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Section canadienne de ParlAmericas

Rapport

Une délégation de cinq parlementaires représentant la Section canadienne de ParlAmericas s’est rendue à Bogotá, en Colombie, du 23 au 26 janvier 2017. La délégation était menée par Anthony Rota, député, qui était accompagné de l’honorable Pana Merchant, sénatrice, de l’honorable David Wells, sénateur, de William Amos, député, et de François Choquette, député. Les parlementaires ont reçu le soutien de David-Andrés Novoa, secrétaire d’association de la Section canadienne, et Andre Barnes, analyste de l’association de la Bibliothèque du Parlement.

En novembre 2016, après plus de 50 ans de conflit armé, un accord de paix historique a été conclu entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Poursuivant sa relation de longue date de dialogue ouvert avec la Colombie, le Canada soutient ce processus et la transition vers la paix.

Au lendemain du conflit, la reconstruction de la Colombie exigera un effort de longue haleine. Les réunions tenues par la délégation de parlementaires canadiens en Colombie ont surtout porté sur les difficultés et les occasions qui se présentent aux Colombiens dans la mise en œuvre de l’accord de paix ainsi que sur les incidences de l’accord sur l’économie du pays, le développement rural, les besoins humanitaires, les enjeux de sécurité, les droits des femmes et le trafic de narcotiques.

La Colombie est l’un des plus proches partenaires du Canada dans la région, sur les plans politique et économique. Les deux pays ont des valeurs communes et coopèrent de façon constructive au sein de l’Organisation des États américains (OEA), de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et d’autres organismes et forums multilatéraux et internationaux. La Colombie est un membre fondateur de l’Alliance du Pacifique, de laquelle le Canada est un observateur actif. En outre, la Colombie est une économie émergente ayant un potentiel formidable et l’un des plus proches partenaires commerciaux du Canada dans la région en raison de la stabilité de ses institutions politiques, de ses lois progressistes et de sa forte orientation envers le libre marché et l’intégration. Son désir d’accéder à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) contribue à l’amélioration de la réglementation et des conditions des marchés.

Cette visite bilatérale a offert à la délégation canadienne une importante occasion d’obtenir un portrait net des difficultés complexes auxquelles se butent les Colombiens dans leurs efforts pour rétablir la paix dans leur pays. La visite a également permis à la délégation de renforcer les relations interparlementaires positives que les parlementaires canadiens et colombiens entretiennent ainsi que de prendre part à des discussions franches et ciblées avec des décideurs, des représentants du gouvernement, des partenaires importants et des spécialistes en la matière qui travaillent sur le terrain à Bogotá.

A.   Séance d’information avec des fonctionnaires de l’ambassade du Canada en Colombie

Le matin du 23 janvier 2017, la délégation canadienne a rencontré un groupe de fonctionnaires de l’ambassade du Canada en Colombie pour recevoir de l’information sur des questions de politique, de commerce, d’aide humanitaire et de sécurité en Colombie.La réunion a eu lieu à l’ambassade du Canada à Bogotá.

Les fonctionnaires ont indiqué à la délégation que le processus de mise en œuvre de la paix qui est en cours en Colombie sera bénéfique pour le pays, la région et le monde entier en faisant de la Colombie un endroit stable et prospère. Il est relevé que les inégalités entre les riches et les pauvres en ce qui a trait à la qualité de vie sont si profondes que certains affirment qu’il y a « deux Colombies ». La tradition démocratique du pays est solide et son produit intérieur brut par habitant est relativement élevé. En outre, la Colombie se classe au deuxième rang mondial en ce qui a trait à la biodiversité. Toutefois, sa population a subi les conséquences du conflit interne : 220 000 morts, des dizaines de milliers de citoyens « disparus » et des violations des droits de la personne. Le pays occupe le deuxième rang mondial quant au nombre de personnes déplacées (derrière l’Afghanistan) et le deuxième rang également en ce qui a trait aux mines antipersonnel non découvertes.

Les fonctionnaires ont fait le point sur la mise en œuvre de l’accord de paix. Actuellement, le Congrès colombien étudie des lois en vue de mettre en place les divers éléments de l’accord. Ils ont également abordé les questions du vaste secteur minier illégal en Colombie, du ralentissement touchant le secteur pétrolier et gazier (qui ne représente en ce moment que 1 % des recettes du pays, alors qu’il constituait le principal moteur économique du pays auparavant), et de la hausse des demandes de visas d’étudiant canadiens de la part de Colombiens. Un aperçu des politiques et des programmes de développement canadiens est offert à la délégation, qui a également reçu de l’information sur la coopération en matière de sécurité entre le Canada et la Colombie, les perspectives commerciales et d’investissement, la consolidation de la paix ainsi que l’engagement des États-Unis en Colombie.

