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AMAD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 25 mai 2022

[Enregistrement électronique]

  (1435)  

[Traduction]

[Français]

     Bonjour à tous.

[Traduction]

    Bienvenue à la réunion du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir.
    J'aimerais commencer par souhaiter la bienvenue aux membres du Comité, aux témoins et à tous les gens qui nous regardent en webdiffusion. Je suis la sénatrice Yonah Martin, coprésidente du Sénat de ce comité. Je suis accompagnée de l'honorable Marc Garneau, coprésident de la Chambre des communes.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
    Le Bureau de régie interne exige que les comités respectent les protocoles sanitaires qui sont en vigueur jusqu'au 23 juin 2022. En tant que coprésidents, nous ferons respecter ces mesures. Nous vous remercions de votre coopération.
    Je rappelle aux membres du Comité et aux témoins qu'ils doivent mettre leur micro en sourdine, à moins que l'un des coprésidents ne leur donne la parole en les désignant par leur nom. Tous les propos doivent être adressés à un coprésident. Lorsque vous avez la parole, veuillez vous exprimer lentement et clairement. Les services d'interprétation offerts pour cette vidéoconférence sont les mêmes que ceux offerts pour une réunion en personne. Vous avez le choix, au bas de l'écran, entre le parquet, l'anglais et le français.
    Cela dit, au nom du Comité, j'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins. Ils sont ici pour discuter de la question de savoir si les personnes atteintes de maladie mentale devraient pouvoir accéder à l'aide médicale à mourir au Canada.
    Nous accueillons deux témoins qui comparaissent à titre personnel: M. Brian Mishara, professeur et directeur du Centre de recherche et d'interventions sur le suicide, Enjeux éthiques et pratiques de fin de vie, à l'Université du Québec à Montréal; et le Dr Derryck Smith, professeur émérite de médecine au Service de psychiatrie de l'Université de la Colombie-Britannique. Nous recevons également Me David E. Roberge, membre du Groupe de travail de l'Association du Barreau canadien sur la fin de vie.
    Je remercie les témoins de leur présence. Nous écouterons tout d'abord la déclaration préliminaire de M. Mishara. Ensuite, ce sera au tour du Dr Smith, puis de Me Roberge.
    Monsieur Mishara, vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous.
    Depuis 50 ans, je mène des recherches sur la prévention du suicide et les questions liées à la fin de vie et je travaille à la prévention du suicide. En 1995, j'ai reçu la Bourse canadienne Bora Laskin pour la recherche sur les droits de la personne pour étudier l'euthanasie aux Pays-Bas. J'ai publié 12 livres et plus de 180 articles scientifiques.
    Nous vivons dans un pays dont les lois et la culture accordent une place importante au libre choix. Toutefois, la société impose des limites afin que nous ne prenions pas des décisions dangereuses pour nous-mêmes. Nous sommes légalement tenus de porter un casque en moto, une ceinture de sécurité en voiture et un casque de sécurité sur un chantier de construction. Notre gouvernement agit pour que les personnes compétentes ne mettent pas en danger leur santé et leur bien-être, qu'elles le veuillent ou non. Nous devons empêcher les gens de prendre la décision irréversible de mourir lorsqu'il y a un espoir de guérison.
    Je crois que la souffrance qui découle d'une maladie mentale peut être aussi intense que la souffrance d'une maladie physique. La principale question qui se pose est de savoir s'il est possible de déterminer si la souffrance causée par une maladie mentale est interminable et irrémédiable. Dans son rapport, le Groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale indique qu'il n'existe pas de critères pour savoir si une maladie mentale est irrémédiable, et il ne fournit pas un iota de preuve que quelqu'un peut déterminer de manière fiable que la situation d'une personne atteinte d'une maladie mentale ne s'améliorera pas.
     Selon les travaux de recherche, de 50 à 60 % des personnes qui souffrent de dépression ou d'anxiété se rétabliront sans aucun traitement. Même les maladies mentales les plus graves, comme la schizophrénie, sont imprévisibles: 50 % des personnes atteintes de schizophrénie répondent aux critères objectifs de rétablissement pendant de longues périodes de leur vie.
    S'il était possible de distinguer les très rares personnes atteintes d'une maladie mentale qui sont destinées à souffrir interminablement de celles qui peuvent être traitées, il serait inhumain de refuser l'aide médicale à mourir. Toutefois, quiconque essaierait de déterminer quelles personnes devraient avoir accès à l'aide médicale à mourir ferait un grand nombre d'erreurs, et des personnes qui verraient une amélioration de leurs symptômes et ne souhaiteraient plus mourir mourraient en ayant recours à l'aide médicale à mourir.
     Partout en Occident, conformément aux lois et aux coutumes, on veut sauver les personnes suicidaires de la mort. Presque toutes les personnes qui présentent un risque élevé de suicide avec lesquelles j'ai parlé répondraient aux exigences actuelles concernant l'aide médicale à mourir. Plus de 90 % des personnes qui se suicident ont un trouble mental qui peut être diagnostiqué. Elles ont généralement suivi des traitements en santé mentale pendant de nombreuses années et sont convaincues que leur souffrance est intolérable, inévitable et interminable. Elles se trompent presque toujours dans leur évaluation. Même dans les cas extrêmes où des personnes sont emmenées à l'hôpital contre leur gré, seulement 10 % d'entre elles feront une nouvelle tentative, et seulement 1 à 3 % mourront. Elles sont en grande majorité ravies qu'on les ait sauvées et très heureuses d'être en vie.
    Pour chaque histoire déchirante d'une personne qui a souffert interminablement d'une maladie mentale, il y a beaucoup plus de personnes qui ont reçu de l'aide et qui sont heureuses d'être en vie. Si l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale devient légal l'année prochaine, une grande partie des personnes suicidaires pourraient mourir au lieu d'obtenir l'aide dont elles ont besoin.
     C'est déjà au Canada que l'accès à l'aide médicale à mourir est le plus grand dans le monde. Ailleurs, toute personne voit sa demande rejetée s'il existe d'autres traitements pour soulager ses souffrances physiques et mentales. Le médecin et le patient doivent convenir qu'il n'y a pas d'autre solution raisonnable. Au Canada, le médecin doit informer les patients des traitements possibles, mais si les patients ne les jugent pas acceptables, les professionnels de la santé sont tout de même obligés de mettre fin à leur vie.
     Aux Pays-Bas, on ne force personne à essayer des traitements, mais les médecins ne sont pas autorisés à mettre fin à la vie des gens s'ils pensent que leurs souffrances peuvent être soulagées par d'autres moyens. Aux Pays-Bas, seulement 5 % des demandes d'aide médicale à mourir pour des troubles mentaux sont approuvées. Après des évaluations psychiatriques menées sur une période de 10 mois en moyenne, presque toutes les demandes sont refusées, généralement parce que des traitements n'ont pas été essayés.

  (1440)  

    Même dans les cas de maladie en phase terminale, 40 % des demandes sont refusées parce que le médecin croit qu'il existe un traitement pour soulager les souffrances qui n'a pas encore été essayé, et presque aucune personne dont la demande a été refusée ne réitère sa demande après avoir essayé le traitement. Dans son rapport, le groupe d'experts ne tient pas compte des recherches qui montrent que la situation d'une grande partie des personnes qui se sentent totalement désespérées en raison d'un trouble mental s'améliore avec le temps. Il ne fournit aucune preuve que quiconque peut dire si une maladie mentale est incurable, irréversible et permanente, car les recherches indiquent qu'il est actuellement impossible de le savoir.
    Personnellement, j'ai connu...
     Merci, monsieur Mishara. Les cinq minutes sont écoulées.
    ... des centaines de milliers de personnes qui ont expliqué de manière convaincante qu'elles voulaient mourir pour mettre fin à leurs souffrances et qui sont maintenant heureuses d'être en vie. Si vous permettez aux personnes atteintes d'une maladie mentale de recevoir l'aide médicale à mourir, combien de personnes qui auraient été heureuses d'être en vie plus tard êtes-vous prêts à laisser mourir?
    Merci beaucoup, monsieur Mishara.
    C'est maintenant au tour du Dr Smith, qui dispose de cinq minutes.
    Je m'appelle Derryck Smith. Je suis un psychiatre en exercice. J'ai dirigé le département de psychiatrie dans un centre pour les enfants et les femmes à Vancouver pendant 30 ans. J'ai eu personnellement deux cas de personnes qui souffraient de troubles psychiatriques et qui ont demandé l'aide médicale à mourir, qu'elles ont toutes les deux reçue, soit dit en passant.
    Vous avez entendu [difficultés techniques].
    Je suis désolée, docteur Smith, mais votre son est irrégulier. Nous ne captons que quelques mots. Je me demande s'il y a un problème technique.
    Je ne le sais pas. Je vais essayer à nouveau.
    Voulez-vous continuer, s'il vous plaît? Merci.
    Je parle de la fiabilité des diagnostics psychiatriques. De bonnes recherches montrent que les diagnostics psychiatriques sont aussi fiables que d'autres diagnostics médicaux, et ce, en dépit du fait que nous ne disposons pas de marqueurs biologiques tels que les analyses de sang ou les radiographies pour établir des diagnostics psychiatriques. La raison en est que le cerveau est un organe très complexe et que nous ne le comprenons pas.
    Cependant, les tribunaux se sont certainement fondés sur des diagnostics psychiatriques au fil des années. En fait, dans l'affaire Truchon, au Québec, qui a abouti à la présentation du projet de loi C‑7, on s'est largement appuyé sur des diagnostics psychiatriques. La juge a conclu qu'un psychiatre peut établir des diagnostics précis.
    Dans ma déclaration préliminaire — que vous avez —, j'ai inclus un tableau qui montre que les diagnostics psychiatriques sont tout aussi fiables que les autres diagnostics médicaux.
     Je veux ensuite parler de la question de savoir si les troubles psychiatriques sont irrémédiables. Les maladies mentales ne sont généralement pas des maladies terminales, à moins qu'il ne s'agisse d'une maladie comme la maladie d'Alzheimer. En vertu de la loi actuelle, il n'est pas nécessaire d'avoir une maladie terminale pour bénéficier de l'aide médicale à mourir.
    Je pense qu'on peut apprendre de l'affaire A.B., en Ontario, où une juge a accordé l'aide médicale à mourir à une femme qui souffrait d'arthrose. Il ne s'agit pas d'une maladie terminale ou qui entraîne habituellement la mort. La juge a accepté parce qu'elle a tenu compte de la situation de la personne dans son ensemble. On ne peut pas se contenter d'un diagnostic. Il faut comprendre l'expérience humaine de la personne qui est assise devant vous. Il ne faut pas se fier entièrement au diagnostic. C'est la personne qui nous intéresse ici.
    Dans une décision plus récente, la juge Baudouin a accordé à Jean Truchon, un homme handicapé, l'aide médicale à mourir. Dans sa décision — que vous avez sûrement vue —, au paragraphe 466, elle dit ceci: « [l]es médecins impliqués peuvent distinguer un patient suicidaire d'un patient qui recherche l'aide médicale à mourir ». C'était l'une de ses conclusions.
    Contrairement au témoin précédent, je pense que, lorsque l'affaire est jugée devant un tribunal, le juge reconnaît que les psychiatres peuvent faire la distinction entre les personnes qui ont des pensées suicidaires et celles qui veulent recevoir l'aide médicale à mourir. Je suis d'accord.
     Maintenant, le terme « irrémédiable » est utilisé lorsqu'il n'y a plus de traitements qui sont « acceptables » pour le patient. Selon la loi, on ne peut pas forcer un patient à recevoir n'importe quel type de traitement disponible. Il doit accepter. Si une personne refuse de suivre un traitement supplémentaire, je considère qu'elle a un problème de santé irrémédiable. L'une des principales controverses en psychiatrie est de savoir si l'on doit forcer les personnes qui souffrent de dépression à subir une électroconvulsivothérapie. Je pense que la loi est assez claire. Le patient doit donner son accord. S'il refuse et qu'il n'y a pas d'autres traitements disponibles, alors il souffre d'un problème de santé irrémédiable.
     Nous ne parlons pas ici de personnes qui sont déprimées pendant une journée ou qui ont connu six mois de détresse. Nous parlons de personnes qui souffrent de troubles psychiatriques depuis des années et qui ont essayé de nombreux traitements différents — médicaments, psychothérapie, etc. Tous les cas aux Pays-Bas dont on parle sont des patients souffrant de maladies chroniques qui ont suivi des traitements pendant de nombreuses années.
    J'aimerais maintenant parler de la question de savoir si les personnes vulnérables ont besoin de protection. Encore une fois, cette question a été jugée par les tribunaux dans les affaires Carter et Truchon. Il n'y a aucune preuve que les personnes vulnérables sont à risque concernant l'aide médicale à mourir. En fait, si l'on regarde quelles personnes reçoivent l'aide médicale à mourir, elles sont généralement blanches, bien éduquées et aisées. On pourrait facilement faire valoir que les communautés marginalisées sont désavantagées parce qu'elles n'ont pas accès à l'aide médicale à mourir. Dans l'affaire Truchon, la juge Baudouin a également estimé que les personnes défavorisées n'étaient pas dupées et qu'on doit traiter un cas à la fois.
    J'ai pensé vous parler des deux dossiers auxquels j'ai travaillé.
    L'un concernait une femme, E.F. Cette cause a été examinée en détail par la juge Baudouin. E.F. souffrait d'un trouble de conversion. Elle souffrait de ce trouble depuis environ 10 ans. C'est un trouble psychiatrique et neurologique complexe. En fin de compte, un juge de la Cour du Banc de la Reine lui a accordé l'aide médicale à mourir. Le procureur général du Canada a fait appel de cette décision et la cour d'appel l'a accordée en se fondant entièrement sur le diagnostic psychiatrique.
    C'était avant le projet de loi C‑14, lorsque les règles découlaient de l'arrêt Carter. L'arrêt Carter nous a appris que les troubles psychiatriques n'étaient pas une exclusion.

