose pas les bonnes questions et si on reste sur le plan juridique, on ne peut pas avancer. Il faut être prêt à poser des questions très difficiles et des questions importantes en ce qui concerne l'accès. Cela marche avec nous.

M. Lowther se demandait ce qu'on fait lorsque la médiation ne marche pas. Quelles sont les autres solutions? Il nous est arrivé de convoquer les avocats dans notre cabinet, avec leurs clients, et de les forcer à s'asseoir dans un canapé à deux places. Si l'on veut faire une médiation, il faut un minimum de collaboration. Nous mettons donc les avocats dans le canapé à deux places et nous leur disons: «Que pouvez-vous faire ensemble - sans vous placer en position d'adversaires - pour aider ce couple à avancer dans la voie qui sera la meilleure pour les enfants?» Et ça marche.

Le sénateur DeWare: Je suis heureuse de l'entendre. Je pense que tout ce que vous avez dit est très intéressant, pour l'avenir, mais je me demande ce que l'on peut faire pour les cas dans lesquels on ne trouve pas de solution et pour les parents qui doivent se battre pour obtenir l'accès. Je crois que nous avançons dans la bonne voie mais qu'allons-nous faire pour les laissés-pour- compte?

M. Irving: L'une des solutions dont on n'a pas encore beaucoup parlé aujourd'hui est celle de l'accès supervisé. Je n'aime pas l'expression mais j'aime bien ce qu'elle représente. Lorsque deux parents qui sont en conflit ne peuvent plus faire l'objet d'une médiation, on essaie de les mettre quand même dans une situation qui leur permet de voir leurs enfants. Il n'est pas nécessaire d'empêcher le contact entre les parents et les enfants car on peut faire appel à un professionnel pour superviser ce genre d'accès et de relation jusqu'à ce que les parties passent à l'étape suivante. Ce n'est pas une mauvaise méthode pour apprendre aux gens à assumer leurs responsabilités parentales et pour leur apprendre à s'entendre afin d'éliminer cette supervision.

M. Shaposnick: On devrait encourager les juges à tenir compte de ce qui n'est pas dit, mais on devrait aussi surtout leur donner une formation à ce sujet. Dans notre cas, nous essayons de comprendre pourquoi un parent ne veut pas que l'autre puisse voir les enfants. Il y a toujours une raison. Quand on pose les bonnes questions, on trouve les réponses.

Les juges n'obtiennent pas assez de ressources pendant leur formation pour comprendre les systèmes familiaux et la dynamique familiale afin de poser les bonnes questions. Au Québec, il n'est pas rare que le juge convoque les avocats dans son bureau et leur dise: «Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi ces gens agissent-ils comme des bêtes? Quel est le problème?» Il arrive aussi que les juges convoquent les parties avec les avocats. Malheureusement, ce sont seulement ceux qui ont la bonne sensibilité qui le font. C'est une question d'instinct. Certains sont très bons pour ça, d'autres pas. Malheureusement, les juges n'ont pas assez de ressources pour pouvoir obtenir une formation dans ce domaine et pour apprendre à réfléchir aux questions qu'ils devraient poser. Si l'on pouvait consacrer des ressources non seulement pour éduquer les parents mais aussi pour éduquer les juges - je veux dire, aussi bien les avocats que les juges - les choses commenceraient à changer. Le professeur Bailey nous a dit que les jeunes avocats commencent à recevoir ce type de formation.

Dans le passé, lorsque je plaidais encore, j'ai pu constater que ce sont les jeunes avocats qui étaient les plus féroces dans tout l'appareil judiciaire.

Le sénateur DeWare: Ils jouent un rôle important parce que ce sont eux qui peuvent dire que les parties ont besoin de médiation, d'éducation parentale ou d'autre chose. S'ils ne font pas cela, nos couples sont en difficulté.

Mme Landau: Je suis sensible à la douleur que ressentent les parents lorsqu'ils n'ont pas accès aux enfants. L'idéal, pour les enfants, c'est d'avoir une relation d'amour avec les deux parents. Lorsque ce n'est pas possible, il est raisonnable d'imposer une sanction aux personnes qui sont irréductibles et incorrigibles et qui refusent l'accès sans raison valable. Par contre, je ne pense pas que le recours au Code criminel soit la bonne solution.