B.   Réunion avec le Comité international de la Croix-Rouge

Le matin du 23 janvier 2017, la délégation s’est entretenue avec Christoph Harnisch, chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), pour discuter du rôle du CICR en tant qu’organisation humanitaire dans l’aide offerte à la Colombie dans le cadre de la mise en œuvre de son accord de paix. La réunion a eu lieu à l’ambassade du Canada à Bogotá.

Au nom du CICR, M. Harnisch a remercié le Canada pour son soutien de longue date. La discussion entre M. Harnisch et la délégation canadienne a porté sur la mise en œuvre de l’accord de paix et ses effets sur la situation humanitaire en Colombie. Il est mentionné que le CICR a joué un rôle important dans le cadre du processus de l’accord de paix, ayant assuré le transport des membres des FARC à Cuba pour les pourparlers de paix.

Conformément aux conditions de l’accord de paix, les FARC ont accepté de désarmer et de se présenter aux camps désignés dans les zones établies sous la surveillance de l’ONU. Parmi les questions qui préoccupent le CICR, citons le risque que des groupes criminels organisés armés prennent les rênes de la production et de l’exportation de ressources illégales, très lucratives (coca); la réussite de la transition des communautés rurales vers d’autres cultures que celle de la coca; la nécessité d’assurer la protection et la sécurité citoyenne de ceux qui ont été touchés ou déplacés par les conflits armés passés et actuels; et la surveillance de l’évolution constante des événements, surtout dans les collectivités rurales.

Il est signalé que la Colombie s’est butée à de nombreuses difficultés, notamment le renforcement de la confiance du public envers la légitimité du processus, le traitement des personnes « disparues » au cours du conflit armé et la réintégration des mineurs qui ont été recrutés dans le conflit armé. En outre, la Colombie connaît actuellement une diminution de ses recettes en raison de la chute du prix du pétrole, une situation qui se poursuivra à court terme.

C.   Table ronde sur les femmes, la paix et la sécurité

Pendant la dernière réunion de la matinée du 23 janvier 2017, la délégation canadienne a rencontré des représentants d’organisations non gouvernementales qui s’emploient à renforcer les droits des femmes dans le processus de paix et de sécurité en Colombie. La réunion a eu lieu à l’ambassade du Canada à Bogotá.

La discussion a porté sur les difficultés éprouvées et les succès remportés par les groupes des droits des femmes au cours du conflit armé, les pourparlers de paix et le processus de mise en œuvre de la paix. Les participants ont raconté à la délégation les situations de violence et de déplacement que les femmes ont connues au cours des dizaines d’années du conflit armé. Les femmes des régions rurales ont été touchées de façon disproportionnée par le conflit; elles se trouvent parmi les populations les plus vulnérables, en manque de soutien et de ressources.

Certains groupes de femmes, comme la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle et transgenre (LGBT), ont dû se battre pour que leurs points de vue soient inclus dans les négociations de paix. Par ailleurs, des opposants à l’accord de paix ont utilisé la prise en considération des perspectives de ces groupes comme point de ralliement contre l’accord. La délégation a entendu des représentants des groupes de femmes s’exprimer fortement sur la nécessité d’inclure un ensemble d’opinions vaste et hétérogène dans le processus décisionnel en vue de la mise en œuvre de l’accord de paix.

Il est signalé à la délégation qu’il restait de nombreuses difficultés à surmonter dans la mise en œuvre de l’accord de paix. L’État doit montrer des changements concrets aux anciens combattants; l’accès à la justice, relativement à la représentation juridique, demeure une entrave pour ceux qui habitent dans les régions rurales; la prévention de la violence à l’égard des femmes est un effort de tous les instants; et l’accord de paix sera mis en œuvre dans un contexte mondial où semblent régner la discorde et les marchands de peur. En outre, des élections législatives et présidentielles sont prévues en 2018. Les participants à la discussion ont mentionné aux délégués que, au cours de la période préélectorale, l’État, les partenaires et les groupes de la société civile doivent mobiliser l’appui à l’accord et le défendre en informant le public sur ses bienfaits.