  (1445)  

     Si vous regardez attentivement le projet de loi C‑14, vous verrez que rien n'exclut les patients psychiatriques. Encore une fois, il s'agit d'une conclusion de la juge Baudouin dans l'affaire Truchon.
     Personnellement, j'ai vu le cas d'une femme dans la quarantaine. Elle souffrait de troubles alimentaires depuis de nombreuses années. Elle avait suivi tous les traitements connus. La famille disposait de beaucoup de ressources. Elle était allée dans des centres de traitement aux États-Unis. Je me suis entretenu avec elle, ainsi qu'avec son père, un juge de la Cour suprême à la retraite. Son père m'a dit en toute connaissance de cause qu'il comprenait la situation et que cela lui brisait le cœur de convenir avec sa fille qu'elle avait besoin de l'aide médicale à mourir. En fin de compte, il était d'avis qu'elle devait en bénéficier. Après avoir suivi un programme d'évaluation complet, elle a reçu l'aide médicale à mourir. Ce sont les deux seuls dossiers que j'ai traités.
    Jusqu'à présent, au Canada, le nombre est extrêmement faible et, soit dit en passant, il continuera de l'être également. Si nous regardons du côté des pays du Benelux, très peu de patients atteints d'un trouble psychiatrique voient leur demande d'accès à l'aide médicale à mourir approuvée. Nous n'avons donc pas à craindre qu'un tsunami de patients psychiatriques demande l'aide médicale à mourir et que leur demande soit approuvée.

  (1450)  

     Merci beaucoup, docteur Smith.
    Nous terminons avec Me Roberge pour cinq minutes.
    Je me nomme David Roberge et je suis membre du Groupe de travail sur la fin de vie de l'Association du Barreau canadien.
    Au nom de l'Association, je vous remercie de votre invitation.

[Français]

     L'Association du Barreau canadien, ou l'ABC, est un organisme national regroupant plus de 36 000 juristes de partout au pays. Le groupe de travail de l'ABC sur la fin de vie est composé de représentants d'un grand nombre de domaines d'expertise, dont le droit constitutionnel, les droits de la personne, la justice pénale et le droit de la santé.
    L'ABC a démontré un engagement ferme à clarifier le droit entourant les décisions en fin de vie et à souligner l'importance d'adopter une approche pancanadienne à ce sujet qui sera conforme aux critères établis par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Carter.

[Traduction]

    Nous reconnaissons que l'aide médicale à mourir est un sujet complexe qui soulève des questions importantes et suscite des opinions diverses. C'est peut-être encore plus vrai dans les cas de santé mentale. Notre association reconnaît l'importance de soins de santé mentale et d'un soutien social approprié pour les personnes souffrant de maladie mentale. Pendant ce temps, nous devons nous rendre compte que leur souffrance n'est pas moins réelle que celle des personnes souffrant de maladie corporelle.
    En tant que tel, le cadre devrait reconnaître le droit des personnes souffrant de maladie mentale de prendre leurs propres décisions en matière de soins, y compris l'aide médicale à mourir, en conciliant leur autonomie et les garde-fous appropriés.
    Bref, voici la position de notre association sur l'aide médicale à mourir lorsqu'une maladie mentale est le seul problème médical invoqué:
    D'abord, le Parlement devrait autoriser l'aide médicale à mourir dans certains cas de maladie mentale conformément à une démarche axée sur le patient et à la condition que les garde-fous appropriés soient en vigueur.

[Français]

    Deuxièmement, le Parlement devrait veiller à ce que les éventuelles mesures de protection supplémentaires, le cas échéant, qu'elles visent l'expertise de l'évaluateur, les délais ou le consentement éclairé, ne prolongent pas indûment les souffrances des patients qui seraient autrement admissibles à l'aide médicale à mourir.

[Traduction]

    Troisièmement, le Parlement devrait veiller à ce que, dans des cas de maladie mentale, l'aide médicale à mourir soit en harmonie avec les pratiques exemplaires du secteur des soins de santé mentale.
    Même si des médecins sont plus susceptibles de répondre à certaines questions touchant l'aide médicale à mourir et la maladie mentale, l'Association souhaite mettre en relief des éléments importants d'appréciation concernant les garde-fous appropriés du point de vue juridique.

[Français]

    En ce qui a trait à la portée de la loi, le Parlement devrait bien définir la portée de l'AMM en matière de maladies mentales pour éviter toute ambiguïté quant aux protocoles et aux mesures applicables.
    Quant à l'expertise de l'évaluateur, vu la complexité inhérente aux maladies mentales, le Parlement pourrait vouloir préciser qu'un des évaluateurs de l'AMM devrait être un psychiatre. Cependant, il faudra tenir compte de l'accès à ces spécialistes dans les faits, car des délais pourraient prolonger indûment les souffrances du patient.

[Traduction]

    Les délais à respecter dans les situations où la mort naturelle n'est pas prévisible sont d'au moins 90 jours écoulés entre la demande initiale et l'administration de l'aide médicale à mourir. La longueur du délai doit permettre aux évaluateurs un examen complet des antécédents et de la situation du patient. Le Parlement doit se méfier du risque de l'imposition d'un délai arbitraire, qui ferait abstraction de la nature du trouble mental.

[Français]

     Maintenant, au sujet du consentement éclairé, le patient qui réclame l'AMM devrait s'être fait suggérer des solutions thérapeutiques raisonnables afin de faire un choix informé. L'opportunité de renforcer les critères du consentement éclairé est l'objet de débats. À ce sujet, selon l'ABC, il faut tenir compte des normes et des lignes directrices en matière de soins de santé relevant des gouvernements provinciaux et des autorités de réglementation professionnelles.

  (1455)  

[Traduction]

    Merci, maître Roberge et merci à tous les témoins.
    Entamons la période de questions. Chaque membre disposera de cinq minutes.
    Monsieur Cooper, vous êtes le premier.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins. J'interroge M. Mishara.
    Dans son rapport définitif, le groupe d'experts a conclu qu'on pouvait se prononcer de façon satisfaisante sur la question du caractère irrémédiable de la maladie mentale d'après l'évolution et la réaction du patient aux interventions et aux traitements antérieurs. Autrement dit, si les traitements et les interventions n'ont pas donné de résultats et n'ont pas amélioré son état au bout d'un certain temps, ce serait suffisant pour satisfaire aux critères du caractère irrémédiable.
    J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez. Le Dr Smith a également fait cette déclaration.
    Je crois que le Dr Smith confond le caractère définitif et la fiabilité du diagnostic avec le caractère irrémédiable des symptômes qui conduisent à demander l'aide médicale à mourir. Oui, on peut, avec une certaine assurance, déterminer que quelqu'un est schizophrène ou dépressif, mais l'immense majorité des personnes schizophrènes ou dépressives n'envisagera pas sérieusement le suicide ni l'aide médicale à mourir ni ne souffrira de symptômes graves qui, non traités, leur feront désirer la mort.
    Je suis un scientifique. La dernière étude Cochrane sur la recherche sur la capacité de trouver un indicateur de l'évolution à venir d'une maladie mentale, traitée ou non, a conclu que nous ne disposions d'aucune méthode scientifique précise pour le faire. Nous nous fions à l'intuition d'un clinicien qui ne connaît pas le patient depuis 20 ou 30 ans et qui ne possède aucune donnée scientifique montrant qu'il peut faire cette détermination.
    J'accepte le caractère irrémédiable de nombreuses maladies mentales, mais ça ne signifie pas qu'un patient convenablement traité ne pourra pas mener une vie agréable et bien remplie malgré sa maladie mentale. La vraie question, c'est que, en prévention du suicide, tous ceux qui appellent une ligne d'écoute satisfont aux critères de l'aide médicale à mourir. Ils souffrent, ils ont l'impression que c'est interminable et ils ont souvent refusé les traitements offerts.
    La différence entre le Canada et les autres pays est que, partout ailleurs, si le médecin estime qu'il existe un traitement, le malade n'est pas obligé de le suivre. Le choix lui revient, mais le médecin ne le fait pas mourir.
    Je suis désolé de vous interrompre. Je voulais connaître votre point de vue sur l'affirmation du Dr Smith, selon qui, dans les pays du Benelux, un très petit nombre de personnes qui accèdent à l'aide médicale à mourir invoquent la maladie mentale comme seul problème médical. Par conséquent, il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Je pense que ça concorde avec ce que vous alliez dire.
    Le nombre de demandeurs acceptés est assez petit. En 2016, aux Pays‑Bas, environ 1 500 personnes l'ont demandée. Les évaluations, assujetties à un protocole très détaillé prennent 10 mois, en moyenne. On a accepté de donner suite à 60 demandes sur les 1 500 reçues, après avoir consacré plus de temps aux patients que ce que les patients reçoivent de psychothérapie au Canada en 10 ou 15 ans. Le nombre de demandeurs est assez considérable.
    Dans ces pays, peu de demandeurs deviennent admissibles, en raison de ce critère et de la croyance en l'existence d'un traitement. La personne est libre de suivre le traitement, mais on estime que l'État n'est pas tenu de mettre fin à la vie de personnes qui peuvent être traitées.

  (1500)  

    D'accord, et…
    Encore une dizaine de secondes, monsieur Cooper.
    Madame la présidente, il ne m'en reste donc plus.
    Monsieur Arsenault, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de la précieuse aide qu'ils nous apportent aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse au Dr Smith.
    Docteur Smith, vous me rassurez quand vous dites que les psychiatres sont en mesure de distinguer les deux fameuses tendances lorsqu'une personne souffre de troubles mentaux, soit la tendance au suicide et la tendance à demander l'aide médicale à mourir.
    Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur la façon dont les psychiatres s'entendent pour faire la distinction entre une personne suicidaire et une personne qui souffre de troubles mentaux et qui demande l'aide médicale à mourir?

[Traduction]

    Je vous remercie de cette question. Je ferai de mon mieux pour répondre.
    Je pense que la réponse détaillée se trouve dans ce rapport, que vous avez déjà reçu, celui du Groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale. Je ne pourrais l'éplucher en cinq minutes, mais je tiens à vous rassurer de nouveau, ça déjà été essayé devant les tribunaux, non par le poids d'une foule d'opinions, mais au moyen de contre-interrogatoires qui ne se satisfaisaient que de preuves irréfutables.
    Dans l'affaire Truchon, les preuves irréfutables étaient que, pour l'aide médicale à mourir au Canada, il existait un processus énergique et rigoureux pour lequel ça ne posait aucun problème. Ensuite, les médecins sont en mesure de distinguer le patient suicidaire de celui qui cherche à obtenir l'aide médicale à mourir. Ce sont des faits judiciairement établis.
    Nous n'éprouvons aucune difficulté à faire connaître ces faits devant le tribunal, parce que c'est un endroit où les opinions ne suffisent pas; il faut des faits, et les faits peuvent être remis en question. Il peut y avoir contre-interrogatoire, et on peut présenter de nouvelles preuves aux jurés.
    En ma qualité de psychiatre praticien, je tiens à vous rassurer. Les personnes qui ont des pensées suicidaires, nous en voyons tous les jours. Elles font partie intégrante du métier. Personnellement, ça ne pose aucun problème pour moi de distinguer ce genre de patient de la personne qui veut obtenir l'aide médicale à mourir. D'abord, cette dernière souffre peut-être d'une maladie psychiatrique depuis 8 à 10 ans. Ce n'est pas une jeune femme de 18 ans qui devient soudain déprimée, qui a des pensées suicidaires et qui cherche à obtenir l'aide médicale à mourir. Absolument pas. Il s'agit plutôt de patients qui souffrent constamment depuis un certain nombre d'années.

[Français]

    Merci, docteur Smith.
    Je dois faire vite, car je n'ai pas beaucoup de temps de parole.
    Que répondez-vous aux gens qui vous contredisent? Par exemple, le Dr Mishara nous dit qu'il n'y a aucune preuve que les troubles psychiatriques sont irréversibles.

[Traduction]

    Au risque de me répéter, je veux revenir aux jugements des tribunaux. C'est là que les faits sont établis, et les jugements rendus. Les tribunaux ont jugé que les opinions de cette honorable personne ne tenaient pas debout. Ils ont donc clairement constaté, d'après tous les témoignages d'une foule d'experts, y compris de psychiatres, des témoignages opposés, que les psychiatres étaient manifestement capables de distinguer une personne suicidaire d'une personne qui voulait obtenir l'aide médicale à mourir. Je me fie aux tribunaux, parce que les contre-interrogatoires font triompher les faits ou la vérité.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Roberge, vous représentez 36 000 membres de l'Association du Barreau canadien, ou ABC. J'ai lu votre résumé de rapport.
    Des recommandations ont été faites concernant les mesures de précaution à intégrer aux dispositions actuellement prévues au Code criminel pour les personnes souffrant uniquement de troubles mentaux qui demanderont l'aide médicale à mourir lorsqu'elle sera permise en 2023. Comment les compareriez-vous à celles que vous proposeriez?

  (1505)  

    En fait, à cette étape...

[Traduction]

    Monsieur Roberge, vous disposez de moins d'une minute.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    À ce stade-ci, l'ABC n'a pas formulé de recommandations précises sur des mesures. Elle s'est plutôt contentée d'exprimer les paramètres juridiques qui devraient être pris en compte par le gouvernement pour s'assurer que les mesures adoptées respecteront les critères de l'arrêt Carter, de la Constitution et de la règle de droit.
    Permettez-moi de vous interrompre.
    Je crois que vous faites allusion au fait de vérifier si l'expertise en la matière pourrait nous aider à adopter des mesures de protection.
    Est-ce bien à l'ABC ou aux spécialistes en droit criminel qu'il revient de le faire?
    En fait, ce que je pourrais...

