TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 1er juin 1999
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool (Tracadie, Lib.)): À l'ordre, s'il vous plaît.
La coprésidente, Mme Finestone, sera en retard de quelques minutes. Je tiens à vous faire remarquer, chers collègues, que c'est le moment d'adopter des motions favorables au Nouveau-Brunswick parce que nous recevons des témoins du Nouveau-Brunswick et que nous sommes six autour de la table pour le Nouveau-Brunswick.
Je ne pense pas, sénateur Simard, que vous vouliez faire adopter une motion au sujet des élections, non plus que moi, d'ailleurs.
Le sénateur Jean-Maurice Simard (Edmundston, PC): J'aimerais demander aux gens du Nouveau-Brunswick d'élire un gouvernement conservateur.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je voudrais souhaiter la bienvenue à Gino LeBlanc, Micheline Doiron et Paul-André Baril. Gino, ce n'est pas la première fois que vous comparaissez devant ce comité. Comme d'habitude, vous ferez une présentation et on passera ensuite à la période de questions.
Pendant la deuxième heure de la séance, nous recevrons la présidente de l'ACFO, mais il y aura peut-être un vote à la Chambre des communes avant cela.
Allez-y, Gino.
M. Gino LeBlanc (président, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente.
Avant de commencer ma présentation, je vais vous présenter M. Paul-André Baril et Mme Micheline Doiron, qui travaillent tous deux chez nous, à la FCFA. Ils travaillent tous deux à des dossiers qui ont trait aux articles 41 et 42 de la Loi sur les langues officielles. N'hésitez pas à leur poser des questions plus spécifiques sur des dossiers qui vous intéressent.
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de nous offrir l'occasion d'échanger avec vous sur le dossier de la mise en oeuvre des articles 41 et 42, qui concernent l'engagement du gouvernement fédéral à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement.
Nous avons toujours trouvé chez vous un intérêt pour cette question et senti une volonté de nous aider à faire de cet engagement un appui efficace au développement des communautés de langue officielle de tout le pays. Il s'agit, comme vous le savez, d'un dossier où les résultats n'ont pas été jusqu'à maintenant à la hauteur de nos attentes.
Même si nous sommes déçus des résultats obtenus, nous sommes bien conscients que la mise en oeuvre présentait des défis bien particuliers, entre autres celui de la coordination horizontale de l'action gouvernementale. Deuxièmement, tout ceci s'est passé pendant la revue des programmes gouvernementaux, dans un contexte de restrictions budgétaires importantes. Cependant, grâce à l'écho que des partenaires comme votre comité et le commissaire aux langues officielles ont donné à nos représentations, le gouvernement dispose présentement d'un plan de route qui pourrait permettre de corriger la situation.
Des initiatives telles que la création d'un fonds interministériel, qu'on appelle le PICLO, semblent indiquer la volonté du gouvernement d'aller de l'avant. Des contributions récentes importantes ont aussi amélioré notre compréhension des obligations gouvernementales. Le rapport d'Yvon Fontaine a souligné l'importance d'un rôle fédéral raffermi pour le développement des communautés de langue officielle en milieu minoritaire. Le rapport de Donald Savoie, quant à lui, offre un examen approfondi de la question et suggère plusieurs pistes pour corriger le tir.
Permettez-nous aussi de souligner l'éclairage qu'offre un jugement de la Cour suprême sur la portée communautaire des droits linguistiques. Dans le récent arrêt Beaulac, il y a quelques semaines, le juge Bastarache soutenait, et je cite:
Il parle aussi de «la nécessité d'interpréter les droits linguistiques comme un instrument essentiel dans le maintien et la protection des collectivités de langue officielle».
• 1540
Grâce à ces contributions, le gouvernement dispose
d'une carte routière. Il est en mesure de mieux saisir
les difficultés. Il a en main des recommandations pour
changer la situation.
Nous aimerions aujourd'hui discuter avec vous de quelques-unes des principales conclusions du rapport de Donald Savoie. Premièrement, M. Savoie note, que «la démarche du gouvernement fédéral à ce chapitre a reposé essentiellement sur des projets de toutes sortes». Il parle d'initiatives ponctuelles sans lien entre elles. À son avis, agir ainsi équivaut à essayer de répondre à des besoins infinis avec des ressources limitées. Comme il le souligne, pratiquement tous les projets imaginables peuvent être recevables. En d'autres mots, quand on ne sait pas où on veut aller, tous les chemins sont bons pour y arriver.
La distinction que M. Savoie fait entre les communautés vivant en milieu rural et en milieu urbain indique la nécessité de bien comprendre les communautés et leurs besoins. À cet égard, il dit qu'il y a au moins deux communautés francophones en milieu minoritaire, l'une rurale et l'autre urbaine, et qu'elles ont chacune des besoins fort différents et requièrent des politiques ou des interventions qui leur soient spécifiques.
Il met aussi en lumière la nécessité de promouvoir une approche coordonnée—c'est un concept très important sur lequel je vais revenir—permettant d'accroître la vitalité des collectivités minoritaires de langue officielle. À son avis, les stratèges et les décideurs du gouvernement fédéral doivent prendre du recul et examiner à nouveau ce que doit faire le gouvernement pour promouvoir l'épanouissement des collectivités francophones hors Québec.
Trop de ministères préparent leur plan d'action en faisant un genre de guignolée, en faisant le tour des différentes sections du ministère et en leur demandant de contribuer quelque chose aux francophones hors Québec. Le rapport Savoie déplore ce genre d'approche et suggère plutôt des approches stratégiques, où des défis sont clairement identifiés et des stratégies mises en place pour y répondre.
Plus tôt, j'ai mentionné que les résultats étaient bien en deçà des attentes. Des difficultés ont certes été rencontrées, mais il faut reconnaître que des jalons importants ont été posés. Il y a des réussites qui pointent la voie.
Premièrement, l'entente-cadre dans le secteur culturel identifie un certain nombre de projets et affecte des ressources à leur réalisation sur une période de trois ans. Même si cette entente ne contient pas à proprement parler un plan d'ensemble pour le développement culturel et même si la négociation qui y a mené a été inutilement difficile, elle représente une réussite dont on peut s'inspirer pour aller plus loin.
Deuxièmement, l'annonce, dans le dernier budget, de la création d'un fonds interministériel, tel que proposé dans le rapport de Donald Savoie, assure des ressources pour appuyer une mise en oeuvre des articles 41 et 42. Ce fonds interministériel pourra constituer un outil puissant pour le développement de stratégies et programmes dirigés vers les communautés, mais encore faut-il que le fonds soit clairement orienté vers l'appui à des initiatives stratégiques clairement établies plutôt que saupoudré en appui à toute une kyrielle de projets sans lien les uns avec les autres. Nous discutons présentement avec les responsables de Patrimoine Canada pour établir ce fonds sur des bases qui en feront l'outil puissant qu'il peut être et non une simple cagnotte qui s'ajoute aux sommes actuelles. Parmi les points de discussion, il y a le fait que le fonds de 6 millions de dollars annoncé semble maintenant être passé à 5 millions de dollars, prétendument pour couvrir des frais d'administration.
Troisièmement, il y a le Comité de développement des ressources humaines de la francophonie canadienne. Ce comité paritaire réunit des représentants des communautés francophones et de neuf ministères qui ont signé un protocole d'entente en mars 1998. Le comité a adopté une démarche précise pour définir une stratégie dans les domaines du développement économique et de la formation professionnelle. Il a entre autres réalisé une étude approfondie de la situation et des besoins. Il a mis en place un mécanisme de collaboration communautés-gouvernement. Il a élaboré un plan d'action et on lui a attribué des ressources pour réaliser ce plan d'action, des ressources significatives mais encore insuffisantes. Par exemple, le ministère du Développement des ressources humaines a débloqué 5, 7 et 9 millions de dollars pour les trois prochaines années, pour trois projets spécifiques.
• 1545
L'approche adoptée par le Comité de développement des
ressources humaines, avec tous les éléments que je viens
de signaler, pourrait être adoptée dans d'autres
secteurs tels que ceux des nouvelles technologies, de la santé,
du développement international et du développement
des communautés dans leur ensemble. À cet égard, le
secteur de la
santé pourrait servir de
secteur témoin pour mesurer la détermination du
gouvernement et de ses agents à assurer une mise en
oeuvre efficace des articles 41 et 42.
Lors de sa comparution devant vous le 9 mars dernier, l'honorable Marcel Massé reconnaissait que s'il y a un moment où on veut pouvoir s'exprimer dans sa langue, c'est bien quand on se fait soigner à l'hôpital et quand on est aux études.
Le professeur Donald Savoie souligne que le vieillissement de la population, le désir profond d'avoir accès aux services de santé dans sa langue et l'impression généralisée que les réalisations dans le domaine de la santé traînent loin derrière celles du domaine de l'éducation sont à l'origine des préoccupations dans ce domaine. Ces préoccupations ont aussi trouvé écho dans le dernier rapport du commissaire aux langues officielles, qui consacre les premières lignes de son document à cette question.
Les changements majeurs qui s'opèrent présentement dans le système de santé constituent des menaces pour les très maigres acquis de nos communautés, mais ils peuvent aussi présenter une occasion d'innover dans l'organisation des services communautaires, la livraison des soins à domicile, l'utilisation des nouvelles technologies pour desservir les communautés éloignées, etc.
On pourrait dire que la santé est une responsabilité provinciale. L'éducation l'est aussi, mais cela n'a pas empêché le gouvernement fédéral d'appuyer les provinces et les communautés dans le développement de réseaux d'éducation en français à travers le pays.
Santé Canada administre bon nombre de programmes qui sont capables de contribuer directement à l'amélioration de la situation et d'apporter le leadership politique pouvant inciter les gouvernements provinciaux et territoriaux à en faire plus.
Le fédéral a un rôle important dans le domaine de la santé. Il a aussi l'obligation quasi constitutionnelle d'utiliser ses ressources et ses programmes pour appuyer le développement des communautés de langue officielle. Au niveau fédéral, une initiative dans le domaine de la santé pourrait mettre à contribution, en plus de Santé Canada, Agriculture et Agroalimentaire et le partenariat rural qui s'y fait, Industrie Canada, Développement des ressources humaines et Patrimoine canadien.
La FCFA a entrepris des démarches auprès des gouvernements provinciaux. C'est ainsi que les ministres participant à la Conférence fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables des affaires francophones à Whitehorse, en juillet 1998, s'entendaient pour dire qu'ils allaient examiner, de concert avec leurs homologues responsables de la santé et de la formation, la situation de la formation en français des professionnels de la santé et de la prestation des soins de santé en français dans chaque province et territoire afin d'identifier des pistes de collaboration possibles.
Pouvons-nous compter sur Santé Canada pour nous aider à développer une véritable stratégie dans ce domaine qui contribuera, avec la collaboration des provinces et des partenaires communautaires, selon les termes du juge Bastarache, au «maintien et à l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada»?
Le dernier plan d'action annuel de Santé Canada remonte déjà à 1996. Le rapport Savoie le qualifie de peu ambitieux, et les objectifs et initiatives qu'il énonce sont anémiques.
Nous espérons que le contexte actuel fournira l'occasion d'une relance véritable. Le contexte actuel, c'est-à-dire l'Année de la francophonie canadienne, la tenue du Huitième Sommet de la Francophonie à Moncton et les Jeux de la Francophonie à Ottawa en 2001, offre l'occasion de relancer le dossier, de lui donner une énergie nouvelle.
La capacité du Canada d'assurer le développement de sa communauté d'expression française, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du Québec, représente un élément important du débat sur l'unité nationale.
Encore une fois, je vous remercie de nous avoir fourni cette occasion d'échanger avec vous. Nous voulons vous assurer de notre entière collaboration. Nous voulons aussi profiter de cette occasion pour vous souhaiter la bienvenue dans nos communautés lors de la tournée que vous envisagez d'entreprendre l'automne prochain. Une tournée en région vous permettra de vérifier l'état de la situation sur le terrain.