J'aime bien l'idée de gradation proposée par Mme Bailey et par d'autres. Si l'éducation parentale n'a pas eu d'effet, et si la médiation n'a pas eu d'effet, on peut envisager une évaluation de la garde. On peut envoyer le parent devant un professionnel de la santé mentale qui a obtenu la formation voulue pour poser les bonnes questions. Former les juges serait aussi une bonne idée mais il faut savoir pourquoi certains parents n'obtiennent pas l'accès aux enfants. Dans certains cas, il y a de sérieuses raisons reliées à la sécurité. Dans d'autres cas, c'est peut-être parce que le parent se sent intimidé. Il se peut que sa dignité ait été atteinte et qu'il ait un sentiment de colère et de vengeance. Par exemple, il a peut-être découvert que l'autre parent avait été infidèle et il souhaite le punir. Il peut y avoir de très nombreuses raisons et on peut causer du tort aux enfants si on essaie d'appliquer la même solution à tout le monde. Il se peut que le parent qui demande l'accès aux enfants soit un parent qui n'a jamais participé aux soins et à l'éducation dans le passé, ce qui justifierait qu'on l'oblige d'abord à obtenir une éducation sur les responsabilités parentales. Je peux dire que bon nombre de ces problèmes trouvent des solutions quand on pose les bonnes questions. Il faut ensuite être capable de formuler des recommandations qui seront prises au sérieux.

J'estime que les besoins de l'enfant doivent être la priorité absolue. Supposons que l'accès soit refusé pour une raison qui n'est pas valable, étant bien entendu que ce sera la dernière fois que nous utiliserons les mots «garde» et «accès». Il faut quand même réfléchir à l'incidence qu'un changement imposé pourrait avoir sur l'enfant. J'ai vu des enfants avec qui je sympathise beaucoup parce que les parents étaient très troublés et dysfonctionnels. J'ai vu une mère troublée et dysfonctionnelle, et qui n'avait aucune raison de refuser l'accès. Pourtant, l'enfant pouvait quand même se sentir très traumatisé. Peut-être n'avait-il pas vu l'autre parent depuis une assez longue période? Peut-être lui avait-on raconté des choses terribles au sujet de l'autre parent? Il faut un certain temps pour s'adapter à l'idée d'un accès supervisé. Il faut un certain temps pour se sentir à l'aise avec l'autre parent.

La sanction ultime se trouve déjà dans la Loi sur le divorce, au paragraphe 16(10). On y dit que le juge doit se demander qui assurera le contact maximum avec l'autre parent, dans le meilleur intérêt de l'enfant, lorsqu'on décidera quel est le parent qui aura la garde. La sanction ultime est que, si le parent qui a la garde est tout à fait déraisonnable et qu'aucune solution ne marche, l'enfant devra peut-être peu à peu s'habituer à vivre avec l'autre parent.

Mme Bennett: J'ai beaucoup apprécié cette discussion parce que j'ai perçu un large consensus dans vos déclarations et vos mémoires. Plus la discussion avance, plus les problèmes deviennent évidents. Et je trouve extraordinaire de vous entendre proposer des solutions intéressantes. Il est merveilleux d'entendre des gens de votre calibre exprimer leur accord. Cela nous facilite les choses.

J'ai été intéressée d'entendre dire que 10 p. 100 des différends matrimoniaux aboutissent à une réconciliation, ce qui me fait penser qu'il serait vraiment regrettable de ne pas offrir cette option à tous les couples qui croient être arrivés au bout de leur mariage ou de leur relation.

Vous dites que les avocats disent parfois: «La médiation ne marchera pas pour vous.» C'est ce que je constate aussi en tant que médecin de famille lorsqu'on dit à une femme enceinte qu'elle devra avoir une deuxième césarienne parce que «bien sûr, vous ne pourrez pas avoir une naissance vaginale après avoir eu une césarienne.» Vous savez, avec le pouvoir que nous avons, comme professionnels, nous pouvons parfois tourner les choses d'une manière qui n'est pas nécessairement conforme aux intérêts du client.

