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Association parlementaire canadienne de l'OTAN (AP OTAN)

Rapport

INTRODUCTION

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN a l’honneur de présenter son rapport sur sa participation à la session du printemps de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) qui a eu lieu à Tirana, en Albanie, du 26 au 30 mai 2016. La délégation était dirigée par l’honorable Joseph Day, sénateur et composée des honorables sénateurs Raynell Andreychuk, Jane Cordy et Michel Rivard. La délégation était accompagnée de Jean-François Pagé, secrétaire de l’Association. La session du printemps était organisée par l’Assemblée nationale de la République d’Albanie et dirigée par le président de l’AP-OTAN, M. Michael Turner, membre de la Chambre des représentants des États-Unis (É.-U.). Quelque 300 parlementaires des pays membres de l’OTAN et représentants des pays associés d’Afrique du Nord, du Moyen Orient et d’Asie centrale y ont participé.

ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L’OTAN

L’AP OTAN est une organisation interparlementaire formée des législateurs des parlements nationaux des 28 pays membres de l’Alliance de l’Atlantique Nord et des 14 pays associés. Si, sur le plan institutionnel, l’Assemblée est distincte de l’OTAN, elle constitue toutefois un lien essentiel entre cette dernière et les parlements des pays membres de l’Alliance[1]. L’Assemblée contribue à sensibiliser les milieux parlementaires aux principaux enjeux liés à la sécurité et assure une plus grande transparence des politiques de l’OTAN. De façon décisive, elle participe au renforcement des relations transatlantiques qui sous-tendent l’Alliance. Les parlementaires canadiens tirent des avantages importants de leur participation aux activités de l’AP-OTAN. En effet, en plus d’améliorer leur compréhension des questions stratégiques qui se posent à l’Alliance et au Canada, ils ont la possibilité de promouvoir les valeurs et les intérêts nationaux dans le cadre des délibérations de l’Assemblée, des travaux de ses commissions et de rencontres informelles avec leurs homologues des pays membres de l’OTAN et des pays associés.

Examen du projet de rapport général « Améliorer les capacités et la coopération euro-atlantiques en matière de lutte antiterroriste » par Joëlle GARRIAUD-MAYLAM (France), rapporteure générale

Joëlle Garriaud-Maylam commence par rappeler que, par le passé, Daech s’appuyait sur des loups solitaires pour organiser des attentats contre les sociétés occidentales, mais qu’aujourd’hui, le groupe se concentre davantage sur l’entraînement, l’équipement et la coordination des terroristes. Daech a repris à son compte l’ordre du jour mondial d’Al-Qaïda tout en adoptant une structure organisationnelle pyramidale plus solide. Le groupe est plus efficace, plus présent sur internet et sa base financière est plus solide. Il faut donc prendre au sérieux la probabilité de voir Daech ou des groupes apparentés préparer d’autres attentats de grande ampleur contre les sociétés occidentales.

Mme Garriaud-Maylam constate qu’en général, la tendance au sein de la communauté euro-atlantique consiste à accroître les pouvoirs des organismes chargés de faire respecter la loi, à renforcer les contrôles aux frontières, à intensifier la surveillance électronique et à augmenter l’assistance et les interventions militaires dans des pays d’Afrique et d’Asie. Les attentats perpétrés récemment dans des capitales européennes ont toutefois mis en évidence des lacunes dans la coopération entre les forces de sécurité et les organismes de renseignement européens. Les efforts nationaux ou bilatéraux ne suffisent plus pour lutter efficacement contre les réseaux terroristes transfrontaliers qui opèrent dans toute l’Union européenne. Une approche multinationale est indispensable pour lutter contre ce fléau. De nombreux mécanismes existent au niveau européen pour contrer le terrorisme, mais ces instruments sont sous-financés ou sous-exploités. Pour combattre efficacement le terrorisme, la communauté euro-atlantique doit pouvoir compter sur la confiance mutuelle et la volonté politique d’utiliser ces instruments.

Mme Garriaud-Maylam conclut par une exhortation à agir. Elle invite les parlementaires à faire pression sur leurs gouvernements respectifs et services de renseignement nationaux pour qu’ils coopèrent plus étroitement avec leurs homologues. Parallèlement, les parlementaires doivent veiller à ce que, en matière de lutte contre le terrorisme, il existe un équilibre clairement établi entre préservation des libertés individuelles et maintien de la sécurité. Cela exige un contrôle démocratique, qui permettra aux partenaires de renforcer la confiance et de partager plus efficacement les renseignements. La communauté euro-atlantique ne peut certes pas éradiquer entièrement le terrorisme, mais elle peut abaisser le niveau de la menace en agissant de concert pour modifier les pratiques et démanteler les réseaux terroristes.

Examen du projet de rapport spécial « Balkans occidentaux : les défis posés par l’intégration européenne et euro-atlantique » par Ulla SCHMIDT (Allemagne), rapporteure spéciale

Ulla Schmidt entame son exposé en remerciant la Bosnie-Herzégovine et la Serbie pour la remarquable qualité de la visite organisée en mars 2016 et précise qu’elle a intégré à son projet de rapport les informations collectées à cette occasion. Elle retrace ensuite les développements qui ont eu lieu dans la région. Au cours des deux dernières décennies, les Balkans occidentaux ont connu des changements considérables, qui en ont fait la région prospère que l’on connaît aujourd’hui. L’un des résultats les plus spectaculaires de cette évolution est la création d’une zone de sécurité, qui a jusqu’à présent évité l’escalade de nouveaux conflits armés. Certaines parties des Balkans occidentaux – la Slovénie, la Croatie, l’Albanie et récemment le Monténégro – ont réalisé des progrès en vue de leur intégration à la communauté euro-atlantique. Il n’en demeure pas moins que certains défis constituent toujours une menace pour la stabilité dans la région.

