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Projet de loi C-46

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2e session, 35e législature,
45-46 Elizabeth II, 1996-97

Chambre des communes du Canada

PROJET DE LOI C-46

Loi modifiant le Code criminel (communication de dossiers dans les cas d'infraction d'ordre sexuel)

Attendu :

Préambule

    que les cas de violence et d'exploitation sexuelles au sein de la société canadienne continuent de préoccuper sérieusement le Parlement du Canada, et, en particulier, la fréquence des agressions sexuelles contre les femmes et les enfants;

    que le Parlement du Canada reconnaît que la violence a des effets particulièrement néfastes sur les chances d'égalité des femmes et des enfants au sein de la société et sur leurs droits à la sécurité de leur personne, à la vie privée ou au même bénéfice de la loi qui sont garantis par les articles 7, 8, 15 et 28 de la Charte canadienne des droits et libertés;

    qu'il entend promouvoir et contribuer à assurer la pleine protection des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés pour tous, y compris ceux qui sont accusés de violence ou d'exploitation sexuelles et ceux qui sont ou pourraient devenir des victimes de violence ou d'exploitation sexuelles;

    que les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés le sont pour tous et qu'en cas de conflit, l'équilibre entre eux doit être assuré dans la mesure du possible;

    que le Parlement du Canada souhaite encourager la dénonciation des cas de violence ou d'exploitation sexuelles et faire en sorte que leur poursuite s'effectue dans un cadre juridique compatible avec les principes de la justice fondamentale et équitable à la fois à l'égard des plaignants et des accusés;

    qu'il reconnaît que l'obligation de communiquer des renseignements personnels peut avoir un effet dissuasif sur la dénonciation d'agressions sexuelles et sur le recours aux traitements, thérapies ou services de consultation nécessaires;

    qu'il reconnaît que le travail de ceux qui fournissent de l'aide et des services aux victimes d'agressions sexuelles est entravé par l'obligation de communiquer des renseignements personnels et par la procédure qui oblige à cette communication;

    qu'il reconnaît que si la communication de renseignements personnels au tribunal et à l'accusé peut être nécessaire à une défense pleine et entière de l'accusé, elle peut aussi constituer une atteinte au droit à la vie privée et à l'égalité de la personne qu'ils concernent et que, de ce fait, la décision de l'accorder ne devrait être rendue qu'avec prudence,

Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte :

L.R., ch. C-46; L.R., ch. 2, 11, 27, 31, 47, 51, 52 (1er suppl.), ch. 1, 24, 27, 35 (2e suppl.), ch. 10, 19, 30, 34 (3e suppl.), ch. 1, 23, 29, 30, 31, 32, 40, 42, 50 (4e suppl.); 1989, ch. 2; 1990, ch. 15, 16, 17, 44; 1991, ch. 1, 4, 28, 40, 43; 1992, ch. 1, 11, 20, 21, 22, 27, 38, 41, 47, 51; 1993, ch. 7, 25, 28, 34, 37, 40, 45, 46; 1994, ch. 12, 13, 38, 44; 1995, ch. 5, 19, 22, 27, 29, 32, 39, 42

1. Le Code criminel est modifié par adjonction, après l'article 278, de ce qui suit :

278.1 Pour l'application des articles 278.2 à 278.9, « dossier » s'entend de toute forme de document contenant des renseignements personnels pour lesquels il existe une attente raisonnable en matière de protection de la vie privée, notamment : le dossier médical, psychiatrique ou thérapeutique, le dossier tenu par les services d'aide à l'enfance, les services sociaux ou les services de consultation, le dossier relatif aux antécédents professionnels et à l'adoption, le journal intime et le document contenant des renseignements personnels et protégé par une autre loi fédérale ou une loi provinciale. N'est pas visé par la présente définition le dossier qui est produit par un responsable de l'enquête ou de la poursuite relativement à l'infraction qui fait l'objet de la procédure.