[Traduction]

    Votre temps est écoulé. Nous passons au suivant. Merci.
     Monsieur Thériault, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
     Je vais d'abord profiter de la présence d'un juriste parmi nous pour lui poser une question qui m'a été posée au cours des 24 dernières heures et à laquelle je ne pouvais pas répondre spontanément.
    Maître Roberge, nous savons que le Québec et la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, dans son rapport, ont décidé de ne pas aller de l'avant et de ne pas recommander que le projet de loi déposé ce matin ouvre la porte à la question des troubles mentaux comme seul problème médical invoqué.
    Supposons que nous suivions cette recommandation et que le projet de loi C‑7 et sa disposition de temporisation sont effectivement adoptés, qu'arriverait-il en ce qui a trait à la concordance ou la cohésion?
    Croyez-vous que le Québec serait alors obligé de suivre cette décision? Aurait-il une autonomie, une marge de manœuvre? Nous savons bien que les cadres réglementaires ne se retrouvent pas nécessairement dans le Code criminel.
    Selon vous, qu'arriverait-il du point de vue légal?
    Vous comprenez que je suis ici comme représentant du groupe de travail de l'ABC et que nous n'avons pas précisément abordé l'enjeu que vous soulevez. Je ne pourrai donc pas commenter avec précision une situation hypothétique pour laquelle nous n'avons pas de données concrètes.
    Ce que je peux vous dire, au nom de l'ABC, c'est que nous avons déjà souligné à plusieurs reprises l'importance d'adopter une approche pancanadienne qui permettra une harmonisation des lois. D'ailleurs, dans l'affaire Truchon et Gladu c. Procureur général du Canada, la juge Beaudoin, alors à la Cour supérieure du Québec, avait souligné les enjeux relatifs aux conflits entre les lois. Il est certain qu'une attention particulière devra être accordée à l'arrimage des lois aux deux paliers de gouvernement.
    En ce qui a trait à la pratique sur le terrain, j'ai déjà entendu dire, sur d'autres aspects de l'aide médicale à mourir, que la loi la plus contraignante était souvent la règle appliquée en pratique sur le terrain.
    Croyez-vous que le principe pourrait s'appliquer dans ce cas-ci?
    Encore une fois...
    Non. D'accord.
    ... ce n'est pas le mandat du groupe de travail d'émettre ce genre d'opinion.
    Ce que je peux vous dire, c'est qu'il est toujours difficile de comparer les régimes, parce qu'il arrive que certaines dispositions soient plus restrictives et d'autres, plus permissives. Dans l'abstrait, il serait difficile pour moi de formuler des commentaires sur le sujet.
    D'accord. Merci.
    Docteur Smith, ce que je comprends du rapport d'expert déposé, c'est que les patients susceptibles de demander l'aide médicale à mourir sont ceux qui n'y auraient pas accès. Autrement dit, tous les patients qui éprouvent des troubles de la personnalité pouvant entraîner des tendances suicidaires ne seraient surtout pas ceux qui, au départ, pourraient y avoir accès facilement et qui satisferaient aux critères.
    Ma lecture est-elle bonne?

  (1510)  

[Traduction]

    Merci pour la question.
    Ça revient à ce que je disais, et à ce qui est ressorti à maintes reprises des jugements, c'est‑à‑dire qu'on prend en considération toute la personne et non pas seulement le diagnostic. Les premiers cas des pays du Benelux, qui souffraient de troubles de la personnalité, m'ont fait croire à une erreur terrible.
    En Belgique, des confrères et moi avons revu les cas dans le grand détail. C'est dans les détails que se cache le diable. On examine la totalité de la personnalité et non un diagnostic. Les personnes qui souffraient de troubles de la personnalité et qui avaient reçu l'aide médicale à mourir avaient souffert, pendant de nombreuses années, d'une maladie réfractaire, ordinairement, aux médicaments et, souvent, à la psychothérapie, qui causait une très grande détresse. Il faut oublier ce que dit le diagnostic et se focaliser sur la souffrance de la personne.
    Voilà pourquoi les tribunaux ont été si efficaces, parce qu'ils trouvent devant eux une ou deux personnes, seulement en même temps. Ils peuvent examiner l'affaire très attentivement.

[Français]

    Dans les recommandations du Comité, il y a tout de même un certain nombre de précautions qui sont soulignées et qui émergent.
    Dans la deuxième recommandation, on parle d'établir l'incurabilité. On dit que « l'incurabilité d'un trouble mental ne peut être établie en l'absence de multiples tentatives d'interventions à but thérapeutique ». Cela veut donc dire que le concept d'incurabilité ne s'applique à l'état de crise, mais plutôt lorsqu'on établit, en quelque sorte, la chronicité du trouble mental. Dans ce dernier cas, la personne pourrait être, à un moment donné, admissible à l'aide médicale à mourir.
    Ai-je mal compris?

[Traduction]

    Votre temps est écoulé. Docteur Smith, pouvez-vous répondre très brièvement?
    C'était des personnes ayant des maladies chroniques, qui ont souffert pendant de nombreuses années, et, soit dit en passant, je suis entièrement d'accord sur toutes les recommandations du rapport définitif du groupe d'experts. Je n'avais rien en commun avec lui. J'ai lu le rapport parce que ça m'intéressait. Je n'ai rien à redire contre aucune des recommandations.
    Merci beaucoup.
    Monsieur MacGregor, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    Moi aussi, à la suite d'autres collègues, je remercie les témoins pour les conseils qu'ils donnent à notre comité pendant cette étude très importante.
    Docteur Smith, les auteurs du rapport dont nous discutons ont remarqué la forte corrélation entre de nombreux troubles mentaux et certaines inégalités socioéconomiques et environnementales telles que la pauvreté, le chômage, le sans-abrisme. Dans ma propre circonscription de Cowichan—Malahat—Langford, nous subissons certains effets vraiment néfastes de la crise des opioïdes. Beaucoup souffrent de plusieurs traumatismes.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous l'avez dit, relativement aux personnes vulnérables, mais je voudrais encore que vous en disiez davantage, parce que j'aperçois dans les rues de ma circonscription, des communautés de ma région natale, beaucoup de personnes qui, visiblement, souffrent de troubles mentaux et éprouvent beaucoup d'angoisse. Notre comité tient simplement à savoir si ces inégalités pourraient conduire une personne malade mentale à demander l'aide médicale à mourir. Je crains un accès tellement inégalitaire aux bons services pour tant de ces personnes.
    L'accès aux services offerts aux personnes souffrant de maladies psychiatriques est certainement inégalitaire. Elles sont défavorisées pour l'obtention du genre de traitement dont elles ont besoin, mais ça devient également vrai dans d'autres spécialités de la médecine. Dans ma province, près d'un million de personnes n'ont pas de médecin de famille. Une crise de l'accès aux soins de santé nous guette donc.
    Voilà pourquoi il faut privilégier l'individu et non les groupes peut-être défavorisés, l'individu en face de soi, qui discute de l'option d'obtenir l'aide médicale à mourir. À ce moment‑là, il aura peut-être reçu beaucoup de services. Dans ce cas, il est sûr que, en ma qualité de médecin, de psychiatre, je lui recommanderais un traitement.
    Les évaluateurs ne sont pas aveugles au traitement et si on pouvait offrir à la personne un traitement évident pour soulager ses souffrances, alors, certainement, nous n'essaierions pas seulement de le recommander, mais de l'organiser. Il ne s'agit pas de personnes qui n'ont jamais été traitées ou ne peuvent accéder aux services, mais qui, pendant nombre d'années ont reçu des traitements, dont l'état ne s'améliore pas et qui continuent de souffrir interminablement.
    Nous devrions tous œuvrer à débarrasser le système de santé de ses inégalités, particulièrement envers les communautés défavorisées, mais je ne crois pas que ça ait nécessairement un si grand rapport avec une maladie psychique ou l'aide médicale à mourir.

  (1515)  

    J'ai une question complémentaire. Le Code criminel exige que la personne qui demande l'aide médicale à mourir puisse prendre des décisions pour sa santé. Voudriez-vous signaler à notre comité des problèmes susceptibles de survenir pendant votre évaluation d'un demandeur de l'aide médicale à mourir ayant une maladie mentale? Devons-nous vraiment noter quelque chose? Le Code criminel a‑t‑il besoin de manœuvrer adroitement à cet égard?
    L'évaluation de la compétence fait certainement partie intégrante de toute évaluation préalable à l'aide médicale à mourir. Les médecins la font tout le temps, parce qu'il est impossible de fournir un seul service à un patient — opération chirurgicale, psychothérapie ou offre de médicaments — sans permission, et la personne doit être compétente. Les médecins le font quotidiennement.
    Mais, l'aide médicale à mourir exige d'augmenter un peu la mise et de s'assurer des moyens comme les tests de compétence de MacArthur ou d'autres moyens. Cette évaluation de la compétence prend une bonne partie du temps. Nous voulons nous assurer de la compétence réelle du demandeur avant de le déclarer admissible à l'aide médicale à mourir. Comme tous les autres, les patients psychiatriques sont censés être compétents jusqu'à preuve du contraire. La schizophrénie, la dépression ou un trouble de la personnalité ne suffisent pas pour les déclarer incompétents. On est considéré comme compétent tant que le contraire n'a pas été démontré.
    Merci.
    Il reste moins de 30 secondes.
    Madame la présidente, je m'arrête ici. Merci beaucoup.
    Je vais céder la parole à notre coprésident, monsieur Garneau.

[Français]

    Nous allons maintenant commencer le tour de questions des sénateurs.
    Puisque le sénateur Dalphond n'est pas ici aujourd'hui, je vais accorder un temps de parole de quatre minutes à chacun des trois premiers sénateurs. Nous allons commencer par la sénatrice Mégie.
    Madame Mégie, vous avez la parole pour quatre minutes.
    Je remercie les témoins de nous aider à cheminer vers une décision.
    Ma question s'adresse au Dr Smith.
    Y a-t-il un diagnostic précis de maladie mentale qui a plus de force et qui indique qu'il s'agit d'une maladie incurable?
    Naturellement, il faut faire toutes les investigations, comme on a l'habitude de le faire, et tenir compte de toutes les considérations en cours.
    Certaines maladies mentales diagnostiquées sont-elles incurables?

[Traduction]

    Je vous remercie pour votre question.
    Certaines maladies mentales sont incurables et terminales. Je fais référence ici aux diverses formes de démence. La maladie d'Alzheimer et la démence à corps de Lewy finissent par tuer les gens, alors c'est une catégorie de maladie psychiatrique pour laquelle il n'y a aucun débat.
    Mais il n'est pas question de déterminer si la maladie est incurable. Certaines personnes voudraient nous faire croire qu'il faut attendre pendant des années dans l'espoir qu'un nouveau traitement soit disponible. Cela ne fait que prolonger les souffrances d'une personne qui cherche activement à se donner la mort pour soulager des douleurs intolérables.
    Je ne crois pas que le mot « incurable » soit nécessairement celui à préconiser. Il faut se demander s'il existe des traitements qui sont acceptables pour une personne qui a déjà connu 10 années de traitement, par exemple, et qui vont améliorer son fonctionnement. Si la réponse est non — en d'autres termes, il n'y a pas de traitement ou ceux qui sont disponibles ne sont pas acceptables pour le patient —, alors selon ce que je comprends de la loi, le patient est admissible à l'aide médicale à mourir.

  (1520)  

[Français]

    Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse également à vous.
    Dans notre société, la stigmatisation relative aux maladies mentales est très courante. Dans quelle mesure cela pourrait-il influencer la décision d'un clinicien quand il évalue l'état d'une personne qui a fait une demande d'aide médicale à mourir?

[Traduction]

    C'est une autre question très intéressante. Je dois vous dire que lorsque les gens me demandent comment je gagne ma vie, je leur dis que je suis médecin d'abord et psychiatre ensuite. Toutes les maladies psychiatriques se passent dans le cerveau humain et, à ce que je sache, il fait partie du corps et de l'expérience humaine. Comme nous le décrivons, notre personnalité se trouve dans les lobes frontaux de notre cerveau; je m'oppose donc vertement à la dichotomie entre la maladie physique et la maladie mentale. Ce sont tous des désordres du corps humain... et, dans ce cas en particulier, du cerveau humain.
    Je n'ai pas de problème à déterminer si une personne doit ou ne doit pas avoir recours à la procédure. Nous avons des critères assez clairs établis dans la loi. De nouveaux critères ont été désignés dans le projet de loi C‑7. L'évaluation pourrait être réalisée par un clinicien d'expérience qui sait à quoi s'attendre en matière de psychiatrie et une deuxième personne. On pourrait même parler au médecin de famille du patient et à ses proches. Ces évaluations prennent plusieurs heures et comptent la participation d'un large éventail de personnes... le patient, le médecin, quelques évaluateurs et la famille du patient.
    Je me souviens d'une évaluation que j'ai faite. J'ai parlé pendant trois heures à chacun des enfants d'un homme qui demandait l'aide médicale à mourir. Je voulais entendre l'opinion de tout le monde. Au bout du compte, il revient au patient de décider, mais nous voulons entendre ce que ses proches ont à dire au sujet de sa décision.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la sénatrice.
    Je vais maintenant donner la parole au sénateur Kutcher.