• 1550
Les membres de la FCFA seront heureux de vous
accueillir et de mettre tout en oeuvre pour vous faciliter
le travail. Pouvons-nous aussi vous suggérer des
rencontres avec les fonctionnaires
responsables de l'administration des programmes de même
qu'avec les autorités provinciales dans les cas où des
responsabilités fédérales leur ont été dévolues?
Madame la présidente, je vous remercie.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur LeBlanc, je vous remercie de votre présentation ainsi que de vos dernières suggestions. Je pense pouvoir vous dire que le comité directeur du Comité des langues officielles a déjà pris note de certaines de ces suggestions et s'attend à rencontrer les autorités fédérales.
Vous avez mentionné à quelques reprises le rapport Savoie. Le comité s'est donné cette année le mandat assez précis d'aborder toutes les questions énoncées dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Vous avez dû rencontrer M. Savoie lorsqu'il a fait son rapport. Est-ce que le rapport Savoie passe sous silence certaines choses que la FCFA aurait voulu qu'il contienne, surtout vis-à-vis de la partie VII de la loi?
M. Gino LeBlanc: Le rapport de M. Savoie fait des recommandations assez précises. Si ces éléments étaient pleinement mis en oeuvre, on ferait déjà un pas assez important. M. Savoie recommandait une panoplie de choses, entre autres le fonds interministériel qui a été mis sur pied par Mme Copps lors du dernier budget Martin. Mais M. Savoie recommandait une somme beaucoup plus importante, de l'ordre de 20 millions de dollars si je ne m'abuse, pour le fonds interministériel. On avait annoncé 6 millions de dollars pour cela et on parle maintenant de 5 millions de dollars parce que, dit-on, il faut 1 million de dollars pour administrer ce nouveau programme.
Une autre recommandation très importante de M. Savoie était la création d'un secrétariat permanent pour coordonner tout cela. La FCFA verrait d'un très bon oeil la création d'un tel secrétariat. Chez nous, lorsqu'on essaie de faire mettre en oeuvre la partie VII dans les ministères, on voit qu'il n'y a pas de lieu pour coordonner ces activités au gouvernement fédéral. Il y a le ministère du Patrimoine canadien qui administre des programmes et des fonds pour aider les institutions à faire des activités de promotion des communautés de langue officielle. Cependant, comme vous le savez, il s'agit d'un ministère vertical, alors que la partie VII impose une obligation horizontale: elle doit être mise en oeuvre dans les 26 ministères ciblés. Ce secrétariat que M. Savoie recommande et que nous revendiquons activement auprès du premier ministre et des fonctionnaires serait un élément crucial pour que les ministères fassent des progrès concrets dans la mise en oeuvre de la partie VII. Vous nous demandiez s'il manquait des choses dans le rapport Savoie. Je vous dirai que si ces recommandations étaient mises en oeuvre, ce serait un pas important.
Il y a une autre chose qui est importante pour nous. M. Savoie en parle, mais je veux mettre l'accent là-dessus dans ma présentation d'aujourd'hui. Il faut éviter de tomber dans toutes sortes de projets. Il y a le projet A, le projet B, le projet C, et voici 10 000 $ de tel ministère pour tel projet. À la longue, cela ne mène nulle part par rapport au développement, par rapport à des actions structurantes pour nos communautés. M. Savoie en parle un peu, et cela m'apparaît capital.
Des gens sont en train de décider de la manière dont on va dépenser les 6 millions de dollars, qui sont devenus 5 millions de dollars, et les responsables des ministères sont en train de faire leurs plans d'action, qu'ils devront présenter au Parlement. On doit les convaincre d'établir une stratégie qui va aboutir à des choses structurantes.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je vous remercie. Ce n'est pas la première fois que vous venez au comité et j'ose croire que vous connaissez le processus. L'opposition officielle posera les premières questions, puis ce sera le tour du Bloc québécois et ensuite du Parti libéral.
Monsieur Goldring.
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Merci, madame la présidente.
Merci de votre exposé.
Monsieur LeBlanc, j'aimerais vous poser une question concernant votre organisme, qui date de 1975 et qui comprend maintenant 16 associations membres—neuf au niveau provincial, trois au niveau territorial, et quatre associations sectorielles au niveau national. Pourriez-vous m'expliquer ce qu'est une association sectorielle? Combien d'associations membres y avait-il en 1975, lorsque l'organisme a été fondé?
M. Gino LeBlanc: D'accord.
[Français]
La FCFA, comme vous le dites, regroupe les représentants politiques des francophones à l'extérieur du Québec. Chaque province ou chaque territoire a un groupe porte-parole politique qui est fédéré à la FCFA.
Vous demandez quels groupes sectoriels sont membres de notre fédération. À l'heure actuelle, il y a quatre secteurs. Il y a le secteur de la jeunesse, soit la Fédération de la jeunesse canadienne-française; il y a le secteur des femmes, qui est la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises; il y a les juristes, soit la Fédération des juristes d'expression française; et il y a l'APF, l'Association de la presse francophone pour la francophonie canadienne. Il existe d'autres groupes nationaux sectoriels, par exemple la Fédération culturelle canadienne-française, avec laquelle on travaille étroitement.
Vous me demandez aussi comment nous étions structurés en 1975, au moment de la naissance de notre organisme. À l'époque, on s'appelait la Fédération des francophones hors Québec. Au départ, nous regroupions seulement les groupes provinciaux là où il y avait des structures. Il y a des structures très anciennes. Par exemple, la Société Saint-Thomas-d'Aquin, à l'Île-du-Prince-Édouard, date du XIXe siècle. Il s'agit d'un groupe d'Acadiens qui s'est formé il y a au-delà de 100 ans. D'autres structures sont plus jeunes, comme la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick, qui date elle aussi des années 1970, à l'époque de l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles au Canada et au Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Je lis ici que votre fédération défend les droits et offre des conseils juridiques. Comment votre fédération est-elle financée, et combien d'argent reçoit-elle chaque année? En ce qui concerne les conseils juridiques et la défense des droits, pourriez-vous me donner des exemples précis de ce genre de travail?
[Français]
M. Gino LeBlanc: Nous sommes financés par l'État fédéral canadien, par le Parlement canadien en vertu de la Loi sur les langues officielles, par l'entremise du programme d'appui aux langues officielles, qui était à l'époque la responsabilité du Secrétariat d'État et qui est maintenant celle du ministère du Patrimoine canadien. On reçoit une subvention de l'ordre d'environ 500 000 $ par année. C'est ce qu'on appelle en anglais le core funding.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Vous participez à des projets de coopération internationale. Pourriez-vous me citer des exemples précis?
[Français]
M. Gino LeBlanc: Je vais d'abord répondre à votre question sur l'appui juridique que nous offrons. D'une part, il y a la Fédération des juristes d'expression française qui regroupe des associations de juristes francophones qui existent déjà, notamment en Alberta et au Nouveau-Brunswick. On a aussi, au sein de la FCFA, un juriste qui peut donner des conseils sur une foule de choses, par exemple sur des questions de droits linguistiques. Un exemple serait celui de la gestion scolaire à l'Île-du-Prince-Édouard. La communauté francophone à l'Île-du-Prince-Édouard est à la veille d'aller devant les tribunaux pour revendiquer le droit d'avoir une école française à Summerside. La FCFA est un partenaire de l'équipe de parents de Summerside, à l'Île-du-Prince-Édouard, pour monter ce dossier.
Vous posiez une question sur le développement international. C'est un dossier très récent. C'est un dossier en émergence. J'ai été élu il y a deux ans. Depuis mon arrivée, c'était une chose sur laquelle je voulais mettre l'accent. Le développement international qui se fait en français est surtout basé au Québec. Il y a 99 p. 100 du financement qui peut être octroyé par l'ACDI ou par d'autres agences. L'expertise était surtout présente au Québec. Je pensais que nos communautés avaient la capacité d'être des acteurs sur la scène internationale. Donc, il y a un an, on a mis sur pied le Bureau francophone de la coopération internationale qui, à la veille du Sommet de la Francophonie de Moncton, au mois de septembre, va s'insérer dans les stratégies de développement international pour la Francophonie.
M. Peter Goldring: S'il y a des fonds prévus pour les projets de coopération internationale, ne croyez-vous pas que cela va à l'encontre de la concurrence...? Est-ce que l'autre groupe linguistique principal du pays, les anglophones, reçoit aussi un financement pour la coopération internationale? Quelle proportion du financement que vous recevez serait consacrée à ce volet de coopération internationale?
[Français]
M. Gino LeBlanc: En fait, il y a toutes sortes de programmes très spécifiques à l'ACDI. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je vous dirai que la communauté autochtone est participante, par exemple. Si vous parlez des différents groupes de la société canadienne, je vous dirai que les autochtones ont des programmes spécifiques de développement international. Les anglophones, évidemment, sont inscrits dans tous les programmes de l'ACDI. Je voulais faire ressortir que dans la francophonie canadienne, c'est le Québec qui a l'expertise. Depuis plus de 20 ans, il a acquis une expertise en matière de développement international. Dans nos communautés, on n'a pas occupé ce créneau, et cela me semblait porteur d'avenir dans une société où la mondialisation sera importante.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Quelle proportion du financement serait consacrée à ce volet? Pourriez-vous donner une estimation? Vous recevez 500 millions de dollars. S'agit-il de 10 p. 100 qui serait consacré à ce projet de coopération internationale? Quel serait le pourcentage?
[Français]
M. Gino LeBlanc: Ce n'est pas 500 millions de dollars qu'on reçoit pour cela, mais 500 000 $. Si c'était 500 millions de dollars, on serait beaucoup mieux structurés.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Combien d'argent va à cela?
[Français]
M. Gino LeBlanc: Pour le BFCI, on a eu une collaboration du ministère des Affaires étrangères. Je vous avoue que jusqu'à l'année dernière, c'était 50 000 $. C'était vraiment des pinottes par rapport au budget des Affaires étrangères. La francophonie canadienne recevait 50 000 $. Avec ce montant de 50 000 $, on a mis sur pied le Bureau francophone de la coopération internationale. À partir de là on espère pouvoir s'intégrer dans les projets présentés à l'Agence de la Francophonie.
[Traduction]
M. Peter Goldring: C'est 50 000 $.
[Français]
M. Gino LeBlanc: Comme je ne suis pas directeur général, je ne connais pas tous les chiffres, mais je suis sûr que jusqu'à l'année dernière, c'était 50 000 $.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci.
Monsieur de Savoye.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur LeBlanc, c'est avec plaisir que je vous revois.
M. Gino LeBlanc: Merci.
M. Pierre de Savoye: Je profite de l'occasion pour mentionner qu'il y a deux semaines, je suis allé à Vancouver et ensuite à Calgary, où j'ai eu l'occasion de rencontrer des gens des communautés francophones. C'est incroyable de voir comme ils sont dynamiques et décidés à mettre en valeur leur langue et leur culture. Je suis certain que votre organisme y est pour beaucoup.
Tout à l'heure, vous déploriez d'une certaine façon qu'il n'y ait pas d'angle d'attaque stratégique pour un certain nombre de questions qui sont chères aux communautés francophones et acadienne. Vous déploriez aussi que certaines approches soient du type saupoudrage ou guignolée. Cela a pour résultat que des choses émergent, mais qu'il n'y a pas de masse critique qui se crée. Par conséquent, les résultats demeurent bien en deçà des attentes.
Vous avez quand même pris soin de signaler que, dans certains cas, des choses concrètes et fort intéressantes se sont produites, ce qui vous a amené à nous suggérer certaines pistes. Une de ces pistes a retenu mon attention, et c'est celle de la santé.
Je crois que le juge Bastarache indiquait tout récemment qu'être jugé dans sa langue était un droit intime, et je crois que M. le juge n'aurait pas besoin d'être sollicité longtemps pour ajouter qu'être soigné dans sa langue est aussi un droit intime.
Mais entre ce souci bien fondé, auquel j'adhère, d'assurer, dans le domaine de la santé, l'accessibilité en français aux francophones du Canada et la manière de livrer tout cela, il y a un certain nombre d'inconnues à résoudre. Vous en avez signalé une et elle est d'importance: la santé est de compétence provinciale. Je suis certain qu'un certain nombre de provinces seraient moins réticentes que d'autres à voir le gouvernement fédéral s'immiscer dans ce domaine, mais encore là, tout serait dans la manière. On se rappellera le cas de l'hôpital Montfort.