Définition de « dossier »

278.2 (1) Dans les poursuites pour une infraction mentionnée ci-après, ou pour plusieurs infractions dont l'une est une infraction mentionnée ci-après, un dossier se rapportant à un plaignant ou à un témoin ne peut être communiqué à l'accusé que conformément aux articles 278.3 à 278.91 :

Communica-
tion d'un dossier à l'accusé

    a) une infraction prévue aux articles 151, 152, 153, 155, 159, 160, 170, 171, 172, 173, 210, 211, 212, 213, 271, 272 ou 273;

    b) une infraction prévue aux articles 144, 145, 149, 156, 245 ou 246 du Code criminel, chapitre C-34 des Statuts revisés du Canada de 1970, dans sa version antérieure au 4 janvier 1983;

    c) une infraction prévue aux articles 146, 151, 153, 155, 157, 166 ou 167 du Code criminel, chapitre C-34 des Statuts revisés du Canada de 1970, dans sa version antérieure au 1er janvier 1988.

(2) L'article 278.1, le présent article et les articles 278.3 à 278.91 s'appliquent même si le dossier est en la possession ou sous le contrôle du poursuivant, sauf si le plaignant ou le témoin auquel il se rapporte a expressément renoncé à l'application de ces articles.

Application

(3) Le poursuivant qui a en sa possession ou sous son contrôle un dossier auquel s'applique le présent article doit en informer l'accusé mais il ne peut, ce faisant, communiquer le contenu du dossier.

Obligation d'informer

278.3 (1) L'accusé qui veut obtenir la communication d'un dossier doit en faire la demande au juge qui préside ou présidera son procès.

Demande de communica-
tion de dossiers

(2) Il demeure entendu que la demande visée au paragraphe (1) ne peut être faite au juge ou juge de paix qui préside une autre procédure, y compris une enquête préliminaire.

Précision

(3) La demande de communication est formulée par écrit et donne :

Forme et contenu

    a) les précisions utiles pour reconnaître le dossier en cause et le nom de la personne qui l'a en sa possession ou sous son contrôle;

    b) les motifs qu'invoque l'accusé pour démontrer que le dossier est vraisemblablement pertinent quant à un point en litige ou à l'habileté d'un témoin à témoigner.

(4) Les affirmations ci-après, individuellement ou collectivement, ne suffisent pas en soi à démontrer que le dossier est vraisemblablement pertinent quant à un point en litige ou à l'habileté d'un témoin à témoigner :

Insuffisance des motifs

    a) le dossier existe;

    b) le dossier se rapporte à un traitement médical ou psychiatrique ou une thérapie suivis par le plaignant ou le témoin ou à des services de consultation auxquels il a recours ou a eu recours;

    c) le dossier porte sur l'événement qui fait l'objet du litige;

    d) le dossier est susceptible de contenir une déclaration antérieure incompatible faite par le plaignant ou le témoin;

    e) le dossier pourrait se rapporter à la crédibilité du plaignant ou du témoin;

    f) le dossier pourrait se rapporter à la véracité du témoignage du plaignant ou du témoin étant donné que celui-ci suit ou a suivi un traitement psychiatrique ou une thérapie, ou a recours ou a eu recours à des services de consultation;

    g) le dossier est susceptible de contenir des allégations quant à des abus sexuels commis contre le plaignant par d'autres personnes que l'accusé;

    h) le dossier se rapporte à l'activité sexuelle du plaignant avec l'accusé ou un tiers;

    i) le dossier se rapporte à l'existence ou à l'absence d'une plainte spontanée;

    j) le dossier se rapporte à la réputation sexuelle du plaignant;

    k) le dossier a été produit peu après la plainte ou l'événement qui fait l'objet du litige.

(5) L'accusé signifie la demande au poursuivant, à la personne qui a le dossier en sa possession ou sous son contrôle, au plaignant ou au témoin, selon le cas, et à toute autre personne à laquelle, à sa connaissance, le dossier se rapporte, au moins sept jours avant l'audience prévue au paragraphe 278.4(1) ou dans le délai inférieur autorisé par le juge dans l'intérêt de la justice. Dans le cas de la personne qui a le dossier en sa possession ou sous son contrôle, une assignation à comparaître, rédigée selon la formule 16.1, doit lui être signifiée, conformément à la partie XXII, en même temps que la demande.