[Traduction]

    Sénateur Kutcher, vous disposez de quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Veuillez s'il vous plaît répondre très brièvement à ma première question, monsieur Mishara.
    Dans votre témoignage, vous avez parlé des évaluations relatives à l'aide médicale à mourir. En avez-vous déjà réalisé une?
    Je n'ai pas évalué de demande d'aide médicale à mourir, mais j'ai évalué de nombreuses personnes qui voulaient qu'on mette fin à leurs jours.
    Merci beaucoup. C'est bien, monsieur Mishara. Nous parlons de l'aide médicale à mourir.
    Monsieur le président, pourriez-vous demander à M. Mishara de transmettre par écrit au Comité des preuves de ce qu'il a avancé? Il a parlé du grand nombre d'erreurs qui sont commises dans le cadre de l'évaluation des demandes d'aide médicale à mourir. Est‑ce qu'il pourrait nous fournir des preuves à cet égard, rapidement?
    Il a aussi dit que chaque personne qui faisait appel à une ligne d'écoute téléphonique répondait aux critères de l'aide médicale à mourir. Est‑ce qu'il peut aussi nous fournir des preuves à cet égard?
    Merci.
    D'accord. Sénateur, je vais faire un suivi auprès des greffiers et de M. Mishara après la réunion.
    Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse au Dr Smith. Le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada a établi des normes de compétence en psychiatrie, en vertu desquelles les psychiatres doivent pouvoir réaliser une évaluation des capacités et du rendement cognitif, de même qu'évaluer et gérer les comportements suicidaires.
    En tant qu'évaluateur des demandes d'aide médicale à mourir et psychiatre, avez-vous la capacité et les compétences requises pour procéder à ces évaluations de manière appropriée et approfondie?
    Oui. Je ne veux pas être trop enthousiaste ou dire des choses qui ne sont pas vraies dans mon cas, mais je crois que la formation et le système de délivrance des permis sont très rigoureux au Canada, pour tous les psychiatres. Je crois que tous les psychiatres qui souhaitent procéder à de telles évaluations ont les compétences requises pour le faire. Nous sommes appelés à évaluer la capacité au cas par cas de façon régulière. Nous devons aussi tenir compte du point de vue de la famille du patient et du médecin de famille responsable du renvoi. Ce sont des choses que nous faisons couramment.
    En ce qui a trait à l'aide médicale à mourir, nous n'utilisons pas un ensemble unique de compétences. Nous utilisons nos compétences pour répondre à une question en particulier: « Est‑ce que la personne qui demande l'aide médicale à mourir, qui est assise devant nous, répond aux critères établis par la loi? » C'est la base de l'évaluation d'une demande d'aide médicale à mourir. Il se peut que nous prenions trois heures pour y répondre, mais c'est ce qui nous attend. Nous procédons à une évaluation clinique et nous interprétons les résultats en fonction des exigences établies dans la loi.

  (1525)  

    Si vous êtes évaluateur et que vous ne savez pas si une personne est suicidaire ou si elle a la capacité de donner son consentement libre et éclairé, quelle est la procédure à suivre? Comment procédez-vous?
    Comme je le fais avec tous mes patients lorsque j'ai une incertitude, je demande une deuxième opinion. Il n'est pas interdit d'avoir plus de deux évaluateurs. Je ne réalise pas beaucoup d'évaluations. Je suis plutôt appelé à donner mon opinion lorsque deux évaluateurs n'arrivent pas à prendre une décision dans les cas de maladie mentale. Nous pouvons demander l'aide de nos collègues et faire venir d'autres évaluateurs. Nous voulons nous assurer de prendre la bonne décision.
    La décision est irrévocable. Personne — que ce soit le patient, sa famille ou les fournisseurs — ne prend une telle décision à la légère. Nous devons nous assurer de prendre la bonne. Je crois qu'en misant sur les compétences des psychiatres et de nos collègues de la communauté, nous avons accès à suffisamment de ressources pour bien évaluer les patients.
    Merci beaucoup, sénateur Kutcher.
    Nous passons maintenant à la sénatrice Wallin.
    Madame la sénatrice, vous disposez de quatre minutes.
    Excusez-moi, mais nous avons des problèmes avec la vidéo. Est‑ce que vous m'entendez?
    Oui, nous vous entendons bien.
    Merci.
    J'aimerais revenir au Dr Smith et faire suite à un point soulevé par le Dr Kutcher.
    On a dit que toutes les personnes qui faisaient appel au service d'écoute téléphonique pour la prévention du suicide étaient admissibles à l'aide médicale à mourir. Je suppose que vous n'êtes pas du même avis.
    Je vous remercie pour votre question.
    Non seulement je ne suis pas du même avis, mais je crois qu'une telle affirmation est absurde. Les gens qui font appel à ces services sont peut-être en situation d'adaptation... Ils ont rompu les liens avec un membre de leur famille ou ils ont perdu leur emploi, par exemple. Ce ne sont pas du tout ces patients qui sont admissibles à l'aide médicale à mourir.
    On parle ici de patients qui souffrent de maladies mentales, de maladies psychiatriques, de maladies pouvant être diagnostiquées, qui ont subi des traitements pendant de nombreuses années et qui ont consulté de nombreux psychiatres et thérapeutes. Ce sont ces gens qui sont susceptibles d'être admissibles à l'aide médicale à mourir.
    La grande majorité des personnes qui font appel aux lignes téléphoniques de prévention du suicide sont loin d'être prises en compte pour l'aide médicale à mourir. C'est un faux débat.
    D'accord. J'aimerais aussi faire un suivi à propos de vos commentaires sur la maladie d'Alzheimer et la démence, qui représentent une forme extrême de maladie mentale. On revient encore une fois à la question des demandes anticipées dans les cas où la maladie mentale est le seul motif pour le recours à l'aide médicale à mourir. Nous ne pouvons imaginer une autre façon de procéder pour les personnes qui sont aux prises avec de telles conditions. Comment percevez-vous ce dilemme?
    Merci.
    C'est l'une de mes passions. Je crois que, malheureusement, la plupart des personnes présentes dans la salle et en vidéoconférence vont souffrir de démence à un certain moment.
    En ce qui a trait à l'autre question, sur les mineurs matures et les patients psychiatriques, ils sont peu nombreux. L'éléphant dans la pièce, c'est la démence. À l'heure actuelle, le problème est le suivant: si une personne attend trop longtemps avant de faire une demande d'aide médicale à mourir, elle deviendra inapte. Elle sera alors condamnée à attendre pendant cinq ou six ans dans une résidence, à porter des couches, à ne pas savoir où elle est ni qui est sa famille; elle ne profitera plus du tout de la vie. Le risque, lorsqu'on attend trop longtemps, c'est de devoir vivre avec la démence. J'ai été témoin de telles situations, et ce n'est pas beau.
    L'autre risque, c'est de prendre la décision de manière trop précoce. J'avais une amie, la femme d'un médecin, qui a obtenu l'aide médicale à mourir il y a un an et demi. Elle ne voulait pas vivre des années de démence. À mon avis, elle a obtenu l'aide médicale à mourir beaucoup trop tôt, même si elle répondait aux critères requis. Elle n'a pas pu connaître deux de ses petits-enfants, parce qu'elle ne voulait pas assumer le risque associé à la démence.
    Oui, je suis pour les demandes anticipées pour les personnes souffrant de démence.

  (1530)  

    Est‑ce que vous croyez, toutefois, qu'elle fait partie de la catégorie des maladies mentales, d'une certaine façon?
    Oui, c'est lié au fonctionnement du cerveau. C'est pourquoi je crois que nous avons cette dichotomie entre la démence et la dépression, par exemple. Nous comprenons très bien comment fonctionne la démence. Nous n'avons pas autant de certitudes au sujet de la dépression, mais nous savons qu'il s'agit, dans les deux cas, d'un trouble cérébral.
    Je préférerais grandement que nous discutions des troubles cérébraux et non de maladie psychiatrique ou de maladie mentale.
    Merci beaucoup, docteur Smith.
    Merci, sénatrice Wallin.
    Nous allons maintenant entendre la sénatrice Martin, qui dispose de trois minutes.
    Je remercie tous les témoins qui nous transmettent leur expertise.
    Monsieur Mishara, je constate que vous avez travaillé à titre de clinicien dans le domaine de la prévention du suicide et des soins de fin de vie pendant 50 ans. À votre avis, est‑ce que l'aide médicale à mourir brouille la frontière entre la prévention du suicide et l'aide au suicide? Est‑il possible de tracer cette ligne dans le cadre du système d'aide médicale à mourir?
    S'il était possible de tracer cette ligne, dans les très rares cas où une personne est vouée à souffrir de façon permanente, il n'y aurait pas de débat. Dans leur rapport, les experts font valoir à répétition qu'il est impossible d'établir des règles fixes lorsqu'on tente de faire la distinction entre une personne qui est suicidaire et une personne qui demande l'aide médicale à mourir. Ils ne citent aucune étude qui démontre que l'humain est capable de faire la différence entre ces deux groupes de personnes.
    Lorsqu'on a demandé au Dr Smith quelle était la façon de déterminer si une personne était suicidaire ou si elle demandait l'aide médicale à mourir, il n'a donné aucun critère de diagnostic qui pouvait être appliqué, mais il a dit qu'il était capable de faire la distinction. La recherche est très claire. Rien n'indique qu'il est possible de prédire l'évolution d'une maladie mentale, qu'elle soit traitée ou non, à l'aide d'un quelconque critère fiable. Dans le cadre des recherches où divers psychiatres ont tenté de le faire, ils n'arrivaient habituellement pas au même résultat, ce qui m'inquiète, en raison de toutes les personnes suicidaires...
    Je vais le répéter: j'aimerais vraiment pouvoir fournir les preuves demandées par le sénateur Kutcher. Lorsqu'une personne veut vraiment se suicider, c'est parce qu'elle croit qu'il n'y a plus d'espoir. Nous avons le droit d'envoyer une ambulance pour sauver la vie d'une personne qui est en train de commettre l'acte ou qui s'apprête à le faire, même sans son consentement. La plupart de ces personnes — la grande majorité d'entre elles — sont ensuite très reconnaissantes envers ceux qui les ont sauvées. Ces personnes répondent aux critères d'admissibilité parce qu'elles ont habituellement des antécédents de troubles mentaux, elles ont subi de nombreux traitements et elles se sentent complètement désemparées à un certain moment, mais elles changent d'idée par la suite.
    Combien de personnes sont aujourd'hui heureuses d'être en vie alors qu'elles ont été sauvées contre leur gré? Je crains que des personnes meurent pour rien parce que nous n'avons pas établi de critères appropriés. Même si les personnes croient qu'elles peuvent prendre une telle décision, les données scientifiques ne le démontrent pas et je vous mets au défi de lire le rapport du comité d'experts et de trouver ces critères, de savoir comment on peut prendre une telle décision après avoir parlé à quelqu'un.
    Merci beaucoup, sénatrice Martin.
    Voilà qui met fin à la première partie de notre réunion. Je tiens à remercier nos trois témoins: M. Mishara, le Dr Derryck Smith et Me David Roberge.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup de vos témoignages.

  (1535)  

[Traduction]

    Nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions sur ce sujet très difficile, mais très important. Nous vous en sommes reconnaissants.
    C'est donc ainsi que se termine la première partie de la réunion. Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes afin de nous préparer pour le prochain groupe de témoins.
    Merci.

  (1530)  


  (1535)  