• 1605
Avez-vous quelques suggestions à nous faire quant à la
manière dont le gouvernement fédéral pourrait
collaborer avec les provinces
pour permettre un accès aux soins de santé dans leur langue aux
francophones du Canada?
M. Gino LeBlanc: Je suis content que vous me posiez cette question. Je suis heureux d'avoir à mes côtés Paul-André Baril qui, à l'heure actuelle, consacre la plus grande partie de son temps au dossier de la santé. Vous soulevez le problème de façon très précise. C'est le nerf de la guerre.
Cela demande un effort du ministère fédéral de la Santé dans une domaine de compétence qui est provincial, mais des choses très concrètes peuvent être faites. On vient justement d'entamer une étude sur la livraison des services, pour savoir quels sont les mécanismes de livraison de services les plus appropriés. On ne peut pas bâtir un hôpital dans toutes les communautés francophones. Ce n'est pas réaliste.
Je vais laisser M. Baril répondre à votre question. Il vous fera part de pistes intéressantes dans un dossier qui commence à émerger chez nous.
M. Paul-André Baril (responsable du dossier interministériel, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada): Comme M. LeBlanc le disait, Santé Canada offre des programmes qu'il administre lui-même. Le ministère ne livre pas des services de santé comme tels, mais il est impliqué dans le domaine de la prévention.
Ce ministère est impliqué dans différents autres domaines qui ont un lien direct avec la population. On pourrait d'abord s'assurer que les communautés francophones en milieu minoritaire aient accès aux programmes de Santé Canada. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas présentement. Il y a plusieurs provinces où des communautés essaient d'avoir accès à des programmes de Santé Canada dans leur langue et ne réussissent pas à le faire.
Une autre façon de procéder serait que Santé Canada joue le rôle de leader pour amener les provinces à être plus actives. Dans certains cas, on n'aura pas besoin de les convaincre. Par exemple, au Manitoba, en juillet aura lieu l'ouverture officielle d'un centre de santé communautaire financé entièrement par la province. À l'Île-du-Prince-Édouard, il y a une expérience-pilote de centre de santé communautaire en français. Il y a déjà des provinces qui sont prêtes à le faire. Dans le cas de celles qui ne sont pas encore prêtes, je pense que Santé Canada aurait un rôle à jouer pour les inciter à en faire plus.
Une façon de nous aider, sur le plan communautaire, serait que Santé Canada, de concert avec nous et les provinces, essaie de planifier une stratégie précisant où on voudrait en être rendu dans cinq ou dix ans dans le domaine de la prestation des services de santé en français.
M. Pierre de Savoye: Évidemment, on peut en parler ici, autour de cette table, et cela a sans doute son utilité pour éveiller les esprits à ces questions, mais lorsqu'on veut passer à l'action, il faut un peu plus que cela. Suggéreriez-vous qu'un tel sujet soit à l'ordre du jour d'une conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé?
M. Gino LeBlanc: Tout à l'heure, lorsque j'ai fait ma présentation, j'ai énoncé un certain nombre de principes qui pourraient aider les communautés à réaliser des gains dans différents secteurs.
Un de ces éléments serait de bâtir des structures de partenariat entre les communautés et le gouvernement. J'ai donné l'exemple du Comité de développement des ressources humaines, qui réunit neuf ministères autour d'une table. Il a un plan d'action ainsi que des ressources allouées spécifiquement aux francophones dans ses champs d'intervention. C'est une structure où siègent la communauté et les intervenants.
Doit-on mettre le sujet de la santé à l'ordre du jour d'une conférence fédérale-provinciale? Je vous laisse répondre à cette question. Si vous pouviez m'aider à mettre sur pied une structure réunissant les communautés et le ministère de la Santé pour les questions intéressant les francophones, ce serait beaucoup plus productif à l'heure actuelle, dans la phase où on se trouve actuellement.
M. Pierre de Savoye: J'apprécie cette réponse car elle m'éclaire. J'imagine qu'elle éclaire également nos collègues autour de la table. Merci, madame la présidente.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. Sénateur Louis Robichaud.
Le sénateur Louis J. Robichaud (L'Acadie—Acadia, Lib.): Madame la présidente, je n'ai pas de question spécifique à poser à M. LeBlanc et au personnel. J'aimerais les féliciter pour le courage dont ils font preuve jour après jour dans leur lutte pour défendre une cause à laquelle ils croient. C'est une vieille cause qui remonte à de très nombreuses années. On est parti de rien et on a créé des choses. Lorsqu'on a commencé, il y a des générations, il n'y avait rien. Aujourd'hui, on est arrivé à ce dont vous avez hérité. Vous perpétuez une très belle tradition, et nous sommes fiers de vous.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Denis Paradis, je vous invite à vous prévaloir du temps qui était accordé au sénateur Robichaud.
M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Je souhaite la bienvenue à M. LeBlanc et aux membres de sa délégation. Votre fédération a une lourde tâche qu'elle accomplit très bien et qui consiste à représenter une des deux communautés de langue officielle. J'aime bien la terminologie que le juge Bastarache a utilisée dans son jugement, soit une des deux communautés de langue officielle au pays. On a peut-être encore un bout de chemin à faire pour que tout le monde reconnaisse que cette communauté de langue officielle française existe non seulement au Québec, mais aussi dans les autres provinces.
Je me rappelle un test que notre collègue Don Boudria faisait subir à des Québécois il n'y a pas si longtemps. Il leur demandait: «Combien de francophones vivent en Ontario? Cinq mille? Cinquante mille? Cent mille? Deux cent mille? Trois cent mille? Cinq cent mille?» Pratiquement personne n'était en mesure de répondre à sa question. Personne ne s'était rendu compte qu'il y avait 500 000 francophones en Ontario. C'est une réalité importante, mais qui me semble méconnue, plus particulièrement au Québec. Il faudrait qu'on fasse connaître le nombre de francophones qui vivent dans l'ensemble des provinces, d'un bout à l'autre du pays. Cela pourrait faire partie du mandat de votre fédération. Vous pourriez insister davantage sur ce fait et le disséminer. En plus de le faire savoir, il faudrait le faire valoir. Le Sommet de la Francophonie qui aura lieu au Nouveau-Brunswick nous donnera peut-être une occasion extraordinaire de faire valoir le fait que dans notre pays, il y a une communauté francophone dont la majorité se trouve au Québec, mais dont on trouve des membres d'un bout à l'autre du pays.
Cela pourrait être une belle tribune où votre fédération pourrait être active et le faire savoir à l'ensemble des 52 pays et gouvernements membres de la Francophonie internationale. Il y a peut-être également, au niveau de la Francophonie internationale, une certaine méconnaissance à cet égard. Plusieurs pays croient sans doute qu'on parle français au Québec et anglais dans les autres provinces. C'est une image qui s'est propagée et qui ne reflète pas la juste réalité. Je vous encourage donc à participer au Sommet de la Francophonie et à faire en sorte que ce visage de deux langues officielles de notre pays soit connu, y compris aux États-Unis.
Je suis assuré que si demain matin vous faisiez subir ce test à des Américains, ils vous diraient qu'on parle français au Québec et anglais ailleurs. Je crois que la dissémination de cette réalité canadienne devrait être ajoutée à votre mandat. Cela a une valeur intrinsèque énorme dans notre pays. Vous nous aideriez aussi à faire en sorte que lorsqu'on voyage dans les avions d'Air Canada ou de Canadian, les gens à bord soient vraiment bilingues. Vous contribueriez à faire avancer de nombreux dossiers comme celui-là.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Est-ce que vous avez une question?
M. Denis Paradis: J'y arrive, madame la présidente. Ma question a trait au Sommet de la Francophonie et à d'autres événements internationaux qui auront lieu au cours de l'été, avant le Sommet de la Francophonie. Quelle sera la participation de votre fédération?
M. Gino LeBlanc: La Fédération des communautés francophones et acadienne sera très visible et bien présente au Sommet de la Francophonie. Il y aura la rencontre de chefs d'État, mais notre intervention s'inscrira plutôt au niveau communautaire, c'est-à-dire au niveau de toutes les activités qui se dérouleront en périphérie. Notre assemblée annuelle a d'ailleurs lieu à la fin août, à Moncton, et elle est reconnue comme une des activités périphériques du Sommet de la Francophonie.
• 1615
Je vous dirai qu'on veut être bien présents. C'est une
chose que de se faire voir et de se faire connaître, mais
si on veut poser des gestes structurants, il faut
que la FCFA s'inscrive dans la programmation canadienne qui
sera adoptée au Sommet de la Francophonie. Je répondais à
notre collègue du Parti réformiste que le BFCI, le Bureau
francophone de la coopération internationale, a été mis
sur pied pour qu'on ne soit pas seulement des participants
au niveau communautaire, mais que nos ressources et nos
projets s'inscrivent dans la programmation canadienne
qui sera adoptée dans le cadre du Sommet de la
Francophonie et qui sera ensuite déployée au cours
des deux ou trois années suivantes. On a dans nos
communautés des institutions
qui pourront faire du
développement international au sein de
l'institution de la Francophonie.
Nous serons là pour nous assurer que la dualité linguistique canadienne soit bien reflétée. Il serait insuffisant qu'on y soit seulement pour représenter l'autre côté du Québec français, de cette dualité linguistique. On est très sérieux et on veut s'inscrire dans cette programmation canadienne. On a soumis des projets qui, on l'espère, seront acceptés par l'Agence de la Francophonie.
Madame la présidente, monsieur a parlé d'autres points que j'aimerais aborder; je ne sais pas si j'en ai le droit.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Allez-y.
M. Gino LeBlanc: Nous aimerions nous faire mieux connaître, tant au Québec qu'au Canada. Je pense que M. Paradis a tout à fait raison, et c'est une des choses sur lesquelles on travaille activement. Mme Doiron travaille à un projet qui s'appelle «Dialogue» et qui a pour toile de fond la volonté des francophones en milieu minoritaire de s'insérer dans ce que j'appelle le mainstream canadien, dans les grandes questions canadiennes.
On a parlé tout à l'heure de la santé. Ce n'est pas par hasard qu'on a choisi une telle question; c'est parce c'est une préoccupation des citoyens canadiens. Pourquoi cela n'intéresserait-il pas les francophones en milieu minoritaire? C'est comme si on était relégués aux questions constitutionnelles ou de droits linguistiques; cela me semble réducteur.
Pour nous faire connaître, nous devons faire de la promotion, du marketing, etc., mais nous devons avant tout nous inscrire dans les grands débats de la société canadienne. C'est pour cela que la santé est une priorité à la FCFA. Il y a 20 ans, M. Robichaud et d'autres leaders de l'Acadie et de la francophonie ont dit que l'éducation était une priorité et ont décidé de bâtir des écoles et de se donner une gestion scolaire. Vingt ans plus tard, on peut établir de nouveaux chantiers. Je pense que la santé fait partie de notre développement. C'est tout nouveau. On ne fait que commencer à ouvrir ces chemins.
M. Denis Paradis: Merci.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Sénateur Rivest.
Le sénateur Jean-Claude Rivest (Stadacona, PC): Je voudrais très brièvement mettre l'accent sur ce qui me paraît être la question centrale de l'avenir de la francophonie canadienne, mais cela s'applique sans doute aussi aux Québécois de langue anglaise.
Dans le domaine des droits linguistiques, un des grands problèmes est qu'il n'y a pas de patron. Le problème n'est probablement pas la bonne volonté des ministres ou le travail souvent héroïque des fonctionnaires à l'intérieur des différents ministères gouvernementaux sur tel ou tel projet spécifique. C'est que personne n'est responsable de quoi que ce soit; c'est-à-dire que chaque ministre est responsable de son programme. M. Massé est bien sympathique, tout comme Mme Copps. Ils viennent ici raconter leur petite affaire, c'est merveilleux et il y a des projets qui se font.