En ce qui concerne l'éducation des avocats, croyez-vous que ceux-ci ont peur des médiateurs? Qu'est-ce qui justifie ce ressac? Tout le monde semble penser que c'est une idée de bon sens. Si on a les ressources, pourquoi ne devrait-il pas y avoir de médiateurs dans chaque tribunal? Pourquoi ne devrait-il pas y avoir non seulement une session d'information obligatoire mais aussi une session de médiation pour explorer les possibilités?

Pourriez-vous parler de la perspective féministe radicale selon laquelle la médiation est toujours mauvaise pour les femmes, étant donné qu'il y a toujours un déséquilibre de pouvoir en faveur de l'homme? C'est quelque chose que je n'ai pas constaté dans ma propre pratique mais l'un d'entre vous pourrait peut-être en parler.

Mon autre question concerne ce que d'aucuns appellent une intervention judiciaire précoce. J'ai été surprise d'entendre que les simples médecins de famille ne font pas partie de la liste des gens qui peuvent obtenir une formation de médiateur.

Si des enseignants d'orientation sont simplement des enseignants ayant reçu quelques cours supplémentaires, ne peut-on pas faire la même chose pour la médiation? Je me demande pourquoi on a dressé une liste d'exclusion au lieu d'une liste d'inclusion. Quiconque veut jouer ce rôle devrait évidemment obtenir la formation voulue, mais je me demande pourquoi le Québec a pris cette décision.

J'ai été ravie de constater votre consensus au sujet de la terminologie de la garde. Il est évident que l'on doit remplacer cela par l'idée que chaque parent a des responsabilités à assumer dès la naissance de l'enfant, et je suis heureuse de voir que l'on envisage de dresser des plans pour y arriver.

Mme Landau: Toutes sortes de personnes suivent mes cours. J'adore la diversité de mes étudiants. Les personnes qui les suivent ont une formation en santé mentale, en droit, en comptabilité ou en religion, mais pas toutes. Certaines personnes ont été des agents de probation, d'autres ont fait du service communautaire ou du service humanitaire. J'ai aussi beaucoup de gens qui fournissent de l'aide à l'emploi. J'en ai qui viennent des professions d'assistance. J'en ai beaucoup de conseils scolaires. Toutes ces professions sont représentées.

J'aimerais que l'on puisse avoir plus de médecins parce qu'ils pourraient jouer un rôle utile non seulement comme médiateurs mais aussi comme système d'alerte avancée. C'est aux médecins que les gens disent qu'ils ont des difficultés, d'ordre physique ou non. Les médecins pourraient être un système d'alerte avancée et ils nous permettraient peut-être d'intervenir plus tôt.

Mme Bennett: M. Shaposnick a dit que la raison pour laquelle un travailleur social pourrait être un meilleur formateur en médiation qu'un avocat est que le premier a déjà l'expérience de la supervision. Lorsque nous formons des psychothérapeutes, nous constatons qu'ils ont tous besoin de thérapie pour découvrir leurs propres points faibles.

Des gens deviennent éducateurs prénatals parce qu'ils ont eu une naissance douloureuse et qu'ils ont besoin de revivre constamment l'expérience. Dix ans plus tard, ils finissent par comprendre leur problème. Comment pouvez-vous éliminer les gens qui arrivent avec leurs propres objectifs?

Mme Shaposnick: Voulez-vous parler de la supervision?

Mme Bennett: Je parle de la formation et de l'accréditation d'un médiateur.

Mme Shaposnick: Au Québec, les choses sont claires: le nombre de professions est limité, même si je n'en connais pas la raison.

Mme Bennett: Comment faites-vous des évaluations continues? Comment pouvez-vous savoir si les gens sont bons ou non? Est-ce une sorte de marché libre? Devrait- il y avoir une sorte de collège professionnel s'occupant de la formation ou de l'évaluation?

Mme Shaposnick: Au Québec, il y a déjà une formation et une supervision continues. Les gens que je supervise sont seulement des avocats. Certains m'ont dit: «Quand la supervision obligatoire sera terminée, nous aimerions continuer avec vous.» Cela leur est très utile, pas seulement dans leurs causes de médiation mais aussi dans leurs autres causes.