Signification de la demande

(6) Le juge peut ordonner à tout moment que la demande soit signifiée à toute personne à laquelle, à son avis, le dossier se rapporte.

Signification à d'autres personnes

278.4 (1) Le juge tient une audience à huis clos pour décider si le dossier devrait être communiqué au tribunal pour que lui-même puisse l'examiner.

Audience à huis clos

(2) La personne qui a le dossier en sa possession ou sous son contrôle, le plaignant ou le témoin, selon le cas, et toute autre personne à laquelle le dossier se rapporte peuvent comparaître et présenter leurs arguments à l'audience mais ne peuvent être contraints à témoigner.

Droit de présenter des observations et incontrai-
gnabilité

(3) Aucune ordonnance de dépens ne peut être rendue contre une personne visée au paragraphe (2) en raison de sa participation à l'audience.

Dépens

278.5 (1) Le juge peut ordonner à la personne qui a le dossier en sa possession ou sous son contrôle de le communiquer, en tout ou en partie, au tribunal pour examen par lui-même si, après l'audience, il est convaincu de ce qui suit :

Ordonnance

    a) la demande répond aux exigences formulées aux paragraphes 278.3(2) à (6);

    b) l'accusé a démontré que le dossier est vraisemblablement pertinent quant à un point en litige ou à l'habileté d'un témoin à témoigner;

    c) la communication du dossier sert les intérêts de la justice.

(2) Pour décider s'il doit rendre l'ordonnance prévue au paragraphe (1), le juge prend en considération les effets bénéfiques et préjudiciables qu'entraînera sa décision, d'une part, sur le droit de l'accusé à une défense pleine et entière et, d'autre part, sur le droit à la vie privée et à l'égalité du plaignant ou du témoin, selon le cas, et de toute autre personne à laquelle le dossier se rapporte et, en particulier, tient compte des facteurs suivants :

Facteurs à considérer

    a) la mesure dans laquelle le dossier est nécessaire pour permettre à l'accusé de présenter une défense pleine et entière;

    b) sa valeur probante;

    c) la nature et la portée de l'attente raisonnable au respect de son caractère privé;

    d) la question de savoir si sa communication reposerait sur une croyance ou un préjugé discriminatoire;

    e) le préjudice possible à la dignité ou à la vie privée de toute personne à laquelle il se rapporte;

    f) l'intérêt qu'a la société à ce que les infractions d'ordre sexuel soient signalées;

    g) l'intérêt qu'a la société à ce que les plaignants, dans les cas d'infraction d'ordre sexuel, suivent des traitements;

    h) l'effet de la décision sur l'intégrité du processus judiciaire.

278.6 (1) Dans les cas où il a rendu l'ordonnance visée au paragraphe 278.5(1), le juge examine le dossier ou la partie en cause en l'absence des parties pour décider si le dossier devrait, en tout ou en partie, être communiqué à l'accusé.

Examen du dossier par le juge

(2) Le juge peut tenir une audience à huis clos s'il l'estime utile pour en arriver à la décision visée au paragraphe (1).

Possibilité d'une audience

(3) Les paragraphes 278.4(2) et (3) s'appliquent à toute audience tenue en vertu du paragraphe (2).

Application de certaines dispositions

278.7 (1) S'il est convaincu que le dossier est en tout ou en partie vraisemblablement pertinent quant à un point en litige ou à l'habileté d'un témoin à témoigner et que sa communication sert les intérêts de la justice, le juge peut ordonner que le dossier - ou la partie de celui-ci qui est vraisemblablement pertinente - soit, aux conditions qu'il fixe éventuellement en vertu du paragraphe (3), communiqué à l'accusé.