Je pense que vous avez très bien souligné dans votre mémoire qu'il n'y a personne, au gouvernement canadien, qui ait une vision globale du progrès des droits minoritaires dans ce pays et que, deuxièmement, il n'y a personne qui en soit responsable en tant que tel. Mme Copps, M. Massé et d'autres ministre sont responsables de dossiers francophones, pour parler de la francophonie, mais comme ils sont responsables de beaucoup d'autres choses dans leur ministère, ils ne se lèvent pas le matin en pensant à cela.
La dualité linguistique canadienne—c'est dommage que l'Accord du lac Meech n'ait pas été adopté—est une caractéristique fondamentale de ce pays, et personne n'en est responsable.
• 1620
Je veux insister
là-dessus car c'est ce qu'on doit retenir de l'héritage
du commissaire aux langues officielles, M. Goldbloom, qui a
travaillé à bien des égards de façon
exemplaire. Il a dit qu'une de ses plus grandes
déceptions était qu'il n'y avait pas de leadership
politique sur la question de la dualité. C'est ce
qu'il a dit à une de ses conférences de presse.
Depuis des années que je fais partie de ce comité, je trouve incompréhensible qu'au niveau politique on ne réussisse pas à trouver une personne responsable. Ce que fait le commissaire aux langues officielles, quelle que soit la personne qui occupe la fonction, est bien charmant. Il publie son rapport chaque année, on en parle, on en discute, il corrige les torts, il fait des démarches, etc. Les ministres nous disent toujours la même chose: «Oui, nous avons fait des progrès. Nous avons réalisé bien des choses, mais il reste encore beaucoup de choses à faire.» À chaque année, un ministre vient nous répéter cela. C'est sectoriel. C'est intéressant et c'est souvent très bon, mais personne n'est en mesure de prendre charge du dossier de la dualité linguistique dans ce pays.
Il y a deux ou trois ans, on avait suggéré quelque chose à ce sujet. Il y a seulement un organisme qui peut y faire quelque chose: c'est le bureau du premier ministre du Canada, à Ottawa, mais il a bien d'autres choses à faire. Il y a un organisme dans l'appareil fédéral qui fait peur au monde. Quand le téléphone sonne dans un ministère et que l'appel vient du Conseil privé, il y a quelqu'un quelque part au ministère qui pense que c'est important. Je me demande pourquoi, dans le dossier de la dualité linguistique canadienne, chaque ministère ne conserve pas ses privilèges et ses programmes. Il faut qu'il y ait un patron quelque part. Il faut que cela relève du Conseil privé pour qu'il y ait un leadership politique. Le Conseil privé, c'est le premier ministre.
Là il y aurait une responsabilité, une imputabilité générale du gouvernement canadien à l'égard de la caractéristique fondamentale de ce pays qu'est la dualité linguistique. Actuellement, tout le monde a son petit morceau de dualité quelque part, c'est bien sympathique et tout le monde fait sa soupe. Je ne fais pas de procès d'intention, mais une des raisons pour lesquelles on ne voit pas les progrès et les plans d'avenir que vous avez mentionnés, c'est que personne n'en est responsable dans tout l'appareil gouvernemental.
Cette préoccupation que je souligne cet après-midi, vous l'avez généralement vécue. Je pense que vous avez déjà posé la question il y a deux ou trois ans. Quelle réponse vous a-t-on donnée? On vous a dit que tout le monde faisait bien son travail quelque part. Il faudrait encore insister sur cette question. Je trouve cela capital et central, sinon on s'éparpille.
M. Gino LeBlanc: Vous avez tout à fait raison. Vous mettez le doigt sur le problème. Vous avez une longue expérience de l'appareil fédéral. Ça ne fait que deux ans que je suis à la FCFA et je peux vous dire que c'est quelque chose qu'on constate assez rapidement. Il n'y a aucune coordination centrale. Le Conseil privé est le maître d'oeuvre.
Si vous relisez le rapport de Donald Savoie, vous constaterez qu'il a fait une recommandation, celle de créer un secrétariat permanent au sein du Conseil privé, lequel serait un peu le catalyseur d'une vision globale de tous ces efforts verticaux et sectoriels qui sont faits. Cela m'apparaît essentiel. Sinon, je pense qu'on va continuer à faire de bons morceaux et de moins bons morceaux, mais il n'y aura pas de développement global.
Vous avez raison de dire que la dualité linguistique est capitale. Pendant mon mandat, il y a eu un renvoi à la Cour suprême. La semaine dernière, il y a eu l'interprétation de M. Bastarache sur la signification des droits linguistiques. C'est une valeur fondamentale; c'est un des piliers de la nation canadienne.
Ce ne serait donc pas incohérent que le Conseil privé s'en charge. Nous avons des pourparlers avec le sous-greffier. Nous avons rencontré M. Cappe une semaine après son arrivée au Conseil privé et la première chose que je lui ai dite est exactement ce que vous avez dit, monsieur Rivest: il faut une meilleure coordination.
Je pense qu'il y a une volonté, au sein du Conseil privé, d'aller dans une direction positive. Par exemple, il y a un comité formé de sous-ministres qui se penche sur la question des langues officielles. La vigueur avec laquelle agit ce comité de sous-ministres varie. C'est un comité qui ne se réunit pas très souvent. Jusqu'à maintenant, nous n'avons jamais comparu devant ce comité. Il n'y a pas d'interaction entre les communautés et ce comité.
• 1625
J'ai senti chez M. Cappe une
certaine ouverture quant à la réanimation de
ce comité des sous-ministres.
D'ailleurs, il y a un nouveau sous-ministre du
Patrimoine canadien, et on espère que M. Cappe sera
vigoureux et redynamisera
ce comité.
Pour nous, c'est capital.
Nous avons en ce moment 10 ou 15
dossiers, mais si ce dossier-là
pouvait aboutir, s'il y avait au Conseil privé
un secrétariat pour coordonner toutes
les questions de développement, comme Donald Savoie le dit
et comme Yvon Fontaine le dit, ça vaudrait
bien 70 millions de dollars, qui est
l'augmentation budgétaire que Mme Copps a obtenue
cette année. Il n'y a pas de doute là-dessus.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je vous remercie beaucoup, monsieur Rivest, d'avoir soulevé ce point. Pour moi aussi, c'est un point très important, et je souhaite que dans le rapport final du comité, où nous parlerons de l'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, nous soulevions cette question de la coordination. Que cela vienne du Conseil des ministres ou d'ailleurs, il faut que quelqu'un fasse ce travail.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Si un sous-ministre en était responsable, ce serait 1 000 fois mieux qu'un comité de sous-ministres.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Madame Vautour.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Un instant. Quand un sous-ministre est responsable et qu'on peut l'appeler et le nommer, ça fonctionne. Il faut que ce soit au Conseil privé, là où est le patron, parce que les ministères sont trop... C'est normal. Que voulez-vous, les choses fonctionnent ainsi au gouvernement.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Angela.
Mme Angela Vautour (Beauséjour—Petitcodiac, NPD): Je veux vous remercier de votre présentation. Je vais peut-être corriger M. Robichaud, qui a dit qu'il n'y avait rien au début. Je peux dire qu'il y a a des Acadiens qui ont survécu. On disait qu'on avait commencé avec rien. On avait des Acadiens très déterminés, des Acadiens qui avaient survécu à la déportation de 1755 et aussi des Acadiens qui avaient survécu, en 1905, lorsqu'ils avaient été chassés de leurs terres pour la création du parc national Kouchibouguac. Nous sommes donc des personnes très fortes, mais nous ne devons pas abandonner.
Ce matin, j'ai participé à un ralliement pour les droits des Franco-Ontariens à l'hôpital Montfort. C'était ma première visite à l'hôpital. Les francophones présents ont mentionné que seul le NPD avait pris l'engagement de rendre la province d'Ontario bilingue. C'est intéressant lorsqu'on parle du nombre de francophones. J'ai appris qu'il y avait plus de francophones en Ontario qu'en Atlantique. C'est clair que ces francophones ont besoin de leur hôpital.
On a reçu des plans d'action de certains ministères, mais Santé Canada n'en a pas soumis depuis 1995. Je crois que c'est inacceptable et je pense que vous êtes aussi de cet avis.
J'aimerais avoir votre opinion là-dessus et j'aimerais aussi savoir quelles pressions on pourrait exercer sur le gouvernement pour lui faire comprendre que Santé Canada doit respecter ses engagements et jouer un rôle dans nos communautés de langue officielle.
M. Gino LeBlanc: Cela a trait jusqu'à un certain point à ceux qui se sont occupés successivement de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Je vous rappellerai qu'au départ, c'était Patrimoine Canada qui avait cette responsabilité, mais comme il s'agit d'un ministère vertical, sa capacité de convaincre ses collègues d'à côté ne nous satisfaisait pas. Ensuite, le Conseil du Trésor est venu partager cette responsabilité, mais on connaît la nature du Conseil du Trésor: c'est celui qui tient les cordons de la bourse. Il peut vérifier les plans d'action des ministères et en faire une évaluation, mais il n'a pas la capacité de convaincre ou d'énergiser les autres ministères au niveau de leur application de la politique publique.
Vous dites que Santé Canada n'a pas soumis de plan d'action depuis 1995. Je croyais que c'était depuis 1996. En tout cas, ça fait trois ou quatre ans que le ministère n'a pas soumis de plan d'action, et c'est inacceptable. Comme M. Rivest le disait, tout le monde est là sur le plan vertical, tout le monde a son ministère et tout le monde a ses programmes. Comme je le disais dans mon texte, certains fonctionnaires se disent: «Je vais faire le tour de mon ministère. Toi, qu'est-ce que tu peux faire pour les francophones hors Québec? Toi, qu'est-ce que tu peux faire pour les francophones hors Québec?» On met tout cela ensemble et 10 petites choses sont faites pour les francophones hors Québec. On vient devant le comité et on dit: «Voilà, on a dépensé 100 000 $ pour 10 petits projets et on vous promet d'en faire faire plus l'année prochaine.»
• 1630
Ce n'est pas très fort au plan de la coordination
et de la vision. Santé Canada
est un exemple important, et vous avez raison de le
souligner parce que cela m'apparaît comme une priorité
pour tous les Canadiens et également pour les
francophones en milieu minoritaire.
Si on avait quelque chose qui émanait d'une agence centrale comme le Conseil privé, en partenariat avec le Conseil du Trésor et Patrimoine Canada, on aurait une vraie vigueur ainsi qu'une coordination. On aurait une vision d'ensemble de ce qui se fait au niveau du développement, et cela ferait toute la différence, à mon avis. Ce serait le jour et la nuit. Comme M. Rivest le disait, quand le Conseil privé veut mettre en application des politiques de l'État fédéral, c'est drôlement efficace, car c'est l'agence centrale. Si on avait un secrétariat au niveau du Conseil privé, cela ferait une grande différence.
Mme Angela Vautour: En ce qui a trait à l'éducation, on a mentionné le juge Bastarache. Je pense qu'on est très chanceux qu'un Acadien ayant de l'expérience et connaissant les Acadiens soit là, mais un juge ne devient pas juge sans éducation. On voit beaucoup de coupures dans le domaine de l'éducation. On voit des coupures dans les transferts aux provinces, et on est en train de fermer toutes nos écoles francophones qu'on a bâties dans les communautés rurales. Ces coupures ont un effet à long terme. Dans les régions où le chômage est très élevé, les familles doivent s'en aller et on finit par avoir moins d'enfants. C'est une autre raison pour fermer nos écoles.
Est-ce que vous jouez un rôle sur ce plan? Que pensez-vous de ces choses auxquelles on assiste, surtout dans les communautés rurales? On a fermé de petites écoles du comté de Kent et on a amalgamé les élèves de maternelle et ceux de 12e année. Des enfants de cinq ans et des élèves de 12e partagent la même salle de bain. Quand de jeunes enfants entendent le langage que tiennent parfois nos teen-agers, ce n'est pas bon pour eux. Il y a un grave problème parce qu'on a fermé de petites écoles. Je constate que cela a un effet.
Je crois que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans cela. Nos enfants souffrent de ces coupures, même cinq ans plus tard. Quelle est votre opinion à ce sujet?