Par rapport au programme visant le remplacement de la culture de la coca par d’autres produits agricoles, il est signalé que le transport des produits aux marchés constitue un obstacle. Les cultivateurs de coca n’avaient pas de problème à vendre leurs plants, même s’ils vivaient dans des régions rurales éloignées; les acheteurs arrivaient et transportaient eux-mêmes les plants. Les producteurs de cultures légales risquent d’éprouver des difficultés à vendre leurs produits et à en assurer le transport.

Les participants à la discussion ont indiqué que, en général, les Colombiens ont un désir profond de cohabitation pacifique. Pour en arriver à une paix durable, il faudra que la culture, ainsi que le comportement et les rôles sociaux se transforment.

D.   Table ronde sur le développement rural et l’agriculture

· Une organisation non gouvernementale (ONG) de Desjardins financée par le gouvernement canadien offre aux institutions financières locales et à la banque de développement publique de la formation, de l’éducation et des services en matière de finances, en particulier dans les régions rurales. L’ONG embauche et forme des experts en agriculture, en plus d’offrir de l’assistance technique, du soutien à la formation et du microfinancement à plus de 60 projets. En 2018, Desjardins amorcera un projet visant à faire entrer les producteurs de café colombiens (environ 400 000 travailleurs) dans le système financier officiel.

· L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) mène des projets dans deux régions éloignées du sud du pays qui sont productrices de cultures illicites et qui souffrent de la pauvreté. Il est mentionné qu’environ 12 millions de personnes habitent des régions rurales pauvres et qu’environ 40 % des terres en Colombie n’ont pas de titre juridique. Les projets de l’OIM visent surtout à réunir les intervenants locaux en vue de concevoir des plans à court, à moyen et à long terme et de prendre des décisions sur l’utilisation des terres dans leur collectivité. Leur objectif est de fournir une source de revenus stable aux participants au programme en remplaçant les cultures illicites par des cultures licites qui connaissent une forte demande pour l’exportation (p. ex. café, avocat, cacao), d’investir dans l’infrastructure locale (eau potable, routes, électricité, etc.), ainsi que d’offrir des emplois et des occasions aux jeunes pour éviter qu’ils partent vers les centres urbains et mettre fin aux conflits ruraux.

· L’Association des coopératives du Canada (ACC) aide les communautés rurales à démarrer des coopératives en tant que modèle pour le développement économique. L’expertise que l’ACC procure aux collectivités rurales et aux petits producteurs touche le renforcement des institutions, la commercialisation, la finance ainsi que la sensibilisation de la population au développement durable, à l’inclusion et à l’égalité des sexes (la violence contre les femmes dans les régions rurales est un problème répandu). Tous les projets de l’ACC durent cinq ans.

· La Société de coopération pour le développement international (SOCODEVI) est une ONG active dans une quinzaine de pays. En Colombie, elle possède six bureaux régionaux et son budget de fonctionnement total s’établit à 20 millions de dollars, dont 15 millions sont versés par le gouvernement du Canada. La SOCODEVI mène actuellement des projets qui soutiennent 3 000 familles en Colombie. Ces projets aident les petits producteurs et les producteurs artisanaux à se transformer en entreprises rentables et à accroître leur production. La SOCODEVI offre une grande variété de programmes de formation et d’assistance, notamment en matière d’assurances, de financement, de planification, de gestion et de commercialisation. Les activités de la SOCODEVI mettent principalement l’accent sur les secteurs forestier et agroalimentaire (p. ex. producteurs de cacao, de café, de lait, de canne à sucre, de piments).

E.   Visite sur place d’un projet d’emploi à Soacha

Le matin du 24 janvier 2017, la délégation canadienne s’est rendue à Soacha, une municipalité située près de Bogotá, pour visiter un projet d’emploi pour les jeunes mené par Cuso International et la Fundación Panamericana para el Desarrollo (FUPAD). L’objectif de la visite était de mieux comprendre les difficultés et les obstacles auxquels se butent les jeunes et les femmes vulnérables, ainsi que les victimes du conflit armé dans la recherche d’un emploi stable dans le secteur structuré.

Eleázar González Casas, maire de Soacha, a prononcé une allocution pour souhaiter la bienvenue à la délégation et aux invités réunis. Il a mentionné que Soacha était la ville de tous les possibles , grâce à sa population vaste et diversifiée. Il a ajouté que, contrairement au centre-ville de Bogotá, il y avait beaucoup de terres inoccupées pouvant être aménagées. Le maire a manifesté à la délégation son vif intérêt à travailler avec le Canada afin d’offrir de la formation et de créer des emplois pour la jeunesse de Soacha.