Je tiens à souligner qu'il y a d'autres superviseurs qui appartiennent à d'autres professions. Il pourrait y avoir des avocats ou des psychologues.

Mme Bennett: Lorsque quelqu'un fait partie de la liste de Family Mediation Canada, est-ce la fin du processus? Est-ce qu'il y a aussi une collaboration avec le Bureau d'éthique commerciale? Est-ce qu'il y a des organismes professionnels qui assurent un contrôle régulier?

Mme Shaposnick: La raison pour laquelle ces cinq professions ont été choisies au Québec est que toutes bénéficiaient d'une corporation professionnelle qui pouvait être saisie de plaintes. Cela aurait pu marcher pour les médecins aussi. Je ne sais pas pourquoi.

M. Shaposnick: Je peux vous dire pourquoi c'est limité à cinq. C'était au début du processus. La médiation était quelque chose de nouveau. Le gouvernement du Québec ne savait pas très bien de quoi il s'agissait.

Je vais sauter tout de suite à votre autre question. Le Barreau a une relation haine-amour avec la médiation. Si un comité du Sénat se penchait sur cette question, les résultats seraient fascinants.

Depuis 13 ans, le Barreau du Québec fait des déclarations positives au sujet de la médiation. La pire réunion à laquelle j'aie jamais participé, en tant qu'avocat, fut une réunion de l'Association des avocats de la famille. Le gouvernement proposait un projet de loi pour rendre obligatoire une séance d'information sur la médiation. Je n'ai jamais vu autant d'avocats furieux dans une même salle, et je me suis demandé pourquoi ils étaient si furieux. Quelles pouvaient bien être leurs raisons cachées, puisque tous disaient qu'ils voulaient protéger les droits de leurs clients?

À mon avis, la raison cachée était qu'ils craignaient de perdre une partie de leur pouvoir. Les gens ont besoin d'avocats pour pouvoir négocier de bonnes ententes, et les avocats estiment que les gens ne peuvent pas le faire sans avocat. Des médecins ne peuvent pas les aider, dans la médiation, parce qu'il y a beaucoup de questions de droits et de questions financières en jeu. Il faut donc que ce soit des avocats. Les avocats devraient être les seuls à faire de la médiation, si on décide qu'il faut faire de la médiation.

Je soupçonne qu'il y avait aussi une question de perte de contrôle du client et de perte de finances.

Le sénateur DeWare: C'est sans doute surtout ça.

M. Shaposnick: Mais tout cela n'est jamais dit. Il n'est pas facile de parler ouvertement. Quoi qu'il en soit, le Barreau a toujours pris position en faveur de la médiation.

Mme Landau: Je suis d'accord avec ça. Les avocats sont nos meilleurs partisans mais aussi nos meilleurs critiques.

Dans mon cabinet, et conformément au code de conduite appliqué par chaque association de médiation provinciale et fédérale, nous veillons à recommander vigoureusement aux parents d'obtenir des conseils juridiques indépendants. Nous avons tous pour instruction d'indiquer dans nos contrats que les parties doivent obtenir des conseils juridiques indépendants. Je crois que les avocats ont peur, mais sans doute à tort. Je recommande toujours à mes clients d'obtenir des avis indépendants, et je suis sûre que tout le monde ici fait la même chose.

Ma première rencontre se fait toujours avec les avocats. Si les deux parties ont un avocat, je commence par rencontrer les avocats sans les clients. Si les clients étaient présents, les avocats essaieraient de les impressionner et ce serait tout à fait néfaste. Je tiens à ce que les avocats soient présents.

Ensuite, nous répartissons nos rôles. Je dis: «Pouvez-vous faire ce pourquoi vous avez été formés? Pouvez-vous obtenir une divulgation financière? Pouvez- vous dire à vos clients quels sont leurs droits et les envoyer à la médiation bien préparés?»

Je ne veux pas que les médiateurs soient dans la salle lorsque les gens négocient, parce que la médiation c'est aussi beaucoup une question d'émotion. Lorsque les avocats sont présents, ils essaient d'impressionner leurs clients. Ils se comportent comme s'ils étaient au tribunal et ils font des pressions sur le médiateur. Ils s'expriment au nom de leurs clients. Pour ma part, j'encourage les clients à rencontrer leurs avocats entre les sessions de médiation, si c'est nécessaire pour obtenir d'autres conseils.