Mme Schmidt fait part de ses préoccupations quant aux événements négatifs qui se sont produits récemment dans certaines parties des Balkans occidentaux, notamment dans l’ex-République yougoslave de Macédoine*. En Bosnie-Herzégovine, des tensions ethniques continuent d’entraver les progrès dans ce pays. La rapporteure spéciale est d’avis que l’Alliance devrait reconsidérer sa politique envers la Bosnie-Herzégovine. Plus précisément, l’OTAN devrait examiner si toutes les conditions posées pour l’activation du plan d’adhésion peuvent être maintenues. En ce qui concerne Belgrade et Pristina, les dispositions actuelles aux termes de l’accord de Bruxelles d’avril 2013 représentent une bonne base en vue de l’intégration à l’UE, mais l’accession proprement dite ne sera possible que lorsque Belgrade et Pristina auront résolu la question du statut du Kosovo ou seront, à tout le moins, parvenues à un niveau bien plus élevé de normalisation des relations. La rapporteure souligne également que l’absence de perspective claire d’adhésion pour certains pays des Balkans ne devrait pas servir d’excuse pour saboter les réformes européennes, tolérer la corruption et ignorer la nécessité d'opportunités socio-économiques pour les citoyens.

Outre les problèmes liés aux tensions ethniques, le statut d’adhésion, la lenteur des réformes et la connaissance insuffisante ou déformée de la communauté euro-atlantique parmi les populations représentent d’autres entraves au processus d’intégration. La communauté euro-atlantique doit multiplier les efforts pour expliquer ce que l’OTAN représente et ce qu’elle réalise. Il faut pouvoir aborder des questions sensibles comme la campagne militaire de 1999 en Serbie, afin de rappeler clairement que l’OTAN existe pour assurer la paix et non pour la saper. La rapporteure spéciale souligne qu’on n’essaie pas de pousser la Serbie à adhérer à l’Alliance : elle est libre de choisir sa propre voie en matière de sécurité et de défense.

Mme Schmidt achève son exposé en s’intéressant aux conséquences de la crise des migrants pour les Balkans occidentaux. Parmi les quelque 1,3 million de demandeurs d’asile dans l’UE, plus de la moitié a emprunté la route des Balkans occidentaux, de la Grèce vers l’Europe. Bien que cette route soit désormais fermée, il reste de nombreux réfugiés dans les Balkans. La communauté euro-atlantique se doit d’aider les pays des Balkans à accueillir ces personnes. Mme Schmidt souligne que cette crise humanitaire offre en outre l’occasion aux pays des Balkans de renforcer leur coopération régionale.

Exposé d’Enri HIDE, professeur en relations internationales, questions de sécurité et géopolitique, université européenne de Tirana

Enri Hide constate qu’au cours de ces dernières années, le désir des Balkans occidentaux de rejoindre l’OTAN ou l’Union européenne a contribué à éviter des risques de conflit au sein ou parmi les pays de la région. Ce n’est cependant pas pour autant que la paix et la stabilité doivent être considérées comme acquises. La corruption, le manque de réformes, l’instabilité politique, voire même le chômage posent des défis à la région à cet égard. Qui plus est, de nouvelles menaces apparaissent, comme la radicalisation et l’extrémisme religieux.

M. Hide évoque ensuite l’évolution de la situation et des défis auxquels sont confrontés les pays des Balkans occidentaux. Dans le cas de l’ex-République yougoslave de Macédoine, l’instabilité politique, la corruption et de profonds clivages politiques prévalent. Qui plus est, les droits des groupes minoritaires, en particulier des Albanais, sont restreints. À ses yeux, l’avenir de ce pays est crucial pour la stabilité géopolitique de la région. Face à ce niveau d’instabilité, l’OTAN doit maintenir sa politique de la porte ouverte dans ses relations avec l’ex-République yougoslave de Macédoine. Le Monténégro a par ailleurs été invité à rejoindre l’Alliance. Il s’agit d’une avancée importante vers l’intégration euro-atlantique de l’ensemble de la région. Cette intégration suscite toutefois des débats concernant la Russie et sa réaction face aux décisions concernant l'élargissement.

En ce qui concerne le Kosovo, son statut continue à influencer le processus d’intégration à la fois de la Serbie et du Kosovo. Le souhait de l’Association des municipalités serbes d’accorder à la minorité serbe plus de droits qu’à tout autre groupe minoritaire au Kosovo constitue la source de tensions la plus récente entre Pristina et Belgrade. Parallèlement, la Bosnie-Herzégovine reste confrontée à de vives tensions ethniques dont les retombées au niveau régional sont loin d’être anodines.

M. Hide décrit les nouveaux défis pour la région. Premièrement, la radicalisation et l’extrémisme violent représentent une menace potentielle. Le nombre de combattants étrangers originaires des Balkans occidentaux a atteint son plus haut niveau en 2014. Actuellement, les autorités s’inquiètent du retour de certains d’entre eux qui propagent des idéologies extrémistes. De l’avis de M. Hide, l’OTAN doit s'adapter à cette menace croissante, en renforçant le partage de renseignements à l’échelon européen. Il faut notamment surveiller la situation en Albanie, réputée pour l’harmonie qui y règne sur le plan religieux. La seconde menace grandissante vient de la Russie, dont l’intérêt pour l’avenir de la région s’intensifie depuis quelques années, en particulier dans le domaine énergétique.