Plusieurs présentations sur les difficultés éprouvées par les résidants de Soacha, sur les possibilités qui s’offrent à eux et sur les avantages du programme d’emploi ont suivi l’allocution du maire. Le programme a fourni à de petites entreprises de la formation et de l’aide en matière d’emploi . De même, il a cerné des entreprises avec lesquelles s’associer, puis formé les participants pour leur permettre d’acquérir des compétences professionnelles correspondant aux besoins de ces entreprises. En outre, grâce au programme, les participants ont acquis des compétences générales, notamment en communication efficace et en compréhension sociale. Le calendrier du programme de formation a également été conçu sur mesure pour correspondre à la disponibilité et aux besoins des participants, nombreux à avoir des enfants en bas âge.

La délégation est informée qu’il y a un grand nombre de jeunes à risque à Soacha et que ceux qui travaillent ont un emploi au jour le jour. Soacha compte également une grande population de citoyens originaires des régions rurales qui ont été déplacés en raison du conflit armé.

Enfin, trois participants au programme ont fait part de leur expérience. Ils ont fait remarquer que peu de possibilités s’offraient aux jeunes de Soacha, qu’il leur était difficile d’acquérir de l’expérience et que beaucoup d’entre eux devaient compter de cinq à six heures par jour pour aller travailler au centre-ville de Bogotá. De plus, ils ont indiqué que le programme d’emploi leur avait permis d’atteindre une meilleure qualité de vie et une plus grande estime d’eux-mêmes, ainsi que de fournir du soutien à leur famille.

F.   Déjeuner de travail avec des membres du Congrès

Le 24 janvier 2017, la délégation a tenu un déjeuner de travail avec des membres du Congrès colombien à l’Hotel De La Opera, à Bogotá. M. German Blanco, membre de la Chambre des représentants et membre de longue date du conseil d’administration de ParlAmericas, dirigeait le groupe de parlementaires colombiens.

La discussion a couvert un vaste éventail de thèmes, notamment l’approbation du processus de paix par le Congrès; le commerce de drogue, l’importance du remplacement des cultures illicites par des cultures licites et les difficultés éprouvées dans le cadre de cette démarche, et les enjeux liés à l’exploitation minière clandestine, aux activités minières traditionnelles ou artisanales ainsi qu’à l’exploitation minière illégale à grande échelle qui entraîne la dégradation de l’environnement et donne lieu à d’autres activités criminelles comme l’extorsion. Pendant la discussion, il est mentionné que la Fédération canadienne des municipalités était à Medellín cette même journée pour s’entretenir avec des homologues colombiens.

G.   Réunion avec la Chambre de commerce Canada-Colombie

Dans l’après-midi du 24 janvier 2017, la délégation canadienne s’est réunie avec des membres de la Chambre de commerce Canada-Colombie à l’ambassade du Canada à Bogotá. La discussion a porté sur les résultats de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie de 2011, sur les progrès réalisés en matière de commerce et d’investissement entre les deux pays ainsi que sur les perspectives, les difficultés et les possibilités économiques en Colombie.

Les membres de la Chambre de commerce ont indiqué que les perspectives de paix avaient de vastes retombées potentielles pour la Colombie. Par exemple, la présence accrue de l’État dans les collectivités rurales pourrait assurer la stabilité, accroître l’investissement et l’infrastructure, garantir une meilleure éducation et faire diminuer le chômage dans ces régions.

L’Accord de libre-échange a fait augmenter le commerce bilatéral entre le Canada et la Colombie, en plus d’aider les produits colombiens à atteindre de nouveaux marchés. Il est noté qu’il existe une certaine complémentarité quant aux produits exportés entre les deux pays, que l’Accord contenait d’importantes mesures de protection des investissements des entreprises des deux pays, que le marché colombien était potentiellement attrayant pour les entreprises canadiennes qui investissent dans les secteurs pétrolier, forestier, minier et de l’électricité, et que le tourisme et l’éducation constituent des marchés en expansion en Colombie. Enfin, certains ont précisé que la prévention de l’exploitation minière artisanale illégale en Colombie était ardue, car il s’agit d’une industrie bien établie dans certaines communautés.

H.   Réunion avec le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Dans l’après-midi du 24 janvier 2017, la délégation canadienne a rencontré Todd Howland, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, et Colleen Duggan, sous-directrice de gestion au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, au bureau de M. Howland à Bogotá. La réunion visait à discuter de la situation des droits de la personne en Colombie dans le contexte actuel de la mise en œuvre de l’accord de paix.