À la fin du processus, je ne laisse jamais les clients signer quoi que ce soit dans mon bureau. J'envoie le protocole d'entente aux avocats en leur demandant de convoquer leurs clients et d'examiner le protocole avec eux pour veiller à ce que tous les droits des clients ont été protégés. Ensuite, les clients le ratifient dans le cabinet de leur avocat.

La raison pour laquelle je tiens à rencontrer les avocats dès le début est que je veux leur dire: «Soyons partenaires.» Encore une fois, il s'agit d'amener tout le monde du même côté de la table. Personne ne doit être adversaire. Je leur demande si nous pouvons former une équipe pour aider la famille à s'en sortir. Peut-être faut-il ensuite ajouter d'autres membres à l'équipe, comme un comptable indépendant, lorsque les sessions portent sur des questions financières importantes, ou peut-être d'autres conseillers. Dans certains cas, les gens ont peut-être besoin de l'appui émotif de leur médecin ou d'un thérapeute pour être prêts à faire face à des questions d'aliénation parentale, par exemple. Je leur dis alors: «Revoyons-nous dans un mois lorsque vous aurez eu la possibilité de rencontrer ces autres personnes.»

Il nous faut convaincre les gens que les familles en situation de crise peuvent avoir besoin de nombreuses ressources différentes pour s'en sortir, et chaque partie a un rôle à jouer.

Les avocats sont très contents de ne pas recevoir 400 messages par jour de leurs clients disant: «Savez-vous qu'il leur a donné des hot-dogs à manger?» ou «Savez-vous qu'il est arrivé 15 minutes en retard pour le hockey?» Ils ne pourraient pas faire face à ce genre de problème, et ils ne le voudraient pas. La médiation leur simplifie beaucoup les choses.

Un nombre croissant d'avocats abordent les questions financières lorsqu'ils viennent dans mes cours de médiation. S'ils ont peur d'y perdre sur le plan financier, ils pourront devenir médiateurs.

Beaucoup d'avocats sont épuisés. Ils ne sont pas fiers de leurs résultats en fin de journée. Ils gagnent peut-être beaucoup d'argent mais ils risquent aussi de faire perdre tout le monde.

J'ai exercé le droit de la famille pendant trois ans parce que des avocats m'avaient dit que je devrais comprendre le processus. J'ai donc pris ma potion. Croyez-moi, cela a été terrible pour moi parce que j'étais incapable d'envoyer des affidavits aux gens.

Dans ma première cause, le mari avait jeté sa femme à la rue sans vêtements et sans argent. Il l'avait agressée physiquement et verbalement. Il prenait des drogues et de l'alcool. Quand j'ai vu cela, je me suis dit: «Parfait, je vais gagner.» C'était un travesti. Nous avions tout pour nous. Je me suis dit: «Je vais gagner et il va perdre.» J'ai préparé un affidavit mais, en reprenant mon rôle de psychologue, je me suis dit: «Je ne peux pas lui imposer ça, il va se jeter par la fenêtre.» Je l'ai donc donné à son avocat en lui disant: «Si vous voulez vérifier tout ça, faites-le puis revenez me parler.» Il est revenu me voir, nous avons discuté et nous avons trouvé une solution.

La corollaire, c'est que le client de l'avocat m'a ensuite téléphoné pour me demander si je pouvais être aussi son avocate et si je pourrais l'aider à obtenir des services de consultation sur son identité sexuelle.

M. Irving: Je voudrais répondre au Dr Bennett.

En 1985, lorsque j'ai témoigné devant le comité permanent de la justice et des affaires juridiques, notre association comptait environ 50 membres. À l'époque, j'étais président de Family Mediation Canada. Aujourd'hui, nous en avons 2 000.

L'une des questions abordées pendant nos délibérations concernait le fait que nous n'avions pas d'infrastructure. Comment pouvions-nous faire la promotion de la médiation quand nous n'avions même pas d'organisation professionnelle?