    Nous reprenons les travaux. J'espère que le Dr McKenzie pourra se joindre à nous avant que ce ne soit à son tour de parler.
    Je souhaite la bienvenue aux deux témoins qui sont avec nous pour le moment.
    Nous recevons Sean Krausert, de l'Association canadienne pour la prévention du suicide. Nous recevons aussi la Dre Valorie Masuda, à titre personnel, et nous espérons accueillir sous peu le Dr Kwame McKenzie, également à titre personnel.
    Nous vous remercions de vous joindre à nous aujourd'hui. Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Nous vous demandons de vous en tenir à ces cinq minutes. Veuillez s'il vous plaît désactiver votre micro lorsque vous n'avez pas la parole. Si vous souhaitez attirer notre attention pendant les témoignages, vous pouvez utiliser la fonction « Lever la main ». Veuillez adresser vos commentaires aux coprésidents. Je suis accompagné aujourd'hui de la sénatrice Yonah Martin, qui copréside une partie de la séance.
    Nous allons maintenant commencer.
    Monsieur Krausert, si vous êtes prêt, la parole est à vous. Vous disposez de cinq minutes.
    Bonjour, honorables membres du Comité mixte spécial. Je m'appelle Sean Krausert et je suis directeur général de l'Association canadienne pour la prévention du suicide. Je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous faire part de mes réflexions alors que vous entreprenez l'examen prévu par la loi des dispositions du Code criminel concernant l'aide médicale à mourir et leur application.
    Mon organisation admet que les Canadiens jugés aptes à prendre de telles décisions devraient avoir accès à l'AMM afin d'exercer un contrôle sur un processus de mort déjà en cours. D'un autre côté, les efforts que nous déployons pour prévenir le suicide, notamment en diffusant des messages sains au sein de la société, signifient que nous devons tendre vers un avenir où aucun Canadien n'utilise la mort comme solution quand la vie est difficile et douloureuse, particulièrement si les problèmes rencontrés sont remédiables.
    J'ai plusieurs préoccupations quant à l'AMM pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie et qui souffrent uniquement de troubles mentaux. Trois d'entre elles sont des considérations de principe, et une est une préoccupation d'ordre très personnel.
    Sachez d'abord que la vie vaut la peine d'être vécue. Il est impératif que notre société investisse pour trouver des moyens d'atténuer la souffrance et d'aider les gens à avoir une vie qui vaut la peine d'être vécue. L'élargissement de l'AMM aux personnes qui ne sont pas en fin de vie laisse intrinsèquement entendre que certaines vies ne valent pas la peine d'être vécues et qu'on n'y peut rien changer.
    De plus, dans le domaine des soins de santé mentale, la capacité de trouver de l'espoir et des raisons de vivre constitue un aspect essentiel des soins cliniques offerts pour les troubles mentaux. Or, le fait d'offrir l'AMM comme solution de traitement est fondamentalement contraire à cette approche et aura probablement un effet négatif sur l'efficacité de certaines interventions thérapeutiques, ce qui pourrait pousser le patient et le prestataire de soins à abandonner prématurément les soins.
    Sur le plan de la politique psychiatrique, il est plus simple et probablement moins coûteux de mettre fin à la vie d'une personne atteinte de problèmes de santé mentale complexes que de lui offrir d'excellents soins à long terme. Voilà qui peut avoir l'effet pervers — et inacceptable — d'inciter le système de santé à encourager le recours à l'AMM pour éviter d'avoir à offrir des ressources adéquates aux patients.
    Pour ce qui est de mon histoire personnelle, je ne serais probablement pas ici si j'avais pu me prévaloir de l'AMM dans mes jours les plus sombres. J'ai souffert de plusieurs dépressions et d'anxiété extrême pendant la vingtaine et la trentaine. Lors de ma pire dépression, à la fin de la trentaine, la souffrance était intolérable. Même si j'ai songé au suicide, j'ai compris ultérieurement que je ne voulais pas tant mourir que cesser de souffrir. Cette ambivalence est courante chez ceux qui envisagent de mettre fin à leurs jours.
    Si je me suis déjà considéré comme un fardeau pour ma famille, je me vois maintenant comme un atout, pas seulement pour les membres de ma famille, mais pour ma communauté. Je suis maintenant relativement libéré de la dépression et de l'anxiété grâce aux médicaments et à une thérapie qui a enfin fonctionné. J'ai également appris que je souffrais d'apnée du sommeil grave non diagnostiquée pendant des décennies. Je vis maintenant une vie riche. J'ai récemment été élu maire de ma ville et mon premier petit-enfant est né il y a quelques semaines. Si j'avais eu la possibilité de demander l'AMM dans mes heures les plus sombres et les plus douloureuses, j'aurais pu réduire à néant un avenir meilleur que ce que j'aurais pu demander ou même imaginer.
    L'Association canadienne pour la prévention du suicide est d'avis qu'il faut considérer l'ensemble du contexte de la prévention du suicide et de la promotion de la vie pour tous les Canadiens.
     À cette fin, nous recommandons d'abord que l'AMM ne soit pas offerte aux patients souffrant d'un trouble pour lequel la mort n'est pas raisonnablement prévisible, à moins que des preuves scientifiques indiscutables montrent que ce trouble est irrémédiable. Le caractère irrémédiable doit toujours être objectif et jamais subjectif. Aucune preuve n'indique que la maladie mentale entre dans cette catégorie.
    De plus, il faudrait augmenter le financement des soins de santé pour que des traitements soient offerts aux patients afin que le manque d'accès aux traitements ne fasse pas en sorte que leur trouble soit jugé irrémédiable. Le refus de traitement de la part d'un patient ne devrait pas signifier que le trouble est irrémédiable.
    En outre, il faut faire preuve d'une extrême prudence dans le cas de l'AMM et instaurer des mesures de protection éprouvées et soigneusement réfléchies pour que les plus vulnérables soient protégés afin que l'AMM ne devienne pas un suicide commis avec l'aide d'un médecin.
    Enfin, il faudrait fournir des outils aux prestataires de soins de santé — particulièrement à ceux qui prennent des décisions en matière d'AMM — pour qu'ils sachent comment procéder pour offrir du soutien aux patients afin d'éviter des morts prématurées.

  (1540)  

    En bref, l'Association encourage vivement le retrait des troubles mentaux de la liste des troubles admissibles à l'AMM. Ce faisant, on préviendra la mort prématurée de personnes qui souffrent uniquement de maladie mentale et évitera ainsi de légitimer par inadvertance le suicide, comme s'il s'agissait d'une solution acceptable pour mettre fin à une vie difficile et douloureuse.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1545)  

     Je vous remercie, monsieur Krausert.
    Nous entendrons maintenant la Dre Valorie Masuda.
    Docteure Masuda, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, honorables membres du Comité, de me permettre de présenter mes opinions au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir en ce qui concerne l'accès des personnes atteintes de maladie mentale chronique à l'AMM.
    Je m'appelle Valorie Masuda et je pratique la médecine depuis plus de 30 ans, me spécialisant en médecine d'urgence depuis 20 ans et en soins palliatifs depuis 10 ans.
    Je suis évaluatrice des demandes d'AMM et je soutiens les patients au sujet de leur demande d'AMM depuis mai 2016. Je travaille sur l'île de Vancouver, laquelle compte les taux de morts par AMM les plus élevés au Canada. Je suis également médecin autorisée à offrir des traitements au moyen de médicaments psychédéliques aux patients en phase terminale souffrant de démoralisation, de dépression et d'anxiété irrémédiables.
    Mon travail dans le domaine de l'AMM m'a permis de découvrir l'éventail de raisons qu'ont les patients de vouloir mettre fin prématurément à leurs jours. Certains envisagent de mourir parce que leur débilité, leur dépendance croissante et leurs pertes cognitives leur sont intolérables, alors que d'autres réclament l'AMM s'ils anticipent de souffrir de symptômes graves en fin de vie. Certains patients atteints de maladie chronique en phase terminale peuvent vivre de très longues périodes de débilité et de souffrance, et même si leur pronostic est imprévisible, c'est toujours vers la mort qu'ils se dirigent.
    À titre de médecin en soins palliatifs, j'ai le devoir d'offrir au patient toutes les solutions disponibles pour atténuer ses souffrances; je peux même appuyer sa demande d'AMM. La démoralisation ou la terreur que les patients éprouvent au sujet de leur diagnostic constituent les symptômes le plus difficiles à traiter. Par le passé, le seul traitement dont nous dispositions consistait à leur administrer des sédatifs afin d'atténuer leur souffrance extrêmement profonde, mais dernièrement, certains ont choisi l'AMM pour être libérés de cet état qu'ils considèrent intolérable.
    Au cours des trois dernières années, j'ai légalement — et avec succès — traité 20 patients atteints de démoralisation, de crainte et de dépression irrémédiables en vertu d'une exemption prévue à l'article 56 ou au titre du programme d'accès spécial. J'ai traité ces patients avec de la psilocybine, un médicament psychédélique très efficace et sécuritaire. Avec un traitement, j'ai observé une disparition totale de la démoralisation et de la peur. J'offre maintenant ce traitement aux patients souffrant de ce genre de détresse qui, sinon, auraient pu réclamer l'AMM.
    Je comprends que certains patients atteints de maladie mentale chronique pensent que leur souffrance est intolérable et qu'ils devraient pouvoir y mettre fin avec de l'aide médicale, mais je ne suis pas d'accord. Tout d'abord, l'AMM est un programme visant à aider les personnes mourantes. De plus, le serment d'Hypocrate veut qu'on s'abstienne de tout mal. Or, l'injection d'un produit létal à un patient qui ne se dirige pas vers la mort fait du mal.
    En outre, la maladie mentale chronique est un trouble multifactoriel extrêmement complexe, souvent causé par des traumatismes et de la maltraitance subis durant la petite enfance, et aggravé par le chômage, la pauvreté, l'isolement et l'itinérance. Les gens soignent leur démoralisation et leur désespoir à coup de substances. Le manque de ressources de ces gens perpétue et aggrave leur souffrance. La promesse des sociétés pharmaceutiques de soigner la dépression et l'anxiété est un mensonge. Neuf pour cent des Canadiens consomment des antidépresseurs, et la consommation chronique de ces médicaments augmente. Le quart des Canadiens souffrent de dépression; nous assistons donc à une crise de consommation de substances et à une épidémie de décès attribuables aux stupéfiants.
    Pour certains patients, la démoralisation, le désespoir et la dépression persistent malgré la médication, les hospitalisations et les interventions draconiennes comme les électrochocs. Leur souffrance morale semble s'être imprégnée en permanence dans leur cerveau, et le recours aux substances est devenu un comportement établi chez nombre d'entre eux. Ces patients sont considérés comme étant résistants aux traitements, car ils ne réagissent pas aux traitements traditionnels. J'ai eu l'occasion d'étudier les effets des médicaments psychédéliques chez mes patients en soins palliatifs. Avec un soutien adéquat et dans un contexte thérapeutique, ces médicaments déprogramment le cerveau et ont un potentiel extraordinaire de changer les modes de pensée et de comportement. Malheureusement, il s'agit de médicaments à usage restreint qui ne peuvent être offerts aux patients en dehors d'essais cliniques.
    En résumé, les Canadiens atteints de dépression ont le droit constitutionnel de faire atténuer leur souffrance, mais je ne pense pas que l'AMM devrait servir à cette fin. Les Canadiens ne devraient pas recevoir l'aide médicale au suicide parce qu'ils n'ont pas accès aux ressources de santé mentale de base et ne peuvent combler leurs besoins essentiels. Les produits pharmaceutiques ne sont pas la solution pour traiter la maladie mentale. Les Canadiens doivent avoir accès à des programmes de traitement efficaces financés par le gouvernement et offerts par des thérapeutes payés par l'État, et pouvoir recevoir des traitements comprenant des médicaments psychédéliques.

  (1550)  

     Le traitement efficace de la maladie mentale permet aux gens de retourner au travail, diminue la pauvreté et l'itinérance, réduit les hospitalisations et la criminalité, et stimule l'économie. C'est là que se trouve, selon moi, la réponse à la crise de santé mentale.
    Si le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir recommande d'autoriser le recours à l'AMM dans les cas de maladie mentale chronique, je préconiserais d'instaurer un solide processus d'examen multidisciplinaire dans le cadre duquel des médecins, des psychiatres, des travailleurs sociaux et des éthiciens examineraient la demande d'AMM d'un patient, et d'effectuer un examen transparent des dossiers d'AMM qui serait partagé entre les autorités sanitaires sous supervision provinciale et fédérale pour éviter de traiter des problèmes sociaux avec l'euthanasie.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie, docteure Masuda.
    Monsieur le greffier, le Dr McKenzie est‑il capable de se joindre à nous?
    Le Dr McKenzie tente toujours de se connecter. Nous lui avons demandé de nous fournir un numéro de téléphone pour que nous puissions l'aider. Nous attendons sa réponse, mais il essaie de se connecter.
    D'accord. Dans ce cas, je passerai à la période de questions, car la séance doit continuer.
     Malheureusement, dans le cas du Dr McKenzie, nous tenterons de le convoquer à une séance future, car nous devons maintenant commencer la période de questions.
    Je céderai maintenant la parole à ma coprésidente, la sénatrice Yonah Martin.
    Je vous remercie, monsieur Garneau.
    Nous commencerons par des interventions de cinq minutes de la part de députés.
    Nous commencerons par M. Cooper pour cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la coprésidente.
    Monsieur Krausert, vous avez dit, au cours de votre exposé, qu'aucune preuve ne permet de classer la maladie mentale dans la catégorie des troubles irrémédiables. Pourriez-vous m'en dire plus à ce sujet?
    Le Centre de toxicomanie et de santé mentale, à Toronto, et d'autres éminents chercheurs du domaine, comme le Dr Mishara et le Dr Sinyor, m'ont indiqué qu'il n'existe pas de preuves à ce sujet. Il n'en existe tout simplement pas. Il faudrait réaliser des études.
    Je vous remercie de cette précision.
    La prochaine question s'adresse à la Dre Masuda à titre d'évaluatrice en matière d'AMM. Dans son rapport, le groupe d'experts admet qu'il pourrait être « difficile à prévoir pour un individu donné » si l'état de cette personne peut s'améliorer, mais qu'il suffirait de tenir compte des interventions et des traitements antérieurs pour déterminer le caractère irrémédiable. Pourriez-vous dire ce qu'il en est dans le cas de la maladie mentale?
    Je ne suis pas psychiatre, mais quand je travaillais aux urgences, j'ai souvent vu revenir des personnes atteintes de maladie mentale chronique. Quand les patients sombrent dans une grande noirceur, ils tentent de se suicider. Souvent, ces patients ont fait l'objet d'interventions par le passé, et nous savons que certains d'entre eux se rétablissent. Nous savons que des patients toxicomanes se rétablissent.
     Quand on parle de trouble irrémédiable, comment peut‑on prédire quels patients se rétabliront ou non à la suite d'une intervention? Je pense que le fait qu'un patient ait suivi trois traitements avec antidépresseurs ne permet pas de prédire s'il se remettra ou non.
    Avec l'accroissement des connaissances sur l'utilisation des médicaments à usage restreint qui ne sont pas accessibles par l'entremise de psychiatres ou de thérapeutes, nous commençons à voir qu'il existe un potentiel de rétablissement pour ces patients. Quand on examine ce que signifie « irrémédiable » en santé mentale, je pense qu'il est très difficile de prédire ce qu'il arrivera et de dire qu'une personne a déjà essayé un éventail de traitements, mais qu'elle ne peut se sortir de sa dépression.