M. Hide approfondit ensuite l’évolution de la situation en Albanie ces dernières années. Ce pays a toujours activement milité pour la paix et la stabilité dans la région, avant et depuis son accession à l’Alliance. L’Albanie est un membre actif de la lutte contre le terrorisme, fournissant des troupes aux Nations unies et à l’Alliance chaque fois que son soutien est demandé. En tant que membre de l’Alliance, Tirana doit toutefois équilibrer sa politique étrangère et chercher à améliorer ses relations avec ses voisins, dont la Serbie. Elle doit en outre démontrer son engagement envers les normes de l’OTAN, en mettant en oeuvre des réformes pour consolider la voie vers la démocratie dans le pays. À cet égard, la lenteur du rythme des réformes, surtout dans le domaine de l’État de droit, exerce un impact négatif et ralentit l’intégration de l’Albanie dans l’Union européenne.

Exposé d’Ilir KALEMAJ, directeur du Programme Master en relations internationales, Université de New York, Tirana, sur « Instabilité en Libye : implications pour la région MOAN et au-delà », suivi d’un débat

Ilir Kalemaj constate que, depuis la chute du régime Kadhafi en 2011, la situation sur le plan de la sécurité s’est considérablement détériorée en Libye. Le vide du pouvoir et les affrontements entre élites politiques constituent des menaces pour la stabilité et la sécurité du pays et de la région dans son ensemble. Dans le cadre d’une tentative de formation d’un gouvernement d’unité nationale, les Nations unies cherchent, sans succès pour l’instant, à négocier un traité entre les deux parlements rivaux. À la suite du vide du pouvoir, la Libye, riche en pétrole et autrefois considérée comme le pays le plus prometteur, est désormais confrontée à une grave crise financière.

Le chaos en Libye a permis à Daech de s’implanter dans l’est, le sud et l’ouest du pays. L’enclave occupée par Daech autour de la ville de Syrte s’est muée en terre d’accueil pour les djihadistes, où ils s’entraînent, et financent et planifient des attentats dans la région méditerranéenne. D’autres groupes islamistes importants contrôlent des points stratégiques, comme Tripoli (Aube de la Libye) et Benghazi (Ansar al-Sharia) notamment. Dans l’autre camp, l’armée nationale libyenne commandée par le général Khalifa combat les milices islamistes.

M. Kalemaj esquisse les défis extérieurs et intérieurs auxquels la Libye est confrontée. Le pays est comparé à un « bazar » pour le trafic d’armes et d’êtres humains. La situation économique est mise en péril par les attaques de Daech contre les installations pétrolières du pays. Face aux menaces croissantes pour sa sécurité, la Tunisie renforce la défense de sa frontière avec la Libye. D’après le ministre tunisien des affaires étrangères, la situation économique de son pays est précaire et l’arrivée de réfugiés sur le sol tunisien en provenance de Libye pose un grave problème. La guerre et l’instabilité en Libye ont déjà entrainé la fuite de 400 000 personnes vers le nord.

Dans l’ensemble, la situation en Libye se détériore considérablement et rappelle celle de la Somalie dans les années 1990, avec une économie en ruine et des milices aux objectifs antagonistes. Le pays a le taux de chômage des jeunes le plus élevé de la région MOAN et ne possède pas de classe moyenne. La nouvelle menace posée par la crise des réfugiés représente une charge supplémentaire pour l’économie libyenne. D’après les estimations, 87% des réfugiés viennent de Turquie et de Grèce, beaucoup d’entre eux étant passés par les Balkans occidentaux. Comme cette route est désormais fermée en grande partie, un nouvel itinéraire potentiel pourrait traverser la Libye, ce qui présente des risques considérables pour la sécurité, car des terroristes pourraient se faire passer pour des réfugiés.

Exposé de Milva IKONOMI, ministre du développement économique, du tourisme et du commerce de la République d’Albanie, sur « La situation économique en Albanie et dans les Balkans occidentaux au sens large »

Milva Ikonomi considère que l’OTAN apporte à ses membres une garantie fondamentale sur le plan de la sécurité, y compris la sécurité économique. Qui plus est, après avoir été totalement coupée du monde durant des décennies, l’Albanie est désormais en mesure, par le biais de l’OTAN, de contribuer à la sécurité régionale et mondiale. La coopération régionale constitue un instrument indispensable pour la transformation de la région des Balkans en un marché attrayant et concurrentiel. Dans ce contexte, l’Albanie peut se détourner d’un modèle économique basé sur la dépendance envers des transferts d’argent et développer une économie plus concurrentielle et plus innovante. Plusieurs réformes économiques structurelles contribuent à stabiliser le pays, jugement partagé par le FMI et la Banque mondiale et confirmé récemment par l’augmentation du PIB, de la consommation des ménages et des investissements. Il reste plusieurs problèmes structurels à résoudre. Certes, plusieurs nouvelles entreprises ont été créées en Albanie, mais leur nombre demeure globalement peu élevé. Le gouvernement accorde donc la priorité à l’amélioration du climat des affaires, tout en maintenant la stabilité politique, en allégeant la bureaucratie, en poursuivant la réforme du système judiciaire et en luttant contre la pollution. Bien que plus de 100 000 personnes aient vu leur situation s’améliorer en 2015, le niveau de pauvreté demeure très élevé. L’adhésion des pays des Balkans à l’UE doit s’accompagner d’une intégration de la sécurité et d’une coopération régionale dans plusieurs domaines, dont l’énergie, les transports et l’activité économique. Les pôles d’affaires régionaux par exemple constituent un moyen non négligeable d’intensifier l’intégration régionale.

