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REGS Rapport du Comité

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Annexe

Sommaire exécutif

Le Comité mixte est d’avis qu’en l’absence d’une délégation expresse de pouvoir ou d’indication claire du contraire dans la loi habilitante, l’incorporation par renvoi d’un document externe dans un règlement est justifiée seulement lorsque c’est la version à une date donnée du document qui est incorporée, par opposition à la version « avec ses modifications successives ».

Ce point de vue s’inspire de la règle interdisant la subdélégation, qui correspond au principe juridique selon lequel la personne à qui un pouvoir législatif a été délégué ne peut à son tour le déléguer à un tiers, sauf si la loi l’y autorise clairement. La position du Comité a toujours été que l’incorporation par renvoi d’un document externe « avec ses modifications successives » dans un règlement équivaut à une subdélégation du pouvoir réglementaire, étant donné que ce sera l’organisme modifiant le document incorporé, et non le titulaire du pouvoir réglementaire, qui déterminera le contenu du règlement.

Il semblerait que la position actuelle du ministère de la Justice est que l’incorporation par renvoi à caractère évolutif ne comporte aucun élément de subdélégation de pouvoirs législatifs. Cette conclusion semble être principalement fondée sur une analyse de certains arrêts de la Cour suprême du Canada portant sur l’« interdélégation » de pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux  ainsi que sur les exigences linguistiques constitutionnelles.

Dans le contexte du droit constitutionnel, le terme « délégation » s’entend de la délégation de pouvoirs fédéraux aux provinces ou de la délégation de pouvoirs provinciaux au gouvernement fédéral. Une telle délégation de pouvoirs législatifs a été jugée inconstitutionnelle par les tribunaux au motif qu’elle altère la division des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Dans le contexte de la législation déléguée, la notion de subdélégation vise le rapport entre le délégataire qui est titulaire des pouvoirs réglementaires et l’autorité qui lui a délégué ces pouvoirs. Le délégataire ne dispose que des pouvoirs conférés par le délégant. Il ne fait aucun doute que le délégant peut conférer au délégataire le pouvoir de déléguer à son tour des pouvoirs à un tiers. La question qui se pose dans chaque cas particulier est celle de savoir si un tel pouvoir a effectivement été conféré. Les questions de subdélégation sont simplement des facettes de la grande question de savoir si le délégataire agit dans les limites de ses pouvoirs.

On a aussi prétendu que l’attribution d’un pouvoir réglementaire comporte, dans tous les cas, le pouvoir d’incorporation par renvoi de documents externes avec leurs modifications successives. Ce point de vue trouverait appui dans le jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Renvoi relatif aux droits linguistiques    au Manitoba. Il s’agit d’une instance concernant le respect des exigences linguistiques constitutionnelles dans les documents incorporés par renvoi. Le ministère de la Justice a soutenu que les mêmes motifs qui justifieraient l’incorporation par renvoi de documents externes établis dans une seule langue officielle justifieraient aussi l’incorporation par renvoi évolutif de documents externes dans les règlements, indépendamment du libellé de la disposition habilitante applicable. C’est accordé au raisonnement de la Cour une portée qu’il n’a tout simplement pas.

Plusieurs décisions judiciaires qui s’ajoutent à celles déjà mentionnées ont été citées au soutien de la position du gouvernement. Aucune ne peut servir à soutenir la thèse voulant que le délégataire puisse avoir recours à l’incorporation par renvoi évolutif dans tous les cas. Il importe également de souligner qu’il existe des décisions de tribunaux canadiens qui ont reconnu qu’une incorporation par renvoi évolutif constituait une subdélégation illégale de pouvoirs.

Un autre argument qui va à l’encontre de la position du gouvernement est le fait que le Parlement a, dans de nombreuses lois, expressément conféré le pouvoir de prendre des règlements qui incorporent des documents externes « avec leurs modifications successives ». Accepter la position du ministère amènerait à conclure que cette disposition est tout à fait superflue.

Le Comité mixte se doit de conclure      que l’incorporation par renvoi de documents externes « avec leurs modifications successives » dans les règlements devrait, en l’absence d’une habilitation expresse, être considérée comme illégale. La seule question qui se pose est de savoir si, dans chaque cas particulier, le délégataire s’est vu accorder le pouvoir de procéder à l’incorporation par renvoi évolutif. Il ne s’agit pas de savoir si cela constitue une subdélégation, mais plutôt de savoir si le Parlement a autorisé une telle subdélégation.

Il n’est pas inhabituel que certaines lois accordent expressément le pouvoir de prendre des règlements qui incorporent     des documents externes « avec leurs modifications successives ». Dans certains pays, on a franchi un pas de plus en édictant une règle générale permettant l’incorporation par renvoi. D’autres pays ont légiféré pour interdire expressément l’incorporation par renvoi évolutif en l’absence d’une autorisation explicite. Lorsqu’on évalue l’opportunité d’adopter ce genre d’approche générale, il faudrait    se rappeler que la technique de l’incorporation par renvoi, lorsqu’elle permet l’incorporation de documents avec leurs modifications successives, signifie que le délégué du Parlement est en réalité autorisé à choisir une autre personne ou un autre organisme pour exercer à sa place une partie de son pouvoir de légiférer. D’un autre côté, on pourrait tirer la conclusion qu’il y aurait peu d’opposition à l’édiction d’une disposition générale permettant l’incorporation par renvoi évolutif, à condition que l’incorporation par renvoi de documents « avec leurs modifications successives » ait trait à des catégories de documents ou de textes qui ne contiennent pas de dispositions de fond et qu’elle se limite à l’incorporation de textes tels que des normes techniques.

L’incorporation par renvoi soulève aussi des préoccupations en matière d’accès au droit; en effet, bien que le document incorporé fasse partie du règlement, le texte comme tel n’est pas reproduit dans le règlement. Ces préoccupations sont encore plus vives dans les cas où le document     est incorporé « avec ses modifications successives », puisque les justiciables pourront trouver difficile de déterminer avec exactitude la version qui s’applique à une date donnée. Lorsque l’incorporation par renvoi évolutif est permise, des dispositions devraient être prises pour exiger de l’autorité réglementante qu’elle veille à ce que la version à jour du document incorporé, ainsi que toutes      ses versions antérieures également incorporées, soient facilement accessibles au public.