M. Gino LeBlanc: Les fermetures d'écoles relèvent de la gestion provinciale. Au Nouveau-Brunswick, c'est la SAANB, qui est membre à la FCFA, qui s'occupe de ces choses-là.
Par contre, nous avons été très actifs par rapport à l'article 23 de la Charte des droits et libertés, qui est un document national. Nous avons joué le rôle de chien de garde pour nous assurer que les provinces respectent leurs obligations en vertu de l'article 23. C'est à ce niveau plutôt qu'au niveau de la gestion provinciale et des fermetures d'écoles que nous oeuvrons, mais je vous dirai que les membres de la FCFA travaillent à ce dossier.
Par exemple, on a aboli les conseils scolaires au Nouveau-Brunswick pour centraliser le pouvoir. La SAANB, très préoccupée par cette situation, a soulevé la question et dit qu'on ne respectait peut-être plus l'article 23 de la charte, et elle a obtenu du ministre Bernard Richard au Nouveau-Brunswick un renvoi devant la cour pour clarifier cette situation.
Dans votre question, vous souleviez le problème particulier des milieux ruraux. Je vous dirai que dans le rapport Savoie, on fait aussi cette distinction en parlant des articles 41 et 42. On dit qu'il doit y avoir des mesures pour les milieux urbains, mais qu'il doit y avoir d'autres mesures pour le milieu rural, qui a ses propres besoins et sa propre dynamique au niveau de la santé et dans d'autres secteurs. Il serait donc important qu'on ait une stratégie urbaine-rurale, comme M. Savoie le recommande dans son rapport.
Mme Angela Vautour: Comment avons-nous pu aboutir à un problème de drapeau acadien pour le Sommet de la Francophonie? Comment la situation a-t-elle pu devenir aussi grave, alors qu'on devrait comprendre ce que signifie le drapeau acadien au Nouveau-Brunswick? Je ne comprends pas le problème auquel on a abouti.
M. Gino LeBlanc: C'est une tension protocolaire entre les organismes communautaires et les structures politiques.
• 1635
La communauté est satisfaite du compromis auquel en
sont venus M. Bernard Thériault, Mme Diane Marleau et
le gouvernement fédéral quant à la présence d'une autre
série de drapeaux à droite, avec le drapeau acadien.
Comment en sommes-nous arrivés là? Je ne veux pas faire un procès d'intention des organisateurs du sommet ou des gouvernements impliqués, mais je dirai qu'on a ajusté le tir rapidement. Je crois que cela démontrait la volonté des Acadiens, de M. et Mme Tout-le-Monde, de participer à un événement très étatique et très protocolaire. Je suis heureux qu'on ait réglé le problème et qu'on ait décidé que le drapeau flottera. Il sera très important que le gouvernement fédéral, entre autres, appuie les activités en périphérie du sommet, sinon le sommet sera une rencontre de 52 chefs d'État avec quelques hauts fonctionnaires et on n'aura pas l'impact qu'il pourrait avoir si la communauté était davantage impliquée.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je crois que cette implication de la communauté sera un trait qui distinguera le sommet de Moncton des sommets antérieurs.
Sénateur Fraser.
La sénatrice Joan Fraser (De Lorimier, Lib.): J'aimerais revenir à la question de la santé.
Si j'ai bien compris, vos recherches sont axées plutôt vers l'avenir. Est-ce que vous pourriez nous donner un bref aperçu de ce qui existe maintenant en termes de service de santé en français? On connaît tous la triste histoire de l'hôpital Montfort, mais à part cela, qu'est-ce qui existe?
M. Gino LeBlanc: C'est très varié. Je vais demander à M. Baril, qui baigne dans la question à chaque jour, de vous donner des renseignements très précis.
M. Paul-André Baril: Les niveaux des services de santé publics en français sont très variés. Dans certains provinces, dont la Colombie-Britannique, il n'y a tout simplement aucun service de santé en français, à l'exception de ceux qui sont offerts dans le secteur privé par des médecins francophones, tandis que dans d'autres provinces, on n'offre que des services minimums. Il y en a très peu en Alberta, tandis qu'en Saskatchewan, je crois qu'ils sont inexistants. Par contre, en Ontario et ou au Nouveau-Brunswick, des provinces où la population francophone est plus considérable et où les regroupements sont plus importants, on offre des services un peu plus élaborés.
Je voudrais souligner que la disponibilité de ces services de santé et de certains autres services fait partie des responsabilités fédérales. Lorsqu'on veut étudier la situation des francophones dans des milieux minoritaires sur les plans de la santé ou autres, on ne dispose que de données incomplètes, voire même souvent inexistantes, parce que lorsque les fonctionnaires de Statistique Canada font des sondages ou des enquêtes, ils ne recueillent pas ces renseignements. C'est un aspect assez important que je voulais porter à votre attention et que M. de Savoye a d'ailleurs souligné.
On ne peut pas songer à élaborer des stratégies efficaces en l'absence d'une analyse de la situation. On ne dispose pas toujours des données nécessaires. Le domaine de la santé est un exemple d'une situation où nous sommes pratiquement incapables d'identifier les ressources existantes dans de nombreuses provinces ou de faire une analyse relative à la santé de la population.
La sénatrice Joan Fraser: Au niveau de la possibilité d'un rôle plus actif au niveau fédéral, est-ce que vous avez déjà eu des contacts avec le ministre de la Santé? Est-ce que vous lui avez demandé d'accroître son rôle et, si oui, quelle a été sa réponse?
M. Gino Leblanc: M. Rock nous avait invités à participer à une des conférences sur la santé qu'il avait organisées et nous avions rencontré la sous-ministre de l'époque. qui était Mme Michèle Jean. Elle avait fait preuve d'ouverture face à une action plus concrète. Cette année, Santé Canada a d'ailleurs posé une action plus concrète en demandant à la FCFA d'entamer une étude sur la prestation des services et de formuler des recommandations. Il y a donc eu ouverture. Je ne sais pas si Paul-André pourrait nous donner d'autres exemples dans le domaine de la santé.
M. Paul-André Baril: Non. J'aimerais toutefois souligner qu'on doit reconnaître que ce n'est vraiment qu'un début et que nous sommes très loin d'un plan d'action et d'une stratégie de développement.
La sénatrice Joan Fraser: Au moins, il y a une ouverture d'esprit qui se dégage.
M. Gino LeBlanc: C'est un projet qui en est à ses tout débuts; nous n'avons pas encore établi de structure, de programmes, de partenariats ou de plan d'action.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Andy Scott.
L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Merci beaucoup. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur LeBlanc. J'essaierai de poser ma question en français et je serai très bref.
Quelle est la nature de votre travail auprès des provinces? Je suis particulièrement intéressé à discuter du labour market agreement conclu entre le gouvernement fédéral et l'Alberta, par exemple, au sujet d'une infrastructure pour livrer les services en français. Je crois que le gouvernement provincial n'offre pas le même type de services. Que pensez-vous de ce labour market agreement?
M. Gino LeBlanc: Si je vous comprends bien, vous faites allusion à la dévolution du programme de formation de la main-d'oeuvre?
M. Andy Scott: Oui.
M. Gino LeBlanc: Cela a été un dossier très chaud, qui demeure d'ailleurs encore très chaud. Certaines provinces n'ont toujours pas signé cette entente et nous sommes face à un défi monumental. Je crois que l'Ontario ne l'a pas encore signée, bien que la communauté tente par tous les moyens—Mme Cousineau pourra vous en parler—de convaincre la province qu'elle a des responsabilités face à la formation de la main-d'oeuvre des francophones dans le cadre de cette dévolution.
La situation varie beaucoup d'une province à l'autre. Certaines provinces ont des clauses linguistiques, tandis que d'autres n'en ont pas du tout, et les clauses sont toutes différentes les unes des autres. Cela m'apparaît être un bon exemple de l'absence de coordination fédérale par rapport aux millions de francophones hors Québec, comme l'indique le rapport d'Yvon Fontaine. Lorsqu'il y a transformation, privatisation ou dévolution, ce sont les sous-ministres et les directeurs généraux qui se réunissent, et boom, c'est fait: Québec, français, Canada anglais. Il n'y a ni filtre ni de petit drapeau qui se lève. Personne à la table ne vient dire: «D'accord, vous avez adopté une nouvelle politique et vous confiez aux provinces la formation de la main-d'oeuvre. Quel impact cette politique aura-t-elle sur les Franco-Manitobains et les les Acadiens au Nouveau-Brunswick?» Ce n'est toujours qu'après la signature qu'on pose cette question.
J'ai rencontré M. Dion à plusieurs reprises puisqu'il est le ministre responsable des Affaires intergouvernementales. On a aussi rencontré les autres ministres touchés par cette question. Je crois qu'il s'agit d'un exemple où le gouvernement fédéral a failli à ses responsabilités vis-à-vis des minorités. Ce fut une situation difficile.
Par contre, je dirai que le ministère du Développement des ressources humaines a établi une structure intéressante. Le Comité de développement des ressources humaines auquel je faisais allusion plus tôt regroupe des partenaires du ministère de l'Industrie, du ministère du Développement de ressources humaines et de la communauté, et essaie de mettre sur pied des programmes à l'intention des francophones. Au niveau de la dévolution, le problème est de déterminer qui sera le garant des francophones. Au niveau fédéral, les protections linguistiques sont très fortes; il y a la Loi sur les langues officielles et la Charte canadienne des droits et libertés. Dès qu'on dévolue des responsabilités aux provinces, la protection est réduite. En Alberta, par exemple, elle est réduite à presque rien. Les Acadiens du Nouveau-Brunswick jouissent peut-être d'une plus grande protection que d'autres parce qu'ils bénéficient des dispositions de l'article 16 de la charte. C'est en grande partie une question de bonne volonté.
Lorsque le fédéral entame des transformations comme celle-là, il devrait prévoir un mécanisme de coordination. On revient exactement à la discussion que nous tenions avec M. Rivest tout à l'heure: il faut que quelqu'un évalue les impacts de ces transformations sur les minorités. Cela exigera un coup de barre très fort et une structure qui, selon moi, devrait être établie au sein du Conseil privé. Sinon, on va faire du travail à la pièce pendant de nombreuses années à venir.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci. Une dernière question de la part du sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin (Rigaud, PC): J'aimerais vous poser une question sur la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Quelle est votre réaction par rapport à l'ensemble du Canada sur ce plan? Est-ce que vous en êtes satisfait? Est-ce qu'on a tenu les promesses qu'on espérait voir se concrétiser? En soi, les articles de la partie VII me semblent très bien, pourvu qu'ils soient mis en oeuvre. J'ai entendu différents commentaires ici et là depuis quelques mois à ce sujet. J'ai l'impression qu'on pourrait en faire davantage grâce aux dispositions de cette partie VII. J'aimerais entendre votre point de vue, vous qui êtes sur le terrain.
M. Gino LeBlanc: Je me souviens du moment où on avait décidé de mettre en vigueur les dispositions de la partie VII. C'était à l'époque où le gouvernement effectuait des compressions budgétaires. On se disait que les articles 41 et 42 pourraient compenser un peu pour ces compressions et qu'on pourrait aller chercher du financement auprès des autres ministères. Mais en fin de compte, les choses ont très peu bougé. Que vous me demandiez mon opinion, que vous lisiez le rapport du commissaire aux langues officielles ou que vous parliez aux gens sur le terrain, on vous dira qu'il y a beaucoup d'inertie face à la mise en oeuvre des dispositions de la partie VII. Les ministères ont soumis des plans d'action, mais ces derniers ne correspondent pas à l'intention qu'on y voyait. D'ailleurs, on peut maintenant s'appuyer sur la nouvelle lecture qu'a faite la Cour suprême des droits linguistiques. Je crois que cette interprétation plutôt large que restrictive par rapport aux obligations relatives aux droits linguistiques représente un levier assez intéressant.
Le sénateur Gérald Beaudoin: La décision que vient de rendre la Cour suprême renverse complètement la situation antérieure, et cela pour le mieux. Je me réjouis au plus haut point de cette décision judiciaire. La cour a rendu un jugement presque unanime; je crois qu'il n'y avait que deux voix dissidentes. Il s'agit selon moi d'une des très bonnes décisions de la Cour suprême en matière linguistique.