Exposé de Jean-Christophe DUMONT, chef de la division des migrations internationales, OCDE, sur « Les dimensions économiques de la crise migratoire »

On ne connaît pas avec certitude le nombre total de migrants dans le monde et les décideurs politiques sont contraints de s’appuyer sur des estimations. En tout état de cause, les chiffres atteignent manifestement un niveau historique. D’après les estimations, hors Europe, on évalue le nombre de réfugiés à 2,7 millions en Turquie, plus d’un million au Liban et 0,7 million en Jordanie. Jusqu’à 7 millions de personnes ont quitté la Syrie et des millions d’autres personnes ont été déplacées dans leur propre pays. À la suite de l’accord intervenu récemment entre l’UE et la Turquie, le nombre de traversées de la Méditerranée a fortement diminué. Étonnamment, femmes et enfants représentent bien plus de la moitié des personnes qui fuient vers l’Europe.

La Syrie n’est certainement pas la seule source de réfugiés. Même lorsqu’on ajoute l’Afghanistan et l’Iraq, les ressortissants de ces trois pays ne représentent encore que 67% du total des demandeurs d’asile en Europe. Les pays de l’UE sont affectés de manière disproportionnée, la Suède, l’Autriche et l’Allemagne étant les plus exposées. Globalement, l’afflux de 2015 ne représente que 0,3% de la population totale de l’UE, mais les crises de solidarité et de coordination en Europe et au niveau mondial aggravent le problème.

Les pays de l’UE les plus touchés supporteront des coûts économiques importants liés à la migration. C’est ainsi que l’Allemagne prévoit une augmentation des dépenses publiques équivalant à 0,5% de son PIB, l’Autriche 0,3% et la Turquie 0,8%. À court terme, ces dépenses publiques supplémentaires auront probablement pour effet de stimuler la demande. On notera toutefois que seule une petite partie des migrants se verra proposer le statut de réfugié et pourra donc accéder au marché de l’emploi (environ 700 000 dans l’ensemble de l’Espace économique européen (EEE) fin 2016). Beaucoup de ces réfugiés auront besoin de temps pour acquérir les compétences nécessaires leur permettant d’accéder au marché de l’emploi de l’EEE.

La répartition multidimensionnelle des charges dans le temps entre les différents acteurs est essentielle, tant au niveau national qu’au niveau local. Les pays doivent adopter une série de mesures pour mieux intégrer les migrants au marché de l’emploi. Il faut trop de temps pour éduquer et préparer les migrants à la vie dans les pays occidentaux. L’intégration doit être considérée comme un investissement dans la croissance économique de demain.

L’augmentation spectaculaire du nombre de mineurs non accompagnés arrivant en Europe est alarmante et il faut multiplier les efforts pour s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène. Les gouvernements doivent également adopter des politiques centrées sur l’aide aux groupes particulièrement vulnérables, tels les chômeurs, les femmes avec enfants et ceux qui n’ont pas reçu d’éducation de base. Les offres d’intégration doivent tenir compte des perspectives d’établissement et des besoins des personnes concernées.

Examen du projet de rapport de la sous-commission sur la transition et le développement « Liens entre corruption et sécurité » par Richard BENYON (Royaume-Uni), rapporteur

Corruption et sécurité sont inextricablement liées. Quelle soit mineure ou systématique, la corruption sape l’État, ce qui ne fait que compliquer la lutte contre ce fléau. L’érosion de la confiance des citoyens dans l’État, associée à l’échec des pouvoirs publics, engendre de graves menaces pour la sécurité et entrave le progrès et le développement économiques, en raison notamment de l’absence d’innovations, du manque d’intérêt des investisseurs et de la fuite du capital humain.

La corruption est en outre utilisée comme outil de gouvernance, comme le démontrent les tentatives de la Russie pour déstabiliser des sociétés à ses frontières. La Russie a mis à profit ce moyen de pression dans le secteur énergétique. L’Ukraine souffre également de la corruption, qui continue à saper sa transition démocratique et économique, malgré plusieurs résultats atteints par le gouvernement à la suite de ses efforts pour lutter contre ce problème.

Au Moyen-Orient, le mécontentement des populations face à la corruption des dirigeants était au coeur des manifestations qui ont éclaté au printemps 2011. La corruption massive, un chômage des jeunes très élevé, l’absence de systèmes de contrôle, l’évasion fiscale, les restrictions imposées aux médias et un appareil judiciaire déficient ralentissent les progrès dans toute la région. Au niveau de la défense, les instances nationales sont également affaiblies par une corruption endémique. Des organisations internationales comme l’UE, l’OTAN, les Nations unies, l’OCDE et d’autres ont mis en place des programmes pour s’attaquer à ce problème. Les diverses sociétés civiles, ainsi que les journalistes qui dénoncent ces actes, jouent un rôle crucial dans la lutte contre la corruption.