  (1555)  

    Je vous remercie de cette réponse.
    Le Dr Smith a indiqué dans son témoignage qu'il faut examiner le patient dans son ensemble. Il semblait s'attarder presque exclusivement à la souffrance, mais la dernière fois que j'ai vérifié la définition de ce qui constitue un problème « irrémédiable » dans le Code criminel, j'ai constaté que la souffrance « intolérable » est un des trois critères, mais que ce n'est pas le seul critère. Les deux premiers sont la « maladie incurable » et le « déclin irréversible ».
    Selon ce que je comprends de vos propos, il n'est pas possible de déterminer qu'un patient a une maladie incurable et est dans un état de déclin irréversible, car il est toujours possible d'aller mieux. Il n'est donc pas possible d'établir le caractère irrémédiable. Est‑ce exact?
     Je dirais que oui. La question du déclin inévitable se pose également pour les personnes atteintes de maladie mentale, car ce qu'on dit, c'est qu'elles ont une maladie mentale, qu'on ne prévoit pas que leur état s'améliorera et que leur situation continuera de se détériorer. Je ne suis pas sûre que le caractère irrémédiable puisse être établi dans ce cas non plus.
    Je vous remercie.
    Monsieur Krausert, comme vous avez souffert de maladie mentale et que vous vous êtes rétabli pour ensuite mener ce qui semble une vie très réussie et heureuse, pouvez-vous parler, en vous appuyant sur votre expérience personnelle et sur votre travail auprès des personnes atteintes de maladie mentale qui envisagent le suicide, des répercussions que l'élargissement des paramètres de l'AMM pourrait avoir, de façon plus générale, sur la culture de la prévention du suicide au Canada?
    Cela ouvre la porte. Sachez que je parle des troubles pour lesquels la mort n'est pas raisonnablement prévisible.
    Au cours du volet précédent, le Dr Smith a longuement parlé de la démence, et je ne comprends pas pourquoi nous envisagerions l'AMM pour la maladie mentale. Quand la mort est raisonnablement prévisible comme c'est le cas pour la démence, nous emprunterions cette voie.
    Je ne pense pas que la démence serait exclue si nous n'autorisions pas l'AMM en cas de maladie mentale.
    De par mon expérience personnelle, toutefois, je peux affirmer que la noirceur dont la Dre Masuda a parlé est éprouvante et douloureuse. Elle pousse à l'isolement et perturbe le schéma de pensée. Ce n'est pas un état d'esprit dans lequel on devrait décider de se marier, d'acheter une maison ou de faire quelque chose dans la vie, et encore moins de mettre fin à ses jours.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Cooper.
    C'est maintenant Mme Fry qui interviendra.
    Je tiens vraiment à poser quelques questions à la Dre Masuda.
    Docteure Masuda, êtes-vous psychiatre?
    Non. Je suis médecin en soins palliatifs.
    Vous n'avez donc aucune base pour dire si une maladie psychiatrique est irrémédiable, non irrémédiable, curable ou incurable, ou si un diagnostic peut être posé pour ce genre de troubles. Dans le groupe de témoins précédent, un psychiatre nous a affirmé qu'il est possible de le faire.
    Avez-vous utilisé la psilocybine sur tous les patients qui ont demandé l'AMM?
    Non, car je cherche en fait...
    Comme je ne dispose que de cinq minutes, pourriez-vous répondre par oui ou non?
    D'accord. Je n'ai pas utilisé ce produit pour tous les patients.
    La psilocybine est en fait un médicament utilisé à cette fin, mais il n'y a pas de conclusions. En fait, aucun essai clinique n'a été réalisé sur ce produit. Vous laissez toutefois entendre qu'il s'agit d'une panacée.
    Des études dans le cadre desquelles la psilocybine est utilisée dans le traitement de...
    Est‑ce un remède miracle? Pensez-vous que c'est une panacée pour tout problème irrémédiable chez les personnes qui ne sont pas en danger imminent de mort?
    Je ne pense absolument pas qu'il s'agisse d'un remède miracle, mais il a...
    Merci beaucoup, docteure Masuda.
    Je vais maintenant me tourner vers M. Krausert.
    Monsieur Krausert, je suis très heureuse que vous soyez parmi nous aujourd'hui et que vous n'ayez pas cédé à vos crises de dépression et à vos idées suicidaires.
    Vous avez brièvement mentionné que vous avez eu de l'aide. De toute évidence, c'est une bonne chose. Nous croyons tous que c'est une bonne chose. Le Dr Smith a dit plus tôt que les tribunaux, à la suite de très longs contre-interrogatoires, ont conclu dans certains cas, dont Truchon, que des psychiatres qualifiés ont la capacité de faire la distinction entre des idées suicidaires, qui peuvent être temporaires, et une maladie mentale qui est irréversible. Êtes-vous de cet avis?
    J'ai noté que les tribunaux ont également affirmé que seul le patient est en mesure de dire si quelque chose est irrémédiable ou non, ou intolérable ou non, parce qu'il sait ce qu'il vit, il sait ce qu'il croit et il sait quelles sont ses options. S'il dispose de bonnes options et qu'il peut donner son consentement en toute connaissance de cause, le patient a le droit de dire s'il peut être considéré comme souffrant de manière irrémédiable et s'il souhaite recevoir le traitement qui lui est proposé parce que, pour lui, le traitement n'est pas acceptable.
    Les tribunaux ont rendu des décisions positives sur ces points. Êtes-vous d'accord avec ces décisions?

  (1600)  

    Non, je ne suis pas d'accord. Selon mon expérience personnelle, on peut être dans un état d'esprit et souffrir d'une grave dépression dont on pense qu'elle va durer toute la vie. Si on m'avait demandé si je pensais un jour aller mieux, j'aurais répondu non sans hésiter, et j'aurais dit que mon mal-être durait depuis trop longtemps.
    Merci, monsieur Krausert. Cependant, vous vivez dans votre propre corps et, comme l'a dit le Dr Smith, il faut considérer l'être humain dans son ensemble: la personne entière, avec son cerveau, qui est maintenant affligée d'une façon différente de voir le monde ou d'une maladie mentale. Nous parlons d'une partie de l'être humain dans son ensemble, et les tribunaux ont statué que c'était très différent.
    La conclusion que vous tirez de votre propre expérience ne correspond pas nécessairement à tous les êtres humains qui souffrent d'une maladie mentale ou d'une maladie chronique pour laquelle ils décident de ne plus recevoir de traitement, ce qui est différent de l'idéation suicidaire, soit dit en passant.
    Croyez-vous vraiment que cela devrait être fait au cas par cas, comme on le préconise pour l'AMM, avec des médecins qui ont la capacité de comprendre la compétence, de comprendre la différence entre le suicide et une souffrance irrémédiable et intolérable, et qui peuvent donc prendre les décisions nécessaires pour aider un patient en mesure de donner son consentement éclairé concernant toutes les options qui s'offrent à lui?
    Reconnaissez-vous que c'est un enjeu individuel et que nous ne pouvons pas nous baser sur votre expérience pour définir ce que serait l'expérience d'un autre être humain dans un cas donné?
    Veuillez répondre très brièvement, monsieur Krausert.
    La réponse est non, parce que...
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Krausert. Mon temps est écoulé.
    En fait...
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Notre prochain intervenant est M. Thériault.

[Français]

     Merci, madame présidente.
    Ma première question s'adresse à M. Krausert.
    J'ai dû lire ce rapport d'expert une dizaine de fois et je pense que je vais le relire encore.
    Vous avez soulevé beaucoup de questions que je me posais également.
    Toutefois, à la recommandation 8, on parle de la cohérence, de la durabilité et du caractère réfléchi d'une demande d'aide médicale à mourir. On y dit ceci:
Les évaluateurs doivent s’assurer que le souhait de mourir du demandeur est cohérent […], sans ambiguïté et réfléchi rationnellement pendant une période de stabilité, et non pendant une période de crise.
    Je suis heureux que vous soyez toujours avec nous, mais, selon ce que je comprends du rapport, même si vous en aviez fait la demande, vous n'auriez pas été admissible à l'aide médicale à mourir au moment où vous étiez dans votre période la plus sombre.
    Un peu plus loin, on donne des précisions qui m'ont aidé à comprendre de quelles personnes on parle. On présente donc un cas. Je vais lire l'extrait, et vous me direz si vous considérez que cette dame devrait être admissible à l'aide médicale à mourir:
C. est une femme de 70 ans présentant un trouble dépressif majeur grave et un trouble de stress post-traumatique diagnostiqué à l’âge de 18 ans. Elle a exprimé le désir de mourir depuis l’âge de 20 ans et a fait environ 30 tentatives de suicide au cours de sa vie, dont plusieurs étaient suffisamment graves pour nécessiter des hospitalisations médicales. Elle est incapable de travailler et ne souhaite pas avoir de relations sociales en raison de son état mental. Elle a demandé l’AMM parce que les symptômes de ses troubles ont été réfractaires à plus de 35 interventions psychosociales et traitements somatiques reconnus (médicaments et traitements de neuromodulation) et qu’elle ne veut pas en essayer d’autres. À l’heure actuelle, elle n’a pas l’intention de faire une tentative de suicide.
    Selon vous et compte tenu de l'expérience que vous avez vécue, est-ce que cette dame devrait avoir accès à l'aide médicale à mourir à la suite d'un processus d'évaluation rigoureux?

  (1605)  

[Traduction]

    Je ne crois pas.
    Dans l'exemple que vous avez donné, l'affection dure depuis longtemps. Il n'est pas déraisonnable de penser qu'elle va durer encore longtemps. De plus, je pense que vous avez dit que la dame ne veut pas subir d'autres traitements. La question est vraiment de savoir si nous voulons aider les gens à mourir prématurément.
    Selon moi, en l'absence de preuves absolues, de données, qui montrent objectivement que cette maladie ne pourra jamais être traitée de manière à réduire la souffrance, nous devons dire non. Je peux vous dire, subjectivement, que la maladie vous isole. La maladie vous ment, et pour beaucoup de gens, la vérité est tout simplement occultée. Vous trouverez bien ici et là des cas pour lesquels il n'y a pas d'autre solution, mais vous trouverez autant de cas de personnes qui mettent fin à leur vie prématurément alors qu'elles auraient pu aller beaucoup mieux.

[Français]

     Je vous remercie d'avoir fait l'effort de répondre à ma question. Je vous en suis reconnaissant.

[Traduction]

    Il vous reste une minute.

[Français]

    Je ne suis pas psychiatre, mais j'ai l'impression qu'il y a des moments où le traitement, la chronicité de la maladie mentale, franchit une étape. Au fond, c'est comme si, traiter cet état, ce trouble mental est un genre de soins palliatifs prolongés. On ne guérit pas de la maladie et l’on a même du mal à s'assurer que la souffrance, la douleur, est contrôlée. C'est dans de tels cas qu'émergent les demandes d'aide médicale à mourir. Pour des gens disant travailler en soins palliatifs, il me semble qu'il y a là un constat et une demande. À mon avis, on devrait dire oui dans ce genre de cas. Je suis donc en désaccord avec vous à cet égard.
    Je n'ai pas de question à poser, je voulais juste faire un commentaire.

[Traduction]

    Merci, monsieur Thériault.
    C'est au tour de M. MacGregor, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la coprésidente.
    J'aimerais commencer par la Dre Masuda.
    Je vous remercie beaucoup de vous joindre à nous et de nous guider sur ce sujet. J'aimerais revenir sur votre déclaration liminaire et sur les patients que vous avez aidé à traiter avec la psilocybine.
    Je tiens à préciser aux membres du Comité que j'ai écrit une lettre d'appui à l'exemption prévue à l'article 56, car je pense que des traitements nouveaux et novateurs sont nécessaires.
    Docteure Masuda, lors d'un échange précédent avec Mme Fry, celle‑ci a dit que ce n'était pas une panacée. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur les promesses potentielles de ce traitement. Par exemple, pour ce qui est du potentiel que cela présente dans le cadre des interventions, est‑ce que nous ne voyons que la pointe de l'iceberg?
    C'est un traitement que je propose en cas d'indication clinique — pour les personnes qui sont enfermées dans un processus mental de désespoir et de démoralisation, et qui sont vraiment bloquées.
    J'ai eu une patiente d'une trentaine d'années qui souffrait de douleurs extrêmement complexes que nous ne pouvions pas gérer. Elle était passée par une unité de soins tertiaires, on lui avait proposé toutes les options imaginables de gestion de la douleur, et nous ne pouvions tout simplement pas gérer sa détresse existentielle. Elle ne pouvait pas communiquer. Elle était une boule de.... Elle était en piteux état, en pleurs.... Elle ne pouvait pas interagir avec ses amis ou sa famille. En vérité, sa souffrance était profonde, très profonde.
    Elle est la deuxième patiente au Canada à avoir bénéficié d'une exemption en vertu de l'article 56. Dans son cas, 24 heures après l'administration de ce seul médicament, elle est sortie de l'impasse où elle se trouvait, ce point à propos duquel on entend souvent les psychiatres et les thérapeutes dire: « Mon patient est arrivé à un point que je ne peux pas lui faire franchir. » Eh bien, elle a franchi ce cap, et en 24 heures, elle ne souffrait plus. Nous avons diminué ses médicaments contre la douleur. Elle était alerte et organisée. Elle pouvait en fait parler de la mort, et de la sienne en particulier, et elle a pu rétablir les liens avec ses amis et sa famille.
    Depuis, j'ai eu 19 autres patients qui souffraient vraiment beaucoup, et nous n'avions pas d'autres thérapies pour cela à ce jour. Je pense que c'est une percée. J'ai vu des gens dans un état où ils ne pouvaient tout simplement pas s'en sortir, que ce soit parce qu'ils buvaient trop et ne pouvaient pas s'arrêter de boire, qu'ils ne pouvaient pas interagir avec leurs amis et leur famille, ou qu'ils étaient figés dans un état de terreur parce qu'ils étaient en train de mourir. En 24 heures, nous constatons un changement complet à cet égard.
    Il existe de nombreuses études. Il y a des études d'IRM fonctionnelle. Nous savons comment ces médicaments fonctionnent, mais ils ont été restreints et ne sont pas accessibles aux patients.