Communica-
tion du dossier

(2) Pour décider s'il doit rendre l'ordonnance prévue au paragraphe (1), le juge prend en considération les effets bénéfiques et préjudiciables qu'entraînera sa décision, d'une part, sur le droit de l'accusé à une défense pleine et entière et, d'autre part, sur le droit à la vie privée et à l'égalité du plaignant ou du témoin, selon le cas, et de toute autre personne à laquelle le dossier se rapporte et, en particulier, tient compte des facteurs mentionnés aux alinéas 278.5(2)a) à h).

Facteurs à considérer

(3) Le juge peut assortir l'ordonnance de communication des conditions qu'il estime indiquées pour protéger l'intérêt de la justice et, dans la mesure du possible, les intérêts en matière de droit à la vie privée et d'égalité du plaignant ou du témoin, selon le cas, et de toute personne à laquelle le dossier se rapporte, notamment :

Conditions

    a) établissement, selon ses instructions, d'une version révisée du dossier;

    b) communication d'une copie, plutôt que de l'original, du dossier;

    c) interdiction pour l'accusé et son avocat de divulguer le contenu du dossier à quiconque, sauf autorisation du tribunal;

    d) interdiction d'examiner le contenu du dossier en dehors du greffe du tribunal;

    e) interdiction de la production d'une copie du dossier ou restriction quant au nombre de copies qui peuvent en être faites;

    f) suppression de renseignements sur toute personne dont le nom figure dans le dossier, tels l'adresse, le numéro de téléphone et le lieu de travail.

(4) Dans les cas où il ordonne la communication d'un dossier en tout ou en partie à l'accusé, le juge ordonne qu'une copie du dossier ou de la partie soit donnée au poursuivant, sauf s'il estime que cette mesure serait contraire aux intérêts de la justice.

Copie au poursuivant

(5) Les dossiers - ou parties de dossier - communiqués à l'accusé dans le cadre du paragraphe (1) ne peuvent être utilisés dans une autre procédure.

Restriction quant à l'usage des dossiers

(6) Sauf ordre contraire d'un tribunal, tout dossier - ou toute partie d'un dossier - dont le juge refuse la communication à l'accusé est scellé et reste en la possession du tribunal jusqu'à l'épuisement des voies de recours dans la procédure contre l'accusé; une fois les voies de recours épuisées, le dossier - ou la partie - est remis à la personne qui a droit à la possession légitime de celui-ci.

Garde des dossiers non communiqué s à l'accusé

278.8 (1) Le juge est tenu de motiver sa décision de rendre ou refuser de rendre l'ordonnance prévue aux paragraphes 278.5(1) ou 278.7(1).

Motifs

(2) Les motifs de la décision sont à porter dans le procès-verbal des débats ou, à défaut, à donner par écrit.

Forme

278.9 (1) Il est interdit de publier dans un journal, au sens de l'article 297, ou de diffuser à la radio ou à la télévision :

Diffusion interdite

    a) le contenu de la demande présentée en application de l'article 278.3;

    b) tout ce qui a été dit ou présenté en preuve à l'occasion de toute audience tenue en vertu du paragraphe 278.4(1) ou 278.6(2);

    c) la décision rendue sur la demande dans le cadre des paragraphes 278.5(1) ou 278.7(1) et les motifs mentionnés à l'article 278.8, sauf si le juge rend une ordonnance autorisant la publication ou diffusion après avoir pris en considération l'intérêt de la justice et le droit à la vie privée de la personne à laquelle le dossier se rapporte.

(2) Quiconque contrevient au paragraphe (1) commet une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Infraction

278.91 Pour l'application des articles 675 et 676, la décision rendue en application des paragraphes 278.5(1) ou 278.7(1) est réputée constituer une question de droit.

Appel

2. Le paragraphe 699(6) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

(5.1) Par dérogation aux paragraphes (1) à (5), dans le cas des infractions visées au paragraphe 278.2(1), l'assignation à comparaître requérant un témoin d'apporter un dossier dont la communication est régie par les articles 278.1 à 278.91 doit être émise et signée par un juge.

Infractions d'ordre sexuel

(6) Sous réserve du paragraphe (7), une assignation lancée en vertu de la présente partie peut être rédigée selon la formule 16.

Formule