Il faut intensifier et multiplier les efforts pour veiller à ce que les institutions financières et les milieux d’affaires occidentaux empêchent activement le blanchiment de revenus générés par des pratiques malhonnêtes. Cela exige un renforcement de la législation et la pleine application des lois anticorruption. L’augmentation des salaires des policiers et d’autres agents de la fonction publique peut favoriser un « esprit de corps » dans les rangs de l’administration publique et diminuer la tentation de céder à la corruption. L’apport d’un soutien à des organismes robustes en charge des comptes et du contrôle des fonds publics devrait également réduire les occasions de malversations et contribuer à instiller cette confiance tant attendue dans les institutions publiques. La dérèglementation représente une arme très efficace pour lutter contre la corruption.

L’élimination des subventions à la consommation et leur remplacement par des transferts en espèces vers les plus nécessiteux permettrait d’économiser des milliards de dollars et de réduire

Exposé de Mimi KODHELI, ministre de la Défense de la République d'Albanie, sur « Les défis nationaux et transnationaux dans le contexte de sécurité actuel »

Mimi Kodheli entame son exposé en soulignant l’importance de l’OTAN en tant que communauté de valeurs essentielles et fédératrices, et en rappelant que l’Assemblée parlementaire de l’OTAN constitue précisément une figure emblématique des valeurs démocratiques qui sous-tendent l’Alliance.

Mme Khodeli rappelle que deux années se sont écoulées depuis l’annexion de la Crimée par la Russie et les débuts de l’intervention de cette dernière en Ukraine. Au cours de cette période, poursuit-elle, les violences qui ont succédé au Printemps arabe ont continué de s’intensifier, accentuant la déstabilisation au Moyen-Orient. Daech1 et d’autres groupes terroristes dynamisés par la présence, dans leurs rangs, de combattants étrangers, font aujourd’hui peser une menace permanente sur les États membres de l’OTAN ainsi que sur leurs partenaires. Les attentats perpétrés à Ankara, à Paris et à Bruxelles illustrent clairement la montée du péril terroriste pour tous les États. Par ailleurs, l’intervenante rappelle aux délégués les risques qu’une longue période placée sous le signe des réductions des dépenses et des investissements de défense ont fait peser sur les capacités collectives de l’Alliance, et insiste sur la nécessité d’inverser cette tendance. Compte tenu des différents défis qu’il leur faut relever aujourd’hui, il faut que l’UE et l’OTAN, principales incarnations du projet euro-atlantique, poursuivent sur la voie qu’elles se sont tracée, même si les appréciations de la menace varient parfois au sein de ces institutions.

Mme Kodheli indique que certaines régions ne sont pas en mesure de relever à elles seules les défis dont est porteur l’environnement de sécurité du XXIème siècle. C’est notamment le cas des Balkans. Il est plus que jamais indispensable que cette région aux prises avec des défis économiques persistants se montre plus unie. C’est pour cette raison essentielle, notamment, que l’Albanie se félicite de l’adhésion du Monténégro à l’OTAN, étape qui va permettre de renforcer encore la stabilité et la cohésion à l’échelle régionale. L’Albanie, poursuit-elle, doit également instaurer un partenariat constructif avec le Kosovo.

Les dépenses de défense et dans ses diverses contributions à l’OTAN ; elle compte d’ailleurs, cette année, revoir à la hausse ses contributions à la mission Resolute Support en Afghanistan. Dans le même temps, ajoute-t-elle, Tirana compte maintenir ses niveaux actuels de soutien aux Forces de sécurité du Kosovo. L’Albanie est également active dans le cadre des missions de formation, de conseil et d’assistance en Géorgie et en Ukraine. Enfin, elle va mettre sur pied un Centre d’excellence OTAN qui permettra de lutter contre le recrutement de combattants étrangers à l’échelle régionale.

Examen du projet de rapport général « Nouveaux impératifs de défense : concrétisation des engagements du sommet du pays de Galles et perspectives pour Varsovie » par l’honorable Joseph A. DAY, rapporteur général

Le sénateur Day entame la présentation de son projet de rapport en épinglant le contexte de sécurité difficile dans lequel se débat actuellement une Alliance confrontée à un double défi présent à la fois à l’Est et au Sud. Les engagements pris en 2014 lors du sommet du pays de Galles ont été contractés, dit-il, dans un contexte sécuritaire probablement moins complexe que celui-ci qui prévaut aujourd’hui, à la veille du sommet de Varsovie. Le rapport général de la commission fait le point sur les progrès accomplis dans la mise en oeuvre des principales conclusions du sommet du pays de Galles (plan d’action « réactivité » - RAP - et engagement en matière de dépenses de défense) ainsi que sur les ajustements qui pourraient être introduits à Varsovie.

Selon le sénateur Day, l’évolution qu’a connue l’environnement sécuritaire européen entre les deux sommets fait clairement ressortir la nécessité de relever encore les investissements et de resserrer plus avant les liens de collaboration. Afin de pouvoir assurer une dissuasion efficace sur le flanc Est, il faudrait consolider le RAP par l’installation de matériels plus lourds dans la région et par la mise en place d’une présence permanente qui serait assurée par des forces alliées suivant un système de rotation. Cette posture renforcée placerait l’Alliance en position de force, préalable incontournable à un redémarrage des relations avec Moscou à tous les niveaux.