M. Gino LeBlanc: Il faut maintenant convaincre les fonctionnaires des ministères qu'ils ont des responsabilités vis-à-vis des communautés. On ne doit pas se limiter à compter sur la bonne volonté d'une personne; cela doit faire partie inhérente de la structure. Lorsqu'on élabore des politiques publiques, on doit toujours tenir compte de leur impact sur les minorités francophones et acadiennes. Donc, comme bilan global, je dirais qu'on attend toujours les résultats.
On a quand même mis sur pied le fonds interministériel. Il semble se dégager de la bonne volonté de la part des agences centrales du gouvernement fédéral face à un plus grand engagement. Soyez assuré qu'il s'agit d'une priorité pour moi et la FCFA, dont je suis le président. Comme je l'indiquais plus tôt, cette volonté de faire quelque chose vaut plusieurs millions de dollars.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Je vous remercie, monsieur LeBlanc, et je suis convaincue que votre présentation a su nous orienter vers la bonne direction. Micheline, il est toujours agréable de revoir une ancienne élève. Je vous remercie également, monsieur Baril. Je prêche pour ma paroisse.
Je suspends la séance pendant une minute afin de permettre à nos prochains témoins de prendre place.
La coprésidente (l'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.)): Mesdames et messieurs, s'il vous plaît.
[Traduction]
Mesdames et messieurs, le vote sera tenu dans 15 ou 20 minutes. Je serais donc reconnaissante si les gens pouvaient revenir à la table pour que nous puissions poursuivre avec l'Association canadienne- française de l'Ontario.
Laquelle de vous deux, madame Savard ou madame Cousineau, voudrait commencer? Je voudrais vous remercier de votre patience. Vous avez dû attendre longtemps. J'espère que bon nombre des questions que vous vouliez aborder ont déjà été soulevées.
[Français]
Nous vous remercions de votre grande patience. Je ne sais pas laquelle d'entre vous va débuter la présentation.
Madame Cousineau, s'il vous plaît.
Mme Trèva Cousineau (présidente, Association canadienne-française de l'Ontario): Madame la présidente, honorables sénateurs et députés membres du Comité mixte permanent des langues officielles, je tiens d'abord à vous remercier de l'invitation que vous nous avez faite de vous présenter les buts de la communauté franco-ontarienne. Vous avez entendu M. LeBlanc parler du niveau national; nous vous présenterons les buts de la communauté de l'Ontario quant à l'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Permettez d'abord de vous présenter Mme Linda Savard qui est présidente-directrice générale de la Chambre économique de l'Ontario et également responsable du mécanisme de coordination provincial de développement économique et des ressources humaines de la communauté francophone de l'Ontario. C'est un long titre, qui est signe de son importance.
Je voudrais dire quelques mots au sujet de l'ACFO. C'est un organisme de représentation politique et de développement communautaire au service de la collectivité franco-ontarienne depuis 1910.
En 1994, le ministre de Patrimoine Canada, Michel Dupuy, annonçait une politique et un plan de travail visant la participation des institutions fédérales au développement communautaire des minorités de langues officielles. À ce moment-là, la communauté franco-ontarienne s'est forgé des attentes en deux volets: d'abord, par rapport à l'élargissement du champ d'intervention des organismes fédéraux et, ensuite, par rapport à l'élargissement des sources financières pour appuyer ses activités.
En décembre 1996, la communauté franco-ontarienne signait l'entente Canada-communauté dont une annexe traitait de l'interministériel. Encore une fois, des attentes ont été soulevées.
En mars 1997, à la suite de la signature du protocole entre le Conseil du Trésor et Patrimoine Canada en vue d'entamer un processus de planification stratégique pour amener les ministères et les organismes fédéraux à se responsabiliser par rapport à l'article 41 de la partie VII de la loi, nos communautés ont repris espoir encore une fois.
Je me permets deux citations. La première est tirée du rapport Savoie qui, comme vous le savez, a été commandé par Patrimoine Canada, le Secrétariat du Trésor et le Bureau du conseil privé. M. Savoie dit: «notre travail de consultation révèle que la situation n'est pas idéale».
Je cite aussi Mme Rolande Faucher, l'une des consultantes embauchées par la communauté franco-ontarienne pour faire un travail interministériel dans le cadre de l'entente que nous avons signée. Mme Faucher dit:
Je vais laisser Mme Savard poursuivre la présentation.
Mme Linda Savard (présidente-directrice générale, Chambre économique de l'Ontario): Permettez-moi de vous donner un aperçu de l'interministériel en Ontario. L'entente signée avec l'Ontario prévoyait des sommes pour l'embauche de trois personnes ressources pour élaborer des voies d'action et des stratégies de coopération avec plus d'une vingtaine de ministères. On y voyait un potentiel pour aller chercher d'autres sources de financement et des services à la francophonie ontarienne. Ces trois personnes ont oeuvré pendant près d'un an et ont toutes trois produit des rapports réguliers ainsi qu'un rapport final portant sur leur travail et sur les résultats obtenus.
Mes commentaires d'aujourd'hui sont basés en grande partie sur leur rapport, puisque ce sont elles qui ont vécu cette année de l'interministériel et qui sont les experts dans le domaine. Malheureusement, aucune de ces personnes n'a pu nous accompagner aujourd'hui, mais nous vous ferons part de leurs principales recommandations et de leurs principaux constats.
La coprésidente (Mme Sheila Finestone): En quelle année le groupe des trois a-t-il été mis sur pied?
Mme Linda Savard: Ils ont commencé en février ou en mars 1998 et ils viennent tout juste de terminer.
La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Merci.
Mme Linda Savard: Nous constatons que les besoins sont grands dans la communauté franco-ontarienne. Nos communautés sont souvent petites et isolées, et les besoins sont différents selon les communautés. Comme vous le savez, il y a le nord, le sud et l'est, et chaque communauté a sa diversité.
Également, nous avons en Ontario une grosse composante ethnoculturelle et une minorité raciale qui nous différencient des autres provinces du Canada.
Les réductions de subventions depuis 1990 ont fait très mal à la communauté. Pour ce qui est des communautés des minorités raciales francophones, l'interministériel est vu comme l'action privilégiée pour faire reconnaître la spécificité de leur existence et faire comprendre la nécessité de mieux connaître et identifier les barrières existant dans certains programmes pour ce qu'on appelle les microcommunautés.
L'interministériel est une occasion de créer un partenariat renforcé entre les institutions fédérales et les communautés ethnoculturelles francophones. Les associations poursuivent leurs activités respectives, mais avec des moyens très réduits, ce qui engendre toutes sortes de coupures au sein des associations.
Sauf dans de rares exceptions, le réflexe dans le milieu associatif francophone est toujours de se tourner vers Patrimoine Canada et, quelquefois, vers le gouvernement fédéral dans son ensemble.
Le gouvernement provincial, comme vous le savez sans doute, a effectué des coupures importantes, surtout dans les secteurs de la santé, des services sociaux et de la culture. Il est à noter aussi que le seul ministère qui parle de services en français dans son plan d'affaires est celui de l'Éducation et de la Formation. Tous les autres ministères provinciaux ne parlent pas, dans leur plan d'action, de programmes en français ou de programmes pour les francophones.
Dans l'ensemble, les organismes francophones ne sont pas branchés sur les programmes fédéraux, ils ne les connaissent pas et les fonctionnaires des ministères fédéraux ne les leur font pas connaître.
La principale porte d'entrée au gouvernement fédéral, outre Patrimoine Canada, est le ministère du Développement des ressources humaines. Je vous parlerai un peu plus tard de ce qu'ils ont réussi à faire.
Les attentes de la communauté sont grandes par rapport à l'interministériel, comme vous l'a mentionné Mme Cousineau un peu plus tôt, mais il existe un niveau de frustration et même de scepticisme par rapport aux résultats obtenus depuis la signature de l'entente.
Les communautés des minorités raciales et ethnoculturelles veulent sensibiliser les ministères, les administrateurs et les gestionnaires de programmes à leur présence et au non-financement chronique de leurs organismes communautaires, ainsi qu'inscrire leur réalité dans les politiques ministérielles gouvernementales.
Les groupes ethnoculturels et les minorités raciales ont des besoins spécifiques, dus en partie à leur infrastructure fragile, à leur manque de maturité et à leur pénurie de bénévoles et de personnel rémunéré.
Les trois personnes qui ont été embauchées à l'interministériel nous ont fait des rapports et nous ont donné des résultats. En voici quelques-uns.
L'interministériel a permis aux groupes ethnoculturels francophones de développer des partenariats entre les différents secteurs et les différentes régions de la province, et ainsi de travailler en collaboration.
• 1700
Les ministères
commencent à être au courant des besoins des
communautés des minorités raciales et
ethnoculturelles, et ils ont manifesté, dans la
plupart des cas, la volonté de travailler en
collaboration avec ces groupes.
L'interministériel a permis aux gestionnaires des programmes et projets des différents ministères de tenir compte, dans leur travail, de la particularité des regroupements des minorités raciales francophones dans l'élaboration et l'application de leurs différents programmes. C'est ainsi qu'au niveau de l'Agence canadienne de développement international et du ministère des Affaires étrangères, on commence à noter une prise de conscience de l'expertise des minorités raciales francophones dans l'application de certains programmes liés au développement outre-mer.
Il y a eu amélioration du plan de Développement des ressources humaines Canada et des politiques d'intégration du ministère de la Citoyenneté et d'Immigration Canada. Permettez-moi de vous citer en exemple Développement des ressources humaines Canada qui est le seul ministère à avoir fait une consultation très active auprès de la communauté cette année pour l'élaboration de son plan des articles 41 et 42. Nous l'avons d'ailleurs félicité et nous recommandons que tous les ministères fassent de même.
Plusieurs modèles de concertation interministérielle ont été développés avec des regroupements communautaires et connaissent du succès. Je vous en cite quelques-uns: le service de soutien à l'emploi offert par l'ACFO de London, en coopération avec Développement des ressources humaines Canada—vous allez d'ailleurs noter que ce ministère est souvent mentionné—; le centre d'aiguillage pour la formation des adultes à Hawkesbury, toujours avec Développement des ressources humaines Canada; le soutien par Développement des ressources humaines Canada au Service des affaires de la Cité collégiale pour les francophones qui veulent se lancer en affaires; les projets entre l'ACFO de Timmins et Développement des ressources humaines Canada pour contrer la fraude envers les personnes âgées; les forums en développement économique dans trois villes du Nord organisés par FedNor, l'Union culturelle des Franco-Ontariens et le Conseil de la coopération de l'Ontario; le don d'ordinateurs usagés par Travaux publics Canada aux organismes communautaires; et, finalement, la création d'une table de concertation, dont je suis la présidente et la représentante, en développement économique et en développement des ressources humaines, de concert avec les gouvernements fédéral et provincial.
Je vais laisser Mme Cousineau terminer la présentation.
Mme Trèva Cousineau: Linda vous a donné des exemples de réussites à l'interministériel, et il y en a eu, croyez-nous. Même si on critique, il y a quand même eu de bonnes choses. Mais ce ne sont que des projets; il n'y a ni vision à long terme ni planification. Rien dans les plans d'action présentés ne démontre un aspect concret pour le développement et l'épanouissement des communautés. Ce ne sont que des projets. Pour nous, cela n'est pas satisfaisant.
Encore une fois, le rapport Savoie dit que plusieurs ministères ne reconnaissent pas la distinction entre la partie IV de la loi, qui parle de communication avec le public et de prestation de services, et la partie VII, qui parle de la promotion du français et de l'anglais. Pour plusieurs cadres, toute la question de l'offre active de service est un travail supplémentaire.
Tout à l'heure, M. LeBlanc soulignait que tout cela est arrivé au moment où il y a eu des réductions dans les ministères. Tout le monde était très occupé par cette restructuration, et cela s'est ajouté à leurs responsabilités.