Quatre cours sont dispensés depuis une quinzaine d'années. Le mien se donne à l'Université de Toronto et il y en a d'autres ailleurs. Bon nombre de gens ont obtenu 40 à 60 heures de formation supérieure en médiation.

Cette année, le ministère de la Justice a donné une subvention de 150 000 $ à Family Mediation Canada pour établir des normes et un processus d'enregistrement. De fait, il sera mis à l'essai au mois de mai.

Mme Landau: Moi aussi.

M. Irving: On veut que tout le monde passe par ce processus. Nous devrons soumettre deux ou trois bandes vidéo de réunions réelles que nous avons eues avec des familles, et nous serons évalués. L'Association fait son possible pour améliorer les pratiques et pour établir des normes, afin que les avocats n'aient aucune inquiétude lorsqu'ils décident d'envoyer des clients en médiation.

Il y a une autre partie de votre question à laquelle je crois pouvoir répondre. Que se passe-t-il si les gens veulent se réconcilier? La plupart des gens qui font ce que j'appelle de la médiation familiale thérapeutique viennent du secteur du travail social ou de la psychologie plutôt que du secteur strictement juridique. Or, l'une des choses que nous faisons consiste à aider les gens. Nous leur disons: «Écoutez, nous pouvons laisser la médiation de côté et essayer de vous aider à vous réconcilier.» C'est tout à fait possible.

Mme Bennett: Si nous obtenons les ressources, l'éducation et les changements de terminologie, il va évidemment y avoir une explosion d'activité dans votre secteur.

J'étais dans le premier groupe du nouveau Collège de médecine familiale qui a établi des normes. Vous devez vous améliorer comme profession. Si vous deviez concevoir un système pour l'ensemble du Canada, est-ce que ce serait le système vers lequel vous évoluez actuellement?

M. Irving: Je l'ai vu. Je peux vous dire qu'il est très sophistiqué et rigoureux. C'est un début. Nous ne pouvons pas attendre que les choses se fassent toutes seules.

Même si Nike vient de passer une mauvaise année, son slogan reste le même: «Vas- y.» C'est la même chose pour nous. Nous devons nous débrouiller nous-mêmes. Cela fait 15 ans que nous parlons des mêmes choses. Nous avons examiné plus de 60 études empiriques et nous avons maintenant suffisamment d'informations pour savoir que la médiation marche lorsque les bonnes conditions sont réunies. Nous connaissons ces conditions. Cependant, ce n'est pas accessible aux gens de ce pays. J'espère que c'est un défi que votre comité pourra relever.

Mme Landau: Des milliers de gens obtiennent la formation. Dans bon nombre de juridictions, 40 heures suffisent mais je ne pense pas que ce soit assez. Mon cours de base dure 60 heures, et le cours avancé en fait 30 de plus. Ensuite, les gens doivent participer au groupe de supervision et il y a toutes sortes d'autres activités.

Il est peu probable que la médiation soit préjudiciable, surtout si l'on a pu faire les examens nécessaires en matière de violence familiale et si les médiateurs ont obtenu une bonne formation. Les médiateurs ne prennent pas de décisions pour les gens. C'est pour cette raison qu'il y a tellement peu de poursuites judiciaires contre eux. Mon assurance professionnelle ne me coûte que 125 $ par an, ce qui montre bien que le risque est très faible. Les gens prennent leurs décisions eux-mêmes. Avec des conseils juridiques indépendants, les risques sont vraiment minimes.

C'est toujours le problème de l'oeuf et de la poule. Tant que l'on a proposé la médiation avec réticence et avec beaucoup de mise en garde, comme les avocats l'ont fait, les gens ont été fort peu incités à payer des milliers de dollars pour en arriver au point où mes collègues et moi-même en sommes aujourd'hui, c'est-à-dire des milliers d'heures de formation. Les gens disent: «Aurons-nous la possibilité d'utiliser ces compétences?» À l'heure actuelle, ils ne l'ont pas. Je crois qu'il devrait y avoir une gamme de services, à la fois privés et reliés aux tribunaux, parce qu'il faut offrir des choix aux consommateurs. Et il y aurait beaucoup de manières de financer cela, mais je n'en parlerai pas aujourd'hui. J'en ai parlé un peu dans mon mémoire. Quoi qu'il en soit, tant que le gouvernement n'aura pas dit clairement que c'est une bonne idée, vous n'aurez pas autant de médiateurs qu'il pourrait y en avoir. Beaucoup de gens ont obtenu la formation mais n'ont jamais eu un dossier à traiter, malgré leur compétence.