Le sénateur Day indique que l’initiative des États-Unis visant à quadrupler le financement de leur Initiative de réassurance pour l’Europe témoigne clairement du maintien de leur engagement en faveur de la sécurité de tous les membres de l’Alliance. Il déclare que ce financement revu à la hausse sera consacré à l’acquisition de nouveaux matériels, à un renforcement de la présence assurée en rotation par les forces états-uniennes (et en particulier au stationnement d’une nouvelle brigade en Europe), à une intensification des exercices et au soutien des Alliés et des partenaires menacés par une éventuelle agression de la Russie.

Pour le sénateur Day, cette initiative des États-Unis peut être interprétée comme un appel au lancement, en parallèle, d’une « Initiative européenne de réassurance pour les États-Unis ». Il fait également remarquer que la tendance à la baisse des dépenses de défense jusqu’ici particulièrement perceptible dans les États membres européens ne semble plus à l’ordre du jour. Même s’il s’agit là d’une bonne nouvelle, l’indicateur le plus important de la bonne santé de l’Alliance à terme doit être une inversion de cette tendance et la réalisation, par les pays, d’investissements de défense significatifs permettant d’atteindre les objectifs de l’engagement en faveur des dépenses de défense.

Le projet de rapport présenté par le sénateur Day aborde par ailleurs l’évolution des forces armées russes, et détaille les efforts menés par Moscou pour modifier l’équilibre des forces et des volontés en présence dans l’environnement de sécurité européen. Selon lui, les investissements importants consentis par Moscou au titre des forces armées sur fond de positionnement plus agressif sur la scène internationale doivent interpeler l’OTAN, et l’amener à mettre en place une posture de dissuasion plus solide en Europe. Pour le sénateur Day, la construction d’une défense solide pour tous les pays alliés situés dans l’est du territoire de l’OTAN doit figurer parmi les objectifs du sommet de Varsovie. Il poursuit en prônant la mise sur pied d’un cadre de sécurité global dans le voisinage méridional de l’OTAN, sachant qu’il faudra pour cela maintenir des investissements permettant aux partenaires de se renforcer à tous les niveaux. M. Day conclut son exposé en déclarant que la seule réponse face aux défis de sécurité actuels et futurs réside dans le maintien de la force et de la solidarité.

Les délégués félicitent le sénateur Day pour son projet de rapport. Un délégué néerlandais déclare que Varsovie sera peut-être le sommet le plus important depuis 1989, lorsque le mur de Berlin est tombé, quand tous considéraient que le modèle de défense collective incarné par l’OTAN n’avait plus de raison d’être. La réalité d’aujourd’hui montre clairement que les choses ont changé. Le délégué suggère que, pour les dépenses de défense, le rapport fasse état d’indicateurs supplémentaires en plus du seuil minimum des 2 % du PIB, paramètre qui, selon lui, ne permet d’apprécier la situation dans tous ses aspects.

Un délégué lituanien signale que les passages sur les capacités d’interdiction et de zone (A2/AD) de la Russie sont particulièrement pertinents, car ils illustrent bien la réalité sécuritaire en évolution dans de nombreuses régions de l’Alliance. Un délégué du Royaume-Uni, rappelant que la dissuasion repose sur des moyens tant conventionnels que nucléaires, apprécie le fait que le rapport aborde la question de la dissuasion nucléaire. Il enchaîne en demandant au rapporteur s’il serait possible d’étoffer le rapport sur cette dynamique en évolution, sachant que celle-ci sera probablement évoquée au cours du sommet. Le sénateur Day dit partager les points de vue exprimés par ces deux intervenants et les assure de son intention d’approfondir la question de la dissuasion nucléaire lorsque les conclusions du sommet seront connues.

Un délégué estonien, après avoir complimenté le sénateur Day pour la qualité de son projet de rapport, indique qu’il souhaiterait voir les États européens, et pas seulement les États-Unis, en faire plus du point de vue des investissements au titre des institutions de défense. Il corrige également certaines estimations livrées par le sénateur Day quant aux possibilités de mobilisation armée des États baltes face à une offensive russe. Ainsi, l’Estonie est en mesure, à elle seule, d’aligner 21 000 hommes sur le terrain en cas d’urgence. Ce même délégué souligne également l’importance de l’unité et de l’action collective.

Un délégué du Royaume-Uni déclare que la Russie continue de considérer la puissance nucléaire comme une arme de premier recours, et que l’OTAN devrait faire preuve de réalisme à cet égard lorsque cette question sera examinée à Varsovie. Enfin, un délégué néerlandais se dit inquiet à l’idée qu’un système de rotations permanentes puisse entraîner une escalade involontaire et considère dès lors qu’il faudra multiplier les efforts pour relancer le dialogue avec la Russie, de manière à éviter des incidents inutiles.

Exposé de Rexhep MEIDANI, professeur, membre de l’Académie des sciences, ancien président de la République d’Albanie, sur « La Russie et les Balkans occidentaux »

Dans le cadre de son exposé détaillé sur l‘influence de la Russie dans les Balkans occidentaux, le professeur Rexhep Meidani laisse entendre que la politique étrangère russe repose en grande partie sur la « puissance de convaincre» et les interactions économiques. Selon lui, des éléments de cette « puissance de convaincre » incluent entre autre la référence au panslavisme, une doctrine réaffirmée de l’identité commune et de l’intégrité des différents peuples slaves qui passe par la langue, l’enseignement et la religion. Pour y accroître son rayonnement, Moscou ferait également valoir son influence sur les pays des Balkans dans les domaines de l’énergie, des infrastructures et du tourisme. Toujours selon lui, elle ne refuserait pas de promouvoir ses intérêts par la corruption et les pots-de-vin si nécessaire.