On sait que 25 ou 26 plans d'action ont été faits. M. Savoie dit que la plupart d'entre eux sont anémiques, et c'est vrai. On y mentionne un peu le français, mais il y a un grand manque. La communauté francophone voudrait que cela fasse partie, de façon normale, de l'offre de service et qu'il soit présent à leur esprit qu'à chaque fois qu'on parle d'un service pour les anglophones, on parle aussi d'un service pour les francophones. Cela n'existe pas et il reste beaucoup de travail à faire.
Je vais vous parler maintenant des cinq grands enjeux actuels pour la communauté franco-ontarienne. Les bureaux régionaux des ministères doivent se responsabiliser quant à l'application de la partie VII de la loi. On commence à comprendre au niveau national, comme l'a souligné Mme Savard, mais cela ne s'est pas rendu jusqu'aux bureaux régionaux.
• 1705
Je regrette que Mme Guindon soit partie. Le bureau
régional de Patrimoine Canada doit avoir les ressources
financières et humaines nécessaires pour développer son
infrastructure.
En Ontario, on a vu beaucoup de coupures au sein du ministère du Patrimoine canadien. D'abord, il y a eu des difficultés à cause du manque de leadership; une personne occupait deux postes. Maintenant, la nouvelle directrice régionale a été nommée. Dans les régions, il n'y a presque plus d'agents pour aider nos organismes à préparer leurs plans et à s'organiser. On voudrait voir une augmentation de ce côté-là.
La dévolution de la formation de la main-d'oeuvre à l'Ontario nous préoccupe énormément. Toutes les autres provinces ont signé, et une étude de M. Goldbloom, le commissaire aux langues officielles, indique qu'il n'y a pas une seule entente qui soit vraiment satisfaisante. Puisqu'en Ontario nous n'avons pas encore signé, nous trouvons important, et même crucial, que l'entente reflète la Loi sur les langues officielles et respecte ce qui est acquis pour les francophones.
Je voudrais faire une petite parenthèse. Depuis le mois d'avril, nous tentons de rencontrer M. Pettigrew pour lui en parler parce qu'on trouve que le fédéral a un rôle très important à jouer dans la signature de l'entente entre l'Ontario et le fédéral, qui sera pour bientôt, nous l'espérons. On n'a pas encore eu beaucoup de chance. Si M. Pettigrew a des amis dans la salle, on leur demande leur aide.
La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Il y en a quelques-uns ici.
Mme Trèva Cousineau: C'est bien ce que je pensais.
En Ontario, la création d'une agence de développement régional semblable à celle de l'Ouest et de l'Acadie permettrait d'appuyer le développement économique des francophones de toute la province. On a vu que dans l'Ouest et en Acadie, cela a donné de bons résultats. On pense que ce serait très important pour l'Ontario.
En dernier lieu, on parle du plan d'action de Santé Canada. Vous en avez parlé avec M. LeBlanc. Ce plan est un des plus pauvres et pourtant un des plus importants pour la communauté franco-ontarienne; on pourrait certainement en parler longtemps. Vous connaissez les enjeux et nous les connaissons également. Les services de santé en français en Ontario souffrent vraiment et ont besoin d'une transfusion sanguine.
Nous avons quelques recommandations qui pourraient peut-être nous aider. D'abord et avant tout, nous appuyons complètement les recommandations du rapport Savoie. Je vais en lire quelques-unes, mais de toute façon vous devez tous les connaître:
C'est ce que disait monsieur tout à l'heure.
De plus, l'ACFO recommande que soit créé un véritable partenariat entre les divers ministères et la communauté franco-ontarienne. Mme Savard vous a parlé de Développement des ressources humaines Canada, qui a développé ce partenariat. Le plan d'action de ce ministère a été préparé en consultation avec la communauté franco-ontarienne; donc, nos besoins sont là. Aucun autre ministère n'a fait cela et on trouve que c'est absolument crucial.
Je dois aussi insister sur la responsabilité de Patrimoine Canada envers les minorités de langue officielle. Les statistiques sur l'assimilation sont inquiétantes. La menace d'une séparation de notre pays plane toujours et nos associations commencent à s'épuiser. Lorsqu'on ne peut même pas compter sur notre gouvernement provincial, évidemment on se tourne encore vers le gouvernement fédéral, qui a la responsabilité de voir à l'épanouissement et au développement de nos communautés. De grâce, ne nous abandonnez pas.
Je vous remercie de votre attention. Nous allons tenter de répondre aux questions. On m'a avertie que nous allons entendre sonner les cloches pour un appel au vote à la Chambre, mais nous nous accommoderons du bruit des cloches.
La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Premièrement, je vous remercie pour votre bonne présentation, qui est très concrète. Avec la coopération de nos sénateurs, vous me permettrez de donner d'abord la parole aux députés. Vous pourrez continuer sans nous si nous devons aller voter.
Monsieur Goldring.
[Traduction]
M. Peter Goldring: Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci beaucoup de votre exposé.
Je voudrais faire un commentaire sur votre paragraphe initial et sur le règlement 17. Je crois que nous trouvons tous incroyable que ce genre de politique ait pu être mise en oeuvre au début de ce siècle par un gouvernement provincial quelconque. Ayant beaucoup voyagé dans le nord de l'Ontario moi-même, j'ai vécu beaucoup d'expériences à Sudbury, à Lively et à Timmins, et je sais qu'il y a une collectivité francophone très étendue et très dynamique dans cette région. Il est plutôt étonnant qu'on ait même conçu l'idée du règlement 17. Il est bon de savoir qu'on a fait les efforts nécessaires pour changer la situation.
Je note aussi qu'en 1969 votre organisme a fait tout un virage. Si je comprends bien, l'association a travaillé surtout dans le domaine linguistique jusqu'en 1969, pour ensuite se tourner vers les champs culturel, politique et social. Ai-je raison de penser que votre association était axée surtout sur les droits linguistiques avant cette date?
Mme Trèva Cousineau: Jusqu'à ce moment-là, l'association avait pour nom l'ACFEO, l'Association canadienne-française d'éducation en Ontario, et consacrait ses efforts à l'éducation et donc aux droits linguistiques en éducation. Mais la collectivité a évolué, et l'ACFO a contribué à créer... Pourquoi est-ce que je parle anglais? Excusez-moi, je cherche mes mots.
[Français]
Je m'excuse.
[Traduction]
La coprésidente (Mme Sheila Finestone): C'est très gentil de votre part de répondre dans la langue utilisée par M. Goldring.
Mme Trèva Cousineau: Je vais donc continuer de la même façon.
L'ACFO a établi un certain nombre d'associations—par exemple l'association des enseignants francophones. C'est l'ACFO qui a établi tous les conseils scolaires. Une fois que ces associations étaient en place, l'ACFO s'est retirée de l'éducation pour ensuite mettre l'accent sur le développement de la communauté en général.
M. Peter Goldring: À part les 21 sections, quels sont les organismes affiliés? Que font-ils? De quoi se composent-ils?
[Français]
Mme Trèva Cousineau: Il y a l'Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens et l'Assemblée des centres culturels de l'Ontario.
[Traduction]
Il y a diverses associations provinciales qui sont membres de l'ACFO.
M. Peter Goldring: Votre association se compose de ces sections et de ces organismes affiliés. Le financement qui provient du gouvernement fédéral sert-il également à financer ces organismes affiliés, ou est-ce qu'il sert uniquement au financement des sections et de leurs activités? Quel est le montant de ce financement annuel?
Mme Trèva Cousineau: L'ACFO reçoit environ 380 000 $ du ministère du Patrimoine canadien à l'usage unique de son association provinciale. Certains de nos bureaux régionaux, qu'on appelle les cogérés, reçoivent des fonds par l'entremise de notre association provinciale. Par conséquent, c'est l'association provinciale qui reçoit l'argent et qui ensuite le donne à ces cogérés. Nos activités avec ces cogérés se limitent à cela.
Parmi les affiliés, un certain nombre reçoivent du financement gouvernemental et d'autres ne reçoivent rien. Par exemple, la fédération des enseignants ne reçoit pas de financement du gouvernement fédéral, et elle est membre de notre association. Les organismes qui reçoivent du financement le reçoivent directement. Ce montant ne passe pas par l'entremise de notre association.
M. Peter Goldring: Pourriez-vous nous fournir une ventilation approximative du volet linguistique de vos efforts aux niveaux politique, social et culturel? Existe-t-il une ventilation à cet effet?
Mme Trèva Cousineau: Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, monsieur, je suis désolée.
M. Peter Goldring: Pourriez-vous nous donner un pourcentage approximatif? Quelle part de ce financement est consacrée à l'effort politique? Pourriez-vous nous dire quel financement reçoit votre travail politique, et pourriez-vous nous faire part de ce travail politique?
Mme Trèva Cousineau: Il est évident que presque toutes nos activités comportent un volet politique. Par exemple, nous parlons aux ministres aux niveaux fédéral et provincial en ce qui concerne nos besoins quant au financement et quant à la reconnaissance. Notre directeur général et les fonctionnaires au niveau provincial discutent longuement de cette question.
M. Peter Goldring: Alors, le travail de lobbying pourrait être...
Mme Trèva Cousineau: Absolument.
M. Peter Goldring: Pourriez-vous identifier les institutions où vos plans d'action se sont traduits par un impact positif sur la collectivité franco-ontarienne?
Mme Trèva Cousineau: Je suis désolée, je n'ai pas compris la question.
M. Peter Goldring: Pourriez-vous identifier les institutions que vous avez influencées où les plans d'action ont été avantageux pour les collectivités franco-ontariennes? Parlez-nous de vos succès.
Mme Trèva Cousineau: La TFO compte parmi nos succès. Il s'agit d'un réseau de télévision de langue française qui fait partie de TVO. L'ACFO a joué un rôle clé dans l'établissement de ce réseau, et notre organisme continue à faire du lobbying pour permettre sa survie. Vous ne savez peut-être pas que notre premier ministre a récemment songé à privatiser la TFO. L'ACFO a travaillé de concert avec toutes ses régions et ses membres pour faire du lobbying dans le but de préserver la TFO, et nous avons connu un succès.
Il y a quelques années, il n'y avait que des collèges de langue anglaise en Ontario. L'ACFO et ses associations membres ont lutté très fort, et nous avons maintenant quatre collèges de langue française en Ontario, et j'espère que nous aurons bientôt une université de langue française.
M. Peter Goldring: D'accord. Merci beaucoup.
La coprésidente (Mme Sheila Finestone): M. Goldring a su se limiter à cinq minutes, et il nous reste un peu moins de 15 minutes.
[Français]
Monsieur de Savoye, vous pouvez disposer de cinq minutes supplémentaires, avec la permission de nos gentils sénateurs conservateurs.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Nous sommes toujours gentils.
La coprésidente (Mme Sheila Finestone): Vous êtes plus que gentil quand je vous demande de donner quatre minutes à M. de Savoye et quatre minutes à M. Paradis. S'il vous plaît, monsieur de Savoye.
M. Pierre de Savoye: Merci, madame la présidente. Je vais poser des questions brèves et que si les réponses peuvent aussi être brèves, cela nous permettra de couvrir le sujet.
D'abord, combien de membres avez-vous à l'ACFO?
Mme Trèva Cousineau: L'ACFO dit qu'elle représente tous les francophones de l'Ontario. Selon les statistiques, il y en a entre 546 000 et 800 000.
M. Pierre de Savoye: Vous comprenez ma question? Combien de membres avez-vous? Je sais qu'il y a un certain nombre de groupes de femmes qui ne font pas partie de l'ACFO.
Mme Trèva Cousineau: Les groupes de féministes.
M. Pierre de Savoye: Il y a également des associations culturelles, d'autres associations francophones. J'essaie de voir qui vous représentez et qui vous ne représentez pas parmi ces 500 000 personnes.
Mme Trèva Cousineau: Nous représentons l'entière communauté de langue française. Quand on pose un geste, quand on fait du lobbying, c'est au nom de toute la communauté, même s'il y a des groupes que j'appelle des groupes dissidents. C'est leur privilège.
M. Pierre de Savoye: Je comprends votre réponse. Vous apprécierez le fait que, sur le plan démocratique, c'est un petit peu étiré, mais vous êtes la mieux placée pour en juger, j'en suis convaincu.