  (1610)  

    À ce sujet, vous avez été confrontée à la difficulté de demander une exemption au titre de l'article 56. Il y a eu beaucoup d'obstacles à franchir. Dans certains cas, les délais d'attente ont été longs et pénibles. Vous avez maintenant la possibilité de parler à un comité qui va déposer un rapport et inclure des recommandations.
    Selon votre point de vue et vos expériences, quels types de recommandations aimeriez-vous voir ce comité faire en ce qui concerne l'accès à la psilocybine et la poursuite des recherches? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, s'il vous plaît?
    Merci.
    Aux États-Unis, le recours aux psychédéliques est désormais qualifié de « révolutionnaire ». Ce sont des interventions révolutionnaires.
    Ce n'est pas seulement le médicament, mais l'administration du médicament dans le contexte d'une thérapie, et le recours à des médecins et des thérapeutes formés aux psychédéliques. C'est révolutionnaire. Aux patients qui sont enfermés dans un certain schème de pensée et de comportement, nous donnons un psychédélique qui ouvre leur cerveau, de sorte que nous pouvons maintenant établir de nouveaux schèmes de pensée et de comportement. C'est un type d'intervention révolutionnaire, et je pense que nous devons aller de l'avant en l'autorisant pour les patients qui souffrent de toxicomanie, de dépression chronique ou d'anxiété.
    On pense qu'il n'y a pas de traitement, mais je crois qu'il y en a un, et il faudrait envisager de le rendre accessible à tous les Canadiens.
    Rapidement, pour ma dernière question, dans le groupe de témoins précédent, le Dr Smith a dit du concept d'irrémédiabilité qu'il s'agit d'un état dans lequel il n'existe plus de traitements acceptables à la fois pour le fournisseur de soins de santé et pour le patient. D'après votre expérience, lorsqu'un patient conclut qu'il n'y a pas d'autres options acceptables pour lui, comment essayez-vous de franchir le mur qui se dresse devant vos options de traitement à cause des impressions du patient?
    C'est une question très délicate, car il est certain que, devant un patient atteint d'un cancer qui me dit que le traitement par chimiothérapie ne correspond pas à ses valeurs fondamentales, je dois respecter ce patient et lui dire que, même s'il est en voie de mourir, il a le droit de décider de ne pas recourir à une intervention médicale qui peut l'empêcher de mourir. La santé mentale est vraiment difficile, parce que...
    Merci. Nous avons déjà dépassé les cinq minutes, et je voulais simplement souligner que le Dr Kwame McKenzie s'est joint à nous, mais qu'on n'a pas fait de test de son.
    Étant donné qu'il est déjà presque 16 h 15, je me demande si nous devrions permettre au Dr McKenzie de prendre la parole pendant quelques minutes, puisqu'il s'est joint à nous. Je vois des hochements de tête.
    Docteur McKenzie, j'espère que votre son va bien fonctionner. Vous n'avez que quelques minutes pour votre exposé.
    Merci.
    Madame la présidente, je tiens à dire que j'ai aussi signé la lettre qui préconise l'exemption de la psilocybine en vertu de l'article 56. Je ne fais que le signaler.

  (1615)  

    D'accord. Merci.
    Docteur McKenzie, c'est à vous.
    Si vous pouviez abréger votre exposé, compte tenu du temps limité que nous avons, nous vous en saurions gré. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup. J'espère que vous m'entendez bien. Je m'excuse. C'est mon appel Zoom le plus gênant depuis le début de l'année. Je m'en excuse, mais nous avons réussi à nous y retrouver.
    Merci beaucoup de me permettre de témoigner aujourd'hui. Je suis honoré d'être ici.
    Comme vous le savez, j'ai présidé le groupe qui a produit le rapport de 2018 du Conseil des académies canadiennes, ou CAC, sur l'AMM et les demandes présentées par des personnes dont le seul problème médical est un trouble mental. J'ai également été membre du Halifax Group, qui a publié un document sur les mesures de sauvegarde relatives à l'AMM. Les rapports du CAC et du Halifax Group se sont tous deux attaqués aux mêmes enjeux que celui du groupe d'experts de 2022 de Santé Canada sur l'AMM et la maladie mentale. Ces grands enjeux sont ceux dont vous avez déjà parlé: l'admissibilité, la capacité, les comportements suicidaires, l'intersection entre l'AMM et les déterminants sociaux de la santé ou la vulnérabilité structurelle, et les mesures de sauvegarde.
    Je sais que vous avez lu les rapports, et je serai heureux d'en discuter, mais j'ai pensé que je prendrais une minute ou deux seulement pour souligner les incidences possibles de trois facteurs — la COVID‑19, les déterminants sociaux de la santé et l'inégalité raciale — sur l'AMM pour les personnes souffrant de maladie mentale.
    L'évaluation de la souffrance dans les cas de problèmes de santé mentale est partiellement liée à la pertinence du traitement. De plus, les répercussions sociales de la maladie, l'exclusion sociale et le sentiment d'avoir un avenir difficile devant soi augmentent la perception de la souffrance.
    La souffrance des personnes atteintes de problèmes de santé mentale risque d'augmenter à cause de la COVID‑19. Avant la COVID, nous étions déjà confrontés à une crise caractérisée par l'augmentation des taux de maladie, l'augmentation des taux de problèmes de santé mentale et l'accès insuffisant aux soins et aux mesures de soutien. À cause de la COVID, la situation a empiré. Cela s'explique par le besoin accru de services, mais aussi par l'épuisement du personnel et la diminution de la capacité de prestation des services. Nous avons un plus grand déséquilibre entre les services fournis et les besoins.
    Si le nombre de personnes incapables d'accéder à un traitement approprié augmente, nous avons un nombre accru de personnes qui souffrent. Par conséquent, si nous avons un nombre accru de personnes qui souffrent, nous devons réfléchir à ce que cela signifie pour l'AMM et la maladie mentale.
    La COVID‑19 n'est pas le seul facteur de stress. La crise en matière d'abordabilité et les restrictions des dépenses publiques auront une incidence sur la souffrance des personnes atteintes de problèmes de santé mentale, car elles font des évaluations et des comparaisons irréalistes de la situation dans laquelle elles se trouvent par rapport aux autres. À mesure que le filet de sécurité sociale est soumis à des pressions et que le problème de l'abordabilité s'accentue, la souffrance perçue peut augmenter.
    Il y a aussi l'inégalité raciale. Nous savons tous que la COVID‑19 a durement touché les Autochtones, les Noirs et les autres groupes racialisés, mais ces groupes étaient déjà mal desservis par les services de santé mentale. Ces disparités risquent de s'accentuer. Ils sont également moins susceptibles d'obtenir le soutien social dont ils ont besoin. Là encore, nous avons une augmentation différentielle de la souffrance.
    Jusqu'à présent, aucun des rapports dont j'ai parlé n'a convenablement traité des incidences différentielles de l'AMM sur les différents groupes raciaux. Je note que le rapport de Santé Canada indique qu'il faut consulter les populations autochtones dans la mise en œuvre des mesures de sauvegarde, mais qu'il ne recommande pas que les Noirs et les autres groupes racialisés soient expressément consultés eux aussi. Je pense que c'est une erreur.
    J'estime que nous devons nous concentrer davantage sur la manière de garantir le plein accès à un soutien médical approprié et efficace à chaque personne qui a une maladie mentale comme seule maladie sous-jacente et qui envisage l'AMM. Pour l'instant, nous disons qu'ils doivent en être informés, mais la question est de savoir si nous nous assurons qu'ils ont réellement un accès complet.
    Nous devons évidemment mettre en place un système qui ne se contente pas d'offrir du soutien médical, mais qui veille également à ce que les personnes souffrant de problèmes de santé mentale ne soient pas exclues socialement, ne vivent pas dans la pauvreté et ne croient pas qu'elles n'ont pas d'avenir. Nous devons nous assurer que les personnes qui ont recours à l'AMM ont eu un accès adéquat aux mesures de soutien social.

  (1620)  

    Enfin, nous devons veiller à ce que ce groupe, nos groupes d'experts et les autres groupes qui réfléchissent à la loi sur l'AMM s'engagent pleinement et de manière réfléchie auprès des Noirs et des autres groupes racialisés à prendre en compte leurs besoins dans les lois transformationnelles dont nous parlons.
    Dans l'ensemble, je souhaite que nos mesures de sauvegarde garantissent que les personnes ont un accès équitable à tous les traitements et les mesures de soutien social dont elles ont besoin pour atténuer leurs souffrances. Il s'agit de veiller à ce l'AMM ne crée pas une voie de sortie pour la souffrance sociale.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, docteur McKenzie.
    Je vais laisser le député Garneau reprendre la présidence.
    Merci, sénatrice Martin.
    Nous allons passer aux questions des sénateurs. Encore une fois, chacun des trois premiers sénateurs aura quatre minutes.

[Français]

     Nous allons commencer par la sénatrice Mégie.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse au professeur McKenzie.
    Compte tenu de toutes les souffrances découlant de la COVID‑19, souffrances que nous connaissons et que vous venez de mentionner, je me demandais si des personnes défavorisées sur le plan socioéconomique, par exemple des personnes autochtones, noires ou racisées, avaient soumis des demandes d'aide médicale à mourir et si vous aviez des données à ce sujet.

[Traduction]

    Je suis psychiatre et, de toute évidence, l'AMM ne sera pas accessible aux personnes ayant des problèmes de santé mentale avant 2023. Je n'ai donc pas été en mesure de constater cela moi-même.

[Français]

    D'accord. Merci.
    J'aimerais maintenant poser une question à la Dre Masuda.
    Vous avez dit tantôt, dans votre déclaration d'ouverture, que l'aide médicale à mourir était destinée aux personnes qui allaient mourir. Or vous devez savoir que cette condition a été déboutée par la Cour dans l'affaire Truchon et Gladu c. Procureur général du Canada. Concernant l'accès à l'aide médicale à mourir, certains experts mentionnent que le fait d'exclure les personnes souffrant de troubles mentaux ou de maladies mentales constituerait une violation de leurs droits fondamentaux.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je suppose qu'on se dit que les patients, ou les Canadiens, ont le droit de choisir leur façon de vivre ou de mourir. Je ne vois pas de problème à ce que les gens aient accès à l'aide médicale à mourir en fonction de leurs valeurs fondamentales personnelles. Par contre, là où je vois un problème, c'est lorsqu'on offre l'aide médicale à mourir à des personnes qui sont en dépression et qui ne voient pas d'issue en raison des déterminants sociaux de la santé.
    Si une personne est pauvre ou isolée, elle a alors l'impression que ses souffrances n'auront pas de fin. Il faut donc s'assurer que tous ces gens ont accès à de la nourriture, à un logement et à tous les traitements nécessaires qui pourraient modifier le cours de leur maladie.

[Français]

    Me reste-t-il quelques secondes seulement?
    Il vous reste une minute.
    Ma prochaine question, à laquelle j'aimerais obtenir de brèves réponses, s'adresse à M. Krausert et à la Dre Masuda.
    Vous avez dit qu'il fallait des mesures robustes et vous avez parlé de l'évaluation multidisciplinaire. Je trouve cela intéressant, mais j'aimerais savoir si une ou deux autres mesures ont émergé de vos réflexions et de vos discussions avec vos pairs.

  (1625)  

[Traduction]

    Voulez-vous y aller en premier, docteure Masuda?
    Dans différents de mes dossiers, j'ai l'impression que la famille ou même les soignants ont forcé la main à un patient pour qu'il envisage l'aide médicale à mourir pour différentes raisons. Je crois qu'il faut aussi qu'il y ait des mesures de sauvegarde dans ce genre de situation. J'ai vu des patients à qui on a dit qu'étant donné qu'ils souffrent beaucoup, ils devraient envisager l'aide médicale à mourir. Beaucoup de patients se font dire par un médecin ou un membre de la famille ou quelqu'un d'autre que l'aide médicale à mourir est une très bonne solution pour mettre fin à leur problème.
    Je pense que nous avons vraiment besoin ici de mesures de sauvegarde de nature multidisciplinaire.
    Je vous remercie, docteure.
    Docteur McKenzie, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
    Oui. Je pense que la recommandation de Santé Canada d'avoir des équipes multidisciplinaires pour procéder à des évaluations et obtenir des renseignements connexes est sans doute ce que la science peut faire de mieux à l'heure actuelle. Dans diverses régions du monde, on opte pour une approche au cas par cas réfléchie, et je pense que c'est ce qu'on peut faire de mieux à l'heure actuelle.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous passons au sénateur Kutcher.
    Sénateur, vous avez quatre minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, et je remercie nos témoins.
    Ma première question s'adresse à M. Krausert.
    Vous avez parlé de l'aide médicale à mourir comme d'une voie vers le suicide, une façon de le légitimer. Les taux de suicide au Canada ont-ils changé considérablement après que l'aide médicale à mourir a été instaurée? Si c'était le cas, on pourrait s'attendre à des augmentations importantes des taux de suicide. Les taux de suicide ont-ils augmenté considérablement au Canada après la légalisation de l'aide médicale à mourir?
    L'accès à l'aide médicale à mourir pour troubles mentaux seulement n'a pas...
    Non, ce n'est pas là ma question. Vous ne parliez pas des troubles mentaux. Vous parliez du suicide en général en raison de l'aide médicale à mourir. Je vous pose une question sur les taux de suicide.
    Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que l'Association canadienne pour la prévention du suicide est en faveur du droit des personnes qui sont aptes à prendre une décision d'avoir accès à l'aide médicale à mourir lorsque la mort est prévisible, et nous ne tenons pas compte de ces cas. Je sais que dans d'autres pays où cela se fait, les taux de suicide n'ont pas diminué, ce qui veut dire qu'il y a eu d'autres décès en raison de l'aide médicale à mourir.
    C'est assez clair. Les taux de suicide n'ont pas diminué, à votre connaissance, lorsqu'on discutait de l'aide médicale à mourir dans l'espace public.
    Ma question s'adresse maintenant aux autres témoins et porte sur la psilocybine. Nous savons qu'on commence à mettre en place une base de données au sujet de son utilisation pour les soins palliatifs, ce qui est bien.
    Quel pourcentage des gens qui demandent l'aide médicale à mourir en raison de maladie mentale sont actuellement guéris ou stabilisés grâce à la psilocybine?
    Je m'occupe de patients qui sont en situation de détresse morale profonde en raison d'un cancer, alors il s'agit de soins palliatifs.
    C'est ce que je vous ai entendu dire, mais nous parlons de l'aide médicale à mourir, alors je vous pose cette question. Je ne veux pas que les témoins se trompent. Quel pourcentage des gens qui demandent l'aide médicale à mourir en raison de maladie mentale sont actuellement guéris ou stabilisés grâce à la psilocybine?
    Je peux vous dire que nous n'avons pas accès à la psilocybine à l'heure actuelle, alors nous ne pouvons pas nous prononcer avant d'avoir procédé à de solides essais cliniques.
    Mais aux États-Unis...
    Des essais cliniques ont été réalisés aux États-Unis et les résultats sont disponibles.
    Que disent-ils?
    En ce qui concerne les gens qui souffrent de maladie mentale chronique, et on parle de troubles anxieux et de dépression chroniques...
    Nous parlons d'aide médicale à mourir, pas seulement de troubles anxieux chroniques, car ce n'est pas l'aide médicale à mourir. Les gens qui demandent l'aide médicale à mourir...
    Non, cela s'applique à la maladie mentale chronique.
    Ce n'est pas l'aide médicale à mourir. Nous parlons de l'aide médicale à mourir, alors concentrons-nous sur ce sujet. Chez les gens qui demandent l'aide médicale à mourir — c'est la question —, quelles sont les preuves que la psilocybine est un traitement efficace pour eux?
    Eh bien, nous n'avons pas l'information, car...