Si la Serbie et la Bulgarie ont toujours tenu une place centrale dans la politique étrangère russe en raison de leur situation géographique, de leurs liens culturels et de leur orientation orthodoxe, la politique russe à l’égard des Balkans a beaucoup évolué au cours de la période de l’après-communisme, relève M. Meidani. Durant le mandat du président Boris Eltsine, Moscou a préservé un équilibre délicat consistant à user de son influence sur les Balkans tout en préservant de bonnes relations avec les pays occidentaux. Sous le président Vladimir Poutine, les Balkans ont été replacés au centre de la politique étrangère russe. En offrant des mesures d’incitation (par exemple sous la forme de prêts, de projets énergétiques, d’investissements commerciaux et autres), la Russie a accru son engagement dans la région, essayant aussi de cette façon de retarder l’intégration des Balkans occidentaux dans l’Union européenne. Toutefois, la situation économique de la Russie et la faiblesse du rouble limitent sa capacité à concurrencer l’UE au niveau régional, conclut le professeur Meidani.

Dans la discussion qui suit, certains délégués demandent si les États membres de l’UE demeurent unis dans leur approche à l’égard de la Russie, notamment pour ce qui est du maintien des sanctions tant que Moscou ne changera pas de cap vis-à-vis de l’Ukraine, et si le Kremlin dispose d’une stratégie détaillée et cohérente. Concernant le régime des sanctions imposées au pays après son annexion de la Crimée, l’intervenant estime que les récentes déclarations du Premier ministre grec Alexis Tsipras (qui a fait valoir que les sanctions étaient improductives) sont regrettables et préjudiciables à l’unité européenne. Le professeur Meidani ne pense pas que le moment soit venu de lever les sanctions ni d’inviter la Russie à reprendre sa participation aux réunions de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN). Cela dit, l’OTAN et l’UE pourraient envisager une « stratégie de sortie » des relations conflictuelles avec la Russie. Les membres conviennent que la poursuite des sanctions et le renforcement de la dissuasion militaire sont indispensables, mais préconisent aussi que des efforts supplémentaires soient déployés pour engager un véritable dialogue avec les autorités russes.

Exposé et table ronde sur « Renforcer la dissuasion, promouvoir la maîtrise des armements en Europe » par Elbridge A. COLBY, maître de recherche Robert M. Gates, Center for a New American Security, et Lukasz KULESA, directeur de recherche, European Leadership Network

Lukasz Kulesa, directeur de recherche à l’European Leadership Network, est le premier à prendre la parole pour cette table ronde sur le thème Renforcer la dissuasion, promouvoir la maîtrise des armements en Europe. Selon lui, la situation conflictuelle avec la Russie n’est pas un phénomène passager mais la nouvelle normalité. L’OTAN doit donc concentrer son action : à court terme sur la dissuasion à l’égard de la Russie, mais à long terme sur la maîtrise des armements. L’actualisation et la redynamisation des accords de maîtrise des armements pourraient aider l’Alliance à atteindre ses objectifs à l’égard de la Russie.

Historiquement, les mécanismes de maîtrise des armements ont facilité la transparence et contribué à la stabilité stratégique. Or, les récentes actions de la Russie ont constitué des infractions au Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) et au Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE), qui sont les deux piliers du dispositif de maîtrise des armements. Ce dernier doit donc être réinventé, dans une optique d’amélioration de la gestion des relations avec la Russie. Cela permettrait de minimiser le risque d’escalade, d’erreur de calcul et de surprise. Les trois principaux objectifs sont : premièrement, réduire le risque d’un conflit de grande ampleur ; deuxièmement, réduire les coûts de la confrontation ; troisièmement, stabiliser la relation.

En manifestant sa volonté de travailler sur la maîtrise des armements, l’Alliance afficherait son souhait d’apaiser les tensions et de tester les réactions de la Russie. Pour l’heure, ce pays ne semble pas très intéressé à faire des efforts en matière de maîtrise des armements, mais cela pourrait changer après le sommet de l’OTAN à Varsovie. Moscou cherchera peut-être à ce moment-là à faire retomber les tensions, à réduire ses dépenses militaires et à restaurer son prestige.

Comme le souligne M. Kulesa, le dispositif existant comporte plusieurs éléments utiles qui mériteraient d’être approfondis voire, le cas échéant, modifiés. Ces éléments sont notamment l’FNI, le Traité Ciel ouvert, la restriction des armes nucléaires non stratégiques, les mesures visant à éviter les situations non désirées d’escalade, les accords de défense antimissile, le Document de Vienne et les dispositifs régionaux de maîtrise des armements.

De nouvelles mesures pourraient être prises, par exemple concernant l’amélioration de la prédictibilité et l’augmentation des notifications d’exercices militaires. Des discussions sur les doctrines militaires devraient également être organisées pour clarifier leur contenu et la réflexion stratégique. Le déploiement militaire avancé ne devrait être utilisé que pour prévenir l’escalade et éviter de s’engager dans des opérations militaires risquées. Les accords bilatéraux existants devraient également être actualisés, et d’autres être conclus.