L’ONU a mis sur pied un bureau des droits de la personne en Colombie il y a 20 ans à la suite d’une demande du gouvernement colombien. Actuellement, il y a 13 bureaux dans toute la Colombie, chacun s’occupant d’un sujet ou d’une région géographique précise. Le mandat des bureaux est d’offrir du soutien à l’État et à la société civile dans le but d’améliorer la situation des droits de la personne en Colombie. Leur budget de fonctionnement annuel s’établit à 10 millions de dollars. M. Howland a salué les contributions du Canada à leur travail et a confié à la délégation que son bureau entretenait de bonnes relations de travail avec l’ambassade du Canada en Colombie.

Dans le cadre de la discussion, de nombreuses questions ont été soulevées, notamment les difficultés et les réussites liées à la mise en œuvre de l’accord de paix ainsi que le potentiel que l’accord de paix a de transformer la Colombie. Il est mentionné que l’atteinte de la paix en Colombie prendra probablement des générations, que ce processus sera coûteux et que son financement posera sans doute problème. Enfin, le risque immédiat que posent le vide de pouvoir et l’instabilité dans les territoires anciennement contrôlés par les FARC est abordé.

I.   Discussion sur les narcotiques

Le matin du 25 janvier 2017, la délégation canadienne s’est entretenue avec des agents et des analystes de la lutte antidrogue de la Police nationale de Colombie. La réunion a eu lieu à l’ambassade du Canada à Bogotá.

Une vue d’ensemble de la structure de l’organisation et de son histoire, qui remonte à 1981, est présentée à la délégation. La Police nationale est structurée en fonction de quatre axes principaux: la prévention (éducation, sensibilisation et engagement communautaire), l’éradication des cultures illicites (découverte et destruction manuelle), l’interdiction (enquête et renseignement) et les opérations aériennes (les produits illicites sont généralement cultivés en régions éloignées).

Il est mentionné que, si le nombre de plantations de coca avait diminué au cours de la dernière décennie, il a cependant augmenté au cours des deux dernières années, en raison de la cessation de la pratique de l’éradication par épandage aérien, qui entraînait des effets dévastateurs pour l’environnement. Parmi d’autres tendances récentes, citons: la production de cocaïne dans de petits laboratoires et en milieu urbain, difficile à détecter; l’augmentation du rendement et de la puissance des plants de coca; la nouvelle discrétion de la plupart des chefs de cartels de la drogue, qui ne font plus comme avant un étalage ostentatoire de leur richesse, ce qui les rendait faciles à repérer; le contrôle accru que les cartels ont sur les premières étapes de la chaîne de production de la drogue; et la récente transformation de la Colombie en pays consommateur de drogue, et non plus seulement exportateur.

La délégation a entendu que les énormes bénéfices générés par le trafic de drogues ont dépassé le produit intérieur brut de la plupart des pays. Le commerce de drogue en Colombie a entraîné de la violence et de la corruption, sapant la démocratie.

J.   Réunion avec le personnel de l’ambassade des États-Unis

Le matin du 25 janvier 2017, la délégation canadienne a rencontré des fonctionnaires de l’ambassade des États-Unis afin de discuter de l’engagement américain en Colombie. La réunion a eu lieu à l’ambassade du Canada à Bogotá.

Les fonctionnaires ont informé la délégation des progrès que la Colombie a accomplis vers la paix, la sécurité et la prospérité et qui ont fait du pays un exemple de réussite dans le monde. Ils ont mentionné que le pays avait de bonnes perspectives d’avenir. Les points de vue des États-Unis, du Canada et de la Colombie convergent sur de nombreuses questions et de nombreux principes, notamment la sécurité, la démocratie, les changements climatiques et les droits de la personne. La Colombie demeure un partenaire important dans la région.

Il est soulevé pendant la discussion que les observateurs s’attendaient à ce que la Colombie fasse preuve d’une progression continue et qu’elle montre que son parcours était un cercle vertueux (stabilité et prospérité) plutôt qu’un cercle vicieux (drogue et violence). Parmi les difficultés soulevées, mentionnons les risques que présentent les zones qui demeurent non gouvernées à la suite du départ des FARC, ainsi que les attentes élevées des citoyens de ces territoires, qui espèrent maintenant recevoir des services comparables à ceux offerts dans le reste du pays. La possibilité de faire diminuer les cultures illicites grâce au programme volontaire de substitution de récoltes a également fait l’objet de discussion.