  (1630)  

    Nous ne le savons pas, donc.
    ... nous n'avons pas encore de patients souffrant de maladie mentale chronique qui demandent l'aide médicale à mourir.
    Très bien, alors nous n'avons pas cette information. Vous nous parlez de situations très hypothétiques et vous extrapolez, à partir de l'usage fait pour les soins palliatifs et la démoralisation, aux gens pour qui la seule condition sous-jacente est un trouble mental.
    Non, parce qu'il existe des preuves cliniques aux États-Unis qui disent que la MDMA et la psilocybine sont des traitements efficaces contre la maladie mentale chronique aussi.
    Non, mais pour les gens qui demandent l'aide médicale à mourir.
    Eh bien, nous ne le savons pas, parce que les gens qui souffrent de maladie mentale chronique ne peuvent pas encore demander l'aide médicale à mourir.
    Voilà. Il est important de mentionner que nous n'avons pas de preuve et que vous extrapolez à partir d'autres données.
    Docteur McKenzie, vous soulevez de très bons points, et il est bien entendu essentiel de prendre en compte les déterminants sociaux de la santé. D'après vous, les gens qui demandent l'aide médicale à mourir et se trouvent dans une situation précaire, qui font partie de minorités ou sont racialisés — les gens faisant partie de ces groupes — devraient-ils se voir offrir ces interventions dans le cadre de l'évaluation relative à l'aide médicale à mourir?
    Oui. Je pense que nous devons dans toute la mesure du possible tenter d'alléger la souffrance des gens. Mon opinion diffère probablement des autres témoins, car j'ai vu beaucoup de souffrance au cours de mes 30 ans de carrière comme psychiatre, et je ne veux pas que les gens souffrent inutilement, alors je suis en faveur d'un équilibre entre les droits des gens de prendre leurs propres décisions et ce que l'État peut raisonnablement leur offrir. Je souhaiterais que l'offre soit la plus vaste possible, mais dans une démocratie, tout le monde ne peut pas tout avoir. Nous le savons, alors je crois qu'il faut trouver un équilibre.
    Je suis toujours très heureux d'entendre des gens parler très positivement des possibilités offertes par des traitements miracles en psychiatrie, mais depuis 30 ans, j'ai vu bien des traitements miracles se succéder et je vois encore beaucoup de souffrance en santé mentale. Je me concentre sur les déterminants sociaux de la santé, car on peut améliorer certains d'entre eux.
    Très bien. Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie, docteur.
    Je vous remercie aussi, sénateur.
    Nous passons maintenant à la sénatrice Wallin.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Si je peux me permettre, j'ai une petite question pour la Dre Masuda.
    Vous avez mentionné — et nous l'avons parfois entendu de la bouche d'autres témoins également — qu'on propose l'aide médicale à mourir pour remédier à des problèmes psychologiques, psychiatriques ou sociaux, etc. Avez-vous des preuves ou le nom d'un médecin ou d'un fournisseur de l'aide médicale à mourir qui a offert cette aide, sans suivre la procédure, à quelqu'un qui se sentait simplement déprimé ou qui était sans domicile?
    Je suis désolée, mais je ne peux pas vous entendre.
    Docteure Masuda, nous voyons que vous n'êtes pas en sourdine, mais nous ne pouvons pas vous entendre.
    D'accord.
    Monsieur le président, si je peux obtenir... Je répète qu'il s'agit d'un thème récurrent, mais lorsque des déclarations de ce genre sont faites, il serait très utile pour le Comité d'obtenir des preuves concrètes, car, et je crois l'avoir déjà mentionné, si des gens ne suivent pas la procédure, ils contreviennent clairement à la loi, alors nous devrions en être informés.
    Si je peux me permettre, je vais passer au Dr McKenzie. Nous avons entendu des témoins nous dire — et les statistiques le montrent — que les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir sont habituellement de race blanche, bien nanties et consentantes. Êtes-vous d'avis que ce n'est pas une possibilité ou un choix que se voient offrir les membres d'autres groupes, comme les minorités qui font face à beaucoup de problèmes sociaux?
    Non, ce n'est pas...
    Je vous remercie. Je voulais simplement obtenir cette précision.
    Je suis d'avis que la majorité des renseignements que nous avons actuellement sur l'aide médicale à mourir... eh bien, il n'y a pas de précédent, bien entendu, et il n'y a pas encore de constante au sujet du nombre de personnes qui vont éventuellement obtenir l'aide médicale à mourir au Canada.
    Des modifications vont également être apportées à la loi, de même qu'aux lignes directrices et aux mesures de sauvegarde, si bien que nous ne savons pas trop ce qui en résultera. Je ne voudrais pas qu'on en arrive au point où, parce qu'on n'en a pas fait assez, l'aide médicale à mourir devienne un exutoire pour la souffrance sociale. Je ne pense pas que nous en soyons là, mais je ne veux pas que cela arrive, alors il faut garder cela en tête. Cela ne veut pas dire que des données nous montrent que nous avons un grand nombre d'Autochtones ou de personnes racialisées ou à faible revenu qui demandent l'aide médicale à mourir en ce moment.

  (1635)  

    Non. Les statistiques disent en fait le contraire.
    Quels types de mesures de sauvegarde proposez-vous dans ce cas? Avons-nous des outils qui nous aideraient, selon vous, à éviter de nous engager sur cette pente glissante?
    Eh bien, je ne suis pas certain que ce soit une pente glissante, mais je veux m'assurer que nous gardons cela à l'esprit dans nos réflexions. Tout comme on a tendance à dire qu'il faut s'assurer que chacun a accès à tous les traitements dont il a besoin, je voulais signaler qu'il serait bon de s'assurer aussi qu'on procède à une évaluation sociale en bonne et due forme et qu'une personne a accès à tous les types de soutien social dont elle a besoin.
    Je ne fais pas de grandes déclarations, et je sais qu'il existe d'énormes différences. Je sais seulement que les besoins qui s'en viennent en santé mentale seront fort différents en raison de ce que nous vivons, et je ne voudrais pas que nous soyons pris au dépourvu. Il faut donc en tenir compte et essayer d'avoir un regard prospectif et non pas se concentre seulement les problèmes actuels.
    D'accord. Vous faites donc un lien direct avec la situation de la COVID.
    Eh bien, il y a le problème de la COVID mais aussi le fait que des pays comme le Royaume-Uni ont connu la baisse la plus importante de leur niveau de vie depuis 1950 en raison du climat économique et de la possibilité que la guerre s'étende. Il n'y a pas que la COVID, à mon avis. Nous avons des vents de face, comme les changements climatiques, nos importants problèmes économiques, dont nous devrions nous préoccuper. Nous savons que cela aura des répercussions sur les taux de souffrance et la perception de la souffrance.
    C'était le signal que j'essayais d'envoyer et non pas autre chose. J'essayais d'avoir une approche équilibrée. Si j'avais eu plus de temps, je pense que j'aurais sans doute été plus humble dans mon analyse.
    Il était simplement important de clarifier cela, et je vous en remercie.

[Français]

    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    La parole est à vous, monsieur Arseneault.
    Je ne voulais pas interrompre la sénatrice Wallin. Cependant, à mon avis, elle a posé une question importante à la Dre Masuda, qui ne pouvait pas y répondre.
    Est-ce que la Dre Masuda peut s'engager à répondre au Comité par l'entremise de la greffière?
    C'est justement ce que j'allais proposer.
    Merci, monsieur Arseneault.

[Traduction]

    Docteure Masuda, en raison des problèmes techniques, vous n'avez pas pu répondre à la question de la sénatrice Wallin. Nous aimerions recevoir une réponse écrite à sa question. Pouvez-vous nous faire un signe pour nous dire que vous le ferez? D'accord. Je vous remercie beaucoup.
    Nous passons maintenant à la sénatrice Martin pendant trois minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie aussi tous les témoins.
    Monsieur Krausert, pouvez-vous nous expliquer la position de votre association sur la capacité d'une personne qui souffre d'une maladie mentale ou de troubles mentaux de demander l'aide médicale à mourir? Pouvez-vous nous expliquer en quoi consisterait une divulgation complète pour garantir un consentement éclairé?
    Je pense que la question de la capacité doit être évaluée par le médecin, en tenant compte bien évidemment de la condition dont souffre la personne. Quand on parle de troubles mentaux, selon mon expérience, cela influe sur la capacité.
    Au sujet de la divulgation complète, je crois que la divulgation doit être assortie d'une condition particulière, par exemple, qu'il existe entre 0 et 100 % de chance que la condition soit irrémédiable, parce que nous n'avons pas les données. Je ne sais pas comment on pourrait conclure subjectivement quand on n'a pas de données objectives à l'appui. Je pense qu'il faut que ce genre de divulgation soit faite. Comme il est mentionné dans le rapport, il faut qu'il y ait une vision commune subjective, en quelque sorte, sur ces questions entre le praticien et le patient. C'est une question tellement subjective.
    On fait des pieds et des mains dans le Code criminel pour protéger les innocents. Il faut prouver qu'une personne est coupable, même si cela signifie que des coupables échapperont à la justice. J'estime que des mesures de sauvegarde doivent être en place afin que ceux qui le regretteraient et tous ceux touchés... Il ne faut pas oublier l'onde de choc chez les amis, les collègues, les proches. Chaque décès a des conséquences énormes. Ce n'est pas une décision qui touche seulement la personne. Elle touche toute la communauté. Nous devons veiller à ce que ces mesures de sauvegarde soient en place.

  (1640)  

    Je vous remercie beaucoup, et je vous remercie aussi de nous avoir fait part de votre expérience personnelle. Nous avons vraiment besoin d'entendre ce genre de point de vue. Votre voix était très importante aujourd'hui.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Le coprésident (L'hon. Marc Garneau): Je vous remercie, sénatrice Martin.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Monsieur Cooper, allez‑y.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je sais qu'il est prévu que nous passions à huis clos pour examiner deux motions, mais je dirais, simplement pour gagner du temps et éviter d'avoir à se reconnecter, qu'il serait avantageux de ne pas passer à huis clos. Pour ce qui est de ma motion, à tout le moins, je crois qu'il serait bien d'en discuter en public.
    La motion demande que le Comité consacre six heures à étudier l'efficacité, la conformité et l'applicabilité des mesures de sauvegarde existantes sous les régimes des projets de loi C‑14 et C‑7.
    Je vous remercie, monsieur Cooper. Nous avons déjà pris la décision de discuter des motions et d'autres affaires à huis clos.
    Monsieur le président, je voudrais simplement présenter la motion que l'on examine ma motion en public et non à huis clos.
    Très bien. Mettons votre motion aux voix.
    J'aimerais que les membres du Comité lèvent la main s'ils...
    Monsieur le président, je demande un vote par appel nominal.
    Nous allons avoir un vote par appel nominal, très bien.
    Que ceux qui sont en faveur de la motion de M. Cooper veuillent bien lever la main.
    J'ai demandé un vote par appel nominal.
     Monsieur le greffier, veuillez procéder à l'appel.
    Monsieur le président, je dois vous informer qu'il est contraire au Règlement de proposer une motion lors d'un rappel au Règlement.
    C'est bien que vous me le rappeliez. Je vous remercie, monsieur le greffier.
    Je crains que votre rappel au Règlement soit irrecevable, monsieur Cooper.
    Avant de terminer, je veux remercier nos témoins. Nous vous sommes très reconnaissants. Au nom du Comité, je vous remercie sincèrement, monsieur Sean Krausert, docteure Masuda et docteur McKenzie. Nous sommes ravis d'avoir pu vous avoir avec nous. Même si nous avons eu quelques difficultés techniques, nous sommes très heureux d'avoir votre point de vue sur le travail important que fait le Comité.
    Sur ce, je vais suspendre la séance. Il faudra quelques minutes pour pouvoir reprendre à huis clos. Tous les membres doivent maintenant utiliser le nouveau lien pour passer à la séance à huis clos.
     Monsieur le greffier, dès que nous aurons le quorum, nous pourrons commencer notre troisième heure.
    Je vous remercie.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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