Elbridge A. Colby, maître de recherche Robert M. Gates au Center for New American Security, émet quelques remarques complémentaires. Le principal défi militaire auquel est confrontée l’OTAN est la Russie, précise l’orateur, en indiquant que ce pays a identifié l’Alliance comme une menace et a montré qu’il était prêt à faire usage de la force. Plutôt que de conquérir le territoire de l’OTAN, Moscou pourrait chercher à affaiblir l’Alliance en sapant sa crédibilité et donc en la dévalorisant. Si l’OTAN refuse à Moscou les moyens jugés plausibles pour atteindre ces objectifs, le risque de confrontation sera sensiblement atténué. Malgré ses atouts, la Russie est faible par rapport à l’OTAN. Cela dit, le Kremlin pourrait exploiter la possible absence de volonté politique de l’OTAN en jouant au quitte ou double, y compris sur le plan nucléaire.

Les tactiques de la guerre hybride pourraient être utilisées là où se trouvent les points faibles de l’OTAN, notamment dans la région des pays baltes. Dans le même temps, Moscou pourrait utiliser ses vastes forces conventionnelles pour conquérir certaines parties du territoire de l’Alliance. Ses capacités en matière de guerre électronique, ses chars et autres équipements font de la Russie une formidable puissance militaire. Sur le flanc Est de l’OTAN, les forces russes rencontreraient peu d’opposition et pourraient donc progresser rapidement et utiliser leurs amples capacités de déni d’accès et d’interdiction de zone pour faire obstruction à l’OTAN. Les Alliés devraient alors déployer d’importantes forces – en s’appuyant sur les États-Unis – pour récupérer les territoires perdus. Pour autant, comme le fait remarquer l’orateur, il n’est pas sûr que du côté de l’OTAN, l’unité et la volonté politique soient au rendez-vous pour mener une telle action. Moscou pourrait être tenté de faire usage de ses forces nucléaires pour mettre un terme au conflit avant que les Alliés n’aient pu engager leurs forces conventionnelles, plus nombreuses. Bien que peu probable, ce scénario ne peut être exclu, ajoute M. Colby.

Pour dissuader la Russie de l’attaquer, l’OTAN doit lui ôter toute occasion de le faire et démontrer l’absurdité d’une telle action, indique l’orateur. Les coûts éventuels d’une attaque doivent être rendus si élevés que les avantages en paraîtront dérisoires. En cas de conflit, le déploiement de forces pourrait envoyer à la Russie le signal de l’unité des Alliés et de leur volonté de l’affronter rapidement. L’utilisation d’une force faisant office de « fil de détente » (trip-wire) ne serait toutefois pas efficace, car elle laisserait à Moscou une marge de manoeuvre militaire et politique. En revanche, le positionnement sur le flanc Est d’une défense robuste est capital pour contraindre la Russie et lui faire porter la responsabilité de l’escalade. Cela nécessite toutefois un nombre suffisant de forces conventionnelles pour pousser les Russes à la confrontation dans le cas où ils décideraient d’attaquer.

M. Colby conclut son exposé par un certain nombre de suggestions concrètes. Tout d’abord, l’OTAN doit adopter une posture de défense renforcée sur le flanc Est, composée dans l’idéal de plusieurs équipes de combat multinationales mécanisées, appuyées à l’arrière par des forces de plus grande ampleur pouvant être déployées rapidement sur la ligne de front. Des forces d’appoint capables de faire obstacle à une offensive de la Russie doivent également être mises à disposition. L’Alliance a en outre besoin, pour exercer une dissuasion crédible, de forces nucléaires prêtes à être utilisées. La maîtrise des armements est souhaitable si elle renforce la sécurité de l’Alliance. La dissuasion doit en outre passer au niveau supérieur pendant que des accords de maîtrise des armements sont en cours de négociation. Les déploiements dans la Baltique doivent être ouvertement défensifs, et la Russie pourrait être invitée à les observer. L’incapacité à mettre en oeuvre cette posture risque de compromettre l’engagement de défense collective. Toute faille dans cette posture pourrait inviter la Russie à tenir un discours révisionniste.

Les parlementaires de l’AP-OTAN s’enquièrent des perspectives d’avenir concernant les accords de maîtrise des armements avec la Russie, font part de leurs inquiétudes au sujet de la sécurité des Alliés, et s’interrogent sur la nécessité de tels accords. M. Kulesa leur rappelle que le conflit en Ukraine a apporté la démonstration que les forces conventionnelles ont toujours de l’importance, et qu’il convient de contrôler leur utilisation par des accords de maîtrise des armements. L’orateur souligne que cette maîtrise ne doit pas concerner uniquement les systèmes, mais aussi les matières.

Les parlementaires souhaitent en savoir plus sur la nature et l’urgence de la menace que représente la Russie pour l’OTAN, en particulier dans la région de la mer Baltique. Ils se demandent quel est le meilleur moyen, de la force ou de la faiblesse, de prévenir une agression russe. M. Colby leur explique que le manque d’unité et de cohésion au sein de l’OTAN et de l’UE pourrait constituer une incitation pour la Russie. Par conséquent, c’est en interne que le travail le plus important doit être fait. Des déclarations confuses, ou non suivies d’actes, pourraient également être des facteurs d’incitation pour la Russie. Lors du Sommet de Bucarest, les déclarations de l’Alliance concernant l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine ont révélé un manque d’unité, qui a conduit la Russie à mener une action militaire en Géorgie.

Respectueusement soumis,


L’hon. Joseph Day, sénateur pour :

M. Jean Rioux, député
Présidente de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN (AP OTAN)