La coprésidente (sénatrice Pearson): L'un des problèmes du président de séance est qu'il ne peut pas poser de questions avant que tous les autres soient fatigués.

J'ai été frappée, madame Landau, de vous entendre parler de changement de perspective. Le divorce est une expérience très importante pour l'enfant. Vous avez cependant dit qu'il faudrait que les enfants plus âgés aient la possibilité de demander eux aussi la médiation, dans certaines circonstances. L'une des questions que nous allons nous poser concerne précisément le rôle des enfants dans tout ce processus. Je veux parler ici non seulement de leur intérêt particulier mais aussi de la manière dont nous pourrions les amener à être partie prenante dans le processus plutôt que simplement l'objet du processus.

Mme Landau: Il y a manifestement des différences dans la manière dont les médiateurs travaillent. Comme M. Irving, je dirais que j'oeuvre du côté thérapeutique de la médiation.

Dans mon cabinet, je veille toujours à ce que les enfants participent, non pas à la prise de décisions sur la manière dont ils seront élevés mais sur d'autres questions. Dès que les enfants ont quatre ans ou plus, je les rencontre. Évidemment, je suis psychologue. Tout le monde n'a pas nécessairement reçu la formation pour ça. Quand j'enseigne la médiation, j'apprends aux gens à travailler avec d'autres professionnels et à utiliser d'autres ressources de leur collectivité pour se faire une meilleure idée de ce dont les enfants ont besoin et de la manière dont on pourrait les aider.

Je ne demande jamais aux enfants qui ils aiment le plus ou avec qui ils voudraient vivre. Je leur demande ce qui serait le plus utile pour eux dans ce processus. Par exemple, le petit garçon de trois ans peut-il prendre sa couverture avec lui lorsqu'il va dormir chez son père ou chez sa mère?

Je trouve que les enfants sont merveilleux. En fait, je pourrais fort bien laisser les adultes en dehors du processus et formuler des plans brillants de partage des responsabilités parentales en travaillant uniquement avec les enfants. Les enfants sont très utiles lorsqu'il s'agit d'identifier leurs peurs et leurs préoccupations, et c'est leur contribution qui fait que le plan est axé sur leurs besoins.

Je peux vous donner l'exemple d'un enfant de sept ans qui disait avoir peur de dormir chez son père. Les parents sont venus me voir parce qu'ils souhaitaient que l'enfant puisse dormir chez son père mais il résistait. Lorsque j'en ai discuté avec l'enfant, j'ai appris qu'il avait peur parce que, pendant le mariage, le père n'avait jamais fait la cuisine. Il y avait souvent eu des éclats avec la mère au sujet du fait que le père ne voulait pas faire les courses, ne voulait pas faire la cuisine ou s'occuper de tâches domestiques, et l'enfant craignait de mourir de faim s'il allait chez son père.

J'ai entendu tellement d'histoires merveilleuses d'enfants que l'on a pu rassurer en discutant avec eux. Comme ils n'ont qu'un seul lit, ils se demandent comment ils peuvent avoir deux maisons. On doit donc leur parler de deux lits. Et qui va s'occuper du chien?

Les enfants ont besoin d'un porte-parole pour aider les parents à comprendre leur propre peine et à voir les choses de leur point de vue. Et il faut aussi être ferme parce qu'il est difficile de faire faire à un enfant de 14 ans quelque chose qu'il ne veut pas faire. Il faut prêter attention à ses préoccupations.

Le coprésident (M. Gallaway): Merci beaucoup de vos témoignages. Nous avons beaucoup appris aujourd'hui au sujet de la médiation. Notamment que les médiateurs n'ont pas la langue dans leur poche. Nous vous remercions beaucoup de votre participation.

La séance est levée jusque lundi matin à 9 heures, où nous serons à Toronto.

La séance est levée.