K.   Table ronde sur les enjeux de sécurité

Le matin du 25 janvier 2017, la délégation canadienne a rencontré des experts en sécurité établis en Colombie afin de discuter des progrès accomplis à l’égard de la sécurité intérieure, ainsi que des difficultés toujours présentes. La réunion a eu lieu à l’ambassade du Canada à Bogotá.

Une partie de la discussion est consacrée aux risques du vide laissé dans les territoires anciennement occupés par les FARC. Il est indiqué que les FARC comptaient environ 24 000 membres et que leur principale source de revenus au cours du conflit armé était la production de coca, l’exploitation illégale de mines aurifères et l’extorsion. Ces activités illégales sont demeurées assez lucratives : le commerce de la cocaïne en Colombie a plus de valeur que jamais, et le marché sud-américain est celui qui connaît la plus forte croissance de la consommation de cocaïne du monde. Les participants à la discussion ne savaient pas exactement si certains éléments des FARC conserveraient la mainmise sur ces activités illégales ou si d’autres organisations criminelles prendraient les rênes de celles-ci. Il est signalé que la géographie de la Colombie compliquait la surveillance du commerce de drogue et qu’il était facile et lucratif pour les habitants des régions rurales de prendre part à ce commerce.

Un certain nombre d’inconnues en matière de sécurité dans le contexte de la mise en œuvre de l’accord de paix ont été soulevées, notamment le fait qu’on ignore si la génération de recettes de l’État sera à la hauteur de ses engagements pris en vertu de l’accord; les difficultés que connaîtra l’État pour instaurer la confiance des citoyens; les effets que les élections de 2018 auront sur l’accord de paix; et le niveau de crédibilité de l’accord de paix chez les citoyens. De plus, il est soulevé que la Police nationale se butera probablement à de nombreuses difficultés au moment d’entrer dans les régions rurales anciennement sous la domination des FARC.

Parmi d’autres points ayant fait l’objet de discussions, citons les incitations fiscales que le gouvernement a affirmé qu’il offrirait aux entreprises qui investissent dans les zones rurales; les efforts déployés dans la lutte contre la corruption, qui demeure omniprésente; et le fait que la plupart des Colombiens trouvaient qu’il était impératif de mettre fin au conflit armé qui perdurait depuis des décennies.

L.   Table ronde sur la situation humanitaire en Colombie

Dans l’après-midi du 25 janvier 2017, la délégation canadienne a participé à une table ronde sur la situation humanitaire en Colombie. La discussion a réuni des représentants d’organismes humanitaires qui mènent des activités en Colombie; ceux-ci ont présenté leurs points de vue sur les difficultés d’ordre humanitaire dans les territoires touchés par le conflit armé, les efforts déployés en vue d’accroître la capacité de l’État dans des territoires traditionnellement occupés par des acteurs armés illégaux, ainsi que les répercussions du conflit armé sur les communautés rurales. La réunion a eu lieu à l’ambassade du Canada à Bogotá.

Les fonctionnaires de l’ambassade ont indiqué à la délégation que le Canada versait annuellement environ cinq millions de dollars pour l’aide aux droits de la personne en Colombie. Compte tenu de la violence causée par le conflit armé, de 150 000 à 200 000 personnes en moyenne ont été déplacées de leur communauté chaque année. La délégation a assisté aux présentations et a posé des questions aux organisations suivantes qui reçoivent du financement et du soutien du gouvernement canadien:

· Médecins sans frontières est présente en Colombie depuis 1985. Son représentant a fait remarquer que, au fil du temps, la violence causée par le conflit armé s’était déplacée des zones urbaines aux régions rurales. L’organisation se préoccupe particulièrement de la région de la frontière avec le Venezuela, qui a des besoins criants.

· Action contre la faim mène actuellement plusieurs projets en Colombie, notamment des projets de traitement et d’assainissement des eaux. Son représentant a confié à la délégation que les activités violentes et les déplacements dans les régions éloignées anciennement occupées par les FARC n’avaient pas diminué depuis l’approbation de l’accord de paix. La réduction du financement à l’aide humanitaire en Colombie depuis l’approbation de l’accord représente un sujet de préoccupation pour l’organisation.

· Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) œuvre en Colombie depuis 1997. L’organisation soutient l’État dans ses efforts pour trouver des solutions à long terme pour les personnes déplacées et contribue au renforcement des capacités institutionnelles. Le représentant a précisé entre autres que la Colombie était un pays en transition, que la production de coca se poursuivait, que les territoires ruraux connaissaient toujours des problèmes liés à la violence armée et que les niveaux d’impunité en Colombie se classaient parmi les plus élevés du monde.

· Médecins du Monde mène des activités en Colombie depuis 1988. Actuellement, l’organisme dessert six localités situées dans des territoires affectés par le conflit armé. Elles ont été ciblées par l’organisme, car elles sont rurales et pauvres, et que leur infrastructure de soins de santé ainsi que leurs services en santé mentale sont minimaux. Le représentant a fait remarquer que ces régions vivent de grandes difficultés.

M.   Table ronde sur l’extraction minière

Dans l’après-midi du 25 janvier 2017, la délégation canadienne a tenu une table ronde sur l’extraction minière avec des représentants de l’industrie. La réunion a eu lieu à l’ambassade du Canada à Bogotá.

La délégation en a appris sur le rôle du ministère des Mines et de l’Énergie de la Colombie dans la réalisation de relevés en vue de déterminer les ressources de minerai et d’hydrocarbures; les ressources minières ont été explorées sur seulement 4 % du territoire. Il est signalé que l’industrie minière colombienne est en expansion; en 2017, les entreprises détenaient plus de 8 000 titres miniers. Les principales ressources minérales de la Colombie sont le charbon, l’or, le cuivre et l’émeraude. Le travail du Ministère a fait l’objet d’une discussion, notamment son rôle dans la mise en œuvre des réformes apportées au régime minier en vue d’améliorer la transparence et la protection de l’environnement; la promotion du dialogue continu et essentiel entre les entreprises et les collectivités en vue de tisser des relations durables et respectueuses fondées sur les pratiques exemplaires; et les efforts déployés pour élargir le soutien aux questions relatives aux droits de la personne.

Parmi les autres sujets abordés au cours de la table ronde, mentionnons l’ampleur du rôle joué par les entreprises et l’État en matière de responsabilité sociale des entreprises, le respect de la primauté du droit, l’accent mis sur la prévention des conflits et la consultation avec les intervenants, ainsi que les répercussions néfastes de l’exploitation minière clandestine sur les questions économiques, environnementales et sociales. Il est indiqué que les mines pouvaient être un moteur de développement dans une région, engendrant de l’investissement social et créant de l’infrastructure.

N.    Table ronde sur la justice

Le matin du 26 janvier 2017, la délégation a tenu une table ronde sur la justice. Catalina Díaz, directrice de la justice transitionnelle au ministère de la Justice de la Colombie, était la principale intervenante. La réunion a eu lieu à l’ambassade du Canada à Bogotá.

La discussion a traité des nombreux aspects du processus de justice transitionnelle qui découleront de l’accord de paix. Le régime de justice transitionnelle vise à assurer la réparation, à prévenir la répétition des anciens conflits et à instituer la justice pour les disparus. Il est affirmé que le respect des engagements contenus dans l’accord de paix sera une tâche considérable pour la Colombie, particulièrement dans les régions rurales.

La délégation est informée que le conflit armé avait fait environ 8 millions de victimes, dont 60 000 disparus, et que des milliers de procédures judiciaires impliquant des membres des FARC et des représentants de l’État étaient en cours. À ce titre, il est prévu que le processus de justice transitionnelle prendra une quinzaine d’années. Au départ, il faudra mettre l’accent sur l’arrestation de ceux qui ont commis les crimes les plus graves.

Un aperçu du fonctionnement de la Jurisdicción Especial para la Paz, un tribunal autonome créé en vertu de l’accord de paix qui a le vaste mandat de traduire en justice ceux qui ont commis des crimes pendant le conflit armé, est présenté à la délégation. Il est signalé que le régime de détermination des peines permettra à l’accusé de rendre compte de manière exhaustive et fidèle de ce qu’il a vécu ainsi que de contribuer à la réparation en échange d’une sentence qui touche la justice réparatrice (p. ex. reconstruction, déminage et remplacement de cultures) ou une « privation de liberté », plutôt que l’emprisonnement. Ceux qui refusent de coopérer ou de parler franchement seraient exposés aux sentences criminelles ordinaires. Il est manifesté que le régime offrait un puissant stimulant pour que les participants au conflit coopèrent et disent la vérité.