Par ailleurs, il y a des rumeurs qui courent voulant que le ministère du Patrimoine canadien et l'ACFO conviennent que l'ACFO sera fiduciaire des fonds de la francophonie ontarienne. Est-ce qu'il y a un fondement à ces rumeurs-là?
Mme Trèva Cousineau: Pas du tout.
M. Pierre de Savoye: C'est clair.
Mme Trèva Cousineau: Je suis brève; vous m'avez demandé d'être brève.
M. Pierre de Savoye: C'est clair et je l'apprécie. J'ai posé ma question directement.
Maintenant, des négociations sont en cours et vous avez un certain nombre de participants à ces négociations. Comment cela se passe-t-il actuellement?
Mme Trèva Cousineau: Vous comprendrez que je ne suis pas libre de parler de notre stratégie car nous avons tous signé une entente de confidentialité, mais je peux vous dire que cela va très bien.
M. Pierre de Savoye: Ça, c'est un peu trop court!
Mme Trèva Cousineau: Nous avons commencé les négociations. Nous sommes en voie de préparer un profil de notre communauté parce que Patrimoine Canada le demande, et nous sommes confiants d'obtenir tout l'argent dont nous avons besoin cette fois-ci parce que, comme vous le savez, lors de la dernière entente, l'Ontario était le cousin pauvre.
M. Pierre de Savoye: Vous êtes en train de nous dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et que votre comparution ici aujourd'hui a pour seul but de nous exprimer votre grande satisfaction.
Mme Trèva Cousineau: Non, ma comparution...
M. Pierre de Savoye: Vous allez nous faire croire que nous sommes totalement inutiles.
Mme Trèva Cousineau: Je comparais aujourd'hui devant vous pour vous parler de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, mais si vous voulez que je vous parle de l'ACFO, je peux vous en parler toute la journée.
Notre négociation va très bien. Au sein du comité, nous nous entendons. Il y a parfois des divergences d'opinions, mais le comité fonctionne très bien. Linda siège au comité.
Mme Linda Savard: La plupart des secteurs sont à la table. Il y a évidemment le secteur économique, que je représente, de même que les autres secteurs, notamment celui de la culture et d'autres. Le seul secteur qui n'est pas à la table est celui des femmes. Les minorités sont là depuis la dernière réunion.
Mme Trèva Cousineau: Les féministes ne sont pas là parce qu'elles se sont...
Mme Linda Savard: C'est un choix.
M. Pierre de Savoye: Si je vous pose cette question, c'est que je suis bien conscient que les parties prenantes à la négociation se sont engagées à ne pas donner leur point de vue à l'extérieur. Je dois donc poser mes questions au seul intermédiaire ou interlocuteur qui puisse encore s'exprimer un tant soit peu.
Je suis heureux de savoir que les choses vont bien, mais j'aurais trouvé plus normal et peut-être plus démocratique que, comme à l'OTAN où chaque partie conserve sa capacité de s'exprimer, chacune des parties puisse abonder dans votre sens ou exprimer des nuances, qui sont parfois heureuses parce qu'elles permettent d'avoir une vision d'ensemble plus complète.
Je vous remercie. Comme le temps file, madame la présidente, je vous rends la parole.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup.
Monsieur Paradis.
M. Denis Paradis: Madame Cousineau, lorsqu'on parle de langues officielles, comme Gino l'exprimait tout à l'heure, on parle de projets, d'argent, etc., et on parle de communautés francophones en situation minoritaire. M. Savoie a intitulé son rapport Collectivités minoritaires de langues officielles. Donc, on parle de minorités. Pour ma part, je pense qu'on devrait parler de deux majorités au pays: la majorité francophone et la majorité anglophone.
Quelle est votre vision de la société par rapport à ce qu'on vient d'énoncer?
Mme Trèva Cousineau: Je suis pleinement d'accord avec vous. Il y a en Ontario une dame qui fait de l'animation culturelle dans nos écoles. C'est Lise Paiement, qui est très bien connue. Elle dit aux jeunes de cesser de penser comme une minorité. Elle leur dit: «Vous n'êtes pas une minorité. Vous êtes un peuple et vous avez quelque chose à partager. Vous êtes membres à part entière de votre communauté. Cessez de réfléchir comme une minorité.»
M. Denis Paradis: Cela fait plaisir à entendre.
Mme Trèva Cousineau: Je pense que je vais changer mon discours.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Sénateur Robichaud. Non?
Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Je suis content que votre exposé porte sur la partie VII, parce que c'est un peu ma grande préoccupation. Dois-je comprendre que les choses progressent plus en Ontario qu'ailleurs dans le Canada?
Mme Trèva Cousineau: Linda est peut-être mieux placée pour vous répondre, mais je ne crois pas que ce soit le cas.
Mme Linda Savard: Je ne le pense pas. On vous a peut-être donné plus d'exemples concrets de choses qui sont arrivées au cours de la dernière année, compte tenu qu'on vient d'obtenir le rapport de nos trois consultants au niveau interministériel, mais comme Mme Cousineau le mentionnait, c'est toujours à l'état de projet. Le problème, c'est que ce sont de petits montants d'argent et de petits projets. On n'a pas une vision globale de la direction dans laquelle s'en va la communauté. Chaque groupe réussit à obtenir des fonds d'un ministère précis.
Le sénateur Gérald Beaudoin: La partie VII est un objectif à long terme. L'important est de progresser.
Mme Linda Savard: Mon secteur, le secteur économique, commence à progresser beaucoup, et c'est probablement attribuable au fait que le Comité national de développement des ressources humaines est en place et qu'on est en train d'élaborer différents mécanismes au niveau provincial. Cependant, je ne suis pas certaine qu'on avance aussi rapidement dans les autres secteurs, que ce soit la culture, la santé, l'éducation ou la formation professionnelle.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Monsieur Rivest.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Vous disiez tout à l'heure, et cela m'a un peu surpris, qu'il y avait en Ontario de 500 000 à 800 000 francophones. Ce n'est pas très précis.
Mme Trèva Cousineau: Je vais vous dire pourquoi ce n'est pas précis.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Je trouve la marge un peu large.
Mme Trèva Cousineau: Les communautés des minorités raciales et les groupes ethnoculturels affirment qu'ils ne sont pas comptés dans les statistiques parce que quand on leur demande quelle est leur première langue parlée et encore comprise, il n'y a pas de case appropriée.
• 1725
Donc, ils affirment qu'ils sont au moins 200 000
ou 250 000 en Ontario, et c'est pour cela que je dis
que nous sommes entre 500 000 et 800 000.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Il y a eu plusieurs rapports au Canada, notamment en Ontario, sur le phénomène de l'assimilation des francophones. Avez-vous fait une réflexion là-dessus?
Mme Trèva Cousineau: C'est une de nos très grandes préoccupations. En ce moment, notre association prépare un mémoire au cabinet en vue de contrer l'assimilation. C'est un mémoire qui est parti de loin. Nous avons consulté chacune de nos 21 associations régionales affiliées pour avoir leur idée, et M. Cantin est en train de mettre la touche finale à ce rapport, que nous espérons présenter très bientôt.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: À qui allez-vous le présenter?
Mme Trèva Cousineau: Au cabinet fédéral.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: [Note de la rédaction: Inaudible] ...mais encore là, je sais qu'il y a une question de statistiques. Cela dépend de la question qu'on a posée.
Mme Trèva Cousineau: Justement. Je vous donne l'exemple de ma propre fille, qui a épousé un anglophone. Quelle est la langue parlée à la maison? Nicole ne dit pas que c'est le français parce que son mari ne comprend pas cette langue. Donc, on la compte parmi les assimilés, mais elle est loin d'être assimilée. Tous ses enfants vont à l'école française. L'ex-épouse de mon propre directeur général, M. Cantin, était anglophone. La langue parlée à la maison était l'anglais. S'il y a quelqu'un qui n'est pas assimilé, c'est bien Adrien Cantin. Il faut interpréter cette question de l'assimilation.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Pourquoi épouser un Anglais?
Mme Trèva Cousineau: Il n'y a rien de mal à cela, mais cela cause des difficultés. Il faut se rendre compte que la génération qui est maintenant prête à aller à l'université est la génération qui a grandi avec notre télévision française. C'est la génération qui connaît les collèges de langue française. Il y a eu tout un développement de notre communauté. Je suis certaine que le prochain recensement sera beaucoup plus intéressant que le dernier. À ce moment-là, nous aurons aussi notre université de langue française.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Je vais vous poser une question très québécoise. Je fais très souvent Montréal-Ottawa en auto. Vous savez qu'au Québec, nous avons une longue histoire et une longue expérience dans le domaine des affiches et des signs. Cela me choque un peu de voir que dans des communautés à 90 p. 100 francophones entre Montréal et Ottawa, l'affichage commercial est pratiquement tout en anglais.
Mme Trèva Cousineau: Je partage vos sentiments. C'est notre gouvernement provincial qu'on doit convaincre.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Je sais que cela ne prend pas une loi, mais cela m'inquiète et cela m'agace. Ce sont des lieux francophones avec de beaux noms français, et presque tout l'affichage est en anglais.
Mme Linda Savard: Il y a aussi la question des entrepreneurs qui, pendant très longtemps, ont pensé qu'ils perdraient de la business s'ils parlaient en français ou s'ils affichaient en français. On est en train d'essayer de changer cela.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Votre action communautaire est très près des gens. Sans qu'il y ait de loi ou de règlement coercitif, il faudrait peut-être faire un effort particulier pour inciter les francophones à s'affirmer et à afficher en français.
Mme Linda Savard: Il y a un exercice de sensibilisation à faire.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Remarquez que je les comprends dans un sens. C'est purement commercial. Ils ne sont pas moins francophones ou moins fiers pour autant. Vous travaillez à cela, n'est-ce pas?
Mme Linda Savard: Oui, on y travaille à l'ACFO et à la Chambre économique.
Mme Trèva Cousineau: C'est une mentalité à changer.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): La même chose se produit au Nouveau-Brunswick, et la SAANB essaie de promouvoir l'affichage en français, surtout dans des villages purement francophones.
Mme Trèva Cousineau: Il y a un mouvement pour faire changer des noms d'endroits qui déjà étaient français et qui sont devenus anglais. Par exemple, il y a French River dans le nord de l'Ontario. Il faudrait que cela devienne Rivière-des-Français. Cela s'en vient.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Sénateur Beaudoin.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Vous avez piqué ma curiosité en parlant des dissidents. Ce n'est pas pour la langue française, quand même? Est-ce quant à la façon de fonctionner? Des dissidents, il y en a toujours.
Mme Trèva Cousineau: C'est sur la façon de fonctionner.
Le sénateur Gérald Beaudoin: Ce n'est pas sur l'objectif.
Mme Trèva Cousineau: Non, pas du tout. Je pense que nous partageons tous les mêmes objectifs. Les groupes dissidents tiennent autant à la francophonie que nous. Ils travaillent à leur façon. Il y a eu des conflits dans le passé que, malheureusement, on a de la difficulté à enterrer.
Le sénateur Jean-Claude Rivest: Cela arrive aussi dans les partis politiques.
Mme Trèva Cousineau: Oui, ça arrive, mais on va y arriver avec le temps.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Madame Cousineau et madame Savard, nous vous remercions de votre présentation. Nous vous remercions aussi d'avoir été patientes et d'avoir su vous adapter aux cloches. Nous espérons avoir l'occasion de vous revoir. Merci.
Mme Trèva Cousineau: Ça nous a fait plaisir, madame. Quand c'est mon président qui parle, je suis toujours prête à l'écouter.
Puis-je vous poser une dernière question?
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Allez-y.
Mme Trèva Cousineau: Aurons-nous copie de votre rapport au cabinet ou si c'est privé?
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Parlez-vous du compte rendu de cette réunion?
Mme Trèva Cousineau: Dans ce qu'on nous a envoyé, on nous dit que vous alliez préparer un rapport.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Vous le recevrez certainement. Tous ceux qui ont témoigné recevront une copie du rapport.
Mme Trèva Cousineau: Merci beaucoup.
La coprésidente (la sénatrice Rose-Marie Losier-Cool): Merci beaucoup.
La séance est levée.