Parmi les autres sujets soulevés dans le cadre de la discussion, citons les prochains pourparlers de paix avec l’Armée de libération nationale (ELN), dans lesquels il a été mentionné que tout régime de justice transitionnelle découlant des pourparlers ferait probablement écho à ce qui a été mis en place entre l’État et les FARC. Le traitement réservé aux enfants soldats de Colombie, qui seraient inscrits à des programmes de réintégration ciblés, a aussi été abordé. Il est précisé que la Colombie traitait les enfants soldats comme des victimes.

Enfin, la délégation a entendu une brève présentation d’un représentant de l’Excellence in Justice Corporation à propos de l’utilisation de la technologie, surtout les téléphones cellulaires, pour atteindre les collectivités rurales, de la justice transitionnelle, des questions agricoles et des revendications territoriales en Colombie.

O.   Table ronde sur les enfants et les jeunes en Colombie

Le matin du 26 janvier 2017, la délégation canadienne a rencontré des représentants de diverses organisations qui s’occupent de l’instauration et de la promotion des programmes éducatifs en Colombie destinés aux enfants et aux jeunes. L’ambassade du Canada en Colombie considère les enfants et les jeunes comme un domaine prioritaire du programme de développement canadien dans le pays; le Canada est l’un des principaux donateurs en matière d’éducation en Colombie.

La délégation est informée que l’orientation régionale des programmes éducatifs qui sont financés par le gouvernement du Canada vise les régions rurales. Il existe un écart entre les ressources et les programmes éducatifs dans les zones urbaines comparativement aux régions rurales. Les programmes éducatifs dans les milieux ruraux de la Colombie composent avec de nombreux problèmes, notamment la terreur et la destruction découlant du conflit armé, l’inaccessibilité des écoles pour les élèves en raison de la distance ou de l’absence de routes, l’infrastructure inadéquate, la faible qualité des programmes éducatifs, le manque de ressources, l’absence de transport et le roulement élevé des enseignants.

Il est signalé que l’assiduité scolaire des filles est faible en Colombie. Parmi les raisons évoquées, citons les tâches ménagères, dont certaines sont chargées, et les grossesses précoces, très courantes. Une fois à l’école, cependant, les filles sont plus susceptibles que les garçons de terminer leurs études. Les garçons sont plus vulnérables que les filles en ce qui a trait à la persévérance scolaire, car ils sont souvent impliqués dans des gangs et des activités illicites.

Le processus de mise en œuvre de la paix a permis à l’État et aux partenaires internationaux d’investir dans des programmes éducatifs dans les régions rurales, autrefois négligées. Les représentants ont confié à la délégation que l’éducation et le renforcement des relations sociales constituaient des facteurs importants dans la prévention de la violence.

Les programmes éducatifs soutenus par l’ambassade du Canada en Colombie contiennent des programmes et des calendriers d’enseignement flexibles, sensibles, modernes et tournés vers l’avenir destinés aux enfants à risque élevé. En outre, les programmes visent à renforcer les établissements d’enseignement, à mettre en place des programmes éducatifs durables et pouvant être reproduits, ainsi qu’à promouvoir l’entrepreneuriat économique. Ils mettent également l’accent sur l’égalité des sexes et la promotion de la tolérance et de la diversité. Certains offrent de l’aide alimentaire et du transport aux élèves; d’autres fournissent chambre et pension aux enfants qui ne sont pas en mesure de retourner à la maison, car leur collectivité d’origine était sous la domination des FARC. Il est souligné que le but était surtout de faire en sorte que le plus grand nombre d’enfants possible assiste à l’école avec constance et de leur offrir une éducation qui satisfait aux normes nationales, malgré les difficultés géographiques et économiques.

P.   Table ronde et déjeuner de travail sur la mise en œuvre de la paix

La dernière réunion de la délégation canadienne à Bogotá a été un déjeuner de travail portant sur la mise en œuvre de la paix. Elle a été tenue à l’hôtel NH Collection Bogotá Teleport Royal.

La discussion a porté sur de nombreux sujets, notamment l’avancement de la législation nécessaire pour mettre en œuvre l’accord de paix, la valeur du programme de substitution des cultures illicites par des cultures licites, les efforts entrepris par les organismes internationaux en vue de soutenir le processus de mise en œuvre de la paix, l’importance de la paix pour les activités commerciales en Colombie et pour l’économie colombienne, ainsi que la nécessité d’accroître l’investissement et la présence de l’État dans les régions rurales.


Le tout respectueusement soumis,


L’honorable Robert D. Nault, c.p., député
Président
Section canadienne de ParlAmericas